Deontologie meDicale sur le web - Le Livre blanc du Conseil national de l'Ordre des médecins

 
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décembre 2011

Deontologie
medicale
sur le web
Le Livre blanc du Conseil national de l’Ordre des médecins
editorial
Les technologies de l’information et de la communication             tient à contribuer à la construction d’un système d’informa-
irriguent l’ensemble de la société et contribuent à faire émer-      tion en santé qui garantisse la qualité de la médecine et
ger de nouvelles formes d’échanges et de relations sociales,         renforce la qualité de la relation médecins-patients.
à transformer les attitudes et les pratiques en matière de              Devant les nouveaux usages d’Internet actuellement en
recherche et de production de l’information. Ces mutations           pleine expansion dans le champ de la santé, le Cnom sou-
sont particulièrement sensibles dans le champ de la santé.           haite, en effet, à la fois engager les médecins à renforcer leur
Le foisonnement et le succès des sites web, mais aussi des           présence sur le web et accompagner les usages déontolo-
forums, des blogs et autres « espaces virtuels », porteurs           giques des réseaux sociaux numériques.
d’informations concernant la santé et la médecine ouvrent la            Le web n’est qu’un média parmi d’autres et la déontologie
voie à autant de progrès que de risques.                             médicale n’a pas à y être différente. Les informations sur la
                                                                     Toile et les propos sur les réseaux sociaux numériques, ne
   Les progrès tiennent notamment à un accès élargi à des            doivent pas entraîner des comportements qui ne seraient ni
bases de connaissances multiples et à la possibilité de              assumés, ni acceptés, dans la vie réelle.
confronter des points de vue. La communication est passée
successivement dans le cours de l’histoire de la tradition orale        Mais il est nécessaire d’identifier des interrogations déon-
à l’expression écrite littéraire. Elle s’effectue aujourd’hui dans   tologiques particulières qui appellent des recommandations
les espaces numériques qui promeuvent la démocratisation             adaptées. C’est le cas, par exemple, de l’identité numérique
du partage des connaissances et le croisement des exper-             et du pseudonymat, un sujet sur lequel le Cnom apporte une
tises, des savoirs et des vécus.                                     proposition concrète. C’est aussi le cas de la certification des
   Les risques concernent le respect des personnes et de la          sites santé, destinée à orienter le public vers des sources
confidentialité des données personnelles véhiculées par les          fiables d’information, qui exige une démarche rénovée. C’est
nouveaux médias. Ils tiennent aussi à la rapidité des échanges       également le cas du téléconseil en santé dont l’exercice
sans prendre le temps de mûrir la réflexion et peuvent contri-       devrait, selon le Cnom, donner lieu à une réglementation
buer à la propagation de fausses nouvelles voire de rumeurs          sanitaire et à des obligations spécifiques. Ces exemples ne
qui « enflamment la Toile ».                                         sont pas exhaustifs.

  En ce qui concerne l’usage des TIC en santé, le Cnom re-             Pourquoi encourager les médecins à participer plus large-
nouvelle aujourd’hui ses recommandations et préconisations           ment au web ? Parce que la recherche et le partage de l’in-
en matière de déontologie des médecins sur le web, car il            formation santé en ligne constituent aujourd’hui plus encore
01                                                                                                       decembre 2011
                                                                                        Deontologie medicale sur le web

                                            Nous souhaitons fortement rappeler
                                         que la fascination que l’on peut éprouver
                                         pour les avancées et les prouesses
                                         technologiques ne doit pas faire perdre
                                         de vue que toute activité médicale doit
                                         être soutenue par le principe éthique
                                         de bienfaisance.

