COMBIEN VAUT LA CULTURE? - HE-Arc
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
DOSSIER COMBIEN VAUT LA CULTURE? A GENÈVE, L’ÉCONOMIE CULTURELLE ET CRÉATIVE EST LE DEUXIÈME EMPLOYEUR APRÈS LA FINANCE, ET GÉNÈRE PLUS DE VALEUR AJOUTÉE QUE L’HORLOGERIE OU LA CONSTRUCTION. ET DANS LE RESTE DE LA SUISSE? BILAN S’EST PENCHÉ SUR LES ILLUSTRATION: BEN RETOMBÉES ÉCONOMIQUES DES INVESTISSEMENTS CULTURELS. PAR JEAN-PHILIPPE BUCHS ET MYRET ZAKI
DOSSIER CULTURE UN ATOUT publiques, qui plus est à long terme. C’est tout le contraire d’autres activités, très ren- tables d’un point de vue financier, notam- ÉCONOMIQUE ment à court terme, mais peu rentables voire même dommageables à long terme pour le plus grand nombre.» Il est rejoint dans son analyse par Nathalie ET TOURISTIQUE Unternährer, responsable de la culture pour la Fondation Christoph Merian, et aupara- vant pour le canton de Lucerne: «Je pense qu’aucun projet culturel n’est autosuffisant d’un point de vue financier. Même la plupart des gros festivals dépendent du sponsoring L et de subventions. En revanche, la culture a ’ n’a jamais valeur ajoutée économique de 4,5 milliards des retombées indirectes. En termes de co- autant investi dans la culture. de francs, contre 2 milliards pour l’horloge- hésion sociale, et en termes économiques. Au total, on parle d’environ rie. Ce chiffre ne fait toutefois pas de distinc- Quand je travaillais pour Lucerne, le can- 600 millions de francs pour le tion entre culture subventionnée et culture ton considérait la culture comme un coût à pôle muséal de Lausanne, la ré- privée. Menée par le professeur José Ramirez réduire, oubliant qu’elle rend une région at- novation du Grand Théâtre ainsi que pour la et Joëlle Latina de la HEG, l’étude est man- tractive. A Bâle, c’est radicalement différent. construction de la Nouvelle Comédie et de la datée par la Ville de Genève et le canton (lire Le canton vise à drainer les employés du Cité de la musique à Genève ou encore pour ci-contre). L’idée est venue à Sami Kanaan, secteur de la pharma en ville, pour profiter le nouveau théâtre projeté à Carouge. Voilà conseiller administratif de la Ville de Genève aux taxis, bars, restaurants, qui paient en- pour les dépenses, financées pour partie par chargé de la culture et du sport, lorsqu’il est suite des impôts. Du coup, l’encouragement des acteurs privés. tombé sur une étude zurichoise qui évaluait et les subventions à la culture sont plus im- Mais combien rapporte la culture? Est-elle l’impact de la culture outre-Sarine. Selon portants, et cet impact indirect est bien réel, créatrice de valeur, ou n’est-elle qu’un coût cette analyse de 2010, l’économie culturelle même s’il reste difficilement quantifiable.» net? Cette question, toujours teintée d’idéo- et créative employait 56 0 00 personnes et La notion de «culture créatrice de valeur» logie, reçoit ces dernières années le renfort générait une valeur ajoutée de 24 milliards fait donc son chemin. Elle est promue de- d’études d’impact permettant d’évaluer sa de francs, soit 6% du PIB zurichois. puis 2014 par la Cité de Calvin.«Les temps contribution à la prospérité d’une région. «A Genève, le débat tourne trop souvent sont révolus où les économistes considé- autour de la culture en termes de coûts», a raient la culture comme une activité de sal- souligné Sami Kanaan le 9 juin. Pour lui, il timbanque et où les artistes considéraient RETOMBÉES INDÉNIABLES est désormais temps de considérer la culture qu’elle était au-dessus de l’économie», es- Premier constat: même si la comparaison est comme «une opportunité de création de time Lysianne Lechot Hirt, professeure et difficile entre les régions, les retombées des valeur pour la société dans nombre de do- responsable de la coordination de l’ensei- investissements dans la culture sur le tissu maines, y compris économiques». gnement à la HEAD à Genève. économique sont réelles. Coauteur de l’étude