Carte bathymétrique de l'Atlantique nord-est et du golfe de Gascogne : implications cinématiques
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Bull. Soc. géol. Fr., 2004, t. 175, no 5, pp. 429-442 Carte bathymétrique de l’Atlantique nord-est et du golfe de Gascogne : implications cinématiques JEAN-CLAUDE SIBUET1, SERGE MONTI1, BENOÎT LOUBRIEU1, JEAN-PIERRE MAZÉ1 et SHIRI SRIVASTAVA2 Mots clés. – Carte bathymétrique, Atlantique nord-est, Golfe de Gascogne, Cinématique, Reconstructions, Point triple Résumé. – La nouvelle carte bathymétrique de l’Atlantique nord-est que nous proposons incorpore toutes les données mono- et multifaisceaux accessibles. Elle s’étend de l’Europe à la ride médio-atlantique et de la zone de fracture Aço- res-Gibraltar à 50oN de latitude. Le modèle numérique de terrain est au pas de 1 km. La carte publiée en annexe est en projection Mercator, au 1/2 400 000e à 41oN de latitude. Par rapport aux cartes bathymétriques déjà publiées, nous avons maintenant une bonne morphologie de détail des marges européenne et ibérique, ainsi qu’une bonne identification des trajectoires fossiles du point triple du golfe de Gascogne qui définissent l’extension géographique sensu stricto du golfe de Gascogne vers l’ouest. Le golfe de Gascogne et l’Atlantique nord-est se sont ouverts simultanément entre les chrons M0 (118 Ma) et A33o (80 Ma). Les trajectoires fossiles du point triple séparent des domaines océaniques formés entre les trois paires de plaques IB/EU, EU/NA et IB/NA (IB, Ibérie ; EU, Europe ; NA, Amérique du nord). De part et d’autre des trajectoires fossiles, les directions des rifts sont orientées différemment. Les trois branches du point triple ont été cartographiées à partir des données magnétiques, sismiques et bathymétriques. Elles sont généralement associées à une ride du substra- tum océanique dont l’expression bathymétrique est bien marquée dans les parties les plus jeunes. Les intersections des trajectoires fossiles avec les pieds de marges correspondent à des points conjugués avant l’ouverture océanique, ce qui donne une contrainte additionnelle indépendante pour établir la cinématique des trois plaques EU, IB et NA au chron M0. De plus, les rotations de l’Ibérie, déduites des paramètres de reconstructions cinématiques aux chrons A33o, M0 et M25 (156,5 Ma), sont en accord avec les données de déclinaisons paléomagnétiques de l’Ibérie stable par rapport à l’Europe. L’identification des chrons M0 et M3 (125 Ma) dans le golfe de Gascogne implique que l’épisode de rifting de la marge nord Gascogne se termine au Crétacé basal, antérieurement au chron M3, et non pas à l’Aptien supérieur comme cela était couramment admis depuis une trentaine d’années. La durée du rifting serait donc réduite à une ving- taine de millions d’années, comme Wilson et al. [2001] l’ont également suggéré pour la marge de la plaine abyssale ibé- rique. Bathymetric map of the NE Atlantic Ocean and Bay of Biscay: kinematic implications Key words. – Bathymetric map, Northeast Atlantic, Bay of Biscay, Plate kinematics, Triple junction Abstract. – The new bathymetric map of the Bay of Biscay and Northeast Atlantic Ocean is based on available conven- tional and swath bathymetric data. It extends from the European coast to the mid-Atlantic ridge in longitude and from the Azores-Gibraltar fracture zone to 50oN in latitude. Grid spacing is 1 km. The map is in Mercator projection at a 1/2,400,000 scale (41oN latitude). With respect to previously published maps, the detailed morphology of the Eurasian and Iberian continental margins is now well established. In addition, we have mapped the two fossil trajectories of the Bay of Biscay triple junction, which limit the western extension of the Bay of Biscay sensu stricto. The Bay of Biscay and Northeast Atlantic Ocean opened simultaneously, between chrons M0 (118 Ma) and 33o (80 Ma). A triple junction existed during that period. Fossil triple junctions trajectories on each of the three Eurasia (EU), Iberia (IB) and North America (NA) plates separate oceanic domains which were formed between the three plate pairs : IB/EU for the Bay of Biscay, EU/NA and IB/NA for the northern and southern portions of the Northeast Atlantic respectively. On each side of the fossil trajectories, rift directions formed between different plate pairs display different azimuths. The three triple junction branches have been identified on the basis of magnetic, seismic and bathymetric data. They are generally associated with a basement ridge which generally appears in the youngest parts of triple junc- tion branches. The intersections of fossil trajectories with the base of the continental margins correspond to conjugate points before the opening of the Bay of Biscay, giving an additional independent constraint for plate reconstructions at M0 time. In addition, rotations of Iberia as deduced from plate kinematic reconstructions at chrons A33o (80 Ma), M0 (118 Ma) and M25 (156.5 Ma), fit with those derived from paleomagnetic declination data of the stable Iberia with re- spect to EU. The identification of chrons M0 and M3 (125 Ma) in the Bay of Biscay implies that the northern Bay of Biscay margin rifting episode ended in lowermost Cretaceous instead of late Aptian as currently admitted in the litterature. The duration of the rifting episode is reduced to about 20 Ma, as it has been already suggested for the Iberian Abyssal Plain margin [Wilson et al., 2001]. 1 Ifremer Centre de Brest, Département des Géosciences Marine, B.P. 70, F29280 Plouzané (jcsibuet@ifremer.fr) 2 Geological Survey of Canada, Bedford Institute of Oceanography, P.O. Box 1006, Dartmouth, N.S., Canada, B2Y 4A2 Manuscrit déposé le 6 octobre 2003 ; accepté après révision le 29 avril 2004. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
