Les patients épileptiques en crise - SFMU
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Chapitre 135 Les patients épileptiques en crise MICKAEL PERCHOC Points essentiels ■ La crise épileptique liée à une maladie épileptique est un motif fréquent de consultation dans les différents SAU français. ■ La reconnaissance du trouble est souvent difficile devant des formes variées et souvent frustres, la crise tonico-clonique généralisée ne représentant qu’environ 20 % des décompensations épileptiques. ■ Les infirmiers des urgences, et notamment l’IOA, sont en première ligne face à ces décompensations et ont un rôle majeur dans l’orientation et la prise en charge de ces patients, ce qui nécessite de solides connaissances professionnelles avec une réactualisation régulière. ■ L’examen clinique infirmier à l’IOA et la surveillance infirmière spécifique de ces patients tout au long de leur prise en charge, en lien et en collaboration avec le médecin et l’aide-soignant, constituent des actions essentielles du « rôle propre » de l’infirmier aux urgences. ■ L’état de mal épileptique (EME) est la principale complication d’une décompensation épileptique nécessitant une reconnaissance et un traitement adapté précoces devant le risque important de mortalité. ■ La pédiatrie, qui n’est pas épargnée par cette maladie, fait appel à certaines spécificités. La présence et la participation active des parents apparaissent comme un atout dans la prise en charge de ces petits patients. Correspondance : Mickaël Perchoc – IDE – SAU Bichat Claude Bernard – AP/HP Email : mickael.perchoc@gmail.com LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 1
1. Introduction Autrefois considérée comme un mal surnaturel, voire démoniaque, la maladie épileptique fait toujours peur aujourd’hui. Pourtant, avec environ 500 000 malades en France et 50 millions à travers le monde, il s’agit de la deuxième affection neurologique en terme de prévalence. Ainsi cette pathologie chronique, et surtout ses décompensations, représentent un motif fréquent de recours dans nos SAU (environ 1 % des consultations) sans aucune discrimination d’âge, de sexe ou de catégorie socio-professionnelle bien qu’il y ait une prédominance masculine (environ 60 % des consultants) et un âge moyen de 40 ans en France. Cependant, en dehors de la fameuse crise tonico-clonique généralisée, il n’est pas toujours aisé de reconnaître précisément ce trouble face à une palette de manifestations possiblement très variées et bien souvent frustres. Les soignants des urgences, et notamment l’infirmière organisatrice de l’accueil (IOA), sont en première ligne pour repérer cette décompensation, les éventuels signes de gravité associés et donc initier la prise en charge adaptée et en équipe. C’est pourquoi ils doivent sans cesse se former et s’informer comme le souligne l’article R4312-10 du code de la santé publique : « Pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient, l’infirmier ou l’infirmière a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses connaissances professionnelles. » Au niveau législatif et réglementaire, outre l’incontournable code de la santé publique annexes IV et V, toutes les prises en charge, compétences spécifiques, missions et prérogatives infirmières détaillées dans cet article sont issues de deux textes majeurs que sont les recommandations sur le triage en service d’urgence (SFMU 2013) et les compétences de l’IDE en médecine d’urgence (SFMU 2008) en lien évidemment avec l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU) et l’article R4311-14 du code de la santé publique relatif aux gestes et soins d’urgence hors présence médicale immédiate. Délibérément ne seront pas évoquées ici les recommandations de l’IDE seule face à une détresse médicale éditées en 2011 par le SFMU dans la mesure où l’IDE n’est logiquement jamais isolée dans un service d’urgence. 2. Généralités sur l’épilepsie : définition et manifestations La maladie épileptique est une affection neurologique chronique intéressant le fonctionnement du cerveau, ce réseau complexe composé de dizaines de milliards de neurones qui a pour rôle la transmission, grâce à des influx électriques, des informations permettant à chacun d’évoluer dans son environnement. Cette affection se traduit par des décharges électriques neuronales excessives et/ou hyper synchrones généralement transitoires provoquant des crises récurrentes 2 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
dont les manifestations peuvent être très variées allant de l’absence aux troubles de l’élocution en passant par des tremblements involontaires localisés ou bien généralisés (alors appelés convulsions) si de puissantes décharges électriques embrasent tout le cortex cérébral. Ainsi on distingue plusieurs formes : – Les formes partielles ou localisées (aussi appelées focales) dont la symptomato- logie est en regard de la zone cérébrale impactée (troubles visuel, de la parole ou moteur par exemple) et pouvant donc mimer un AVC. – Les formes généralisées (formes tonico-clonique ou convulsions généralisées) qui comportent généralement trois phases : une phase tonique, une phase clonique et enfin une phase résolutive ou postcritique pouvant durer plusieurs dizaines de minute (a contrario des deux phases précédentes, très brèves). Phase Signes – Perte de connaissance brutale (et donc chute associée) – Contraction musculaire généralisée Tonique – Révulsion oculaire (avec yeux ouverts) – Morsure de langue Clonique – Secousses bilatérales synchrones et intenses – Relâchement musculaire et sphinctérien complet (perte d’urine et/ou de selles) Post-critique ou résolutive – Coma hypotonique – Stertor (respiration ample et bruyante) – Confusion, amnésie des faits voire agitation réactionnelle Une crise unique ne signe pas une maladie épileptique, la maladie se définit par la survenue d’au moins deux crises spontanées. Leur fréquence est variable, de plusieurs fois par jour à moins d’une crise par an. La maladie épileptique est confirmée par un EEG pathologique per-critique ou séquellaire (montrant des séquelles, comme l’onde Q de l’infarctus sur un ECG) et par la normalité du bilan biologique et du scanner cérébrale (ou mieux de l’IRM) à la recherche de troubles aigus pouvant l’expliquer. En terme de prévalence, les formes généralisées, mieux connues et plus faciles à repérer, ne représentent qu’environ 20 % environ des manifestations épileptiques. Les formes partielles (simples ou complexes) peuvent se manifester par des absences, des mouvements anormaux localisés (forme bravais jacksonienne par exemple) mais aussi des hallucinations (ensuite critiquées par le patient a contrario de la maladie psychiatrique), expliquant les difficultés et parfois les errances diagnostiques. D‘ailleurs, les deux diagnostics différentiels principaux sont la syncope convulsivante et la crise non épileptique psychogène (CNEP), à prédominance féminine, imitant LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 3
des manifestations épileptiques sans décharge électrique neuronale en regard (donc sans perte de connaissance, révulsions des yeux mais avec résistance à l’ouverture des yeux). Le dosage, a posteriori, de CPK peut alors s’avérer intéressant 3 heures après la « crise » pour discriminer une véritable épilepsie d’une épilepsie simulée. À l’instar des manifestations, les causes de décompensation de la maladie épileptique chronique sont variées, toutefois dans 50 % des cas, un sous-dosage en médicament antiépileptique (que ce soit par mauvaise observance, modifications récentes de traitement ou interactions médicamenteuses) ou une consommation éthylique (voire un sevrage) en sont à l’origine. D’autres causes comme les lésions cérébrales aiguës (AVC, infections, traumatisme crânien) ou séquellaires (lésions congénitales, AVC, tumeur) mais aussi la consommation récréative de substances illicites ou encore les troubles métaboliques (hypoglycémie, hypocalcémie, hyponatrémie) sont également identifiées. Par ailleurs, un certain nombre de crises d’épilepsies sont considérées comme idiopathique, c’est-à-dire sans cause primaire identifiée mais il est scientifiquement admis qu’une composante génétique, sans qu’elle soit obligatoirement héréditaire, est alors impliquée. La crise d’épilepsie est associée à une décharge sympathomimétique (adrénergique) importante avec hypertension, tachycardie, augmentation du débit cardiaque et des sécrétions bronchiques et peut donc entraîner un certain nombre de complications parmi lesquelles : – Inhalation du contenu gastrique (pneumopathie, SDRA). – Ischémie myocardique et arythmies pouvant mener à un ACR. C’est pourquoi la mortalité dans la maladie épileptique est élevée, liée aux conséquences primaires de la crise (décharge adrénergique) avec un risque de mort subite mais aussi et surtout aux conséquences secondaires de la perte brutale de conscience (accident de la route ou noyade) et/ou de la chute (traumatisme, hématome) notamment dans des environnements isolés. En terme de comorbidité, on note également une fréquence plus élevée de troubles psychosociaux à type d’anxiété et de dépressions chez les patients épileptiques. Cette surmortalité nécessite une reconnaissance et une prise en charge précoces et adaptées, notamment à l’accueil des urgences par l’IOA (infirmière organisatrice de l’accueil). 3. Rôle de l’IOA en situation clinique L’accueil et l’évaluation du patient épileptique en crise n’est pas toujours aisé, notamment dans la reconnaissance du trouble et des signes de gravité, c’est 4 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
pourquoi l’examen clinique IOA doit être rigoureux et systématique, d’autant plus qu’il répond à une contrainte de temps (10 minutes maximum par patient1). Le rôle de l’IOA nécessite aussi la mise en œuvre rapide de compétences spécifiques dès l’accueil du patient. L’IOA doit pouvoir prioriser, grâce à un contact visuel et un examen clinique très rapide lors de l’arrivée du patient et en lien avec les transmissions des prompt secours, les patients présentant des signes de gravité tels que des troubles de la conscience, des signes de détresse respiratoire, une désaturation, une suspicion d’inhalation ou encore une instabilité hémodynamique. Elle doit alors initier sans délai la réalisation de gestes et soins d’urgence adaptés comme la mise en position latérale de sécurité (PLS) du patient inconscient qui respire en phase postcritique et son éventuelle oxygénation devant une désaturation ou des signes de lutte respiratoire. L’interrogatoire est essentiel pour confirmer le trouble et tenter d’en préciser l’étiologie, cependant il n’est pas toujours évident car le patient peut encore se trouver en phase postcritique. Les proches ou témoins ont alors un rôle déterminant. Cet interrogatoire visera à déterminer précisément la durée et les caractéristiques de la crise pour confirmer le trouble avec la recherche de signes très évocateurs sans qu’ils soient spécifiques comme une aura, une morsure de langue, une perte d’urine ou une confusion postcritique, les