qu’hier un véritable phénomène de société et parce que              des corps professionnels ne peuvent pas être figées dans un
le grand public reconnaît massivement que les médecins sont         corpus doctrinal. C’est pourquoi le Cnom restera particulière-
la première source fiable d’information. Cela atteste que           ment attentif aux évolutions à marche accélérée du web
la confiance des citoyens dans la relation avec le corps mé-        santé et des nouveaux usages d’Internet, car son implication
dical reste inégalée, avec la part d’humanisme et de contact        contribue à faire vivre l’éthique médicale et la déontologie
privilégié qui s’y rapporte. Pour le Cnom, ce constat doit inci-    professionnelle dans la société d’aujourd’hui en préparant
ter les médecins à adopter une attitude accompagnatrice,            celle de demain.
pédagogique, voire anticipatrice vis-à-vis des usages du web           Mais nous souhaitons fortement rappeler que la fascina-
santé. Par leur implication, responsable et déontologique, ils      tion que l’on peut éprouver pour les avancées et les
ont la capacité de répondre au principal défi posé par l’infor-     prouesses technologiques ne doit pas faire perdre de vue
mation santé en ligne : l’amélioration de sa qualité. Le Cnom       que toute activité médicale doit être soutenue par le principe
s’engagera à leurs côtés dans cette démarche.                       éthique de bienfaisance. Tel est le sens fondamental des
                                                                    propos qui suivent.
   Dans le même temps, le web offre aux médecins des res-
sources et des outils qui peuvent les aider dans leurs exer-
cices : veille de l’actualité médicale et scientifique, échanges
d’avis et d’opinions, formation et développement professionnel
continu en ligne… Ce potentiel mériterait d’être accentué par
le développement pragmatique de ressources en langue fran-
                                                                    Dr Michel Legmann                 Dr Jacques Lucas
çaise, immédiatement accessibles en situation de consultation
                                                                    Président du Conseil national     Vice-président,
ou de mobilité. Le Cnom invite les sociétés savantes et les
                                                                                                      chargé des TIC en santé
conseils professionnels à se mobiliser autour de cet objectif. Il
soutiendra activement les projets et les recommandations qui
sont annoncés dans ce domaine, notamment par la HAS.

  Le lecteur trouvera dans le corps de ce Livre blanc les
recommandations, les préconisations et les engagements
pris par le Cnom. Bien évidemment, nous avons conscience
que la marche des technologies comme celle des attentes
02

          Sommaire

                             Comité de rédaction

             Mmes et MM. les conseillers nationaux
                  Docteur Jean-Pierre Gicquel
                 Docteur Irène Kahn-Bensaude
                  Docteur Bernard Le Douarin
     Docteur Jacques Lucas, Coordination de la rédaction
            Docteur Jacqueline Rossant-Lumbroso
                    Docteur François Stéfani

     Avec la collaboration de Madame Dominique Lehalle

      Nous remercions celles et ceux qui ont apporté directement ou indirectement
              leur éclairage au cours de l’élaboration de ce Livre blanc.
03                                                                                              decembre 2011
                                                                               Deontologie medicale sur le web

 ditorial
1. La sant sur le web :
de l’hypertexte aux espaces de partage                                                                   P. 04

2. a quoi sert le Web sant ?                                                                             P. 10
2.1 Du point de vue des médecins
2.2 Du point de vue des citoyens et des patients
2.3 Et la relation patients-médecins ?
2.4 Du point de vue des pouvoirs publics

3. L’usage du Web par les m decins :
bonnes pratiques                                                                                         P. 16
3.1 Le médecin éditeur de site d’informations
3.2 Le médecin relais d’informations
3.3 Le médecin modérateur de forums grand public
3.4 L e médecin, les sites communautaires, les blogs et les réseaux sociaux
     L’identité du médecin sur le web
3.5 Les services web proposés aux médecins
3.6 Qualité de l’information de santé : pour une démarche rénovée
     De la certification au référencement

4. Le t l conseil                                                                                        P. 27
4.1 De quoi s’agit-il ?
4.2 Regard sur quelques pratiques européennes : Suisse, Royaume-Uni
4.3 Les problèmes éthiques posés par le téléconseil

5. La place du courrier lectronique
et du t l phone dans la communication
entre le m decin traitant et son patient                                                                 P. 32

6. Les pr conisations du CNOM, en synth se                                                               P. 36

Glossaire                                                                                                P. 43
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1
     La sant
     sur le web :
     de l’hypertexte
     aux espaces
     de partage
05                                                                                                               decembre 2011
                                                                                                Deontologie medicale sur le web

                                                                  (1) Étude CREDOC.              (2) Dr Philippe Eveillard   (3) Baromètre Cercle
                                                                  Enquête, menée pour            sur Atoute,                 santé Europ Assistance.
                                                                  le compte du CGIET et          13 novembre 2007 :          CSA. Septembre 2011.
                                                                  de l'Autorité de régulation    http://www.atoute.org/n/
                                                                  des communications,            article71.html
                                                                  réalisée en juin 2010
                                                                  en face-à-face auprès
                                                                  d'un échantillon de
                                                                  2 230 personnes âgées,
                                                                  de plus de 12 ans
                                                                  représentatif
                                                                  de la population
                                                                  française.

