DEBATS OUVERTS A GAUCHE (DOG) - Robert Spizzichino (juin 14) Ce titre correspond à un site-forum dans lequel on trouve plusieurs contributions aux ...
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DEBATS OUVERTS A GAUCHE (DOG) Ce titre correspond à un site-forum dans lequel on trouve plusieurs contributions aux débats actuels qui traversent la gauche Robert Spizzichino (juin 14)
AVERTISSEMENT • Cette note prend le parti d’un dépassement des critiques et mises en causes des organisations, des stratégies et des personnes ; celles-ci sont complètement inadaptées dans une période où on aura besoin de tous les talents et de toutes les énergies pour sauvegarder l’espoir à gauche. Elle tient aussi compte de deux présupposés : • Les propositions touchant la restructuration et l’amélioration du Front de Gauche, voire même la constitution d’une nouvelle majorité rouge-verts-rose, même si elles sont utiles, ne sont pas à la hauteur des enjeux • Jamais sans doute on n’avait disposé de tant d’intelligence tant dans les analyses que dans les perspectives énoncées par des intellectuels se réclamant de la gauche ; jamais on ne l’a si peu utilisée. Il convient de s’interroger sur le pourquoi. Cette coupure de fait entre le monde politique et celui de la pensée est préoccupant. • La forme d’un diaporama a été choisie pour éviter des développements discursifs dans un texte sans prétention
Sommaire • NE FAISONS PAS L’ECONOMIE D’UN DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE ET DE SA MISE EN PERSPECTIVE – Le « fondamental » est écrasant, mais il n’explique pas tout – Apprécier d’où on vient – Quelques changements intervenus dans la société française – Quelques changements intervenus dans le monde • DEUX QUESTIONS QUI NOUS DERANGENT PARMI BEAUCOUP D’AUTRES – Les rapports au pouvoir – Le poids de la culture politique française • DES CHEMINS A EXPLORER - à propos du projet politique - à propos de la stratégie de la gauche de transformation radicale, - à propos des moyens à mettre en œuvre
NE FAISONS PAS L’ECONOMIE D’UN DIAGNOSTIC DE LA SITUATION ACTUELLE ET DE SA MISE EN PERSPECTIVE « La pensée complexe est une tentative pour aider les gens à comprendre ce qu’ils appellent complexe. ….. Elle aide à affronter l’erreur, l’illusion, l’incertitude et le risque. Par exemple, elle tient compte de l’écologie de l’action » (Edgar Morin- Mai 2014)
Le « fondamental » est écrasant, mais il n’explique pas tout • Depuis 2008, le niveau de vie des plus démunis diminue, Une crise qui alimente les tensions sociales, mais n’inquiète pas plus que ça les couches favorisées dont les revenus continuent à augmenter (observatoire des inégalités) • Explosion territorialisée du chômage des jeunes et augmentation du précariat (7,5 millions des moins de 24 ans sans emploi et sans formation • Augmentation des ségrégations sociales et spatiales dans les métropoles, notamment au sein des quartiers en relégation; recul des services publics • Logement trop cher et déficit quantitatif estimé à 2 millions de logements (voir Fondation Abbé Pierre et Droit au Logement) • Augmentation continue des taux d’abstention aux élections (sauf présidentielles) et dévitalisation démocratique (C. Colliot-Thélène/ P. Rosanvallon) • Sécurisation accrue (caméras, sociétés privées, écoutes téléphoniques, …) sans résultats notables • Défaillances du système éducatif • Etc. C’est énorme, mais il faut gratter encore plus en profondeur pour apprécier la situation
Apprécier d’où on vient • On est passé progressivement (avec un marquage accentué dans les années 70) de la France du CNR, héritière des grandes révolutions (1789, 1848, la Commune) à celle gagnée par les idées libérales, l’individualisme, la recherche de la compétitivité, l’alignement sur les modèles dominants et marquée par la perte de confiance en elle-même. L’échec des transformations politiques suite à la révolte de 1968, et plus près de nous à celle citoyenne de 2005 a marqué l’inconscient collectif. Nous sommes et nous serons de fait sur des temporalités longues. • Parallèlement, les bouleversements intervenus dans la structure productive du pays ont été brutaux: Désindustrialisation dans des secteurs autrefois d’excellence (mines et sidérurgie), faiblesses accrues de toute une partie des PME, notamment à l’export, difficultés d’adaptation de la formation professionnelle et du système de formation des élites (grandes écoles), ….D’où une certaine rigidité économique et sociale.