circonstances de survenue et les facteurs favorisant comme la fièvre, une intoxication, une rupture de traitement, un contexte de stress ou de privation de sommeil par exemple. Le recueil des antécédents de santé (personnels et familiaux) est également un élément incontournable et oriente vers la reconnaissance du trouble (une maladie épileptique, un AVC séquellaire ou une opération neurochirurgicale). Enfin, faire préciser les traitements médicamenteux en cours (réels ou supposés) du patient pour identifier une éventuelle rupture, une modification récente de traitement ou encore une possible interaction médicamenteuse. Par ailleurs, attention aux terrains particuliers comme le péri-partum (3e trimestre de la grossesse, le travail, ou le post-partum) qui nécessite une prise en charge rapide et spécialisée : cas de l’éclampsie (crise convulsive associée à une hypertension intracrânienne) grevée d’une mortalité materno-foetale importante. La prise des paramètres vitaux, outre son caractère obligatoire, est primordiale pour apprécier d’éventuels signes de gravité : – Évaluation de la conscience : Score de Glasgow, pupillométrie (taille, réactivité, symétrie) à la recherche de toxidromes (mydriase, myosis) ou de signes de localisation (anisocorie). – Pression artérielle : Classiquement, hyper puis hypotension. – Pouls avec une tachycardie réactionnelle dans la phase hypotensive. 1. Recommandations formalisées d’experts sur le triage en structure d’urgence, SFMU 2013. LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 5
– Sp02 : Possible désaturation liée à une hypersécrétion voire une inhalation bronchique. – Fréquence respiratoire (plutôt sur le versant bradypnée). – Température : Hyperthermie réactionnelle modérée (pas forcément en lien avec un processus infectieux). – Glycémie à la recherche d’une hypoglycémie (cause identifiable et facilement curable d’épilepsie et/ou de coma). – Évaluation de la douleur (traumatisme en lien avec la chute). Dès l’IOA, l’identito-vigilance précoce (mise en place d’un bracelet d’identification patient) doit également être une préoccupation soignante devant le risque majeur de troubles de conscience ou de récidive. Une fois ce patient priorisé et l’examen clinique IOA rapide réalisé, en collaboration avec votre collègue AS et le médecin référent de l’accueil si besoin, le tri se basera sur vos protocoles locaux cependant voici une proposition d’aide au tri basée sur les facteurs de gravité : Urgence absolue – Crise convulsive en cours ou état de mal épileptique – Crise dans un contexte de sevrage OH avec score de Urgence relative < 20 minutes Cushman > 7 – Crise inaugurale Consultation < 60 minutes – Plusieurs crises dans les 48 h – Crise « simple » avec bonne récupération neuro- Consultation < 120 minutes logique chez un patient épileptique connu 4. Prise en charge médico-infirmière du patient épileptique en crise Une crise peut survenir à tout moment, pour rappel et de manière très générale, le rôle soignant, consiste alors uniquement à sécuriser l’environnement patient pour éviter qu’il ne se blesse : faire le vide autour de lui, mettre les barrières si le patient se trouve sur un brancard et à éviter les manœuvres intempestives et dangereuses au niveau de la bouche et de la langue. En phase postcritique (ou de récupération), la mise en position latérale de sécurité (PLS) est prioritaire pour libérer et sécuriser les voies aériennes supérieures, complétée, si possible, par une canule de Guédel. Devant les troubles ventilatoires et circulatoires inhérents à la crise, une oxygénation par masque simple ou haute concentration est fortement recommandée avec pour objectif une Sp02 > 95 %. 6 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
Ensuite pour développer la prise en charge médico-infirmière, il convient de définir deux situations prévalentes : 4.1. La crise convulsive « simple » chez un patient épileptique connu Concrètement, le patient arrivera le plus souvent aux urgences accompagné (pompiers, ambulances, proches) sur ses deux pieds ou tout du moins conscient ou parfois encore en phase postcritique (qui nécessitera donc une mise en position latérale de sécurité si ce n’est pas fait et une évaluation rapide des éventuels signes de gravité). La prise des paramètres vitaux, l’examen clinique et anamnestique médical à la recherche des facteurs de décompensation précédemment évoqués et la recherche de signes de gravité constitueront l’essentiel du diagnostic et de la prise en charge médicale en urgence. Un bilan sanguin, l’EEG et le scanner cérébral n’ont, a priori, pas d’indication dans cette situation et en urgence (car ils reviennent souvent normaux) hormis dans le cas d’une étiologie peu claire, d’un âge > 40 ans, d’un traitement par anticoagulant, d’une confusion persistante ou bien d’une modification de traitement. Dans le cas d’une crise simple, c’est-à-dire sans récidive et signes de gravité, il n’y a pas nécessité à un traitement médicamenteux en urgence. Le patient pourra sortir, une fois orienté et cohérent, si les examens réalisés sont normaux le cas échéant, et selon son environnement social, avec reprise (ou adaptation) de son traitement habituel. Une sensibilisation médico-infirmière à la réduction des facteurs favorisant de décompensation comme l’alcool ou le manque de sommeil et à l’évitement des situations à risque telles que la conduite, la natation, l’escalade ou la plongée est essentielle. Par ailleurs, une consultation avec un neurologue sera prescrite avec possiblement des examens complémentaires préalables à réaliser en ville. 