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http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON 1 ANNÉE 2022 N°148 UTILISATION DES REMÈDES DE GRAND-MÈRE PAR LES PATIENTS CONSULTANT EN MÉDECINE GÉNÉRALE : UNE ÉTUDE TRANSVERSALE THÈSE D’EXERCICE EN MÉDECINE Présentée à l’Université Claude Bernard Lyon 1 Et soutenue publiquement le 30 juin 2022 En vue d’obtenir le titre de Docteur en Médecine Par MOREL Marie Née le 11 mars 1992 à Paris Sous la direction du Docteur Hubert MAISONNEUVE MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
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Le Serment d’Hippocrate Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’exercice de la Médecine. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination. J’interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance. Je donnerai mes soins à l’indigent et n’exigerai pas un salaire au-dessus de mon travail. Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort. Je préserverai l’indépendance nécessaire et je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission. Que les Hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couverte d’opprobre et méprisée si j’y manque. 7 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
REMERCIEMENTS Aux membres du jury A Monsieur le Professeur Yves Zerbib : vous me faites l’honneur de présider ce jury et vous en remercie très sincèrement. A Monsieur le Professeur François Gueyffier : je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à mon travail et le temps que vous prenez pour l’évaluer en participant à ce jury. A Monsieur Thierry Farge : je vous remercie d’avoir accepté de participer à ce jury. Je garde de très bons souvenirs des cours que vous avez dispensés et auxquels j’ai pu assister durant mon internat. A mon directeur de thèse A Monsieur le Docteur Hubert Maisonneuve : merci. Ce travail de thèse m’a beaucoup appris et m’a fait entrevoir un champ des possibles épanouissant. Merci pour ta disponibilité, ta bienveillance, ta patience (je comprends vite, mais ‘faut m’expliquer longtemps) et ton accueil. Merci aussi pour les discussions hors thèse – toujours appréciables ! A tous ceux qui ont aidé à la réalisation de ce travail A Mohamed Amir Moussa : merci pour ta disponibilité ta gentillesse, ta rapidité et ton efficacité. Au Docteur Paul Sebo : merci pour votre travail, vos précieuses explications et votre bienveillance. Aux Docteurs Camille Rohan, Juliette Vaschalde et Néria Wincler : pour vos explications, conseils et gentillesse. Merci à tous les médecins ayant accepté de participer à cette étude et qui m’ont accueillie chaleureusement. Merci à tous les patients ayant accepté de répondre à notre questionnaire et sans qui ce travail n’aurait pas été possible. 8 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Matthias : Aaah les crêpes au nutella (et au nocciolata maintenant)… Que ne ferait-on pas pour en avoir tous les matins du reste de notre vie ? Cela va sans dire, mais je le dis quand même : MERCI. Pour ton soutien à ta façon et sans défaillance. Pour ces belles années passées et celles à venir. Merci pour tout ce qui, grâce à toi, me rend meilleure. Merci pour la personne que tu es, tout simplement. Nous avons encore plein de chansons à (ré)écrire. Téthys : Cette thèse, nous l’avons véritablement faite ensemble. Le recueil de données d’abord, au chaud. Merci de t’être si bien accrochée pour les 2557 km de voiture parcourus pour l’occasion. Et l’écriture, en ta compagnie, en vrai. Te voir grandir me remplit de joie et d’amour. Quelle merveille de petit rond tu es ! PS : ne t’inquiète pas pour les fautes dans la thèse, je dirai que c’est moi. Maman : J’admire ta force et ta vaillance, tu es un modèle de courage pour moi. Merci pour ta pensée différente et ta générosité et pour tout ce que tu nous as permis d’accomplir. Matthieu : mon frère, quel beau parcours – surtout après le bac ;). Je suis heureuse de te voir heureux. Mes grands-parents : merci pour votre amour, vos bons soins, votre affection, les discussions… et tous les bons souvenirs que je garde précieusement. Thierry : merci d’être avec nous. Et je ne dis pas ça seulement parce que tu redonnes du goût aux légumes ! La famille de Matthias : merci pour votre accueil et votre générosité sans cesse renouvelés. Je savoure chacun des moments passés ensemble et me réjouis de ceux à venir ! Yoyo, Gérard Majax (peut-on vraiment continuer à l’utiliser à présent ? Quel gâcheur !) : mon ami de toujours. Merci pour toutes ces rigolades, ces discussions et ces découvertes dont les Inconnus qui s’immiscent encore et toujours un peu partout, Terminator 2 planqués derrière le canapé, l’escalade et les madeleines presque proustiennes. Amélie : merci pour ton amour des chats (nous différons sur la question du chat sans poil cependant), ton humour et ton intelligence. Margaux : merci pour ton amitié, ta fantaisie, les chansons que j’ai découvertes grâce à toi. On aurait pu percer dans l’art de la customisation de photos d’acteurs je pense. Claire Levieil : quelle idée de partir sous des cieux plus ensoleillés et plus maritimes (je devrais dire océaniques…) ! Malgré toutes ces très très nombreuses et longues années sans se voir (j’en rajoute un peu ;)), je sais que quand nous nous revoyons c’est comme si l’on ne s’était jamais quittées. Tu es précieuse pour la classe comme disait Mme C. Yann : j’espère qu’on pourra bien vite refaire du tennis-crêpes, car c’est un sport qui gagne à être connu. Ce sera l’occasion pour toi de nous faire une soupe et un cocktail au vermouth. Claire Le Thai : merci pour ton entrain et ta bonne humeur. Nos rires étouffés résonnent encore dans la BU de KB j’en suis sûre ! Ta bonne mémoire des noms et des lieux nous a 9 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
