Carte bathymétrique de l'Atlantique nord-est et du golfe de Gascogne : implications cinématiques

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Bull. Soc. géol. Fr., 2004, t. 175, no 5, pp. 429-442

       Carte bathymétrique de l’Atlantique nord-est et du golfe de Gascogne :
                            implications cinématiques
    JEAN-CLAUDE SIBUET1, SERGE MONTI1, BENOÎT LOUBRIEU1, JEAN-PIERRE MAZÉ1 et SHIRI SRIVASTAVA2

          Mots clés. – Carte bathymétrique, Atlantique nord-est, Golfe de Gascogne, Cinématique, Reconstructions, Point triple

          Résumé. – La nouvelle carte bathymétrique de l’Atlantique nord-est que nous proposons incorpore toutes les données
          mono- et multifaisceaux accessibles. Elle s’étend de l’Europe à la ride médio-atlantique et de la zone de fracture Aço-
          res-Gibraltar à 50oN de latitude. Le modèle numérique de terrain est au pas de 1 km. La carte publiée en annexe est en
          projection Mercator, au 1/2 400 000e à 41oN de latitude. Par rapport aux cartes bathymétriques déjà publiées, nous
          avons maintenant une bonne morphologie de détail des marges européenne et ibérique, ainsi qu’une bonne identification
          des trajectoires fossiles du point triple du golfe de Gascogne qui définissent l’extension géographique sensu stricto du
          golfe de Gascogne vers l’ouest.
                 Le golfe de Gascogne et l’Atlantique nord-est se sont ouverts simultanément entre les chrons M0 (118 Ma) et
          A33o (80 Ma). Les trajectoires fossiles du point triple séparent des domaines océaniques formés entre les trois paires de
          plaques IB/EU, EU/NA et IB/NA (IB, Ibérie ; EU, Europe ; NA, Amérique du nord). De part et d’autre des trajectoires
          fossiles, les directions des rifts sont orientées différemment. Les trois branches du point triple ont été cartographiées à
          partir des données magnétiques, sismiques et bathymétriques. Elles sont généralement associées à une ride du substra-
          tum océanique dont l’expression bathymétrique est bien marquée dans les parties les plus jeunes. Les intersections des
          trajectoires fossiles avec les pieds de marges correspondent à des points conjugués avant l’ouverture océanique, ce qui
          donne une contrainte additionnelle indépendante pour établir la cinématique des trois plaques EU, IB et NA au chron
          M0. De plus, les rotations de l’Ibérie, déduites des paramètres de reconstructions cinématiques aux chrons A33o, M0 et
          M25 (156,5 Ma), sont en accord avec les données de déclinaisons paléomagnétiques de l’Ibérie stable par rapport à
          l’Europe. L’identification des chrons M0 et M3 (125 Ma) dans le golfe de Gascogne implique que l’épisode de rifting
          de la marge nord Gascogne se termine au Crétacé basal, antérieurement au chron M3, et non pas à l’Aptien supérieur
          comme cela était couramment admis depuis une trentaine d’années. La durée du rifting serait donc réduite à une ving-
          taine de millions d’années, comme Wilson et al. [2001] l’ont également suggéré pour la marge de la plaine abyssale ibé-
          rique.

                  Bathymetric map of the NE Atlantic Ocean and Bay of Biscay: kinematic implications

          Key words. – Bathymetric map, Northeast Atlantic, Bay of Biscay, Plate kinematics, Triple junction

          Abstract. – The new bathymetric map of the Bay of Biscay and Northeast Atlantic Ocean is based on available conven-
          tional and swath bathymetric data. It extends from the European coast to the mid-Atlantic ridge in longitude and from
          the Azores-Gibraltar fracture zone to 50oN in latitude. Grid spacing is 1 km. The map is in Mercator projection at a
          1/2,400,000 scale (41oN latitude). With respect to previously published maps, the detailed morphology of the Eurasian
          and Iberian continental margins is now well established. In addition, we have mapped the two fossil trajectories of the
          Bay of Biscay triple junction, which limit the western extension of the Bay of Biscay sensu stricto.
                  The Bay of Biscay and Northeast Atlantic Ocean opened simultaneously, between chrons M0 (118 Ma) and 33o
          (80 Ma). A triple junction existed during that period. Fossil triple junctions trajectories on each of the three Eurasia
          (EU), Iberia (IB) and North America (NA) plates separate oceanic domains which were formed between the three plate
          pairs : IB/EU for the Bay of Biscay, EU/NA and IB/NA for the northern and southern portions of the Northeast Atlantic
          respectively. On each side of the fossil trajectories, rift directions formed between different plate pairs display different
          azimuths. The three triple junction branches have been identified on the basis of magnetic, seismic and bathymetric
          data. They are generally associated with a basement ridge which generally appears in the youngest parts of triple junc-
          tion branches. The intersections of fossil trajectories with the base of the continental margins correspond to conjugate
          points before the opening of the Bay of Biscay, giving an additional independent constraint for plate reconstructions at
          M0 time. In addition, rotations of Iberia as deduced from plate kinematic reconstructions at chrons A33o (80 Ma), M0
          (118 Ma) and M25 (156.5 Ma), fit with those derived from paleomagnetic declination data of the stable Iberia with re-
          spect to EU. The identification of chrons M0 and M3 (125 Ma) in the Bay of Biscay implies that the northern Bay of
          Biscay margin rifting episode ended in lowermost Cretaceous instead of late Aptian as currently admitted in the
          litterature. The duration of the rifting episode is reduced to about 20 Ma, as it has been already suggested for the Iberian
          Abyssal Plain margin [Wilson et al., 2001].

1 Ifremer Centre de Brest, Département des Géosciences Marine, B.P. 70, F29280 Plouzané (jcsibuet@ifremer.fr)
2 Geological Survey of Canada, Bedford Institute of Oceanography, P.O. Box 1006, Dartmouth, N.S., Canada, B2Y    4A2
Manuscrit déposé le 6 octobre 2003 ; accepté après révision le 29 avril 2004.

