Définition des enjeux relatifs à la biodiversité en Languedoc-Roussillon - Rapport réalisé dans le cadre de l'étude de préfiguration d'un Observatoire
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Définition des enjeux relatifs à la biodiversité en Languedoc-Roussillon Rapport réalisé dans le cadre de l’étude de préfiguration d’un Observatoire Régional de la Biodiversité pour le Languedoc-Roussillon Simon Popy mars 2009
Table des matières 1 Introduction..........................................................................................................................................................3 1.1 Objectifs.........................................................................................................................................................3 1.2 Références......................................................................................................................................................3 1.3 Définitions......................................................................................................................................................4 1.3.1 Les enjeux...............................................................................................................................................4 1.3.2 Les menaces............................................................................................................................................4 1.3.3 Les objectifs............................................................................................................................................4 1.3.4 Les actions..............................................................................................................................................5 2 Les enjeux de la biodiversité en Languedoc-Roussillon...................................................................................5 2.1 Biodiversité génétique ...................................................................................................................................6 2.1.1 Définition................................................................................................................................................6 2.1.2 Diversité génétique domestique..............................................................................................................6 2.1.3 Diversité génétique sauvage...................................................................................................................7 2.2 Biodiversité spécifique ..................................................................................................................................7 2.2.1 Définition................................................................................................................................................7 2.2.2 Diversité spécifique à responsabilité régionale élevée...........................................................................7 2.2.3 Diversité spécifique ordinaire ................................................................................................................9 2.3 Biodiversité écosystémique............................................................................................................................9 2.3.1 Point de vue des habitats.........................................................................................................................9 2.3.2 Point de vue du paysage.......................................................................................................................10 2.3.3 Point de vue du fonctionnement écologique.........................................................................................10 2.4 Remarques et conclusion..............................................................................................................................11 3 Les menaces / pressions......................................................................................................................................12 3.1 Les menaces liées au fort développement des activités et de la démographie.............................................12 3.2 Les menaces liées aux mutations et activités spécifiques du domaine rural................................................13 3.2.1 Mutations de l’agriculture.....................................................................................................................13 3.2.2 Gestion forestière..................................................................................................................................14 3.2.3 Pratiques de pêche................................................................................................................................15 3.2.4 Pratiques de chasse...............................................................................................................................15 3.3 Menaces liées au changement climatique....................................................................................................16 3.4 Menaces liées aux espèces invasives............................................................................................................16 3.5 Remarques et conclusion..............................................................................................................................17 4 Les actions stratégiques.....................................................................................................................................17 5 Conclusion générale...........................................................................................................................................20 6 Remerciements ..................................................................................................................................................21 2
