Contribution de SAW au chantier de réforme du statut de Société à Finalité Sociale

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Contribution de SAW au chantier de réforme du statut de Société à Finalité Sociale
Contribution de SAW au chantier de réforme du statut
             de Société à Finalité Sociale

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Quel avenir pour la SFS ?
                     Contribution de SAW au chantier de réforme du statut
                                     de Société à Finalité Sociale

La déclaration gouvernementale du 11 juillet 2003, en son chapitre «L’encouragement de l’Economie
sociale», prévoit, parmi 3 priorités, «le statut d’entreprise à but social sera adapté».

Solidarité des Alternatives Wallonnes a voulu apporter sa contribution à ce chantier. Le résultat de ce
travail se trouve dans les propositions de cette note, synthèse de divers intervenants du secteur, qui
se sont retrouvés lors d’un colloque organisé à Bruxelles le 27/10/2003 (1).

Cette note reprend les pistes de réformes de la Société à Finalité Sociale (SFS), en les classant selon
les 9 points spécifiques du statut. Il s’agit de propositions inventives, parfois contradictoires et qui, sans
représenter les positions de SAW, constituent un riche apport au débat.

Depuis longtemps le secteur de l’Economie sociale souhaite un cadre légal lui permettant de se déve-
lopper harmonieusement, au delà des limites de la forme juridique de la société coopérative, trop sou-
vent dévoyée, et de l’inadaptation de la forme d’ASBL à des activités à caractère commercial. Le sec-
teur souhaite un statut respectant l’éthique de service non lucratif tout en autorisant l’exercice d’activi-
tés commerciales à titre principal, l’accès au registre de commerce et la responsabilité limitée des
associés. Le premier essai remonte à 1988 : une proposition de loi (2) visant à offrir un statut juridique
à part entière , la «société d’intérêt social». Ce projet jugé trop compliqué fut abandonné.

La loi créant les SFS a été votée en 1995. Elle introduit la notion de société commerciale dont le but
principal n’est pas l’enrichissement des associés mais bien un but social. Ce statut n’est pas un statut
sui generis, mais un statut complémentaire pour toute société commerciale, quelle que soit sa forme,
qui intègre dans ses statuts 9 conditions spécifiques :

      1.   Bénéfice patrimonial limité ou nul.
      2.   Finalité sociale (ou but social).
      3.   Affectation des bénéfices.
      4.   Limitation de la puissance votale.
      5.   La limitation du bénéfice patrimonial au taux d’intérêt fixé de du CNC.
      6.   Rapport spécial.
      7.   Participation des travailleurs.
      8.   Modalités de prise et de perte de la qualité d’associé.
      9.   Affectation du surplus de liquidation.

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Neuf ans après l’adoption de cette loi, le constat actuel est un constat d’échec.

Échec quantitatif : Depuis le 13 avril 1995, date de l’adoption de la loi instituant la SFS, à peine 200
sociétés à peine ont adopté le statut de société à finalité sociale.

Échec qualitatif : la loi sur la SFS ne constitue pas encore l’aboutissement en terme de statut spécifique
aux entreprises de l’économie sociale. La SFS reprend plus ou moins bien les valeurs de l’économie
sociale, mais sans amener ni avantages particuliers, ni surtout dynamique réelle d’entrepreneuriat.

Le chantier initié par SAW vise à rendre le statut de la SFS plus attractif, à le sortir du créneau trop
restrictif de l’insertion socioprofessionnelle et à en faire un instrument efficace au service d’une écono-
mie sociale pleinement entreprenante.

Ci-dessous sont reprises pour chaque condition imposée aux SFS, une courte description, les
réactions du secteur et des propositions de réforme.

1° «Les associés ne recherchent qu’un bénéfice patrimonial limité
   ou aucun bénéfice patrimonial».

Par bénéfice patrimonial, on entend: «tout profit pécuniaire qui accroît la fortune des associés». Il est soit
direct soit indirect. Le bénéfice patrimonial direct ou dividende est limité à un taux de 6%. Les bénéfices
patrimoniaux indirects sont les plus-values sur parts en capital, les ristournes, et en général, tout service
rendu aux associés qui constituerait pour eux une charge s’ils effectuaient ces prestations eux-mêmes.

Réactions

-   Ce principe d’interdiction ne prend pas en compte les risques courus par les investisseurs (d’in-
    solvabilité et d’illiquidité des capitaux), risques qui sont traditionnellement compensés par les
    plus-values. Pour les membres fondateurs, le risque est doublé de la responsabilité pendant les
    3 premières années en cas d’insuffisance de capital social.

-   Le capital est peu rémunéré alors que les risques pour l’investisseur sont importants.