                                                                                                                  Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
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INTRODUCTION                                                     incluses dans la compilation GEBCO. Pour éviter de sur-
                                                                 charger le document, les routes ne figurent pas au verso de
Dix ans après la publication de la carte bathymétrique de        la carte générale (planche hors-texte) mais une idée de la
l’Atlantique nord-est par Laughton et al. [1975] à l’échelle     densité de ces routes est fournie par la carte de Laughton et
du 1/2 400 000e, Lallemand et al. [1985b ; 1985a] ont pro-       al. [1975] ; c) les cartes bathymétriques de détail référen-
duit un nouveau document à la même échelle, dans lequel          cées dans la légende de la planche hors-texte et dont la plu-
les données du sondeur multifaisceaux Seabeam installé sur       part des limites apparaissent au verso de la carte de
le N/O Jean Charcot étaient incorporées. En 1994, une nou-       l’Atlantique nord-est [Lallemand et al., 1985b ; Lallemand
velle compilation bathymétrique du golfe de Gascogne au          et al., 1985a], d) toutes les données du sondeur multifais-
sens large était proposée [Sibuet et al., 1994]. Presque         ceaux “Seabeam” acquises par le N/O Jean Charcot de 1977
30 ans après la publication de la première carte bathymé-        à 1990 (empreintes bathymétriques et références de l’ori-
trique détaillée de l’Atlantique nord-est, nous proposons au-    gine des données au verso de la planche hors-texte).
jourd’hui, toujours à la même échelle, un document de                 2) Les données des sondeurs multifaisceaux des N/O
synthèse homogène qui intègre les données conventionnel-         l’Atalante et Le Suroît, acquises depuis 1990 (empreintes
les disponibles, les données multifaisceaux acquises pour        bathymétriques au verso de la planche hors-texte).
l’essentiel par la flotte océanographique française (plus de          3) Les données numériques publiées concernant la topo-
60 campagnes ou transits valorisés) ainsi que les cartes de      graphie (Gtopo30) [Sandwell et Smith, 1994] et des modè-
détail publiées à partir de données monofaisceaux ou d’une       les numériques de terrain au pas de 0,4 km pour le plateau
intégration de données mono- et multifaisceaux (planche          des Açores [Lourenço et al., 1998], de 0,5 km pour la marge
hors-texte). Le nouveau document est également disponible,       ouest portugaise [Gràcia et al., 2003], de 0,1 km pour le
pour utilisation libre, sous la forme d’un modèle numérique      golfe de Càdiz [Mulder et al., 2003], de 1 km pour la marge
de terrain (MNT) au pas de 1 km, qui peut être facilement        nord Gascogne [Bourillet et al., 1999 ; Le Suavé et al.,
mis à jour dans le futur.                                        2000] et de 3 km pour le plateau continental [Bourillet et
    La morphologie générale des marges et du domaine             al., 2003 ; Le Suavé et al., 2000].
océanique profond ne diffère guère entre la carte de Laugh-           L’intégration de ces trois types de données requiert
ton et al. [1975] et le nouveau document. Les traits morpho-     l’utilisation de méthodes de maillage distinctes, préalable-
logiques des marges européennes sont cependant beaucoup          ment à leur compilation finale. Le but de cette compilation
plus précis car une grande partie des nouvelles données          est le calcul d’un modèle numérique de terrain (MNT) ho-
multifaisceaux concerne le domaine des marges au sens            mogène dont la résolution est celle des données les plus
large. Nous ne décrirons donc pas les différentes provinces      pauvres, en l’occurrence celle des coupures de la compila-
morphologiques largement présentées et discutées dans le         tion manuelle. Nous avons adopté un pas de 1 km qui est
passé [Laughton et al., 1975 ; Lallemand et al., 1985b ; Lal-    fonction de la densité des données obtenues avec les son-
lemand et Sibuet, 1986 ; Sibuet et al., 1994]. En revanche,      deurs conventionnels et une représentation graphique à
des traits morphologiques nouveaux apparaissent dans le          l’échelle 1/2 400 000e (planche hors-texte), échelle des car-
golfe de Gascogne et sur les marges adjacentes. Utilisées        tes précédemment publiées [Laughton et al., 1975 ; Lalle-
conjointement avec les nouvelles identifications des linéa-      mand et al., 1985b ; Lallemand et al., 1985a ; Sibuet et al.,
tions magnétiques M0 (118 Ma) et M3 (125 Ma) dans le             1994].
golfe de Gascogne [Sibuet et al., 2004], ces nouvelles don-
nées morphologiques permettent de contraindre la cinéma-
tique d’ouverture du golfe de Gascogne et de l’Atlantique        Traitement des 4 coupures de la compilation
                                                                 manuelle
nord-est au cours du Crétacé (A33o-M0, 80-118 Ma). Les
conséquences géodynamiques sont multiples. Nous avons            Les isobathes au pas de 200 m ont été numérisées pour four-
déjà examiné les implications de ces reconstructions sur la      nir un jeu de données sous forme latitude/longitude/profon-
genèse des Pyrénées [Sibuet et al., 2004]. Dans cet article      deur. Ces données ont été traitées au pas de 1 km à l’aide
nous proposons d’examiner les contraintes de ces recons-         des modules de traitement GMT [Wessel et Smith, 1991],
tructions sur l’âge du rifting de la marge continentale nord     selon une technique voisine de celle développée par Fisher
Gascogne.                                                        et Goodwillie [1997]. La qualité du traitement a été con-
                                                                 trôlée par comparaison du contourage obtenu à partir du
                                                                 MNT avec le contourage manuel d’origine. Il s’agit d’un
PROCÉDURE : CALCUL DU MODÈLE NUMÉRIQUE                           processus classique de numérisation et de validation de
DE TERRAIN                                                       données contourées.
La carte proposée est basée sur des informations provenant
de trois origines différentes :                                  Traitement des données de sondeurs multifaisceaux
    1) La compilation des données marines antérieures à          L’origine (nom de la mission, année, navire et chef de mis-
1992, réalisée « manuellement » à l’échelle 1/1 200 000e         sion) des données de sondeurs multifaisceaux est référencée
(4 coupures) avec contourage des isobathes tous les 200 m.       dans la légende de la planche hors-texte. Ces données ont
Les données utilisées sont a) celles de sondeurs monofais-       été traitées à l’aide du logiciel Caraïbes® [Bourillet et al.,
ceaux compilées et entretenues par le Service Hydrogra-          1996]. Les étapes essentielles du traitement sont : le con-
phique de la Marine dans le cadre de la “General                 trôle, la validation et le filtrage des données. L’épuration
bathymetric chart of the oceans” (GEBCO), b) les données         des données aberrantes et la correction partielle des bruits
monofaisceaux archivées par le SISMER (banque de don-            de mesures ont été opérées par comparaison des données
nées de l’Ifremer regroupant l’ensemble des données géo-         brutes à un modèle numérique de référence de moyenne ré-
physiques des navires océanographiques français) mais non        solution. De plus, des opérations de lissage ont permis de
Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE                                             431