4.2. La crise convulsive « accompagnée » Il s’agit d’une crise symptomatique aiguë survenant dans un contexte particulier (infectieux, traumatique, néoplasique, intoxication, métabolique, lésion cérébrale focalisée) ou tout simplement d’une récidive dans un délai rapproché voire d’un état de confusion postcritique anormalement prolongé. En dehors d’un bilan biologique standard pour éliminer un trouble métabolique et infectieux, chaque contexte appellera à des examens complémentaires spécifiques réalisés sur prescription médicale et/ou en collaboration avec le médecin : – Contexte infectieux avec fièvre > 38 °C : Réalisation d’une ponction lombaire (PL) avec la mise en route d’un traitement antibiotique prophylactique ainsi que de l’Acyclovir pour couvrir l’encéphalite herpétique. En présence de signes de localisation (focaux) ou d’hypertension intracrânienne (céphalées, douleurs nuque LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 7
et cou, troubles digestifs à type de nausées vomissements en dehors des repas), un scanner cérébral sera réalisé en urgence avant la PL. – Contexte néoplasique ou d’immunodépression : Scanner cérébral à la recherche de lésions aiguës ou toxoplasmose puis PL chez les patients immunodéprimés. – Contexte traumatique : Scanner cérébral à la recherche d’un hématome ou d’une hémorragie méningée. – Intoxications : Dosage des toxiques dont alcoolémie, l’EEG peut également mettre en évidence des signes évocateurs, le scanner cérébral n’a pas d’indication hormis notion de traumatisme crânien ou troubles de la conscience notamment chez le patient alcoolisé. – Grossesse : Dosage des antiépileptiques en cas de traitement car la grossesse modifie le métabolisme des médicaments (tout comme les traitements antiépileptiques eux mêmes). Pour rappel, une convulsion dans un contexte de fin de grossesse ou d’accouchement associée à une HTA est une éclampsie et appelle à une prise en charge en urgence (avec un déclenchement de l’accouchement ou une césarienne et aux benzodiazépines associé à 4 gr de sulfate de magnésium en IVL). À noter que la Dépakine® (Valproate de Sodium) est contre indiquée chez la femme enceinte devant le risque de malformations fœtales. Quand la recherche étiologique s’avère négative ou peu évidente, un scanner cérébral avec injection et une PL seront réalisés sur prescription et en collaboration avec le médecin. Dans le cas d’une crise convulsive accompagnée, l’urgence réside dans le traitement rapide de la cause plus que de la crise en elle-même. Une crise isolée avec un retour rapide à un état de conscience normal n’induira pas forcément un traitement symptomatique. Si besoin, le Clonazépam (Rivotril®) 1 mg IV apparaît comme la benzodiazépine de choix dans le traitement symptomatique. Si aucun accès veineux n’est possible rapidement, le Midazolam 10 mg IM apparaît comme l’alternative la plus simple et efficace dans le traitement de la crise2. Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier aura également un rôle majeur dans la surveillance rapprochée du patient et notamment dans la prévention des ACSOS (agressions cérébrales secondaires d’origine systémique). Plus simplement, il s’agit de facteurs d’agressions systémiques aggravant des lésions cérébrales initiales. Le but étant de maintenir une pression de perfusion cérébrale suffisante. 2. Selon les recommandations 2016 de l’American Epilepsy Society basées sur les dernières données probantes disponibles. 8 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
ACSOS Normes Intérêt Rôle médico-infirmier – Systolique – Maintien – Surveillance rapprochée > 90 mmHg d’une pression de la tension et – Diastolique de perfusion notamment de la > 40 mmHg cérébrale (PPC PAM (qui diminue en > 70 mm HG) cas d’hypovolémie, – PAM d’hypocapnie, ou de (pression – Lutte contre Hypo ou sédation excessive par artérielle l’œdème hypertension exemple) moyenne) : cérébral 80 à – Correction sur 90 mmHg prescription médicale ou dans les protocole (remplissage, premières catécholamines ou heures antihypertenseurs) Sp02 entre 95 – Ischémie – Libération voies aériennes et 98 % cellulaire si (PLS, Guédel, +/- Hypoxémie hypoxie aspiration) et oxygénation Pa02 > 65 mmHg sur prescription médicale 35 à – Hypercapnie = – Détection hypoventilation/ 45 mmHg vasodilatation = hyperventilation et des augmentation signes d’hypercapnie pression intra- (sueurs, confusion, crânienne (PIC) troubles de la conscience) – Hypocapnie = – Monitorage ETC02 si Hypo ou vasoconstriction patient intubé hypercapnie = diminution – Contrôle régulier des GDS PPC sur prescription médicale – Pour rappel PPC ou protocole = PAM - PIC – VNI ou IOT en collaboration avec le médecin 6 à 10 mmol/L – Hypoglycémie – Contrôle régulier de la = dysfonctions glycémie, correction de cérébrales l’hypoglycémie et mise majeures en place d’un protocole Hypo ou – Hyperglycémie insuline si hyperglycémie hyperglycémie = neurotoxicité, sur prescription médicale ischémie ou protocole myocardique, majoration inflammation → LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 9
