DÉVELOPPEMENT DURABLE - FAE

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DÉVELOPPEMENT DURABLE - FAE
DÉVELOPPEMENT
DURABLE
BONNES PRATIQUES
ET PLUS-VALUE POUR
LES ENTREPRISES
OCTOBRE 2019
DÉVELOPPEMENT
DURABLE
BONNES PRATIQUES
ET PLUS-VALUE POUR
LES ENTREPRISES
OCTOBRE 2019
SOMMAIRE
PRÉAMBULE___________________________________________________________ 4
    CE QU’IL FAUT EN RETENIR___________________________________________ 6
1/ QU’EST-CE QUE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?___________________ 8
2/ ÉTATS DES LIEUX____________________________________________________ 16
3/ LE DÉVELOPPEMENT DURABLE, BON POUR L’ÉCONOMIE__________ 22
4/ PAR OÙ COMMENCER ?______________________________________________ 26
5/ MESURES ENVIRONNEMENTALES___________________________________ 29
6/ MESURES SOCIALES_________________________________________________ 36
7/ MESURES ÉCONOMIQUES ET DE GOUVERNANCE___________________ 42
8/ FINANCE DURABLE___________________________________________________ 46
    GLOSSAIRE___________________________________________________________ 50

    Dans ce document, l’emploi du masculin pour désigner
    des personnes ou des fonctions (telles que directeurs ou
    entrepreneurs) n’a d’autre fin que celle d’alléger le texte.
4   OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

                       PRÉAMBULE
5

Développement durable, responsabilité sociétale des entreprises, agenda
2030, stratégie 2050, objectifs de développement durable. Autant de termes
qui sont devenus omniprésents et qui vont impacter toujours plus la vie des
sociétés. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Que peuvent concrètement faire les
entrepreneurs ? De quels exemples genevois peuvent-ils s’inspirer ?
Telles sont quelques-unes des questions traitées dans cette étude publiée par
la CCIG et la BCGE, avec la collaboration de l’OCSTAT.
Au-delà des contraintes légales et des impacts positifs pour la planète, suivre
une démarche de développement durable comporte de nombreux avantages
pour l’entreprise. En termes d’attractivité, de mobilisation interne, de créativité,
de productivité et même très souvent de finances. Et, à l’inverse, la non-action
va coûter toujours plus cher, pour des questions d’image, mais plus fondamen-
talement encore en ce qui concerne la gestion des risques. Car aujourd’hui, les
principaux risques majeurs sont liés à des facteurs concernant le développe-
ment durable.
Sans compter que les consommateurs sont devenus plus attentifs à la théma-
tique et que la plupart des gouvernements ont des objectifs précis pour réali-
ser une transition vers une économie post-carbone et socialement responsable.
Ainsi, à la fin de l’été 2019, le Conseil fédéral a décrété la neutralité carbone
en 2050.
En Suisse, se préoccuper du développement durable n’est pas une tâche facul-
tative, la Confédération ayant élevé ce dernier au rang de but constitutionnel et
attendant des entreprises qu’elles assument leurs responsabilités en la matière.
Ces dernières sont d’ailleurs toujours plus nombreuses à prendre, ou à vouloir
prendre, des mesures environnementales (énergie, déchets, transports, maté-
riaux, etc.), sociales (politique RH, égalité des genres, santé et sécurité au
travail, etc.) et de gouvernance (achats responsables, dialogue avec les parties
prenantes, lutte contre la corruption et la fraude, etc.).
Les manières de mener une démarche de développement durable sont nom-
breuses et les domaines abordés variés. A chacune et chacun de fixer ses priori-
tés en fonction de son entreprise, de son type d’activités et de ses impacts. Mais
au cœur du processus, les questionnements et les bonnes pratiques sont géné-
ralement similaires. Se pencher sur les mesures prises par d’autres est donc un
exercice utile. Cette étude présente ainsi un grand nombre d’exemples concrets
mis en œuvre par des sociétés de la région afin de donner des idées aux autres
et de participer à un cercle vertueux.
Nos remerciements s’adressent à Aline Yazgi, auteure de l’étude, ainsi qu’au
comité de pilotage, composé d’Alexandra Rys (CCIG), Lydia Albrecht (BCGE),
ainsi que de Hervé Montfort (OCSTAT).
Nous vous souhaitons une lecture inspirante et enrichissante.

Blaise Goetschin                           Vincent Subilia
CEO                                        Directeur général
BCGE                                       CCIG
6      OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

    CE QU’IL FAUT
    EN RETENIR
    LE DÉVELOPPEMENT DURABLE CONCERNE AUJOURD’HUI TOUTES LES
    ENTREPRISES. SOUVENT PERÇU PAR CES DERNIÈRES COMME UNE
    CONTRAINTE, IL EST POURTANT SOURCE D’OPPORTUNITÉS ET COMPTE
    DE NOMBREUX AVANTAGES. TOUR D’HORIZON D’UNE CINQUANTAINE
    DE BONNES PRATIQUES ENVIRONNEMENTALES, SOCIALES
    ET ÉCONOMIQUES.

                                         Le premier chapitre s’attache à définir un certain nombre
                                         de termes qui ont fleuri ces dernières années (responsa-
                                         bilité sociale des entreprises, agenda 2030, etc.), en com-
                                         mençant par rappeler que le développement durable est
                                         le fruit d’un équilibre subtil entre une efficacité écono-
                                         mique, une responsabilité environnementale et une équité
                                         sociale. Diverses initiatives ont été prises pour encoura-
                                         ger l’évolution de l’économie mondiale vers des systèmes
                                         plus durables: l’ONU a formulé les Objectifs de développe-
                                         ment durable (ODD) et le Pacte mondial regroupe quelque
                                         10’000 sociétés s’engageant à appliquer un certain
                                         nombre de principes universels, pour ne citer que ces deux
                                         exemples. Et pour y parvenir, certaines entreprises com-
                                         mencent à recourir à de nouveaux modèles économiques,
                                         tels que l’économie circulaire, l’écologie industrielle ou
                                         l’économie de la fonctionnalité.
7

                                                                       “   Pour que le système
                                                                       économique fonctionne, les
                                                                       entreprises doivent pouvoir
Pourquoi en parler maintenant ? Certes, l’expression                   dégager des bénéfices.
« développement durable » a 40 ans, mais aujourd’hui
plus aucune entreprise ne peut ignorer la thématique,
                                                                       La performance économique
sous peine de ne plus durer elle-même longtemps. D’ail-                fait donc bien partie du
leurs, « le Conseil fédéral attend des entreprises domici-
liées en Suisse qu’elles assument leurs responsabilités
                                                                       développement durable.
environnementales et sociales dans toutes leurs activi-                Mais pas à n’importe quel prix