corriger les défauts de données non épurées par le filtrage        dans le MNT des données anciennes, plus large de 2 km par
précédent. Le contrôle et la validation du modèle numérique        rapport à la zone couverte par les données des sondeurs
de terrain ont été établis par des statistiques de comparaison     multifaisceaux. Les données récentes ont été intégrées dans
avec les données brutes et un contrôle graphique.                  ce « trou » et la surface blanche de transition des données
    Le maillage des données a été établi à partir des don-         anciennes aux données des sondeurs multifaisceaux a été
nées épurées avec un pas de grille de 250 m. Il a été dégradé      interpolée par une méthode « spline », car relativement
lors de l’intégration finale de l’ensemble des données.            « douce ». La zone d’interpolation de l’ordre de 2 km est
                                                                   cohérente avec l’échelle de restitution finale de la carte. La
Données numériques publiées                                        cohérence de cette interpolation a été contrôlée graphique-
                                                                   ment, par interprétation de la morphologie des zones inter-
Les données topographiques Gtopo30 (pas de grille de               polées et numérisation éventuelle de courbes isobathes
30 minutes, soit 0,9 km environ) ont été simplement                complémentaires. Cette méthode est correcte, à condition
re-maillées au pas de 1 km en vue de la compilation finale.        que le résultat obtenu soit validé par rapport à la connais-
Les données du plateau volcanique des Açores [Lourenço et          sance de la structure et à la morphologie de la zone carto-
al., 1998] ont aussi été re-maillées au pas de 1 km car un         graphiée.
pas initial de 400 m avait été choisi afin de faire ressortir le       Les MNT « plateau continental » et topographique ont
détail des données multifaisceaux. Les données du sondeur          été ensuite associés au MNT précédent selon la même mé-
multifaisceaux EM12 du N/O Hesperides concernant la                thode. La prise en compte du trait de côte comme « iso-
marge ouest ibérique au pas de 0,5 km [Gràcia et al., 2003]        bathe 0 » permet d’assurer la cohérence de la continuité des
et les données du sondeur multifaisceaux EM300 du N/O Le           données topographiques vers les données marines.
Suroît concernant le golfe de Càdiz au pas de 0,1 km [Mul-
                                                                       Finalement, le modèle numérique de terrain au pas de
der et al., 2003] ont été re-maillées au pas de 1 km. Les
                                                                   1 km permet une représentation optimale à l’échelle
données de la marge nord Gascogne, acquises en grande
                                                                   1/2 400 000e, avec contourage à 200 m, compatible avec la
partie dans le cadre du programme “Zones Economiques
Exclusives” et maillées au pas de 1 km ont été intégrées tel-      résolution de l’ensemble des données. La méthode d’inté-
les quelles. Les autres données prises en compte sont desti-       gration utilisée permet de prévoir l’addition future de nou-
nées à renseigner le plateau continental [Bourillet, 2000 ;        velles données numériques.
Bourillet et al., 2003] : leur résolution (3 km) est moins
bonne que celle visée pour la carte, mais ces données              RÉSULTATS
concernent des parties d’intérêt moindre.
                                                                   Trajectoires fossiles du point triple du golfe
Compilation des modèles numériques de terrain                      de Gascogne
La compilation des MNT a d’abord été réalisée pour le do-          Les domaines océaniques du golfe de Gascogne et de
maine marin. Un traitement particulier a été nécessaire pour       l’Atlantique nord-est ont été créés simultanément, entre les
assurer la cohérence des données résultant de la compilation       chrons 33o (80 Ma) [Srivastava et al., 1990] et M0
manuelle avec les données récentes des sondeurs multifais-         (118 Ma), voire M3 (125 Ma) (échelle de Kent et Gradstein
ceaux. La méthode adoptée a consisté à créer un « trou »           [1986]) récemment identifiés de part et d’autre du golfe de

                                                                                            FIG. 1. – Carte bathymétrique de l’Atlan-
                                                                                            tique nord-est et du golfe de Gascogne en
                                                                                            noir et blanc avec ombrage du nord-ouest.
                                                                                            Les trajectoires AO et BO du point triple du
                                                                                            golfe de Gascogne et de l’Atlantique
                                                                                            nord-est délimitent l’extension occidentale
                                                                                            sensu stricto du golfe de Gascogne.
                                                                                            FIG. 1. – Bathymetric map of the Northeast
                                                                                            Atlantic Ocean and the Bay of Biscay in
                                                                                            black and white with shading from NW.
                                                                                            Triple junction fossil trajectories AO and
                                                                                            BO shown as solid lines give the western ex-
                                                                                            tension of the Bay of Biscay s.s.

                                                                                                       Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
432                                                                 SIBUET J.-C. et al.

FIG. 2. – Données bathymétriques (issues de ce travail) superposées à la carte des anomalies magnétiques de Verhoef et al. [1996]. Contours bathymétri-
ques tous les 200 m. EU, IB et NA, plaques européenne, ibérique et nord-américaine. Les trajectoires fossiles du point triple apparaissent en lignes blan-
ches épaisses avec les points conjugués A et B sur les plaques EU et IB respectivement. Les pôles de rotation IB/EU au chron A33o (39,42oN, 10,91oW,
–7,6o) et IB/EU au chron M0 (43,85oN, 5,83oW, –44,76o) sont représentés par de grandes croix inscrites dans des cercles blancs. O, point triple. Ligne
fine blanche, transition océan-continent (OCB). Losanges blancs, identifications A33o ; carrés blancs, identifications A34 ; petites croix dans cercles
blancs, identifications M0 à l’ouest et au nord de l’Ibérie ; petits cercles blancs, identifications M0 au nord du golfe de Gascogne ; triangles blancs inver-
sés, identifications M3 au nord du golfe de Gascogne [Srivastava et al., 2000 ; Sibuet et al., 2004]. Les lignes noires correspondent aux structures actives
depuis 80 Ma dans le domaine transitionnel du nord du golfe de Gascogne et la ligne noire avec des triangles blancs correspond au fossé marginal nord
espagnol actif au moins depuis 80 Ma.
FIG. 2. – Main magnetic and bathymetric features in the Bay of Biscay and the Northeast Atlantic Ocean as extracted from Verhoef et al. [1996] and this
work respectively. The bathymetric contours are at 200 m interval. EU, IB and NA denote Eurasian, Iberian and North American plates, respectively.
Also shown are the fossil triple junction trajectories (white thick lines) with their conjugate points A and B on the EU and IB plates; position of IB/EU
pole at chron A33o (39.42oN, 10.91oW, –7.6o) and IB/EU pole at chron M0 (43.85oN, 5.83oW, –44.76o) as large crosses within circles. O, triple junction
location; white thin line, ocean-continent boundary (OCB) on EU plate. White diamonds are A33o picks and white squares are A34 picks, small crosses
within circles are M0 picks west and north of IB, white small dots are northern Bay of Biscay M0 picks, inverted white triangles are M3 picks [Srivastava
et al., 2000; Sibuet et al., 2004]. Small and thinned black lines are features active since 80 Ma in the northern Bay of Biscay transitional domain and the
black line with white triangles is the north Spanish marginal trench, also active since at least 80 Ma.