ACSOS Normes Intérêt Rôle médico-infirmier 36 à 38 °C – Aggravation – Surveillance régulière de lésions par la température réponse – Si T° > 38 : antipyrétiques inflammatoire sur prescription médicale (vasconstriction, ou protocole et utilisation tachycardie, de méthodes de hypertension, refroidissement externe Hyperthermie frissons) – Si hypothermie profonde (ou (< 32 °C), surveillance hypothermie scopique rapprochée de profonde) l’état hémodynamique, de l’activité électrique du cœur, et de la température, utilisation de couvertures chauffantes et éventuellement de solutés réchauffés sur prescription médicale 8 gr/dl – Hypoxie – Intérêt de la première (10 gr si choc cérébrale en cas NFS ou d’un Hémocue® septique, d’anémie en cas de doute (pâleur, Anémie cérébrolésé ou hypotension, tachycardie, coronarien) soif) – Transfusion de CGR sur prescription médicale La surveillance de la natrémie (et son maintien dans les normes : 135-145 mmol/L) est également essentielle devant le risque d’œdème cérébral et donc d’hypertension intracrânienne (HTIC). Pour rappel, la PIC (pression intra-crânienne) augmente dans les situations d’hypoxie, hypercapnie, hyperthermie, acidose, de douleur ou d’agitation. Une position proclive à 30° et le maintien de l’axe tête-cou-tronc permettent d’en limiter l’élévation. Si persistance des signes d’HTIC, des thérapeutiques osmotiques comme le Mannitol 20 % peuvent être administrés sur prescription médicale. La surveillance rapprochée et la prévention des ACSOS, mission importante de l’infirmier (en lien avec le médecin et en binôme avec les aides-soignants) s’avèrera également primordiale dans la complication majeure de l’épilepsie qu’est l’état de mal épileptique (EME). 10 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
5. L’état de mal épileptique L’état de mal épileptique (EME) est défini, de façon générale, par des crises continues ou subintrantes supérieures à 5 minutes ou par la succession de crises à intervalle rapproché sans amélioration de l’état de conscience sur une période de 30 minutes. De même, une confusion postcritique est considérée comme anormalement longue après 30 minutes (en tenant compte d’une éventuelle intoxication). Il existe également différentes formes : – L’EME convulsif (crises généralisées ou infra-clinique) correspond à des crises continues ou subintrantes pendant au moins 5 minutes et doit faire l’objet d’une prise en charge très précoce du fait de sa gravité et de sa mortalité. Les crises généralisées infra clinique (ou EME larvé) pouvant s’expliquer par la diminution de l’activité musculaire lorsque les crises se succèdent ou se prolongent (pouvant alors se limiter à des simples mouvements de paupières) bien que l’activité électrique cérébrale reste maximale, les troubles neuro-végétatifs alors importants majorent les lésions cérébrales créant ainsi une spirale infernale évoluant vers un syndrome de défaillance multi viscérale. – L’EME non convulsif (crises partielles simples ou complexes, absences) se caractérise souvent par une confusion mentale d’intensité variable, une aphasie et/ou par l’atténuation voire la disparition des manifestations motrices chez un patient comateux (malgré la persistance d’un EME électrique). Il constitue l’évolution naturelle d’un EME convulsif non traité ou de manière inadéquate. En pratique, on distingue les EME convulsifs avec un pronostic vital engagé à court terme (30 minutes) des EME non convulsifs (les plus fréquents) n’engageant pas le pronostic de manière immédiate, et pour lesquels il existe également plusieurs formes. Le diagnostic reposant notamment sur un électro-encéphalogramme (EEG). Dans 50 % des cas, les EME surviennent chez des épileptiques connus et la crise dure moins de 24 h dans 75 % des cas. Les jeunes enfants et les personnes de plus de 60 ans sont particulièrement touchés. Les étiologies et leur recherche sont relativement similaires à la crise d’épilepsie « accompagnée ». Il est cependant à signaler que plusieurs étiologies peuvent coexister et se potentialiser. La recherche étiologique est donc essentielle et portera prioritairement sur la recherche de troubles métaboliques (prise de sang), de souffrance cérébrale aiguë ou chronique (scanner ou IRM) ou d’une infection (prise de sang, PL) sur prescription médicale et en collaboration avec le médecin mais ne doit pas retarder le traitement qui a pour principal but de limiter les lésions cérébrales. LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 11
Le diagnostic sera quant à lui basé sur plusieurs éléments : – Test aux benzodiazépines avec amélioration clinique : cessation de la crise, amélioration de la confusion ou des signes neurologiques (de même qu’à l’EEG lors de la réalisation de l’examen). – EEG : tout patient en EME (tonico-clonique généralisé ou larvé) doit bénéficier d’un EEG en urgence (sans retarder la prise en charge thérapeutique) qui retrouvera une activité électrique anormalement continue ; l’intérêt de l’EEG est diagnostique (EME non convulsif, diagnostics différentiels) mais aussi pronostique avec la surveillance de l’efficacité médicamenteuse et l’évaluation du risque réfractaire. La conduite à tenir est « symptomatique » dans un premier temps et cherche à préserver les fonctions vitales : – PLS pour éviter une inhalation bronchique (avec aspiration si besoin). – Libération des voies aériennes supérieures et oxygénothérapie si besoin pour SpO2 > 95 %. – Surveillance scopique (pour surveillance des fonctions vitales mais aussi des effets secondaires des antiépileptiques de 2e ou 3e ligne). – VVP de bon calibre avec sérum physiologique (idéalement deux VVP). Ensuite elle se base sur un traitement gradué, sur prescription médicale, avec des mécanismes d’action complémentaires qui repose sur de nombreuses recommandations d’experts devant le peu d’études de grande ampleur actuellement disponibles : – Contrôle glycémique (et correction si besoin). – Benzodiazépines en IV (voie IM, buccale ou intra-nasale si impossibilité dans un premier temps). – Antiépileptiques de longue durée d’action en 2e ligne (Phénytoïne, Phénobarbital, Valproate) si échec des benzodiazépines dont le choix dépendra de leur effet secondaire en lien avec l’état et les comorbidités de chaque patient. – Traitement de la cause (ATB probabiliste si contexte infectieux). – Vitaminothérapie chez le sujet éthylique ou carencé : Thiamine (B1) 100 mg en IVL (aide à l’oxydation de l’alcool par l’organisme et prévention de l’encéphalopathie de Gayet Wernicke). 12 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