-   Difficultés pour les SFS à mobiliser du capital, d’où un risque permanent de sous capitalisation,
    aggravé par la possibilité de créer une SCRLFS avec un capital de départ de 6.150 ¤(2.500 ¤ libérés)

-   La limitation du bénéfice indirect n’est pas clairement définie et il n’y a pas de jurisprudence sur
    la question.

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Propositions

•   Limiter le taux de rémunération du capital non par année mais, globalement depuis la création de
    la société, afin de compenser l’absence de bénéfice des premières années.

•   Fixer des taux de rémunération du capital différents selon le type d’activité.

•   Autoriser la distribution des plus-values et réserves de façon limitée, à l’instar des coopératives
    agréées.

•   Financer les SFS par une combinaison de capital et d’emprunts obligataires.

•   Supprimer la notion floue de bénéfice patrimonial indirect, ou, à tout le moins, exclure la ristourne
    aux associés de la définition du bénéfice patrimonial indirect.

2° Définir «de façon précise le but social auquel sont consacrées
   les activités visées dans leur objet social.»

Les SFS doivent préciser dans leurs statuts de façon précise, le but social (les objectifs internes et/ou
externes) auquel sont consacrées les activités visées dans l’objet social (l’activité économique). Les
SFS ne peuvent avoir pour but principal de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct.

Réactions

-   Ce concept de but social est défini de façon négative et, malgré la souplesse de cette forme, la
    notion demeure, pour beaucoup, relativement floue. Le statut devient alors une catégorie fourre-tout
    et ouvre la porte à des abus, ce qui justifie le refus d’assortir le statut de SFS de mesures de sou-
    tien plus conséquentes.

-   Il existe souvent une confusion entre objet et finalités.

Propositions

•   Intégrer explicitement la finalité de service aux membres dans les finalités de la SFS.

•   Labelliser par type de finalité sociale (secteur d’activité) et attribuer des aides publiques comme
    rétribution d’un bénéfice collectif identifié par ce label (voir + bas: Aides publiques).

•   Contrôler l’usage du statut (Par quelle instance et en fonction de quels critères?)

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•   Cadrer les finalités par une énumération exemplative ou limitative mais souple des finalités et sus-
    ceptible de modifications (A faire adopter par une instance ad hoc ?)

•   Instaurer la pratique d’un (ou plusieurs) administrateur indépendant qui serait attentif au respect de
    la finalité sociale

•   Instaurer une procédure d’agrément des SFS à l’instar des coopératives agréées.

3° Définir» la politique d’affectation des profits conforme aux finalités
   internes et externes de la société, conformément à la hiérarchie
   établie dans les statuts de la dite société et la politique
   de constitution de réserves».

Finalités internes: hiérarchie entre affectation des profits à l’attribution d’un bénéfice patrimonial
direct limité, indirect secondaire, à des actions en faveur du personnel et à la constitution des réser-
ves extra-légales.

Finalités externes: hiérarchie entre les distributions de dividendes et la réalisation de la (des) finalité(s)
sociales et entre ces dernières s’il y en a plusieurs.

Réactions

-   Le libellé de ce point est peu clair: «la hiérarchie établie dans les statut» est une formule dont
    la suppression avait été votée mais qui est réapparue dans le texte définitif et qui prive la SFS
    d’une certaine souplesse car la modification des statuts est obligatoire à chaque changement de
    cette hiérarchie.

-   Les finalités internes et externes ne sont pas non plus clairement identifiées.

-   L’affectation externe des profits semble considérée par les pouvoirs publics comme contraire à
    l’éthique, ce qui peut poser problème le jour où les SFS généreront des bénéfices qui se verront
    imposés avant leur affectation.

Propositions

•   Supprimer dans la loi cette référence à la hiérarchie, conformément à la volonté de la Commission
    du Sénat.

•   Intégrer la justification du choix de la répartition dans le rapport social.

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4° «Stipuler que nul ne peut prendre part à l’assemblée générale
   pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées
   aux parts ou actions représentées; ce pourcentage est porté
   au vingtième lorsqu’un ou plusieurs associés ont la qualité de membre
   du personnel engagé par la société».

La puissance votale est limitée à 10% des voix attachées aux parts ou actions représentées, voire 5%
si des membres du personnel sont représentés à l’AG. L’entrée du travailleur dans le capital, prévue
1 an après son engagement par la société vise à rencontrer le principe de démocratie participative.

Réactions

-   Très difficile à mettre en pratique: la méthode de calcul n’est jamais bien comprise.

-   Incitant négatif pour de gros investisseurs quand ils détiennent une majorité des parts en capital.

