Cours 11 : Physiopathologie des infections bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des bactéries

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Cours 11 : Physiopathologie des infections bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des bactéries
UE9 – Agents infectieux
Pr. Stephane BONACORSI – Hôpital Robert Debré
Lundi 28/01/19 de 15h30 à 16h30
Ronéotypeur : Liliane VONG
Ronéoficheur : Viviane TRAN

    Cours 11 : Physiopathologie des infections
  bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des
                    bactéries

Le cours n’a pas changé par rapport à l’année dernière. Les informations rajoutées à l’oral par le professeur sont
mentionnées en italique dans la ronéo.

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Cours 11 : Physiopathologie des infections bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des bactéries
PLAN

I. Les différents types de relation hôte-bactérie

II. Les causes de rupture d’équilibre entre hôte et bactéries

III. Les principaux mécanismes et facteurs de pathogénicité
   A. « Adhésion » Etablir un contact étroit avec l’hôte
   B. « Agresser » l’hôte et éventuellement y entrer « phénomène d’invasion »
   C. Persister dans l’hôte : contrecarrer/échapper aux défenses de l’organisme

IV. Conclusion

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Cours 11 : Physiopathologie des infections bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des bactéries
I. Les différents types de relation hôte-bactérie

    L’Homme est en contact étroit permanent avec les bactéries, un être humain c’est : 1013 cellules et … 1014
bactéries ! (on est donc constitué de 10 fois plus de bactéries que de cellules eucaryotes)
Il y a plus de 1000 espèces bactériennes !
Cette association intime et durable entre des organismes de différentes espèces est dénommée symbiose : elle est
régie par un bénéfice mutuel entre les bactéries et l’homme (mutualisme).
En microbiologie, on parle le plus souvent de commensalisme et de bactéries commensales. L’ensemble des
espèces commensales constitue la flore commensale ou microbiote : le microbiote diffère selon les sites, on parle de
microbiotes intestinal, vaginal, cutané… Il est indispensable de connaître les caractéristiques de chacun de ces
microbiotes +++ (sa composition, son rôle bénéfique  cf ED et cours sur le microbiote).

Exemple du microbiote intestinal :
   - Digestion de certaines molécules
   - Participe à l’apport en vitamine K
   - Développement et maturation du système immunitaire (si le tube digestif reste axénique, cad stérile et sans
       bactéries, le système immunitaire ne se développera pas à ce niveau)
   - Effet barrière (vis-à-vis de bactéries indésirables) … mais certains microbiotes seraient moins bénéfiques
       que d’autres (implication dans l’obésité, certaines maladies inflammatoires) (cf cours sur le microbiote)
   - Utilisation thérapeutique du microbiote : réalisation de transplantation fécale (par exemple dans l’infection
       à Clostridium difficile)

Distinguer les bactéries commensales des bactéries saprophytes :
Saprophytisme = type de nutrition utilisant les matières organiques en décomposition.
Les bactéries saprophytes sont des bactéries de l’environnement. Leur présence au sein d’un organisme humain est
le plus souvent transitoire (éventuellement ingestion de ces bactéries qui passent dans le tube digestif mais ne
persistent pas) sauf lors de la déstabilisation d’un microbiote (lors d’une antibiothérapie par exemple, on va avoir
une installation pérenne des bactéries à l’origine d’infection).
→ L’exemple-type : Pseudomonas aeruginosa (bacilles pyocyanique) (Surtout en milieu hospitalier, pb de multi-
résistance aux ATB)

II. Les causes de rupture d’équilibre entre hôte et bactéries

A côté de cette relation paisible de type commensalisme, il peut exister une relation conflictuelle entre une bactérie
et l’organisme humain : les espèces bactériennes capables d’induire ce conflit ont un pouvoir pathogène dont le
mécanisme est appelé pathogénicité.

NB :
   -    Pathogène (notion qualitative) = être capable d’induire ou non une maladie
   -    Virulent (notion quantitative) = un fort inoculum bactérien qui induit une simple fièvre, un faible inoculum
        létal dans 100% des cas !!