souvent sorti du pétrin (non). Tu es un véritable modèle de gaieté. Glace deux boules conclura mon propos. Les coupains : Alice P, Alice R (blagues à l’infini !), Armand, Arthur, Audrey B, Audrey F, Driss, Jérôme, Jessica ; Quentin C, Quentin M, Louise, Lucie merci pour les contre-thèmes qui ont rendu ces soirées inoubliables, et les pauses BU, gros bol d’air. Elisabeth Robin : merci pour toutes ces choses que nous avons partagées et qui s’ajoutent à celles que nous partageons encore malgré la distance. Merci pour tes précieux conseils puériculture. Vous êtes bien urbaine et angulaire très chère. Marie Pérez : l’incroyable hasard de l’univers pour nos similitudes. Tu enrichis ma vie et mon esprit (ça fait gourou non ?) par ton soutien, ta clairvoyance, ta culture et ton intelligence (au moins tout ça). Sophie Fruit : écrire que nous sommes les deux faces d’une même pièce serait clairement plagier tes propres écrits, mais ça n’illustrerait que mieux mon propos n’est-ce pas ? Merci pour ta présence, ta bienveillance et l’intérêt inlassable que tu portes à ma vie avec curiosité et intelligence. Et évidemment, merci pour ta précieuse et enthousiaste relecture ! PS : pense à moi pour un des tes nombreux tapis rouges à venir. Merci à Camille G, Malix, Roxane et tous mes cointernes qui ont rendu la charge de travail plus légère. Partager nos connaissances, nos galères et nos joies ont façonné mon internat et l’ont rendu vivant. A mes maîtres de « stage prat niveau 1 » : Juliette : merci pour ta gentillesse et ton humour et tout le reste. J’ai découvert que la vie pouvait être douce en pratiquant la médecine générale. We are the champions du rafting et de l’escalade. Olivier : merci pour les pique-niques en bateau sur le lac Léman, les discussions, les blagues, la musique (je compte Sébastien Patoche dedans), le teckel à poils durs, et toutes ces choses que j’oublie de citer. Rémi : grâce à toi, j’ai découvert que la médecine que je voulais pratiquer était possible. Merci pour les délicieux repas aussi, même si je me demande toujours quel goût une meringue à la crème peut avoir… A mes maîtres de « stage prat niveau 2 » : Benoît : merci d’avoir apporté de véritables éléments de réponse à mes questionnements et de m’avoir donné des outils pour le futur aussi bien médical que non médical. Être ton interne a été d’une grande richesse pour moi. Anaïs et Caroline : merci pour votre investissement dans ma formation, vos retours si complets et si formateurs (et le chocolat du midi !), j’ai beaucoup appris avec vous. Noélie : merci pour l’ouverture à la simplicité avec laquelle j’avais (et ai toujours) du mal. Merci à mon corps d’avoir tenu jusque-là. A mon père qui n’est probablement pas étranger à ce que je suis devenue. 10 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
LISTE DES ABRÉVIATIONS : OMS : Organisation Mondiale de la Santé RGM : remède de grand-mère RGPD : Règlement Général sur la Protection des Données 11 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
TABLE DES MATIERES LISTE DES ABRÉVIATIONS ......................................................................................................... 11 INTRODUCTION ........................................................................................................................ 14 MATÉRIEL ET MÉTHODES ......................................................................................................... 15 A. Type d’étude.................................................................................................................. 15 B. Contexte général de recherche ..................................................................................... 15 1. Définitions .............................................................................................................. 15 2. Projet de recherche sur les RGM ........................................................................... 15 C. Outil de recueil de données .......................................................................................... 16 1. Questionnaire ........................................................................................................ 16 2. Variables étudiées et associations recherchées .................................................... 16 D. Participants et recrutement ...................................................................................... 17 E. Recueil des données ...................................................................................................... 17 F. Analyses des données ................................................................................................... 17 G. Considérations éthiques et réglementaires. ............................................................. 18 RÉSULTATS................................................................................................................................ 18 A. Recrutement des participants et taille de l’échantillon ................................................ 18 B. Caractéristiques socio-démographiques des participants ............................................ 19 C. Étude de la variable « utilisation des remèdes de grand-mère » ................................. 21 1. Description de la variable « utilisation des remèdes de grand-mère » ................. 21 2. Associations entre les caractéristiques socio-démographiques et l’utilisation des remèdes de grand-mère................................................................................................... 22 D. Étude de la variable « rôle du médecin généraliste » ............................................... 23 1. Description de la variable « rôle du médecin généraliste » .................................. 23 2. Associations significatives entre les caractéristiques socio-démographiques et la variable « rôle du médecin généraliste » ......................................................................... 24 DISCUSSION .............................................................................................................................. 25 A. Résumé des principaux résultats .................................................................................. 25 B. Comparaison avec la littérature .................................................................................... 25 C. Forces et faiblesses de l’étude ...................................................................................... 29 D. Implications pour la pratique et pour la recherche ................................................... 30 12 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