genevoise, le pro- La culture créatrice de valeur, serait-ce A Genève, une étude a chiffré le 9 juin fesseur José Ramirez résume ainsi la ques- un argument de légitimation, qui permet dernier le poids de l’économie créative et tion du coût/bénéfice de la culture: «La d’opposer un «retour sur subventions» à culturelle. Ce domaine, qui reçoit environ culture coûte, comme toute activité éco- ceux qui les contestent? «La culture crée 400 millions de francs de subventions des nomique. Mais son rendement en termes de la valeur; de la valeur sociétale, mais communes et de l’Etat, emploie 21 145 per- financiers est toujours inférieur à son ren- aussi économique. Il est important de le sonnes à plein temps (contre 27 953 pour le dement économique et social, soit celui qui démontrer quantitativement, répond Elvita secteur finance et assurances) et génère une compte réellement en termes de politiques Alvarez, conseillère à la présidence du «Plus l’offre culturelle d’une région est importante, plus cette dernière améliore sa compétitivité» Thomas Bohn, directeur de la Promotion économique de Suisse occidentale 32 BILAN 21 JUIN 2017
Département de la culture et du sport de la Ville de Genève. Mais il importe, aussi, que les acteurs créatifs et culturels s’en rendent compte et puissent s’identifier à un secteur Anne économique qui génère de la valeur ajou- Emery-Torracinta, Le professeur tée et pas uniquement un coût! A l’heure conseillère d’Etat José Ramirez, actuelle, ils ne constituent pas encore un chargée de la culture. coauteur de l’étude. secteur économique à part entière.» Les milieux économiques s’intéressent aussi à la valeur de la culture, ajoute Elvita CE QUE RÉVÈLE L’ÉTUDE GENEVOISE Alvarez. «A Montréal par exemple, c’est la Chambre de commerce qui a mandaté Sortie le 9 juin, l’étude genevoise, qui s’est production. Pour un sculpteur, par exemple, la une étude sur la valeur ajoutée du secteur concentrée sur les effets directs et ne chiffre valeur ajoutée sera plus faible si les matériaux culturel». Cette valorisation de la culture est pas les impacts indirects, a montré notamment de base utilisés sont très coûteux. «Cela confirmée par Isabelle Chassot, directrice de que les activités créatives et culturelles pèsent signifie qu’en moyenne, l’heure de travail l’Office fédéral de la culture à Berne: «Les deux fois et demie plus que l’horlogerie dans le comptabilisée dans l’économie culturelle et collectivités publiques ont pris conscience canton, en termes de valeur ajoutée, et se créative rapporte plus que dans le reste de du rôle joué par la culture non seulement place devant la construction, la chimie/pharma, l’économie, explique l’auteur de l’étude, José dans sa dimension sociale et identitaire, ou l’hôtellerie/restauration. Avec une valeur Ramirez, de la Haute Ecole de gestion de mais aussi économique.» C’est la raison ajoutée de 4,5 milliards de francs, le secteur Genève. Parmi les métiers à très forte pour laquelle les autorités tentent d’évaluer culturel pèse 9,5% du PIB cantonal, d’après les productivité figurent le travail sur les pierres le retour sur investissement des dépenses chiffres de 2014. Les activités prises en précieuses, l’architecture, le design spatial et publiques en confiant des études d’impact compte correspondent au périmètre utilisé industriel, le livre ou l’édition de manière à des chercheurs. dans les travaux du Zurichois Christoph générale.» A la présentation de l’étude, la «L’objectif est de justifier leur décision Weckerle: musique, livre, arts plastiques, film/ conseillère d’Etat Anne-Emery Torracinta a en s’appuyant sur une analyse présen- TV/radio, arts vivants, design/photographie/ fait le constat que «le domaine du livre est le tée comme scientifique, souligne Miriam publicité, architecture, industrie du jeu et moins doté en termes de subventions, alors Scaglione, professeure à HES-SO Valais- software, artisanat, presse, enseignement