Gascogne [Sibuet et al., 2004]. Un point triple était donc                       une expression topographique semble parfois, mais pas sys-
actif pendant cette période et peut-être même antérieure-                        tématiquement, associée à certains tronçons de trajectoires
ment, pendant la formation du domaine transitionnel du                           fossiles.
bassin armoricain (situé au nord de l’anomalie magnétique
M3) et des marges continentales adjacentes [Sibuet et Sri-                           La branche nord s’étend du point A (47,03 o N ;
vastava, 1994]. Les trajectoires fossiles du point triple, ini-                  12,26oW) au point triple fossile O, localisé à l’intersection
tialement repérées par Sibuet et Collette [1991], séparent                       des trois linéations magnétiques A33o formées entre les
les domaines océaniques formés entre les trois paires de                         paires de plaques EU/NA, EU/IB et IB/NA (fig. 2). La
plaques NA/EU, IB/EU et IB/NA (EU, Eurasie ; NA, Amé-                            branche sud démarre au point B (42,79oN ; 12,80oW) et la
rique du nord et IB, Ibérie) (figs. 1 et 2). Les directions des                  branche ouest, côté canadien, au point C (46,82 o N ;
rifts du domaine océanique sont mises en évidence par les                        43,03 o W). La précision sur la localisation de ces trois
linéations magnétiques mais aussi par les alignements des                        points est de l’ordre de la vingtaine de kilomètres. Après la
rides de socle, lorsque les dépôts sédimentaires ne les mas-                     formation des domaines transitionnels, les trois points A, B
quent pas. Les trajectoires fossiles du point triple corres-                     et C, situés au pied des marges continentales, étaient des
pondent alors aux frontières de ces domaines. Par ailleurs,                      points conjugués. Nous disposons donc d’une contrainte in-
Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE                                433

                                                    FIG. 3. – Carte bathymétrique de détail
                                                    de la trajectoire sud du point triple du
                                                    golfe de Gascogne. Contourage tous les
                                                    100 m. En grisé, contrôle des données
                                                    multifaisceaux. Les principaux traits
                                                    structuraux sont indiqués.
                                                    FIG. 3. – Detailed bathymetric map of
                                                    the southern branch of the triple junc-
                                                    tion fossil trajectory in the Bay of Bis-
                                                    cay. Contours every 100 m. In gray,
                                                    swath bathymetric control. Main struc-
                                                    tural elements are underlined.

                                                     FIG. 4. – Carte des anomalies magnéti-
                                                     ques [Verhoef et al., 1996] et contours
                                                     bathymétriques [GEBCO digital atlas,
                                                     2003] dans la zone de la trajectoire fos-
                                                     sile du point triple située à l’est du
                                                     Bonnet Flamand. Localisation des pro-
                                                     fils sismiques monotraces (IOS 293 et
                                                     294) et multitraces (38, 40 et 42) acquis
                                                     au cours de la campagne Erable (1992).
                                                     Les cercles noirs correspondent aux
                                                     hauts topographiques associés à la tra-
                                                     jectoire fossile du point triple.
                                                     FIG. 4. – Main magnetic and bathyme-
                                                     tric features extracted from Verhoef et
                                                     al. [1996] and GEBCO digital atlas,
                                                     [2003] respectively and concerning the
                                                     area of the western fossil triple junction
                                                     trajectory located east of Flemish Cap.
                                                     IOS profiles 293 and 294 are single
                                                     channel seismic profiles and 38, 40 and
                                                     42, are MCS profiles acquired during
                                                     the Erable cruise (1992). Black dots
                                                     correspond to topographic highs asso-
                                                     ciated with the TJ trajectory.

                                                             Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
434                                SIBUET J.-C. et al.

                                                                        FIG. 5a

                                                         FIG. 5. – a) Profils sismiques multitraces (96 traces)
                                                         Erable 38, 40 et 42 (sections temps migrées) ;
                                                         b) Interprétation sommaire des profils Erable 38, 40
                                                         et 42 alignés sur la localisation de la trajectoire fos-
                                                         sile du point triple. Les flêches indiquent des réflec-
                                                         teurs crustaux.
                                                         FIG. 5. – a) Erable MCS seismic profiles (96 chan-
                                                         nels) 38, 40 and 42 (time migrated sections); b) Suc-
                                                         cinct interpretation of Erable seismic sections 38, 40
                                                         and 42 aligned on the fossil triple junction trajectory.
                                                         Arrows indicate crustal reflectors.

Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE                                          435

                                                            FIG. 5b

dépendante pour valider les reconstructions cinématiques à       l’exception de la zone située en pied de marge nord espa-
l’époque de l’anomalie M0 (118 Ma) ou juste avant. Pour          gnole, les sédiments, de faible épaisseur, ne masquent pas
cartographier plus précisément ces trajectoires fossiles,        les structures du substratum océanique, ce qui permet d’ob-
nous avons utilisé non seulement les nouvelles données ba-       tenir une bonne définition des directions de rifts de part et
thymétriques (planche hors-texte) et les données magnéti-        d’autre de la trajectoire fossile, et ce d’autant plus que la
ques déjà publiées [Verhoef et al., 1996] mais aussi les         couverture multifaisceaux est assez complète. La trajectoire
données sismiques acquises sur la marge canadienne (cam-         sud est définie par le changement abrupt de 65 degrés des
pagne franco-canadienne Erable, 1992).                           directions de rifts qui passent de N025o pour la partie océa-
                                                                 nique IB/NA à N090o pour la partie océanique IB/EU. La
     De part et d’autre de la branche nord, les directions des   trajectoire sud ne présente pas de structure morphologique
rifts sont associées à des rides océaniques enfouies et aux      propre. En revanche, une anomalie magnétique négative est
anomalies magnétiques résultantes dues à cet effet topogra-      associée à la partie nord de la trajectoire (fig. 2). La branche
phique ou aux faibles inversions de la période calme cré-        sud est localisée avec une précision de quelques kilomètres
tacée. Les directions des rifts sont orientées N335 o au         le long de la plus grande partie de sa trajectoire, sauf le long
sud-ouest de la baie de Porcupine et de l’éperon de Goban        des 40 km méridionaux où la trajectoire fossile est enfouie
(EU/NA) et N100 o dans le nord du golfe de Gascogne              sous le bassin profond du fossé marginal nord espagnol.
(EU/IB) (fig. 2). Elles diffèrent donc de 55 o de part et        Comme pour la trajectoire nord, la trajectoire sud s’incurve
d’autre de la trajectoire fossile nord. Dans sa partie sud, la   autour d’une montagne, celle de la Corogne. Cela suggère
trajectoire fossile change de direction autour de la mon-        que les montagnes Armorique et de la Corogne pourraient
tagne Armorique (localisée sur la figure 1) et est soulignée     correspondre à des structures jumelles formées simultané-
par une succession de rides étroites et allongées sur 200 km     ment dans le voisinage du point triple, au moment d’un
de longueur jusqu’au point O (planche hors-texte et fig. 1).     changement de phase cinématique significatif correspon-
La branche nord est localisée avec une précision de quel-        dant au changement de direction des trajectoires fossiles du
ques kilomètres le long de la plus grande partie de la trajec-   point triple.
toire, sauf le long des 50 km nord où la trajectoire fossile
est enfouie sous le bassin celtique profond.                          Côté canadien, la trajectoire fossile ouest sépare deux
                                                                 provinces magnétiques distinctes caractérisées par des li-
    En utilisant l’ensemble des données multifaisceaux dis-      néations magnétiques orientées N330o au nord et N030o au
ponibles, une compilation bathymétrique de détail a été réa-     sud (fig. 4). Les directions de rifts diffèrent de 60 degrés de
lisée dans la zone de la trajectoire sud (fig. 3). À             chaque côté de la trajectoire fossile. Une anomalie magné-
                                                                                                    Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
436                                                     SIBUET J.-C. et al.