                                          Cette société de l’information est devenue             considérablement élargi ces dernières
                                          une réalité pour la quasi-totalité des                 années, tant par la nature des
                                          Français : les trois quarts de la population           informations publiées que par le type
                                          disposent maintenant d'un ordinateur à                 d’outils disponibles ; l’émergence
                                          leur domicile (1), qui est dans la plupart             d’un nouvel espace de production
                                          des cas connectés à Internet. En 2010,                 d’informations de santé, fondé
                                          71 % de la population avait accès à                    notamment sur les échanges entre
                                          l'Internet fixe à domicile, essentiellement            patients (et/ou avec leurs proches),
                                          via l'ADSL (92 %). Plus d’un Français                  étant d’ailleurs le plus souvent lié
                                          sur deux l’utilise tous les jours et y                 à l’apparition de nouveaux outils.
                                          passe en moyenne quinze heures par                     Une constante, cependant, demeure
                                          semaine. Le nombre de personnes                        au fil du temps : le moteur de
La production, la diffusion               effectuant des démarches administratives               recherche reste la porte d’entrée
et le partage de l’information            et fiscales en ligne a quasiment doublé                privilégiée du web santé.
concernant la santé viennent              en cinq ans pour atteindre 23 millions
de connaître, en quelques années,         en 2010. Tandis que plus de                            Après une première décennie de
une véritable révolution.                 25 millions de Français se sont inscrits               découverte, marquée par des usages
                                          auprès d’au moins un réseau social.                    calqués sur ceux que l’on pouvait faire
Tous les acteurs du système                                                                      des médias traditionnels, l’évolution
de santé sont désormais présents             La Toile n’est plus                                 des technologies Internet s’est donc
sur le web. Il a fallu un peu             seulement un ensemble de                               accompagnée de l’essor d’usages
moins de vingt ans pour que la Toile      documents reliés entre eux                             propres aux nouveaux outils. Leurs
constitue un média incontournable,                                                               principales caractéristiques – facilité
dans la santé comme pour les autres
                                          par des liens hypertexte ;                             de prise en main, interfaces conviviales,
secteurs d’activité.                      elle est devenue une                                   accès via les téléphones mobiles –
Le volume et le rythme de production      communauté d’individus                                 ont contribué à révolutionner la manière
de l’information en ligne concernant      qui fréquentent les mêmes                              dont leurs utilisateurs communiquent,
la santé ont explosé sous l’effet         espaces de partage                                     collaborent, recherchent et
de la multiplication et de la diversité   et d’échange (2).                                      sélectionnent l’information.
des contributeurs : des associations                                                             Cette nouvelle ère est le plus souvent
de patients aux établissements            Un baromètre réalisé annuellement                      désignée par le vocable « web 2.0 » :
de soins en passant par les mutuelles     depuis 2006 nous montre que                            par opposition au web « première
et assurances par exemple.                la proportion de Français qui consultent               génération », elle définit la capacité
La simplification des outils y est        régulièrement ou occasionnellement                     d’un internaute à devenir actif sur
pour beaucoup, en permettant              des informations de santé sur Internet                 la Toile, à produire son propre
facilement de publier, commenter,         est passée de 31 à 45 % (3). L’éventail                contenu – sa propre information –
échanger sur le web.                      de réponses à leurs recherches s’est                   et à interagir avec les autres.
06

(4) Selon le terme du
Dr Dominique Dupagne.
« Les nouvelles
informations en santé ».
Les Tribunes
de la santé, n°29,
hiver 2010.