430 SIBUET J.-C. et al. INTRODUCTION incluses dans la compilation GEBCO. Pour éviter de sur- charger le document, les routes ne figurent pas au verso de Dix ans après la publication de la carte bathymétrique de la carte générale (planche hors-texte) mais une idée de la l’Atlantique nord-est par Laughton et al. [1975] à l’échelle densité de ces routes est fournie par la carte de Laughton et du 1/2 400 000e, Lallemand et al. [1985b ; 1985a] ont pro- al. [1975] ; c) les cartes bathymétriques de détail référen- duit un nouveau document à la même échelle, dans lequel cées dans la légende de la planche hors-texte et dont la plu- les données du sondeur multifaisceaux Seabeam installé sur part des limites apparaissent au verso de la carte de le N/O Jean Charcot étaient incorporées. En 1994, une nou- l’Atlantique nord-est [Lallemand et al., 1985b ; Lallemand velle compilation bathymétrique du golfe de Gascogne au et al., 1985a], d) toutes les données du sondeur multifais- sens large était proposée [Sibuet et al., 1994]. Presque ceaux “Seabeam” acquises par le N/O Jean Charcot de 1977 30 ans après la publication de la première carte bathymé- à 1990 (empreintes bathymétriques et références de l’ori- trique détaillée de l’Atlantique nord-est, nous proposons au- gine des données au verso de la planche hors-texte). jourd’hui, toujours à la même échelle, un document de 2) Les données des sondeurs multifaisceaux des N/O synthèse homogène qui intègre les données conventionnel- l’Atalante et Le Suroît, acquises depuis 1990 (empreintes les disponibles, les données multifaisceaux acquises pour bathymétriques au verso de la planche hors-texte). l’essentiel par la flotte océanographique française (plus de 3) Les données numériques publiées concernant la topo- 60 campagnes ou transits valorisés) ainsi que les cartes de graphie (Gtopo30) [Sandwell et Smith, 1994] et des modè- détail publiées à partir de données monofaisceaux ou d’une les numériques de terrain au pas de 0,4 km pour le plateau intégration de données mono- et multifaisceaux (planche des Açores [Lourenço et al., 1998], de 0,5 km pour la marge hors-texte). Le nouveau document est également disponible, ouest portugaise [Gràcia et al., 2003], de 0,1 km pour le pour utilisation libre, sous la forme d’un modèle numérique golfe de Càdiz [Mulder et al., 2003], de 1 km pour la marge de terrain (MNT) au pas de 1 km, qui peut être facilement nord Gascogne [Bourillet et al., 1999 ; Le Suavé et al., mis à jour dans le futur. 2000] et de 3 km pour le plateau continental [Bourillet et La morphologie générale des marges et du domaine al., 2003 ; Le Suavé et al., 2000]. océanique profond ne diffère guère entre la carte de Laugh- L’intégration de ces trois types de données requiert ton et al. [1975] et le nouveau document. Les traits morpho- l’utilisation de méthodes de maillage distinctes, préalable- logiques des marges européennes sont cependant beaucoup ment à leur compilation finale. Le but de cette compilation plus précis car une grande partie des nouvelles données est le calcul d’un modèle numérique de terrain (MNT) ho- multifaisceaux concerne le domaine des marges au sens mogène dont la résolution est celle des données les plus large. Nous ne décrirons donc pas les différentes provinces pauvres, en l’occurrence celle des coupures de la compila- morphologiques largement présentées et discutées dans le tion manuelle. Nous avons adopté un pas de 1 km qui est passé [Laughton et al., 1975 ; Lallemand et al., 1985b ; Lal- fonction de la densité des données obtenues avec les son- lemand et Sibuet, 1986 ; Sibuet et al., 1994]. En revanche, deurs conventionnels et une représentation graphique à des traits morphologiques nouveaux apparaissent dans le l’échelle 1/2 400 000e (planche hors-texte), échelle des car- golfe de Gascogne et sur les marges adjacentes. Utilisées tes précédemment publiées [Laughton et al., 1975 ; Lalle- conjointement avec les nouvelles identifications des linéa- mand et al., 1985b ; Lallemand et al., 1985a ; Sibuet et al., tions magnétiques M0 (118 Ma) et M3 (125 Ma) dans le 1994]. golfe de Gascogne [Sibuet et al., 2004], ces nouvelles don- nées morphologiques permettent de contraindre la cinéma- tique d’ouverture du golfe de Gascogne et de l’Atlantique Traitement des 4 coupures de la compilation manuelle nord-est au cours du Crétacé (A33o-M0, 80-118 Ma). Les conséquences géodynamiques sont multiples. Nous avons Les isobathes au pas de 200 m ont été numérisées pour four- déjà examiné les implications de ces reconstructions sur la nir un jeu de données sous forme latitude/longitude/profon- genèse des Pyrénées [Sibuet et al., 2004]. Dans cet article deur. Ces données ont été traitées au pas de 1 km à l’aide nous proposons d’examiner les contraintes de ces recons- des modules de traitement GMT [Wessel et Smith, 1991], tructions sur l’âge du rifting de la marge continentale nord selon une technique voisine de celle développée par Fisher Gascogne. et Goodwillie [1997]. La qualité du traitement a été con- trôlée par comparaison du contourage obtenu à partir du MNT avec le contourage manuel d’origine. Il s’agit d’un PROCÉDURE : CALCUL DU MODÈLE NUMÉRIQUE processus classique de numérisation et de validation de DE TERRAIN données contourées. La carte proposée est basée sur des informations provenant de trois origines différentes : Traitement des données de sondeurs multifaisceaux 1) La compilation des données marines antérieures à L’origine (nom de la mission, année, navire et chef de mis- 1992, réalisée « manuellement » à l’échelle 1/1 200 000e sion) des données de sondeurs multifaisceaux est référencée (4 coupures) avec contourage des isobathes tous les 200 m. dans la légende de la planche hors-texte. Ces données ont Les données utilisées sont a) celles de sondeurs monofais- été traitées à l’aide du logiciel Caraïbes® [Bourillet et al., ceaux compilées et entretenues par le Service Hydrogra- 1996]. Les étapes essentielles du traitement sont : le con- phique de la Marine dans le cadre de la “General trôle, la validation et le filtrage des données. L’épuration bathymetric chart of the oceans” (GEBCO), b) les données des données aberrantes et la correction partielle des bruits monofaisceaux archivées par le SISMER (banque de don- de