Quelques changements intervenus dans la société française • Une jeunesse profondément atteinte dans sa croyance en l’avenir et sceptique vis-à-vis de « l’ascenseur social ». + forte augmentation ménages mono familiaux- essentiellement femmes seules avec enfants (débat actuel sur le « déclassement »); une jeunesse politisée en rupture avec le politique • Un vieillissement démographique qui crée des catégories de populations désemparées: les « jeunes retraités » sans activités sociales, les personnes âgées dépendantes. Le décalage entre actifs et inactifs rend plus complexe la maintien d’un haut niveau de protection sociale • Face à la diversité des cultures, un désarroi idéologique du fait d’une oscillation entre l’intégration, la reconnaissance communautaire, le rejet identitaire; une immigration montrée du doigt. Comment vivre ensemble? La question de l’identité devient centrale, d’autant que certains la lient même à celle du rapport à la nature et à l’environnement. • Les analyses sociologiques faites (COFREMCA)sur les comportements des français mettent en évidence la fracture croissante de la société civile (surtout les franges « France d’en bas ») envers toutes ses représentations: politiques, syndicalistes, médias. Voir aussi les cahiers du CSA. • Emmanuel Todd et Hervé Le Bras ont mis en évidence la contradiction entre la superstructure économique (ravages profonds de la désindustrialisation) et l’infrastructure mentale ( éducation, émancipation des femmes, espérance de vie, …) qui enregistre des progrès. • Il y en a bien d’autres passés sous silence ou occultés ………
Quelques changements intervenus dans le monde • D’abord, la férocité d’un capitalisme financier, dont Saskia Sassen montre qu’il est rentré dans des logiques de destruction et dans une phase « d’expulsion » de gens, d’entreprises y compris dans des lieux physiques. Cette férocité coexiste avec des formes de gouvernance plus sophistiquées et plus policées qui servent à empêcher les révoltes. Les luttes sociales nombreuses portent avant tout sur des besoins existentiels, pas sur des utopies mobilisatrices (« soyons réalistes, réclamons l’impossible »); en revanche des mouvements dits marginaux (Indignados, Occupy Wall Street, …) et des micro alternatives peu visibles sont toujours en recherche d’un autre monde. • Les guerres incessantes et multiples et les terrorismes génèrent un climat de risque et de violence permanent • Le dérèglement climatique devient tangible • La société numérique introduit un rythme de changements dans nos vies quotidiennes que beaucoup ne peuvent supporter, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons financières. Une nouvelle culture mondialisée est en émergence • L’appauvrissement de nombreuses formes de travail n’exclut pas des changements de la vie en entreprise de l’intérieur et le recherche d’une entreprise différente soit par son statut soit par son organisation (« l’entreprise libérée ») • Le progrès scientifique présente des horizons très inquiétants (biotechnologies, nanotechnologies, robotisation, drones, …) du fait de sa prise en main par les puissances financières • ……….