                                                                                                            ”
tés »1. Et comme le montre le chapitre 2, les observateurs
constatent que les sociétés genevoises sont toujours plus
                                                                       ni n’importe comment.
demandeuses de conseils en développement durable,
qu’elles sont plus nombreuses à prendre des mesures et
que leurs démarches se sont professionnalisées. Genève
se distingue en outre par quelques initiatives novatrices.       Le chapitre 5 donne plus de vingt bonnes pratiques en
                                                                 matière environnementale, tirées d’exemples genevois.
Le chapitre 3 détaille les avantages très concrets qu’ont les
                                                                 Visant à être des sources d’inspiration, elles concernent
entreprises à mettre en place des politiques de développe-
                                                                 la consommation d’énergie, la mobilité, les ressources, les
ment durable : sources d’opportunités, création d’emplois,
                                                                 déchets, la biodiversité et la compensation des émissions.
attractivité accrue, hausse de la motivation, amélioration du
dialogue interne, facteur de différenciation, diminution des     Le chapitre 6 s’intéresse aux mesures sociales et socié-
risques juridiques, opérationnels et liés à leur image, etc.     tales. Conditions de travail, égalité entre femmes et
Les enjeux environnementaux et sociaux constituent éga-          hommes, diversité, embauches, formation, santé et sécu-
lement un terreau pour construire de nouveaux modèles            rité au travail, mais aussi respect des droits humains sont
d’affaires, comme en témoignent le large spectre de firmes       autant de thèmes inclus dans la dimension sociale du
récemment créées et les nouvelles solutions offertes par         développement durable.
des groupes déjà bien établis. Avec, à la clé, l’émergence
                                                                 Pour que le système économique fonctionne, les entre-
de nouveaux métiers. Enfin, de nombreuses aides finan-
                                                                 prises doivent pouvoir dégager des bénéfices. La
cières existent pour ceux qui entament une démarche envi-
                                                                 performance économique fait donc bien partie du déve-
ronnementale.
                                                                 loppement durable. Mais pas à n’importe quel prix ni n’im-
Mais par où commencer ? Chaque entreprise étant diffé-           porte comment. Certaines bonnes pratiques économiques
rente, il n’existe pas de réponse unique. Le chapitre 4 décrit   et de gouvernance sont indispensables et sont décrites
toutefois les principaux points aidant à guider la démarche      dans le chapitre 7.
et donne quelques pistes pour s’orienter dans la jungle
                                                                 Enfin, le chapitre 8 traite de la finance durable, car les
des labels. Le développement durable ne consiste pas en
                                                                 placements prenant en compte des critères de durabi-
une liste qu’il faut suivre, mais bien en un processus qui
                                                                 lité connaissent une croissance exponentielle. Revêtant
doit s’inscrire dans une réflexion autour du fonctionne-
                                                                 différentes formes (exclusion, sélection, activisme, impact
ment global et qui doit faire sens dans le contexte propre
                                                                 positif), ils peuvent offrir des rendements identiques, voire
à chacun.
                                                                 supérieurs aux placements traditionnels. Sans compter
                                                                 que l’un des plus grands défis relatifs au financement de
                                                                 l’Agenda 2030 est d’attirer et diriger l’investissement privé
                                                                 dans les domaines qui permettront la réalisation des ODD.
                                                                 La finance d’impact apporte dans ce contexte une contri-
                                                                 bution bienvenue.

1   Conseil fédéral Agenda 2030
    pour le développement durable,
    Rapport national 2018 de la Suisse, 2018.
8                                 OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

1/ QU’EST-CE QUE
   LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?
  SOUVENT UTILISÉ DE MANIÈRE RÉDUCTRICE COMME SYNONYME
  D’ENVIRONNEMENT, LE DÉVELOPPEMENT DURABLE*1 INCLUT CERTES LES ENJEUX
  ÉCOLOGIQUES, MAIS VISE ÉGALEMENT À RÉPONDRE AUX PROBLÉMATIQUES SOCIALES,
  TOUT EN ASSURANT UNE ÉCONOMIE QUI FONCTIONNE.

  QUELQUES DÉFINITIONS                             Le développement durable peut ainsi        Il peut donc y avoir de vraies fractures
                                                   se résumer par trois adjectifs : il est    conceptuelles, se traduisant par des
  Développement durable                            équitable, viable et vivable. Traduit en   frustrations et des critiques.
                                                   langage comptable, au lieu de regar-
  Pour reprendre la définition de la                                                          A l’origine, le développement durable
                                                   der uniquement la « bottom line » (la
  Commission mondiale sur l’environ-                                                          est un concept systémique, où
                                                   dernière ligne du compte de résul-
  nement et le développement des                                                              chaque action est considérée selon
                                                   tat), il s’agit d’avoir une approche
  Nations Unies, « le développement                                                           ses impacts globaux sur les divers
                                                   de la « triple bottom line », autre-
  durable est un développement qui                                                            aspects. Toutefois, pour être plus
                                                   ment dit, évaluer la performance de
  répond aux besoins du présent sans                                                          concrète et donner des idées aux
                                                   son entreprise non seulement par
  compromettre la capacité des généra-                                                        entreprises, cette étude va passer en
                                                   le profit financier, mais aussi par son
  tions futures de répondre aux leurs ».                                                      revue une cinquantaine de bonnes
                                                   impact environnemental et ses consé-
                                                                                              pratiques en matière environnemen-
  Le développement durable résulte                 quences sociales (sur l’ensemble de
                                                                                              tale, sociale et de gouvernance.
  donc de l’évolution harmonieuse de               ses parties prenantes).
  trois dimensions interdépendantes :
                                                   Il s’agit donc d’un équilibre subtil et
  la dimension économique (liée à la
  création de richesse et à l’améliora-
                                                   durable entre une efficacité écono-
                                                   mique, une responsabilité environne-
                                                                                              Les objectifs
  tion des conditions de vie matérielle),
  la dimension sociale (qui englobe les
                                                   mentale et une équité sociale. Or qui      de développement
  domaines de la santé, de l’éducation,
                                                   dit équilibre, dit aussi compromis. Ce
                                                   qui en fait sa force, mais aussi sa fai-
                                                                                              durable (ODD)
  de l’habitat, de l’emploi, de l’équité
                                                   blesse. Force, car cette thématique        Pour encourager l’évolution de l’éco-
  intra- et intergénérationnelle ainsi que
                                                   complexe fait appel à la concerta-         nomie mondiale vers des systèmes
  la prévention de l’exclusion sociale)
                                                   tion entre tous les acteurs: population,   plus responsables et plus durables,
  et la dimension écologique (préserva-
                                                   entreprises, politiciens, scientifiques,   l’Organisation des Nations Unies
  tion de l’environnement, des espèces
                                                   associations, etc. Et au sein des entre-   (ONU) a formulé les Objectifs du déve-
  et des ressources)2.
                                                   prises – focus de l’étude – le dévelop-    loppement durable (ODD), qui tiennent
                                                   pement durable ne peut être mis en         compte des principaux défis écono-
                                                   œuvre que si l’ensemble des unités         miques, sociaux et environnementaux
                                                   et des collaborateurs sont pris en         de la planète. En 2015, 193 pays ont
                                                   compte. Par nature, le développement       adopté ces 17 ODD (subdivisés en 169
                                                   durable est transversal (avec, dans les    cibles) que les Etats membres visent
                                                   entreprises, l’agréable corollaire de      à atteindre à l’horizon 2030 (Agenda
                                                   décloisonner les très décriés silos) et    2030). Ils constituent un appel mondial
                                                   privilégie l’approche participative.       à agir pour éradiquer la pauvreté, pro-
                                                                                              téger la planète et faire en sorte que
                                                   Mais être le fruit de compromis
                                                                                              tous les êtres humains vivent dans la
                                                   constitue aussi sa faiblesse. Car
                                                                                              paix et la prospérité.
                                                   selon leurs convictions, les uns trou-
                                                   veront que l’accent est trop mis sur       Souvent perçus comme des outils
                                                   l’environnement, d’autres sur l’éco-       destinés en premier lieu aux collecti-
                                                   nomie, d’autres encore sur le social.      vités publiques ou à la population, ils
                                                                                              concernent toutefois également les
  1
                                                                                              entreprises. Et cela à plusieurs titres.
      Les termes assortis d’un astérisque
      sont expliqués également dans le glossaire
      qui se trouve à la fin de l’étude.
  2   Service cantonal du développement durable,
      2003. « PME et développement durable. »
      Juin 2003.
1/ QU’EST-CE QUE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?                                                                         9

