Citoyenneté et pauvreté - RAPPORT BISANNUEL 2016 - 2017 SERVICE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, LA PRÉCARITÉ ET L'EXCLUSION SOCIALE
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Citoyenneté et pauvreté CONTRIBUTION AU DÉBAT ET À L'ACTION POLITIQUES RAPPORT BISANNUEL 2016 - 2017 SERVICE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, LA PRÉCARITÉ ET L'EXCLUSION SOCIALE
[ ii] C ito ye n n e té e t p a u v re té Table des matières Introduction _______________________________________________________________ 2 Chapitre I Être citoyen, c'est être égal en dignité et en droits _______________________ 6 1. Accès égal aux droits ____________________________________________________ 6 1.1. Effectivité des droits de l’homme______________________________________________________ 6 1.2. Conditionnalité accrue des droits ______________________________________________________ 7 1.3. Causes de non-accès aux droits ______________________________________________________ 10 1.4. Accès aux droits en l’absence de logement reconnu _____________________________________ 14 1.5. En guise de conclusion : accès aux droits et engagement politique __________________________ 23 2. Mesures spécifiques pour droits universels __________________________________ 24 2.1. Corrections sociales ou droits de second rang ? _________________________________________ 24 2.2. Délimitation de catégories __________________________________________________________ 27 2.3. Effectivité d’une politique catégorielle ________________________________________________ 32 2.4. En guise de conclusion : égalité et équité ______________________________________________ 33 Chapitre II Être citoyen, c'est être libre dans l'exercice des droits et responsabilités ____ 36 1. Droit au respect de la vie privée___________________________________________ 36 1.1. Contrôle permanent _______________________________________________________________ 37 1.2. Lutte contre la fraude sociale aux allocations ___________________________________________ 39 1.3. Accès par des tiers à des données personnelles _________________________________________ 40 1.4. Accès à ses propres données ________________________________________________________ 44 1.5. Administration des biens et/ou de la personne__________________________________________ 44 1.6. En guise de conclusion : respect de la vie privée, élément essentiel de la citoyenneté et de la politique de lutte contre la pauvreté___________________________________________________ 48 S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
T a b l e d e s m a t iè re s [iii] 2. Cohabitation avec les personnes de son choix________________________________ 48 2.1. Réglementation complexe __________________________________________________________ 49 2.2. Cohabitation sanctionnée ___________________________________________________________ 50 2.3. Un cohabitant n’est pas l’autre ______________________________________________________ 55 2.4. Solidarité et individualisation des droits _______________________________________________ 56 2.5. En guise de conclusion : protection sociale suffisante pour tous ____________________________ 59 Chapitre III Être citoyen, c'est pouvoir assumer des responsabilités _________________ 62 1. Participation à la société ________________________________________________ 62 1.1. Participation à la vie sociale _________________________________________________________ 63 1.2. Participation à la vie associative ______________________________________________________ 65 1.3. Participation aux processus politiques _________________________________________________ 68 1.4. En guise de conclusion : atteinte aux droits civils et politiques _____________________________ 72 2. Rôle de parent ________________________________________________________ 72 2.1. Importance de la famille ____________________________________________________________ 72 2.2. Parent dans des conditions difficiles __________________________________________________ 75 2.3. Responsabilité des pouvoirs publics pour soutenir les parents dans l'exercice de leurs responsabilités ____________________________________________________________________ 78 2.4. Reconnaissance des parents comme premiers responsables de l’éducation ___________________ 85 2.5. En guise de conclusion : parentalité, citoyenneté aussi ? __________________________________ 90 Chapitre IV Focus : droit à un logement décent __________________________________ 92 1. Déficit de logements accessibles financièrement et de bonne qualité _____________ 93 1.1. Accessibilité financière _____________________________________________________________ 93 1.2. Qualité __________________________________________________________________________ 96 1.3. Immeubles vacants et occupation ____________________________________________________ 98 1.4. Formes ‘alternatives’ _____________________________________________________________ 100 1.5. Demeures mobiles _______________________________________________________________ 104 S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[ iv] C ito ye n n e té e t p a u v re té 2. Mécanismes d’exclusion sur le marché du logement _________________________ 106 2.1. Sélection et discrimination _________________________________________________________ 106 2.2. Expulsions pour cause d’insalubrité __________________________________________________ 110 3. Accompagnement dans l'accès au et le maintien dans le logement ______________ 115 3.1. Accompagnement dans l'accès au logement ___________________________________________ 115 3.2. Accompagnement au maintien dans le logement _______________________________________ 115 3.3. Médiation en cas de conflits locatifs _________________________________________________ 116 3.4. Aides à l’accès à la propriété _______________________________________________________ 117 4. Vers un droit effectif au logement ________________________________________ 