L’AVENIR EST PLUS QU’INCERTAIN, MAIS CE QUI SEMBLE ACQUIS, C’EST QU’ON NE PEUT REBÂTIR UNE PENSEE ET UN PROJET DE GAUCHE SUR DES BASES MATERIELLES ET IDEOLOGIQUES QUI SONT CELLES D’UNE SOCIETE ANCIENNE. CE QUI N’EMPÊCHE PAS QUE L’HISTOIRE SOIT TOUJOURS RICHE D’ENSEIGNEMENTS
DEUX QUESTIONS QUI NOUS DERANGENT, … PARMI BEAUCOUP D’AUTRES
Les rapports au pouvoir • Depuis le début du 20ème siècle (questionnement de Jaurès sur le sujet Mai 1914), les partis de gauche, y compris ceux de la majorité de la gauche radicale sont des formations qui recherchent à conquérir le pouvoir dans les institutions par des voies démocratiques. Ce qui se heurte à quatre inconvénients majeurs: – La nécessité d’accepter des règles du jeu fort peu démocratiques, surtout dans la Vème République et dans notre environnement médiatique – La structuration d’ appareils permettant la conquête du pouvoir, lesquels appareils ont des réflexes de survie et de reproduction communs à toutes les organisations – La dégradation de pratiques liées à la prise de pouvoir, lorsque celle-ci se produit – Une coupure fréquente entre la société des sphères de pouvoirs et la société réelle Peut-on vraiment réduire ces inconvénients? • Les lieux du pouvoir politique sont multiples: L’Etat, les échelons territoriaux, les médias, et même les centres de savoirs et les structures productives. Pourquoi se concentrer traditionnellement sur les institutions? • Chacun voit bien que notre démocratie est celle de la perte de sens et pourtant aucun rapport de forces ne se manifeste pour en changer profondément les règles. Les bases sociales de ce changement ont été dispersées • Pouvoir politique ou pouvoir d’influence ou rapports de forces à changer ou…… (la perte d’autonomie des politiques publiques)?
Le poids de la culture politique française • L’étatisme, voire le jacobinisme • L’égalitarisme • L’attractivité culturelle • Un besoin de référence à une doctrine politique à visée universelle (Communisme, marxisme, socialisme, ….et plus récemment « éco-socialisme »). Voir aussi les propositions de Badiou ou de Balibar pour un nouveau communisme adapté à notre époque. • Selon Olivier Todd et Hervé Le Bras, la persistance, malgré les changements de vieilles zones anthropologiques territorialisées dans la société française prenant leurs racines dans des structures familiales et religieuses qui agissent. Donc une France beaucoup plus fragmentée qu’il n’y apparaît avec de fortes incidences en termes de géographie électorale • Le passé colonial qui amène à des défiances particulières par rapport au Maghreb et à l’Afrique Noire où la France était très engagée. Une diversité anthropologique qui s’essouffle. • Le poids de la région parisienne (« un chaudron expérimental où se fabrique la culture centrale dominante de la France, ….une des merveilles culturelles du monde ») Est-ce que les traits de notre identité qui marquent profondément notre vie politique sont une chance pour notre vivre ensemble et notre image mondiale ou un frein pour la prise en compte de la modernité?
DES CHEMINS A EXPLORER à propos du projet politique, à propos de la stratégie de la gauche de transformation radicale, à propos des moyens à mettre en œuvre « il est temps de libérer l’imagination pour construire l’alternative » Dans ce qui suit, seuls des principes directeurs sont énoncés. On n’en est pas encore à des propositions détaillées dans le cadre d’une note de réflexion.