     Les 17 objectifs de développement durable

             1. PAS DE                           2. FAIM                   3. BONNE SANTÉ                   4. ÉDUCATION
             PAUVRETÉ                            « ZÉRO »                   ET BIEN-ÊTRE                     DE QUALITÉ

                                          6. EAU PROPRE ET                7. ÉNERGIE PROPRE               8. TRAVAIL DÉCENT
         5. ÉGALITÉ ENTRE                 ASSAINISSEMENT                     ET D’UN COÛT                   ET CROISSANCE
             LES SEXES                                                        ABORDABLE                      ÉCONOMIQUE

                                        Chacun des objectifs est subdivisé en cibles mesurées par des indicateurs. Ainsi,
                                        l’objectif «Travail décent et croissance économique» se subdivise notamment en
             9. INDUSTRIE,              croissance économique (produit intérieur brut par habitant), compétitivité (pro-
            INNOVATION ET               ductivité du travail), PME (emplois dans les branches innovatrices), utilisation des
          INFRASTRUCTURE
                                        ressources naturelles (empreinte matérielle) ou encore travail et salaire (taux
                                        d’activité professionnelle des femmes et disparités salariales selon les sexes).

                                                                          12. CONSOMMATION
                                                                            ET PRODUCTION
                                                                            RESPONSABLES                13. MESURES RELATIVES
                                               11. VILLES ET                                              À LA LUTTE CONTRE
           10. INÉGALITÉS                     COMMUNAUTÉS                                                 LES CHANGEMENTS
             RÉDUITES                           DURABLES                                                     CLIMATIQUES

          14. VIE AQUATIQUE                                                                                17. PARTENAIRES
                                                                                                         POUR LA RÉALISATION
                                                                                                            DES OBJECTIFS
                                                                           16. PAIX, JUSTICE
                                          15. VIE TERRESTRE                ET INSTITUTIONS
                                                                              EFFICACES

     Source : ONU.
10                           OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

     DES SAVONS DURABLES
                                                                                                  Il s’agit d’un engagement volontaire
     Bien que la présente étude classe les mesures prises par les entreprises,                    et non contraignant qui a des relais
     selon qu’elles sont environnementales, sociales ou de gouvernance,                           dans les pays. En Suisse, c’est le
     nombre de projets de développement durable contiennent en même temps                         Global Compact Network Switzerland,
     ces trois sphères. C’est le cas de l’initiative à but non lucratif Youth for                 comptant parmi ses membres des
     Soap. Constatant l’énorme quantité de savons finissant à la poubelle sans                    multinationales, des PME et des orga-
     avoir été utilisés ou presque sans l’avoir été, le groupe hôtelier genevois                  nisations issues de la société civile,
     Manotel et les jeunes apprentis de la structure du DIP Espace Entreprise                     qui accompagne les entreprises dans
     ont monté un projet consistant à récolter, nettoyer, râper et reconstituer                   leur démarche.
     les savons pour les rendre comme neufs (tout en respectant les normes
                                                                                                  Ainsi, Caran d’Ache – qui a pris depuis
     d’hygiène). Ces derniers sont alors distribués à des associations gene-
                                                                                                  des années de nombreuses mesures
     voises aidant la population démunie du canton. Cette initiative répond
                                                                                                  en matière de développement
     ainsi à des problématiques environnementale (limiter les déchets et le gas-
                                                                                                  durable, allant de la réinsertion de
     pillage), sociale (offrir du savon à des personnes dans le besoin), éducative
                                                                                                  personnes en situation de handicap
     (projet entièrement géré par des apprentis) et intégrative (la production de
                                                                                                  à l’installation de panneaux solaires
     savon se fait dans un atelier protégé pour personnes ayant une déficience
                                                                                                  – a adhéré en 2018 à la charte du
     intellectuelle). Initialement prévu pour récupérer 1 tonne de savon par an,
                                                                                                  Pacte mondial. Objectif ? Rassembler
     le projet va grandir, d’autres groupes hôteliers ayant montré leur intérêt.
                                                                                                  sous un label reconnu une grande
                                                                                                  partie de ses engagements respon-
                                                                                                  sables, explique son CEO Jean-Fran-
                                                                                                  çois de Saussure 4 . Et, poursuit-il,
D’abord, les 17 objectifs touchent          Enfin, une étude réalisée en 2018 par                 l’entreprise genevoise pousse désor-
tous à un degré ou à un autre les           la Commission des entreprises et du                   mais ses partenaires et fournisseurs
acteurs économiques : égalité sala-         développement durable3 indique que                    à respecter les mêmes critères dans
riale, progrès technologique ou pro-        si les ODD étaient atteints, « de nou-                une charte éthique qu’elle a édictée.
duction responsable pour ne citer que       velles opportunités de marché attei-                  Enfin, le Pacte « prévoit un suivi des
ces exemples.                               gnant au moins 12’000 milliards de                    actions mises en place afin de jauger
                                            dollars par an pourraient être déblo-                 les engagements de l’entreprise et de
Ensuite, ces ODD forment un cadre
                                            quées d’ici 2030 ».                                   progresser d’année en année ».
de travail permettant une vision sys-
témique et globale sur la durabilité,
explique Fabrice Calame, adjoint du
vice-recteur de l’Université de Genève      Le Pacte mondial                                      Responsabilité sociale
en charge du dicastère stratégique
incluant le développement durable.
                                            Le Pacte mondial de l’ONU (United                     des entreprises (RSE)*
                                            Nations Global Compact) est, selon
« Ils nous obligent également à nous                                                              La RSE est la prise en compte et l’inté-
                                            ses dires, « l’initiative la plus large au
questionner sur le fonctionnement de                                                              gration volontaire par les entreprises
                                            monde en termes de responsabilité
nos organisations, à voir quelles sont                                                            de préoccupations sociales, environ-
                                            des entreprises ». Il s’agit en effet d’un
les interconnexions entre les diffé-                                                              nementales et éthiques liées à leurs
                                            regroupement de quelque 10’000
rents domaines. »                                                                                 activités commerciales et à leurs rela-
                                            sociétés de presque toutes les tailles
                                                                                                  tions avec l’ensemble des parties pre-
Autre utilité : « Ils donnent aux entre-    et de tous les secteurs provenant de
                                                                                                  nantes (collaborateurs, fournisseurs,
prises une grille de référence et d’ana-    plus de 160 pays s’engageant à appli-
                                                                                                  clients, société en général).
lyse permettant à des personnes de          quer dix principes universels rela-
secteurs différents de parler le même       tifs aux droits de l’homme, au travail,               Trois points méritent d’être relevés :
langage et ainsi de se comprendre et        à l’environnement et à la lutte contre                d’abord, une entreprise qui fait de la
de communiquer », analyse Antonio           la corruption. Elles prennent égale-                  RSE va plus loin que le strict cadre
Gambardella, directeur de l’incuba-         ment des mesures stratégiques pour                    légal. Ensuite, pour déployer une
teur technologique Fongit.                  faire progresser les ODD. Enfin, les                  politique RSE crédible, il est essentiel
                                            principes du Pacte mondial servent                    pour les entreprises de contrôler
                                            de référence universelle quant à                      leur chaîne de sous-traitance, ce qui
                                            une manière responsable de diriger                    peut se révéler ardu selon les cas.
                                            une entreprise.                                       Enfin, les principaux enjeux sociaux
                                                                                                  et valeurs morales étant différents
                                                                                                  d’un pays à un autre, la RSE varie
                                                                                                  aussi (certaines régions mettent plus
                                                                                                  l’accent sur le côté social, d’autres
                                            3   Commission des entreprises et du                  environnemental).
                                                développement durable. « De meilleures
                                                entreprises, un monde meilleur. Note de
                                                synthèses ». Janvier 2017. Consultable sur
                                                http://businesscommission.org.
                                                La Commission des entreprises et du
                                                développement durable réunit des dirigeants
                                                des milieux d’affaires, des finances, de la
                                                société civile, du travail et des organisations   4   CCIG Info, 2019. « Trois questions à
                                                internationales.                                      Jean-François de Saussure. » Juillet / août 2019.
1/ QU’EST-CE QUE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?                                                                                                 11