mesures ont été opérées par comparaison des données nées de l’Ifremer regroupant l’ensemble des données géo- brutes à un modèle numérique de référence de moyenne ré- physiques des navires océanographiques français) mais non solution. De plus, des opérations de lissage ont permis de Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE 431 corriger les défauts de données non épurées par le filtrage dans le MNT des données anciennes, plus large de 2 km par précédent. Le contrôle et la validation du modèle numérique rapport à la zone couverte par les données des sondeurs de terrain ont été établis par des statistiques de comparaison multifaisceaux. Les données récentes ont été intégrées dans avec les données brutes et un contrôle graphique. ce « trou » et la surface blanche de transition des données Le maillage des données a été établi à partir des don- anciennes aux données des sondeurs multifaisceaux a été nées épurées avec un pas de grille de 250 m. Il a été dégradé interpolée par une méthode « spline », car relativement lors de l’intégration finale de l’ensemble des données. « douce ». La zone d’interpolation de l’ordre de 2 km est cohérente avec l’échelle de restitution finale de la carte. La Données numériques publiées cohérence de cette interpolation a été contrôlée graphique- ment, par interprétation de la morphologie des zones inter- Les données topographiques Gtopo30 (pas de grille de polées et numérisation éventuelle de courbes isobathes 30 minutes, soit 0,9 km environ) ont été simplement complémentaires. Cette méthode est correcte, à condition re-maillées au pas de 1 km en vue de la compilation finale. que le résultat obtenu soit validé par rapport à la connais- Les données du plateau volcanique des Açores [Lourenço et sance de la structure et à la morphologie de la zone carto- al., 1998] ont aussi été re-maillées au pas de 1 km car un graphiée. pas initial de 400 m avait été choisi afin de faire ressortir le Les MNT « plateau continental » et topographique ont détail des données multifaisceaux. Les données du sondeur été ensuite associés au MNT précédent selon la même mé- multifaisceaux EM12 du N/O Hesperides concernant la thode. La prise en compte du trait de côte comme « iso- marge ouest ibérique au pas de 0,5 km [Gràcia et al., 2003] bathe 0 » permet d’assurer la cohérence de la continuité des et les données du sondeur multifaisceaux EM300 du N/O Le données topographiques vers les données marines. Suroît concernant le golfe de Càdiz au pas de 0,1 km [Mul- Finalement, le modèle numérique de terrain au pas de der et al., 2003] ont été re-maillées au pas de 1 km. Les 1 km permet une représentation optimale à l’échelle données de la marge nord Gascogne, acquises en grande 1/2 400 000e, avec contourage à 200 m, compatible avec la partie dans le cadre du programme “Zones Economiques Exclusives” et maillées au pas de 1 km ont été intégrées tel- résolution de l’ensemble des données. La méthode d’inté- les quelles. Les autres données prises en compte sont desti- gration utilisée permet de prévoir l’addition future de nou- nées à renseigner le plateau continental [Bourillet, 2000 ; velles données numériques. Bourillet et al., 2003] : leur résolution (3 km) est moins bonne que celle visée pour la carte, mais ces données RÉSULTATS concernent des parties d’intérêt moindre. Trajectoires fossiles du point triple du golfe Compilation des modèles numériques de terrain de Gascogne La compilation des MNT a d’abord été réalisée pour le do- Les domaines océaniques du golfe de Gascogne et de maine marin. Un traitement particulier a été nécessaire pour l’Atlantique nord-est ont été créés simultanément, entre les assurer la cohérence des données résultant de la compilation chrons 33o (80 Ma) [Srivastava et al., 1990] et M0 manuelle avec les données récentes des sondeurs multifais- (118 Ma), voire M3 (125 Ma) (échelle de Kent et Gradstein ceaux. La méthode adoptée a consisté à créer un « trou » [1986]) récemment identifiés de part et d’autre du golfe de FIG. 1. – Carte bathymétrique de l’Atlan- tique nord-est et du golfe de Gascogne en noir et blanc avec ombrage du nord-ouest. Les trajectoires AO et BO du point triple du golfe de Gascogne et de l’Atlantique nord-est délimitent l’extension occidentale sensu stricto du golfe de Gascogne. FIG. 1. – Bathymetric map of the Northeast Atlantic Ocean and the Bay of Biscay in black and white with shading from NW. Triple junction fossil trajectories AO and BO shown as solid lines give the western ex- tension of the Bay of Biscay s.s. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
432 SIBUET J.-C. et al. FIG. 2. – Données bathymétriques (issues de ce travail) superposées à la carte des anomalies magnétiques de Verhoef et al. [1996]. Contours bathymétri- ques tous les 200 m. EU, IB et NA, plaques européenne, ibérique et nord-américaine. Les trajectoires fossiles du point triple apparaissent en lignes blan- ches épaisses avec les points conjugués A et B sur les plaques EU et IB respectivement. Les pôles de rotation IB/EU au chron A33o (39,42oN, 10,91oW, –7,6o) et IB/EU au chron M0 (43,85oN, 5,83oW, –44,76o) sont représentés par de grandes croix inscrites dans des cercles blancs. O, point triple. Ligne fine blanche, transition océan-continent (OCB). Losanges blancs, identifications A33o ; carrés blancs, identifications A34 ; petites croix dans cercles blancs, identifications M0 à l’ouest et au nord de l’Ibérie ; petits cercles blancs, identifications M0 au nord du golfe de Gascogne ; triangles blancs inver- sés, identifications M3 au nord du golfe de Gascogne [Srivastava et al., 2000 ; Sibuet et al., 2004]. Les lignes noires correspondent aux structures actives depuis 80 Ma dans le domaine transitionnel du nord du golfe de Gascogne et la ligne noire avec des triangles blancs correspond au fossé marginal nord espagnol actif au moins depuis 80 Ma. FIG. 2. – Main magnetic and bathymetric features in the Bay of Biscay and the Northeast Atlantic Ocean as extracted from Verhoef et al. [1996] and this work