Dans un projet de recherche OFAJ : regards - Jalabert Un historien français Laurent
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›‹ Un historien français dans un projet de recherche OFAJ : regards Photo : © privé Laurent Jalabert Une « Ecole OFAJ » Enjeux et perspectives de la recherche interculturelle franco-allemande
›› Laurent Jalabert Université de Lorraine – Nancy (CRULH) http://crulh.univ-lorraine.fr/contentId=8534 Maître de Conférences HDR en histoire moderne Années de travail avec le secteur « Recherche et évaluation de l’OFAJ » : depuis 2014 laurent.jalabert@univ-lorraine.fr Histoire et mémoire des espaces frontaliers franco-allemands (Etat, guerre, patrimoine) Époques moderne et contemporaine ›› Un historien français dans un projet de recherche OFAJ : regards Depuis 2014, je participe comme centenaire, il s’agissait d’examiner historien français à un projet de la manière dont le contenu histo- recherche piloté par l’OFAJ, « 100 rique et mémoriel est transmis dans ans après la Première Guerre mon- un contexte encadré, scolaire et sur- diale – 100 projets pour la paix en tout extrascolaire, afin de dévelop- Europe »1, avec des collègues al- per des idées et des impulsions nou- lemandes sociologues. À partir de velles pour la poursuite de la mise cette guerre et du contexte de son en œuvre de projets d’éducation à la mémoire dans un contexte inter- 1 L’aboutissement de ce projet s’est tra- duit par l’ouvrage suivant : JALABERT, national. Pour ce faire, une équipe Laurent, CZUBAK, Nicolas, KOENIG, Die- s’est « trouvée » et ce point de ge- mut & ODIERNA, Simone, 2021, Du passé nèse est important : l’impulsion ne à l’avenir, un siècle après : dynamiques mémorielles autour des rencontres inter- venait pas de deux collègues, l’une nationales et de la « Grande Guerre », Allemande et l’autre Français, qui se Paris, Téraèdre.
Une « Ecole OFAJ » – Enjeux et perspectives de la recherche interculturelle franco-allemande connaissaient, mais de la première même s’ils se connaissent parfois qui cherchait un partenaire histo- bien, peuvent rester inconnus l’un rien en France. Le pari pouvait ainsi à l’autre quant aux pratiques scien- sembler périlleux en raison de cette tifiques, particulièrement lorsqu’il méconnaissance de départ mais, in s’agit de réellement travailler en- fine, une équipe mixte et paritaire semble et de dépasser un simple s’est montée et a bien fonctionné. échange que la bienséance socié- ‹‹‹ tale peut éventuellement borner. Avec la présence d’un tiers, il y a Pour un enseignant-chercheur un accompagnement humain et français, la collaboration était à scientifique qui aide à dépasser les construire dans un contexte diffé- simples perspectives et pratiques in- rent de celui connu habituellement. dividuelles pour aider à un véritable En effet, la pratique des collabora- échange, obligeant les membres de tions franco-allemandes ne m’était l’équipe de recherche à parfois se pas inconnue mais une différence repositionner sur leur propre champ importante réside dans le fait que d’études. L’OFAJ est aussi d’une aide le fonctionnement repose sur un précieuse pour conserver une dyna- cadre avec trois acteurs, dont mique à la recherche engagée car, l’OFAJ. C’est là un point notable. Il dans le contexte franco-allemand, il ne s’agit pas d’une tutelle invasive faut compter avec des rythmes sco- sur les méthodes de recherche mais laires et universitaires différents. de la mise en place d’un cadre des- Si une chercheuse/un chercheur tiné à accompagner et faire aboutir ne connaît pas de limites réelles la recherche engagée. Ce dernier entre son travail d’enseignement, point peut apparaître comme une les recherches et le temps privé, il évidence mais les chercheuses et n’empêche que la réalité de la vie chercheurs savent bien que toute appelle grosso modo à s’adapter à collaboration scientifique et que un calendrier national. Or, avec des toute recherche internationales ne décalages nationaux, le rythme des sont pas fructueuses, notamment échanges binationaux pourrait se pour des questions de calendriers diluer dans le temps. L’OFAJ consti- scientifiques, de carrière, de pra- tue dès lors une sorte de veille tiques différentes et de personnali- qui permet de pallier le danger en tés. Les chercheuses et chercheurs, établissant une régularité dans les Laurent Jalabert ››› Un historien français dans un projet de recherche OFAJ 2‹