                                                           10                                                 10’000
Le spectre d’actions possibles est
donc très large. « Dans une approche
RSE, tous les enjeux ne sont pas per-
tinents pour une entreprise, explique
Andrea Baranzini, responsable de
la formation continue à la Haute
                                                             milliards de personnes                           entreprises
                                                             doivent pouvoir bien vivre                       sont regroupées dans le Pacte
école de gestion de Genève et codi-                          à l’horizon 2050                                 mondial et s’engagent à faire
recteur du DAS en management                                                                                  progresser les Objectifs de
durable. Chaque société étant diffé-                                                                          développement durable
rente, chacune doit se concentrer sur
les points qui ont le plus d’impact sur
ses parties prenantes. En déterminant
cela, elle réalise déjà la moitié de
la démarche. »

DE NOUVEAUX MODÈLES                         Économie circulaire*
ODD, Charte du Pacte mondial ou             L’économie circulaire est un principe                La thématique est d’une grande
RSE, quelle que soit la terminologie, la    d’organisation économique qui vise à                 actualité. Premièrement, le Mouve-
finalité est la même. « Il s’agit d’enta-   réduire systématiquement la quantité                 ment pour l’économie circulaire a été
mer la transformation qui mène à un         de matières premières et d’énergie                   lancé au début 2019 pour la Suisse,
monde en 2050 où quelque 10 mil-            sur l’ensemble du cycle de vie d’un                  avec un chapitre créé en Suisse
liards de personnes peuvent vivre           produit ou d’un service5. Elle cherche               romande à la fin de l’été 2019, grâce
bien (avec ce que cela implique au          à sortir de la logique linéaire (extraire,           à de nombreux partenaires, dont
niveau de l’éducation, de la santé          fabriquer, consommer, jeter) afin que                les Impact Hub. Circular Economy
et du travail), dans les frontières de      les déchets deviennent de nouvelles                  Switzerland se considère comme
la planète », détaille Filippo Veglio,      ressources. Ces derniers peuvent soit                une plateforme de coordination et
managing director de l’organisa-            directement être réutilisés par l’en-                d’échange7. Deuxièmement, le géant
tion suisse World Business Council          treprise (telle Caran d’Ache qui utilise             néerlandais Philips a récemment
for Sustainable Development, basée          ses copeaux de bois pour se chauf-                   annoncé vouloir réaliser 15 à 20% de
à Genève et regroupant les CEO de           fer), soit bénéficier à des tiers (comme             son chiffre d’affaires via l’économie
plus de 200 entreprises, représentant       décrit dans plusieurs exemples                       circulaire dans les années à venir.
19 millions d’employés.                     ci-après).

                                                                                                     “
Comme le relève pour sa part                L’économie circulaire peut se symboli-
Jonathan Normand, fondateur et              ser par 5 R : réduire, réutiliser, réparer,                 De nouvelles opportunités
directeur de l’antenne suisse de            réusiner et recycler. Elle permet ainsi
B Lab, organisation comptant près           de diminuer fortement la quantité de
                                                                                                     de marché atteignant au
de 3’000 entreprises dans le monde          déchets, comme le relève la Fonda-                       moins 12’000 milliards de
certifiées B Corp pour leurs perfor-        tion Ellen MacArthur, qui travaille avec
                                                                                                     dollars par an pourraient être

                                                                                                                                                 ”
mances sociales et environnemen-            des entreprises, des gouvernements
tales, « il s’agit de repenser le modèle    et de hautes écoles pour créer les                       débloquées d’ici 2030.
économique, en encadrant le déve-           conditions nécessaires à une écono-
loppement économique avec des               mie circulaire6. Parmi ses principes :
piliers environnementaux, sociaux et        réfléchir dès la conception du produit
éthiques afin que la croissance puisse      à la manière d’utiliser le moins de                  Quant aux entreprises genevoises,
être durable et équitable ».                matière possible (démarche égale-                    nombre d’entre elles appliquent ces
                                            ment appelée écoconception).                         principes, soit en cherchant à faire
Et pour y arriver, plusieurs nouveaux
                                                                                                 mieux avec moins (qui est aussi la
modèles économiques ont vu le jour.
                                                                                                 logique prônée par l’écoconception),
Si certains étaient auparavant réser-
                                                                                                 soit en incorporant davantage de
vés à quelques idéalistes, ils ont fait
                                                                                                 matières issues du recyclage dans
du chemin et peuvent aujourd’hui
                                                                                                 leurs produits, soit encore en réfléchis-
concerner toutes les entreprises. Petit
                                                                                                 sant à la manière dont leurs déchets
tour d’horizon.
                                                                                                 peuvent être utilisés comme res-
                                                                                                 sources par d’autres.