118 5. En guise de conclusion : aller vers un mieux ________________________________ 120 Conclusion "Et maintenant, que va-t-il se passer ?" ______________________________ 128 Sources _________________________________________________________________ 130 Annexes _________________________________________________________________ 150 1. Liste des organisations impliquées dans l'éboration du Rapport 2016 - 2017 _________________ 150 2. Liste des personnes impliquées dans l'éboration du Rapport 2016 - 2017. ___________________ 153 3. Accord de coopération entre l'État fédéral, les Communautés et les Régions relatif à la continuité de la politique en matière de pauvreté __________________________________________________ 157 S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[92] C ito ye n n e té e t p a u v re té Chapitre IV Focus : droit à un logement décent Disposer d’un lieu pour habiter et se sentir chez soi Il semble évident de pouvoir également choisir soi- est un élément essentiel de la citoyenneté de même ce lieu en fonction de la taille de son chacun. Depuis le début de la concertation, les ménage, de ses préférences en matière de type de participants ont souligné l’importance d’avoir un logement et d’environnement, de proximité de la logement décent. La problématique du logement a famille et des amis, d’accessibilité des services, etc. régulièrement été abordée lors des discussions Or, pour les personnes vivant dans la pauvreté, les traitant des différents aspects de la citoyenneté choix de logement courants dans la société sont (droits égaux, liberté, prise de responsabilités). Ce inaccessibles ou à peine accessibles : devenir matériau constitue le fondement du présent propriétaire, louer un logement de qualité chapitre axé autour de la thématique du droit à un financièrement accessible, cohabiter avec sa logement récent. famille ou des amis (lorsqu’elles souhaitent Un logement, c’est plus qu’un tas de pierres, des conserver leur aide ou maintenir leur vie familiale), murs, un toit, etc. : c’est un endroit où l’on vivre dans un quartier calme ou à la campagne, etc. séjourne avec sa famille, où l’on reçoit ses amis et Bien que la Constitution belge prévoit un droit à un sa famille, où l’on peut faire ses devoirs dans le logement décent, en pratique, l’exercice de ce calme, cuisiner et se réchauffer, où l’on reçoit son droit s’avère problématique dans des situations de courrier, d’où l’on part pour se rendre au travail, pauvreté et de précarité. etc. Le Rapport Général sur la Pauvreté (RGP) Dans ce chapitre, nous traitons en premier lieu le l’évoquait déjà en ces termes : "Le droit des déficit de logements financièrement accessibles et personnes et des familles à bénéficier d’un décents, qui dans notre pays est énorme. logement décent doit se comprendre dans le cadre Parallèlement, la question de l’inoccupation de de l’indivisibilité des droits de l’homme. Un seul logements surtout sur le marché résidentiel privé droit - ou le non respect de ce droit - a des mais également dans les logements sociaux vient répercussions sur tous les autres: la santé, le droit à s’ajouter à cette problématique de l’accessibilité vivre en famille, le droit des enfants à prétendre à financière et de la qualité des logements. Le une scolarité normale, le droit à la dignité, à être manque de logements a pour effet que les reconnus comme des citoyens comme les autres. Si personnes à faible revenu doivent parfois se les personnes éprouvant la pauvreté se sont tourner vers d’autres formes d’habitat qui ne fortement exprimées sur leur expérience de peuvent toutefois pas constituer une solution pour l’habitat et sur leurs attentes par rapport aux résoudre ce déficit structurel (1.). À cause de la politiques publiques, c’est que “la maison est la faiblesse de leurs revenus, les gens vivant dans la famille”. L’absence de foyer ou la perspective de pauvreté sont confrontés à la sélection et à la cette absence mine le couple, insécurise les parents discrimination dans leur recherche d’un logement et les enfants qui craignent d’être séparés, interdit et sont même parfois victimes d’expulsions liées à tout projet d’avenir et met en cause les acquis de la la mauvaise qualité d’une habitation sans qu’un famille245. relogement ne soit systématiquement prévu (2.). S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
C h a p it re I V - F o c u s : d ro it à u n l o g e m e n t d é c e n t [93] Au fil des années, plusieurs initiatives visant à aider L’acquisition de son propre logement est difficile et à accompagner ces personnes dans la recherche voire quasi impossible pour les personnes à faible ou le maintien d’un logement ont vu le jour (3.). revenu et ne disposant pas de réserves. Les Dans le dernier point (4.), nous nous penchons données en Flandre (Grande enquête du logement enfin sur la question de savoir comment on peut 2013) montrent de grandes différences en fonction progresser vers un droit effectif au logement en du revenu: le taux de propriétaires est nettement empruntant la piste d’un droit opposable. plus bas dans les deux tranches de revenus les plus basses (55 % et 61 %) que dans les deux tranches les plus élevées (80 % et 84 %). De plus, ce taux a 1. Déficit de logements diminué de manière significative pour les tranches accessibles financièrement les plus basses entre 2005 et 2013247. et de bonne qualité Les personnes à bas revenus s’orientent essentiellement vers un logement en location, que ce soit dans le logement social ou dans le parc 1 . 