CONCLUSION ............................................................................................................................ 31 BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 32 ANNEXE .................................................................................................................................... 34 13 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
INTRODUCTION L’utilisation de traitements non pharmacologiques tels que les remèdes de grand-mère (RGM) est omniprésente dans les médias et dans la littérature non scientifique (1). Nombreux sont les magazines, émissions télévisées ou radiophoniques et sites internet proposant divers remèdes de grand-mère pour se soigner tels que l’ingestion de miel pour apaiser les maux de gorge ou de tisanes pour faciliter l’endormissement. Dans son rapport sur la « stratégie pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023 » (2), l’organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que la médecine traditionnelle et la médecine complémentaire (ou alternative) « sont utilisé[e]s partout dans le monde » et qu’elles « [sont] en phase d’expansion ». Elle y définit la médecine traditionnelle comme la « somme de toutes les connaissances, compétences et pratiques reposant sur les théories, croyances et expériences propres à différentes cultures, qu’elles soient explicables ou non, et qui sont utilisées dans la préservation de la santé », et la médecine complémentaire (ou alternative) comme « un vaste ensemble de pratiques de santé qui ne font pas partie de la tradition ni de la médecine conventionnelle du pays et ne sont pas pleinement intégrées à son système de santé prédominant ». Bien que non cités spécifiquement, les RGM peuvent s’intégrer dans cette dernière définition. En Europe occidentale, la population générale a fréquemment recours à des traitements non pharmacologiques (3, 4, 5). Des sondages d’opinion retrouvaient que 50 % des Allemands utilisaient des RGM et 71 % des Français avaient déjà eu recours à des médecines alternatives (3, 4, 5). Mais, malgré un profond ancrage des RGM dans le quotidien de beaucoup de patients (1, 6-10), peu d’études ont exploré leur utilisation en Europe occidentale (1, 6, 10). Parce que les RGM sont utilisés pour soigner des maux courants (1, 5) et que ceux-ci représentent une part conséquente des motifs de consultation en médecine générale (11), il semble important d’explorer plus avant l’utilisation des RGM par les patients consultant en médecine générale. D’une part, les traitements pharmacologiques représentent un coût économique, écologique et sociétal non négligeable (12). Considérant l’efficacité perçue par les patients des RGM (1, 12), les traitements non pharmacologiques tels que les RGM apparaissent comme une alternative permettant de satisfaire le souhait des patients de plus d’autonomie et de contrôle concernant leur santé (1, 14, 15) tout en limitant le recours aux traitements pharmacologiques. Le médecin généraliste pourrait être un interlocuteur de choix dans ce processus alors que le sujet des RGM n’est que rarement abordé en consultation (1, 13, 16). Par ailleurs, les études quantitatives révèlent que la majorité des patients interrogés aimeraient en discuter avec leur médecin généraliste (1, 4, 10, 17). D’autre part, les RGM peuvent avoir des effets nocifs sur la santé, par exemple l’application de dentifrice ou de beurre sur une brûlure (18, 19, 20). 14 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
De ce fait, la communication entre les patients et les médecins généralistes sur ce sujet semble primordiale. Au vu de ces observations, il nous paraissait pertinent d’explorer aussi bien la prévalence de l’utilisation des RGM par des patients de médecine générale que la démarche de leur utilisation ou le rôle que les patients attendent de leur médecin vis à vis de l’utilisation des RGM. MATÉRIEL ET MÉTHODES A. Type d’étude Nous avons entrepris une étude observationnelle descriptive transversale quantitative entre mars 2020 et juillet 2021 dans cinquante cabinets de médecine générale situés dans le canton de Genève en Suisse romande et plusieurs départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes : Ardèche, Isère, Loire, Rhône, Savoie et Haute-Savoie. Cette étude s’inscrit dans un projet global d’études qualitatives et quantitatives d’exploration de l’utilisation de RGM par les patients en médecine générale B. Contexte général de recherche 1. Définitions Il n’existe pas de définition consensuelle établie des RGM dans la littérature. Afin d’en minimiser les variations d’interprétation, notre équipe de chercheurs a élaboré une définition des RGM à partir des données disponibles dans la littérature. Les remèdes de grand-mère se définissent dans notre étude par : toute substance thérapeutique qui (i) n’a pas été vendue comme médicament ou comme produit agissant sur la santé ou dans l’intention de soigner, et (ii) ne nécessitant pas l’aide d’un thérapeute. Sont donc exclus les médicaments en vente libre, les compléments nutritionnels, la kinésithérapie, l’ostéopathie, l’homéopathie, les traitements à base de plantes, la naturopathie, la phytothérapie, l’hypnothérapie et de manière plus générale, toute pratique exécutée par un professionnel ayant suivi une formation certifiante. Nous pouvons citer par exemple l’application de clou de girofle pour apaiser une dent douloureuse, l’ingestion de café en cas de céphalées ou la disposition d’un savon de Marseille dans le lit pour se prémunir de crampes musculaires. Les magnétiseurs et les coupeurs de feu étaient intégrés aux RGM s’ils exerçaient gratuitement et s’ils ne se considéraient pas eux-mêmes comme thérapeutes ni n’étaient reconnus comme tels. 2. Projet de recherche sur les RGM Considérant le peu de données de la littérature sur les RGM, le groupe de recherche de l’Institut universitaire de recherche de médecine de famille et de l’enfance de la faculté de 15 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