respectively. The bathymetric contours are at 200 m interval. EU, IB and NA denote Eurasian, Iberian and North American plates, respectively. Also shown are the fossil triple junction trajectories (white thick lines) with their conjugate points A and B on the EU and IB plates; position of IB/EU pole at chron A33o (39.42oN, 10.91oW, –7.6o) and IB/EU pole at chron M0 (43.85oN, 5.83oW, –44.76o) as large crosses within circles. O, triple junction location; white thin line, ocean-continent boundary (OCB) on EU plate. White diamonds are A33o picks and white squares are A34 picks, small crosses within circles are M0 picks west and north of IB, white small dots are northern Bay of Biscay M0 picks, inverted white triangles are M3 picks [Srivastava et al., 2000; Sibuet et al., 2004]. Small and thinned black lines are features active since 80 Ma in the northern Bay of Biscay transitional domain and the black line with white triangles is the north Spanish marginal trench, also active since at least 80 Ma. Gascogne [Sibuet et al., 2004]. Un point triple était donc une expression topographique semble parfois, mais pas sys- actif pendant cette période et peut-être même antérieure- tématiquement, associée à certains tronçons de trajectoires ment, pendant la formation du domaine transitionnel du fossiles. bassin armoricain (situé au nord de l’anomalie magnétique M3) et des marges continentales adjacentes [Sibuet et Sri- La branche nord s’étend du point A (47,03 o N ; vastava, 1994]. Les trajectoires fossiles du point triple, ini- 12,26oW) au point triple fossile O, localisé à l’intersection tialement repérées par Sibuet et Collette [1991], séparent des trois linéations magnétiques A33o formées entre les les domaines océaniques formés entre les trois paires de paires de plaques EU/NA, EU/IB et IB/NA (fig. 2). La plaques NA/EU, IB/EU et IB/NA (EU, Eurasie ; NA, Amé- branche sud démarre au point B (42,79oN ; 12,80oW) et la rique du nord et IB, Ibérie) (figs. 1 et 2). Les directions des branche ouest, côté canadien, au point C (46,82 o N ; rifts du domaine océanique sont mises en évidence par les 43,03 o W). La précision sur la localisation de ces trois linéations magnétiques mais aussi par les alignements des points est de l’ordre de la vingtaine de kilomètres. Après la rides de socle, lorsque les dépôts sédimentaires ne les mas- formation des domaines transitionnels, les trois points A, B quent pas. Les trajectoires fossiles du point triple corres- et C, situés au pied des marges continentales, étaient des pondent alors aux frontières de ces domaines. Par ailleurs, points conjugués. Nous disposons donc d’une contrainte in- Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE 433 FIG. 3. – Carte bathymétrique de détail de la trajectoire sud du point triple du golfe de Gascogne. Contourage tous les 100 m. En grisé, contrôle des données multifaisceaux. Les principaux traits structuraux sont indiqués. FIG. 3. – Detailed bathymetric map of the southern branch of the triple junc- tion fossil trajectory in the Bay of Bis- cay. Contours every 100 m. In gray, swath bathymetric control. Main struc- tural elements are underlined. FIG. 4. – Carte des anomalies magnéti- ques [Verhoef et al., 1996] et contours bathymétriques [GEBCO digital atlas, 2003] dans la zone de la trajectoire fos- sile du point triple située à l’est du Bonnet Flamand. Localisation des pro- fils sismiques monotraces (IOS 293 et 294) et multitraces (38, 40 et 42) acquis au cours de la campagne Erable (1992). Les cercles noirs correspondent aux hauts topographiques associés à la tra- jectoire fossile du point triple. FIG. 4. – Main magnetic and bathyme- tric features extracted from Verhoef et al. [1996] and GEBCO digital atlas, [2003] respectively and concerning the area of the western fossil triple junction trajectory located east of Flemish Cap. IOS profiles 293 and 294 are single channel seismic profiles and 38, 40 and 42, are MCS profiles acquired during the Erable cruise (1992). Black dots correspond to topographic highs asso- ciated with the TJ trajectory. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
434 SIBUET J.-C. et al. FIG. 5a FIG. 5. – a) Profils sismiques multitraces (96 traces) Erable 38, 40 et 42 (sections temps migrées) ; b) Interprétation sommaire des profils Erable 38, 40 et 42 alignés sur la localisation de la trajectoire fos- sile du point triple. Les flêches indiquent des réflec- teurs crustaux. FIG. 5. – a) Erable MCS seismic profiles (96 chan- nels) 38, 40 and 42 (time migrated sections); b) Suc- cinct interpretation of Erable seismic sections 38, 40 and 42 aligned on the fossil triple junction trajectory. Arrows indicate crustal reflectors. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE 435 FIG. 5b dépendante pour valider les reconstructions cinématiques à l’exception de la zone située en pied de marge nord espa- l’époque de l’anomalie M0 (118 Ma) ou juste avant. Pour gnole, les sédiments, de faible épaisseur, ne masquent pas cartographier plus précisément ces trajectoires fossiles, les structures du substratum océanique, ce qui permet d’ob- nous avons utilisé non seulement les nouvelles données ba- tenir une bonne définition des directions de rifts de part et thymétriques (planche hors-texte) et les données magnéti- d’autre de la trajectoire fossile, et ce d’autant plus que la ques déjà publiées [Verhoef et al., 1996] mais aussi les couverture multifaisceaux est assez complète. La trajectoire données sismiques acquises sur la marge canadienne (cam- sud est définie par le changement abrupt de 65 degrés des pagne franco-canadienne Erable, 1992). directions de rifts qui passent de N025o pour la partie océa- nique IB/NA à N090o pour la partie océanique IB/EU. La De part et d’autre de la branche nord, les directions des trajectoire sud ne présente pas de structure morphologique rifts sont associées à des rides océaniques enfouies et aux propre. En revanche, une anomalie magnétique négative est anomalies magnétiques résultantes dues à cet effet topogra- associée à la