CAUSES COMMUNES - COVID-19 URGENCE SOCIALE ! - PS Ville de Genève
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CAUSES COMMUNES TRIMESTRIEL DES SOCIALISTES VILLE DE GENÈVE COVID-19 URGENCE SOCIALE ! OCTOBRE - NOVEMBRE 2020 55
2 ÉDITORIAL ÉDITORIAL LA CRISE COMME RÉVÉLATEUR SYLVAIN THÉVOZ COPRÉSIDENT PS VILLE DE GENÈVE La crise de la Covid-19 a avec l’isolement et les fins de mois diffi- de la collectivité. Les incertitudes n’ont ja- ciles. La crise actuelle est dévastatrice. Elle mais été aussi grandes. C’est le moment de déchiré le voile de la précarité a poussé dans la précarité des milliers de choisir un cap et de l’expliquer. sociale à Genève. Une lumière personnes. Ce numéro de Causes Communes a pour crue s’est déversée sur celles Au plus fort de la crise, nos autorités ont ambition de se placer comme un repère et ceux qui, à Genève, généreusement répété que personne ne se- au cœur de la tempête de la Covid. Il ne n’arrivent plus à se nourrir rait laissé de côté. Et maintenant ? L’instal- cherche pas à dissimuler que des personnes lation de la crise dans la durée montre que sont tombées à l’eau et que ce qui a été fait ou/et se loger. les répliques de la pandémie vont se succé- pour les sauver a été insuffisant, ni que der. Si certaines décisions ont été prises ra- des débris flottent encore et que celles et La presse internationale a relayé les images pidement, tout le monde n’a pu en profiter. ceux qui ont pu s’y raccrocher ne tiendront de ces milliers de personnes qui recevaient Pire, ces décisions, prises au plus fort de la peut-être guère longtemps si rien n’est une aide humanitaire aux Vernets. Cette crise, ont été pensées comme ponctuelles. fait pour les aider. Il se veut surtout un cri situation choquante, dans l’une des villes Elles risquent donc, très rapidement, de d’alarme pour réveiller les consciences et les plus riches du monde, n’a pourtant rien ne plus suffire. La droite entonne à nou- nous inviter à l’action. De cette crise nous de nouveau. Depuis des années, des asso- veau les trompettes mal embouchées de ne sortirons pas « comme avant » mais ciations dénoncent sans relâche le manque l’austérité. Les urgences votées semblent « comme après ». Celles et ceux qui ont de concertation pour régler la question du désormais être des fenêtres d’opportuni- participé à l’appel du 4 mai 2020 exigeaient sans-abrisme et combattre la précarité à tés que la droite referme les unes après les une reprise économique plus sociale, plus Genève. De nombreuses classes sociales autres. Plus que jamais, alors que s’ouvrent locale et plus écologique, et refusaient un ont été profondément frappées par la les débats sur les budgets 2021 en Ville retour à l’Anormal. Nous avons reçu leur crise. Les intermittent-e-s du spectacle, de Genève et au Canton, il nous faut être message cinq sur cinq. Toutes les poli- les travailleuses et travailleurs tempo- à la hauteur de notre slogan : solidaires et tiques publiques sont impactées par cette raires, les indépendant-e-s, les aîné-e-s, les responsables. Solidaires de toutes les caté- crise. C’est à la hauteur de celle-ci que nous commerçant-e-s, les jeunes, les personnes gories de la population, sans que personne devons engager nos réponses. sans statut légal, toutes celles et ceux qui ne soit laissé de côté. Responsables en reje- avaient un statut précaire et qui jonglaient tant fermement les mesures d’austérité de déjà pour se maintenir à flot ou flirtaient la droite, tout en assurant la gestion future CAUSES Coordination rédactionnelle : Sylvain Thévoz. Comité rédactionnel : Olivia Bessat, Jorge Gajardo, Paul Ghidoni, Ulrich Jotterand, COMMUNES Salma Selle. Ont collaboré à ce numéro : Roxane Aubry, Joëlle Bertossa, Catherine Blanchard, Thomas TRIMESTRIEL ÉDITÉ PAR LE PARTI SOCIALISTE DE LA VILLE DE GENÈVE Bruchez, Christian Brunnier, Inès Calstas, Grégoire Carasso, Sandra Cherpillod, Diego 15, rue des Voisins Esteban, Helena de Freitas, Barbara Giongo, Olivier Gurtner, Gilles Jobin, Sami Kanaan, 1205 Genève Christina Kitsos, René Longet, Matthieu Loup, Christian Maggiori, Silvana Mastromatteo, www.ps-geneve.ch Francesca Olivetti, Shaïna Roeloffs, Carlo Sommaruga, Lucien Schwed, Léna Strasser, Un journal 100% pensé, conçu et réalisé à Genève ! Gilles Thorel, Tom Tirabosco, Léa Winter, Dorina Xhixo. Envie de soutenir Causes Communes : abonnez-vous ! Illustrations : Aloys Lolo, Tom Tirabosco (p.39) Envoyez vos coordonnées à psvg@ps-geneve.ch Finance d’inscription : 20.-/année Maquette et mise en page : Atelier supercocotte. CCP : 12-12713-8 Impression : Imprimerie Nationale, Genève. Tirage : 3000 exemplaires sur papier recyclé.