médecine de Genève a entrepris un programme de recherche autour de ce sujet en médecine générale. Des études qualitatives et quantitatives ont été effectuées afin de renseigner sur la pratique des RGM par les patients consultant en médecine générale et d’en comprendre les répercussions sur la démarche de soin et sur la relation médecin-patient. Une première phase quantitative de ce programme a permis de recenser les RGM utilisés par les patients consultant en médecine générale (21). Des études qualitatives ont exploré dans un deuxième temps les croyances des patients et des médecins généralistes vis à vis des RGM (14, 15, 22). C. Outil de recueil de données 1. Questionnaire Il n’existe pas de questionnaire valide disponible dans la littérature pour explorer l’utilisation des RGM par les patients consultant en médecine générale (1). Nous avons donc créé un questionnaire sur la base des axes mis en évidence à la suite des études menées au cours du programme de recherche sur les RGM. Il a été élaboré à l’aide de questionnaires spécifiques adaptés validés tels que le « SF-12 short form survey » portant sur la perception des patients de leur santé et de leur bien-être (23). Notre groupe d’analyse et de validation composé de plusieurs médecins en a fait la révision. Le questionnaire est consultable en annexe. 2. Variables étudiées et associations recherchées Le questionnaire se décline en trois parties précédées d’une question permettant d’établir la prévalence d’utilisation des RGM chez les participants. Dans les études disponibles dans la littérature, le genre féminin était associé à un recours plus fréquent aux RGM (1, 16). Le niveau d’étude et l’âge semblaient également être des paramètres pouvant influer sur cette pratique (8, 16). Par ailleurs, l’étude préliminaire menée en Suisse suggérait que les patients vivant en milieu urbain et qui avaient fait des études supérieures estimaient plus fréquemment que le rôle du médecin généraliste était de les informer sur les RGM (16). Afin de peindre un portrait plus précis des utilisateurs de RGM, la première partie de notre questionnaire explore les caractéristiques socio-démographiques des participants telles que le genre, l’âge, le milieu de vie urbain ou rural, le statut marital, la profession, le niveau d’étude et le ressenti vis-à-vis de leur santé. Les études qualitatives menées précédemment dans notre programme de recherche auprès des patients et des médecins généralistes ont permis d’étayer leurs représentations concernant les RGM. Celles-ci suggéraient que le médecin généraliste pouvait jouer un rôle dans la transmission des RGM auprès des patients (14, 15). 16 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
La deuxième partie de notre questionnaire explore l’opinion des patients quant à la place des RGM dans la relation avec leur médecin généraliste et les invite à nous renseigner sur leurs motifs d’utilisation des RGM. La troisième partie du questionnaire est une liste de RGM basée sur l’étude quantitative explorant les différents RGM utilisés par les patients. Cette partie propose aux patients de nous renseigner sur les RGM utilisés, leur fréquence d’utilisation, et leur estimation quant à l’efficacité du RGM utilisé. D. Participants et recrutement Les médecins généralistes ont été tirés au sort dans des listes créées à partir d’annuaires officiels recensant les professionnels de santé, leur lieu et leur mode d’exercice (13, 16, 24). Le tirage au sort a été mené afin de respecter au maximum la représentativité de la population médicale française et suisse selon le genre, le mode d’exercice en cabinet individuel ou de groupe, l’exercice urbain ou rural et leur département d’exercice. Les médecins tirés au sort ont été joints soit par mail soit par téléphone. En l’absence de réponse après plusieurs relances (3 en moyenne), un autre médecin généraliste était tiré au sort. Lorsqu’un médecin généraliste acceptait de participer à l’étude, un rendez-vous était fixé pour le recueil des données selon les disponibilités du médecin concerné. Nous avons inclus tous les patients présents en salle d’attente du cabinet, consultant en médecine générale, majeurs (âgés de dix-huit ans ou plus). Ceux qui n’étaient pas en mesure de comprendre les questions et explications données par oral ou écrit en langue française étaient exclus. E. Recueil des données Le recrutement des patients et le recueil de données s’est fait dans les salles d’attente des médecins généralistes. L’investigateur était présent au cabinet du médecin généraliste. Au fur et à mesure de l’arrivée des patients en salle d’attente, l’investigateur présentait l’étude et leur proposait de répondre au questionnaire. L’investigateur assistait les participants dans le remplissage du questionnaire si nécessaire. Une affiche à l’attention des patients en salle d’attente était parfois proposée. Si un patient n’avait pas le temps de finir de remplir le questionnaire avant sa consultation, il pouvait le terminer après avoir vu le médecin généraliste. Les patients devaient signer