Coûts de transaction, contagion, mimétisme et dynamiques asymétriques des cours boursiers

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Coûts de transaction, contagion, mimétisme et dynamiques
                      asymétriques des cours boursiers

                                     Fredj JAWADI
          ESC Amiens School of Management, EconomiX, fredj.jawadi@supco-amiens.fr

                                   Mohamed El Hédi AROURI
                   LEO - Université d’Orléans, mohamed.arouri@univ-orleans.fr

Résumé
Cet article étudie la dynamique d'ajustement des cours boursiers de trois pays développés (Allemagne,
France et Japon) dans un cadre non-linéaire. La non-linéarité est introduite pour reproduire l’ajustement
en présence de frictions du marché, des effets de contagion et d’interdépendance. A cette fin, nous
utilisons une classe particulière de modèles à correction d’erreur non-linéaires : les MCENL à transition
lisse de type exponentielle, notés ESTECM. Nos résultats montrent la supériorité des modèles ESTECM
par rapport au MCE linéaire pour reproduire la persistance dans l'ajustement des cours boursiers.
L’ajustement s’est avéré non-linéaire avec un retour à l’équilibre dont la vitesse de convergence varie
avec l’ampleur des déviations des cours par rapport à cet équilibre. En outre, nos résultats ont conclu à
l’existence d’effets de contagion très significatifs entre les bourses.
Mots clés : Contagion, coûts de transaction, ESTECM, ajustement non-linéaire et persistant.
JEL: C5, G14, G15.


    Corresponding Author : ESC Amiens, 18 place Saint Michel, 80000 Amiens, Tel:+33 (0) 3 22 82 24 41.

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I. Introduction

Les marchés boursiers ont connu depuis la fin des années 80 un essor sans précédent. Le Dow
Jones a augmenté en 1987 de 250% par rapport à son niveau de 1982 et il a franchi la barre de
11700 au début de l'année 2000. Les bourses allemande et française ont au moins plus que
doublé entre 1994 et 1999, indiquant que cette efflorescence a été commune pour plusieurs
bourses.

        Qui plus est, ces similarités entre les dynamiques boursières sont plus remarquables
durant les périodes marquées par de fortes turbulences boursières1. Par exemple, en octobre
1987, le Dow Jones a perdu 22,6% en une nuit, les places boursières les plus importantes l’ont
suivi. Plus récemment, la bourse française a subi les effets des chutes spectaculaires en Asie en
1997 et aux Etats-Unis en 2000 et le CAC40 a ainsi perdu 15% en quatre mois. Le CAC40 a
également perdu 21,97% en 2001 et 33,75% en 2002 à la suite des attentats terroristes de New
York et de la chute des marchés des nouvelles technologies. En outre, le CAC40 a atteint son
plus bas niveau historique, soit 2401 points, à la mi-mars 2003 suite à l’intervention armée de la
coalition américaine en Irak. Entre 2000 et 2002, le marché boursier américain des nouvelles
technologies s’est effondré considérablement en enregistrant une chute de plus de 75%. Cette
crise s’est rapidement propagée en France et l’indice technologique IT CAC a perdu près de
90% de sa valeur pendant la même période.

        Plus récemment, l’attribution de 150 milliards de dollars de crédits immobiliers très
risqués en juillet 2007 à des ménages peu solvables par des banques américaines a déclenché un
cataclysme qui a été qualifié de crise des « subprimes ». Cette dernière a induit un
bouleversement au sein des établissements financiers américains faisant craindre une crise
systématique mondiale. Le Dow Jones, qui avait enregistré un record historique de 14021,95
points le mardi 17 juillet 2007, a baissé d’un peu plus de 6% le 17 août. La bourse de New York
n’a pas été la plus touchée par cette correction boursière, puisque le CAC40, qui avait culminé
début juillet à plus de 6100 points, était retombé à un plus bas de 5217.70 points le 17 août
2007, en enregistrant une baisse d’environ 12%. Le Nikkei225 a également été fortement affecté
par cette correction boursière puisqu’il était passé entre le 17 juillet 2007 et le 17 août 2007 de
18217,27 points à 15273,68 points, enregistrant ainsi une baisse de 16,15%. Néanmoins,
l’effondrement des bourses a été sauvé et la débâcle a été freinée grâce à l’intervention rapide de

1
  « Les crises se déclenchent avec des détonateurs capables de déclencher la panique dans l'esprit des
investisseurs qui réalisent ainsi du jour au lendemain l'amplitude du décalage entre les anticipations et la
situation économique réelle », Lafont et Molina (2003).

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la Réserve Fédérale Américaine (intervention le jour même) qui a abaissé son principal taux
d’escompte de 50 points le 17 août 20072.

           Nous qualifions ces interdépendances et transmissions des crises d’un pays à l’autre de
contagion. Néanmoins, en réalité la définition du phénomène de contagion ne fait pas l’objet de
consensus chez les économistes. Dans la littérature, on trouve de nombreuses définitions de ce
phénomène (Forbes et Rigobon (2000), Rigobon                       (2001) et Caramazza et al. (2004)).
Premièrement, la contagion peut renvoyer à la propagation des chocs de façon excessive par
rapport à la variation des fondamentaux. Deuxièmement, elle peut décrire la transmission de
chocs imputable à des comportements moutonniers. Troisièmement, la contagion peut
correspondre à la propagation de chocs entraînant une co-variation des marchés
indépendamment de leurs canaux de transmission. Quatrièmement, la contagion ou shift
contagion peut désigner une situation pour laquelle les liens entre les marchés se renforcent en
raison des chocs qui se propagent systématiquement davantage en période de crise qu’en temps
normal.

           L’étude de la contagion, sous ses différentes définitions, a fait l’objet de nombreux
travaux empiriques (Kamisnsky et Reinhart (2000), Forbes et Rigobon (2002), Baur (2003),
Billio et Pelizzon (2003), Corsetti et al. (2005), Yang et Bessler (2006), Wang et Nguyen Thi
(2007), Chiang et al. (2007)). Les résultats de ces études sont très hybrides et n’aboutissent pas
à des conclusions convaincantes. A l’origine de ces discordances se trouvent la divergence des
définitions et le cadre linéaire simple souvent employé afin de tester un phénomène aussi
compliqué que la contagion.