4 LA VILLE EN PREMIÈRE LIGNE SAMI KANAAN CONSEILLER ADMINISTRATIF MAIRE DE GENÈVE empiètements sur le domaine public ou Pour les milieux culturels l’encaissement des loyers des pavillons et édicules pendant la crise sanitaire). Elle a Les domaines de la culture et du sport no- également apporté une aide financière ex- tamment ont été très fortement touchés ; ceptionnelle aux milieux sportifs, en s’as- leurs lieux ont dû fermer très tôt, et ils sociant pour cela au Fonds cantonal d’aide ont été les derniers à pouvoir rouvrir et à au sport et au Canton de Genève. Elle a reprendre une activité – qui à ce jour n’est également décidé de maintenir les subven- toujours pas celle d’avant mars 2020. La tions octroyées aux milieux culturels, mal- Ville travaille en étroite collaboration avec gré l’annulation ou le report de manifes- le Canton dans le cadre notamment de la tations, événements et représentations, commission ad hoc, composée de repré- et accordé une attention particulière aux sentant-e-s du canton de Genève, de la intermittent-e-s et indépendant-e-s. Ville de Genève et de l’ACG afin d’étudier les dossiers des demandes pour bénéficier Pour aider les familles, le CA a décidé que des aides fédérales, d’une aide d’urgence celles qui avaient un ou des enfants ins- ou d’une indemnisation de pertes. crits dans une des crèches subventionnées par la Ville de Genève, fermées depuis le Informer sur la situation et donner début de la pandémie, n’avaient plus à s’ac- En février, un cruel virus nous quitter du prix de pension à compter du des conseils pratiques est tombé dessus en Suisse et lundi 16 mars 2020. La Ville a également estimé qu’il était de à Genève. Du jour au lende- son devoir d’informer et de délivrer des Le CA a également renoncé à l’encaisse- conseils pratiques à la population, afin d’of- main quasiment, notre quoti- ment des loyers des commerces et éta- frir quelques repères à celles et ceux que dien a été chamboulé, et nous blissements publics gérés par la Gérance cette période particulière avait débousso- immobilière municipale contraints de fer- nous sommes retrouvé-e-s mer pendant le mois d’avril 2020 : une lé-e-s. projeté-e-s dans un monde in- mesure d’un coût d’environ 1,2 million. Les institutions municipales ont développé connu. Du jour au lendemain, Il a aussi demandé à la Fondation pour le très rapidement des propositions numé- logement social de la Ville de Genève, ainsi riques pour maintenir le lien avec leurs avec mes collègues du pré- qu’à l’ensemble des régies genevoises, de publics, leurs usager-ère-s. Comme le par- cédent Conseil administratif mettre en œuvre une pratique similaire ; tenariat avec Léman Bleu pour un moment et il a demandé à la Fondetec de renforcer (CA), nous avons dû faire face les mesures prises en faveur de l’attribu- de sport quotidien à la maison, la chasse aux œufs des musées de Genève, etc. et poser nos priorités : pré- tion de prêts et leurs renouvellements. La server la santé de tous et de Fondetec a d’ailleurs également choisi de En conclusion, la Ville a fait face, a joué suspendre l’encaissement des mensuali- son rôle de proximité pour la population. toutes, venir en aide aux plus tés dues jusqu’au 30 juin 2020 pour les Elle a cherché à prolonger son action à fragiles, maintenir les presta- prêts en cours. S’il a salué la pertinence distance via le numérique et a continué de ces mesures, le CA a néanmoins décidé tions essentielles à la popu- de lui demander de renoncer purement et à être présente sur le terrain, autant que nécessaire mais physiquement aussi peu lation, et prêter assistance et simplement aux mensualités dues pendant que possible, afin de préserver la santé des aide à chacun et chacune. la période fixée par l’ordonnance fédérale. employé-e-s. Le CA a encore demandé au Canton d’étu- dier, en collaboration avec les communes, Aujourd’hui, après 6 mois de pandémie, Soutien à l’économie et aux acteurs les modalités de modification de la loi can- nous travaillons d’arrache-pied pour nous de notre vie collective tonale qui régit la perception de la taxe projeter dans les prochaines années, trou- professionnelle communale ; modification ver des aménagements, et surtout affir- Face à la brusque détresse économique permettant des abattements extraordi- des acteurs et actrices des milieux de la mer plus que jamais un rôle de proximité naires pour les entreprises concernées par solidaire et responsable, au service des ha- culture, du sport, de la restauration et de les fermetures fixées dans l’ordonnance bien d’autres encore, la Ville a pris un cer- bitantes et habitants de la Ville de Genève. fédérale et ce pour la durée de sa validité. tain nombre de mesures, comme la réa- Enfin, le CA a décidé de ne pas réclamer les daptation des loyers pour les logements à indemnités de retard pour les chantiers caractère social et un soutien aux activités sous sa responsabilité. commerciales (exonération d’émoluments administratifs, renonciation à facturer les
5 UNI-E-S FACE À L’URGENCE SOCIALE ! CHRISTINA KITSOS CONSEILLÈRE ADMINISTRATIVE Cette situation inédite bouleverse la déli- Apaiser les tensions vrance des prestations et oblige à repenser nos actions. La Ville a redéployé ses disposi- L’instauration du semi-confinement a ren- tifs notamment en matière d’hébergement forcé les inégalités sociales, en particulier d’urgence et de distributions alimentaires. chez les jeunes. J’entends développer une L’engagement et les formidables énergies politique de la jeunesse qui agit sur toutes des collaboratrices et collaborateurs de les formes de discrimination et sur les dif- terrain, des partenaires associatifs et des ficultés qui affectent les jeunes, leur inser- bénévoles ont été décisifs. tion professionnelle et leur accès à l’espace public. Un projet pilote de médiatrices et Des priorités claires médiateurs de nuit sera mené dès 2021 afin de rétablir les liens sociaux, de faire La crise appelle à une politique sociale acte de prévention (harcèlement, sexua- forte et des priorités claires. L’impératif de lité, addictions, etc.), d’apaiser les tensions justice sociale, le renforcement de l’égalité et de s’assurer que l’espace public reste un femmes/hommes et la lutte contre toutes lieu de rencontre pour toutes et tous. les formes de discrimination sont des objectifs que j’ai à cœur de porter. En col- Lutter contre l’isolement laboration avec le Canton, les communes La crise sanitaire génère une et les partenaires associatifs, le dispositif Les personnes âgées ont aussi été particu- urgence humaine et sociale d’hébergement d’urgence doit maintenant lièrement touchées. Je souhaite déployer sans précédent. Elle crée de évoluer avec la mise à disposition d’une ou des mesures actives pour lutter contre de plusieurs structures d’accueil pérennes, leur isolement, favoriser leur participation l’incertitude, complexifie nos en surface. Une étude sera prochainement à des activités et, plus généralement, les vies et questionne notre capa- lancée sur l’offre de prise en charge des aider à vivre mieux et plus longtemps. Ces personnes sans abri, afin de quantifier et multiples défis nécessiteront une réponse cité à nous projeter en tant de mieux comprendre leurs besoins. Celle- concertée entre tous les acteurs et actrices que citoyen-ne et en tant que ci me permettra de nourrir la réflexion impliqué-e-s. La Ville de Genève, et plus professionnel-le. Elle exige des sur l’accompagnement des personnes en spécifiquement le département que je di- grande difficulté, en vue de leur réinsertion rige, a un rôle central à jouer. Pour ce faire, femmes et des hommes poli- sociale et professionnelle. Il s’agit de l’une nous aurons besoin de moyens suffisants tiques des décisions urgentes, de mes priorités. et du soutien de toutes et tous au sein de décisives et parfois difficiles. notre parti. Ma motivation à trouver des solutions est plus forte que jamais ! Nous devons réussir pour toutes celles et ceux qui se trouvent, aujourd’hui plus qu’hier, dans des situations de précarité, voire d’ex- trême pauvreté.