un formulaire d’information et de non-opposition avant de remplir le questionnaire. F. Analyses des données La base de données a été constituée en saisissant les questionnaires papier à partir d’un masque réalisé sur la plateforme informatique Qualtrics®. Cette plateforme permet le stockage sécurisé des données et leur transfert vers des logiciels d’analyses. L’analyse des résultats a été faite avec le logiciel Stata version 15. La prévalence de l’utilisation des RGM a été calculée en faisant le ratio utilisation/non- utilisation des RGM. 17 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Les proportions ont été rapportées avec leur intervalle de confiance à 95%. L’association entre les données socio-démographiques et l’utilisation des RGM et/ou le rôle du MT a été explorée en utilisant une régression logistique univariée. Nous avons sélectionné les variables significativement associées en univarié pour créer un modèle de régression logistique multivariée, en ajustant au clustering sur la base de 50 cabinets. La puissance statistique pour l’étude a été calculée sur la base d’une prévalence d’utilisation des RGM de 75% (1). L’intervalle de confiance choisi était de quatre-vingt-quinze pourcents (95%). Le minimum de patients requis calculé était de 288 pour chaque étude. Afin d’anticiper les données manquantes et les fluctuations de recrutement, une marge de 10% a été ajoutée, résultant un minimum de 320 participants pour chaque étude. G. Considérations éthiques et réglementaires. Les études ont été élaborées en conformité avec les lois françaises et suisses sur la recherche et dans le respect de la protection des données personnelles selon la loi RGPD et loi informatique et libertés. L’étude menée en Suisse a été approuvée par la Commission Cantonale d’Ethique et de la Recherche (CCER). Les données recueillies ne portaient pas sur la santé des patients, mais sur leur perception d’éléments associés à cette santé. Dans le cadre de la loi française, il n’était donc pas strictement nécessaire de recourir à un avis de commission d’éthique. Néanmoins, afin de respecter les exigences éthiques liées à la recherche, la lecture et la signature d’un formulaire d’information et de non-opposition était demandé aux patients avant de remplir le questionnaire. Les patients n’étaient pas identifiables. Les données collectées étaient confidentialisées à la source. Un code était attribué aléatoirement pour chaque patient. Aucun tableau de correspondance n’a été créé permettant de faire le lien entre le code et le patient. Le formulaire de non-opposition ne comportait pas le code du patient et a été séparé du questionnaire afin de garantir l’anonymat. RÉSULTATS A. Recrutement des participants et taille de l’échantillon L’étude s’est déroulée dans la salle d’attente de 50 médecins généralistes. Nous avons contacté 168 cabinets de médecin généraliste (par téléphone et/ou e-mail) et 117 ont refusé de participer ou ont été exclus car injoignables (taux de participation : 30,4 %). Les motifs de refus évoqués étaient la pandémie de covid-19 et le manque d’intérêt pour l’étude. Parmi les 50 médecins ayant accepté l’étude, 21 travaillaient seuls, 29 travaillaient en groupe. Parmi les 1198 patients éligibles, 1038 ont accepté de répondre à notre questionnaire (taux de participation : 86,6 %). Les principaux motifs de refus évoqués par les 160 patients n’ayant pas souhaité participer étaient le manque d’intérêt pour l’étude, le manque de temps et le fait de s’occuper de son enfant. Les motifs d’exclusion étaient la barrière de la langue, les 18 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
troubles neurosensoriels tels que les troubles de l’audition ou de la vue et les troubles cognitifs. Finalement, 1012 questionnaires ont été analysés après exclusion de 26 questionnaires en raison de consentements invalides ou de données manquantes supérieures à 50 % du questionnaire. La figure 1 (flow chart) illustre le processus d’inclusion/exclusion de l’étude. Figure 1 : Diagramme d’inclusion des patients dans l’étude Cabinets médicaux contactés par téléphone +/- e-mail (n=168) Individuels (n=83) ; en groupe (n=85) Refus de participation ou exclus (n=117) - Fermés ou injoignables (n=62) - Pandémie de covid-19 (n=30) - Pas de motif, pas intéressé (n=20) - Retraité (n=8) - Pas de salle d’attente (n=1) Cabinets ayant accepté de participer (n=51) - Pas installé (n=1) Individuels (n=22) ; en groupe (n=29) ; taux d’acceptation 30,4 % 1 cabinet individuel exclu secondairement (conditions météorologiques défavorables) Sur les 50 cabinets participant : Refus de participation (n=160) nombre de patients interrogés (n=1198) - Pas intéressé (n=53) - Manque de temps (n=35) - S’occupe des enfants (n=11) - Asthénie (n=4) - Angoisse (n=2) - Défiance vis-à-vis des médecins (n=2) - Trop douloureux (n=1) Patients exclus (n=91) - Barrière de langue (n=51) - Trouble neurosensoriel (n=13) - Trouble cognitif (n=21) - Mineur (6) - Ne consulte pas de MG (n=4) Nombre de questionnaires recueillis (n=1038) - Illettrisme (n=2) Taux de participation 86,6 % Questionnaires non exploitables (n=26): formulaire de non opposition invalide Nombre de questionnaires analysés (n=1012) B. Caractéristiques socio-démographiques des participants Le tableau 1 présente les principales caractéristiques socio-démographiques des participants. La moyenne d’âge des participants était de 52,6 ans (min 18, max 95, écart-type 18,9). Parmi les patients interrogés, 61,2 % étaient des femmes, 59,5 % vivaient en milieu urbain, 58,6 % vivaient en couple, 40,5 % avaient des enfants, 35,1 % étaient titulaires d’un diplôme d’études supérieures (BAC+3 ou équivalent) et 32,1% étaient retraités. Les patients interrogés prenaient en moyenne 1,9 médicament (min 0, max 18, écart-type 2,7) et 83,7% des participants s’estimaient en excellente, très bonne ou bonne santé. Dans