et que c’est celui qui génère le plus de valeur Wallis et chercheuse à l’Institut Tourisme. formation, préservation et administration ajoutée». Elle a souligné l’importance de Or, si cette dernière ne correspond pas aux publique. A noter que la presse fait partie de soutenir le marché du livre. «Les collectivités attentes du mandataire, il y a un risque l’économie culturelle et créative tant dans publiques doivent y jouer un rôle clé, au qu’elle reste dans les tiroirs. J’en ai fait une l’étude genevoise que dans celles qui l’ont niveau création, diffusion, formation.» fois l’amère expérience.» précédée (Zurich, Bâle, Hambourg, Angleterre). L’étude ne mesure pas la part indirecte de Reste que la culture (musées, musique, Au plan de la contribution des activités l’impact de la culture. Si l’on tient compte des festivals, etc.) est perçue sans conteste créatives et culturelles à l’emploi, Genève se retombées du tourisme des musées, qui se comme étant un élément central de l’attrac- situe au-dessus de la moyenne suisse et en retrouvent dans le secteur de l’hôtellerie et de tivité d’une région, y compris pour attirer dessous de Zurich. La culture y représente la restauration, les effets positifs pour divers de nouvelles entreprises. «Le cadre de vie 6,8% de l’emploi total (équivalents plein types de fournisseurs, les consommations figure parmi les critères importants pour les temps). C’est davantage de places de travail annexes (bars, taxis…), les dépenses entreprises étrangères. Plus l’offre culturelle que le commerce de détail ou la construction, réalisées dans le second œuvre (réfection de d’une région est importante, plus cette der- et 6800 postes à plein temps de moins que la sites, monuments et bâtiments culturels), la nière améliore sa compétitivité», constate finance et les assurances. contribution de la culture serait donc Thomas Bohn, directeur de la Promotion Les secteurs d’activité concernés par supérieure, affirme le professeur José économique de Suisse occidentale. l’économie créative et culturelle seraient Ramirez. «Globalement, l’étude ne surestime La culture est surtout devenue un levier même plus productifs, par tête d’employé, donc pas le poids de cette économie créative touristique majeur. Pour promouvoir les que la moyenne: la valeur ajoutée moyenne et culturelle, elle en calcule l’impact mini- PHOTOS: GUIRAUD/TDG, DR villes helvétiques, Suisse Tourisme joue la estimée par poste à plein temps est ainsi de mum.» Le ministre genevois de la culture Sami carte des musées. Depuis 2016, elle est pré- 214 235 francs, contre 153 706 francs pour la Kanaan évoque une future étude pour «aller sente dans de nombreuses foires pour pré- moyenne cantonale. La valeur ajoutée se encore plus loin et mesurer les effets senter l’offre culturelle et muséale avec la définit comme le chiffre d’affaires auquel on a indirects et les flux financiers importants liés collaboration de l’Association Art Museums soustrait le coût des matériaux utilisés pour la à la culture, qui sont largement locaux.» of Switzerland qui réunit onze musées (dont W W W. B I L A N .C H BILAN 33
DOSSIER CULTURE Au Département de la culture et du sport de la Ville de Genève: Sami Kanaan, conseiller administratif, et Elvita Alvarez, conseillère à la présidence. ville suisse en ce qui concerne le tourisme de congrès et d’expositions, qui représente près de 25% des nuitées.» La stratégie de la Ville conçue pour les an- nées 2015-2020 veut promouvoir la Genève Des manifestations comme le Montreux Jazz Festival (photo) et le Paléo Festival Nyon attirent des musées au niveau local, régional, natio- plus de 200 000 personnes chaque année. Avec des retombées pour les entreprises locales. nal et international «de manière à capitali- ser cette richesse en même temps que de le Musée d’art et d’histoire et le Mamco à exemple Gstaad, Verbier, Crans-Montana et défendre politiquement les