                                            5   AUREZ Vincent, GEORGEAU Laurent, 2016.
                                                « Economie circulaire, système économique et
                                                finitude des ressources ». De Boeck supérieur.
                                            6   www.ellenmacarthurfoundation.org.
                                                Sur son site se trouvent des études de cas,
                                                des guides, etc.                                 7   www.circular-economy-switzerland.ch.
12                         OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

Ainsi, les drêches (déchets de malt)
de la Brasserie l’Apaisée sont utili-
                                          L’écologie industrielle étudie donc
                                          le métabolisme des activités écono-
                                                                                              Écoconception*
sées pour faire pousser les pleurotes     miques pour évaluer les quantités de                Cette démarche prend en compte
de la champignonnière Geminoh             ressources extraites, transformées,                 l’ensemble du cycle de vie d’un
et l’eau servant à refroidir la bière     stockées et finalement relâchées                    produit dès sa conception afin de
pour arroser les champignons. Autre       dans l’environnement. Et à l’image                  diminuer la matière utilisée, d’allon-
exemple : l’entreprise Biogaz Mande-      des interactions constatées entre                   ger la durée de vie d’un produit, d’en
ment valorise les déchets organiques      certaines espèces dans les écosys-                  faciliter la réparation, le recondi-
des agriculteurs en produisant du         tèmes naturels, l’écologie industrielle             tionnement et le recyclage. Il s’agit
biogaz qui sert à générer de l’élec-      prône « les symbioses industrielles                 d’un état d’esprit afin que cette thé-
tricité verte et la chaleur produite      qui visent à susciter de nouvelles col-             matique oriente l’entreprise lors de
par la génératrice est récupérée          laborations entre différents acteurs                toutes ces étapes. « Déjà au moment
pour chauffer les serres à proximité,     économiques d’un territoire dans la                 où l’on imagine et où l’on conçoit le
tandis que les résidus de la fermen-      recherche collective de performance                 produit, il faut penser aux impacts,
tation sont épandus sur les cultures      environnementale et économique »8.                  explique Livio Elia, directeur de l’en-
en guise d’engrais. Quant à l’hé-         Elle encourage ainsi la coopération,                treprise familiale Eskenazi. Il faut s’in-
bergeur informatique Safe Host, la        la mutualisation des ressources et la               terroger : pourquoi utiliser beaucoup
chaleur dégagée par ses serveurs          relocalisation de la production. Les                d’énergie, d’eau ou de composants
sert à chauffer l’entreprise adjacente    zones industrielles constituent un bon              quand on peut faire avec moins ? En
Vacheron Constantin.                      exemple de telles symbioses (traite-                se posant ce genre de questions, on
                                          ment des déchets par une prise en                   simplifie souvent aussi les proces-
De ces exemples, on constate que les
                                          charge collective, réutilisation des                sus. Ce qui économise généralement
entreprises créent de la sorte aussi
                                          composants, mutualisation logistique,               de la matière et de l’énergie, mais
bien de la valeur économique, que
                                          centrale mobilité comme à la ZIPLO,                 aussi du temps, qui peut alors être
sociale (création d’emplois à Genève)
                                          à Plan-les-Ouates, qui offre un plan                utilisé pour des activités à plus haute
et environnementales (réduction
                                          de mobilité mutualisé souvent cité en               valeur ajoutée. »
des déchets).
                                          exemple, etc.). La Fondation des Ter-
                                          rains Industriels (FTI) est d’ailleurs à

Écologie industrielle*
                                          la pointe de l’écologie industrielle,
                                          étant notamment l’un des partenaires
                                                                                              Économie de
Genève est pionnière en termes
                                          fondateurs de genie.ch à côté de la                 la fonctionnalité*
                                          Direction générale de l’environnement
d’écologie industrielle, étant active                                                         L’économie de la fonctionnalité privilé-
                                          (DGE), de l’Office cantonal de l’éner-
depuis 2001 en la matière et ayant                                                            gie l’usage à la possession et tend à
                                          gie (OCEN), des Services Industriels
inscrit cette notion dans sa Constitu-                                                        vendre des services liés aux produits
                                          de Genève (SIG) et de l’Office pour la
tion. Mais de quoi s’agit-il ? L’écolo-                                                       plutôt que de vendre les biens eux-
                                          promotion des industries et des tech-
gie industrielle consiste à rendre le                                                         mêmes. Corollaire : l’entreprise qui
                                          nologies (OPI).
système économique viable à long                                                              fournit les produits a tout intérêt à ce
terme et compatible avec le fonc-         A noter que la notion d’écologie                    que ceux-ci fonctionnent le plus long-
tionnement normal des écosystèmes         industrielle est large et intègre les               temps possible, puisque la rentabilité
naturels, explique genie.ch, plate-       concepts d’économie circulaire,                     du service augmente avec la durée
forme collaborative dédiée à la pro-      d’économie de la fonctionnalité (voir               de vie de son support. La durabilité
motion et à la création de projets        ci-après) ou encore l’écoconception                 est donc au cœur de cette pratique,
d’écologie industrielle, regorgeant       (voir également ci-après).                          qui s’inscrit exactement à l’inverse de
d’exemples concrets.                                                                          l’obsolescence programmée. A ce
                                                                                              bénéfice environnemental s’ajoute un
                                                                                              avantage social : ce système contri-
                                                                                              bue à créer de l’emploi dans la région
                                                                                              (et donc à dégager des recettes fis-
                                                                                              cales), grâce aux nécessaires tâches
                                                                                              de maintenance.