1 . A c c es s i b i li té fi na nc i è re locatif privé. Or, le pourcentage de logements sociaux par Comparativement à d’autres pays, le pourcentage rapport au marché total du logement est très faible de propriétaires est particulièrement élevé en en Belgique, plus précisément 5,6 % en Flandre, Belgique. En Flandre, 71% des ménages habitent 5,3 % en Wallonie et 7 % dans la Région Bruxelles- dans leur propre logement et en Wallonie 66%. Capitale (chiffres relatifs à fin 2015)248. Il manque Dans la Région de Bruxelles Capitale, ce de logements sociaux dans les trois Régions et les pourcentage est beaucoup plus faible, à savoir listes d’attente sont dès lors particulièrement 39%246. longues (voir tableau). Tableau: nombre de logements sociaux loués et de ménages sur liste d’attente, 3 Régions, 2012-2016 Flandre Wallonie Bruxelles-Capitale loué en attente loué en attente loué en attente 2012 137.561 107.090 98.294 37.983 35.883 37.050 2013 137.908 104.976 98.003 35.946 36.137 35.758 2014 139.071 120.504 98.082 39.083 36.377 39.939 2015 140.516 117.681 97.802 38.628 36.248 43.345 2016 142.981 137.177 - 39.464 - 39.153 Sources: • Flandre: Vlaamse Maatschappij voor Sociaal Wonen (avec une actualisation lors des années impaires, avec à chaque fois un nombre de radiations de candidats-locataires ; actualisation la plus récente en 2015). • Wallonie: Centre d’Études en Habitat Durable sur base des données de la Société Wallonne du Logement (le nombre de logements gérés par les SLSP, sous déduction des logements louables non-loués et des logements non-louables non-loués, pour obtenir le nombre de logements loués). • Région Bruxelles-Capitale : Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale sur base des données de la Société du logement de la Région bruxelloise (listes d’attente après radiation). S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[94] C ito ye n n e té e t p a u v re té Les trois Régions ont des plans d’extension de leur revenus à leur logement. 35,4 % des locataires parc de logements mais l’offre de logements reste privés en Belgique consacrent plus de 40 % de insuffisante. leurs revenus à leurs frais de logement 252. L’instabilité est donc particulièrement grande pour L’accès difficile à la propriété et le manque de les groupes à faible revenu. Là où la durée de logements sociaux fait que les ménages disposant location moyenne dans un logement privé s’élève à d’un faible revenu dépendent fortement du 7 ans en Flandre, celle des locataires en situation marché locatif privé, ce qui génère une forte de pauvreté est de 2 ans253. pression sur les couches inférieures du marché locatif privé. Cette pression n’est pas nouvelle, Traditionnellement, les budgets publics en mais elle s’intensifie. Selon la Grote Belgique sont fortement axés sur l’aide aux Woononderzoek, le montant moyen du loyer était propriétaires (voir par exemple l’enquête flamande de 562 euros en Flandre en 2013. Les résultats de qui démontre que 2 % des subsides au logement l’enquête montrent également une hausse des sont alloués au marché locatif privé, 14 % au loyers entre 2005 et 2013 (corrigée par l’inflation) marché locatif social et 84 % aux propriétaires- qui intervient pour la majeure partie dans la résidents254) Selon les participants à la tranche des plus bas revenus: 18% de plus chez les concertation, il est urgent de rectifier ce locataires de la tranche de revenus la plus basse et déséquilibre et d’investir davantage dans l’aide aux une hausse de 28 % pour les plus petites entités de locataires. logement (studios et chambres)249. Selon Pour rendre une habitation privée de location plus l’Observatoire des loyers de Bruxelles, le loyer accessible financièrement, nous distinguons ici mensuel moyen dans le privé s’élevait à 710 euros trois voies, qui peuvent être combinées. Une en 2016 ; 50% des locataires y paient un loyer de première voie concerne l’encadrement du prix des 660 euros ou plus250. En Wallonie, selon les loyers. Les premières actions visant à définir une données EU-SILC, le loyer moyen dans le privé grille pour un prix raisonnable des loyers ont été s’élevait à 542 euros en 2015251. réalisées dans le cadre des projets pilotes des Au cours de la concertation, le doigt a commissions paritaires locatives255, en tenant immédiatement été mis sur le rapport compte d’une série de critères parmi lesquels problématique entre le montant élevé du loyer et figurait la qualité de l’habitation de location. La le revenu d’intégration, les allocations de chômage Région Bruxelles-Capitale a réalisé, en exécution de ou les indemnités de la mutuelle par exemple. Le l’ordonnance visant la régionalisation du bail prix du loyer des habitations est bien souvent trop d’habitation256 (la nouvelle législation sur le bail élevé pour les personnes à faibles revenus : entre en vigueur le 1er janvier 2018), une grille "Quelqu’un vivait dans un appartement insalubre. indicative de référence des loyers. La grille est On lui a trouvé un super logement mais le loyer basée sur des critères internes et externes tels étant de 600-650 euros avec charges, il ne lui l’emplacement et l’état du bien, la surface restait plus rien pour vivre. On n’avait pas réfléchi à habitable et le nombre de pièces. Cette grille est cela avec lui. En plus, on voulait l’obliger à prendre donc purement indicative et son utilisation n’est une femme de ménage. Comment réfléchit-on à pas obligatoire. Dans une réaction sur le projet permettre l’accès à un beau logement mais qui soit d’arrêté, le Rassemblement bruxellois pour le droit dans les moyens de la personne ? Sinon, c’est la à l’habitat (ci-après, le ‘RBDH’) a réagi en prônant mettre encore plus dans la difficulté." une prise en compte plus importante de la qualité de l’habitation, la création d’une commission Les ménages concernés consacrent – en raison de paritaire locative qui puisse établir une grille cette hausse des prix locatifs, conjuguée à un faible contraignante et une méthodologie affinée257. La revenu – une part trop importante de leurs Région wallonne a également prévu une grille S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