Une « Ecole OFAJ » – Enjeux et perspectives de la recherche interculturelle franco-allemande rencontres et en aidant à fixer des si là un élément d’importance car échéances. Autre point important, il oblige la chercheuse ou le cher- celui de la langue. Même si la maî- cheur à une question simple mais trise respective des langues natio- essentielle : suis-je intelligible avec nales est souhaitable pour l’échange mon propos ? Pour une chercheuse/ franco-allemand, à moins d’être un chercheur, cela oblige à un parfaitement bilingues, il arrive réel décentrage du regard sur son toujours un moment où certaines propre travail. Si cela s’effectue de formulations – par exemple écrites fait dans la pratique quotidienne, on – peuvent engendrer des difficul- sait que les cultures scientifiques et tés de compréhension. Dans notre la personnalité de chacun en font cas, l’aide apportée a été précieuse une réalité plus ou moins concrète dans ce domaine, d’autant plus et admise. Par ailleurs, la mise en que les membres de l’équipe de re- œuvre du discours propre à chaque cherche venaient d’horizons scien- science, lorsque l’on s’adresse à des tifiques aux vocabulaires différents. pairs, s’appuie sur nombre d’impli- Le cadre apporté par l’OFAJ a eu un cites qui ne le sont plus dès que l’on réel effet fédérateur qui a contribué ouvre le public destinataire. À partir à dépasser la simple agrégation des du moment où l’on sort de sa sphère individus que l’on peut connaître scientifique à proprement parler, dans le contexte classique des les cadres de formulation peuvent échanges scientifiques pour aider changer, amener à d’autres moda- à modeler une réelle équipe. D’ail- lités d’énonciations. Cela conduit à leurs, preuve en est, ce sont déjà de établir un constat sur les apports nouveaux échanges entre certains de cette pratique de recherche avec membres de cette ancienne équipe l’OFAJ. ‹‹‹ pour monter un nouveau projet bi- national. ‹‹‹ En effet, la confrontation à l’autre et à ses pratiques appelle à sortir Enfin, l’accompagnement par l’OFAJ de ce que l’on pourrait qualifier de se traduit par un regard extérieur « zone de confort », ce qui est assez sur son travail, en la personne d’un stimulant et nécessaire pour la re- tiers qui n’est pas nécessairement cherche mais qui n’est pas toujours de sa sphère scientifique. C’est aus- aisément admis individuellement. Laurent Jalabert ››› Un historien français dans un projet de recherche OFAJ 3‹
Une « Ecole OFAJ » – Enjeux et perspectives de la recherche interculturelle franco-allemande Concrètement et à titre personnel, mise en œuvre différentes du récit il a fallu composer avec un envi- historique. Avec l’ouverture à une ronnement scientifique doublement autre science humaine, portée ici différent, en raison de cultures par des collègues allemandes, l’en- scientifiques nationales autres. richissement a été réel, confirmant Les démarches en sociologie et en l’intérêt – la nécessité – de s’ouvrir pédagogie, dans un contexte alle- intellectuellement à de nouveaux mand, peuvent a priori déstabiliser champs de réflexion. Surtout, et un historien français, même si l’ap- cela me paraît essentiel, cela per- proche historique utilise des mé- met de travailler l’écoute de l’autre, thodes et pratiques de ces sciences de ses points de vue et analyses, et humaines, sans nécessairement les contribue largement à décloisonner nommer ni utiliser leurs références. les pensées. ‹‹‹ On peut observer