tique négative est associée à la partie ouest de la trajectoire.   2001], mais aussi entre les linéations magnétiques A34 du
Au cours de la campagne Erable (1992), trois profils de sis-       golfe de Gascogne [Sibuet et al., 1993 ; Sibuet et al., 2004].
mique multitrace (SMT) ont été acquis en domaine océa-
nique, perpendiculairement à la direction de la trajectoire        Reconstruction cinématique au chron M0 (118 Ma)
fossile (fig. 4). Sur les trois lignes sismiques 38, 40 et 42
(fig. 5), ainsi que sur le profil IOS 293 localisé sur la figure   Le pointé des anomalies magnétiques M0 identifiées par
4 (B. Whitmarsh, communication personnelle, 2003), un              Srivastava et al. [1990] entre l’Ibérie et l’Amérique du nord
haut du substratum océanique apparaît, enfoui sous environ         a été complété par celui de Sibuet et al. [2004] dans le golfe
une seconde temps double de sédiments (~ 1 km). De part et         de Gascogne. Sur la reconstruction de la figure 6 (A33o), la
d’autre de la trajectoire fossile ouest, les structures crusta-    disposition des linéations magnétiques M0 de part et
les présentent des pendages à vergence opposée, suggérant          d’autre du golfe de Gascogne ainsi que la position des
que le haut structural est en fait une ride topographique qui      points conjugués A et B sur le même méridien suggèrent
matérialise la transition entre deux domaines océaniques           que le golfe de Gascogne se serait ouvert en ciseaux entre
formés entre paires de plaques différentes (NA/EU et               les linéations M0 et A33o (118-80 Ma), sans mouvement
NA/IB). Au nord de cette ride, le fond de la mer est plat ; au     transformant significatif entre les plaques IB et EU. La fi-
sud, il présente un pendage vers le sud. Cela confirme que,        gure 7 montre la reconstruction établie au chron M0
au moins entre les profils 38 et 42, ces hauts topographi-         (118 Ma) avec les pôles de rotation IB/NA de Srivastava et
ques correspondent à une ride continue, d’au moins 50 km           al. [2000]. On constate que l’on a un très bon ajustement
de longueur, qui joue le rôle de barrage pour les sédiments        entre les linéations M0 du golfe de Gascogne et qu’il n’est
venant du nord. Sur la carte bathymétrique simplifiée de la        pas nécessaire de modifier les paramètres M0 IB/EU de Sri-
figure 4, cette ride enfouie est associée à un changement de       vastava et al. [2000] afin de rendre compte du bon ajuste-
directions des isobathes. Sur le profil sismique IOS 294, le       ment global. De plus, les points conjugués A, B et C se
haut du substratum est associé à un changement majeur              trouvent groupés dans un cercle de 25 km de rayon, suggé-
dans la topographie [Sibuet et Srivastava, 1994]. Sur la base      rant, par leur position très resserrée, une bonne convergence
de ces nouvelles données, la ride s’étend probablement de          entre les deux types de données indépendantes.
chaque côté de sa portion bien définie, jusqu’au coin du
Bonnet Flamand (Flemish Cap, 43oW) à l’ouest et jusqu’à            Cinématique pré-chron M0
41,5oW à l’est. À l’est de 41,5oW, nous n’avons pas d’indi-        En première approximation, les pôles différentiels M25-M0
cation suggérant une extension orientale de cette ride, mais       (156,5-118 Ma) pour le système des trois plaques EU, NA
les données magnétiques suggèrent que la trajectoire fossile       et IB peuvent être calculés en utilisant les paramètres de
ouest passe au niveau du changement de direction de l’ano-         Srivastava et Verhoef [1992] pour M25 et de Srivastava et
malie magnétique A34 (fig. 4).                                     al. [2000] pour M0. Ces paramètres sont certainement enta-
     En résumé, les trois portions de trajectoire fossile sont     chés d’erreur dans la mesure où le pôle NA/EU M25 a été
définies avec une précision de l’ordre de quelques kilomè-         déterminé à partir des résultats paléomagnétiques des cour-
tres, à l’exception des 40-50 km les plus anciens des trajec-      bes de dérive des pôles et le pôle M25 IB/NA en supposant
toires fossiles nord et sud où la précision se dégrade à           que le mouvement de l’Ibérie était proche de celui de
10-20 km. Les intersections des trajectoires fossiles avec le      l’Afrique par rapport à l’Amérique du nord [Srivastava et
pied des marges continentales correspondent à trois points         Verhoef, 1992]. La direction du mouvement IB/NA est sen-
conjugués avant la formation du domaine océanique. Bien            siblement parallèle à la zone de fracture Figueras (bordure
qu’il soit difficile de déterminer la position exacte des          sud du banc de Galice) et perpendiculaire à la direction des
points conjugués le long de chaque trajectoire, on constate        linéations magnétiques identifiées dans la plaine abyssale
que ces trois points conjugués correspondent aux endroits          ibérique [Whitmarsh et Miles, 1995] (fig. 7). Le déplace-
où chacune des trois marges change brutalement de direc-           ment, de l’ordre de 350 km, correspond à l’ouverture des
tion : A est à l’intersection des marges celtique et de Goban      bassins de la plaine abyssale ibérique et de Terre-Neuve.
Spur, B à l’angle NW du banc de Galice et C à l’angle est          Les points B et C étant très proches au chron M0 (fig. 7), le
du Bonnet Flamand, à l’intersection des tronçons de marges         mouvement entre l’Ibérie et l’Amérique du nord corres-
orientés NE et SE (fig. 6).                                        pond, à cette latitude, à l’ouverture du bassin Intérieur entre
                                                                   le banc de Galice et l’Ibérie (rifting Valanginien [Murillas
                                                                   et al., 1990]) et à la rotation horaire du Bonnet Flamand par
Reconstruction cinématique au chron A33o (80 Ma)
                                                                   rapport à NA [Srivastava et Verhoef, 1992].
À partir du pointé des anomalies magnétiques A33o de Sri-               Au chron M0 (fig. 7), environ 200 km séparent les pieds
vastava et al. [1990], complété par celui de Sibuet et al.         des marges opposées du golfe de Gascogne. Cette distance
[2004] dans le golfe de Gascogne, les paramètres de recons-        est constante sur plus de 700 km, depuis le point triple jus-
truction au chron A33o ont été recalculés (légende de la fi-       qu’à l’est du golfe de Gascogne. Le bassin armoricain est
gure 6). Ils sont très voisins de ceux déjà publiés                situé entre la linéation M3 et le pied de la marge nord Gas-
[Srivastava et al., 1990 ; Olivet, 1996 ; Sibuet et Collette,      cogne, au sud-est de la terrasse de Mériadzek. Sa largeur est
1991]. La limite de plaques IB/EU post-80 Ma a été arbi-           de 80 km. La croûte sous-jacente est de nature transition-
trairement localisée le long du fossé nord espagnol, là où la      nelle, avec présence de manteau serpentinisé surmonté
subduction tertiaire s’est produite, mais nous savons qu’une       d’une croûte de nature océanique de faible épaisseur [Thi-
partie de la déformation est distribuée dans d’autres parties      non et al., 2003]. Le bassin armoricain se prolonge au
du golfe de Gascogne : au pied de la marge armoricaine, en         nord-ouest de la terrasse de Mériadzek par un bassin de lar-
limite sud du bassin armoricain, c’est-à-dire le long de la        geur identique, dont la croûte sous-jacente pourrait être de
frontière entre domaine transitionnel et océanique [Thinon,        nature similaire. Au sud-ouest de cette croûte transition-
Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE                                                                                 437