           Mais quoi qu’il en soit, l’étude des co-mouvements des places boursières mondiales
renvoie à de nombreuses interrogations dont la compréhension est indispensable afin de traiter
les différentes questions soulevées par la finance internationale. Malgré le grand nombre de
travaux sur le sujet, la nature de ces co-mouvements demeure un phénomène difficile à définir,
à mesurer et à en identifier les déterminants et de nombreuses questions restent ouvertes. Le
présent article explore ce sujet dans un cadre non linéaire. Les modèles non linéaires présentent,
en particulier, l’avantage de pouvoir reproduire les différents types d’effets de contagion à court
et à long terme, tout en tenant compte des différentes discontinuités et co-mouvements induits
pas les frictions et l’asymétrie d’information sur les marchés financiers. Plus précisément, cet
article tente de répondre aux questions suivantes. Comment expliquer une sous ou sur-
évaluation simultanée des marchés boursiers ? Pourquoi les marchés ont-ils tendance à co-

2
    L’action de la Fed a permis, entre autres, d’envoyer un signal d’un retour à la baisse des taux d’intérêt.

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fluctuer ? Comment peut-on justifier et reproduire la lenteur et la persistance caractérisant les
dynamiques boursières ? Faut-il croire aux processus d’ajustement non-linéaire pour reproduire
les dynamiques boursières ?

        Dans un travail récent, Jawadi et Koubbaa (2007) ont montré que l’introduction de la
non-linéarité permet de mieux reproduire et comprendre les dynamiques boursières. Néanmoins,
cette étude a concerné les dynamiques boursières à court terme. Dans le même ordre d’idée,
Jawadi (2006) a montré la supériorité des processus non-linéaires par rapport au modèle linéaire
à reproduire l’ajustement des cours boursiers par rapport aux fondamentaux. L’auteur a
également soulevé la question d’une dépendance forte entre les principales bourses
internationales et la bourse de New York, mais la question de contagion n’a pas été
explicitement étudiée.

        La principale trame du présent article consiste à explorer la dynamique d’ajustement et
la persistance des cours boursiers dans un cadre non-linéaire et à étudier les problématiques
sous-jacentes à la contagion. Notre contribution à la littérature sur le sujet est double. En
premier lieu, nous présentons des explications économiques de la persistance et de la non-
linéarité inhérentes aux dynamiques boursières, et ce en se référant à la théorie financière : la
finance comportementale et la microstructure des marchés. En second lieu, nous développons un
cadre économétrique approprié permettant de reproduire l’asymétrie, la persistance et les
ruptures de tendance caractérisant les dynamiques boursières : les modèles de cointégration à
seuil de type ESTECM3. Ces techniques permettent de tester la contagion entre les bourses par
régime, d’étudier leur interdépendance et de spécifier la dynamique d’ajustement des cours
selon les phases de croissance ou de baisse des indices.

        En particulier, ce type de modélisation permet de reproduire la dynamique d'ajustement
des cours boursiers à long terme en présence des frictions du marché induites par la coexistence
de coûts de transaction, d’anticipations hétérogènes, de mimétisme et de contagion entre les
bourses4. Cette modélisation présente aussi l’avantage de reproduire l’ajustement et le degré de
persistance par régime. A notre connaissance, Cette piste de recherche n’a pas été explorée
auparavant. Néanmoins, ces processus ont été appliqués au marché de changes pour étudier
l’évolution des mésalignements des taux de change par rapport à la parité des pouvoirs d’achat
(PPA), [Michael et al. (1997)].

3
  La persistance dans les marchés financiers est souvent reproduite par le biais des processus linéaires de
type mémoire longue [Guégan (2007)].
4
   A notre connaissance, l’hypothèse de contagion n’a pas été testée en utilisant des processus non-
linéaires en moyenne.

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Dumas (1992), Anderson (1997), Jawadi (2006) et Jawadi et Chaouachi (2006),
justifient ce type de modélisation par la présence de coûts de transaction hétérogènes. La
coexistence de différents investisseurs qui assument des coûts distincts permet de définir des
seuils spécifiques pouvant dissuader l’arbitrage. En effet, pour chaque opérateur, l’arbitrage
n’est possible et l’ajustement n’est actif que lorsque le rendement espéré est supérieur à ce seuil.
Ce qui pourrait induire une lenteur dans la dynamique d’ajustement des prix et rejeter ainsi
l’hypothèse d’ajustement instantané, linéaire et continu. Une telle lenteur peut être également
expliquée par les effets d’inertie induits par la contagion et les co-mouvements entre les
bourses.

        Ceci étant, cet article propose d’étudier la dynamique de l’ajustement entre les indices
boursiers français (CAC40), allemand (DAX30), japonais (Nikkei225) et l’indice américain.
L’introduction du Dow Jones permettrait de définir la cible de long terme pour les indices
étudiés puisque la bourse de New York constitue une bourse de référence. En outre, nous
estimons les effets de contagion bilatéraux entre ces bourses, en prenant en compte
l’interdépendance pour les couples franco-allemand et américano-japonais, et ce en testant les
effets de contagion mutuels entre la bourse de New York et celle du Tokyo et la bourse de
Frankfurt et celle de Paris. Notre modélisation prend en compte le fait qu’en raison de
l’internationalisation des marchés financiers, le modèle gouvernant l'ajustement sur un marché
national peut ne pas dépendre uniquement de son propre déséquilibre, mais aussi des
déséquilibres associés aux autres marchés boursiers [Ang et Bekaert (2001), Goetzmann et al.
(2001), Sarno et Valente (2001)].

        Le présent travail est articulé autour de cinq sections. La deuxième section sera
consacrée aux justifications économiques de la non-linéarité et de la persistance caractérisant les
dynamiques boursières. La troisième section exposera brièvement la méthodologie des
processus d’ajustement à seuil. Les résultats empiriques seront analysés dans la quatrième
section. La dernière section résumera les principales conclusions.