C h a p it re I V - F o c u s : d ro it à u n l o g e m e n t d é c e n t [95] indicative des loyers, dans laquelle un calculateur dossiers263. Dans son accord du 25 juillet 2017, le (en phase de test) détermine un loyer de référence gouvernement wallon a prévu l’instauration d’un sur base de la superficie, du nombre de pièces, système de primes de location pour les familles qui dusystème de chauffage, etc.258 La Flandre aussi se trouvent sur la liste d’attente d’un logement s’est dotée d’une application digitale (le social264, destiné spécifiquement aux locataires des Huurschatter) qui, au moyen de l’adresse et d’un Agences Immobilières Sociales (ci-après, ‘AIS’) et nombre de caractéristiques d’un logement, lui des Associations de Promotion du Logement (ci- donne une estimation de loyer courant, de après, ‘APL’). manière tout à fait informative et non La troisième voie est celle d’un loyer conventionné, contraignante259. Les trois Régions ont donc fait le à travers lequel un bailleur prend un engagement, choix de se limiter à des instruments indicatifs. par exemple en matière de prix du loyer, de qualité Pour le Syndicat national des propriétaires et du logement et de durée du bail, en échange d’un copropriétaires (ci-après, le ‘SNPC’), une grille avantage. Le système des AIS (tableau ci-dessous : contraignante n’a pas sa place au sein d’un marché nombre de logements privés gérés par des AIS libre et seule une grille indicative pourrait être dans les trois Régions) en est une variante. envisagée. D’autres remarquent qu’un Toutefois, avec la location conventionnée, on encadrement contraignant des loyers avec souhaite également s’adresser aux bailleurs par contrôle systématique de la qualité pourrait être d’autres moyens pour qu’ils mettent leur bien combiné avec un fonds de garanties locatives – locatif à disposition de locataires ayant de faibles ainsi, le propriétaire reste assuré du rapport de son revenus. bien – et d’allocations-loyer pour les locataires les plus vulnérables260. Tableau: nombre de logements privés gérés par des AIS, 3 Régions, 2012-2016 Une seconde voie consiste en une intervention dans le financement du loyer. En Flandre, une Flandre Wallonie Région prime de location (‘huurpremie’ )existe déjà depuis Bruxelles- quelques années pour les personnes qui se Capitale trouvent sur la liste d’attente d’un logement social 2012 6.401 3.993 3.200 depuis au moins 4 ans et et qui remplissent les conditions en matière de revenu et de prix du 2013 7.025 4.374 3.501 loyer. Fin juillet 2016, 7.666 locataires ont bénéficié de la prime de location, dont la moyenne 2014 7.772 4.753 3.763 correspondait à 160,30 euros261. Lors de la 2015 8.329 5.157 4.085 concertation, les participants ont souligné l’importance de ce système et plaidé pour un 2016 9.143 5.600 4.509 élargissement du groupe-cible et un meilleur Sources: recours à cette mesure (actuellement, seuls 41 % • Vlaanderen: Rapports d'activités de la Vlaamse des ayants-droit en bénéficient effectivement 262). Maatschappij voor Sociaal Wonen. En Région de Bruxelles-Capitale, il existe une • Wallonie: Rapports d'activités du Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie. allocation loyer (entre 102 et 153 euros) pour les • Bruxelles Capitale: Fédérations des AIS. candidats-locataires d’un logement social dont les Malgré l’augmentation du nombre de logements, revenus ne sont pas supérieurs au revenu les AIS ont également des listes d’attente. Pour d’intégration sociale et qui réunissent plusieurs exemple, les AIS flamandes comptaient plus de critères prioritaires. Seul un nombre restreint de 37.287 candidats-locataires uniques en attente locataires a pu faire usage de cette mesure. Fin d’un logement à la fin 2016. 25.793 de ces 2016, l’administration bruxelloise avait traité 765 candidats se trouvaient également sur les listes S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[96] C ito ye n n e té e t p a u v re té d’attentes pour le logement social, ce qui fait que nombre de locataires, le loyer est trop élevé en les AIS comptaient 11.494 candidats-locataires comparaison avec leur revenu, même avec l’aide exclusifs265. d’une allocation loyer. Au sein des sociétés de logement social, le loyer est calculé en fonction du Alors que les participants à la concertation revenu. Or les locataires ayant les revenus les plus soulignent l’importance des agences immobilières faibles doivent souvent avoir recours aux AIS – en sociales, ils indiquent que la problématique des raison de la pénurie de logements sociaux - où le loyers trop élevés s’y pose également. Pour un loyer n’est pas adapté au revenu. L e S e rvic e d e l u t t e c o n t re l a p a u v re té re c o m m a n d e d ’ a u g m e n te r d e m a n i è re prio rita i re e t a c c é l é ré e l ’ o f f re d e l o g e m e n t s a b o rd a b l e s f in a n c iè re m e n t e t d e q u a l ité , t a n t s o c ia u x q u e p rivé s . D e p ré f é re n c e , e n f a is a n t l ’ u t il is a t io n d e p l u s ie u rs pis t e s : • in ve s t ir à u n r yt h m e a c c r u d a n s l a c o n s tr u c tio n e t l a r é n o va tio n d e l o g e m e n t s o c ia u x , a d a p té s a u x d if f é re n t e s f o rm e s d e m é n a g e s ; • p ré vo ir u n e a l l o c a t io n l o y e r p o u r l e s m é n a g e s e n a tte n te d ’ u n l o g e m e n t s o c ia l , a ve c u n e a t t e n t io n m a xim a l e a u re c o u rs e f f e c tif à c e tte a l l o c a ti o n ; • p ré vo ir d e s f o rm e s c o n v e n t io n n é e s d e l o c a tio n d e l o g e m e n ts p rivé s , a v e c s o u tie n e t a c c o m p a g n e m e n t d e s b a i l l e u rs a in s i q u e d e s c o n ve n tio n s e n f o n c tio n d u l o ye r , d e l a q u a l ité d u l o g e m e n t , ( a ve c s o u t ie n a c c ru d e s A I S , s tim u l i f is c a u x po u r l e s pro p rié ta ire s , ) ; • m e t t re e n p l a c e u n e n c a d r e m e n t d e s l o ye rs d u m a rc h é l o c a tif p rivé , s u r l a b a s e d e l a q u a l i té d e s h a b it a t io n s e t d e l e u r c o n t rô l e , e n c o m b in a is o n a ve c d e s in s tru m e n ts s u r l e pl a n d e l a g a ra n t ie l o c a t ive . 