Pour résumer cette prise en charge, nous pouvons nous appuyer sur l’algorithme proposé dans les dernières recommandations formalisées d’experts de l’EME en 2009 : Prise en charge en situation d’urgence et en réanimation des états de mal épileptiques de l’adulte et de l’enfant Figure 1 – Diagramme d’utilisation des médicaments antiépileptiques lors d’un EME tonico- cionique généralisé. EME : état de mal épileptique, AG : anesthésie générale, bolus (1) : bolus initial, bolus (n) : bolus itératifs successifs jusqu’à cessation clinique des convulsions, selon tolérance hémodynamique. LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 13
Voici détaillées les spécialités pharmaceutiques disponibles pour la prise en charge de l’EME ainsi que leurs caractéristiques et les précautions d’emploi en regard. Effets Contre Spécialités Indications Posologie secondaires/ indications Surveillances Benzodiazépine d’action 1 mg IVD à – Sédation marquée rapide (1 min) et renouveler Clonazépam prolongée (6 à 8 h) 1 fois si (Rivotril®) besoin En 1re intention dans l’épilepsie ou EME Benzodiazépine d’action 10 mg à – Dépression centrale rapide (1 min) mais renouveler et respiratoire courte durée d’action 1 fois si Diazépam (20 min) : besoin (Valium®) En alternative du Clonazépam si indisponible Benzodiazépine d’action 0,1 mg/kg ATU (autorisation Lorazépam prolongée (6 à 12 h) : temporaire (Temesta®) Alternative au d’utilisation) en France Clonazépam Benzodiazépine d’action Voie IM : – Dépression centrale rapide (1 min) mais 0,2 mg/kg et respiratoire durée d’action courte et Voie buccale variable (15 min à 4 h) : ou nasale : Midazolam (Hypnovel®) Alternative 0,3 mg/kg Clonazépam par voie IM, buccale ou intra-nasale si administration IV impossible Barbiturique 15 mg/kg Insuffisance – Dépression centrale Délai d’action = 20 min Débit de respiratoire sévère et respiratoire Durée d’action = perfusion – Induction 6 à 24 h maximum = enzymatique 100 mg/min Phénobarbital En 2e intention dans (Gardénal®) l’EME convulsif de moins de 30 minutes (ou en association avec benzodiazépines si supérieur à 30 minutes ou EME larvé) → 14 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
Effets Contre Spécialités Indications Posologie secondaires/ indications Surveillances Hydantoïne 20 mg/kg – Cardiopathie – Allongement du QT Délai d’action = 30 min Débit de sévère – Dépression cardio- Durée d’action : perfusion – Troubles de vasculaire 12 à 24 h maximum = conduction (QT – Induction 50 mg/min long) enzymatique Phénytoïne en 2e intention dans (Dilantin®) l’EME convulsif de – Précautions – Attention VVP moins de 30 minutes d’emploi : sujets exclusive de (ou en association avec âgés et fragiles gros calibre car benzodiazépines si (réduction incompatibilités supérieur à 30 minutes du débit de physico-chimiques ou EME larvé) perfusion) et toxicité veineuse Fosphénytoïne : 20 mg EP*/ – Allongement du QT Meilleure tolérance kg – Dépression cardio- veineuse et comptabilité avec Débit de vasculaire autres médicaments perfusion – Induction Fosphénytoïne que la Phénytoïne (mais maximum = enzymatique (Prodilantin®) surcout) 150 mg/min Conservation au frigo Attention double calcul de dose Antiépileptique avec Dose de – Hépatopathie – Surveillance bonne tolérance charge : – Encéphalopathie régulière de la hémodynamique 25 mg/ dépakinémie pour kg puis – Femme adaptation des Délai d’action : 5 min enceinte entretien de doses Durée d’action : 24 h 1 à 4 mg/kg Alternative en cas IVSE selon Valproate de contre indication dépakinémie de sodium au Phénobarbital/ (Dépakine®) Hydantoïnes ou en cas d’EME secondaire à un sevrage en Dépakine Alternative à l’AG en cas de LATA (limitation ou arrêt des thérapeutiques actives) * EP = équivalent phénytoïne sodique : 1 mg EP = 1,5 mg fosphénytoïne. Toutes ces spécialités pharmaceutiques imposent une surveillance clinique et scopique infirmière rigoureuse devant les risques majeurs de dépressions respiratoires et cardiaques induits par ces traitements (et, paradoxalement, majorés par l’absence d’un traitement rapide efficace). Évidemment la surveillance de l’état de conscience du patient (via l’échelle de Glasgow) et de l’évolution LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 15