II. Pourquoi la dynamique boursière serait-elle persistante et non-linéaire ?

        L’objet de cette section est de discuter des arguments théoriques justifiant l’asymétrie,
la persistance et la non-linéarité caractérisant les dynamiques boursières. Pour cela, nous nous
inspirons des principes de la microstructure des marchés financiers (i.e. coûts de transaction et
asymétrie d’information) et de la finance comportementale (i.e. Hétérogénéité des anticipations,
mimétisme et contagion).

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2-1 Coûts de transaction et d’information

        L'hypothèse d'efficience informationnelle, qui stipule que l'ensemble de l'information
est instantanément et complètement intégré dans le cours boursier [Fama (1965)], admet la
gratuité de l’information et l’absence de coûts de transaction. Elle exclut tout décalage temporel
entre la divulgation de l'information et son intégration dans les prix et suppose que l’ajustement
des cours est instantané. Or, l'ajustement peut ne pas être immédiat, puisqu'un certain délai est
parfois nécessaire pour intégrer correctement la nouvelle information dans le cours. En
particulier, la réaction des marchés peut dépendre du type d'intervenants présents sur le marché :
investisseurs ordinaires ou professionnels. En pratique, les investisseurs prennent le temps
nécessaire pour décoder l'information qui leur est transmise, ce qui peut induire des délais
d'ajustement des cours. L’ajustement peut dépendre également du degré de perception de
l’information et du niveau des coûts de transaction. Les durées du traitement de l’information et
les coûts de transaction peuvent varier d’un investisseur à l’autre.

        Les coûts de transaction, souvent ignorés par la théorie de l’efficience, peuvent affecter
la dynamique des cours en agissant sur la demande et l'offre des titres. En effet, plus ces coûts
sont faibles, plus les opérateurs interviennent sur le marché et plus les volumes de transaction
augmentent. Néanmoins, la présence de frais de transaction élevés risque d’accroître le nombre
d’opérateurs non informés, de dissuader l’arbitrage et d’induire plus de rigidités. Ces rigidités
peuvent agir de sorte que l'ajustement instantané et symétrique des prix n’ait pas lieu.

        Les coûts de transaction limitent les opérations d'arbitrage5 et peuvent constituer des
entraves à l'efficience des marchés6. En effet, en présence de ces frais, les investisseurs
n’échangent plus les titres lorsque le gain potentiel anticipé est inférieur aux coûts assumés,
induisant ainsi des délais. Par ailleurs, la présence de ces frais peut créer deux zones. Une
première zone de non-échange appelée aussi « bande d'inaction » à l'intérieur de laquelle
l'arbitrage est inactif. Le cours peut perdurer loin de sa valeur d’équilibre. Ses déviations
demeurent divergentes, non corrigées et admettent une racine unitaire (near unit root). Dans la
seconde zone d'échange, l'ajustement est plutôt actif et sa vitesse est d'autant plus élevée que
l'ampleur du déséquilibre est importante. Les déviations du cours admettent ainsi un retour à la
moyenne ou un « Mean Reversion » et elles sont proches d’un bruit blanc.

5
  Pour justifier les discontinuités, la persistance et la non-linéarité associés à la dynamique d'ajustement
des taux change réels par rapport à la PPA, Dumas (1992), Sercu et al.(1995), Michael et al (1997) ont
également retenu l’hypothèse de coûts de transaction.
6
  « L'efficience des marchés s'accommode mal des coûts de transaction », Gillet (1999, p.185).

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Faut-il ajouter également que selon Anderson (1997), la présence de coûts de
transaction peut dissuader l’arbitrage et induire des discontinuités dans l’ajustement alors que
l’hétérogénéité de ces frais peut expliquer la lenteur et la persistance dans les marchés boursiers.
En effet, un opérateur ne doit agir que lorsqu’il anticipe des gains supérieurs aux coûts assumés.
Or, comme les coûts de transaction varient d’un investisseur à un autre et d’un marché à un
autre, chaque investisseur devrait avoir ses propres coûts et donc des seuils spécifiques au-delà
desquels il est intéressant d'arbitrer. Par conséquent, chaque investisseur peut avoir sa propre
zone d'inaction, bornée par ses seuils spécifiques et une zone d'échange à l'intérieur de laquelle
il a intérêt à arbitrer entre ses ordres d'achat et de vente7. La coexistence de ces seuils
spécifiques induits par des coûts de transaction hétérogènes peut expliquer le lissage dans
l'ajustement des prix. En effet, l’ajustement ne peut être actif que lorsque l'arbitrage des
opérateurs sur le marché sera suffisamment important pour permettre à tous les investisseurs de
réaliser des gains. Donc, la présence de coûts de transaction hétérogènes peut induire un délai de
réaction, des effets d'inertie et de la persistance dans la dynamique du cours, mettant en cause
l'hypothèse d'ajustement instantané et linéaire. Les déviations des cours peuvent alors suivre un
processus non-linéaire avec retour à la moyenne, dont la vitesse de convergence augmente avec
l'ampleur du déséquilibre.

2-2 Hétérogénéité des anticipations

           Les intervenants sur le marché sont différents : chartistes, fondamentalistes, noise
traders. En outre, ils peuvent avoir des degrés de compréhension et de perception de
l’information       assez    différents (investisseurs     informés,     investisseurs   mal   informés,
professionnels, amateurs, etc.) et des horizons d’investissement différents. En conséquence,
leurs modes de calculs, leurs estimations, leurs prévisions et leurs anticipations sont plutôt
hétérogènes.

           Selon De Grawe et Grimaldi (2005), l'interaction entre ces différentes catégories
d'opérateurs peut impliquer des périodes de hausses éphémères et des périodes de récessions
profondes et violentes. Elle peut induire des délais d'ajustement dans les cours lorsque ceux-ci
tentent de rejoindre leurs valeurs d’équilibre. A ce titre, les investisseurs mal informés peuvent
avoir intérêt à suivre les décisions des opérateurs informés, alors que celles-ci sont décalées
dans le temps et parfois divergentes.