20°W 18°W 16°W 14°W 12°W 10°W                              8°W        6°W       4°W         2°W                  0          FIG. 6. – Reconstruction des continents à la fin de
                                                                                                                     50°N   l’ouverture du golfe de Gascogne (chron A33o,
              A34        A34                                                                                                80 Ma) avec EU supposée fixe. Légendes des sym-
                                                                                                                            boles identiques à celles de la figure 2. Pôles de ro-
                                                                                                                            tation calculés dans cette étude : IB/EU (39,42oN,
                                                                                                                            10,91oW, – 7,6o, cercle blanc avec croix à l’inté-
                                                                                                                     48°N   rieur) et NA/EU (66,53oN, 148,83oE, 18,90o). Le
          NA/EU                                                                                 EU                          pôle de rotation intermédiaire M0-A33o (IB/EU) est
                                                                                                                            calculé à partir du pôle de rotation M0 de Srivastava
                                  A        OCB                                                                              et al. [2000]. Les trajectoires fossiles du point triple
               C               EU/NA                            M3                                                          apparaissent en lignes blanches épaisses avec les
                                            M0
                                                                                                                     46°N   points conjugués A, B et C sur les plaques EU, IB et
                                    A34    EU/IB                M0                                                          NA respectivement.
                                                                                                                            FIG. 6. – Part of the reconstruction of the North
   M0                 O                                    A34        M0-A33o                                               Atlantic at chron A33o (80 Ma) where EU is kept
                                          IB/EU                        IB/EU                                                fixed. Legends of symbols, same as in figure 2. Cal-
                                                      M0                                                             44°N   culated rotation poles used are IB/EU (39.42oN,
       NA/IB                                                                                                                10.91oW, – 7.6o) and NA/EU (66.53oN, 148.83oE,
                         IB/NA                                                                      Pyr
                                                                                                       ene
                                                                                                            es
                                                                                                                            18.90o). M0-A33o stage pole for IB/EU is calcula-
                             B                                                                                              ted from the M0 pole of rotation of Srivastava et al.
                                                                                                                            [2000]. Also shown are the fossil triple junction
                                                                                                                     42°N   trajectories (white thick lines) with their conjugate
                                                                                                                            points A, B and C on the EU, IB and NA plates.
                                   M0
                                            A33o
                                           IB/EU                                IB                                   40°N
  A34

         A34
                                                                                                                     38°N
  A33o

                          Newf
                                oundl
                                        and-G                                                                        36°N
                                             ibralt
                                                   ar FZ

                                                                                                                     nT

-200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60 -40 -20                        0     20    40       60      80 100

                                                                                                                            FIG. 7. – Reconstruction des plaques autour de
                                                                                                                            l’Atlantique nord et du golfe de Gascogne au chron
         M25-M0 IB/EU motion                                                                                                M0 (118 Ma) avec EU supposée fixe. Pôles de rota-
18°W         16°W    14°W        12°W      10°W        8°W           6°W        4°W         2°W                  0          tion de Srivastava et al. [2000] (IB/EU 43,85oN,
                                                                                                                            5,83oW, – 44,76o ; NA/EU 69,67oN, 154,26oE,
                                                                                                                            23,17o). Les identifications M0 ouest IB (croix dans
                                                                                                                            cercles blancs) et est NA (cercles blancs) sont extrai-
   NA                                                                                                                48°N   tes de Srivastava et al. [2000] ; nord IB (croix dans
                                                                                                EU                          cercles blancs) et sud EU (cercles blancs) de Sibuet
            M25-M0
                          C        A     OCB                                                                                et al. [2004]. A, B et C sont les points conjugués. Ils
          NA/EU motion                                                                                                      sont localisés dans un cercle de 25 km de rayon et
                                                           M3                                                               sont supposés coïncider avant l’ouverture océanique
                               B                                                                                            de l’océan Atlantique nord-est et du golfe de Gas-
                                                                                                                     46°N
                                                 M0                                                                         cogne au chron M3, la portion de croûte située entre
                                                                                                                            les linéations magnétiques M0 et M3 étant de nature
                                                                                                                            océanique [Thinon et al., 2003]. Les mouvements re-
                                                                                                                            latifs M25-M0 (lignes noires) IB/EU, IB/NA et
                                                                                                                            NA/EU ont été calculés à partir des paramètres de
                                             M25-M0
                                                                            M0-A33o                                  44°N   Srivastava et Verhoef [1992] pour M25 et de Srivas-
                                           IB/NA motion                      IB/EU                  Pyr
                                                                                                          ene               tava et al. [2000] pour M0.
                                                                                                             es
        M0                                                                                                                  FIG. 7. – Plate reconstruction of the North Atlantic
                                                                                       M25-M0
                                                                                                                            and Bay of Biscay at chron M0 (118 Ma) with EU
                                                                                     IB/EU motion                           kept fixed. Poles are from Srivastava et al. [2000]
                                                                                                                     42°N   (IB/EU 43.85oN, 5.83oW, – 44.76o; NA/EU 69.67oN,
                                                                                                                            154.26oE, 23.17o). M0 picks west of IB (crosses wi-
                                                                                                                            thin white circles) and east of NA (white circles) are
                                                       IB                                                                   from Srivastava et al. [2000]; north of IB (crosses
                                                                                                                            within white circles) and south of EU (white circles)
                                                                                                                     40°N
                                                                                                                            from Sibuet et al. [2004]. A, B and C are conjugate
  Reconstruction                                                                                                            points. They lie within a 25 km-radius circle and are
    at 118 Ma                                                                                                               supposed to be coincident at around chron M3, as the
                                                                                                                            portion of crust located between anomalies M0 and
   (chron M0)                                                                                                               M3 is of oceanic type [Thinon et al., 2003]. M25-M0
                                                                                                                     38°N
                                                                                                                            relative motions shown in black lines and computed
                                                                                                nT                          for IB/EU, IB/NA and NA/EU are from Srivastava and
                                                                                                                            Verhoef [1992] for M25 parameters and Srivastava et
          -200 -180 -160 -140 -120 -100 -80 -60 -40 -20          0   20    40   60     80 100                               al. [2000] for M0 parameters.