A propos du projet politique • On ne peut certes oublier tout ce qui a structuré les valeurs de la gauche française, son histoire, les forces sociales qu’elle a représentées et défendues; . et tout ce qui constitue encore son référentiel. Mais nous avons sans doute au moins un devoir d’infidélité car ce référentiel ne parle plus qu’à une fraction de plus en plus minoritaire dans la société française. Pour autant la modernité ne peut signifier la soumission au modèle dominant, tout au contraire. Il s’agit toujours de changer radicalement de société au profit d’une recherche d’émancipation et de rompre avec le capitalisme. Pour changer de logiciel, il faut prendre appui sur tout ce qui bouge dans la société française mondialisée, même quand cela nous bouscule. • L’essentiel, c’est que le plus grand nombre de « gens » deviennent des citoyens , et que ces citoyens deviennent des acteurs de leurs changements dans tous les lieux de l’exploitation capitaliste actuelle: L’entreprise, l’ Etat, le territoire, …Ce cheminement peut être brutal (« la révolution citoyenne »), ou il peut être progressif et porté par une démarche inédite combinant éducation et conflits. (« L’émergence d’un commun n’est pas purement intellectuelle. Elle existe dans les luttes, dans les expériences »- Dardot et Laval) • Le projet politique résulte d’une co-construction itérative entre des citoyens engagés et formés, des intellectuels et des mouvements sociaux et sociétaux plus ou moins structurés. Sa temporalité est déterminée par les réactions aux violences du système actuel ainsi que par les urgences sociales et environnementales. Il ne relève d’aucun mot d’ordre. Comme il a une vocation mondiale, compte tenu des éco-systèmes actuels, il peut être multi-culturel et combiner des cultures locales et une culture mondiale en affirmation.
A propos de la stratégie • Se situer à la fois dans les réponses argumentées aux problèmes vécus, mais simultanément dans la co-construction du projet politique. Celui-ci ne peut relever de l’utopie mobilisatrice, car la distance au politique est trop grande; il repose sur des scénarios (ou des récits) crédibles, reposant sur des temporalités explicites, même s’ils sont forcément évolutifs. Le décrochage populaire ne peut se réduire ni par des mesures publiques, faute de pouvoir institutionnel suffisant, ni par des incantations sur l’avenir inefficaces; il ne peut l’être que par l’action culturelle (au sens large) de terrain, en dehors de toute échéance électorale. • La question principale n’est pas dans la construction d’une alternative institutionnelle parlementaire fragile; elle est davantage dans la construction de convergences de transformations radicales (relevant parfois de l’invention collective) dans différents domaines de la vie économique, culturelle et sociale. Ces convergences vont bien au-delà du champ politique traditionnel. Ce sont elles qui produisent leurs formes d’organisation et leurs énoncés doctrinaux • L’ancrage territorial est essentiel, car il permet de lier le vécu quotidien aux dimensions mondiales. L’internationalisme permanent au-delà des réseaux politiques classiques l’est également, car il met en perspective les réussites et les échecs et il prépare les rapports de force vis-à-vis du capitalisme financier et des multinationales. Il met aussi en évidence l’universalisme des notions de classes, de capitalisme et d’exploitation. Il permet de construire la mondialisation du commun.
A propos des moyens • L’organisation est l’une des conditions de possibilité de l’action collective. Discuter la forme- parti et affirmer son obsolescence n’est pas remettre en cause cette donnée. Le rafistolage du Front de Gauche sera inopérant. Il nous faut envisager son dépassement au profit d’une plate forme d’un ensemble de communautés de pratiques et de pensées mouvantes et en permanence ouvertes sur la société et le monde du travail. Ceux qui tiennent à la forme parti traditionnelle risquent de s’éteindre à petit feu • Dans ce monde réel, société du spectacle, du « story telling » et de l’information sous contrôle, on ne peut négliger la communication. Il faut combiner la diversité inévitable des langages et des expressions avec l’exigence d’une cohérence stratégique tant dans les messages que dans le choix des formes et des médias. Il faut pouvoir progressivement rendre la maîtrise de la communication aux « cibles ». La dénonciation sans relâche des « idées zombies » du néolibéralisme représente en tout cas une priorité. • Il faut évidemment créer une nouvelle dynamique de gauche. Mais si on la rythme par des échéances électorales et par la recherche de prétendues alternatives à gauche au sein du pouvoir d’état, cette dynamique n’a aucune chance de se créer. Il nous faut travailler à une posture de vraie rupture, sur du temps long, y compris avec l’ordre établi (« politiquement incorrect »).
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