6 DU VIOLON AU PANTHÉON ENTRETIEN CAUSES COMMUNES SILVANA MASTROMATTEO Durant la crise, vous vous êtes placée au Que s’est-il passé à la Patinoire volant d’une camionnette pour amener des Vernets ? des biens de première nécessité à celles et ceux qui avaient faim. Arrêtée par la Si les miracles existaient, je dirais que nous police, quelques mois plus tard, vous étiez avons été témoins d’un miracle. Pour ten- saluée par la Présidente de la Confédéra- ter d’expliquer cet enchaînement d’évé- tion Simonetta Sommaruga. Comment nements, il y a un mot me vient à l’esprit : êtes-vous passée du violon au Panthéon ? sérendipité 1. Ou lorsque le hasard fait bien les choses, mais à condition que l’on sache, Ce qui m’est arrivé n’est finalement pas très consciemment ou inconsciemment, accueil- important. C’est de la microhistoire par rap- lir et utiliser à bon escient tout ce que la port à la grande histoire qui s’est construite vie nous réserve. L’objectif était établi dès à Genève ces derniers mois. L’importance le début : aider les personnes fragilisées et c’était d’agir. Déjà en 2015, il s’agissait pour précarisées par le contexte de la pandémie, la Caravane de Solidarité d’apprêter une après avoir constaté que cette aide ne vien- remorque de vivres et de biens de première drait pas d’elle-même en premier ressort, ni nécessité et de traverser l’Europe pour les du politique, ni du réseau associatif existant. acheminer dans les Balkans, dans un camp de personnes migrantes qui n’avaient rien. Sur une impulsion initiale, modeste et un Quand on voit un homme se noyer, on se peu maladroite, est venue se greffer une jette à l’eau pour le sauver. Que l’on sorte part d’inexplicable qui relève quasiment du Silvana Mastromatteo se de l’aventure tout-e mouillé-e ou piqué-e merveilleux. Je ne vois pas d’autre expli- définit comme une citoyenne par une méduse, qu’on ait bu la tasse, qu’on cation. Bon, les réseaux sociaux et puis les reçoive une médaille de courage ou que sa médias nous ont aussi sacrément aidés ! On du monde ; une idéaliste photo se retrouve à la une des journaux, pourrait dire que toutes les planètes étaient qui a néanmoins les pieds quels que soient les effets, peu importe, si alignées pour qu’une action initialement in fine l’action a permis de sauver une vie. sans envergure prenne une ampleur inouïe. bien ancrés dans la réalité ; Parfois il faut agir sans attendre, prendre Le réveil d’une conscience collective, prête à une « enquiquineuse » qui les devants et quelques risques calculés sortir de sa torpeur. Ce qui s’est passé aux croit fermement en la bonne dont on est prêt-e à assumer les consé- Vernets est la somme de multiples initia- quences, bonnes ou mauvaises. C’est ce qui tives individuelles ou collectives, de coups volonté et la bienveillance de s’est passé ce printemps à Genève. de main offerts par une multitude de per- ses prochain- e-s. Même si sonnes de bonne volonté qui se sont retrou- Qu’est-ce que cette crise de la Covid-19 vées au bon endroit et au bon moment. parfois, comme elle le relève, nous a appris sur notre société ? Chacun-e a apporté sa pierre à l’édifice : un il faut un peu les titiller pour talent, un métier, un savoir-faire, un réseau les faire agir ou réagir. Elle n’a Qu’elle est forte, résiliente, à condition professionnel ou privé, des moyens finan- qu’elle privilégie l’action solidaire, l’engage- ciers, la force de leurs bras, leur créativité. pas hésité une seconde avant ment envers l’autre, la générosité. Penser Tout était à inventer et tout a été inventé. de s’engager au plus fort de la un peu moins à soi, un peu plus aux autres. L’énergie que dégageait cette masse hu- Est-ce que notre société – celle qui détient maine, qui venait chaque vendredi pour crise de la Covid-19 pour ap- les richesses et les exploite et consomme préparer les sacs d’aliments et de biens de porter de l’aide à celles et ceux trop – arrivera à en tirer quelques enseigne- première nécessité, ainsi que ce défilé de ments à mettre en œuvre dans le contexte camions et de voitures qui amenaient des qui en avaient le plus besoin. d’urgence climatique ? Je l’espère. vivres était inouïe, magnifique. Chacun-e a donné de sa personne au profit de la réalisa- tion d’un plus grand dessein. Pour tout cela, je leur en suis infiniment reconnaissante. Moins réjouissante et infiniment triste était cette queue de personnes attendant patiemment leur tour, mais au final, ce qui comptait était le message de solidarité et de soutien que la population genevoise leur