moyens alloués Genève, et le Musée de l’Elysée à Lausanne). Zermatt – tentent de miser sur les festivals à la culture». Selon Philippe Vignon, «le Objectif: cibler les voyageurs adeptes de la ou plus largement sur la culture afin d’amé- potentiel est énorme, mais Genève est peu découverte du patrimoine. «La diversité et liorer leur visibilité et d’allonger les saisons visible sur la scène mondiale en raison d’un la qualité de l’offre culturelle sont capitales pour conserver leurs hôtes et pour attirer manque de vision commune et de la diffi- pour le tourisme suisse, en particulier le une nouvelle clientèle. culté des musées à se fédérer sous une ban- tourisme urbain», relève Véronique Kanel, Sur le Haut-Plateau, l’homme d’affaires nière commune forte». La Ville consacre porte-parole de Suisse Tourisme à Zurich. Daniel Salzmann a joué un rôle déterminant pourtant un cinquième de son budget an- Dans ce registre, Bâle déclasse les autres dans l’ouverture, fin 2013, du Centre d’art nuel à la culture. Un record national avec villes helvétiques. «Avec son slogan «Basel, de la Fondation Pierre Arnaud sise sur la Bâle. Le patron de Genève Tourisme propose culture unlimited», elle se présente dans le commune de Lens (VS). Mais, à l’avenir, ses que les autorités créent une cellule respon- monde entier comme une cité de la culture activités seront réduites en raison de déficits sable du marketing de tous les musées ge- grâce à un grand nombre de musées pres- supérieurs aux prévisions (ils découlent no- nevois dont l’objectif serait d’agréger l’offre tigieux et à la foire d’art contemporain Art tamment d’une fréquentation insuffisante). muséale et la valoriser auprès des bonnes Basel», souligne Véronique Kanel. Et les Un résultat révélateur de la vulnérabilité cibles en Suisse et à l’étranger. Il préconise résultats sont au rendez-vous. En dix ans, de certains musées qui plient sous le poids de promouvoir, comme le fait Bâle, un ou le nombre de nuitées hôtelières s’est envo- important de leurs charges d’exploitation. deux musées emblématiques. lé de 29%, alors qu’il a reculé de 2,3% en De son côté, Verbier mise beaucoup sur Selon Sami Kanaan, l’économie créative moyenne suisse. son Festival de musique classique orga- et culturelle doit être valorisée au vu de nisé chaque été. Son fondateur tente de son importance économique dans le can- convaincre les autorités de se lancer dans ton. «Elle doit bénéficier du même statut LES ÉVÉNEMENTS, ÇA RAPPORTE la construction d’une salle de 700 places stratégique que d’autres secteurs d’acti- Deuxième constat: les événements comme destinée à la musique de chambre. Un vœu vité, a-t-il estimé le jour de la présenta- les nombreux festivals (musique, ciné- qui sera peut-être réalisé grâce à l’entre- tion de l’étude. Il faut maintenant travailler ma, etc.) jouent également un rôle impor- prise China State Construction Engineering ensemble pour la soutenir, et la respon- tant. Avec le Montreux Jazz Festival et le dont des dirigeants ont récemment visité la sabilité doit être partagée par l’ensemble Paléo Festival Nyon qui attirent plus de station valaisanne pour évoquer des projets des politiques publiques: aménagement du 200 000 personnes chaque année, la Suisse d’investissement. territoire, éducation, tourisme, mobilité, et romande joue dans la cour des grands. Selon économie évidemment.» l’Association professionnelle des organisa- Un autre exemple démontre aussi que la teurs suisses de concerts, shows et festi- PROMOTION: INDISPENSABLE présence d’une institution touristique ma- vals de musique (qui représente 80% de la Troisième constat: disposer d’une offre jeure ne suffit pas, à elle seule, pour booster vente de billets), ses 35 membres organisent culturelle alléchante ne suffit pas. Pour une région. A Broc, près de Bulle, la Maison chaque année plus ou moins 1700 mani- preuve, les résultats obtenus à Genève. Des Cailler est