des manifestations neurologiques apparaît comme primordiale. La réalisation d’un ECG initial permet de choisir le traitement le plus adapté. Les lésions cérébrales permanentes apparaissent après 30 minutes de crise sans traitement efficace. Plus un EME se prolonge, plus il deviendra résistant au traitement (EME réfractaire). L’EME réfractaire (EMER) peut se définir comme une résistance à au moins deux traitements antiépileptiques bien conduits (aux doses recommandées). Une notion de durée de la crise supérieure à 60 minutes est parfois ajoutée à cette définition. Une atteinte neurologique infectieuse est le plus souvent impliquée. Le traitement se basera alors sur une anesthésie générale, qui déprime l’activité électrique corticale et donc comitiale afin de juguler la crise, avec le choix entre trois spécialités que sont les barbituriques, le Propofol et le Midazolam dont les doses seront adaptées pour une efficacité clinique tout en préservant la stabilité hémodynamique du patient. Effets Spécialités Critères de choix Posologie secondaires/ Surveillances Barbiturique Dose de charge : – Dépression Délai d’action très Titration de 2 mg/ cardiovasculaire Thiopental rapide : 1 min kg toutes les 5 min – Hypothermie jusqu’à l’arrêt des (Nesdonal/ Traitement de convulsions – Immunodépression Penthotal®) référence, efficacité – Demi vie reconnue Entretien : 3 à 5 mg/ kg/h IVSE d’élimination très longue Anesthésique Titration initiale de – Dépression cardio Délai d’action : 2 min 2 mg/kg puis 1 mg/ vasculaire kg jusqu’à cessation – Risque syndrome Durée d’action : 15 min des convulsions Propofol de perfusion au Meilleure tolérance (Diprivan®) hémodynamique que Entretien : 2 à 5 mg/ Propofol (SPP) kg/h IVSE si utilisation le Thiopental et demi prolongée vie d’élimination courte (> 48 h) mais risque de SPP Benzodiazépine : Titration initiale – Dépression Idéal pour l’entretien de 0,1 mg/kg centrale et Midazolam après IOT car jusqu’à cessation respiratoire (Hypnovel®) bonne tolérance des convulsions – Tachyphylaxie hémodynamique et très Entretien : 0,05 à maniable 0,5 mg/kg/h IVSE En pratique, le recours à des agents anesthésiques oblige généralement à une intubation orotrachéale du patient (IOT) pour protéger ses voies aériennes supérieures, celle-ci sera réalisée en séquence rapide (avec, le plus souvent, du Penthotal) et sera maintenue au moins 12 heures suite à la cessation clinico- électrique de la crise. 16 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
En cas d’intubation et donc de sédation, les objectifs sont normoxie (Sp02 > 95 %, normocapnie et pression artérielle moyenne (PAM) entre 70 et 90 mmHg. Une surveillance hémodynamique rapprochée médico-infirmière est alors primordiale dans ce contexte où l’instabilité hémodynamique et la nécessité d’un recours aux catécholamines sont fréquents. À noter que les curares masquent les convulsions mais ne les traitent pas, c’est pourquoi ils ne doivent être utilisés que dans l’optique d’obtenir un tracé EEG de bonne qualité (non artefacté par des mouvements incontrôlés du patient). Si le traitement s’avère toujours inefficace (cas de l’EME malin), il est possible de combiner ces trois traitements, voire d’en associer d’autres tels que la Kétamine (contre indiquée en cas d’HTIC) ou encore le Topiramate (Epitomax®) et le Lévétiracétam (Keppra®) mais leurs places restent encore à définir. La mortalité à 30 jours (évaluée entre 10 et 40 % environ) est très intimement liée à l’étiologie mais deux autres facteurs apparaissent comme déterminants en dehors de la cause : l’âge et la durée du trouble. Ces trois facteurs, en plus des comorbidités du patient, seront alors prise en compte pour une éventuelle décision collégiale de LATA (limitation ou arrêt des thérapeutiques actives). 6. Quid de l’enfant et du nourrisson La fièvre (> 39 °C) est la principale cause des convulsions généralisées de l’enfant entre 6 mois et 5 ans et ne requiert pas la réalisation de bilans complémentaires (TDM et/ou PL) si l’examen clinique est rassurant, cependant des crises partielles, un déficit neurologique pré ou post critique, une succession de crise en moins de 24 h ou un EME (qui revêt alors un pronostic très sombre) nécessitent des explorations. Les autres causes sont, comme chez l’adulte, les lésions cérébrales (aiguës ou chroniques) ainsi que les sous dosage médicamenteux. Chez le nourrisson les troubles métaboliques (hypocalcémie, hyponatrémie, hypomagnésémie) et le contexte infectieux sont au premier plan. Chez le nouveau né, les encéphalopathies hypoxiques et les hémorragies cérébrales apparaissent comme majoritaires. La maltraitance infantile peut également être cause de convulsions, notamment dans le syndrome du bébé secoué. Hors contexte infectieux, la réalisation d’une biologie et d’un TDM (idéalement d’une IRM) sont donc recommandés pour la recherche étiologique. Par ailleurs, et comme chez l’adulte, la réalisation précoce d’une glycémie devant une convulsion, un déficit neurologique ou un malaise est un élément LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 17
incontournable dans la recherche étiologique chez l’enfant (et, plus tard, dans la gestion des ACSOS). L’hypoglycémie est fréquente chez l’enfant, surtout les plus petits, et entraine des convulsions qu’il est alors relativement aisé de juguler. Le traitement de la crise et de ses complications est similaire à l’adulte avec la protection lors de la crise puis la mise en PLS et l’oxygénation en postcritique. Le traitement médicamenteux sera initié en cas de crise d’une durée supérieure à 5 minutes et fera appel en 1re intention aux benzodiazépines : Midazolam IJ (Buccolam®) 0,3 mg/kg, Clonazépam IV ou Diazépam IR 0,5 mg/kg (en pratique, les formes IR sont de moins en moins utilisées). À noter que le Midazolam 5 mg IM est également cité en première place dans les recommandations américaines chez l’enfant devant sa simplicité d’utilisation et surtout son efficacité. Concernant les EME et EMER de l’enfant, la définition est similaire à l’adulte mais l’état de conscience étant fluctuant, il peut y avoir une difficulté supplémentaire dans la reconnaissance du trouble et son évaluation : un EEG de