7 adressait : oui, on a mesuré l’ampleur de Or le paradoxe, derrière ces files d’attente, Comment envisagez-vous l’avenir ? votre détresse et non, on ne vous laissera c’est que les personnes précarisées ont osé pas tomber. sortir de l’ombre et faire la queue parce que Sereinement. L’association que j’ai créée cet le canton de Genève avait su instaurer un été, La Caravane Sans Frontières continue Comment expliquez-vous que, dans une climat de confiance, notamment à travers de se développer et de proposer des projets des villes les plus riches du monde, des l’opération Papyrus pour légaliser la situa- en fonction des besoins. Sa grande force gens aient encore faim ? tion de nombreuses personnes et familles est sa réactivité et sa proximité avec les sans papier. Les autorités politiques de la populations vulnérables. C’est aussi, bien Une ville, c’est une superposition de strates Ville ont rapidement pris les mesures né- sûr, le soutien et la bienveillance que nous de réalités différentes, un peu comme un cessaires pour favoriser l’émergence d’une témoignent déjà tant de personnes qui ont mille-feuille. C’est au politique qu’il revient réponse adéquate à la situation d’urgence. répondu présentes à notre dernier appel, d’atténuer ces inégalités en agissant sur pour le lancement de l’action Toit pour Toi. les différents leviers à sa disposition pour Il ne faut pas s’y méprendre : l’impact À ce jour, nous avons pu récolter du maté- apporter des réponses immédiates, et pour socio-économique de la Covid-19 a été le riel pour équiper plus de 80 personnes tenter de modifier les conditions struc- même, voire pire, dans beaucoup d’autres dans la rue (sacs de couchage, tapis de sol, turelles à l’origine de ces inégalités. Pour villes « riches », en Suisse ou ailleurs. La lampes de poches, sacs à dos, habits chauds, favoriser la cohésion sociale, il faut des per- grande différence c’est qu’à Genève, alors etc.). Alors oui, je suis sereine et confiante. sonnes lucides, courageuses, responsables que les un-e-s osaient se montrer sans On a tellement de chance à Genève. On a et engagées. Il ne suffit pas d’affirmer sa crainte d’être contrôlé-e-s, arrêté-e-s et des structures qui ont la capacité de fonc- volonté de mettre toutes les parties autour expulsé- e- s, les autres se sont mobilisé-e-s tionner et les reins solides pour mettre en de la table. On ne peut se contenter d’inter- pour pouvoir offrir une aide phénoménale : place et porter des solutions pour contenir peller les actrices et acteurs impliqué-e-s en entre fin avril et début juin, des sacs ont la pauvreté, et éviter que les personnes pré- leur demandant d’arrêter de se renvoyer la été distribués chaque semaine, au nombre carisées par la pauvreté, la perte d’un em- balle. Aujourd’hui, pendant que les député- de quelque 600 au début à près de 3’500 ploi ou la perte de la santé ne soient encore e-s débattent et que les actrices et acteurs lors de la dernière distribution. Ce double plus enfoncées. Et aujourd’hui, les citoyen- politiques louvoient, il y a des gens qui ont constat est tout à l’honneur de Genève et je ne-s sont peut-être plus sensibles, atten- faim et aussi des gens qui dorment dehors souhaite le souligner, car très peu de médias tifs et attentives à ces problématiques de ou qui risquent d’être bientôt à la rue ; des l’ont fait. La plus grande injustice actuelle à pauvreté et se sentent plus concerné -e- s. gens malades qui n’ont pas accès aux soins. Genève est la situation vécue par autant de Avec l’action des Vernets, nous avons été Dans sa pièce de théâtre, Rhinocéros, Iones- personnes et de familles qui se débattent pionnières et pionniers. On va de l’avant, co disait « Prenez un cercle, caressez-le, il de- juste pour garder la tête hors de l’eau. Face on cherche des solutions et on les met en viendra vicieux. » Je pense que cette phrase, à l’indifférence politique et les limites ac- œuvre sans tergiverser. Genève est un labo- dans toute l’absurdité qu’elle exprime, offre tuelles du système social, elles n’ont d’autre ratoire pour tester des nouvelles voies et un début d’explication à votre question. Elle issue que de sombrer et de se retrouver à offrir un exemple pour le monde. illustre bien à mon sens la complaisance la rue. Alors que souvent, il suffirait de si politique que l’on observe actuellement. peu pour l’empêcher. L’opération Papyrus Prenez ce même cercle, secouez-le, bouscu- était une action pionnière, courageuse et lez-le, rudoyez-le un peu, peut-être qu’alors salutaire. Mais aujourd’hui, on le voit, il y 1 - La sérendipité est, au sens strict original, la il deviendra vertueux ! a encore, à Genève, des personnes qui ont conjonction du hasard heureux qui permet au honte, qui se cachent de peur d’être ren- chercheur de faire une découverte inattendue Quelle est à votre avis la plus grande injus- voyées et qui passent ainsi au travers des d’importance ou d’intérêt supérieurs à l’objet de tice qui soit à Genève ? mailles du filet social. La grande injustice, sa recherche initiale, et de l’aptitude de ce même c’est l’anonymat, le voile d’invisibilité qui chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ». Tout d’abord j’aimerais dire que durant l’ac- entoure ces personnes. (Wikipédia) tion de la Patinoire des Vernets, Genève a subi elle-même une grande injustice – celle Qu’est-ce qui vous fait encore et toujours d’être pointée du doigt et exposée par les aller de l’avant ? médias du monde entier : comment une ville aussi riche pouvait-elle se retrouver Je crois en l’être humain et en sa capa- avec des queues de personnes aussi lon- cité à faire des choses bien. Il faut lui faire gues ? confiance. Chaque action compte. Si tout le monde fait quelque chose, la situation ira mieux.