On peut distinguer différents types de bactéries pathogènes :
 Le pathogène strict : sa présence signe obligatoirement une infection car n’a jamais de relation de
  commensalisme avec l’organisme humain.
     NB : infection n’est pas forcément synonyme de syndrome infectieux (il peut y avoir une infection sans signe
     clinique : on parle d’infection latente)
          Mycobacterium tuberculosis (à connaitre)
          Shigella sp (bactérie responsable de diarrhée)
          Chlamydia trachomatis (IST, 1ere cause d’infertilité chez la femme)

 Le pathogène occasionnel : bactérie de portage transitoire ou de la flore commensale qui occasionnellement
  provoque une infection, le plus souvent en raison d’un facteur favorisant.
          Infection à pneumocoque (à la suite à une infection virale)

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Cours 11 : Physiopathologie des infections bactériennes : Mécanismes de pathogénicité des bactéries
 Infection à Staphylococcus aureus (staphylocoque « doré », à chercher dans la fosse nasale
               antérieure) après effraction cutanée
            Infection urinaire à Escherichia Coli (lors de la grossesse)
        Lorsque ces bactéries sont présentes chez un individu en dehors de tout processus infectieux, on parle de
        porteur sain (ex. 30% des individus sont porteurs sains permanents de Staphylococcus aureus)

 Le pathogène opportuniste : bactérie uniquement pathogène chez des individus dont les défenses sont altérées
  de façon profonde et durable (souvent en milieu hospitalier, chez les patients immunodéprimés). Ces espèces
  peuvent appartenir à la flore commensale ou être des saprophytes.
           Staphylococcus epidermidis et infection des prothèses
           Pseudomonas aeruginosa et patient intubé
           Listeria monocytogenes et grossesse

III. Les principaux mécanismes et facteurs de pathogénicité

La pathogénicité répond à des étapes successives :
    A. « Adhésion » : Etablir un contact étroit avec l’hôte
    B. « Agresser » l’hôte (toxines +++) et éventuellement y entrer « phénomène d’invasion »
    C. Persister dans l’hôte : contrecarrer/échapper aux défenses de l’organisme

NB : Certaines bactéries « court-circuitent » les deux premières étapes en utilisant un vecteur :
    Borrelia burgdorfori (Maladie de Lyme)
    Yersinia pestis (peste)

                            Arriver au contact, nécessité parfois d’être mobile :
                             - Pour traverser un mucus et entrer en contact d’un épithélium (Helicobacter
                                 Pylori)
                             - Pour lutter contre les flux, ascension des bactéries dans l’arbre urinaire
                                 (Escherichia Coli et pyélonéphrites)
                             Ces bactéries utilisent les flagelles (possibilité de défense de l’organisme contre ces
                             flagelles).
                            Nécessité ensuite d’adhérer :
                             Utilisation d’adhésines reconnaissant spécifiquement un récepteur à la surface
                             d’une cellule eucaryote (spécificité du site infecté ou de l’espèce eucaryote pour
                             certaine bactérie).
                                   Streptocoque du groupe A et angine : Protéine M
                                   Escherichia coli et pyélonéphrite : fimbriae de type P
   A. « Adhésion »           Adhésine sont sur des structures fimbrillaires ou pili (équivalent d’un grappin, avec
   Etablir un contact        rétraction possible pour adhérer plus intimement) : adhésine simple, dans la
   étroit avec l’hôte        membrane externe par exemple.

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 Nécessité de se nourrir :
                            Il existe une lutte acharnée entre bactérie et les cellules eucaryotes pour acquérir un
                            métal précieux nécessaire à leur survie : le Fer.
                            Le fer libre est quasi-inexistant dans l’organisme et est toujours lié à des molécules
                            de transport (transferrine, lactoferrine) ou de réserve (ferritine).
                            → Les bactéries présentent un arsenal important de systèmes de capture du fer :
                            - Récepteur avec forte affinité pour la transferrine et internalisation
                                 (méningocoque)
                            - Sécrétion de sidérophores : molécules excrétées par la bactérie avec une très
                                 forte affinité pour le fer, qui « arrachent » le fer aux protéines eucaryotes et
                                 réintègrent la bactérie après internalisation (facteur de virulence : + une bactérie
                                 capte du fer, + elle aura les capacités de se multiplier)

                                            B. « Agresser » l’hôte
                          Certains composants de la paroi bactérienne sont très conservés au sein des différentes
                           espèces (MAMPs = microbes associated molecular pattern)
                                Bactéries Gram négatif : Lipopolysaccharides (LPS) de la membrane externe
                                   (lipide A + polysaccharides)
                                Bactéries Gram positif : Peptidoglycane, acides lipotechoïques
                          Ces composants peuvent être reconnus par des récepteurs de l’immunité innée des
 ①   Eléments de la
                           cellules-hôtes (PPR = pattern recognation receptors)
paroi bactérienne et
                                Toll like-receptor (TLR)
  induction d’une
      réaction            Système de « veille » permettant de détecter les microorganismes et de déclencher les
   inflammatoire           systèmes de défense : réaction inflammatoire, recrutement des cellules phagocytaires
                           … pour éliminer la bactérie.
                          Dans certains cas, le système de défense est débordé avec une réaction exagérée
                           conduisant à un choc avec défaillance multiviscérale.
                           - On parle ainsi pour les bactéries à Gram négatif de choc endotoxinique : le lipide
                              A du LPS est un puissant inducteur de réponse immunitaire conduisant parfois à
                              une réponse fatale (c’est pour cela que le lipide A s’appelle aussi endotoxine)