                                                                                                                                                Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
438                                                     SIBUET J.-C. et al.

nelle, une bande de 50 km de largeur se situe entre les linéa-     s’est ouvert en ciseaux mais la cinématique prédit 400 km
tions magnétiques M0 et M3. Les données de sismique                de convergence à l’est des Pyrénées. Or, on sait que des
réflexion grand angle et de réfraction ainsi que la morpho-        bassins allongés se forment dans le domaine pyrénéen à
logie du substratum montrent qu’elle correspond à un do-           l’Albo-Aptien, ce qui est incompatible, à première vue,
maine océanique typique [Thinon et al., 2003].                     avec un système de plaques en convergence dans le do-
     Entre les chrons M25 et M0, une ouverture de l’ordre de       maine pyrénéen. La solution proposée est de créer de tels
350 km orientée N171o près du point triple et N178o dans le        bassins comme bassins arrière-arcs liés à la subduction de
domaine pyrénéen est déduite des paramètres cinématiques           la néo-Tethys, océan de plusieurs centaines de kilomètres
(fig. 7). Elle correspond au rifting des marges nord ibérique      de largeur créé entre les deux plaques IB et EU au Crétacé
et nord Gascogne, à la formation de la croûte transitionnelle      inférieur, entre les chrons M25 et M0 [Sibuet et al., 2004].
du bassin armoricain et de son prolongement nord-ouest             C’est seulement après subduction de la totalité du domaine
ainsi qu’à la mise en place du domaine océanique typique           océanique et transitionnel de la néo-Tethys que la partie
formé entre les chrons M3 et M0. Les axes des bassins              continentale de la plaque IB aurait subducté. Cependant,
d’âge crétacé inférieur du nord de l’Ibérie, du bassin Inté-       une ré-interprétation du profil de sismique profonde
rieur ainsi que les directions des principaux canyons de la        ECORS ainsi que de nouvelles données tomographiques
marge celtique ont probablement servi de guide aux mouve-          suggèrent l’existence de deux zones de subduction à ver-
ments d’extension N-S (par rapport à EU) prédits par la ci-        gence sud [Sibuet et al., 2004]. Le domaine océanique et/ou
nématique (fig. 7) lors de la phase de rifting des marges du       continental aminci de la néo-Tethys aurait d’abord subducté
golfe de Gascogne.                                                 sous l’Eurasie (slab sud), donnant simultanément naissance
     Il existe donc une bonne correspondance entre les direc-      à des bassins arrière-arcs qui correspondraient aux bassins
tions d’ouverture calculées par la cinématique proposée            de l’Albo-Aptien du domaine pyrénéen. Puis, après la fer-
entre les chrons M25 et M0 et la géométrie des marges et           meture de cet océan, la subduction continentale se serait
bassins anciens du golfe de Gascogne, même si la fermeture         établie plus au nord et serait à l’origine de l’inversion tecto-
entre les trois plaques peut sembler trop importante.              nique de ces bassins et de la formation des Pyrénées.
                                                                       La deuxième implication concerne l’âge et la durée de
Comparaison des données cinématiques                               la période de rifting des marges du golfe de Gascogne. Nous
et paléomagnétiques de l’Ibérie stable                             allons développer ce point dans le paragraphe suivant.
Nous disposons aujourd’hui de nombreuses mesures de dé-
clinaison magnétique de l’Ibérie stable par rapport à l’Eu-        Rifting des marges du golfe de Gascogne
rope pour la période Jurassique terminal-Crétacé terminal          Suite au leg DSDP 48, Montadert et al. [1979] ont suggéré
(fig. 8). Globalement, la précision des mesures est infé-          que le rifting de la marge nord-Gascogne commençait au
rieure à la dizaine de degrés. De l’Oxfordien au Barrémien         Jurassique terminal et se terminait à l’Aptien terminal. Pour
supérieur, l’Ibérie ne subit pas de rotation significative par     ces auteurs, le début du rifting est mal daté mais la présence
rapport à l’Europe. En revanche, une rotation de l’Ibérie          de débris coralliens du Kimméridgien/Portlandien au site
d’environ 25 degrés dans le sens direct se produit pendant         401 et de calcaires à calpionelles du Tithonique sur la
une courte période du Barrémien supérieur à l’Aptien,              plate-forme continentale ibérique ainsi que la mise en évi-
suivie de l’Aptien au Campanien d’une rotation d’une di-           dence d’une phase d’extension généralisée en Europe et
zaine de degrés dans le sens direct. Les rotations IB/EU dé-       Amérique du nord au Jurassique terminal suggèrent un âge
duites des paramètres cinématiques ont été calculées pour          jurassique terminal pour le début du rifting. La fin de l’épi-
les trois époques correspondant aux chrons M25, M0 et              sode de rifting a été datée Aptien terminal et a été corrélée
A33o. Nous constatons une bonne correspondance entre               avec l’existence d’une “breakup unconformity” carto-
données paléomagnétiques et cinématiques. Cependant, la            graphiée sur toute la marge nord-Gascogne. En fait, comme
distribution non linéaire des variations de la déclinaison de      les forages du leg DSDP 48 implantés sur des blocs bascu-
l’Ibérie par rapport à l’Europe entre l’Aptien et le Campa-        lés de la marge n’ont pas permis d’atteindre les séries sédi-
nien montre que la phase cinématique M0-A33o se décom-             mentaires antérieures à l’Aptien terminal, la fin de
pose en deux phases cinématiques distinctes. Ce changement         l’épisode de rifting a été datée de façon indirecte par Mon-
de phase cinématique est clairement visible aussi bien sur la      tadert et al. [1979] : post chron M0 (118 Ma, Aptien infé-
carte des anomalies magnétiques (fig. 6) que dans la géo-          rieur) puisque l’anomalie M0 n’avait pas été identifiée à
métrie des trajectoires fossiles du point triple. En effet, des    cette époque dans le golfe de Gascogne et Aptien terminal
deux cotés du golfe de Gascogne, le changement brutal de           par analogie avec la fin du rifting de cet âge dans le bassin
direction des anomalies magnétiques est localisé entre les         de Parentis.
linéations M0 et A33o, au tiers de la distance, coté M0 (ti-
                                                                        Le profil sismique de la figure 9 permet de poser le pro-
rets blancs sur fig. 6) et correspond également au change-
                                                                   blème. La “breakup unconformity” de Montadert et al.
ment de direction des trajectoires fossiles du point triple.
                                                                   [1979] se situe entre les formations (3) et (4). En dessous de
                                                                   cette limite, la série synrift (4) est constituée à la base,
IMPLICATIONS                                                       d’une série hétérogène reposant sur le toit du bloc basculé.
                                                                   Les réflecteurs acoustiques sont sensiblement horizontaux
Les implications de cette nouvelle reconstruction cinéma-          vers le haut de la série (4) et il est difficile de distinguer le
tique au chron M0 sont multiples. La première implication          toit de la série synrift (4) de la base de la série postrift (3)
concerne le domaine pyrénéen [Sibuet et al., 2004]. En ré-         (fig. 9). Nous suggérons que la “breakup unconformity”,
sumé, le pôle de rotation M0-A33o IB/EU étant situé au             dans la mesure où une telle discontinuité est associée à la
large du plateau des Landes (fig. 6), le golfe de Gascogne         fin du rifting, serait plutôt localisée au toit de la série
Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
CARTE BATHYMÉTRIQUE DE L’ATLANTIQUE NE ET GOLFE DE GASCOGNE                                                              439