8 AGIR SANS ATTENDRE ENTRETIEN CAUSES COMMUNES SWISS GAMBIA SOLIDARITY clandestine, tels que les décès massifs et Qu’est-ce que la Covid-19 a apporté la précarité, en développant des ressources de nouveau pour les personnes en situation dans des zones où la pauvreté et le désarroi de grande précarité ? l’emportent. SGS crée des activités com- merciales, culturelles et sportives, d’aide à Au début de la crise, une grande panique. la scolarisation et d’accès aux études. Elle Tous les établissements publics ont fermé, vise à réduire les voyages de la mort qui ali- ainsi que de nombreuses associations, ou mentent le nouveau trafic d’esclaves et la ont vu leurs activités se réduire. De nom- criminalité. breuses personnes précaires nous ont ap- prochés avec toujours la même question : L’attachement de votre association au Qu’est-ce que l’on va devenir ? C’est à ce quartier des Pâquis est fort. Comment se moment que nous avons décidé de faire des traduit-il ? repas quotidiens pour les laissé-e-s pour compte des Pâquis. Une distribution consi- L’avantage d’évoluer dans un quartier mul- dérable, avoisinant les 9000 repas à ce jour ticulturel de la taille d’un village, est de illustre la violence de la crise socio-écono- pouvoir connaître et être proche des habi- mique de cette pandémie. Un inestimable tant-e-s des Pâquis. Étant au quotidien sur élan de solidarité a vu le jour. Cela a mis en le terrain, nous avons pu tisser une relation relation des personnes de divers milieux so- de confiance avec les différentes compo- ciaux. Nous espérons que cette solidarité va santes de ce quartier. Ensuite, nous avons perdurer et ne soit pas qu’un feu de paille. Swiss Gambia Solidarity est commencé à travailler en réseau, aussi bien Nous déplorons toutefois le manque d’ini- une association active aux avec d’autres associations, telles qu’Aspa- tiatives des institutions dans ce périmètre, sie, ou des institutions comme le CaapArve qui présente tant de fragilité, ainsi que la Pâquis qui s’occupe de migra- qui fait partie des HUG. Ces partenariats décision de ne pas appuyer nos démarches. tion, précarité et médiation, mettent en œuvre le suivi particulier de Nous avons dû récemment et avec grand re- personnes en difficulté, donnant un carac- gret, interrompre nos distributions de colis essentiellement par le travail tère de vie quotidienne à ces interventions. de solidarité. Ces distributions, commen- de rue et la mise en œuvre de Nous sommes également actives et actifs cées fin mars, constituaient un moment différentes initiatives. Nous au sein du collectif Bien Vivre aux Pâquis, très important pour des populations qui réunissant toutes les associations actives n’arrivaient plus à sortir de cette frontière avons rencontré Francesca du quartier. Nous menons avec ce collectif imaginaire des Pâquis. Elles étaient égale- Olivetti pour l’interroger sur des actions d’intérêt public, comme l’insti- ment une activité de réinsertion. Parmi nos tution de zones piétonnes, l’installation de bénévoles, on pouvait compter sur des tra- les missions de l’association. toilettes publiques ou, tout simplement, vailleuses du sexe, mais aussi des sans-abri, pour des animations de quartier. SGS fait en créant un important moment d’échange outre partie de la coordination de quartier, entre différentes communautés. Quelles sont les activités que déploie où des acteurs institutionnels rencontrent l’association Swiss Gambia Solidarity, les associations. Qu’est-ce que cette crise a révélé et qui en bénéficie ? de la précarité à Genève ? Quels sont les besoins actuels de l’associa- Notre champ d’action est vaste : médiation, tion Swiss Gambia Solidarité ? Une prise de conscience que la précarité animation, orientation, suivi, prévention n’est pas seulement l’affaire de quelques des risques liés à la consommation et à la Bien que nous soyons sur le terrain le plus marginaux, marginales, mais qu’en réalité, violence, mais aussi à la création d’activités clair du temps, nous aurions besoin d’un c’est un fléau qui touche un nombre de ou de moments de rencontre qui puissent local, pour entreposer les dons divers à re- plus en plus important de personnes et de mettre en relation les populations les plus distribuer, y installer un bureau et pouvoir familles. Cette crise a démontré que nous diverses qui habitent dans le quartier. À cet recevoir des personnes en entretien. L’idéal pouvons toutes et tous tomber dans la pré- effet, nous avons créé un département spé- serait un lieu au cœur même du quartier. carité à la suite d’une perte d’emploi, d’une cifique nommé Solidarité Pâquis Genève. Nous sommes aussi à la recherche de per- maladie, d’un divorce, de l’âge, etc. Son am- Les Pâquis offrent une importante den- sonnes motivées et actives pour rejoindre pleur a été très largement sous-estimée par sité de problématiques sociales. Nous nous notre comité. Nous recherchons des fonds la plupart des habitant-e-s et des politiques. adressons aux voisin-e-s, aux travailleuses pour mieux accompagner les personnes en Nous sommes tous et toutes concerné-e-s. et travailleurs du sexe, aux personnes ayant difficultés et aussi créer des activités cultu- des troubles psychiatriques ou des addic- relles ou autres dans le quartier afin d’obte- tions, aux jeunes africain-e-s, etc. En Gam- nir une meilleure cohésion sociale. bie, Swiss Gambia Solidarity a pour but pre- mier de limiter les dégâts de la migration
9 UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE ENTRETIEN CAUSES COMMUNES INÈS CALSTAS Quelle est la mission de la Pastorale Qu’est-ce que la Covid-19 a apporté de de rue ? nouveau pour les personnes en situation de grande précarité ? Sa mission est d’offrir aux personnes qui vivent l’exclusion un endroit à elles où La crise de la Covid-19 a mis en lumière montrer leurs capacités, trouver du récon- toutes les pauvretés cachées. Les pauvres fort, de la reconnaissance. Notre particula- ont été très visibles pendant le semi-confi- rité est qu’aucune décision n’est prise sans nement. Je suis très touchée par la généro- concertation avec les personnes concer- sité des personnes qui se sont manifestées. nées. Nous créons beaucoup de groupes de C’est la première fois en dix ans qu’on me parole où chacun-e est libre de s’exprimer. dit : « On doit faire quelque chose pour nos Toutes nos activités ont été proposées par pauvres », et ceci en parlant de personnes les personnes qui vivent dans la misère au qui, jusqu’à ce jour, n’ont pas eu droit de quotidien. territoire. Quelles sont les activités