Propositions

•   Simplifier et assouplir les restrictions de puissance votale qui semblent un leurre trop compliqué.

•   Encourager sous conditions, des systèmes de doubles corps de votants en gardant le principe de
    1 homme, 1 voix, cela afin de prévoir une forme de veto à toute prise de pouvoir de nouveaux
    actionnaires tout en respectant les principes démocratiques (prévoir une solution pour éviter les
    blocages possibles).

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5° «Stipuler, lorsque la société procure aux associés un bénéfice
   patrimonial limité, que le bénéfice distribué à ceux-ci ne peut dépasser
   le taux d’intérêt fixé par le Roi en exécution de la loi du 20 juillet 1955
   portant institution d’un Conseil National de la Coopération,
   appliqué au montant effectivement libéré de parts ou actions».

Ce taux est actuellement de 6%.
Voir les propositions supra point 1

6° «Prévoir que chaque année, les administrateurs ou gérants feront
   rapport spécial sur la manière dont la société a veillé à réaliser le but
   qu’elle s’est fixé conformément au 2°; ce rapport établira notamment
   que les dépenses relatives aux investissements, aux frais
   de fonctionnement et aux rémunérations sont conçus de façon
   à privilégier la réalisation du but social de la société».

Ce rapport spécial doit préciser la manière dont la société a veillé à réaliser le but qu’elle s’est fixé et
les dépenses affectées à sa réalisation.
L’objectif est ici de traquer les rémunérations trop élevées et autres avantages en nature qui seraient
autant de distributions déguisées de bénéfices aux associés.

Réactions

-   Confusions observées dans le secteur quant aux éléments à reprendre dans ce rapport qui est sou-
    vent peu compréhensible. Il est relégué alors au rang de simple formalité interne.

Propositions

•   Permettre à l’assemblée des travailleurs (ou autre stakeholder) un droit d’intervention sur ce rapport.

•   Instaurer un organisme basé sur le modèle du CNC pour collecter ces rapports et en assurer
    la transparence.

•   Donner un canevas plus explicite pour l’établissement de ce rapport.

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7° «Prévoir les modalités permettant à chaque membre du personnel
   d’acquérir, au plus tard un an après son engagement par la société,
   la qualité d’associé; cette disposition ne s’applique pas aux membres
   du personnel qui ne jouissent pas de la pleine capacité».

Seuls sont visés les membres du personnel; les administrateurs, n’étant pas membres du personnel,
ne sont pas visés par cette disposition.

Réactions

-   Définir d’autres critères et modes de gestion démocratiques des SFS que la prise de capital par les
    travailleurs; par exemple, cela constitue un frein pour certaines coopératives d’insertion de tra-
    vailleurs difficiles à placer.

-   Eviter la confusion entre la gestion démocratique et l’autogestion par les travailleurs.

-   Les travailleurs ne sont pas naturellement les gardiens du respect de la finalité sociale car ils sont
    souvent porteurs d’intérêts différents, parfois opposés. Leur compétence en matière de gestion
    n’est pas toujours avérée.

-   Si la société est à responsabilité illimitée, la participation au capital est un cadeau empoisonné pour
    le travailleur.

-   Cette disposition est également incomplète car elle ne prévoit pas l’implication d’autres catégories
    d’intérêts (stakeholders), en particulier les usagers, bénéficiaires de l’activité.

-   Difficile à mettre en pratique pour des sociétés autres que la SCRL qui ne permettent pas aisément
    une variation de capital.

Propositions

•   Supprimer l’obligation de proposer des parts aux travailleurs mais en laisser la possibilité; proposer
    d’autres mesures de gestion démocratique (cfr. supra, intervention sur le rapport spécial et infra, admi-
    nistrateurs indépendants, chargés de veiller au respect des finalités et d’une gestion démocratique).

•   Octroi aux travailleurs d’actions sans droit de vote ou de parts non représentatives du capital.

•   Instaurer la pratique d’un (ou plusieurs) administrateur indépendant qui serait attentif au respect
    d’une gestion démocratique.

•   Explorer les possibilités d’adapter le système d’actionnariat salarié du modèle espagnol au con-

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    texte belge.

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8° «Prévoir les modalités permettant que le membre du personnel qui
   cesse d’être dans les liens d’un contrat de travail avec la société
   perde, un an au plus tard après la fin de ce lien contractuel,
   la qualité d’associé».

Réactions

-   Les textes français et néerlandais divergent sur le point de la renonciation à la qualité d’associé :
    le premier évoque une obligation, le second, une possibilité.

Propositions

•   Mettre en concordance les textes français et néerlandais, dans le sens de l’obligation (correction
    du texte néerlandais).