           Selon les fondamentalistes, chaque titre dispose d'une valeur fondamentale : sa valeur
intrinsèque autour de laquelle fluctue son cours boursier sur le marché. Le cours peut s'en

7
    Voir Jawadi et Koubbaa (2006, 2007) pour la définition de ces seuils spécifiques.

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écarter à court terme, mais il tend à se rapprocher de cette valeur à long terme sous l'influence
des forces de marché et de l’action prédominante des fondamentalistes. L'analyse chartiste
repose, quant à elle, sur « un acte de foi » et les chartistes croient plutôt à l'existence d'une forte
corrélation entre le cours futur et ses tendances passées. De ce fait, l'interaction entre un
chartiste et un fondamentaliste peut générer un prix, qui est loin d'être le reflet de la réalité
économique.

        Faut-il également ajouter qu’en fonction de ses prévisions et de l’évolution de l’opinion
moyenne du marché, un opérateur peut toujours décider de changer de catégorie ou de groupe et
de passer d’un « fondamentaliste » à un « chartiste » ou inversement. Cela peut bien
évidemment affecter les anticipations des deux groupes et générer ainsi des anticipations très
dynamiques dont leur évolution en temps continu risque d’affecter la dynamique des prix8.

2-3 Mimétisme

        Imiter son voisin consiste à prendre une décision allant dans le même sens. En pratique,
nous distinguons trois types de mimétisme [Orléan (1986)]. Tout d’abord, le mimétisme
normatif qui s'apparente au conformisme et dont la mise en conformité est facilitée par les
échanges de points de vue entre les différents opérateurs des différentes places financières
[Moschetto (1998)]. Ensuite, le mimétisme informationnel dont le principe est d’imiter les
autres opérateurs, parce qu'on les suppose mieux informés et ce afin de réduire le risque face à
la concurrence. Enfin, le mimétisme autoréférentiel qui tente d’anticiper l’opinion moyenne et
majoritaire du marché pour l'imiter et éviter de s’en écarter. L’action par mimétisme peut être
rationnelle notamment lorsqu’on se positionne dans un contexte d’incertitude. Selon Orléan
(1986), dans un tel cadre un investisseur mal informé devrait copier un autre opérateur (appelé
modèle) car cette attitude lui permettrait d’améliorer son anticipation et d’augmenter ses
performances individuelles.

        Par ailleurs, l’étude des comportements mimétiques présente un intérêt réel puisqu’elle
permet de répondre à certaines questions relatives aux anomalies des marchés financiers (i.e.
bulles, ajustement asymétrique des cours). En effet, en présence du mimétisme, le cours ne
reflète plus les fondamentaux, mais plutôt les anticipations des investisseurs concernant
l’opinion moyenne des marchés. Dans un tel contexte, les opérateurs sont incités à suivre
l'opinion moyenne du marché et à ne pas s’en écarter car le fait de s’en écarter engendre un

8
  Pour plus de détails sur l’évolution de ces anticipations, voir De Grauwe et Grimaldi (2005). Les auteurs
ont défini des probabilités de transition pour chaque groupe et ont retenu les processus ESTAR
(Exponential Smooth Transition AutoRegressive) pour reproduire les non-linéarités induites par
l’interaction entre ces différents opérateurs.

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risque. Ils vont ainsi s'intéresser à l'anticipation de la psychologie de masse et de l'opinion du
marché et non aux fondamentaux des titres.

        Or, cette tendance à suivre des comportements « grégaires » peut amener à une situation
d’unanimité reflétant l’opinion moyenne du marché indépendamment des fondamentaux. Cela
peut induire ainsi une bulle rationnelle mimétique [Orléan (1990)] et engendrer des déviations
asymétriques des cours boursiers par rapport aux fondamentaux. Néanmoins, toute modification
de cette opinion pourrait déclencher un éclatement de cette bulle. Donc, le mimétisme paraît
justifier les comportements anormaux associés aux dynamiques boursières. De tels
comportements peuvent échapper aux techniques de modélisation linéaire, les modélisations
non-linaires permettent d’en tenir compte.

2-4 Contagion entre les bourses

        La contagion entre les bourses peut désigner les co-mouvements et l’interdépendance
des principales bourses internationales. Elle constitue une réalité de tous les jours, puisque les
marchés boursiers sont de plus en plus interdépendants. Cette interdépendance peut être due à
des comportements humains, puisqu’un investisseur peut agir et se positionner en fonction des
fluctuations du marché local ainsi qu’en fonction des opportunités liées à l’action sur d’autres
marchés internationaux. Les places boursières sont donc liées entre elles par l'arbitrage croisé
des opérateurs, mais leur interdépendance peut également être associée au degré de la
corrélation entre leurs fondamentaux.

        Cette interdépendance peut témoigner d’une intégration entre les marchés boursiers et
d’une dépendance entre les bourses nationales et la bourse « de référence mondiale » de New
York, dues probablement aux canaux de transmission de l'information, aux comportements des
intervenants sur les marchés et aux mouvements des flux de capitaux. Par ailleurs, cette
interdépendance se traduit par une forte corrélation entre les indices boursiers souvent plus
explicite dans les périodes de crises boursières, dans la mesure où tout choc affectant une bourse
de référence peut se répercuter sur les autres indices boursiers ainsi que sur leurs fondamentaux.

         Cela dit, la dynamique d’ajustement de l’indice d’un marché boursier peut dépendre de
ses fondamentaux et ses variations passées, mais aussi de celles des autres indices auxquels il
est fortement lié. Par conséquent, sa dynamique pourrait être différente selon qu’il soit intégré
ou non avec d’autres marchés, et sa vitesse d’ajustement pourrait varier en fonction de son degré
d’intégration. Quoiqu’une telle dynamique peut échapper aux techniques de modélisation
linéaire qui limitent l’ajustement à être linéaire, symétrique et à vitesse constante.