que vous Qu’est-ce qui, dans ton travail, te révolte déployez, et qui en bénéficie ? le plus ? Les personnes qui participent dans notre Je suis révoltée par le manque de volonté Pastorale sont des personnes qui n’ont pas politique. Il y a aujourd’hui des enfants le droit à des aides sociales, et qui, pour qui dorment dehors, à Genève ! La struc- diverses raisons, sont passées entre les ture d’accueil pour les familles a des listes mailles du filet. Nous avons 5 activités ou d’attente. Je suis révoltée quand je vais Fille de quatre grands-parents projets : parler avec le responsable d’un supermar- de différentes nationalités, ché à la suite d’une interdiction d’entrée Mo Ki Pousse : deux jardins potagers. et sa seule explication pour les faire chas- Inès Calstas est née à Mon- ser, c’est : « Les pauvres ne donnent pas tevideo pendant la dictature Plus d’un tour dans mon sac : un ate- une bonne image du magasin ». À Genève, militaire. L’expérience d’une lier de couture, où l’on récupère des des centaines d’hommes, de femmes, et parapluies cassés pour faire des sacs d’adolescent-e-s sont interdit-e-s d’accès à église engagée socialement et de commissions pliables, et où l’on fa- la gare, à l’aéroport, aux centres commer- politiquement l’a façonnée. brique des masques. ciaux, à certains quartiers et même à l’hô- pital. Je suis révoltée quand des personnes Depuis 2010, elle travaille Une aide juridique pour des affaires qui pourraient contribuer à la richesse de pour l’Église catholique de pénales comme les interdictions d’en- Genève sont mises à la marge juste à cause Genève, elle a une double cas- trée dans des centres commerciaux, les de leurs passeports. Je suis révoltée quand amendes pour mendicité, etc. on accuse les pauvres de violence sans te- quette de coordinatrice du Pôle nir compte de la violence qu’ils subissent Solidarités et responsable de Aide à la scolarisation : accompagne- chaque jour. Je suis révoltée contre la loi ment des enfants issus de familles dont antimendicité, une loi absurde qui coûte la Pastorale de milieux ouverts les parents sont illettrés voire analpha- beaucoup d’argent et qui stigmatise les (Pastorale de rue), s’inscrivant bètes. pauvres. dans une dimension œcumé- Un projet où l’on propose des bénévoles Comment envisages-tu l’avenir ? nique. Elle travaille avec des à des associations, à des paroisses, ou à populations précarisées et la Ville de Genève. En contrepartie de On a beaucoup à faire ! Malgré tout, j’ai ce bénévolat, on prend en charge une confiance. Quand je vois les qualités des marginalisées dans le canton dette qui pèse sur la personne, ou l’on personnes avec qui je travaille, les projets de Genève. prend en charge le coût de frais den- que nous avons montés. Quand je vois les taires importants. enfants qui vont à l’école malgré l’exclu- sion vécue par leurs parents et qui vont bien, qui sont heureux et épanouis. Quand je vois des ancien-ne-s mendiant-e-s tra- vailler. Quand je vois leur foi, quand je suis témoin de leur détermination à s’en sortir malgré toutes les difficultés. Quand je vois tout cela, je ne peux qu’avoir de l’espoir. Je suis sûre qu’un autre monde est possible !
10 L’HYGIÈNE, UN DROIT FONDAMENTAL ! ENTRETIEN CAUSES COMMUNES KITS HYGIÈNE GENÈVE Quelles sont les actions que vous Dotées d’une baguette magique, déployez ? Qui en bénéficie ? que feriez-vous disparaître? Au vu de notre manque de moyens, nous col- Beaucoup de choses sans doute. Nous es- lectons des dons grâce aux réseaux sociaux sayerions de faire comprendre aux gens essentiellement. La cause que nous défen- que la misère existe aussi en Suisse. De dons a très vite suscité un vif intérêt. Fortes nombreuses femmes sont à la rue, parfois d’incroyables élans de générosité, nous avec leurs enfants. Très peu de choses sont avons pu rapidement distribuer des kits prévues pour elles. Si manger est une priori- d’hygiène dans les associations «Femmes té, l’accès à l’hygiène l’est tout autant. Nous à Bord» ou dans différents «Sleepin». La exhorterions les politiques à être davan- demande étant de plus en plus grande, tage à l’écoute des besoins humains plutôt nous avons sollicité le soutien de la Fonda- que des intérêts politiques et financiers. tion Partage afin de pouvoir en distribuer Et surtout, nous ouvririons un lieu dédié à au plus grand nombre. Ce partenariat nous ces invisibles afin qu’elles trouvent, pour permet à présent d’aller régulièrement à la quelques heures, chaleur humaine, écoute Paroisse de Montbrillant où la demande est et empathie. Un lieu où elles pourraient très forte. tout simplement accéder à ce qui constitue un droit inaliénable : celui de l’hygiène, vec- Qu’est-ce que la Covid-19 a apporté teur principal de dignité. de nouveau ? La crise sanitaire et les mesures prises nous ont fortement affectées. L’interdiction de se regrouper nous a contraintes à sus- pendre notre activité alors même que les besoins étaient immenses. Savoir que les lieux d’accueil habituels étaient fermés et que la plupart de ces «invisibles» n’iraient pas aux Vernets nous a anéanties. Avoir la volonté et la capacité de fournir des pro- Kits Hygiène Genève est né de duits de première nécessité (car c’est bien la rencontre de deux femmes de cela dont nous parlons) et s’en trouver empêchées était difficile à admettre. engagées, Sandra Cherpillod et Catherine Blanchard. Leur Quels sont les défis actuels à relever amitié naissante et la cause pour votre association ? que Sandra Cherpillod souhai- Les défis sont grands et nombreux, mais tait défendre les ont profon- ce sont eux qui nous portent au quotidien. Le principal défi est le manque de visibilité. dément liées. Leur parcours Ces femmes sans abri qui ne viennent pas personnel les ont toutes deux dans les associations sont, faute de local fixe confrontées à la précarité. et pérenne, inatteignables. C’est un milieu dans lequel le bouche-à-oreille est notre Elles se sont unies afin que plus sûr allié. Dès lors qu’elles sauront où et l’accès à l’hygiène menstruelle, quand nous trouver, elles viendront cher- cher ces produits qui leur font tant défaut. en particulier, mais plus géné- Sandra et moi-même en sommes convain- ralement à l’hygiène dans son cues. L’autre défi auquel nous faisons face ensemble, soit reconnu en tant est le stockage des dons. Nous n’avons d’autres choix que d’envahir nos apparte- que droit fondamental à la ments car nos demandes de cave ou de box dignité des femmes laissées auprès de la ville de Genève sont restées sans réponse. pour compte.