1 Introduction 1.1 Objectifs Faire une synthèse des enjeux (au sens large) déjà identifiés en matière de biodiversité pour le Languedoc-Roussillon ; aider à définir les objectifs de l’observatoire ; donner quelques pistes pour la définition d’indicateurs. 1.2 Références Ce travail a été effectué principalement sur la base d'une synthèse des documents officiels suivants : Abb. Référence Strategic Plan for the Convention on Biological Diversity, UN COP 6 Decision CBD VI/26 (Annex), La Hague (7-19 avril 2002), 85 pp. Stratégie paneuropéenne de la diversité biologique et paysagère (1996). SPB Sauvegarde de la nature, Les éditions du Conseil de l'Europe, Sauvegarde de la Nature, 74, 82 pp. Stratégie nationale pour la biodiversité : état des lieux (2003). Rapport d'experts. Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, 54 pp. SNB Stratégie française pour la biodiversité : enjeux, finalités, orientations (2004). Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, 48 pp. Stratégie régionale pour la biodiversité de la région Languedoc-Roussillon : présentation (2008). Région Languedoc-Roussillon, 138 pp. SRB Stratégie régionale pour la biodiversité de la région Languedoc-Roussillon : cahier technique (2008). Région Languedoc-Roussillon, 190 pp. Profil Environnemental de la région Languedoc-Roussillon (2006). DIREN LR, PERLR 233 pp. Orientations Régionales de Gestion et de conservation de la Faune sauvage et de ORGFHLR ses Habitats en Languedoc-Roussillon - Tome I : Orientations, DIREN LR, 149 pp. Les informations issues de ces rapports ont parfois été complétées et mises à jour à l’aide d’autres sources. 3
1.3 Définitions 1.3.1 Les enjeux Le mot « enjeu » est généralement pris dans un sens très large. Dans le but de clarifier une démarche impliquant des acteurs multiples, scientifiques et non-scientifiques, cette définition sera restreinte de manière à éviter les quiproquos. Le dictionnaire Larousse donne deux définitions du mot enjeu : 1. somme d'argent ou objet risqué dans un jeu et revenant au gagnant ; 2. ce que l'on peut gagner ou perdre dans une entreprise, un projet. Au sens littéral, un enjeu n'est donc ni une menace, ni un risque, ni une tendance, ni une action, mais (i) un objet, (ii) important pour quelqu’un, (iii) qui peut être gagné ou perdu, amélioré ou altéré. La première définition du mot « enjeu » donnée par le PERLR est en accord avec celle-ci : « les enjeux correspondent aux valeurs environnementales que l'on ne peut se permettre de voir disparaître ou se dégrader en Languedoc-Roussillon ». Quelques exemples d'enjeux écologiques : la qualité du milieu naturel, l'eau, le fonctionnement des sols, la biodiversité. Le terme "biodiversité" représente en lui-même l'enjeu global qui nous concerne dans le cadre de cet observatoire. Son importance pour l’intérêt général est affirmée par tous les documents officiels passés en revue. Néanmoins ce terme recouvre un large spectre de sous-enjeux, autrement dit d'éléments constituant cette biodiversité et susceptibles d'être altérés. Définir les enjeux de la région Languedoc-Roussillon signifie donc en faire un inventaire structuré. C’est le premier objet de ce rapport. 1.3.2 Les menaces Lorsqu'il y a un enjeu existe un risque de perdre cet enjeu ou de le voir altéré. Ce risque implique l'existence d'une menace. Par un glissement de sens, les menaces sont souvent assimilées à des enjeux dans les documents politiques, bien qu'elles n'en soient pas au sens littéral. Ainsi, l'étalement urbain peut-être présenté comme un grand enjeu de la protection de la biodiversité, bien qu'il ne risque pas d'être perdu ou altéré. Ce sont les objets menacés, le milieu naturel, la garrigue, les espèces associées, qui sont en jeu. Le sens du mot enjeu en politique est donc souvent élargi à toute chose "importante ou préoccupante". Néanmoins dans ce document nous préfèrerons les termes dédiés de menace ou de pression. 1.3.3 Les objectifs L'existence d'un enjeu et d'une menace induit la plupart du temps un objectif de réduction du risque ou de réparation. Le PERLR donne d’ailleurs une deuxième définition du mot enjeu, à savoir « le chemin qu'il reste à parcourir pour atteindre les objectifs de référence », ou « l'écart entre la situation actuelle et les objectifs à atteindre compte tenu des évolutions prévisibles ». Les rédacteurs ajoutent que « hiérarchisés, les enjeux formulent les objectifs prioritaires de l'action publique ». La présence de deux définitions différentes du mot « enjeu » dans le même document illustre bien la multiplicité de sens du mot, mais peut être source de confusion. Dans la partie III du PERLR, les auteurs reviennent d'ailleurs eux- mêmes sur cette définition en choisissant de « Revenir à une définition plus classique des enjeux (ce qui est “en jeu”, en d'autres termes ce que l'on peut perdre ou gagner), afin d'éviter toute confusion avec les orientations stratégiques ». En conclusion, même si cette utilisation du mot enjeu en tant qu’objectif est fréquente dans les documents officiels (on parlera facilement des enjeux de préservation d'aujourd'hui), dans ce document nous préfèrerons parler d'objectifs ou d'état à atteindre. 4
1.3.4 Les actions Chaque objectif appelle une action spécifique. Dans les divers documents officiels synthétisés ici, le terme enjeu est également souvent utilisé pour désigner les actions elles-mêmes. Dans la section enjeux, on parlera ainsi de l’augmentation des connaissances, l'appropriation de la biodiversité, ou des choix de gestion de l'eau. Dans ce document, de manière à lever toute ambigüité, nous préfèrerons parler d'actions stratégiques ou de réponses. Il faut néanmoins rester conscient que la plupart du temps, le terme enjeu pris au sens large recouvre ces quatre sens à la fois. 2 Les enjeux de la biodiversité en Languedoc- Roussillon Les enjeux de la biodiversité étant structurés de manière très variable dans les différents documents officiels mentionnés, nous choisirons l’approche la plus classique et la plus neutre d’un point de vue scientifique. Nous proposons une liste organisée en trois volets : la biodiversité génétique la biodiversité spécifique la biodiversité écosystémique Ces trois types de diversité sont menacés par le changement global. Ils constituent tous les trois des enjeux reconnus comme importants aussi bien au niveau international (CDB, 2002), qu'européen (SPB, 1995), national (SNB, 2004), et régional (SRB, 2008). La diversité génétique autre qu'utile étant aujourd'hui difficile à mesurer, le premier volet concerne essentiellement la diversité domestique et culturale. Cette stratégie qui s’intéresse à la diversité génétique utile est couramment adoptée, par défaut, dans les documents officiels explorés. Le deuxième volet concerne à la fois les espèces menacées et les espèces communes. La diversité écosystémique, quant à elle, doit être déclinée à différentes échelles (habitat et paysage), et comprendre une dimension fonctionnelle. Ces trois enjeux vont être détaillés ci-après, de manière à servir de base à la structuration de la suite du projet, à savoir : - la recherche de données - l’élaboration d’indicateurs 5