1 . 2 . Q ua li té Pour éviter que les enfants soient dans la rue, on les laisse partir et on ne les récupère jamais ». Les personnes ayant de faibles revenus se En 1994, les rédacteurs du RGP exigeaient la mise retrouvent souvent dans des habitations de en place de normes générales de salubrité mauvaise qualité266. Il va de soi qu’un logement de régissant l’ensemble des logements mis en mauvaise qualité a de grandes conséquences sur location. Ils ont été écoutés. En revanche, ils les occupants et influe par exemple sur leur santé mettaient déjà à l’époque les pouvoirs publics en tant physique que mentale. La menace constante garde contre leurs effets pervers. Ils avaient raison. de perdre ses enfants est une situation qui est souvent relatée par les participants à la Le fait que les personnes ayant de faibles revenus concertation : « quand le logement est trop petit, il se retrouvent souvent dans des logements de est difficile de vivre avec sa famille. Les enfants mauvaise qualité les place – eux et les sont alors placés car le logement n’est pas adapté. professionnels sur le terrain – devant un dilemme. On prend un logement plus grand pour les Vu le manque d’habitations abordables et de récupérer, mais c’est trop cher, on n’a plus de sous qualité, elles doivent se satisfaire d’un logement pour ravoir les enfants et on ne nous les rend pas ». médiocre qu’elles peuvent se permettre. Bien que Cette menace permanente de placement d’enfants leur logement ne réponde pas aux normes de et d’expulsion qui pèse sur les locataires empêche qualité requises, les intéressés préfèrent – si ceux-ci de trouver dans leur logement la stabilité aucune possibilité de relogement se présente - s’en nécessaire pour retrouver confiance et dignité267. accommoder plutôt que de devoir vivre dans la « Ne pas avoir de logement, cela brise une famille. rue. « l’investissement des Régions aurait aussi dû être dans le logement accessible et durable avant S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
C h a p it re I V - F o c u s : d ro it à u n l o g e m e n t d é c e n t [97] d’entamer de grands projets de lutte contre continuer à habiter sur ces terrains pour la raison l’insalubrité. On se retrouve à entamer un travail qu’ils se trouvaient à proximité de zones de lutte contre l’insalubrité avec un citoyen résidentielles par exemple. Une enquête sociale a précarisé (qui amène très souvent à la sortie de ce également été réalisée : quand beaucoup de logement) sans pouvoir lui proposer un relogement personnes résidaient sur un terrain, dans une décent, abordable et pérenne. Le propriétaire est région où peu d’alternatives existaient, il a été interpellé, le logement est (normalement) remis en décidé de transformer ces terrains en zone état mais le citoyen retrouve (souvent) le même d’habitat à petite échelle. L’habitation ne peut pas logement insalubre ailleurs … puisque ses revenus dépasser une surface de 50 m² dans un camping ou et/ou sa situation sociale ne lui permettent pas 80 m² dans une résidence de week-end. 3.000 d’accéder à mieux à l’heure actuelle. C’est une lutte familles ont ainsi pu être aidées grâce au plan à deux vitesses qui ne bénéficie pas vraiment au provincial : soit leur habitat a été régularisé locataire. » comme ‘zone d’habitat à petite échelle’, soit – en cas de non-régularisation – elles ont reçu des Certains participants à la concertation demandent propositions réelles de relogement. Environ un une application plus flexible des normes de qualité, tiers des anciens sites récréatifs ont été tandis que d’autres soulignent que celles-ci sont le transformés en ‘zones d’habitat à petite échelle’ 269. fruit d’une lutte de longue haleine contre les excès Cet exemple démontre que des normes ont pu être et attirent l’attention sur les objectifs y sont liés. adaptées pour permettre aux populations les plus En effet, une qualité de logement minimale a été fragilisées d’accéder à un logement abordable et fixée via ces normes. D’un autre côté, leur de qualité. application ne doit pas se retourner contre les habitants, comme cela arrive par exemple en cas Durant la concertation, les opinions ont divergé d’expulsion pour cause d’inhabitabilité, sans quant à l’utilisation d’une attestation de loyer ou aucune autre alternative. Cet aspect sera traité de conformité. Une telle attestation est obligatoire plus loin dans le texte, dans le point portant sur les en Région wallonne pour les “petits logements” expulsions. (moins de 28 m²) et les biens meublés. Cette obligation s’applique également à la location de Au cours de la concertation, un exemple a été logements collectifs. En Région de Bruxelles- donné d’adaptation de certaines normes de qualité Capitale, l’attestation était également obligatoire dans le cadre du “logement à petite échelle” dans pour les petits logements et bien meublés, mais des campings ou des terrains touristiques. Grâce elle a été supprimée lors de la dernière réforme du au travail de longue haleine du RISO Vlaams- Code du logement en 2013. En Région flamande, Brabant268 conjugué à une politique active des les communes peuvent imposer l’utilisation de autorités provinciales du Brabant flamand, de l’attestation, ou un bailleur peut choisir lui-même réelles alternatives sont proposées aux personnes d’en faire la demande. Selon certains participants à en situation de pauvreté. A cette fin, la province a la concertation, l’obligation généralisée d’une prévu un cadre légal via le Plan d’exécution attestation de ce type est susceptible d’entrainer d’urbanisme provincial ‘Weekendverblijven, une offre de logements réduite et une campings en residentiële woonwagenterreinen’. Un augmentation des prix. De même, le contrôle inventaire de toutes les personnes résidant dans administratif est difficilement réalisable. L’avant- des