L’irruption du web 2.0 a enrichi              aux entreprises commerciales, en passant      Les groupes de discussions (ou listes
l’information de santé en ligne d’une         par les médecins eux-mêmes et                 de diffusion) et forums restent, pour les
dimension participative. Ce qui               leurs associations ou sociétés savantes.      professionnels comme pour les patients,
répond d’ailleurs à la volonté de notre       Ces sites évoluent cependant en ajoutant      un moyen privilégié de s’interroger
société de construire une démocratie          progressivement : des contenus                mutuellement, de confronter des points
sanitaire, depuis la loi du 4 mars            multimédias (vidéos notamment), des fils      de vue, de rompre avec l’isolement.
2002 jusqu’au programme « 2011,               RSS qui alertent le lecteur lorsqu’une        Pour un grand nombre d’associations
Année des patients et de leurs droits ».      mise à jour est en ligne, des liens vers      de malades, aux ressources modestes,
Les expressions « réseau social               des forums, des boutons de partage            la Toile constitue grâce à ce moyen
numérique » ou « médias sociaux »             (le plus connu étant sans doute le            un espace de communication idéal.
se sont également répandues                   symbole du « pouce en l’air » sur lequel      La diversité de ces groupes est telle
dans le monde de l’Internet pour              on est invité à cliquer pour                  qu’elle garantit presqu’à coup sûr que
décrire la dimension relationnelle            recommander la lecture d’un article)…         tout un chacun y repérera l’existence
de ces technologies.                          C’est par ce type de fonctionnalités          d’une communauté partageant les mêmes
                                              que l’on entre dans le monde du web           préoccupations ou centres d’intérêts,
Aujourd’hui, les deux générations             2.0 dont on reconnaît aujourd’hui             de A comme allergie à Z comme zona.
de web santé se côtoient, se complètent       qu’il recouvre des innovations d’usages       La consultation des pages d’accueil
et finissent par s’enchevêtrer.               plutôt qu’une réelle rupture technologique.   de deux des hébergeurs parmi les plus
Si les médias sociaux bénéficient                                                           utilisés (Google groupes et Yahoo !
d’une « surmédiatisation », ils n’ont pas     Pour l’information dans le domaine            groupes) en témoigne. L’annuaire
pour autant condamné les publications         de la santé, cela se traduit par un           « santé-maladie » du leader de ce type
classiques à disparaître.                     foisonnement, une « nébuleuse » (4), dont     de services affiche par exemple plus
Les sites web traditionnels, publiés          la dynamique repose sur l’appropriation       de 3 700 groupes. L’un des forums
dans une logique d’« auteur à lecteurs »      progressive, par tous les acteurs, de         médicaux français les plus fréquentés,
– le maître-toile décidant des informations   tous les outils de diffusion et de partage    créé par un médecin généraliste
qu’il souhaite diffuser sans rechercher       des connaissances et des savoirs,             il y a plus de dix ans, compte environ
la réaction des internautes – forment         au sens large – c'est-à-dire des savoirs      1,5 million de visiteurs par mois, guidés
encore une bonne part des pages               d’experts aux expériences personnelles        dans leur quasi-totalité (environ 90 %)
mises en ligne dans le champ de la            en passant par les informations de            par des moteurs de recherche. Lancé
santé. Elles répondent essentiellement        nature commerciale.                           à la même époque (et revendu depuis
aux besoins de communication,                                                               à un grand groupe français de média),
de publication d’une « vitrine » sur          Le panorama qui est brossé ci-après           un autre forum santé au succès
le web, qui restent nécessaires pour          n’a pas vocation à être exhaustif             impressionnant affiche 150 000
la plupart des acteurs, des institutions      mais tend à souligner la richesse et          messages postés chaque jour.
(ministères, Ordre des médecins et            les évolutions récentes du web santé.         L’apparition de plates-formes structurées
autres, agences sanitaires, agences           (Les termes utilisés sont explicités dans     (et à vocation le plus souvent
régionales de santé, assurance-maladie)       le Glossaire).                                commerciale) a été stimulée par
07                                                                                                                   decembre 2011
                                                                                                    Deontologie medicale sur le web

                                                                                                       (5) Article cité          (7) Comme l’affiche
                                                                                                       précédemment :            le Club des médecins
                                                                                                       Dr Dominique Dupagne.     blogueurs.
                                                                                                       (6) Blogs de patients
                                                                                                       cancéreux.
                                                                                                       G. Gsell-Herold,
                                                                                                       M.F. Bacqué.
                                                                                                       Psycho-Oncologie
                                                                                                       (2008) 2:276. Springer.