2.1 Biodiversité génétique 2.1.1 Définition La diversité génétique décrit habituellement la variabilité des gènes au sein d'une espèce (diversité génétique intraspécifique), bien qu'elle puisse concerner des taxons de rang supérieur (diversité génétique inter-espèces). La diversité génétique est façonnée par les processus évolutifs liés à l’histoire des espèces (migration, sélection, domestication, etc.), au long de laquelle les mutations ont généré de nouveaux caractères. Une grande diversité génétique intraspécifique se traduit par une diversité des phénotypes au sein de cette espèce. En fonction du degré d'isolement de ces phénotypes par rapport à la population générale (lié par exemple à la géographie ou à une pression de sélection artificielle maintenue), on parlera parfois de sous-espèces, de races, de variétés ou de cultivars. La diversité génétique est considérée comme un des aspects essentiels de la biodiversité : elle représente notamment la ressource de base pour la création de variétés en agronomie et est une source d'innovations dans certains domaines industriels (chimie pharmaceutique). La diversité génétique est également considérée comme capitale du point de vue de la capacité des espèces à s'adapter à des changements environnementaux, une faible diversité génétique dans un environnement instable augmentant le risque d'extinction d'une espèce. 2.1.2 Diversité génétique domestique La diversité génétique domestique concerne d’une part la diversité des variétés cultivées (cultures maraîchères, fruitières, céréalières, vignobles) et d’autre part la diversité des races d’élevage (ovins, caprins, bovins, volailles). Elle est parfois étendue à d’autres groupes d’animaux domestiques. Elle constitue un patrimoine historique important, étant issue d’un historique de sélection ayant parfois débuté plusieurs milliers d’années en arrière. A l’échelle régionale, une attention particulière doit être portée aux variétés ayant une origine historique régionale (mais pouvant être présentes ailleurs), et aux variétés strictement endémiques à la région. A titre d’exemple, pour les pommes, 7 variétés cévenoles (Doucette, Cabosse, Cagarlaou, Bouscasse de Brés, Rouget de Born, Reinette verte de Mende, Reinette d'Amboulne) ont été inscrites sur la liste des variétés locales et d'amateurs du Comité Technique Permanent de la Selection (CTPS) par l’association Fruits Oubliés. Le nombre de variétés de pommes en Cévennes ou dans les Pyrénées Orientales est un enjeu de la région. Il en est de même pour les châtaignes, les abeilles, les oliviers etc. Un inventaire des variétés à l'échelle régionale devrait pouvoir s'appuyer sur les travaux d'un ensemble d'associations et d'organisations professionnelles, elles-mêmes à répertorier dans un premier temps. Pour les espèces végétales cultivées, ce travail d'inventaire, la réflexion sur le comblement d'éventuelles lacunes dans les données, la réflexion sur de possibles indicateurs, ainsi que la participation au monitoring ultérieur pourraient être effectués dans le cadre d'un partenariat avec la communauté agronomique régionale. Enfin il faut noter que l’agrobiodiversité ne se limite pas à la diversité génétique intraspécifique mais concerne également la diversité des espèces cultivées / élevées au sein de la région. 6
2.1.3 Diversité génétique sauvage Bien que le volet diversité génétique soit souvent réduit à sa dimension domestique, par défaut, la diversité génétique sauvage ne doit pas être oubliée. Si la constitution de systèmes de référence sur l’impact des activités humaines sur la diversité génétique (notamment des espèces menacées) reste un enjeu scientifique à développer, elle fait l’objet de quelques études régionales. Parmi ces problématiques régionales on pourra citer : - l’introgression régulière de la truite atlantique (qui constitue une des 4 formes de truite fario) dans le patrimoine génétique de la truite méditerranéenne, liée aux actions de réempoissonnements, - l’évolution rapide et bien étudiée de la résistance des moustiques soumis à une forte pression de sélection par les programmes de démoustication sur le littoral depuis les années 1970, - la conservation in situ et ex situ des ressources génétiques forestières (not. Pin de Salzmann, Chêne liège, Hêtre), - l’évolution de la structuration génétique de populations menacées (Centaurée de la Clape). 2.2 Biodiversité spécifique 2.2.1 Définition La diversité spécifique concerne la diversité des espèces vivantes, unité de base de la systématique. Elle est la partie la plus visible de la biodiversité. Le concept d’espèce a toutefois fortement évolué au cours du temps et reste un sujet non-consensuel. La définition la plus commune correspond à « un ensemble de populations effectivement ou potentiellement interfécondes, génétiquement isolées du point de vue reproductif d’autres ensembles équivalents ». Il existe cependant d’autres définitions, basées sur les relations phylogénétiques, ou intégrant le concept de niche écologique. 2.2.2 Diversité spécifique à responsabilité régionale élevée Les documents officiels donnent des chiffres variables suivant les critères utilisés. Cette diversité patrimoniale peut en effet correspondre à différents critères (listes rouges nationales, listes rouges régionales, déterminantes ZNIEFF, espèces protégées, Natura 2000, IUCN, convention de Bern, convention de Washington, etc). groupes n SRB n profil env. chauves-souris 9 14 mammifères autres 4 oiseaux 28 113 reptiles 5 2 amphibiens 4 4 poissons 5 7 mollusques 32 crustacés 44 plantes 44 83 Illustration de la variabilité du nombre d’espèces « à responsabilité régionale élevée » d’après la SRB et le PERLR 7
Par exemple pour les mammifères hors chiroptères (Poitevin, com. pers.), sur les 56 espèces que compte la région, 5 sont strictement protégées au niveau européen (Annexe II de la Convention de Berne), 29 sont protégées au niveau européen (Annexe III de la Convention de Berne), 6 sont strictement protégées au titre de la Directive Habitat (Annexe IV), 16 sont déterminantes ZNIEFF, une est déclarée « en danger » sur la liste rouge française (le phoque moine), alors que pour l’UICN, une est en danger critique d’extinction (l’ours), une est en danger (le lynx), 2 sont vulnérables (le loup et le mouflon), et le phoque moine est considéré comme régionalement éteint. Il n’y a donc pas un critère simple pour définir la responsabilité régionale. Nombre d'espèces Pourcentage de la Groupe déterminantes 1 richesse totale 2 Vertébrés Mammifères terrestres (hors Chiroptères) 16 33% Chiroptères 24 89% Avifaune nicheuse 69 33% Reptiles et Amphibiens 15 35% Poissons 19 33% Insectes Scarabaeoidea Laparosticti 22 15% Carabidae 7 - Coléoptères saproxyliques 84 - Ténébrionidés 19 20% Lépidoptères 36 19% Hyménoptères 20 - Orthoptères 36 - Odonates 19 26% Araignées et scorpions 34 - Crustacés Branchiopodes 7 - Mollusques