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Dans la pratique, plusieurs études se sont focalisées sur les tests la contagion entre les
bourses et notamment sur leurs dépendances à la bourse de New York. Baur (2003) a montré, en
utilisant un modèle de régression linéaire, l’existence d’effets de contagion significatifs entre les
bourses lors de la crise asiatique. Corsetti et al. (2005) ont également mis en évidence des traces
de la contagion lors de la crise du marché boursier de Hong Kong en octobre 1997. Serwan et
Bohl (2005) ont testé l’existence de relations de contagion entre les marchés boursiers
européens pour la période 1997-2002, en utilisant des techniques de corrélation robustes à
l’hétéroscédasticité. Les auteurs ont montré que les marchés des pays de l’Europe Centrale et de
l’Est ne sont pas plus victimes de la contagion que ceux des pays de l’Europe de l’Ouest. Yang
et Bessler (2006) ont utilisé des fonctions de réponses impulsionnelles pour mettre en évidence
l’existence d’effets de contagion entre les marchés lors du crash boursier de 1987.

        Sur la base des techniques de corrélation dynamiques, Chiang et al. (2007) ont montré
l’existence de fortes relations de contagion entre neuf pays asiatiques pour la période 1990-
2003. Les auteurs ont identifié deux phases différentes et un changement de régime entre ces
phases. Wang et Nguyen Thi (2007) ont utilisé les mêmes tests pour montrer l’existence d’une
relation de contagion forte entre les marchés boursiers américain et taiwanais. Les auteurs ont,
d’abord, suggéré l’existence de ruptures de tendance dans les dynamiques des cours. Ils ont
ensuite introduit une variable muette pour estimer un processus EGARCH multivarié et calculer
les corrélations à partir de ce processus. Puis, ils ont appliqué des tests de prévision pour tester
l’existence d’effets de contagion entre les deux marchés. Les résultats obtenus ont montré
l’existence de deux types d’effets : effets positifs et effets négatifs entre les deux marchés. La
présence d’effets de contagion bilatéraux entre le marché américain et les marchés asiatiques a
été également mise en évidence par Iwatsubo et Inagaki (2007), indiquant le rôle de la bourse
américaine en matière de transmission de l’information aux autres marchés. Ces effets de
contagion étaient plus importants durant la période de la crise asiatique.

        Globalement, toutes les études discutées plus haut ont établi une forte dépendance des
bourses nationales à celle de New York. Quoique, la plupart de ces études se sont focalisées sur
l’étude de la contagion entre la bourse américaine et les marchés boursiers asiatiques et ont
souvent utilisé des techniques linéaires. Toutefois, les modélisations linéaires supposent
l’existence d’effets de contagion symétriques. Dans cet article, nous proposons une étude de la
dynamique d’ajustement des cours boursiers plus originale, en tenant compte des effets de
contagion dans un cadre non-linéaire aussi bien pour deux bourses européennes (France,
Allemagne) que pour un pays asiatique (Japon). L’introduction de la non-linéarité permettrait,

                                                                                                  10
en particulier, d’étudier la contagion et de spécifier le degré d’interdépendance dans chaque
régime.

III. Modélisation à seuil de l’ajustement des cours boursiers
          Les processus de cointégration à seuil ont été d’abord introduits par Balke et Fomby
(1997). Anderson (1997) a proposé ensuite une extension de ces processus en développant les
modèles STECM (Switching Transition Error Correction Models) pour lesquels l’ajustement
est plutôt lisse. L’auteur a appliqué ce modèle aux bons de Trésor et a justifié la lenteur de la
dynamique d’ajustement par la présence de coûts de transaction hétérogènes. Plus récemment, la
méthodologie de ces processus a été développée par Van Dijk et al. (2002).
          Ces processus sont plus appropriés que les MCE linéaires dans la mesure où ils ont
l’avantage de reproduire l’ajustement des cours boursiers en présence des frictions sur le
marché. En effet, ces modèles permettent de reproduire les discontinuités et les ruptures induites
par ces frictions. Ils permettent à l’ajustement d’être asymétrique, non-linéaire et avec une
vitesse de convergence variable dans le temps. Les modèles STECM ont été souvent utilisés
pour étudier la dynamique d’ajustement des prix des actifs financiers [Anderson (1997),
Michael et al. (1997), Jawadi (2006), Jawadi et Koubbaa (2006)].

3-1. Une brève présentation des modèles ESTECM

          Un ESTECM pour les cours boursiers est un modèle d’ajustement non-linéaire de court
terme. Il décrit la dynamique d’ajustement des cours et leur convergence vers l’équilibre. Sous
les hypothèses de contagion entre les bourses, cet équilibre est défini pour chaque indice étudié,
par l’existence des relations de cointégration linéaire ou relations de long terme de type :

Pti = α + β Ptj + δ Pt k + zt, où i = France, j = USA et k = Allemagne,                         (1)
Pti = α + β Ptj + δ Pt k + zt, où i = Allemagne, j = USA et k = France,                         (2)
Pti = α + β Ptj + zt, où i = Japon et j = USA.                                                  (3)
où Pt : désigne le cours en logarithme, (α, β, δ) : le vecteur cointégrant et zt : le terme d’erreur
de la relation d’équilibre.
         Sous l’hypothèse d’absence de coûts de transaction, la dynamique d’ajustement du
cours boursier est supposée être linéaire et continue et elle peut être caractérisée par un
processus linéaire de type :
                p1               p2
∆ Pt = φ 0 + ∑ φ 1 i ∆ Pt − i + ∑ φ 2 j ∆ Pt − j         + λ z t −1 + ε t
                                                   USA
                                                                                                (4)
                i =1             j =1

                                                                                                 11
où Pt : désigne le cours en logarithme, PtUSA : le cours boursier américain et λ : la force de
rappel.
        Or, les coûts de transaction caractérisent la plupart des places boursières et leur
présence risque de dissuader l’arbitrage et induire de la persistance et des discontinuités
dans les cours. Afin de reproduire l’ajustement des cours en présence de ces frictions, nous
proposons, à l’instar de Michael et al.(1997), d’introduire la non-linéarité dans le processus
d’ajustement développant ainsi les modèles ESTECM.