11 TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS EN DANGER ROXANE AUBRY CONSEILLÈRE MUNICIPALE Durant la période de semi- y rester pendant la crise, et ont pu conser- élans de solidarité et du développement de ver un toit sur la tête, d’autres ont été réseaux d’entraide, certain-e-s profitent confinement liée à la Covid-19, jeté-e-s dehors, faute de rentrée d’argent malheureusement de la vulnérabilité et de de nombreuses personnes en pour payer leur chambre, qui se loue à des la détresse d’autrui, conduisant à une accu- prix exorbitants (CHF 100.-/ jour). Ces per- mulation des difficultés dans le champ du situation de précarité ont été sonnes se sont alors retrouvées dans les travail du sexe. plus particulièrement visibi- dispositifs d’hébergement d’urgence, faute lisées lors des distributions d’alternatives ou de possibilités de retour- Un niveau alarmant de précarité et de ner dans leur pays. Si aujourd’hui les activi- vulnérabilité alimentaires. Certaines caté- tés économiques ont repris et que certains gories socioprofessionnelles secteurs se portent mieux, le domaine du Pour bon nombre de travailleur-euse-s du travail du sexe reste une zone sinistrée. La entières ont vu leur situation sexe, la crise de la Covid les a plongé-e-s clientèle locale, craintive face à la Covid, dans une situation de précarité et de vul- se dégrader brutalement ; par semble faire davantage l’impasse sur ce nérabilité qui s’étend bien au-delà d’un exemple, les travailleur-euse- type de prestations. La clientèle interna- besoin ponctuel de sacs alimentaires, mais tionale, liée au tourisme ou aux affaires, qui touche d’autres aspects fondamentaux, s du sexe ont été frappé-e-s a fondu face aux mesures de restriction comme le logement, les ressources éco- d’une interdiction d’exercer liées aux voyages, tout comme les salons nomiques ou encore l’intégrité physique. ou autres événements qui ont été annulés. leur activité. Pour celles et Tous les partenaires, tels que l’État, les communes, les fondations privées et les ceux qui avaient des écono- L’offre est actuellement bien en deçà associations doivent travailler conjointe- mies, ils et elles les ont vu de la demande ment pour offrir des réponses immédiates aux besoins socio-économiques concrets, fondre progressivement avant Certains salons commencent à fermer, vitaux et urgents des catégories de la po- de ne plus parvenir à payer laissant sur le carreau de nombreux-euses pulation qui sont durablement frappées leur logement ou à couvrir travailleur-euse-s du sexe qui peinent à par les changements sociétaux induits par trouver des alternatives professionnelles la Covid, comme les travailleur-euse-s du leurs besoins de base. sur un marché du travail actuellement très sexe ou les personnes sans statuts légaux. tendu et compétitif. Pour celles et ceux qui Travail du sexe, zone sinistrée tiennent bon, les associations de soutien constatent des risques accrus dans l’exer- Une majorité de travailleur-euse-s du sexe cice du travail du sexe, notamment une migrant-e-s à Genève habite dans les sa- recrudescence des situations de violence lons érotiques dans lesquels ils et elles tra- et d’abus. Si la crise socio-économique liée vaillent. Si certain-e-s ont été autorisé-e-s à à la Covid-19 s’accompagne de fabuleux
12 POUR UNE SOCIÉTÉ ÉGALITAIRE SOLIDAIRE ET ÉCOLOGIQUE THOMAS BRUCHEZ LUCIEN SCHWED La crise de la Covid-19 a une La fixation des loyers sur les coûts d’en- C’est pourquoi nous exigeons : tretien. fois de plus illustré l’incapa- La suppression des services de polices cité du système capitaliste à Droits des travailleur·euse·x·s du sexe En lieu et place, nous exigeons : répondre aux besoins de la Nous considérons, d’une part, qu’ignorer population, et son rôle des- l’existence du travail du sexe, en choisis- La mise en place d’organisations de tructeur pour les écosystèmes. sant de ne pas traiter de la question serait conseils de quartiers habilités à prendre une posture moraliste et indigne d’un parti des décisions pour régler les problèmes C’est pourquoi, en réaction de gauche, qui ne traiterait pas les diffi- à l’échelle locale. à ce contexte, la Jeunesse cultés que rencontrent les personnes qui exercent ces métiers. D’autre part, nous La formation de travailleur.x.euse.s so- socialiste genevoise a rédigé savons que, mis à part les questions sur le ciaux habilité-e-s à gérer des situations un programme contenant des travail en général, les questions relatives de crise. revendications qui aspirent à au travail du sexe sont les mieux maîtri- sées par les syndicats qui exercent dans le Écologie créer un pont vers une société domaine. C’est pourquoi nous exigeons : socialiste. De l’égalité sociale La crise du coronavirus est profondément à l’écologie, en passant par le Une mise en place de cadres légaux liée aux questions écologiques. En effet, concernant la prostitution, en étroite la surexploitation des ressources, par féminisme et la solidarité avec collaboration avec les syndicats concer- exemple sous la forme de la déforestation, les personnes migrantes, ce nés. pousse de nombreuses espèces animales à fuir leur habitat naturel et à entrer en programme cherche à offrir Un renforcement de l’accès à la pré- contact avec des populations humaines, certains éléments de réponse vention sexuelle et aux soins médicaux leur transmettant ainsi des maladies. aux dysfonctionnements du pour les personnes exerçant le travail Cette surexploitation des ressources est du sexe. une conséquence directe