                                          8   https://www.genie.ch/static/petit-lexique-de-
                                              lecologie-industrielle.html.
1/ QU’EST-CE QUE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?                                                                                 13

Trois points sont à retenir pour toute
entreprise désirant adopter ce modèle
d’affaires. Tout d’abord, l’économie de
la fonctionnalité implique que l’en-

                                                 “
treprise identifie au préalable cor-
rectement les besoins de ses clients.
                                                     Les entreprises suivant les principes
Comme l’explique Claude Devillard,               d’économie circulaire créent de
directeur commercial de l’entreprise
du même nom active dans les solu-
                                                 la valeur économique (leurs ventes),
tions documentaires, cette démarche              sociale (création d’emplois à Genève)
nécessite des entretiens approfon-
                                                 et environnementale (réduction

                                                                        ”
dis, ce qui prend du temps, mais qui
se traduit ensuite par une grande fidé-          des déchets).
lité de la clientèle. Deuxièmement,
la maintenance est très importante
pour que les biens puissent rester en
parfait état de fonctionnement.
Enfin, l’économie de la fonctionna-        Autre tendance : celle de la répa-          Ce modèle semble gagner en attrac-
lité exige un investissement initial       ration. Donner une deuxième vie             tivité. « Depuis une petite décennie,
pour l’entreprise qui adopte ce type       à ses équipements est écologique            il y a toujours plus de personnes qui
de modèle. « Nous devons commen-           (moins de déchets) et économique.           veulent créer des entreprises corres-
cer par acheter des machines, ce qui       Cette démarche crée également des           pondant à leurs valeurs et ayant un
représente une importante dépense,         emplois, puisque les réparations sont       impact positif d’un point de vue social
alors que nous les mettons ensuite         effectuées localement, par des entre-       ou environnemental », constate David
en location, et sommes donc payés          prises, commerces et artisans. Elle         Narr, directeur de Genilem, structure
par mensualités », poursuit Claude         renforce donc le tissu économique           d’aide à la création d’entreprises.
Devillard dont la société applique ce      d’une région, ce qui explique aussi         En outre, plusieurs institutions aca-
concept depuis plus de 25 ans.             pourquoi de nombreuses collectivi-          démiques romandes (Université de
                                           tés publiques genevoises soutiennent        Genève, EPFL et HEG Fribourg) pro-
                                           par exemple la plateforme ge-repare.        posent des formations en entrepre-
Économie                                   ch, qui encourage la prolongation de
                                           la durée de vie des objets, en mettant
                                                                                       neuriat social.

du partage – Réparation                    en relation ceux qui ont besoin de
                                                                                       Dans le cadre du programme Inter-
                                                                                       reg ESSpace, les quatre Chambres de
                                           réparation et les professionnels qui la
Comme l’économie de la fonction-                                                       l’Economie sociale et solidaire (ESS)
                                           pratiquent.
nalité, l’économie du partage est                                                      de Genève, Vaud, Franche-Comté et
basée sur les services plus que les                                                    Rhône-Alpes ont mené un diagnos-
produits. Soutenues par la digitalisa-                                                 tic de l’ESS dans l’espace transfronta-
tion, de nombreuses plateformes de         Économie sociale                            lier franco-suisse. D’après l’approche
location d’objets ont vu le jour dans
des domaines très variés (habits
                                           et solidaire*                               choisie par ce programme, l’ESS tota-
                                                                                       lise à Genève 35’200 emplois (corres-
pour bébés, vêtements techniques           Ce n’est ni une économie caritative,        pondant à 27’000 équivalents plein
pour environnement contrôlé, outils,       ni une économie informelle, mais une        temps), soit environ 9% du total des
etc.). Parallèlement à la demande          économie locale, ancrée dans un ter-        emplois salariés du canton de Genève
croissante de la part des Romands          ritoire donné, où les acteurs écono-        (selon les dernières statistiques de
pour ces plateformes de partage, se        miques cherchent à avoir un impact          l’OCSTAT disponibles, datant de 2017
développent de nouveaux acteurs            social maximum et un impact environ-        et encore provisoires, le canton comp-
économiques.                               nemental minimum pour la production         tait 380’953 emplois et 319’394 EPT,
                                           de biens et de services. Autrement          indépendants inclus).
Dans cette mouvance, on assiste
                                           dit, le but premier de ces entités est
aussi à de nombreuses initiatives                                                      Un exemple ? L’atelier de couture
                                           d’avoir un impact positif sur la société
de « foodsharing », autrement dit, de                                                  Creature, qui revalorise des matières
                                           plutôt que la maximisation du profit.
récupération d’invendus alimentaires                                                   premières au travers d’une production
encore consommables afin de les            S’il s’agit souvent d’initiatives émanant   locale et artisanale de vêtements et
revendre à moindre prix et éviter qu’ils   d’associations et de coopératives, des      d’accessoires tout en permettant à des
ne soient jetés. Là aussi, les outils      sàrl et des sociétés anonymes sont          femmes de se construire ou recons-
numériques permettent de mettre en         également actives dans ce domaine,          truire un projet professionnel viable.
relation facilement les commerces et       comme en témoignent les membres
les consommateurs.                         (dont le nombre est croissant) de la
                                           Chambre de l’économie sociale et
                                           solidaire APRÈS-GE.
14                        OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

LES GRANDS JALONS HISTORIQUES

1980                APPARITION DU TERME
                    DÉVELOPPEMENT DURABLE                        1987                 RAPPORT
                                                                                      BRUNDTLAND

                                                                  Publication du Rapport Brundtland, du nom de
Le terme « développement durable » apparaît
pour la première fois dans un document                            la ministre norvégienne de l’Environnement et
produit par le PNUE (Programme des Nations                        présidente de la commission ayant rédigé ce
Unies pour l’Environnement), l’UICN (Union                        rapport commandé par l’ONU. Ce document
internationale pour la conservation de la                         jette les prémices officielles du « sustainable
nature) et le WWF intitulé « La stratégie de la                   development », qui sera finalement traduit par
conservation mondiale ».                                          développement durable (avant, on oscillait entre
                                                                  soutenable et viable).

                            2015                  NEW YORK :
                                                  SOMMET MONDIAL
                                                  POUR LE DD

                            Au Sommet mondial pour le dévelop-
                                                                                  2012
                                                                                  Le développement durable
                                                                                                             CONSTITUTION
                                                                                                             GENEVOISE

                            pement durable à New York, la Suisse,                 est inscrit dans la Constitution
                            comme 192 autres pays, a adopté les                   genevoise2.
                            17 ODD et l’Agenda 2030 pour le déve-
                            loppement durable. Ce dernier constitue
                            le nouveau cadre de référence mondial et
                            guide désormais l’action de la Suisse en
                            matière de développement durable.

               2016                  STRATÉGIE
                                     SUISSE :
                                     DD 2016-2019               2017                  CONCEPT GENEVOIS
                                                                                      DU DD 2030

               Adoption de la Stratégie                         Publication du Concept
               pour le développement                            cantonal du développement
               durable 2016-2019 au                             durable 2030, définissant les
               niveau national.                                 lignes directrices et les axes
                                                                stratégiques d’intervention
                                                                prioritaires.