partie nord de la trajectoire (fig. 2). La branche phique ou aux faibles inversions de la période calme cré- sud est localisée avec une précision de quelques kilomètres tacée. Les directions des rifts sont orientées N335 o au le long de la plus grande partie de sa trajectoire, sauf le long sud-ouest de la baie de Porcupine et de l’éperon de Goban des 40 km méridionaux où la trajectoire fossile est enfouie (EU/NA) et N100 o dans le nord du golfe de Gascogne sous le bassin profond du fossé marginal nord espagnol. (EU/IB) (fig. 2). Elles diffèrent donc de 55 o de part et Comme pour la trajectoire nord, la trajectoire sud s’incurve d’autre de la trajectoire fossile nord. Dans sa partie sud, la autour d’une montagne, celle de la Corogne. Cela suggère trajectoire fossile change de direction autour de la mon- que les montagnes Armorique et de la Corogne pourraient tagne Armorique (localisée sur la figure 1) et est soulignée correspondre à des structures jumelles formées simultané- par une succession de rides étroites et allongées sur 200 km ment dans le voisinage du point triple, au moment d’un de longueur jusqu’au point O (planche hors-texte et fig. 1). changement de phase cinématique significatif correspon- La branche nord est localisée avec une précision de quel- dant au changement de direction des trajectoires fossiles du ques kilomètres le long de la plus grande partie de la trajec- point triple. toire, sauf le long des 50 km nord où la trajectoire fossile est enfouie sous le bassin celtique profond. Côté canadien, la trajectoire fossile ouest sépare deux provinces magnétiques distinctes caractérisées par des li- En utilisant l’ensemble des données multifaisceaux dis- néations magnétiques orientées N330o au nord et N030o au ponibles, une compilation bathymétrique de détail a été réa- sud (fig. 4). Les directions de rifts diffèrent de 60 degrés de lisée dans la zone de la trajectoire sud (fig. 3). À chaque côté de la trajectoire fossile. Une anomalie magné- Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
436 SIBUET J.-C. et al. tique négative est associée à la partie ouest de la trajectoire. 2001], mais aussi entre les linéations magnétiques A34 du Au cours de la campagne Erable (1992), trois profils de sis- golfe de Gascogne [Sibuet et al., 1993 ; Sibuet et al., 2004]. mique multitrace (SMT) ont été acquis en domaine océa- nique, perpendiculairement à la direction de la trajectoire Reconstruction cinématique au chron M0 (118 Ma) fossile (fig. 4). Sur les trois lignes sismiques 38, 40 et 42 (fig. 5), ainsi que sur le profil IOS 293 localisé sur la figure Le pointé des anomalies magnétiques M0 identifiées par 4 (B. Whitmarsh, communication personnelle, 2003), un Srivastava et al. [1990] entre l’Ibérie et l’Amérique du nord haut du substratum océanique apparaît, enfoui sous environ a été complété par celui de Sibuet et al. [2004] dans le golfe une seconde temps double de sédiments (~ 1 km). De part et de Gascogne. Sur la reconstruction de la figure 6 (A33o), la d’autre de la trajectoire fossile ouest, les structures crusta- disposition des linéations magnétiques M0 de part et les présentent des pendages à vergence opposée, suggérant d’autre du golfe de Gascogne ainsi que la position des que le haut structural est en fait une ride topographique qui points conjugués A et B sur le même méridien suggèrent matérialise la transition entre deux domaines océaniques que le golfe de Gascogne se serait ouvert en ciseaux entre formés entre paires de plaques différentes (NA/EU et les linéations M0 et A33o (118-80 Ma), sans mouvement NA/IB). Au nord de cette ride, le fond de la mer est plat ; au transformant significatif entre les plaques IB et EU. La fi- sud, il présente un pendage vers le sud. Cela confirme que, gure 7 montre la reconstruction établie au chron M0 au moins entre les profils 38 et 42, ces hauts topographi- (118 Ma) avec les pôles de rotation IB/NA de Srivastava et ques correspondent à une ride continue, d’au moins 50 km al. [2000]. On constate que l’on a un très bon ajustement de longueur, qui joue le rôle de barrage pour les sédiments entre les linéations M0 du golfe de Gascogne et qu’il n’est venant du nord. Sur la carte bathymétrique simplifiée de la pas nécessaire de modifier les paramètres M0 IB/EU de Sri- figure 4, cette ride enfouie est associée à un changement de vastava et al. [2000] afin de rendre compte du bon ajuste- directions des isobathes. Sur le profil sismique IOS 294, le ment global. De plus, les points conjugués A, B et C se haut du substratum est associé à un changement majeur trouvent groupés dans un cercle de 25 km de rayon, suggé- dans la topographie [Sibuet et Srivastava, 1994]. Sur la base rant, par leur position très resserrée, une bonne convergence de ces nouvelles données, la ride s’étend probablement de entre les deux types de données indépendantes. chaque côté de sa portion bien définie, jusqu’au coin du Bonnet Flamand (Flemish Cap, 43oW) à l’ouest et jusqu’à Cinématique pré-chron M0 41,5oW à l’est. À l’est de 41,5oW, nous n’avons pas d’indi- En première approximation, les pôles différentiels M25-M0 cation suggérant une extension orientale de cette ride, mais (156,5-118 Ma) pour le système des trois plaques EU, NA les données magnétiques suggèrent que la trajectoire fossile et IB peuvent être calculés en utilisant les paramètres de ouest passe au niveau du changement de direction de l’ano- Srivastava et Verhoef [1992] pour M25 et de Srivastava et malie magnétique A34 (fig. 4). al. [2000] pour M0. Ces paramètres sont certainement enta- En résumé, les trois portions de trajectoire fossile sont chés d’erreur dans la mesure où le pôle NA/EU M25 a été définies avec une précision de l’ordre de quelques kilomè- déterminé à partir des résultats paléomagnétiques des cour- tres, à l’exception des 40-50 km les plus anciens des trajec- bes de dérive des pôles et le pôle M25 IB/NA en supposant toires fossiles nord et sud où la précision se dégrade à que le mouvement de l’Ibérie était proche de celui de 10-20 km. Les