                          Altération des tissus ou des éléments de défense « avancés » favorisant la
                           dissémination des bactéries
    ② Sécrétion            - Protéase : hydrolyse des défensines (peptides antibactériens sécrétés par l’hôte)
 d’enzymes → effet         - Coagulase, collagénase, hyaluronidase, kinase … : procoagulation, destruction
   délétère sur les            des tissus, fibrinolyse
  composantes des          Principalement les bactéries pyogènes (Staphylococcus aureus, Streptocoque du
tissus (hors cellules)     groupe A … la coagulase est un des facteurs de virulence, provoque des micro-
                           thrombi dans lesquels se logent les staphylocoques qui sont ainsi protégés du système
                           de défense → on appelle donc parfois staphylocoque coagulase positive ou négative)

                          Action à distance de la bactérie (sécrétées) altérant une fonction cellulaire
                          Parfois responsable à elle seule de « toute » la pathogénicité de la bactérie
     ③ Toxines            Pénètre parfois seule dans l’organisme (ingestion alimentaire → intoxination
protéiques → effet         alimentaire, on peut parfois être rendu malade en ingérant ces fameuses toxines sans
 délétère sur les          forcément qu’il y ait encore la bactérie dans ce que l’on ingère)
      cellules            Effet toxique parfois majeur : létal +++
   (cytotoxines,
    exotocines)          3 types de toxines :
                             - Toxine à deux composants
                             - Cytolysines ou hémolysines
                             - Superantigènes

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Toxine à deux
                                                              composants
Un 1er composant impliqué dans :
    - la reconnaissance d’une cible spécifique à la surface d’une cellule
        eucaryote
    -    et qui permet la translocation d’un deuxième composant seul ou combiné
Un 2ème composant qui pénètre dans la cellule et exerce un pouvoir toxique
proprement dit.

Exemple :
     Tétanospamine de Clostridium tetani :
       - Mort par paralysie généralisée
       - Le pouvoir pathogène se résume à cette seule toxine !
       - Développement de moyen efficace de prévention :
           Sérum antitétanique
           Vaccination « DTCoqPolio » - Anatoxine = protéine immunogène
           non toxique (détoxification). Le tétanos a presque disparu des pays
           développés mais reste une des premières causes de mortalité
           néonatale des pays en voies de développement.
     Vibrio cholerae (sous-unité A dimère et sous-unité B pentamère) :
       - La sous-unité A internalisée dans les cellules épithéliales conduit à
          une augmentation d’AMPc qui induit via une protéine kinase une
          phosphorylation des canaux ioniques modifiant leur activité →
          excrétion massive d’eau → déshydratation → mort
     Corynebacterium diphteriae (diphtérie)
     Clostridium difficile
       - Diarrhée post-antibiotique, colite pseudomembraneuse
     Escherichia coli, producteur de Shiga toxine …
       - 2011 : épidémie allemande de syndrome hémolytique et urémique
       - La shigatoxine diffuse dans l’organisme et bloque la synthèse
           protéique des cellules endothéliales notamment rénale → IR aigue

                     Toxine induisant une déstabilisation ou rupture des
                     membranes eucaryotes
                         Streptolysine O du streptocoque du groupe A qui peut
Cytolysines ou
                           lyser la membrane cytoplasmique des hématies
 Hémolysines
                         Lysteriolysine (Listeria monocytogenes) qui lyse les
                           membranes des phagolysosomes lorsque la bactérie
                           est internalisée dans une cellule.

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Protéines capables de se lier aux LT CD4 (T helper) et aux
                   protéines du CMH de classe II des cellules présentatrices d’Ag
                   (et ce quelque soit le peptide présenté) induisant une
                   hyperstimulation polyclonale conduisant à un « orage
                   cytokinique » excès de IL-2, TNFɑ …
                        Staphylococcus aureus : toxine du « toxic shock
                           syndrom »
  Toxines de            Streptocoque du groupe A : « streptococcal pyrogenic
     type                  exotoxine »
superantigènes         Toxines capables d’induire un choc fatal en quelques
                       heures

 Production de
 superantigènes capables
 de faire communiquer la
 CPA avec le LT et ainsi
 d’activer n’importe quel
 LT !