devenue le site touristique nu- festations, lesquelles accueillent quelque quatre plus grandes villes du pays, elle est méro un de Suisse romande avec plus de 5 millions de spectateurs pour un chiffre la seule à enregistrer une stagnation des 400 000 entrées. Le succès de cette cho- PHOTO: PHILIPPE KRAUER d’affaires d’environ 350 millions de francs. nuitées (en tenant compte de la zone de colaterie appartenant à Nestlé produit des «Grâce aux consommations et aux nuitées, l’aéroport): comme à Bâle, la fréquentation résultats mitigés. D’un côté, il s’est réper- nous générons une valeur ajoutée dépas- des hôtels a en effet fortement augmenté cuté positivement sur la fréquentation de la sant largement nos seules manifestations», à Zurich et à Lausanne entre 2007 et 2016. Maison du gruyère (fromagerie) à Pringy et indique cette association. Directeur de Genève Tourisme, Philippe celle, en été, des remontées mécaniques du Même les stations de montagne – par Vignon nuance: «Nous restons la première Moléson. De l’autre, il n’a pas permis d’aug- 34 BILAN 21 JUIN 2017
LA CULTURE ET L’ÉCONOMIE CRÉATIVE EN QUELQUES CHIFFRES LE SECTEUR EMPLOIE PLUS DE 27 000 PERSONNES À GENÈVE... L’ARCHITECTURE EST LE PREMIER EMPLOYEUR POIDS DE L’ÉCONOMIE CULTURELLE ET CRÉATIVE (ECC) EN TERMES D’ENTITÉS, D’EMPLOIS ET DE RÉPARTITION DES EMPLOIS ECC PAR ACTIVITÉ, EN 2011 VALEUR AJOUTÉE Entités Emploi Emploi Valeur ajoutée (En EPT) (en mios de francs) Architecture ECC 8266 27 886 21 145 4530 Total Genève 38 962 366 734 309 857 47 627 Musique Poids de l’ECC 21,2% 7,6% 6,8% 9,5% ECC : économie culturelle et créative EPT: emplois calculés en équivalents plein temps Design ...POUR UNE VALEUR AJOUTÉE DE 4,5 MILLIARDS Industrie du jeu/software POIDS DE CHAQUE BRANCHE EN MILLIARDS DE FRANCS À GENÈVE, 2014 Art 6,849 Suisse Zurich Genève Presse 4,530 Livres 1,994 1,817 1,028 0,957 Publicité Activités Economie Horlogerie Construction Industrie Hôtellerie et financières et créative chimique et restauration d’assurance et culturelle pharmaceutique Arts vivants C’EST BÂLE QUI DÉPENSE LE PLUS POUR LA CULTURE, PAR HABITANT Film DÉPENSES DES CANTONS ET DES COMMUNES, Y COMPRIS LES LOTERIES, EN 2013 Total en francs Différence 2009-2013 Marché phonotechnique BS 952 129 GE 829 142 NE 433 102 Artisanat TI 383 144 ZH 324 37 JU 322 133 Radio VD 316 61 VS 303 -2 0 5% 10% 15% 20% 25% GR 282 -12 SH 272 40 ZG 270 42 FR 251 6 QUI FINANCE LA CULTURE EN SUISSE? BE 218 9 LU 216 -30 SG 210 -4 Confédération BL 207 -9 299 millions SO 196 15 Fr.37.- /habitant 11% AR 177 40 AG 171 35 TG 167 11 Communes NW 153 55 1382 millions Fr.171.- /habitant UR 151 53 50,7% GL 147 41 OW 134 -1 AI 114 15 Cantons SZ 85 5 1042 millions Fr.129.- /habitant 38,3% Note: les montants provenant des loteries sont incluses dans les dépenses des cantons, 2013 Sources: Le «poids» de l’économie créative et culturelle à Genève, statistique de poche de la culture en Suisse 2016 W W W. B I L A N .C H BILAN 35
DOSSIER CULTURE ENVIRON UN MILLIARD D’INVESTISSEMENTS menter le nombre de visiteurs du château de Gruyères ni surtout d’accroître les nui- tées hôtelières en raison notamment d’une offre insuffisante de lits. GENÈVE «La situation centrale du canton de Nouvelle Comédie – La Nouvelle Comédie, dont la première pierre a été posée le 14 juin sur le Fribourg joue contre nous», constate site de la future gare des Eaux-Vives, rassemblera deux salles de spectacle (500 et 200 places), Pierre-Alain Morard, directeur de l’Union des ateliers de fabrication de décors et de costumes, deux salles de répétition et d’autres locaux. fribourgeoise du tourisme. Les Suisses Investissement: 98 millions de francs. passent une journée en Gruyère puis re- Ouverture prévue: décembre 2019. tournent chez eux, alors que les étrangers Grand Théâtre - Au centre-ville, la rénovation du bâtiment et des installations techniques logent plutôt sur l’arc lémanique entre du Grand Théâtre