continentaux 61 - Plantes Cryptogames vasculaires 1053 33% Espèces déterminantes ZNIEFF (hors marin) pour la région LR ( 1d’après le rapport Actualisation et Modernisation des ZNIEFF, 2006, 2Debussche, com. pers.) Les listes d'espèces « enjeux » ne peuvent être données à ce stade. Le choix définitif des espèces prioritaires en matière de conservation et en matière d’indicateurs dépendra des critères et de la méthode de hiérarchisation appliqués. Ces listes restent à définir lors de la réflexion sur les indicateurs et devront faire l'objet de groupes de travail incluant les experts concernés (groupe mammifères, groupe avifaune, groupe reptiles et amphibiens, groupe poissons d’eau douce, groupe invertébrés, groupe plantes, groupe marin). A noter que les critères de l’IUCN sont souvent utilisés pour définir les priorités de protection ou de conservation (voir par exemple l’indicateur Z4 de l’observatoire suisse) mais ne sont pas particulièrement appropriés à l’échelle régionale. Le document « Proposition d'une méthode pour hiérarchiser les priorités de conservation des espèces végétales, application aux échelles régionale, départementale et locale »1 pourrait servir de base à une hiérarchisation plus pertinente à l’échelle de la région. Ce document propose une méthode simple et 1 Gauthier, P., Debussche, M., Thompson, J.D. (2009). Proposition d'une méthode pour hiérarchiser les priorités de conservation des espèces végétales : application aux échelles régionale, départementale et locale. Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (UMR5175 CNRS Montpellier), avec le concours du Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles 8
opérationnelle, alternative aux critères de l’IUCN, et basée sur trois critères : la responsabilité patrimoniale, la fragilité de l’habitat et la rareté. 2.2.3 Diversité spécifique ordinaire Il s’agit de mesurer l’érosion de la biodiversité commune du Languedoc-Roussillon. Une réflexion est à mener sur le mode de mesure à retenir pour ce type de biodiversité, et sa restriction éventuelle à certains groupes. A titre indicatif voici les nombres d’espèces pour quelques groupes, fournis par le profil environnemental du Languedoc-Roussillon. Ces chiffres varient légèrement d’une source à une autre. Groupe n espèces en L-R % France oiseaux nicheurs 187 76% mammifères terrestres 74 73% mammifères marins 7 reptiles 28 74% poissons d'eau douce et saumâtre 57 73% amphibiens 19 59% mollusques 350 78% source : PE LR (2006) 2.3 Biodiversité écosystémique La biodiversité écosystémique peut être mesurée à différentes échelles (habitat, paysage) et peut inclure une dimension fonctionnelle. Ces différents points de vue sont complémentaires. 2.3.1 Point de vue des habitats Ce point de vue se focalise sur l’existence, l’étendue et l’état des habitats à une échelle fine. En Languedoc-Roussillon un certain nombre d’habitats représentant des enjeux importants ont été ciblés par la SRB. Responsabilité régionale très forte Lagunes et marais Plages, dunes et sable Cours d'eau méditerranéens Système karstique Responsabilité régionale forte Pelouses caussenardes Pelouses d'altitude siliceuses ou calcicoles (montagnard à alpin) Pelouses et garrigues ouvertes Zones rocheuses (éboulis, parois) Forêt méditerranéenne mâture Plans d'eau naturels Côtes rocheuses Fonds rocheux (coralligènes, grottes sous-marines) Fonds meubles (herbiers de posidonies) source : SRB LR 2008 Cette liste d’habitats prioritaires est également variable d’un document à l’autre. Le PERLR donne ainsi une liste de 167 habitats prioritaires, qui correspond à la liste des 167 habitats non 9
marins déterminants ZNIEFF, c'est à dire justifiant l'identification d'une ZNIEFF "pour leur valeur propre ou pour celle des espèces qu'ils abritent". Cette liste a été élaborée régionalement, dans le cadre de la modernisation des ZNIEFF, selon une méthode validée par le CSRPN LR1 : 558 habitats non marins ont été identifiés sur la base des nomenclatures CORINE et EUR 15/2 (complétées) ; ces habitats ont été hiérarchisés par croisement d’un critère de rareté (commun à très rare), et d’un critère de responsabilité (niveau d'endémisme) ; un seuil de sélection a été fixé par un groupe d’experts Il convient d’ajouter à cette liste les 9 habitats marins déterminants ZNIEFF proposés par l’ADENA, et sélectionnés selon une autre méthodologie (moyenne de 14 critères : vulnérabilité, critères patrimoniaux, critères fonctionnels)2. 2.3.2 Point de vue du paysage Ce point de vue se focalise sur des fonctions écosystémiques uniquement perceptibles à l’échelle du paysage, et donc d’un ensemble d’habitats. Il permet notamment de suivre l’évolution des continuités écologiques et de la fragmentation du paysage. Les enjeux identifiés dans les documents régionaux (SRB, PERLR) sont les suivants : Enjeu à l'échelle du paysage Fonction(s) - importance en terme de déplacements / Trame / corridors écologiques migration / adaptation, y compris en milieu marin (corridors à cétacés) - importance en tant que support de vie des Etat et évolution de la matrice espèces prioritaires et de la diversité ordinaire - support d'activités économiques et de loisirs paysagère (pêche, conchyliculture, filière agricole, tourisme, forêt) 2.3.3 Point de vue du fonctionnement écologique Il s’agit ici de mesurer l’état de fonctionnement des systèmes écologiques remarquables, ou celui de grands cycles écosystémiques. Le Languedoc-Roussillon fournit quelques exemples de tels enjeux dont certains sont remarquables : (i) Cycle de l'eau : - le fonctionnement fleuve-littoral-mer (lidos & milieux dunaires, graus & lagunes) - le fonctionnement karst-rivières (disponibilité en eau, niveau d'étiage, qualité de l'eau) 1 Klesczewsky, M. et al. (2006) Elaboration de la liste des habitats déterminants non marins pour la modernisation et l'actualisation des ZNIEFF en Languedoc-Roussillon, in Programme d’Actualisation et Modernisation des ZNIEFF (2006), Annexes, DIREN LR 2 ADENA (2006) Programme de modernisation et l’actualisation des ZNIEFF mer en Languedoc-Roussillon, in Programme d’Actualisation et Modernisation des ZNIEFF (2006), Annexes, DIREN LR 10