avec intérêt par exemple l’interprétation et l’usage d’autrices et auteurs pratiqués par Les bénéfices de ces recherches et la sociologie et l’histoire, de part et de ce contexte d’échanges offert par d’autre d’une frontière. Plus préci- l’OFAJ sont, à mes yeux, pluriels. En sément, c’est dans l’emploi de la ce qui concerne l’enseignement, part terminologie que se sont révélées importante du métier, les discus- des différences et une nécessaire sions et l’observation de pratiques adaptation respective, laquelle s’est pédagogiques différenciées consti- traduite par des échanges destinés tuent une véritable source d’enri- à s’entendre sur l’emploi de mé- chissement sur le regard porté dans thodes, termes et concepts compris les pratiques nationales, ce que et admis, sans recherche d’ailleurs j’avais déjà pu constater lors d’un d’un accord parfait. stage en Allemagne comme jeune ‹‹‹ enseignant de l’enseignement se- condaire. Les modalités de mise en C’est là, me semble-t-il, un point activité me paraissent stimulantes, important quant aux apports de ce d’autant plus que cela m’a aidé à type de contexte de recherche. Déjà, également modifier mes propres au sein des écoles historiques fran- pratiques à l’Université. Il ne s’agit çaise et allemande, j’avais pu noter en rien de copier un processus édu- des approches et des modalités de catif mais d’en adapter certains Laurent Jalabert ››› Un historien français dans un projet de recherche OFAJ 4‹
Une « Ecole OFAJ » – Enjeux et perspectives de la recherche interculturelle franco-allemande usages dans le contexte national. À de lancer de nouveaux projets de ce titre, en tant que co-responsable recherche, ce qui est le cas depuis d’un master enseignement à l’Uni- l’achèvement de celui évoqué dans versité depuis peu, il m’apparaît ce propos. À nouveau, l’OFAJ s’est évident de tenter de faire évoluer montré un facilitateur car il permet la formation, dans le cadre imposé de mettre en réseau des individus, par le ministère, vers de nouvelles de faire connaître des structures modalités pratiques afin d’ouvrir les et moyens disponibles à même futurs enseignantes et enseignants d’épauler une recherche. ‹‹‹ à d’autres pratiques pédagogiques. D’ailleurs, il serait vraiment stimu- lant de pouvoir mettre en œuvre, au Pour conclure ce bref propos, je dois sein de cette formation, un échange dire que l’insertion au sein d’un pro- sur plusieurs jours pour donner le jet de recherche encadré par l’OFAJ temps à une vraie analyse de pra- a été d’un réel bénéfice à la fois hu- tique et à un retour réflexif. main et professionnel. Humain car la ‹‹‹ rencontre avec d’autres personnes, d’horizons différents, reste une Pour le chercheur en histoire, le tra- source d’enrichissement personnel. vail en collaboration effectué depuis Professionnel car de nouvelles pers- plusieurs années amène à de nou- pectives s’ouvrent, on l’a dit pour veaux questionnements autour de des pratiques mais également pour la construction du récit historique de nouvelles prospectives et ré- comme aussi sur les usages de l’his- flexions, notamment à des échelles toire, particulièrement lorsque l’on nouvelles. Enfin, au-delà de ces sort du monde des historiennes/his- aspects, il faut bien dire qu’à mes toriens eux-mêmes. C’est déjà une yeux ce type d’entreprise d’échange expérience que j’ai pu pratiquer en et de collaboration constitue un organisant des activités de diffu- point important – même si modeste sion du discours scientifique hors – pour contribuer à développer une de l’Université et qui amène la cher- conscience européenne, non pas cheuse ou le chercheur à penser factice mais bien concrète, par un son positionnement dans la sphère retour d’expérience et d’altérité. sociétale. Autre bénéfice réel, celui de renouveler ce type d’expérience, Laurent Jalabert ››› Un historien français dans un projet de recherche OFAJ 5‹
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