9° «Stipuler qu’après l’apurement de tout le passif et le remboursement de
   leur mise aux associés, le surplus de liquidation recevra une affectation
   qui se rapproche le plus possible du but social de la société».

Ce transfert peut s’effectuer vers une autre SFS ou une ASBL

Autres points :

1) Les aides publiques

Les SFS sont exclues du bénéfice de l’impôt sur les personnes morales réservées aux ASBL (sauf
exception sous conditions strictes de non rémunération du capital inscrite dans les statuts), des
Programmes de résorption du chômage (exclu à Bruxelles et très limité en Région Wallonne) et du
Maribel Social. Elles ont cependant droit au bénéfice des lois d’expansion économique, à l’instar de
toute autre société commerciale.

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Réactions

-   Aucune mesure incitative pécuniaire n’est de nature à véritablement encourager l’adoption du statut.

Propositions

•   Labelliser par type de finalité sociale (secteur d’activité) et attribuer des aides publiques comme
    rétribution d’un bénéfice collectif identifié par ce label

•   Étendre aux SFS les subventions jusqu’ici réservée aux ASBL; cela permettrait de remplaces les
    montages compliqués d’ASBL jointe à une coopérative (Ex: les PRC, Maribel Social). (Cette pro-
    position comporte cependant le risque de s’enfermer dans la seule logique des avantages et
    des subsides).

•   Supprimer la clause de non-rétribution absolue des associés comme condition pour avoir accès à
    certaines mesures. On peut effectivement s’interroger sur la pertinence d’une société de capitaux
    qui ne rémunère en rien des associés.

•   Instaurer des aides spécifiques pour les SFS, correspondant à leur valeur ajoutée serait alors une
    alternative intéressante.

•   Explorer les possibilités d’adaptation de la mesure SINE aux SFS.

2) La possibilité d’un capital minimum de 6.150 € (2.500 € libérés)

Accessible uniquement aux sociétés coopératives.

Réactions

-   Dangereux : les sociétés démarrant sur cette base sont le plus souvent sous capitalisées.

Propositions

•   Supprimer cette possibilité.

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3) Transformation d’une société commerciale en SFS

Réactions

-   Les règles sont peu transparentes; le législateur n’en dit mot et il n’y a ni doctrine ni jurisprudence
    en la matière. Seule la coopérative semble être facilement adaptable.

Propositions

•   Préciser les modalités par lesquelles les sociétés commerciales peuvent effectuer des modifica-
    tions statutaires sans entraîner des modifications essentielles à l’acte social risquant d’entraîner la
    dissolution et la liquidation de la société.

4) Régime fiscal de la SFS

Les règles permettant à la SFS de bénéficier de l’application du régime de l’impôt des personnes mora-
les -IPM- (art. 181 du CIR/92 - avis du Ministère des finances, MB 13/07/1996) sont seulement préci-
sées dans une circulaire ministérielle; ce n’est donc actuellement qu’une tolérance administrative ne
trouvant fondement dans aucune disposition légale.

Propositions

•   Renforcer la circulaire ministérielle précisant les conditions d’accès des SFS à l’IPM par une dispo-
    sition légale.

•   Ne pas taxer des dons faits à une autre SFS, ou à une ASBL en respect de la finalité sociale externe;
    actuellement ces dons sont taxés au titre de bénéfices à l’ISOC.

•   Exonérer de l’impôt sur le bénéfice les mises en réserve, destinées à financer les finalités sociales
    tant internes qu’externes.

•   Étendre aux SFS le bénéfice du taux de droit de succession réduit (variables selon les Régions)
    ainsi que celui du droit d’enregistrement pour les donations, avantages jusqu’ici réservés aux ASBL.

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5) Divers

•   Institution d’un organisme chargé de la promotion de la SFS.

•   Pour remédier au manque de visibilité des SFS, introduire un registre des sociétés à finalité sociale.

•   Créer un contrat d’emploi spécifique de dirigeant, d’entrepreneur salarié en SFS.

(1) Sont disponible à SAW (saw@skynet.be) la liste des orateurs ayant participé à ce colloque ainsi que les deux notes
    introductives confiées par SAW à Françoise Navez et Pierre Dusart du Centre d’Economie Sociale de l’Université
    de Liège (sur l’aspect juridique) et Michel de Wasseige de DiES - Dimension Economie Solidaire (sur les réactions
    du secteur). Remercions au passage pour leurs contributions à ce colloque MM. Jean-Pierre Pollénus, Peter
    Bosmans, Jacques Defourny, Christian Theunissen et Baudouin Fischer.

(2) Yves de Wasseige en 1988 et Willy Taminiaux en 1992.

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