intersections des trajectoires fossiles avec le l’Afrique par rapport à l’Amérique du nord [Srivastava et pied des marges continentales correspondent à trois points Verhoef, 1992]. La direction du mouvement IB/NA est sen- conjugués avant la formation du domaine océanique. Bien siblement parallèle à la zone de fracture Figueras (bordure qu’il soit difficile de déterminer la position exacte des sud du banc de Galice) et perpendiculaire à la direction des points conjugués le long de chaque trajectoire, on constate linéations magnétiques identifiées dans la plaine abyssale que ces trois points conjugués correspondent aux endroits ibérique [Whitmarsh et Miles, 1995] (fig. 7). Le déplace- où chacune des trois marges change brutalement de direc- ment, de l’ordre de 350 km, correspond à l’ouverture des tion : A est à l’intersection des marges celtique et de Goban bassins de la plaine abyssale ibérique et de Terre-Neuve. Spur, B à l’angle NW du banc de Galice et C à l’angle est Les points B et C étant très proches au chron M0 (fig. 7), le du Bonnet Flamand, à l’intersection des tronçons de marges mouvement entre l’Ibérie et l’Amérique du nord corres- orientés NE et SE (fig. 6). pond, à cette latitude, à l’ouverture du bassin Intérieur entre le banc de Galice et l’Ibérie (rifting Valanginien [Murillas et al., 1990]) et à la rotation horaire du Bonnet Flamand par Reconstruction cinématique au chron A33o (80 Ma) rapport à NA [Srivastava et Verhoef, 1992]. À partir du pointé des anomalies magnétiques A33o de Sri- Au chron M0 (fig. 7), environ 200 km séparent les pieds vastava et al. [1990], complété par celui de Sibuet et al. des marges opposées du golfe de Gascogne. Cette distance [2004] dans le golfe de Gascogne, les paramètres de recons- est constante sur plus de 700 km, depuis le point triple jus- truction au chron A33o ont été recalculés (légende de la fi- qu’à l’est du golfe de Gascogne. Le bassin armoricain est gure 6). Ils sont très voisins de ceux déjà publiés situé entre la linéation M3 et le pied de la marge nord Gas- [Srivastava et al., 1990 ; Olivet, 1996 ; Sibuet et Collette, cogne, au sud-est de la terrasse de Mériadzek. Sa largeur est 1991]. La limite de plaques IB/EU post-80 Ma a été arbi- de 80 km. La croûte sous-jacente est de nature transition- trairement localisée le long du fossé nord espagnol, là où la nelle, avec présence de manteau serpentinisé surmonté subduction tertiaire s’est produite, mais nous savons qu’une d’une croûte de nature océanique de faible épaisseur [Thi- partie de la déformation est distribuée dans d’autres parties non et al., 2003]. Le bassin armoricain se prolonge au du golfe de Gascogne : au pied de la marge armoricaine, en nord-ouest de la terrasse de Mériadzek par un bassin de lar- limite sud du bassin armoricain, c’est-à-dire le long de la geur identique, dont la croûte sous-jacente pourrait être de frontière entre domaine transitionnel et océanique [Thinon, nature similaire. Au sud-ouest de cette croûte transition- Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE 437 20°W 18°W 16°W 14°W 12°W 10°W 8°W 6°W 4°W 2°W 0 FIG. 6. – Reconstruction des continents à la fin de 50°N l’ouverture du golfe de Gascogne (chron A33o, A34 A34 80 Ma) avec EU supposée fixe. Légendes des sym- boles identiques à celles de la figure 2. Pôles de ro- tation calculés dans cette étude : IB/EU (39,42oN, 10,91oW, – 7,6o, cercle blanc avec croix à l’inté- 48°N rieur) et NA/EU (66,53oN, 148,83oE, 18,90o). Le NA/EU EU pôle de rotation intermédiaire M0-A33o (IB/EU) est calculé à partir du pôle de rotation M0 de Srivastava A OCB et al. [2000]. Les trajectoires fossiles du point triple C EU/NA M3 apparaissent en lignes blanches épaisses avec les M0 46°N points conjugués A, B et C sur les plaques EU, IB et A34 EU/IB M0 NA respectivement. FIG. 6. – Part of the reconstruction of the North M0 O A34 M0-A33o Atlantic at chron A33o (80 Ma) where EU is kept IB/EU IB/EU fixed. Legends of symbols, same as in figure 2. Cal- M0 44°N culated rotation poles used are IB/EU (39.42oN, NA/IB 10.91oW, – 7.6o) and NA/EU (66.53oN, 148.83oE, IB/NA Pyr ene es 18.90o). M0-A33o stage pole for IB/EU is calcula- B ted from the M0 pole of rotation of Srivastava et al. [2000]. Also shown are the fossil triple junction 42°N trajectories (white thick lines) with their conjugate points A, B and C on the EU, IB and NA plates. M0 A33o IB/EU IB 40°N A34 A34 38°N A33o Newf oundl and-G 36°N ibralt ar FZ nT -200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 100 FIG. 7. – Reconstruction des plaques autour de l’Atlantique nord et du golfe de Gascogne au chron M25-M0 IB/EU motion M0 (118 Ma) avec EU supposée fixe. Pôles de rota- 18°W 16°W 14°W 12°W 10°W 8°W 6°W 4°W 2°W 0 tion de Srivastava et al. [2000] (IB/EU 43,85oN, 5,83oW, – 44,76o ; NA/EU 69,67oN, 154,26oE, 23,17o). Les identifications M0 ouest IB (croix dans cercles blancs) et est NA (cercles blancs) sont extrai- NA 48°N tes de Srivastava et al. [2000] ; nord IB (croix dans EU cercles blancs) et sud EU (cercles blancs) de Sibuet M25-M0 C A OCB et al. [2004]. A, B et C sont les points conjugués. Ils NA/EU motion sont localisés dans un cercle de 25 km de rayon et M3 sont supposés coïncider avant l’ouverture océanique B de l’océan Atlantique nord-est et du golfe de Gas- 46°N M0 cogne au chron M3, la portion de croûte située entre les linéations magnétiques M0 et M3 étant de nature océanique [Thinon et al., 2003]. Les mouvements re- latifs M25-M0 (lignes noires) IB/EU, IB/NA et NA/EU ont été calculés à partir des paramètres de M25-M0 M0-A33o 44°N Srivastava et Verhoef [1992] pour M25 et de Srivas- IB/NA motion IB/EU Pyr ene tava et al. [2000] pour M0. es M0 FIG. 7. – Plate reconstruction of the North Atlantic M25-M0 and Bay of Biscay at chron M0 (118 Ma) with EU IB/EU motion kept fixed. Poles are from Srivastava et al. [2000] 42°N (IB/EU 43.85oN, 5.83oW, – 44.76o; NA/EU 69.67oN, 154.26oE, 23.17o). M0 picks west of IB (crosses wi- thin white circles) and east of NA (white circles) are IB from Srivastava et al. [2000]; north of IB (crosses within white circles) and south of EU (white circles) 40°N from Sibuet et al. [2004]. A, B and C are conjugate Reconstruction points. They lie within a 25 km-radius circle and are at 118 Ma supposed to be coincident at around chron M3, as the portion of crust located between anomalies M0 and (chron M0) M3 is of oceanic type [Thinon et al., 2003]. M25-M0 38°N relative motions shown in black lines and computed nT for IB/EU, IB/NA and NA/EU are from Srivastava and Verhoef [1992] for M25 parameters and Srivastava et -200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 100 al. [2000] for M0 parameters. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