campings, des résidences de week-end ou des projet du décret flamand relatif aux baux stipule terrains de passage pour demeures mobiles a qu’un propriétaire peut demander une attestation d’abord été réalisé. Il s’agit donc de terrains sur de conformité, qui présuppose que l’exigence de lesquels il est interdit de résider car ils sont qualité minimale est respectée, à condition qu’elle récréatifs, agricoles ou naturels. Ensuite, il a été examiné si ces personnes ne pouvaient pas S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[98] C ito ye n n e té e t p a u v re té soit délivrée 3 mois avant que le bail ne prenne nouveau logement en cas de contrôle. Par effet. conséquent, les gens n’introduisent même pas de demande pour obtenir la subvention (voir par Les Régions prévoient également une allocation de exemple le témoignage dans le vidéo du Service de déménagement. Il s’agit d’une aide financière lutte contre la pauvreté et Cera, à propos du non- octroyée en cas de déménagement d’un logement recours aux droits270). Outre une aide financière inadéquat. En pratique cependant, les personnes lors du déménagement, les participants à la concernées rencontrent plusieurs problèmes. Elles concertation demandent "que les aides soient ne reçoivent la prime qu’après le déménagement, accordées quand le nouveau logement est sont susceptibles de devoir rembourser cette nettement 'mieux' que le logement insalubre que prime si le nouveau logement ne répond pas aux l'on quitte"271. normes, et risquent également de perdre le L e S e rvic e d e l u t t e c o n t re l a p a u v re t é re c o m m a n d e d e ve il l e r à c e q u e l ’ a pp l ic a tio n d e s n o rm e s d e s a l u b rit é a il l e t o u jo u r s d e p a i r a ve c u n e a m é l i o ra tio n d e l a s itu a tio n d e l o g e m e n t d e l a p e rs o n n e e t d u m é n a g e c o n c e rn é s . A c e tte f in , pl u s ie u rs é l é m e n ts s o n t e n vis a g e a b l e s : • p ré vo ir d e s m o ye n s s u f f is a n t s p o u r l e s in s pe c tio n s d e s l o g e m e n ts , e n c o m b in a is o n a ve c d e s s a n c t io n s e f f e c t ive s p o u r l e s b a il l e u rs n e re s pe c ta n t pa s l e s n o rm e s d e q u a l ité ; • a d a p t e r l a ré g l e m e n t a t io n c o n c e rn a n t c e rt a in e s f o rm e s d e l o g e m e n t , c o m m e po u r le ‘ kl e in s c h al ig b u i te n wo n e n ’ , c o m p t e te n u d e s o b je c tif s po u rs u ivis p a r l e s n o rm e s a c tu e l l e s ; • é va l u e r e t a m é l io re r l ’ a p p l ic a t io n d e l ’ a l l o c a tio n d e d é m é n a g e m e n t , a f in q u ’ e l l e p u is s e c o n s t it u e r u n s o u t ie n d a n s l a re c h e rc h e d ’ u n l o g e m e n t d e q u a l ité . 1 . 3 . Immeu b les va c a nts et n’existe pas de données précisément chiffrées, o c cupa ti o n étant donné que l’inventaire des logements inoccupés est du ressort des communes et que ces données ne sont pas centralisées. La Flandre, où le Un des problèmes les plus couramment relevés phénomène a été documenté statistiquement durant la concertation est celui de l’inoccupation jusque fin 2016272, compte 23.417 logements dans le domaine du logement. Les participants inoccupés. Il est donc particulièrement dommage n’arrivent pas à comprendre comment il est de constater que ce reporting central obligatoire à possible qu’autant de bâtiments publics et privés ‘Wonen-Vlaanderen’ a été supprimé à dater du 23 restent inoccupés si longtemps, alors que des décembre 2016. personnes vivent dans la rue ou dans des taudis. Dans le logement public, il faut naturellement tenir Les communes disposent d’un arsenal juridique compte de l’inoccupation structurelle des pour combattre l’inoccupation, en sanctionnant les logements non-louables en attente ou en cours de propriétaires sur le plan financier par exemple avec rénovation, ainsi que de l’inoccupation temporaire des taxes sur les immeubles bâtis inoccupés. Les entre deux déménagements. Cela n’empêche que, propriétaires peuvent également être encouragés faute de moyens, les rénovations tardent parfois à à rénover leurs immeubles vacants, au moyen de être effectuées et ces biens restent inoccupés primes de rénovation ou par le biais d’agences pendant de longues années. immobilières sociales. De plus, les communes disposent d’un droit régional de préemption ou En Région Bruxelles-Capitale, où la situation est la d’un droit de gestion publique lorsque plus dramatique, l’on estime que 15.000 à 30.000 l’inoccupation s’éternise. Cependant, nous devons logements sont inoccupés. En Région wallonne, il souvent constater que toutes les communes ne S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
C h a p it re I V - F o c u s : d ro it à u n l o g e m e n t d é c e n t [99] sont pas disposées à prendre ces mesures qui ne annoncé souhaiter faire usage de cette possibilité. sont pas populaires sur le plan électoral. En Flandre, les associations ne disposent pas de cette possibilité. Par conséquent, selon les participants à la concertation, le phénomène des ‘squats’ est un Les participants à la concertation s’accordent pour signal très clair envoyé aux autorités. dire qu’il est toujours mieux d’essayer de s’entendre avec le propriétaire du bien occupé, en Certaines personnes en situation d’extrême lui faisant comprendre qu’une occupation peut lui pauvreté n’ont pas d’autre solution pour trouver être bénéfique. En effet, le bien est entretenu, un toit que d’occuper des immeubles vides. Parfois chauffé, un revenu locatif peut être généré et pour une très courte période, mais parfois en l’occupation évite que le bien soit soumis à des s’installant dans la durée. Dans cette optique, il taxes d’inoccupation. Pour le quartier également, s’agit clairement d’une solution de « débrouille ». l’occupation peut se révéler bénéfique, dans le D’autres personnes choisissent de poser un acte sens où une activité