                                                                                  2   République et Canton de Genève,
                                                                                      Service cantonal du développement
                                                                                      durable. « Développement durable 2030,
                                                                                      Concept cantonal du développement
                                                                                      durable », décembre 2018.
1/ QU’EST-CE QUE LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ?                                                                       15

1992               RIO : SOMMET
                   DE LA TERRE

Sommet de la Terre à Rio. Cette
                                              1997               GLOBAL REPORTING
                                                                 INITIATIVE

                                              Première initiative visant
conférence des Nations Unies a adopté         directement les entreprises avec
une déclaration afin de permettre un          le Global Reporting Initiative,
« développement durable ». A la suite de      un guide pour l’élaboration des
ce sommet, le Gouvernement suisse a           rapports de développement
élaboré une politique de développement        durable.
durable, régulièrement mise à jour.

             2001                 GENÈVE :
                                  LOI LDD               1999                       CONSTITUTION
                                                                                   FÉDÉRALE

             Genève adopte la Loi                         Inscription du développement durable
             sur l’action publique en                     dans la Constitution fédérale dans trois
             vue d’un développement                       de ses articles (2, 54 et 73)1.
             durable (LDD).
                                                          Kofi Annan, alors secrétaire général
                                                          de l’ONU, interpelle les multinationales
                                                          réunies au sommet de Davos et lance
                                                          le Pacte mondial (Global Compact).

       2019                                      2020
JUIN
                            PLAN
                            D’ACTIONS                                      AGENDA
                            GENEVOIS                                       2030

       Adoption par le Conseil d’Etat             Le Conseil fédéral doit
       genevois du plan d’actions                 présenter le renouvellement
       développement durable 2019-2023,           de sa stratégie pour le
       qui apporte une réponse concrète           développement durable, à la
       aux objectifs stratégiques décrits         lumière de l’Agenda 2030.
       dans le « Concept cantonal ».

                                                          1   Conseil fédéral suisse. « Stratégie pour le
                                                              développement durable, 2016-2019. » Janvier 2016.
16                         OCTOBRE 2019 // DÉVELOPPEMENT DURABLE : BONNES PRATIQUES ET PLUS-VALUE POUR LES ENTREPRISES

2/ ÉTATS DES LIEUX
      LES ENTREPRISES GENEVOISES SONT DÉSORMAIS
      DAVANTAGE SENSIBLES AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
      ET PRENNENT DES MESURES ENVIRONNEMENTALES
      ET SOCIALES.

      La plupart des observateurs s’ac-         Un faisceau de raisons explique cette                  Cela se traduit d’ailleurs de manière
      cordent à le dire : les entreprises à     tendance : les lois (y compris à l’étran-              très directe, comme le relève Bernard
      Genève prennent aujourd’hui beau-         ger, obligeant les exportateurs suisses                Girod, administrateur de Serbeco et
      coup plus en compte le développe-         à se conformer au cadre réglemen-                      président de l’Association des Recy-
      ment durable qu’il y a 20 ans.            taire sous peine de risquer de perdre                  cleurs de Genève : « Un nombre crois-
                                                l’accès au marché 1), le fait que les                  sant de consommateurs refusent
      Alexandre Epalle a le recul néces-
                                                pouvoirs publics incluent aujourd’hui                  d’acheter des produits en raison de
      saire pour pouvoir l’affirmer. L’actuel
                                                presque systématiquement des cri-                      leur suremballage, les sociétés gene-
      directeur général du développement
                                                tères sociaux et environnementaux                      voises sont plus sensibles à leur pro-
      économique, de la recherche et de
                                                dans leurs appels d’offres, les ques-                  duction de déchets. »
      l’innovation (DG DERI) avait créé
                                                tions d’image ou encore le fait que
      en 2001, puis longtemps dirigé, le                                                               Résultat : toujours plus d’entre-
                                                les entreprises se mettent à réaliser
      Service du développement durable                                                                 prises prennent des mesures et « les
                                                que le développement durable peut
      du Canton. Les choses ont changé                                                                 démarches se professionnalisent,
                                                être bon pour leurs affaires (voir cha-
      quantitativement, mais aussi qualita-                                                            relatent Andrea Baranzini et François
                                                pitre suivant « Bon pour l’économie »).
      tivement : « A l’époque, le développe-                                                           Sibille, coresponsables du DAS en
                                                Mais aussi parce qu’il y a une prise
      ment durable suscitait des craintes                                                              Management durable de la HEG. Il
                                                de conscience des dirigeants. « Tou-
      et des appréhensions. Aujourd’hui, il                                                            y a une dizaine d’années, le déve-
                                                jours plus de clients nous disent qu’ils
      compte de nombreux ambassadeurs                                                                  loppement durable se résumait à
                                                veulent être le plus verts possible.
      dans les entreprises. Et il y a même                                                             quelques bonnes actions (fournir des
                                                Beaucoup d’entre eux le font pour des
      des modèles d’affaires qui se calent                                                             vélos, planter un arbre), maintenant il
                                                questions de valeurs, pas pour des
      sur le développement durable. »                                                                  touche le fonctionnement de l’entre-
                                                raisons commerciales », tient à relever
                                                                                                       prise et est donc plus global. »
                                                Christian Brunier, directeur général
                                                des SIG.                                               Malgré ces diverses avancées, la

“
                                                                                                       route est encore longue. Les objec-
    Il y a 20 ans, le                           Et le phénomène s’accentue : les
                                                                                                       tifs des diverses politiques publiques
                                                entreprises sensibles aux questions
développement durable                           de développement durable se mettent
                                                                                                       ne sont pas atteints et tous les acteurs
                                                                                                       (citoyens, entreprises, collectivités
suscitait des craintes et des                   à leur tour à privilégier les fournisseurs
                                                                                                       publiques) ont encore beaucoup de
                                                ayant les mêmes préoccupations, au
appréhensions. Aujourd’hui,                     détriment de solutions concurrentes.
                                                                                                       progrès à faire pour que l’avenir de la
                                                                                                       planète soit réellement durable. Que
il compte de nombreux                           Sans compter que la population est                     l’on pense simplement à la « Journée
ambassadeurs dans les                           toujours plus sensible à ces probléma-                 suisse du dépassement de la Terre »
                                                tiques et modifie ses comportements                    qui arrive chaque année plus tôt :
entreprises. Et il y a même                     d’achats. « En étant consomm’acteur,                   en 2019, à partir du 8 mai, la Suisse
des modèles d’affaires                          les gens peuvent voter pour le monde                   a utilisé toutes les ressources natu-
                                                qu’ils désirent », souligne Jonathan                   relles dont elle dispose pour l’année
qui se calent sur le

                                    ”
                                                Normand, le responsable de l’an-                       2019, selon le WWF Suisse (au niveau
développement durable.                          tenne suisse de B Lab, qui rappelle                    mondial, le jour du dépassement de la
                                                que le slogan international des B Corp                 Terre est tombé le 29 juillet 2019).
                                                est « Vote everyday ».