438 SIBUET J.-C. et al. nelle, une bande de 50 km de largeur se situe entre les linéa- s’est ouvert en ciseaux mais la cinématique prédit 400 km tions magnétiques M0 et M3. Les données de sismique de convergence à l’est des Pyrénées. Or, on sait que des réflexion grand angle et de réfraction ainsi que la morpho- bassins allongés se forment dans le domaine pyrénéen à logie du substratum montrent qu’elle correspond à un do- l’Albo-Aptien, ce qui est incompatible, à première vue, maine océanique typique [Thinon et al., 2003]. avec un système de plaques en convergence dans le do- Entre les chrons M25 et M0, une ouverture de l’ordre de maine pyrénéen. La solution proposée est de créer de tels 350 km orientée N171o près du point triple et N178o dans le bassins comme bassins arrière-arcs liés à la subduction de domaine pyrénéen est déduite des paramètres cinématiques la néo-Tethys, océan de plusieurs centaines de kilomètres (fig. 7). Elle correspond au rifting des marges nord ibérique de largeur créé entre les deux plaques IB et EU au Crétacé et nord Gascogne, à la formation de la croûte transitionnelle inférieur, entre les chrons M25 et M0 [Sibuet et al., 2004]. du bassin armoricain et de son prolongement nord-ouest C’est seulement après subduction de la totalité du domaine ainsi qu’à la mise en place du domaine océanique typique océanique et transitionnel de la néo-Tethys que la partie formé entre les chrons M3 et M0. Les axes des bassins continentale de la plaque IB aurait subducté. Cependant, d’âge crétacé inférieur du nord de l’Ibérie, du bassin Inté- une ré-interprétation du profil de sismique profonde rieur ainsi que les directions des principaux canyons de la ECORS ainsi que de nouvelles données tomographiques marge celtique ont probablement servi de guide aux mouve- suggèrent l’existence de deux zones de subduction à ver- ments d’extension N-S (par rapport à EU) prédits par la ci- gence sud [Sibuet et al., 2004]. Le domaine océanique et/ou nématique (fig. 7) lors de la phase de rifting des marges du continental aminci de la néo-Tethys aurait d’abord subducté golfe de Gascogne. sous l’Eurasie (slab sud), donnant simultanément naissance Il existe donc une bonne correspondance entre les direc- à des bassins arrière-arcs qui correspondraient aux bassins tions d’ouverture calculées par la cinématique proposée de l’Albo-Aptien du domaine pyrénéen. Puis, après la fer- entre les chrons M25 et M0 et la géométrie des marges et meture de cet océan, la subduction continentale se serait bassins anciens du golfe de Gascogne, même si la fermeture établie plus au nord et serait à l’origine de l’inversion tecto- entre les trois plaques peut sembler trop importante. nique de ces bassins et de la formation des Pyrénées. La deuxième implication concerne l’âge et la durée de Comparaison des données cinématiques la période de rifting des marges du golfe de Gascogne. Nous et paléomagnétiques de l’Ibérie stable allons développer ce point dans le paragraphe suivant. Nous disposons aujourd’hui de nombreuses mesures de dé- clinaison magnétique de l’Ibérie stable par rapport à l’Eu- Rifting des marges du golfe de Gascogne rope pour la période Jurassique terminal-Crétacé terminal Suite au leg DSDP 48, Montadert et al. [1979] ont suggéré (fig. 8). Globalement, la précision des mesures est infé- que le rifting de la marge nord-Gascogne commençait au rieure à la dizaine de degrés. De l’Oxfordien au Barrémien Jurassique terminal et se terminait à l’Aptien terminal. Pour supérieur, l’Ibérie ne subit pas de rotation significative par ces auteurs, le début du rifting est mal daté mais la présence rapport à l’Europe. En revanche, une rotation de l’Ibérie de débris coralliens du Kimméridgien/Portlandien au site d’environ 25 degrés dans le sens direct se produit pendant 401 et de calcaires à calpionelles du Tithonique sur la une courte période du Barrémien supérieur à l’Aptien, plate-forme continentale ibérique ainsi que la mise en évi- suivie de l’Aptien au Campanien d’une rotation d’une di- dence d’une phase d’extension généralisée en Europe et zaine de degrés dans le sens direct. Les rotations IB/EU dé- Amérique du nord au Jurassique terminal suggèrent un âge duites des paramètres cinématiques ont été calculées pour jurassique terminal pour le début du rifting. La fin de l’épi- les trois époques correspondant aux chrons M25, M0 et sode de rifting a été datée Aptien terminal et a été corrélée A33o. Nous constatons une bonne correspondance entre avec l’existence d’une “breakup unconformity” carto- données paléomagnétiques et cinématiques. Cependant, la graphiée sur toute la marge nord-Gascogne. En fait, comme distribution non linéaire des variations de la déclinaison de les forages du leg DSDP 48 implantés sur des blocs bascu- l’Ibérie par rapport à l’Europe entre l’Aptien et le Campa- lés de la marge n’ont pas permis d’atteindre les séries sédi- nien montre que la phase cinématique M0-A33o se décom- mentaires antérieures à l’Aptien terminal, la fin de pose en deux phases cinématiques distinctes. Ce changement l’épisode de rifting a été datée de façon indirecte par Mon- de phase cinématique est clairement visible aussi bien sur la tadert et al. [1979] : post chron M0 (118 Ma, Aptien infé- carte des anomalies magnétiques (fig. 6) que dans la géo- rieur) puisque l’anomalie M0 n’avait pas été identifiée à