de notre système capitalisme. En voici quelques économique, le capitalisme, qui place les morceaux choisis : Une aide à la reconversion profession- profits à court terme au-dessus de tout. nelle pour les personnes exerçant le La crise climatique est certainement le travail du sexe qui souhaitent changer plus grand enjeu de notre temps. La crise Droit au logement d’activité. de la Covid-19 nous a montré avant toute chose l’importance de prendre les crises La perte, partielle ou totale de leurs reve- Violence policière et racisme au sérieux et d’agir en conséquence, le plus nus, a mis des milliers de personnes dans structurel rapidement possible. Or notre système l’impossibilité de payer leur loyer. Cela économique actuel, basé sur une recherche s’ajoute à l’absence d’une offre suffisante La police est le bras armé d’un pouvoir qui du profit à court terme, est incompatible de logements abordables. C’est pourquoi ne défend que l’intérêt de quelques-un-e-s, avec la construction d’une société écolo- nous exigeons : et un outil d’oppression des minorités. Les gique. Par conséquent, prendre la crise meurtres policiers en sont un des exemples climatique au sérieux, c’est rompre avec le La réquisition de tous les bureaux les plus graves, et ne représentent que la capitalisme ! vides, ainsi que de tous les logements pointe de l’iceberg. De nombreuses asso- vides et vacants. ciations antiracistes dénoncent depuis de nombreuses années les violences poli- La fin immédiate des expulsions des cières. Nous pensons que l’existence de locataires dans l’incapacité de payer cette institution est incompatible avec une leur loyer. société socialiste.
13 FIERTÉ ET VISIBILITÉ LE GROUPE LGBTIQ+ DU PARTI SOCIALISTE GENEVOIS Nous vivons l’année de la Une communauté touchée L’histoire nous a appris qu’en période de crise, les personnes marginalisées déception, de la tristesse, mais Restons confiant-e-s dans la capacité des souffrent de manière disproportion- aussi de la solidarité et de militant-e-s des droits LGBTIQ+ à étoffer née. la résilience. La pandémie a leur palette d’outils pour mener leur com- bat jusqu’au terme de cette pandémie et Les autorités se doivent d’apporter une eu raison de la quasi-totalité au-delà. L’énorme défi de visibilité des ac- attention particulière aux besoins des des rassemblements et des tions militantes se mêle à l’accroissement personnes LGBTIQ+. En garantissant no- de la vulnérabilité des personnes concer- évènements de mobilisation nées. La communauté a été touchée de ma- tamment l’accès aux services de santé et en encourageant la formation du corps LGBTIQ+ à Genève et à travers nière disproportionnée par les effets de la médical pour mieux accompagner les per- le monde. Poumon du combat Covid-19, se trouvant confrontée à de vrais sonnes LGBTIQ+, en particulier les per- risques sanitaires et à un manque de reve- sonnes transgenres. Un accent spécifique pour l’égalité, la société civile nus. Vivant parfois dans des situations pré- doit aussi être porté pour faciliter le tra- militant pour les droits LGB- caires, la majorité des personnes LGBTIQ+ vail des associations et les aider à adapter subit des formes multiples de violence et TIQ+ en souffre énormément. de discrimination, aggravées par la nature leurs prestations aux mesures sanitaires en vigueur, par l’octroi de ressources et de intersectionnelle de leur identité. fonds adéquats. Nouveaux défis, nouvelles stratégies La crise de la Covid-19 a attisé les Enfin, il est primordial d’inclure la société risques sanitaires pour les personnes civile dans les processus décisionnels de Les associations sont privées de leurs réu- LGBTIQ+ dans leur globalité et plus gestion de crise et post-crise, et de garan- nions politiques importantes, des moyens d’action et de réseautage. En perdurant, spécifiquement en lien avec la santé tir aux associations l’accès aux décideuses mentale et sexuelle. et décideurs politiques et les tribunes né- cette situation suscite une inquiétude cessaires à la revendication de leurs droits. croissante à Genève et dans la Genève in- Un certain nombre de problèmes est ap- Dans cette période difficile, il est vital de ternationale. Dans ce contexte, il est cru- paru en lien avec les soins liés à la tran- nous rassembler en nous assurant que la cial de se réinventer pour poursuivre les sidentité, notamment l’interruption des pandémie n’efface pas les efforts pour la actions de prévention en les adaptant au traitements de transition. De l’anxiété en défense de la communauté LGBTIQ+. Nous cadre sanitaire strict. La visibilité est vitale découle pour les personnes trans, en raison répondrons présent-e-s ! pour ne pas renvoyer les personnes LGB- TIQ+ dans le placard ! Des alternatives ont de l’absence d’accompagnement. Pendant émergé et devront être pérennisées pour la période du semi-confinement, la ferme- occuper l’espace public et médiatique au- ture des centres spécialisés a confronté les trement, avec des campagnes d’affichage, personnes vivant avec le HIV à une limita- l’organisation d’actions symboliques, la tion de traitements. Des jeunes, victimes dissémination de l’identité visuelle, la créa- de violences homophobes, ont croupi dans tion d’évènements entièrement digitaux, la des milieux hostiles. Les plus âgé-e-s, vi- mise en place de stratégies de mobilisation vant seul-e-s ont vécu leur situation dou- en ligne et l’intensification de la promotion leureusement. dans les médias sociaux.
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