communautaire est citoyen et civique en occupant des bâtiments qui généralement mise sur pied. Certaines asbl, telles sont vides de longue date et en indiquant aux Bruxelles-Initiative qui a participé à la concertation, autorités leur volonté de réhabiliter le bien au se spécialisent dans le développement de profit de la société. Cette forme d’occupation l’occupation ‘clef sur porte’ destinées aux quant à elle constitue une forme d’indignation. Or, propriétaires, en proposant des exemples de pour les participants à la concertation, « la contrats d’occupation temporaire. Elles veillent citoyenneté, c’est aussi pouvoir s’indigner ». également à y intégrer les personnes les plus Historiquement, dans un contexte belge qui s’est vulnérables, qu’elles soient belges, résidentes avec toujours montré très protecteur envers le droit de titre de séjour ou sans papiers. Ces associations propriété, l’occupation d’immeubles vides a été ont également pour vocation de signaler aux très mal perçue. Cependant, à Bruxelles, un autorités locales l’existence d’immeubles vides qui contexte plutôt favorable a eu tendance à se pourraient être réquisitionnés conformément à la développer, avec des autorités locales prêtes à loi Onkelinx277. A ce propos, les participants à la autoriser et à encadrer avec une certaine concertation estiment que les bourgmestres bienveillance des projets d’occupation citoyens. Il seraient plus enclins à faire usage de leur droit de faut dire qu’à Bruxelles, le contexte d’inoccupation réquisition si l’obligation de relogement qui leur génère une pression particulièrement étouffante est imposée après une expulsion était une sur le marché locatif. Ainsi, le milieu associatif, qui obligation de résultat ou si un droit au logement est très impliqué à ce sujet au niveau bruxellois, a opposable était institutionnalisé en Belgique. remporté une première grande victoire judiciaire Cette bienveillance locale bruxelloise n’est pas en obtenant un jugement273 obligeant le généralisée au niveau belge. En Flandre, un fait propriétaire d’un immeuble vide à le rendre divers qui s’est déroulé à Gand en mars 2017 a habitable. Depuis, l’immeuble en question est à suscité de vives émotions chez une partie de nouveau habité par 4 adultes et 3 enfants274. Cette l’opinion publique. Dans cette affaire, il s’agissait décision remarquable a été rendue possible grâce selon la presse d’un appartement dont les à la législation bruxelloise275 permettant aux habitants se trouvaient à l’étranger durant une associations d’agir au nom de l’intérêt collectif. En certaine période. Plusieurs députés fédéraux ont Wallonie également, un nouveau décret 276 prévoit saisi cette occasion pour porter à nouveau devant depuis peu la possibilité d’intenter une action en le Parlement une ancienne proposition de loi 278 cessation comparable, tant pour les autorités visant à criminaliser toutes les formes d’occupation communales que les associations. La commune de d’immeubles. Les participants à la concertation Huy est la première commune wallonne ayant estiment que cette proposition est contre- S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
[100] C ito ye n n e té e t p a u v re té productive. Comme l’a indiqué le représentant de indigne de criminaliser des personnes qui essayent l’Union royale des juges de paix et de police devant de concrétiser leur droit au logement de manière la Chambre des représentants279, la législation en alternative, en se logeant dans des bâtiments qui vigueur permet en effet tout à fait de contrer les sont quand même inoccupés. Malgré la forte excès liées à certaines formes d’occupation opposition dans le milieu associatif, cette d’immeubles, sans pour autant remettre en cause proposition de loi a été adoptée le 5 octobre 2017 le principe l’occupation d’immeubles de bonne foi, par la Chambre des Représentants281. Sous sa comme outil de survie ou comme acte citoyen. forme actuelle, cette législation pourrait avoir des L’article 591, 1° du Code judiciaire permet déjà conséquences fâcheuses pour les formes d’occu- l’expulsion de squatteurs. Une procédure en référé pation socialement justifiées telles qu’elles existent permet d’obtenir une expulsion à très court terme. à Bruxelles et dans d’autres villes, mais il reste Cette possibilité est d’ailleurs mise en œuvre encore à déterminer si elle survivra au contrôle régulièrement. Le Conseil d’état a rendu un avis 280 constitutionnel. En effet, selon l’obligation de très critique sur cette proposition de loi, pointant ‘standstill’ qui est liée à l’article 23 de la du doigt la définition peu claire et manifestement Constitution, une nouvelle disposition normative trop large de la pratique du « squat » qui serait ne peut pas faire reculer de manière substantielle criminalisée. Il rappelle au législateur belge que la protection existante sur le plan social sans justifi- l’article 8 CEDH a pour vocation première de cation suffisante tirée de l’intérêt général et sans protéger la vie privée, et non le droit de propriété. que recul soit considéré comme proportionnel. Dans un contexte de crise du logement, il serait L e S e rvic e d e l u t t e c o n t re l a p a u vre t é re c o m m a n d e : • d e m e n e r u n e p o l it iq u e e f f e c t ive d e l u tte c o n t re l ’ in o c c u pa tio n d e l o g e m e n ts , é ve n tu e l l e m e n t à u n n i ve a u s u p r a - c o m m u n a l e n vu e d ’ é vi te r l e s d if f é r e n c e s l o c a l e s pa r c o m m u n e ; • d ’ e n vis a g e r l e s p o s s ib il it é s e n m a tiè re d ’ o c c u pa tio n d ’ u n ité s d e l o g e m e n t a u - d e s s u s d e c o m m e rc e s , e n f o n c t io n d ’ u n e a d a pta tio n é ve n t u e l l e d e l a ré g l e m e n ta tio n ; • e n R é g io n f l a m a n d e , d e d o n n e r l a po s s ib il ité a u x a s s o c ia tio n s d ’ in te n te r u n e a c tio n e n c e s s a t io n c o n t re l e s p r o p ri é t a ire s d e l o g e m e n ts in o c c u pé s d e l o n g u e d u ré e ; • d e ré é v a l u e r l a n o u ve l l e l é g is l a t io n d e l u tte c o n t re l ’ o c c u pa tio n d ’ im m e u b l e s a f in q u e l e s in it ia t ive s d ’ o c c u p a t io n c i t o ye n n e s o u d e s u r vie d ’ im m e u b l e s q u i n ’ é ta ie n t p a s o c c u pé s ré e l l e m e n t p a r l e u rs p ro p rié t a ire s n e s o ie n t pa s s a n c ti o n n é e s . 