- le fonctionnement rivières-zones humides (zones d'expansion des crues = autorégulation, ripisylves, méandres, autoépuration) (ii) Cycles trophiques et biogéochimiques - intégrité des chaînes alimentaires - qualité des sols (épaisseur, fertilité, structure) (iii) Capacité d'adaptation et de résilience - au feu - à diverses perturbations d'origine anthropique 2.4 Remarques et conclusion Les enjeux relatifs à la biodiversité, tels que nous les avons présentés, pourraient être structurés différemment (a priori) ou déclinés (a posteriori) comme le montrent les divers documents explorés : par catégories d’espèces traduisant les préoccupations des usagers, comme définis par les ORGFH LR (espèces gibier, espèces emblématiques, espèces causant des dégâts) par domaines biogéographiques (méditerranéen, alpin, atlantique, continental), par grands types de milieux (mer, littoral, cours d'eau, zones humides intérieures, système karstique, garrigue, piémonts, causses, montagnes), par grands types de milieux transversaux, comme définis par les ORGFH ("zones humides hors cours d'eau", milieux forestiers, milieux "urbains et péri-urbains", milieux "souterrains, karstiques et autres") ; les deux premiers étant déclinés par grandes entités territoriales (montagne, plaine, littoral) par types « d’habitats » (qui sont en fait des unités paysagères) comme définis par les ORGFH (milieux agricoles, milieux ouverts, interface champs/forêts, forêts, zones humides, zones aquatiques littorales, milieux côtiers, cours d'eau et bassins versant, zones urbaines, corridors écologiques, sites de reproduction des oiseaux d'eau, milieux de vie des oiseaux rupestres, milieux cavernicoles, sites de production d'énergies renouvelables (!), plateau continental marin) par grandes régions naturelles (les Pyrénées, le sud du Massif Central, la zone méditerranéenne, les Cévennes, les coteaux aquitains, les grands causses) par territoires, comme définis par le PERLR (Albères, Vallespir, Aspres, Conflent, Haut-Conflent, Cerdagne, Capcir, Pays de Sault, Volvestre et Razes, Montagne Noire, Sommail-Caroux-Espinouse, Monts de Mare-Escandorgue-Lodévois, Causses, Cévennes, Bassin d'Alès, Mont Lozère, Margeride, Aubrac, Plaine du Roussillon, Fenouillèdes, Corbières orientales, Corbières occidentales, Lauragais, Minervois, Plaine du Narbonnais, Piémont du Biterrois, Garrigues du Montpelliérais, Costières, Sommierois et Vaunage, Uzégeois, Vallée du Rhône, littoral du Roussillon, littoral de l'Hérault, Petite Camargue). 11
par entités territoriales, comme définies dans les ORGFH ("Montagne", "Plaine, collines et garrigue", "Littoral et lagune") ; elles-mêmes sont déclinées en différents milieux. … La structuration générale des enjeux que nous proposons est la plus simple et la plus complète. Une série d’indicateurs d'état de la biodiversité devrait en découler. Cette classification est souple et compatible avec une mise en avant de catégories d’espèces (comme le font les ORGFH) ou d’écosystèmes particuliers (milieux aquatiques, littoral et zones humides associées, comme souhaité par la SRB). L’avantage des classifications transversales est la relative homogénéité des menaces au sein d’une même entité, bien que celle-ci puisse rassembler de nombreux enjeux (exemple : « les espèces gibier »), éventuellement de différents niveaux (exemple : « le littoral » regroupe espèces, habitats, écosystème, fonctionnement mer-lagune…). Second avantage, ce type de classification est plus parlant pour le grand public et les décideurs. L’apparente hétérogénéité de la présentation des enjeux dans les divers documents officiels n’est donc qu’un problème de forme et de communication qui peuvent être définies a posteriori. 3 Les menaces / pressions Les menaces sont difficiles à structurer par nature car elles sont souvent incluses dans des cascades de causes et d’effets, et interagissent entre elles. De plus, les thématiques abordées et la sémantique utilisée sont très variables d’un document à l’autre. Un classement des menaces évoquées dans les divers documents officiels a été réalisé à l’aide de cartes mentales par l’auteur de ce rapport. Il a conduit à faire 4 grandes catégories qui ne peuvent être considérées comme totalement indépendantes : 1. les menaces liées au fort développement des activités et de la démographie 2. celles liées aux mutations et activités du domaine rural (agriculture, foresterie, chasse, pêche) 3. le changement climatique 4. les espèces invasives 3.1 Les menaces liées au fort développement des activités et de la démographie Le développement des activités humaines et la forte progression démographique de la région Languedoc-Roussillon ont inévitablement des effets collatéraux sur le milieu naturel, les habitats qui le constituent et les espèces qui en dépendent. Cette partie regroupe un certain nombre de problématiques interdépendantes. Une des principales est la pression foncière (d’origine non agricole), qui si elle est mal maitrisée, entraîne une destruction ou une artificialisation d’une proportion non soutenable de milieux naturels. Ce phénomène est particulièrement important dans la plaine et sur le littoral, et prends divers aspects : extension urbaine pavillonnaire, zones commerciales et nouvelles zones industrielles, aménagements du littoral pour le tourisme et la protection des plages, nouvelles infrastructures de transport, artificialisation des cours d’eau… Un autre effet de ce développement rapide est le risque d’augmentation du niveau de pollution des eaux. Diverses sources de pollution peuvent ainsi être pointées en Languedoc- 12
Roussillon : problèmes d’assainissement liés à la croissance démographique, avec des installations parfois obsolètes notamment dans les zones reculées, pollutions ponctuelles résultant d’un dépassement de capacité lors de la saison touristique, rejets industriels, risque accru de pollutions accidentelles en mer et sur terre liées à l’augmentation du trafic, sans oublier les effets de la démoustication sur la faune invertébrée des zones humides du littoral. Quelques menaces plus ciblées peuvent encore être ajoutées : celles liées à l’augmentation inévitable de la demande en eau, et son impact sur les régimes des cours d’eau et les milieux souterrains ; l’augmentation des pollutions atmosphériques, avec notamment l’impact des rejets azotés de la plaine sur les sols (dépôts azotés) et la flore (changements de composition), et à plus large échelle la contribution de la région au changement climatique (émissions de gaz à effet de serre) ; la surfréquentation des milieux naturels, leur dégradation et le dérangement d’espèces menacées, liés à l’extension urbaine, au tourisme et aux activités de nature (problématique dont les effets s’étendent du littoral à l’arrière-pays). Le schéma ci-dessous (comme ceux des paragraphes qui suivent) est extrait d’une carte mentale élaborée par l’auteur de ce rapport sur la base des idées identifiées comme menaces dans les différents documents passés en revue (en particulier, la SRB, le PERLR et les ORGFHLR). Il n’a pas vocation à être exhaustif mais à tenter