métrie des trajectoires fossiles du point triple. En effet, des cette époque dans le golfe de Gascogne et Aptien terminal deux cotés du golfe de Gascogne, le changement brutal de par analogie avec la fin du rifting de cet âge dans le bassin direction des anomalies magnétiques est localisé entre les de Parentis. linéations M0 et A33o, au tiers de la distance, coté M0 (ti- Le profil sismique de la figure 9 permet de poser le pro- rets blancs sur fig. 6) et correspond également au change- blème. La “breakup unconformity” de Montadert et al. ment de direction des trajectoires fossiles du point triple. [1979] se situe entre les formations (3) et (4). En dessous de cette limite, la série synrift (4) est constituée à la base, IMPLICATIONS d’une série hétérogène reposant sur le toit du bloc basculé. Les réflecteurs acoustiques sont sensiblement horizontaux Les implications de cette nouvelle reconstruction cinéma- vers le haut de la série (4) et il est difficile de distinguer le tique au chron M0 sont multiples. La première implication toit de la série synrift (4) de la base de la série postrift (3) concerne le domaine pyrénéen [Sibuet et al., 2004]. En ré- (fig. 9). Nous suggérons que la “breakup unconformity”, sumé, le pôle de rotation M0-A33o IB/EU étant situé au dans la mesure où une telle discontinuité est associée à la large du plateau des Landes (fig. 6), le golfe de Gascogne fin du rifting, serait plutôt localisée au toit de la série Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE 439 marquée en grisé et non à l’interface des séries (3) et (4), 3) les failles et leurs décalages associés doivent clairement comme le proposaient Montadert et al. [1979]. diminuer, voire disparaître, au niveau de la “breakup uncon- formity”. Ces critères n’ont pas été utilisés de façon systé- Plusieurs critères ont été récemment établis pour identi- matique dans les travaux de synthèse de la marge nord fier la “breakup unconformity”, lorsqu’elle existe, à la fin Gascogne [Montadert et al., 1979]. Plusieurs arguments dé- de l’épisode de rifting [Driscoll et al., 1995] : 1) celle-ci sé- veloppés par Wilson et al. [2001] sont en faveur d’une ex- pare une série qui s’épaissit à la base des failles normales tension limitée des séries synrifts et donc d’un bordant les blocs basculés, d’une série présentant une distri- vieillissement de la fin de l’épisode de rifting sur la marge bution spatiale plus étendue et une épaisseur plus uniforme de la plaine abyssale ibérique. Ces arguments s’appliquent à qui reflètent les effets de la subsidence thermique postrift ; la marge nord Gascogne : les exemples de séries en éventail 2) les failles de croissance associées aux dépôts synrifts associés au basculement des blocs continentaux pendant le sont observées en dessous de la “breakup unconformity” ; rifting de la marge nord Gascogne sont peu nombreux. De FIG. 8. – Comparaison entre les rotations de l’Ibérie par rapport à l’Europe déduites des paramètres cinématiques aux chrons M25 (156,5 Ma), M0 (118 Ma) et A33o (80 Ma) et des données paléomagnétiques de déclinaison pour l’Ibérie stable [Dinarès-Turell et Garcia-Senz, 2000], calculées pour le site de référence commun à Tremp (42,2oN, 1oE). L’ellipse d’erreur α95 est donnée pour les données paléomagnétiques. La numérotation des points corres- pond aux références des données : 1, Steiner et al. [1985], Sierra de Aguilon, (Cordillère ibérique) ; 2, Juarez et al. [1998], Cordillère ibérique ; 3, Schott et Peres [1987], nord cordillère centrale (Espagne) ; 4, Galbrun et al. [1990], Bias do Norte (Algarve) ; 5, Moreau et al. [1997], Algarve ; 6, Galdéano et al. [1989], sédiments près de Lisbonne ; 7, Vandenberg [1980], Vega del Pas (nord Espagne) ; 8, Moreau et al. [1992], Maestrat (Cordillère ibérique) ; 9, Galdéano et al. [1989], sédiments près de Lisbonne ; 10, Moreau et al. [1997], Algarve ; 11, Storetvedt et al. [1987], roches mafiques de Sintra (centre Portugal) ; 12, Van der Woo [1969], granite de Sintra (centre Portugal) ; 13, Van der Woo et Zijderveld [1971], basaltes de Lisbonne ; 14, Van der Woo [1969], syénite de Monchique (Portugal sud) ; 15, Storetvedt et al. [1990], dykes de Monchique (Portugal sud) ; 16, Dinarès-Turell et Garcia-Senz [2000], bassin d’Organya (sud Pyrénées). Remarquer la bonne correspondance entre les deux types de données et l’existence probable, suggérée par les données paléomagnétiques, de deux phases cinématiques distinctes au cours de la période M0-A33o. FIG. 8. – Comparison of rotation of Iberia with respect to Europe as deduced from kinematic parameters at chrons M25 (156.5 Ma), M0 (118 Ma) and A33o (80 Ma) and those from the paleomagnetic declinations [Dinarès-Turell and Garcia-Senz, 2000] versus time, calculated for a common reference site at Tremp (42.2oN, 1oE). The a95 error ellipse is drawn for the Iberian data. Numbers beside the points identify the sources of data: 1, Steiner et al. [1985], Sierra de Aguilon, (Iberian Range); 2, Juarez et al. [1998], Iberian Range; 3, Schott and Peres [1987], north central Spain; 4, Galbrun et al. [1990], Bias do Norte (Algarve); 5, Moreau et al. [1997], Algarve; 6, Galdéano et al. [1989], sediments near Lisbon; 7, Vandenberg [1980], Vega del Pas (northern Spain); 8, Moreau et al. [1992], Maestrat (Iberian Range); 9, Galdéano et al. [1989], sediments near Lisbon; 10, Moreau et al. [1997], Algarve; 11, Sto- retvedt et al. [1987], Sintra mafics only (central Portugal); 12, Van der Woo [1969], Sintra granit (central Portugal); 13, Van der Woo and Zijderveld [1971], Lisbon basalts; 14, Van der Woo [1969], Monchique sienite (southern Portugal); 15, Storetvedt et al. [1990], Monchique dikes (southern Portu- gal); 16, Dinarès-Turell et Garcia-Senz [2000], Organya basin (south Pyrenees). Note the good correspondance between the two types of data and the suggested existence of two kinematic phases during the M0-A33o time interval by paleomagnetic data. Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
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