                                                1   On citera par exemple que l’Union
                                                    européenne veut inclure des facteurs durables
                                                    dans toutes ses lois qui encadrent les activités
                                                    financières. Ou que l’Allemagne, l’Australie,
                                                    les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni
                                                    ont adopté des lois sur la publication
                                                    et la diligence raisonnable en matière de
                                                    droits de l’homme.
2/ ÉTATS DES LIEUX                                                                                                                                         17

La place de la Suisse                             En outre, plusieurs pays progressent
                                                  rapidement sur diverses théma-
                                                                                                       Enfin, il a inclus, il y a 20 ans déjà,
                                                                                                       les entreprises et leurs représentants
Il n’existe pas d’indicateur global per-          tiques, du moins en termes législatifs               dans sa démarche vers le développe-
mettant de comparer la situation des              (en France p.ex. avec l’obsolescence                 ment durable, ce qui s’est notamment
entreprises genevoises en matière de              programmée, le Royaume-Uni et les                    traduit par un guide très pratique pour
RSE par rapport à leurs homologues                droits humains, ou de manière géné-                  les PME4, dont nombre de recomman-
suisses ou étrangères. Les seules                 rale l’Union européenne qui veut                     dations sont encore d’actualité.
indications sont d’ordre plutôt macro­            inclure des facteurs durables dans
                                                                                                       Pour le futur, Genève a établi un
économique (voir encadré « L’état des             toutes les lois qui encadrent les activi-
                                                                                                       certain nombre d’objectifs dans son
lieux statistiques »). En outre, la thé-          tés financières).
                                                                                                       « Concept cantonal du développe-
matique touchant aussi bien le côté
                                                  Enfin, la Suisse ne semble pas vouloir               ment durable 2030 » 5, qui s’ancre
social, qu’environnemental et de gou-
                                                  se profiler médiatiquement et symbo-                 dans la stratégie de la Confédéra-
vernance, il est difficile d’établir une
                                                  liquement sur la scène internationale,               tion, ainsi qu’un plan d’actions 2019-
sorte de baromètre des avancées en
                                                  ayant par exemple refusé la proposi-                 20236. Parmi les objectifs stratégiques
termes législatifs (par exemple).
                                                  tion de Genève d’accueillir la confé-                figurent notamment le soutien d’ac-
On se contentera dès lors de dire                 rence 2020 de l’ONU sur le climat, un                tions en matière de management
que la Suisse a souvent été parmi les             sommet qui aurait pu renforcer l’image               durable et de responsabilité sociétale
pionnières dans certains domaines,                du bout du lac dans la gouvernance                   des entreprises, la promotion de pro-
par exemple en matière de loi envi-               mondiale du développement durable,                   cessus de conception et de production
ronnementale, comme le rappelle                   Genève étant déjà considérée comme                   permettant une utilisation rationnelle
Alexandre Epalle, en citant la Loi sur            le lieu de la mise en œuvre des objec-               des ressources ou encore le support
la police des forêts de 1876 «qui reste           tifs de développement durable3.                      de lieux et de projets développant la
un modèle au plan international ». Et                                                                  créativité et explorant de nouveaux
                                                  Cela n’empêche pas plusieurs acteurs
à la suite des divers accords inter-                                                                   modèles d’affaires durables.
                                                  du canton d’œuvrer à consolider le
nationaux, elle a rapidement établi
                                                  rôle de Genève sur l’échiquier inter-
des politiques s’articulant de manière
                                                  national, que ce soit au niveau de la
cohérente avec leurs objectifs.
                                                  finance durable (voir chapitre sur ce

                                                                                                           “
Le pays a également une position                  sujet) ou de la recherche. C’est ainsi
remarquée en matière d’innova-                    que l’Université de Genève s’est acti-
                                                                                                               Depuis le lancement
tions environnementales. Il est ainsi             vement engagée dans divers champs                        du programme d’économies
« un chef de file mondial en matière              d’études liés au développement
de brevets sur les technologies de                durable « afin de pouvoir amener des
                                                                                                           d’énergie SIG-éco21
traitement des eaux usées et sur la               faits scientifiques et une expertise aux                 en 2007, l’équivalent de
gestion des déchets», indique le Swiss            décideurs des organisations interna-
Cleantech Report2. Il se place égale-             tionales », comme le souligne Fabrice
                                                                                                           la consommation d’électricité
ment en tête dans le classement des               Calame, adjoint du vice-recteur.                         annuelle de près de
brevets cleantech par habitant, selon
                                                                                                           60’000 ménages genevois

                                                                                                                                                ”
ce même document de référence en
la matière.
                                                  Les initiatives genevoises                               a été économisé.
Cela dit, la Suisse n’est pas un bon
                                                  Genève a fait œuvre de pionnière,
élève dans certains domaines, tels
                                                  avec sa Loi cantonale sur le déve-
que la quantité de déchets produits
                                                  loppement durable où est inscrite la
(même si, ensuite, elle est une cham-
                                                  volonté de faire tendre l’ensemble
pionne du recyclage), la consomma-
                                                  des politiques publiques vers un tel
tion d’énergie ou encore les questions
                                                  développement. Datant de 2001, elle
d’égalité salariale entre hommes
                                                  était alors la première du genre en
et femmes.
                                                  Europe, souligne Alexandre Epalle.
                                                  Le Canton a également été pionnier,
                                                  et cette fois probablement dans le
                                                  monde entier, en matière d’écologie
                                                  industrielle, en calculant le poids de
                                                  son économie à l’aune de sa consom-
                                                  mation de ressources et en inscrivant
                                                  cette thématique dans sa constitution.
                                                                                                       4   Etat de Genève, Service cantonal du
                                                                                                           développement durable, 2003. « PME et
                                                                                                           développement durable ». Juin 2003. A noter
                                                                                                           que la CCIG était au nombre des partenaires
2   Office fédéral de l’Energie, Office fédéral                                                            de cet ouvrage.
    de l’Environnement, l’Institut fédéral                                                             5
    de la Propriété intellectuelle, Switzerland                                                            Approuvé en 2018 par le Conseil d’Etat.
    Global Enterprise et Cleantechalps, 2017.     3   BUSSARD Stéphane, 2019.                          6   Coordonné par le Service cantonal du
    « Swiss Cleantech Report 2017 ».                  « Le monde a toujours plus besoin de Genève »,       développement durable, ce document a été
    La prochaine édition sera publiée en 2020.        Le Temps. Mars 2019.                                 adopté le 19 juin 2019 par le Conseil d’Etat.
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