marquée en grisé et non à l’interface des séries (3) et (4),                     3) les failles et leurs décalages associés doivent clairement
comme le proposaient Montadert et al. [1979].                                    diminuer, voire disparaître, au niveau de la “breakup uncon-
                                                                                 formity”. Ces critères n’ont pas été utilisés de façon systé-
     Plusieurs critères ont été récemment établis pour identi-                   matique dans les travaux de synthèse de la marge nord
fier la “breakup unconformity”, lorsqu’elle existe, à la fin                     Gascogne [Montadert et al., 1979]. Plusieurs arguments dé-
de l’épisode de rifting [Driscoll et al., 1995] : 1) celle-ci sé-                veloppés par Wilson et al. [2001] sont en faveur d’une ex-
pare une série qui s’épaissit à la base des failles normales                     tension limitée des séries synrifts et donc d’un
bordant les blocs basculés, d’une série présentant une distri-                   vieillissement de la fin de l’épisode de rifting sur la marge
bution spatiale plus étendue et une épaisseur plus uniforme                      de la plaine abyssale ibérique. Ces arguments s’appliquent à
qui reflètent les effets de la subsidence thermique postrift ;                   la marge nord Gascogne : les exemples de séries en éventail
2) les failles de croissance associées aux dépôts synrifts                       associés au basculement des blocs continentaux pendant le
sont observées en dessous de la “breakup unconformity” ;                         rifting de la marge nord Gascogne sont peu nombreux. De

FIG. 8. – Comparaison entre les rotations de l’Ibérie par rapport à l’Europe déduites des paramètres cinématiques aux chrons M25 (156,5 Ma), M0
(118 Ma) et A33o (80 Ma) et des données paléomagnétiques de déclinaison pour l’Ibérie stable [Dinarès-Turell et Garcia-Senz, 2000], calculées pour le
site de référence commun à Tremp (42,2oN, 1oE). L’ellipse d’erreur α95 est donnée pour les données paléomagnétiques. La numérotation des points corres-
pond aux références des données : 1, Steiner et al. [1985], Sierra de Aguilon, (Cordillère ibérique) ; 2, Juarez et al. [1998], Cordillère ibérique ; 3, Schott
et Peres [1987], nord cordillère centrale (Espagne) ; 4, Galbrun et al. [1990], Bias do Norte (Algarve) ; 5, Moreau et al. [1997], Algarve ; 6, Galdéano et
al. [1989], sédiments près de Lisbonne ; 7, Vandenberg [1980], Vega del Pas (nord Espagne) ; 8, Moreau et al. [1992], Maestrat (Cordillère ibérique) ; 9,
Galdéano et al. [1989], sédiments près de Lisbonne ; 10, Moreau et al. [1997], Algarve ; 11, Storetvedt et al. [1987], roches mafiques de Sintra (centre
Portugal) ; 12, Van der Woo [1969], granite de Sintra (centre Portugal) ; 13, Van der Woo et Zijderveld [1971], basaltes de Lisbonne ; 14, Van der Woo
[1969], syénite de Monchique (Portugal sud) ; 15, Storetvedt et al. [1990], dykes de Monchique (Portugal sud) ; 16, Dinarès-Turell et Garcia-Senz [2000],
bassin d’Organya (sud Pyrénées). Remarquer la bonne correspondance entre les deux types de données et l’existence probable, suggérée par les données
paléomagnétiques, de deux phases cinématiques distinctes au cours de la période M0-A33o.
FIG. 8. – Comparison of rotation of Iberia with respect to Europe as deduced from kinematic parameters at chrons M25 (156.5 Ma), M0 (118 Ma) and
A33o (80 Ma) and those from the paleomagnetic declinations [Dinarès-Turell and Garcia-Senz, 2000] versus time, calculated for a common reference site
at Tremp (42.2oN, 1oE). The a95 error ellipse is drawn for the Iberian data. Numbers beside the points identify the sources of data: 1, Steiner et al. [1985],
Sierra de Aguilon, (Iberian Range); 2, Juarez et al. [1998], Iberian Range; 3, Schott and Peres [1987], north central Spain; 4, Galbrun et al. [1990], Bias
do Norte (Algarve); 5, Moreau et al. [1997], Algarve; 6, Galdéano et al. [1989], sediments near Lisbon; 7, Vandenberg [1980], Vega del Pas (northern
Spain); 8, Moreau et al. [1992], Maestrat (Iberian Range); 9, Galdéano et al. [1989], sediments near Lisbon; 10, Moreau et al. [1997], Algarve; 11, Sto-
retvedt et al. [1987], Sintra mafics only (central Portugal); 12, Van der Woo [1969], Sintra granit (central Portugal); 13, Van der Woo and Zijderveld
[1971], Lisbon basalts; 14, Van der Woo [1969], Monchique sienite (southern Portugal); 15, Storetvedt et al. [1990], Monchique dikes (southern Portu-
gal); 16, Dinarès-Turell et Garcia-Senz [2000], Organya basin (south Pyrenees). Note the good correspondance between the two types of data and the
suggested existence of two kinematic phases during the M0-A33o time interval by paleomagnetic data.

                                                                                                                            Bull. Soc. géol. Fr., 2004, no 5
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