longue durée (> 12 h) peut alors s’avérer très utile pour confirmer un EME non convulsif et apprécier l’efficacité des traitements. En pratique et devant l’absence d’un abord veineux initial, une première dose de Midazolam intra-jugal ou de Diazépam IR est réalisée avec les mêmes posologies que pour la crise > 5 minutes. À noter que plusieurs études montrent qu’en première ligne, le Midazolam intra- jugal ou nasale est plus efficace que Diazépam intra-rectal (mais également plus aisé à administrer) et aussi efficace que le Diazépam IV. En deuxième ligne, la Phénytoïne est habituellement préférée au phénobarbital (et à la Fosphénytoine) sans qu’aucune preuve scientifique de sa supériorité n’ait été publiée. Enfin, devant des convulsions rebelles ou un EMER, le coma est préférentiellement induit par du Midazolam IV avant le Thiopental devant sa meilleure tolérance hémodynamique et sa moindre influence sur l’interprétation de l’EEG. À noter que le Propofol en IVSE est contre indiqué chez l’enfant notamment pour un risque majoré de syndrome de perfusion au Propofol, potentiellement mortel, par contre l’induction au Propofol pour une IOT ou un EME est possible. L’entretien sera alors réalisé par Midazolam/Sufentanyl pour l’effet sédatif et anticonvulsivant. A contrario de l’adulte, l’IOT ne sera pas prioritairement fonction du glasgow mais de la fonction respiratoire. Ainsi, ce sont bien des signes de détresse respiratoire (apnée ou hypoxémie malgré supplémentation en oxygène) qui feront poser l’indication d’une IOT et non la présence d’un état postcritique ou la mise en route de traitements anticonvulsivants induisant un glasgow < 8. Une injection de Pyridoxine sera réalisée chez le nouveau né en l’absence de cause évidente à un EME et nécessitera une surveillance rapprochée en réanimation. 18 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
Outre les mesures de gestion de la crise et de surveillances cliniques, hémodynamiques et spécialisées (ACSOS) par l’infirmière qui seront similaires à l’adulte avec évidemment des normes spécifiques, la prise en charge de l’enfant, et à fortiori des nourrissons et nouveaux nés, est indissociable de celle de ses parents. La présence des parents, leur information et leur éducation ainsi que leur réassurance apparaît comme essentielle pour une prise en charge de qualité et l’infirmière occupe une place de choix pour répondre à ce besoin. D’ailleurs, ils peuvent être d’une grande aide, notamment pour les enfants souffrant d’épilepsie complexe ou d’un syndrome spécifique et pour lesquels ils peuvent guider la prise en charge via les consignes du neurologue ou une lettre de celui-ci. 7. Conclusion Les décompensations épileptiques sont un motif fréquent de recours aux urgences, notamment pour des crises accompagnées ou persistantes devant lesquelles la précocité de la reconnaissance du trouble, d’un traitement médical bien conduit (étiologique et +/– symptomatique) et la surveillance clinique associée sont primordiaux à l’IOA comme en secteur de soins. L’infirmier est en première ligne dans le parcours du patient en crise, de l’IOA où il a pour mission de repérer et prioriser, en passant par la conduite, la surveillance du traitement et la survenue d’éventuelles complications en collaboration avec le médecin et ses collègues aides-soignants, à la sortie du patient qui nécessitera informations et éducation thérapeutique voire au transfert en réanimation dans le cadre d’une crise réfractaire ou avec dysfonction d’organe(s). L’infirmier associera dans cette prise en charge complexe aussi bien des actions relevant de son rôle propre et de ses compétences spécifiques en médecine d’urgence (repérage, priorisation, installation, surveillances) que sur prescription médicale ou protocole (administrations médicamenteuses, examens para- cliniques). D’ailleurs, les experts préconisent l’existence d’un protocole de service préétabli, connu et reconnu sur lequel peuvent s’appuyer les équipes médico- soignantes. Annexes/références bibliographiques 1. Les crises convulsives de l’adulte au SAU, 1re conférence de consensus en médecine d’urgence, Genève Avril 1991, actualisé en 2001, deuxième actualisation en 2006, groupe de veille scientifique de la SFMU. 2. Prise en charge en situation d’urgence et en réanimations des états de mal épilep- tique de l’adulte et de l’enfant (nouveau né exclu) – Recommandations formalisées d’experts sous l’égide de la SRLF – Juillet 2008. LES PATIENTS ÉPILEPTIQUES EN CRISE 19
3. Réanimation et urgences pré-hospitalières, 5e édition, Jean Marc Laborie, Éditions Frison-Roche. 4. Protocoles 2010, 12e édition, DAR Bicètre, MAPAR éditions. 5. Le manuel de réanimation, 4e édition, Jean Louis Vincent, Springer. 6. Épilepsie, émission priorité santé, RFI, lundi 8 février 2016. 7. Fiche Épilepsie, aide mémoire n° 999, Site de l’OMS, version mai 2015. 8. Sémiologie des crises d’épilepsie/épilepsie de l’enfant et de l’adulte, site internet du collège des enseignants en neurologie, consultation des pages en février 2016. 9. Prise en charge d’une première crise d’épilepsie de l’adulte, recommandations de bonnes pratiques, société française de neurologique, novembre 2014. 10. État de mal épileptique de l’adulte et de l’enfant, N.Engrand, Congrès SFAR 2011. 11. Evidence based guideline 2016 : Treatment of convulsive status epilepticus in children and adults, American Epilepsy Society. 20 ■ LES PATIENTS PORTEURS D’UNE PATHOLOGIE CHRONIQUE : 50 % DE NOTRE ACTIVITÉ
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