la population étudiée, 59 % des patients avaient consulté entre 2 et 5 fois leur médecin généraliste au cours des 12 derniers mois. 19 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Tableau 1 : Caractéristiques socio-démographiques des participants (N=1012) Nombre de participants (%) Caractéristiques (N=1012) [95%CI] Sexe (N=1007) Féminin 616 (61,2) [58,2-64,2] Masculin 391 (38,8) [35,8-41,8] Âge (N=1006) < 40 ans 295 (29,3) [26,5-32,1] 40 - 59 ans 314 (31,2) [28,4-34,1] ≥ 60 ans 397 (39,5) [36,4-42,5] Lieu de résidence (N=1012) Zone urbain 602 (59,5) [56,5-62,5] Zone rurale 410 (40,5) [37,5-43,5] Nationalité (N=1009) Française 690 (68,4) [65,5-71,2] Suisse 219 (21,7) [19,2-24,3] Autre1 100 (9,9) [8,1-11,8] Statut marital (N=1004) Marié ou en couple 588 (58,6) [55,5-61,6] Célibataire 217 (21,6) [19,1-24,2] Divorcé ou séparé 127 (12,6) [10,6-14,7] Veuf/veuve 72 (7,2) [5,6-8,8] Situation familiale (N=750) Sans enfant 446 (59,5) [56-63] Avec enfant(s) 304 (40,5) [37-44] Situation professionnelle (N=1009) Travailleur 493 (48,9) [45,8-51,9] Retraité 324 (32,1) [29,2-35] Autre² 192 (19) [16,6-21,5] Niveau scolaire atteint (N=1009) Etudes supérieures Bac + 3 ou équivalent 354 (35,1) [32,1-38] Autre3 655 (64,9) [62-67,9] Auto-évaluation de santé (N=1007) Excellente 72 (7,1) [5,6-8,7] Très bonne 247 (24,5) [21,9-27,2] Bonne 524 (52) [49-55,1] Moyenne ou mauvaise 164 (16,3) [14-18,6] Auto-évaluation de santé – 2 groupes (N=1007) Excellente ou très bonne ou bonne 843 (83,7) [81,4-86] Moyenne ou mauvaise 164 (16,3) [14-18,6] Nombre de médicaments quotidiens (N=995) 0 404 (40,6) [37,6-43,6] 1 200 (20,1) [17,6-22,6] ≥2 391 (39,3) [36,3-42,3] Nombre de consultations chez le médecin généraliste dans les 12 derniers mois (N=1010) 1 182 (18) [15,6-20,4] 2-5 596 (59) [56-62] ≥6 232 (23) [20,4-25,6] 1 Portugaise (15), Italienne (14), Espagnole (7), Anglais (3), Allemand (1), Autre (60) ²En formation ou étudiant 3 Baccalauréat, Bac professionnel, Brevet d’études professionnelles (BEP), Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), Brevet des collèges, Primaire ou sans diplôme 20 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
C. Étude de la variable « utilisation des remèdes de grand-mère » 1. Description de la variable « utilisation des remèdes de grand-mère » Parmi les participants, 66,6 % ont déclaré utiliser des RGM. Près de la moitié de ces patients (49,2%) avaient recours aux RGM dans un but préventif. Parmi les 44 % des patients qui utilisaient les RGM comme alternative à la médecine conventionnelle, 73,5 % y avaient recours pour limiter le nombre de traitements pharmacologiques, 44,9 % pour éviter des effets secondaires liés aux traitements pharmacologiques et 25,2 % en raison d’un manque de confiance dans les traitements pharmacologiques. Parmi les patients utilisant les RGM, 42,6 % y avaient recours pour se soigner seuls, et 41,6 % pour éviter ou retarder une consultation chez leur médecin généraliste. Parmi les patients interrogés, 33,4 % ont déclaré ne pas utiliser de RGM, 47,3 % de ceux-ci préféraient voir leur médecin généraliste, 40,8 % ne connaissaient pas de RGM et 17,8 % préféraient utiliser des traitements pharmacologiques. Le tableau 2 illustre ces résultats. Tableau 2 : Prévalence et motifs d’utilisation des RGM par les patients Nombre de participants Prévalence d'utilisation et perception des RGM par les patients (N=1012) (%) [95%CI] Utilisez-vous des remèdes de grand-mère (RGM) ? (N=1011) Oui 673 (66,6) [63,7-69,5] Non 338 (33,4) [30,5-36,3] Pour quelle(s) raison(s) utilisez-vous les RGM ? (N=669) Dans un but préventif, pour rester en bonne santé ou éviter de tomber malade 329 (49,2) [45,4-53] Parce que je peux me soigner seul ou guérir par moi-même 285 (42,6) [38,9-46,4] Comme alternative à la médecine conventionnelle 294 (44) [40,2-47,7] Pour limiter le nombre de traitement pharmacologique pris 216 (73,5) [68,4-78,5] Pour éviter des effets secondaires associés au(x) traitement(s) pharmacologique(s) 132 (44,9) [39,2-50,6] Parce que je me méfie des traitements pharmacologiques 74 (25,2) [20,2-30] Parce que je me méfie de la médecine conventionnelle 32 (10,9) [7,3-14,4] Parce qu’un traitement pharmacologique efficace n’existe pas 18 (6,1) [3,4-8,9] Pour éviter ou essayer de retarder une consultation chez le médecin 278 (41,6) [37,8-45,3] Afin d’agir en complément d’un traitement pharmacologique 142 (21,2) [18,1-24,3] Quand un traitement paraît trop cher pour mob problème de santé 29 (4,3) [2,8-5,9] Parce que je vis dans une zone où il m’est difficile de consulter un médecin 11 (1,6) [0,7-2,6] Parce que mon médecin ne m’a pas prescrit de traitement pharmacologique 11 (1,6) [0,7-2,6] En association avec un traitement pharmacologique car la dose maximale a été atteinte 10 (1,5) [0,6-2,4] Autres raisons 21 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Pour quelle(s) raison(s) n’utilisez-vous pas de RGM ? (N=338) Je préfère consulter mon médecin plutôt que de prendre des RGM 160 (47,3) [42-52,7] Je ne connais pas de RGM 138 (40,8) [35,6-46,1] J’ai facilement accès aux soins et n’ai pas besoin de prendre des RGM 105 (31,1) [26,1-36] Je préfère utiliser des traitements pharmacologiques que des RGM 60 (17,8) [13,7-21,8] Je crois que les RGM sont inefficaces 30 (8,9) [5,8-11,9] Je trouve les RGM trop chers 6 (1,8) [0,4-3,2] Mon médecin m’a déconseillé d’utiliser des RGM 3 (0,9) [0-1,9] Autres raisons 49 (14,5) [10,7-18,3] 2. Associations entre les caractéristiques socio-démographiques et l’utilisation des remèdes de grand-mère Le genre féminin était associé à une prévalence plus élevée d’utilisation des RGM (OR 1,8 ; p = 0), de même qu’une moyenne ou mauvaise santé ressentie (OR 1,48 ; p = 0,03) ou l’utilisation de moins de 2 médicaments quotidiens (OR 1,5 ; p = 0,02). Le tableau 3 illustre ces résultats. Tableau 3 : associations entre caractéristiques