1 . 4 . Fo rmes ‘ a lte rna ti ves ’ l’énergie et à l’eau, etc.). Les participants à la concertation estiment que cette solution ne résulte pas d’un choix réellement effectué, mais « Choisir, cela veut dire qu’on a plusieurs que ces personnes y sont plutôt contraintes et possibilités de bonne qualité, et qu’on décide forcées. Les personnes en situation de pauvreté en librement de ce qu’on préfère »282. sont réduites à choisir la solution « la moins pire », Confrontés à l’offre déficitaire sur le marché du qui constitue le dernier filet de sécurité qui leur logement, les gens se mettent en quête de évite de se retrouver à la rue. solutions (qui seront abordées ci-dessous), à la "Nous connaissons peu de personnes en situation recherche d’un logement, d’un lieu où ils puissent de pauvreté qui ont vraiment fait le choix de ces concrétiser différents droits (droit à une vie habitats ; leur 'choix', c'est d'éviter le pire pour aller familiale, droit à la protection de leur santé, droit à vers du 'un peu mieux', ou du moins elles S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
C h a p it re I V - F o c u s : d ro it à u n l o g e m e n t d é c e n t [101] l'espèrent ; mais ce n'est pas ce qu'elles voudraient participants à ce projet dispose d’un revenu de vraiment, cela ne correspond pas à ce que serait un remplacement, le problème du statut social se 'bon logement' pour elles. Par exemple, c'est 'moins pose immédiatement puisqu’on perçoit une pire' que d'être à la rue, de n'avoir personne à qui allocation plus basse lorsqu’on est cohabitant que parler, d’avoir un loyer trop cher, de subir trop de lorsqu’on est isolé (voir également le point…). règlements, de conditions, quand les services Selon certains participants, « on ne peut parler de entrent dans la vie privée, de devoir se séparer de cohabitation solidaire pour les plus pauvres car elle ses animaux. »283. Pour les participants à la n’existe pas vu qu’elle est sanctionnée ». Une étude concertation, c’est une évidence : « les personnes a été actualisée il y a quelques années concernant pauvres prennent ce qu’il y a, là où on veut bien la possibilité d’introduire un ‘label d’habitat d’elles. La pauvreté détruit la possibilité de faire solidaire’. Par ‘habitat solidaire’, on vise les des choix ». situations dans lesquelles plusieurs personnes cohabitent et parmi lesquelles au moins une per- Plusieurs de ces solutions présentent, d’une part, sonne est socialement vulnérable. Avec ce label, des côtés problématiques mais peuvent aussi, les personnes impliquées dans ce type de projets d’autre part, parfois répondre à certains besoins et continueraient à bénéficier du statut isolé 285. certaines préoccupations des personnes concernées. L’essentiel dans ces situations est de L’accès aux nouvelles initiatives en matière se mettre à l’écoute des personnes vivant dans la d’habitat groupé n’est pas évident pour les pauvreté et de considérer la manière dont elles groupes à faible revenu. Il existe malgré tout évaluent leur situation. Dans les paragraphes qui quelques initiatives mettant, par exemple, des suivent, nous analyserons plus en détail diverses unités de logement à disposition par le biais d’une formes de logement, ainsi que différentes formule locative ou d’un partenariat avec une AIS. manières pour les personnes en situation de C’est ainsi que l’agence immobilière sociale De Ark pauvreté de prendre elles-mêmes l’initiative pour à Turnhout conçoit actuellement un projet recouvrer leur liberté. d’habitat groupé, prévoyant la location et l’acquisition sociales de 20 unités de logement. Des En 2017, la Région flamande a par ailleurs lancé un expériences ont également lieu, faisant usage des appel à projets284 pour les formes expérimentales formes juridiques du CLT ou de la coopérative. de logements. Les participants étaient invités à présenter des projets innovants dans lesquels il Les projets d’habitat solidaire résultent souvent de peut être différé des normes de salubrité ou l’initiative d’une organisation, avec l’implication d’attribution des logements sociaux, sans pour d’un organisme public. Une attention suffisante autant mettre la santé ou la sécurité des habitants doit certainement être accordée aux opportunités en péril. de développement d’initiatives spontanées émanant de personnes vivant elles-mêmes dans la pauvreté et à l’espace offert à ce genre d’initiatives 1. 4. 1. La cohabitation solidaire par de nouvelles réglementations en la matière. De plus en plus de citoyens prennent l’initiative de Cela a été formulé de manière très forte par des partager un logement ou un immeuble, d’une part participants : « le label ne pose pas de problème pour des raisons d’ordre économique (alternative parce qu’il est institutionnalisé. Alors que quand au coût élevé sur le marché du logement) et, l’habitat solidaire est l’initiative d’une famille ou de d’autre part, pour des motivations d’ordre social et personnes, ça pose problème et c’est interdit. C’est écologique (plus d’interaction sociale, partage de comme la surpopulation, évoquée plus haut, qui biens et de services, etc.). Les initiatives de ce type n’est pas admise dans un logement mais bien en émanent généralement de ménages disposant maison d’accueil. » d’un revenu de moyen à élevé, mais si un des S e rvic e d e l u tte c o n tre l a p a u v re té , l a p ré c a rité e t l ’ e xc l u s io n s o c ia l e
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