se poursuit. Montreux et Genève. Un des objectifs de la Investissement: 60 millions de francs. stratégie touristique 2030 du canton vise à Réouverture prévue: printemps 2018. développer le tourisme de villégiature afin Cité de la musique – Un concours d’architecture a été lancé pour dessiner le bâtiment de renforcer l’hébergement (hôtellerie et de la Cité de la musique. Cette dernière prévoit d’accueillir l’Orchestre de la Suisse romande parahôtellerie). Selon les calculs de Pierre- et la Haute Ecole de musique. Alain Morard, un touriste qui passe une nuit Investissement: 200 millions de francs (entièrement couverts par des acteurs privés). dans la région dépense 2,5 fois plus d’argent. Ouverture prévue: décembre 2022. CAROUGE UN IMPACT DIFFICILE À SAISIR Théâtre de Carouge – Le Grand Conseil a accepté de participer à hauteur de 10 millions Dernier constat: le calcul de la contribution à la reconstruction du Théâtre de Carouge. de la culture à l’économie est tout sauf aisé. Investissement: 54 millions de francs. D’une part, il faut convaincre les entités privées de fournir leur chiffre d’affaires, LAUSANNE qu’elles rechignent souvent à divulguer. Pôle muséal – A côté de la gare, les travaux avancent rapidement. Le premier bâtiment accueillera D’autre part, la comparaison entre cantons le Musée cantonal des beaux-arts en 2019. Le deuxième édifice, qui comprendra le Musée est rendue difficile par le fait que les acti- de l’Elysée et le Musée de design et d’arts appliqués contemporains, ouvrira ses portes en 2021. vités, suivant les cantons, ne se recoupent Investissement: 183 millions de francs. pas. «Par rapport à Zurich, les domaines Aquatis Aquarium Vivarium d’activité à Genève liés au livre, à l’art, au Le complexe (le plus grand de Suisse) film, aux arts vivants, à l’artisanat et à la comprendra 46 aquariums-terrasiums-viva- presse sont relativement plus présents dans riums ainsi que 20 écosystèmes sur les hauts l’économie culturelle et créative, relève le de la ville. Il ouvrira en septembre prochain. professeur José Ramirez de la HEG Genève. Investissement: 80 millions de francs Au contraire, toujours par rapport à Zurich, (avec l’hôtel attenant). les domaines d’activité en lien avec la mu- sique, le design, l’architecture, la publicité RIEHEN et l’industrie du jeu/software sont relative- Fondation Beyeler – Le 4 mai dernier, l’architecte ment moins présents à Genève.» Peter Zumthor a présenté le projet d’extension Pour réellement saisir l’impact de la de la Fondation Beyeler à Riehen, près de Bâle. Il prévoit culture sur l’économie au sens large, un la construction de trois bâtiments, dont le plus grand chercheur focalise ses investigations sur offrira une surface d’exposition de 1500 m². trois niveaux de calcul. «Il s’agit de mesurer Investissement: 100 millions de francs. les effets directs liés à la présence d’un bien culturel, explique Mathias Rota, collabora- ZURICH teur scientifique auprès de la Haute Ecole Kunsthaus – La première pierre de l’extension du Kunsthaus a été déposée le 8 novembre de gestion ARC, dans une étude qu’il a pu- 2016 avec l’architecte Sir David Chipperfield. bliée sur les retombées du projet «Capitale Investissement: 200 millions de francs. culturelle suisse». Ensuite, il faut prendre Inauguration prévue en 2020. en compte les effets indirects, qui corres- pondent à la recirculation des dépenses 36 BILAN 21 JUIN 2017