          Un processus ESTECM s’écrit ainsi :

                p1               p2
∆ Pt = φ 0 + ∑ φ1i ∆ Pt − i + ∑ φ 2 j ∆ Pt − j USA + λ 1 z t − 1 +
               i =1              j=1
                                                                                                              (5)
             p1                p2
                                                                     [
                                                                                {                  }]
+  φ ' 0 + ∑ φ '1i ∆ Pt − i + ∑ φ ' 2 j ∆ Pt − j USA + λ 2 z t − 1  × 1 − exp − γ (z t − d − c )2 + ε t
            i =1               j =1                                  

où Pt désigne le cours boursier et PUSAt-j est le cours retardé de l’indice américain, ∀ j = 1, 2, …,
p2. F(.) désigne la fonction de transition. zt-d est la variable de transition, λ1 et λ2 sont
respectivement les forces de rappel dans le 1er et le 2ème régime, φ kij et φ' kij sont respectivement les

paramètres AR dans le premier et le second régime (k = 1, 2) et ε t → N (0, σε2).

          Un ESTECM9 est un processus d’ajustement et de correction d’erreurs non-linéaire. Il
peut être décrit comme une combinaison de deux MCE linéaires. Il identifie deux régimes
distincts et définit une dynamique d’ajustement différente pour chaque régime. Les paramètres
majeurs du modèle ESTECM, λ1 et λ2, mesurent respectivement la force d’ajustement dans le
premier et le second régime. La transition entre les deux régimes est supposée être lisse et
menée par une fonction de transition de type exponentielle.

          Ce type de modélisation permet, entre autres, d’étudier la dynamique d’ajustement des
cours boursiers par rapport à l’équilibre dans un cadre non-linéaire et en présence des frictions
du marché. Cette non-linéarité permet de reproduire l’asymétrie et la persistance associées à
l’ajustement des cours boursiers. En particulier, un ESTECM permet de caractériser la
dynamique d’ajustement des cours en fonction de l’ampleur de leurs déviations. Ainsi, plus
l’ampleur des déviations des cours est importante, plus le degré de correction d’erreurs est
rapide et l’ajustement est actif. Par contre, plus le déséquilibre est faible, plus l’ajustement et
l’arbitrage sont quasi-absents (i.e. effet taille).

9
 Pour les indices allemand et français, nous introduisons dans le modèle ESTECM, outre les variations
du Dow Jones, respectivement les variations passées du CAC40 et du DAX30 comme variables
explicatives pour reproduire les effets de contagion mutuels entre les deux bourses.

                                                                                                              12
Formellement, le comportement non-linéaire caractérisant l’ajustement des cours est
donné par les valeurs de λ1 et λ2. L’ajustement est d’autant plus fort que le déséquilibre est
important. Mais, certaines conditions doivent être remplies pour valider un processus
d’ajustement non-linéaire. D’abord, les relations λ2 < 0 et (λ1 + λ2) < 0 doivent être respectées,
même si l’on envisage que λ1 ≥ 0, pour que le processus d’ajustement soit stable. C’est-à-dire
que la rentabilité pourrait avoir une racine unitaire (λ1 =1) ou même un comportement explosif
dans le premier régime, et ce pour des petites déviations (λ1 >1). Toutefois, pour des écarts
importants, le processus d’ajustement sera actif, dans le second régime, assurant ainsi le retour
du cours à l’équilibre. Ensuite, la force de rappel du MCE linéaire (équation (4)) doit appartenir
à l’intervalle [λ1 + λ2, λ1]. Puis, la vitesse de transition entre les deux régimes (γ) doit être
statistiquement significative. Enfin, le seuil estimé c doit être significativement différent de zéro
et doit appartenir à l’intervalle [min zt, max zt].

        Sous ces conditions, un processus ESTECM peut être validé pour reproduire un
ajustement non-linéaire avec retour à la moyenne dont la vitesse d’ajustement est d’autant plus
élevée que le cours est mésaligné.

3-2 Méthodologie d’un ESTECM10

        La spécification du modèle ESTCEM est définie en deux étapes : i) spécification du
modèle ECM linéaire et ii) tests d’ajustement linéaire pour toutes les valeurs possibles de d11.
Tandis que, l’estimation est faite par la méthode de moindres carrés non-linéaires (MCNL). La
différence par rapport à un modèle STAR se situe au niveau du choix de la variable de
transition. Cette dernière peut être une variable endogène retardée dans le modèle STAR, alors
qu’elle est définie par le terme à correction d’erreur pour un ESTECM, soit : zt-d ou ∆ zt-d selon
le fait que les résidus soient stationnaires ou non.

IV. Résultats empiriques

4.1. Présentation des données et tests préliminaires

        Notre étude empirique est basée sur quatre indices boursiers : Dow Jones, CAC40,
DAX30 et Nikkei 225. Le choix de ces indices permettrait de vérifier l’hypothèse de contagion
entre les principales places boursières. Les séries sont des cours de clôture et elles ont été

10
   La méthodologie d’un ESTECM est présentée brièvement, voir Van Dijk et al.(2002) pour plus de
détails.
11
   Nous avons retenu une fonction de transition de type exponentielle afin de caractériser l'ajustement du
cours en fonction de l'ampleur des écarts du cours par rapport à l'équilibre.

                                                                                                       13
obtenues à partir de la base de données DATASTREAM. La fréquence des données est
journalière et le nombre d’observations (4995 observations) est largement suffisant pour mener
les tests d’ajustement linéaire. La période d’étude (01/01/1988 – 22/02/2007) est de retenue de
manière à écarter le crash boursier de 1987, afin d’éviter les fortes ruptures induites par ce
crash.

         Afin d’illustrer plus explicitement la dynamique d’ajustement des cours, en tenant
compte de leur éventuelle interdépendance, nous avons, d’abord, reporté les quatre indices sur le
même graphique (graphique 1). L’inspection de ce graphique montre une fortes dépendance des
bourses étudiées notamment vers la fin de la période d’étude.