de faire une synthèse organisée des menaces évoquées dans ces documents, malgré leur hétérogénéité, et malgré l’absence apparente de structure commune. Il représente les connexions entre les différentes menaces de ce groupe, leurs cascades d’effets et leur résultat : Pollutions accidentelles Pollution de l’eau Forte croissance Rejets industriels Pollution azotée de l’air Pollution des sols Modifications des cortèges floristiques Pollution liée aux transports Busage des cours Modification de régime d’eau des cours d’eau Lutte contre inondations artificialisation Barrages hydroélectriques ou Pression foncière structurants mal maitrisée / Perte de diversité Rupture du fonctionnement changements fleuve-littoral-mer Altération des habitats d’usage Infrastructures Fragmentation extension urbaine Diminution de la surface des milieux naturels Pollution de l’eau par les pesticides Démoustication du littoral Impact sur autres espèces tourisme Augmentation Assainissement des rejets Pollution de l’eau insuffisant urbains Surpopulation touristique Augmentation des Dérangement des espèces transitoire activités de plaisance surfréquentation Altération des habitats 3.2 Les menaces liées aux mutations et activités spécifiques du domaine rural 3.2.1 Mutations de l’agriculture Un grand groupe de menaces correspond à un phénomène d’importance mondiale, qui est particulièrement préoccupant en Languedoc-Roussillon. Il s’agit des effets des mutations de 13
l’agriculture (déprise et intensification) sur la biodiversité, à tous les niveaux (génétique, spécifique, écosystémique). Le premier effet de ces mutations est une homogénéisation globale : la déprise agricole homogénéise les paysages et menace la diversité spécifique par la fermeture des milieux ; l’intensification des pratiques agricoles homogénéise également la diversité des paysages agricoles, ainsi que la diversité des races et des variétés cultivées. Le deuxième effet majeur de l’intensification concerne la pollution des eaux souterraines et de surface par les engrais et les pesticides. La pollution azotée entraîne l’eutrophisation des milieux aquatiques et menace un grand nombre d’espèces et d’habitats sensibles. Enfin, la troisième grande menace concerne l’exploitation irraisonnée de la ressource en eau, qui là encore a un impact important sur les régimes hydriques des cours d’eau et des systèmes souterrains. Pollution azotée Eutrophisation des eaux douces et lagunes Surexploitation de la ressource en eau Modifications de régime, assèchements Pollution par les pesticides intensification Perte de diversité Comblement et drainage des zones humides Transformation du milieu physique (dérochages) Destruction de milieux semi-naturels Pratiques agricoles homogénéisantes Races domestiques rustiques Altération de la diversité génétique utile Diversité culturale maraichère, fruitière, du vignoble déprise Fermeture du paysage 3.2.2 Gestion forestière La gestion forestière est susceptible d’affecter les trois types de diversités. En tout premier lieu, la diversité des écosystèmes à l’échelle du paysage et des habitats par les choix de sylviculture, notamment le recours à des plantations monospécifiques, à des choix d’essence favorisant les incendies, à des rotations courtes et à des modes d’exploitation incompatibles avec le maintien d’un bon état de fonctionnement de la forêt. Par leur action sur les milieux certaines pratiques de gestion forestière affectent la diversité spécifique. Enfin, par les choix d’essence effectués, la gestion forestière est susceptible d’altérer le potentiel génétique reconnu d’essences forestières présentant des souches caractéristiques du Languedoc- Roussillon. ordinaire Plantations monospécifiques Diversité spécifique menacée altération Rotations trop courtes Diversité écosystémique habitats Exploitation brutale fragmentation matrice incendies fonctionnement Mauvais choix d ’essences Alteration de la diversit é génétique foresti ère 14
3.2.3 Pratiques de pêche Si la pêche fait l’objet de bonnes pratiques, elle reste la problématique majeure du milieu marin, et est d’une grande importance pour le littoral (lagunes) et les cours d’eau intérieurs. La pêche en mer fait l’objet de nombreuses pratiques susceptibles d’altérer la biodiversité, qu’on peut regrouper principalement en trois points : (i) la surexploitation de la ressource ; (ii) des pratiques destructrices pour les habitats (chalutages en général, parfois illégaux) ; (iii) des effets indirects par l’explosion démographique des Goélands leucophée, liée à l’exploitation de la ressource abondante des déchets de pêche. La pêche en eaux douces fait surtout l’objet de mauvaises pratiques de gestion par des rempoissonnements peu réfléchis, voire des introductions d’espèces ou de souches allochtones (truites fario de souche atlantique). châlutages Dégradation des fonds marins surexploitation Stocks fragilisés Introductions d’espèces allochtones concurrence Espèces menacées Déchets de pêche en mer Explosion démographique des Goélands 3.2.4 Pratiques de chasse La problématique de la chasse est assez différente selon qu’on se place sur le littoral (oiseaux d’eau), dans l’arrière pays (petit et grand gibier), ou en montagne (espèces sensibles, galliformes). Comme pour la pêche, si la chasse fait l’objet de bonnes pratiques, il existe néanmoins des risques tels que (i) la surexploitation d’espèces sensibles (gibier d’eau, gibier de montagne), (ii) un mauvais maintien de l’équilibre agro-sylvo-cynégétique par une faible pression de chasse ou par des pratiques favorisant la prolifération d’espèces à fort impact sur les milieux et les espèces sensibles (sanglier), et (iii) l’introduction d’espèces et l’altération des souches génétiques locales. A ces problèmes majeurs doivent être ajoutés le problème des déchets, y compris la pollution au plomb sur le littoral languedocien, ainsi que les problématiques loup et ours dans les Pyrénées orientales. Déséquilibre agro-sylvo-cynégétique surexploitation Mise en danger d’espèces fragiles Non-atteinte des quotas de chasse Introductions d’espèces allochtones Altération des habitats déchets Pollution au plomb 15