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C. Echapper aux défenses de l’hôte
                      ① Capsule                                           ② Variation   antigénique
 Enveloppe polysaccharidique externe                       Certaines structures antigéniques exposées aux
 Masque les constituants de la paroi (Ag) vis-à-vis du      anticorps présentent une grande variabilité :
  complément ou des Ac → haute capacité à                     - Le LPS : sa partie polysaccharidique (Ag O)
  disséminer dans le sang                                         est antigénique mais on trouve au sein de
                                                                  certaines espèces plusieurs centaines de
 Certaines capsules ont de plus :                                polysaccharides différents (quasiment 200
     - Une capacité à inhiber l’activation du                     différents donc techniquement 200 Ac à
         complément                                               fabriquer)
     - Une ressemblance avec les Ag du soi et donc            - La protéine M : du streptocoque du groupe A
         n’induisent pas la synthèse d’Ac                         a plus de 70 variants ou sérotypes différents.
  Exemple de l’Acide sialique / acide N                          Les anticorps anti M sont protecteurs mais en
    acétylneuraminique (cumule les 2 propriétés) :                théorie un humain peut faire plus de 70
    présent à la surface des cellules eucaryotes, c’est le        angines s’il rencontre les 70 sérotypes
    constituant de la capsule du méningocoque de                  différents !!
    sérotype capsulaire B ce qui explique qu’il n’y ait       -   La   capsule du pneumocoque : il existe 92
    toujours pas de vaccin contre (car Ag du soi)                 sérotypes    différents… (Prevenar 13® →
                                                                  vaccin contre 13 sérotypes sur les 92 existants)
                                                            Enfin au sein d’une même bactérie, il peut exister
                                                             des phénomènes de variation antigénique : une
                                                             salmonelle peut exprimer 2 types de flagelles
                                                             différents. Si le patient commence à synthétiser un
                                                             Ac vis-à-vis du flagelle 1, la bactérie synthétise le
                                                             flagelle 2 !

              ③ Capacité   de survie intracellulaire (cellule épithéliale, voire cellule phagocytaire)
                         « Pour vivre heureux… vivons caché… au sein même de l’ennemi !!! »
On distingue :
Pathogènes intracellulaires obligatoires :
 Incapable de survivre hors d’une cellule
 Adaptation totale à son hôte et donc dépendance ++
 Infection peu sévère, à bas bruit… ne pas tuer son hôte !
        Bactéries types : Chlamydia, Rickettsia
Pathogènes intracellulaires facultatifs :
 Capable de survivre dans une cellule et hors de la cellule
 Pour permettre le passage d’une barrière
        Barrière digestive : Salmonella, Listeria…
 Pour échapper au prédateur
        Legionella et amibes permet d’échapper aux phagocytes
 Authentique mécanisme de protection et persistance au long cours dans l’organisme
        Mycobacterium tuberculosis

                                        ④ Echapper     au phagolysosome
 Mécanismes mis en jeu pour l’invasion des cellules eucaryotes : Adhésion bactérienne avec…
  - Activation d’une voie de signalisation
  - Remaniements du cytosquelette internalisation de la bactérie dans une vacuole = phagosome
  Or la destiné normale d’un phagosome → fusion avec un lysosome → phagolysosome tue la bactérie
 Pour y échapper, mise en jeu de 2 stratégies de survie possibles :
   - Empêcher la fusion : dissémination par multiplication et éclatement de la cellule
      Salmonella, Mycobacterium, Chlamydia, Legionella
   - Lyser la vacuole pour être libérée dans le cytoplasme : dissémination par passage direct intercellulaire
      Listeria, Shigella

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IV. Conclusion

Pourquoi mieux connaître la pathogénicité des bactéries ?
       Optimiser le diagnostic :
           - La virulence peut dépendre de la présence ou absence d’un seul facteur de pathogénicité au sein
               d’une même espèce
           - Exp : recherche du gène codant la shigatoxine dans le cadre d’un SHU
       Développer des vaccins, le plus souvent vis-à-vis de facteurs de virulence
       Nouvelles cibles/ stratégies thérapeutiques :
           - Traitement « anti-pathogénicité » VS « anti-biotique » : on va chercher à minimiser les « dommages
               collatéraux » et respecter ainsi les microbiotes
       Progrès en biologie cellulaire et immunologie

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