          Graphique 1 : Représentation graphique des cours boursiers en logarithme

            1 1

            1 0

              9

              8

              7

              6
                  8 8    9 0     9 2    9 4    9 6       9 8   0 0       0 2     0 4   0 6

                                          L N IK K E I              L D A X
                                          L D JO                    L C A C

         L’application des tests de racine unitaire de Dickey-Fuller (ADF) et de Phillips-Perron
(PP) montre que les quatre indices sont intégrés d’ordre 1, I(1), indiquant que les séries de cours
ne sont pas stationnaires en niveau mais que les séries de rentabilités sont I(0).

         Le tableau 1 présente les statistiques descriptives des séries de rentabilités boursières.

                                Tableau 1 : Statistiques descriptives

           Série           Moyenne      Ecart-type       Skewness     Kurtosis     J-B
           CAC 40          0.0003       0.0126           0.1364       6.232        2189.36
           DAX 30          0.0004       0.0137           0.4212       9.178        8090.75
           NIKKEI 225      3.5 * 10-5   0.0136           - 0.1538     6.962        3286.01
           DOW JONES       0.0004       0.0108           0.3662       8.704        6876.25
         Au regard de ces statistiques, les rentabilités affichent des statistiques similaires et sont
caractérisées par un effet leptokurtique. Les hypothèses de symétrie et de normalité sont rejetées
pour les quatre indices étudiés. Le rejet de l’hypothèse de symétrie et de normalité peut être

                                                                                                      14
interprété comme un signe de non linéarité inhérente aux dynamiques boursières et aux
processus caractérisant l’ajustement des cours boursiers de ces indices.

        Puis, pour tester les hypothèses d’interdépendance entre les bourses et de cointégration
linéaire au sens d’Engle et Granger (1987), nous avons estimé, dans un premier temps, les
relations (1), (2) et (3). Les résultats obtenus sont reportés dans le tableau 2.

                          Tableau 2 : Estimation de la relation de long terme

                     Série            CAC40        DAX30        NIKKEI 225
                     α                1.46         -1.07        13.74
                                      (70.0)       (-45.8)      (286.0)
                     β                0.03         0.35         -0.46
                                      (4.2)        (55.6)       (-83.15)
                     δ                0.85         0.76         -
                                      (94.9)       (94.9)
                     R2               0.95         0.97         0.58

        Ces résultats suggèrent l’existence d’une dépendance forte à long terme des bourses
française, allemande et japonaise à celle de New York. Ils confirment également l’existence
d’un effet de contagion bilatéral entre les deux bourses européennes. Cela dit, nous avons testé,
dans un second temps, l’existence d’une relation de cointégration entre ces indices et le Dow
Jones. Pour ce faire, nous avons appliqué les tests de cointégration usuels (i.e. ADF). Les
résultats obtenus ont rejeté l’hypothèse de cointégration linéaire pour les trois indices étudiés.
Cela implique que ces indices ne sont pas linéairement cointégrés avec le Dow Jones.
        Or, puisque les tests de cointégration précédents sont basés sur des spécifications
linéaires, ils ne sont pas robustes à la non-linéarité. En outre, le possible comportement non-
linéaire des déviations des cours boursiers (zt), induit probablement par les frictions du marché,
pourrait expliquer le rejet de l’hypothèse de cointégration linéaire. Pour reproduire cette
éventuelle non-linéarité, nous avons étudié l’hypothèse d’ajustement non-linéaire, en mobilisant
la classe des modèles ESTECM. Or, comme la stationnarité est une condition indispensable
pour ces processus non-linéaires, nous avons retenu yt = ∆ zt-d comme variable de transition.

4.2. Modélisation ESTECM de l’ajustement des cours boursiers

        A l’instar de Van Dijk et al.(2002), nous avons spécifié et estimé, dans une première
étape, un MCE linéaire. Nous avons appliqué, dans une seconde étape, les tests d’ajustement
linéaire. Le modèle ESTECM a été estimé, dans une troisième étape, par la méthode de
moindres carrés non-linéaires.

                                                                                                15
a. Estimation des MCE linéaires

        Tout d’abord, les modèles linéaires ont été spécifiés, en retenant les retards qui
minimisent les critères d’information d’Akaike (AIC) et de Schwarz (SIC). Mais, ces retards
sont également retenus de manière à ce qu’ils blanchissent les erreurs (i.e. Les statistiques Q de
Ljung Box d’ordre 4 et 12) et qu’ils soient statistiquement significatifs (i.e. Le critère kmax).
Ensuite, ces modèles ont été estimés par la méthode de moindres carrés ordinaires (MCO). Les
résultats obtenus sont présentés dans le tableau 3.

                                  Tableau 3 : Estimation des MCE linéaires
                   Variable       CAC 40         DAX 30          NIKKEI 225
                   constante      0.00001             - 0.00002       - 0.00026
                                  (0.92)         (-0.12)         (- 1.44)
                     ∆PJt-1       -              -                    - 0.055*
                                                                 (-3.9)
                     ∆PJt-2       -              -               -0.043*
                                                                 (-3.21)
                    ∆PUSAt        0.153*         0.211*          0.165*
                                  (11.45)        (14.7)          (8.32)
                   ∆PUSAt-1       0.11*          0.168*          0.397*
                                  (7.98)         (11.16)         (20.1)
                   ∆PUSAt-2       -              0.01            0.054*
                                                 (0.96)          (2.74)
                   ∆PUSAt-3                      0.052*          -
                                                 (4.03)
                   ∆PUSAt-4                      0.046*          -
                                                 (3.6)
                     ∆PGt         0.625*         -               -
                                  (63.5)
                    ∆PGt-1        0.105*         -0.186*         -
                                  (8.02)         (- 13.32)
                     ∆PFt         -              0.72*           -
                                                 (63.7)
                     ∆PFt-1       -0.132*        0.132*          -
                                  (- 9.48)       (8.8)
                      zt-1        -0.003*        -0.039*         -0.001*
                                  (- 2.52)       (- 2.82)        (- 2.18)
                      R2          0.57           0.58            0.08
              Les chiffres entre parenthèses sont les t de Student des coefficients estimés.
                                    (*) : Significatif au seuil de 5%.