socio-démographiques et utilisation des RGM Analyse univariée Analyse multivariée Caractéristiques socio-démographiques OR OR ajusté p§ p§ (IC95%) (IC95%) Sexe < 10-3 < 10-3* Féminin 1,81 1,8 Masculin 1 1 Âge < 10-3 0,82* < 40 1,82 1,02 40 - 59 1,74 1,07 ≥ 60 1 1 Lieu de résidence 0,58 0,74* Zone urbaine 0,93 1 Zone rurale 1 1,05 Nationalité 0,21 0,71* Suisse 1 1 Français 1,31 1,28 Autre 1,19 1,09 Niveau d'étude maximal atteint 0,08 0,31** Université/Haute école/≥ Bac + 3 1,31 1,18 Autre 1 1 Activité professionnelle < 10-3 0,29* Retraité 1 1 En formation 1,67 1,37 Emploi 2,11 1,76 Autoévaluation de santé 0,02 0,01* Santé excellente ou très bonne 1 1,1 Santé bonne 0,71 1 Santé moyenne/mauvaise 0,77 1,5 Autoévaluation de santé 2 groupes 0,8 0,029** Santé excellente/TB/B 1 1 Santé moyenne/mauvaise 0,86 1,48 Nombre de traitement pharmacologique quotidien < 10-3 0,12** 0 ou 1 médicament 1,62 1,3 22 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
≥ 2 médicaments 1 1 Nombre de traitement pharmacologique quotidien < 10-3 0,02* 0 médicament 1,99 1,53 1 médicament 1,9 1,56 ≥ 2 médicaments 1 1 § Régression logistique, ajustée au clustering sur la base de 50 cabinets * variables d’ajustement : genre, âge, domicile, pays, formation, profession, auto-évaluation de santé, nombre de traitement pharmacologique quotidien et ajustement au clustering sur la base de 50 cabinets ** variables d’ajustement : genre, âge, domicile, pays, état civil, formation, profession, auto-évaluation de santé, nombre de traitement pharmacologique quotidien, et ajustement au clustering sur la base de 50 cabinets D. Étude de la variable « rôle du médecin généraliste » 1. Description de la variable « rôle du médecin généraliste » Deux tiers des patients utilisant les RGM estimaient que le rôle du médecin généraliste était de les informer sur cette pratique. Pami eux, 61,5 % pensaient que le médecin généraliste devait aborder cette thématique spontanément et 34 % estimaient qu’une sollicitation de leur part était nécessaire pour initier le sujet. Parmi l’ensemble des patients ayant déclaré utiliser les RGM, 41,2 % pensaient que le médecin généraliste devait les informer spontanément sur les RGM et 55,8 % pensaient que le médecin généraliste devait les informer sur les RGM uniquement suite à une sollicitation de leur part ou estimaient que cela n’était pas le rôle du médecin généraliste. Ces données concordent avec le fait que seuls 27,5% des patients avaient abordé le sujet des RGM avec leur médecin généraliste, spontanément pour plus de la moitié d’entre eux (61,5%). Parmi les patients interrogés, 72,5 % n’avaient pas abordé le sujet des RGM avec leur médecin généraliste. Les motifs principalement évoqués étaient parce qu’ils n’éprouvaient pas le besoin d’en parler (57,2%) et parce que leur médecin généraliste ne leur avait pas demandé (44,2%). Pour certains patients, le recours aux RGM était une pratique de soins personnelle (12,2%) ou qui n’appartenait pas au domaine médical (9,5%) et justifiait de ne pas en discuter avec le médecin généraliste. Le tableau 4 illustre nos résultats. Tableau 4 : description variable rôle GP Pensez-vous que le rôle du médecin généraliste soit de vous informer sur les Nombre de participants remèdes de grand-mère (RGM)? (N=667) (%) [95%CI] Oui 447 (67) [63,5-70,6] Spontanément, sans demande spécifique de ma part 275 (61,5) [57-66] Uniquement suite à une demande de ma part 152 (34) [29,6-38,4] Non 220 (33) [29,4-36,6] 23 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Nombre de participants Avez-vous parlé à votre médecin généraliste de votre utilisation des RGM ? (N=668) (%) [95%CI] Oui 184 (27,5) [24,2-30,9] J'ai abordé le sujet spontanément 150 (81,5) [75,9-87,1] Mon médecin a abordé le sujet spontanément 38 (20,7) [14,8-26,5] Autre 4 (2,2) [0,1-4,3] Non 484 (72,5) [69,1-75,8] Je n'éprouvais pas le besoin de lui en parler 277 (57,2) [52,8-61,6] Mon médecin ne m'a pas demandé 214 (44,2) [39,8-48,6] J'estime que c'est une pratique de soin personnelle 59 (12,2) [9,3-15,1] Cette pratique ne fait pas partie des soins médicaux 46 (9,5) [6,9-12,1] J'ai oublié de lui en parler 42 (8,7) [6,2-11,2] Je crains le jugement de mon médecin par rapport à cette pratique 18 (3,7) [2-5,4] Je crains d'être mal compris(e) par mon médecin 16 (3,3) [1,7-4,9] Mon médecin a abordé le sujet mais je ne souhaitais pas en parler avec lui/elle 1 (0,2) [0-0,6] Autre 21 (4,3) [2,5-6,2] 2. Associations significatives entre les caractéristiques socio-démographiques et la variable « rôle du médecin généraliste » Dans les analyses multivariées, aucune variable n’était associée au fait de penser que le rôle du médecin généraliste était de les informer sur les RGM. Tableau 5 illustre ces résultats. Tableau 5 : Associations entre caractéristiques socio-démographiques et l’opinion des participants quant au rôle du médecin généraliste dans l’information sur les RGM auprès des patients Analyse univariée Analyse multivariée Caractéristiques socio-démographiques OR OR ajusté p§ p§ (IC95%) (IC95%) Sexe 0,34 0,34* Féminin 1 1 Masculin 1,16 1,16 Âge
Veuf 0,33 0,81 Activité professionnelle