3.3 Menaces liées au changement climatique Pour l’instant, les changements d’usage des terres restent la menace la plus importante en Languedoc-Roussillon. Néanmoins, la menace climatique est vouée à augmenter avec le temps et des signes avant-coureurs de ses effets sont déjà perceptibles (modifications d’aires de répartition, apparition d’espèces, dépérissements forestiers, etc). Le changement climatique est susceptible de modifier profondément les paysages et la diversité spécifique de la région dans les prochaines décennies, aussi c’est une menace importante à moyen terme, en particulier pour les écosystèmes côtiers et les écosystèmes de haute montagne. ordinaire réchauffement Diversité spécifique Modification des menacée Modification des régimes de pluies distributions altération habitats Hausse du niveau de la mer (submersion) Diversité écosystémique fonctionnement 3.4 Menaces liées aux espèces invasives La plupart des documents officiels considèrent la problématique des espèces invasives du point de vue de l’origine géographique (espèces autochtones vs espèces étrangères). Si certaines espèces d’origine exotique trouvent parfois dans nos régions des conditions propices à leur développement et peuvent devenir problématiques en l’absence de leurs prédateurs naturels (algue Caulerpa taxifolia, Jussie, Buddleia, Séneçon du cap, lentille d'eau, Ragondin, écrevisse de Louisiane, Cascail, etc), la majorité des espèces exotiques ne sont pas envahissantes. De plus une espèce peut-être envahissante sans pour autant représenter une menace écologique. Pour un certain nombre d’envahissantes, l’impact en terme de disparition d’espèces autochtones n’a en effet pas été démontré. Exotique ne signifie donc pas envahissant, et envahissant ne signifie pas menace. En revanche on retrouve des espèces envahissantes avec un fort impact écologique chez des espèces autochtones, comme le goéland, le cormoran, le héron cendré, l’étourneau, le sanglier. La définition d’espèce envahissante devrait donc être basée sur la présence d’une prolifération et de ses conséquences. C’est pourquoi dans le cadre de l’observatoire nous proposons de retenir les définitions du rapport « La faune envahissante en Languedoc-Roussillon»1. Il convient ainsi de distinguer (i) les espèces colonisatrices dont l’aire de distribution s’accroît, sans impact particulier, (ii) les espèces envahissantes montrant un accroissement de densité et de distribution de grande ampleur et soutenu dans le temps, sans impact notable sur l’environnement, (iii) les espèces invasives dont l’accroissement a un impact sur la dynamique des populations d’autres espèces et/ou sur le fonctionnement des écosystèmes. Ces définitions ne préjugent donc pas de l’origine des espèces : elles s’appliquent aussi bien à des espèces autochtones qu’allochtones. L’apparition d’espèces invasives a donc deux grandes origines : - elle est favorisée par l’introduction d’espèces allochtones : (i) introductions plus ou moins volontaires (pêche, chasse), (ii) introductions involontaires (ballastages/déballastages, transport par route, train, avion, intensification des échanges, bois tropicaux, animaux d'élevage, grands travaux d'infrastructures, 1 La faune envahissante en Languedoc-Roussillon (2009). Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc- Roussillon, 55 pp. 16
commerce d’animaux de compagnie, horticulture, jardinage), (iii) changement climatique. Etant donné la situation de la région Languedoc-Roussillon (trafic routier important, échanges maritimes avec le reste de la Méditerranée et l’Afrique, conditions climatiques favorables, limite du biome méditerranéen), l’augmentation du nombre de ces espèces doit être une de ses préoccupations. - elle est favorisée par tout changement induisant une diminution de pression sur des espèces à fort potentiel de croissance démographique (déséquilibre agro-sylvo- cynégétique, conséquence de mesures de protection réglementaires, changements d’habitats et de pratiques, ressource alimentaire d’origine anthropique etc). Intensification des échanges Pratiques de pêche, chasse, Introduction d ’espèces horticulture, jardinage) exotiques potentiellement envahissantes Si absence de Diversité spécifique Changement climatique pression menacée (compétition) Espèces Déséquilibre agro -sylvo- invasives Déséquilibre de cynégétique Altération des habitats populations d ’espèces autochtones Diminution des protection pressions Changements d ’habitats Autres changements 3.5 Remarques et conclusion La structuration des menaces pourrait suivre une autre logique, par secteur d’activité humaine (agriculture, forêt, eaux, infrastructures, urbanisme, politique de la nature et des paysages, chasse, tourisme etc), par zones géographiques (mer, côte, plaine, montagne, etc) ou par milieux naturels. Ce type de catégorisation n’est cependant pas optimal (redondances). Trouver une structuration simple des menaces reste difficile, étant donné leurs multiples interrelations. Les 5 grands thèmes choisis ici se sont dégagés suite au bilan des menaces citées dans les documents officiels, et à une réflexion sur leurs liens de cause à effet. La présentation sous forme de cartes mentales a été conservée, bien qu’elle ne soit pas parfaite, car elle reflète mieux les liens entre les différentes problématiques. Un des objectifs de l'observatoire est de mesurer l’état et l’évolution de ces menaces à l’aide d’indicateurs de pression exercée sur la biodiversité. Une des propriétés de l’indicateur de pression est qu’il peut aussi bien concerner une cause ultime, qu’un élément de la cascade d’effets intermédiaires conduisant à l’altération. Ce type de diagramme peut donc aider à mieux cibler les indicateurs les plus pertinents. Enfin, il faut noter que certains enjeux sont également des pressions. C’est le cas par exemple des habitats, dont le mauvais état peut représenter une menace pour les espèces qui en dépendent. Certains indicateurs d’état peuvent donc être également des indicateurs de pression. 4 Les actions stratégiques Le bilan des enjeux et des menaces conduit nécessairement à définir une liste d’actions souhaitables pour protéger la biodiversité de ces menaces, diminuer leurs effets, voire les 17