        Au regard de ces résultats, nous constatons, premièrement, que les retards retenus sont
relativement faibles, mais statistiquement significatifs, indiquant le rejet de l’hypothèse
d’indépendance des distributions des cours et montrant la présence d’effets de mémoire dans la
dynamique d’ajustement des cours boursiers. Les tendances passées apportent de l’information,
tandis que la constante est statistiquement non significative dans les trois cas, indiquant que les
déviations de cours n’exhibent pas de dérive. Deuxièmement, nous avons montré l’existence

                                                                                                16
d’une dépendance assez significative des bourses française, allemande et japonaise à la bourse
américaine. Cette dépendance est d’autant plus forte, significative et remarquable pour le
marché boursier allemand. En outre, un effet de contagion bilatéral très significatif caractérise
les deux bourses européennes.

           Troisièmement, la force de rappel est négative et statistiquement significative au seuil
de 5% pour les indices, indiquant l’existence d’un retour à l’équilibre et d’un phénomène de
« Mean Reversion ». Néanmoins, un MCE linéaire suppose l’absence de coûts de transaction et
stipule que le processus d’ajustement des cours boursiers est linéaire, continu, symétrique et à
vitesse constante et unique. Afin d’étendre ce type de modélisation, nous avons testé
l’hypothèse d’ajustement non-linéaire.

b. Tests d’ajustement non-linéaire

           L’objet de cette étape étant de détecter l’éventuelle non-linéarité inhérente à la
dynamique d’ajustement des cours boursiers. Ainsi, après avoir spécifié et estimé le modèle
linéaire, l’hypothèse d’ajustement linéaire a été testée contre son alternative d’ajustement non-
linéaire. A cette fin, nous avons appliqué des tests de multiplicateur de Lagrange (LM)
introduits par Saikkonen et Luukkonen (1988) et développés par Van Dijk et al.(2002), et retenu
∆ zt-d comme variable de transition . Les tests de linéarité (i.e. LM2 et LM4) ont été appliqués
pour plusieurs valeurs possibles du paramètre de délai d12. La valeur optimale étant celle qui
maximise la statistique LM ou minimise la probabilité associée à ce test. Les résultats obtenus
(les p-values de ces tests) sont présentés dans le tableau 4.
                             Tableau 4 : Résultats des tests d’ajustement linéaire
                 d               Tests LM        CAC 40          DAX 30           NIKKEI 225
                 d=1             LM2             0.04            0.09             0.00
                                 LM4             0.01            0.02             0.01
                 d=2             LM2             0.00            0.06             0.03
                                 LM4             0.00            0.01             0.12
                 d=3             LM2             0.02            0.00             0.01
                                 LM4             0.03            0.00             0.01
                 d=4             LM2             0.01            0.07             0.14
                                 LM4             0.03            0.05             0.02
                 d=5             LM2             0.02            0.03             0.09
                                 LM4             0.00            0.06             0.12

           Au total, la linéarité a été rejetée pour toutes les valeurs possibles de d pour les trois
indices, mais elle est plus fortement rejetée pour d = 2 pour le CAC40, d = 3 pour le DAX30 et
d = 1 pour le Nikkei 225 contre son alternative de dynamique non-linéaire de type ESTECM.
Or, comme les données sont journalières, elles peuvent être hétéroscédastiques et la présence

12
     Puisque les données sont journalières, nous avons appliqué ces tests pour 1 ≤ d ≤ 5 .

                                                                                                  17
d’un éventuel effet ARCH peut affecter la puissance des tests de linéarité et il n’est pas toujours
évident de vérifier si l’hypothèse de linéarité a été rejetée en raison d’une non-linéarité en
moyenne ou en variance. Pour pallier cette limite, nous avons appliqué des tests d’ajustement
linéaire robustes à l’hétéroscédasticité. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 5.

                   Tableau 5 : Résultats des tests de linéarité robustes à l’hétéroscédasticité
               d             Tests LM       CAC 40          DAX 30         NIKKEI 225
               d=1           LM2            0.08            0.16           0.63
                             LM4            0.05            0.32           0.14
               d=2           LM2            0.01            0.10           0.34
                             LM4            0.03            0.03           0.22
               d=3           LM2            0.06            0.06           0.09
                             LM4            0.03            0.04           0.06
               d=4           LM2            0.12            0.03           0.44
                             LM4            0.09            0.02           0.25
               d=5           LM2            0.11            0.13           0.59
                             LM4            0.13            0.09           0.72

          L’hypothèse nulle de linéarité est toujours rejetée pour les trois indices, indiquant qu’a
priori la dynamique d’ajustement de ces indices est plutôt non-linéaire et asymétrique. Les
valeurs optimales du paramètre de délai pour l’indice boursier français, allemand et japonais
sont respectivement d = 2, d = 4 et d = 3. Nous retenons, dans ce qui suit, les résultats de ces
tests puisqu’ils sont plus puissants. La dernière étape consiste à estimer pour le CAC40, le
DAX30 et le Nikkei 225 respectivement un ESTECM (1, 2), un ESTECM (1, 4) et un ESTECM
(2, 3).

c. Estimation des ESTECM

          L’estimation d’un ESTECM est faite par la méthode de MCNL, qui est équivalente à la
méthode de quasi-maximum de vraisemblance. Selon Van Dijk et al.(2002), cette méthode
consiste à résoudre un programme d’optimisation non-linéaire. Pour lancer ce programme, il
convient d’initialiser les paramètres du modèle non-linéaire. Pour ce faire, nous avons, d’abord,
retenu les résultats du modèle linéaire comme des valeurs initiales des paramètres autorégressifs
du modèle non-linéaire. Or, l’éventuelle corrélation négative entre γ et les paramètres
autorégressifs dans le second régime peut empêcher l’algorithme de converger vers un
maximum stable. Pour remédier à cette lacune, nous avons proposé, à l’instar de Teräsvirta
(1994), de bien spécifier la technique d’estimation. Ainsi, nous avons initialisé les paramètres γ
et c. Ensuite, pour assurer la convergence de l’algorithme, nous avons standardisé γ en divisant
ce paramètre de lissage par la variance de la variable de transition. Puis, nous avons estimé les

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