initiales des visiteurs dans l’économie lo- cale. Enfin, il reste à ajouter les effets in- duits, soit la hausse de l’activité écono- mique». Une idée lancée par le Vaudois Daniel Rossellat sur le modèle de capitale européenne de la culture qui génère d’im- portantes recettes dans les villes organisa- trices (lire ci-contre). Mathias Rota invite cependant à une certaine prudence en raison des difficul- tés méthodologiques qui peuvent invali- der les résultats d’une étude d’impact. «La principale inconnue, explique-t-il, réside dans l’estimation du coefficient multipli- cateur, soit le pourcentage de ce qui est réinvesti. Ensuite, la méthode de calcul du «IL FAUDRAIT INSTAURER UNE CAPITALE coefficient multiplicateur doit être définie. Or, celui-ci est souvent repris sans égards CULTURELLE SUISSE TOUS LES QUATRE ANS» aux particularismes locaux. Enfin, il s’agit de démontrer que l’argent n’aurait pas été Daniel Rossellat, président Grisons, ndlr), mais nous ne pouvons pas plus rentable s’il avait été investi ailleurs.» révéler leurs noms. Nous devons encore du Paléo Festival et syndic Un constat partagé par Miriam Scaglione: vérifier le réel degré de leur intérêt. «Les multiplicateurs sortent trop souvent de Nyon, porte un projet qui du chapeau du chercheur, alors qu’ils de- doit générer des recettes. A partir de quelle taille une ville vraient s’appuyer sur une analyse sérieuse. peut-elle organiser un tel événe- Pour combler ces lacunes, nous devrions Où en est votre projet «capitale ment? nous mettre autour d’une table avec l’in- culturelle suisse»? Nous partons de l’idée qu’elle devrait tention de fixer des règles méthodologiques Au début mai, nous l’avons présenté compter entre 30 000 et 50 000 habitants identiques. Mais je crains que nous n’y par- à la Conférence des villes en matière avec son agglomération et disposer d’une viendrons pas car chacun défend son pré culturelle. Nous avons insisté sur le fait capacité d’hébergement suffisante. Je carré.» Pour Isabelle Chassot, cette ques- que cette manifestation n’a pas pour but relève que la ville de Nyon dont je suis le tion est importante. Elle appelle à «trouver de ponctionner le budget de la culture de syndic n’entre pas dans cette catégorie. une solution commune». Un tel outil mé- la cité organisatrice, mais qu’elle doit thodologique permettrait de mieux mesu- générer d’importantes recettes écono- Qui le financerait? rer l’impact de la culture sur l’économie et miques. L’accueil a été positif. On nous a La ville organisatrice porterait le projet de réduire les conflits idéologiques sur les demandé de poursuivre nos réflexions et avec un budget entre 20 et 25 millions de investissements dans cette branche. d’élargir notre association afin qu’elle francs, dont un tiers viendrait de «Les droit culturels font partie des droits corresponde à l’équilibre politique du sponsors privés. La Confédération y de l’homme, souligne Elvita Alvarez. Les pays. Actuellement, elle comprend une apporterait une garantie de financement. collectivités ont donc le devoir de soute- douzaine de Romands et trois Aléma- nir la culture et d’encourager les pratiques niques. A quelle date pourrait avoir lieu culturelles qui contribuent à la qualité de la désignation de la première vie d’une région, et à des valeurs sociétales Quels objectifs visez-vous? capitale culturelle suisse? telles que le bien-être social, l’éducation, Organiser des événements artistiques Il s’agit d’abord de montrer que notre la santé psychique et physique de la popu- et permettre à une ville d’améliorer projet est le meilleur ou alors clairement lation. De plus, la culture est bonne pour ses infrastructures culturelles complémentaire face à la concurrence, PHOTO: FLORIAN CELLA, DR l’économie de la Cité et de la région tant ou d’en construire de nouvelles. dont celle de «Dix villes pour une pour ces retombées directes, que pour les exposition nationale». Nous comptons impacts économiques indirects. Elle fait Des villes ont-elles déjà quatre ans entre la désignation d’une ville vivre tout un écosystème tel que le tou- manifesté leur intérêt? et la tenue de la manifestation. Si notre risme, les cafetiers, les commerçants. La Oui. Elles sont trois (chaque région idée devait aboutir, la première manifesta- culture est un capital.» linguistique est représentée sauf les tion pourrait avoir lieu en 2023 ou en 2024. W W W. B I L A N .C H BILAN 37
Vous pouvez aussi lire