réparer. Il s'agit de faire un bilan des orientations stratégiques déclarées dans les divers documents officiels. Deux principales sources d’informations à ce sujet sont la Stratégie Régionale pour la Biodiversité en Languedoc-Roussillon (SRB) et le Profil Environnemental (PERLR). Il est possible d’établir une correspondance grossière et partielle entre les deux documents : SRB LR PE LR - mieux maitriser l'urbanisation (notamment littoral et - contrôler l'artificialisation et la fragmentation plaine) - préserver les terres agricoles en zone périurbaine - intégrer la biodiversité dans les documents d'urbanisme - maintenir les coupures vertes et d'aménagement - rendre une place à la nature en ville - anticiper les conséquences du changement climatique - poursuivre les actions de réduction des rejets industriels (littoral notamment) (gaz) - limiter la perte des milieux ouverts - lutter contre la fermeture du milieu par le pastoralisme - organiser les réseaux écologiques - maintenir ou restaurer les liaisons écologiques - prendre en compte, préserver et reconquérir les zones humides continentales - définir et préserver les zones à fort enjeu patrimonial en milieu marin - favoriser la mise en place d'une gouvernance de l'eau par bassin - limiter la dégradation de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques - résorber les points noirs de pollution domestique (eau) - résorber les points noirs de pollution industriel (eau) - mettre en place des plans de lutte contre la pollution aux pesticides - restaurer l'équilibre quantitatif de la ressource en eau dans le respect des milieux et des usages - limiter la prolifération d'espèces envahissantes / contrôler les introductions dans le milieu naturel - communiquer (favoriser l'appropriation du concept de biodiversité, des services qu'elle rend, de son rôle, - constituer des bases de données naturalistes accessibles et favoriser la prise de conscience des pressions exercées sur structurées en réseau (OBSERVATOIRE) + communiquer elle ; mutualiser et valoriser la connaissance sur la biodiversité) - améliorer les connaissances (combler les lacunes sur - compléter les connaissances sur les espèces d'intérêt certains groupes, notamment les invertébrés ; connaître la - identifier les zones à fort taux d'espèces rares ou dangerosité des espèces envahissantes) menacées - préserver et restaurer les espèces les plus menacées - préserver l'intégrité des écosystèmes littoraux - restaurer ou réhabiliter les sites et paysages remarquables dégradés - contribuer à la mise en place de protections réglementaires des milieux souterrains - accélérer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 et du Schéma Régional pour la Diversité - gérer la fréquentation et les impacts sur les milieux sensibles - promouvoir les méthodes d'agriculture raisonnée et les conversions à l'agriculture biologique Ces deux documents ont une valeur très générale et restent peu concrets. Les ORGFHLR sont plus informatives, avec 281 pistes d’actions concrètes, réparties en 16 orientations « habitats », 12 orientations « espèces » et 6 orientations « générales ». Ces pistes concernent souvent des points très précis, et n’ont pas été reprises ici. Une tentative de synthèse des trois documents a cependant permis de regrouper les orientations en 6 catégories : 18
1) gérer les effets collatéraux de la croissance démographique - Maitriser l'urbanisation / artificialisation - Lutter contre la pollution des eaux - Intégrer nature et ville - Lutter contre l'effet de serre 2) gérer les transformations du paysage - Lutter contre la fermeture des milieux - Lutter contre la fragmentation 3) protéger - les espèces menacées (rapaces, galliformes, espèces de milieux ouverts, ours, loup, espèces patrimoniales de milieux humides, etc) - les milieux sensibles (zones humides, milieu marin, littoral, milieux souterrains) 4) bien gérer les ressources naturelles et les activités humaines associées - bien gérer la ressource en eau - soutenir les bonnes pratiques agricoles - lutter contre la dégradation des sols - bien gérer le tourisme - bien gérer la chasse et la pêche - bien gérer la forêt 5) réparer - restaurer les habitats / espèces - gérer les effets des espèces invasives 6) des préconisations générales - communiquer - compléter les connaissances - avoir une gestion d'ensemble intégrant la biodiversité Un des objectifs de l'observatoire est de mesurer l'état et l'évolution des mesures politiques prises en faveur de la biodiversité sous forme d’indicateurs de réponse. Leur définition peut être orientée par les documents cités mais ceux-ci restent souvent vagues. Seules les ORGFH proposent une liste très détaillée de mesures à prendre, ainsi que des possibilités d’indicateurs. La définition d’indicateurs de réponse est sans doute une des tâches les moins aisées du projet. Elle devrait faire l’objet d’un groupe de travail. Il est à noter que l'observatoire en lui-même doit permettre de répondre en partie à l’objectif de communication : 19
- par une batterie d'indicateurs - par la mise à disposition d'un catalogue de données - par un répertoire d'acteurs - par un site web évolutif (contenu à définir) - par des publications Enfin, de nombreux objectifs à atteindre ne pourront pas faire l'objet d'indicateurs de réponse tant que des politiques ne seront pas concrètement mises en œuvre. L’observatoire doit donc se réserver la possibilité de les intégrer dans le futur (batterie d'indicateurs non figée). Un des buts ultimes étant l’évaluation des effets des politiques publiques en faveur de la biodiversité, il est nécessaire de rappeler que ce sont toujours les indicateurs d’état qui permettent de mesurer les effets, à la fois les effets des menaces (dégradation), et les effets des réponses politiques (amélioration ou non). Indicateur de réponse ne signifie pas « réponse de l’environnement aux politiques », mais doit bien s’entendre comme réponse des politiques aux dégradations de l’environnement. L’évaluation de l’effet de ces politiques n’est possible qu’en associant les trois types d’indicateurs selon le schéma PER classique1 : 5 Conclusion générale Le présent inventaire des enjeux, menaces et réponses relatives à la biodiversité en Languedoc-Roussillon a montré une relative homogénéité sur le fond dans les différents documents officiels, mais une grande hétérogénéité sur la forme. Pour faciliter la suite du travail, nous avons tenté de clarifier les définitions employées et de simplifier la structuration des enjeux. Ce travail peut servir de base au volet suivant, qui doit consister à faire l’inventaire des données existantes principalement sur les enjeux, mais aussi sur les menaces et les réponses. Associé à une réflexion technique et à une réflexion scientifique sur l’exploitation de ces données, ce travail devrait aboutir à la proposition d’une liste d’indicateurs Etat-Pression-Réponse. 1 tiré de Levrel, H. (2007) Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ? Les cahiers de l’IFB, Institut Français de la Biodiversité 20
Enjeux, menaces, Inventaire réponses et hiérarchisation Travail d’inventaire Données Exploitation = faisabilité existantes statistique / SIG Réflexion technique mais surtout pertinence scientifique Indicateurs 6 Remerciements Merci à Capucine Crosnier, Jacques Lepart, Isabelle Moins, Max Debussche, Perrine Gauthier, Françoise Poitevin, Marc Cheylan, Xavier Rufray, Claudie Houssard, pour leurs contributions à ce travail. 21
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