au questionnaire, craignant le jugement de l’investigateur ou que leurs réponses ne soient communiquées à leur médecin généraliste, malgré une mention contraire spécifique apportée par l’investigateur au moment de la présentation du questionnaire. Le taux de participation des patients au questionnaire suggère néanmoins une influence limitée sur nos résultats. Par contraste, dans l’étude de Segall sur l’automédication, seuls 41% des patients avaient répondu utiliser des RGM (7). Le questionnaire proposé aux patients ne portait pas spécifiquement sur ce thème ; une sous-estimation de l’utilisation par les patients y ayant répondu est possible. L’association entre le genre féminin et l’utilisation des RGM est également retrouvée dans les études de Parisius, Segall et Boyd (1, 7, 8). Dans les sociétés occidentales et non occidentales, les études et enquêtes, principalement sociologiques observent une association entre le genre féminin et la capacité à prendre soin. Judi Aubel, anthropologue, spécialiste en santé communautaire, en programmes d’éducation et en protection de l’enfance analysait que, dans l’ensemble des sociétés non occidentales telles qu’en Afrique, en Asie, ou en Amérique du sud, les grand-mères jouaient un rôle prépondérant dans les soins apportés aux femmes et aux enfants (26). Elle a ainsi créé le « Grandmother Project », un guide de promotion de la santé et des soins aux enfants impliquant les grand-mères (27). Une des études menées par Aubel révélait que, bien que les connaissances et pratiques des grand-mères en matière de soins étaient propres à leur culture, le rôle qu’elles jouaient dans leur famille était universel. Ces rôles allaient du conseil à la dispensation directe de soins aux femmes et aux enfants (26, 28). En France, les métiers du soin constituent un secteur d’activité qui compte une proportion de femmes très élevée : elles représentaient 76 % des professionnels de santé en 2003 (29). L’enquête annuelle de la DREES sur les écoles de formation aux professions de santé menée chaque année depuis 1980 constatait que 84 % des nouveaux entrants en formation étaient des femmes en 2017 (30). En 2021, on comptait plus de 85 % de femmes parmi les infirmiers, psychologues, orthophonistes, orthoptistes, diététiciens et ergothérapeutes (31). Dans la sphère privée, là encore les femmes sont au premier plan en ce qui concerne les soins. Francine Saillant analysait dans les années 1930-1960 au Québec que les soins domestiques étaient la principale source thérapeutique de premier recours et que ceux-ci étaient dispensés et transmis en majorité par les femmes (32). Dans l’enquête française « handicap, incapacité, dépendance » réalisée entre 1999 et 2001, 63% des aidants informels auprès des personnes handicapées étaient des femmes et 75 % quand la personne était un membre de leur famille (33). Concernant la transmission des pratiques de soins, les femmes jouent également un rôle important. Une étude de 2013 explorait la construction du savoir profane des jeunes parents en matière d’automédication de leurs enfants : dans tous les entretiens, les parents évoquaient agir avec les souvenirs des soins qu’ils avaient reçus de leur mère (34). La transmission des grand-mères aux femmes et hommes plus jeunes est également l’un des points centraux du « Grandmother Project » et des travaux de Judi Aubel. 26 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
Par ailleurs, concernant leur santé, une enquête de la DREES menée en 2008 révélait que les femmes y étaient plus attentives et qu’elles consultaient plus souvent leur médecin généraliste que les hommes (35). Ainsi, qu’il s’agisse de la sphère privée ou de la sphère professionnelle, le genre féminin semble toujours étroitement lié à la dispensation des soins dans la société. Les résultats de cette étude sont en accord avec cette tendance. L’enquête de 2008 menée par la DREES concernant le rapport des femmes et des hommes à la santé a également révélé que les femmes recouraient davantage aux pratiques de prévention que les hommes (35). Dans l’étude de Parisius, 50% des patients utilisaient les RGM pour se soigner seuls, 47% pour éviter de prendre un traitement pharmacologique, 42% en prévention (1). Nous retrouvons là encore, la prévention comme l’un des principaux motifs de recours aux RGM. Dans les études qualitatives d’Ujupi et Shabani et de Campois et Neyret, les mêmes motifs d’utilisation de recours aux RGM étaient évoqués par les patients interrogés (14, 15). Nous notons toutefois que dans l’étude de Parisius, 40% des patients utilisaient les RGM afin d’éviter les effets secondaires des traitements pharmacologiques. Dans notre étude, ils n’étaient que 20% à les utiliser pour cette raison. Cette différence pourrait s’expliquer par la forme de notre questionnaire proposant ce motif comme sous partie d’une question plus large et que les patients auraient pu omettre. Elle pourrait aussi s’expliquer par des différences culturelles entre notre population d’étude et celle de Parisius, ou encore de la construction des questionnaires. S’agissant de la perception du rôle du médecin généraliste dans l’information aux patients vis à vis des RGM, les données de notre étude semblent contraster avec la littérature. En effet, plusieurs études retrouvent que la majorité des patients aimeraient être informés sur l’utilisation des RGM (1, 3, 4), alors que nos résultats rapportent que seuls 41,2 % des patients pensent qu'il est du rôle du médecin généraliste de les informer spontanément sur les RGM et que plus de la moitié des patients estiment que le rôle du médecin généraliste est de les informer sur les RGM uniquement suite à une demande de leur part, ou pensent que ce n’est pas le rôle du médecin généraliste. En Allemagne, 74 % des patients déclaraient vouloir être informés sur les RGM par leur médecin généraliste (4). De même, dans les études qualitatives préliminaires menées auprès des patients français et suisses, le souhait d’un échange avec leur médecin généraliste sur les RGM était largement évoqué (14, 15). Ces études ont permis d’étayer les représentations des patients concernant les RGM. Les patients souhaitaient bénéficier d’une certaine autonomie et être davantage acteurs de leur santé. Ils étaient également curieux d’alternatives ou de compléments plus écologiques à la médecine occidentale traditionnelle. L’utilisation des RGM représentait pour certains l’occasion de contrôler les substances utilisées et apportait une gratification dans la réalisation de ceux-ci. 27 MOREL (CC BY-NC-ND 2.0)
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