le potentiel que recèlent ces besoins               une place marginale, en volume                     transmettre de l’information mais
d’échanges entre internautes. Elles                 d’informations échangées, comparée                 d’« écrire pour exister » (6), témoigner et
se proposent d’adapter à la médecine                aux espaces de discussion décrits plus             se sentir écouté. La « blogosphère »
et à la santé les principes de mise en              haut. Reconnue aujourd’hui comme                   santé recouvre, naturellement, toutes
relation (par la connexion de proche                un véritable phénomène de société, la              les activités du secteur de la santé,
en proche) qui ont fait le succès                   création de blogs n’a cessé de prendre             des établissements hospitaliers aux
des réseaux sociaux dans le monde                   de l’ampleur depuis 2005 et nombre                 entreprises commerciales en passant
professionnel (LinkedIn par exemple)                d’acteurs du système de santé s’en sont            par les syndicats et les organisations
ou personnel (Facebook).                            saisi. Les patients en premier lieu, pour          professionnelles. Les médecins eux-
« Trouvez des patients avec la même                 qui c’est l’occasion non seulement de              mêmes se laissent séduire en créant
pathologie que vous, rejoignez
la communauté de patients qui vous
correspond et dialoguez avec
les membres de votre groupe »,
annoncent les sites dédiés aux
malades ; « Interagissez avec des                   Les blogs de médecins, tranches de vie
confrères de toutes les disciplines,
formez des groupes et des
                                                    professionnelle
communautés partageant les mêmes                    Facile à mettre en ligne, le blog permet avant tout de livrer ses humeurs, « coups de cœur
intérêts », précisent les offres construites        et coups de gueule », de tenir la chronique de son exercice quotidien, de commenter
pour les professionnels. L’industrie                l’actualité politique ou socio-professionnelle. Les blogs de médecins se caractérisent
pharmaceutique, les sociétés                        en effet par une grande liberté, à la fois de ton et de choix éditoriaux. Liberté permise
commercialisant des dispositifs                     – et recherchée – par l’emploi, fréquent, d’un pseudonyme. Leurs auteurs y traitent
médicaux, les publications concernant               relativement peu de médecine au sens strict du terme et l’on observe que le blog donne
– la nutrition, le « bien-vieillir », le « rester   avant tout aux médecins la possibilité de « se » raconter et de partager avec les lecteurs
jeune » et le bien-être – recherchent               « leurs joies, leurs peines » (7), leur vision de la médecine et des relations avec les patients,
également leur expansion économique                 à commenter leur place dans le système de santé, voire dans la société. Ils constituent
via le web. Cela doit interroger                    fréquemment – c’est aussi la vocation d’un journal de bord – une forme d’exutoire face
l’internaute en général, et le médecin              au stress du métier et aux risques de burn out. Si la démarche peut paraître narcissique
en particulier sur la rigueur de                    en première approche, le blog représente le plus souvent un formidable outil de partage
l’information ou de la formation                    comme on peut le voir dans les commentaires généralement suscités par ces billets et
proposées par ce canal qui pourrait                 chroniques. Malgré – et grâce – à l’utilisation de pseudonymes, les médecins revendiquent
véhiculer des conflits d’intérêts.                  leur identité professionnelle, et leurs écrits composent une image de l’univers médical qui
                                                    peut contribuer à l’empathie des patients. Le chaleureux accueil du public et des médias
Le deuxième élément fort de la                      récemment réservé au livre d’une jeune généraliste blogueuse, qui regroupe un florilège
révolution 2.0 est l’apparition des                 de ses billets en ligne, en témoigne.
blogs (5), même s’ils occupent encore
08

(8) À Berlin, les             (10) Dr Dominique
27-28 octobre 2011.           Dupagne.
(9) Associée à l’Université   (11) Technologies
médicale virtuelle            de l’information et
francophone.                  de la communication.

leur propre blog où se mêlent parfois                Bien entendu, l’actualité santé favorise        blogging, c’est-à-dire le phénomène
des articles proprement médicaux et                  un regain d’intérêt pour ce type                Twitter). Si ce réseau social compte
des « regards » portés sur des pratiques,            de média. À titre d’exemple, le premier         environ 3 millions d’utilisateurs en
des billets d’humeur, des expériences                hébergeur français de web vidéos a              France, seuls quelques centaines
vécues dans toute leur humanité.                     engrangé plus de 9 000 documents                de médecins y seraient présents. Pour
                                                     de toutes natures autour du mot-clé             la plupart, il s’agit de prolonger leur
La vidéo a fait une entrée remarquable               H1N1.                                           expérience des blogs, d’être encore
sur le web santé, en volume et                                                                       plus régulièrement connectés avec leur
en audience. Selon les estimations                   Le web santé passe aussi désormais              communauté virtuelle ; pour d’autres,
avancées lors d’une récente conférence               par la micro-publication (ou micro-             d’analyser l’intérêt de ce nouveau
européenne (Health 2.0 (8)), sur
3 milliards de vidéos en ligne
visionnées chaque jour dans le monde,
une sur trois a trait à la santé. Guère
étonnant quand on sait que l’on peut
retrouver, sur les grands sites web                  Le micro-blogging, les « cercles » de confrères
d’hébergement de vidéos, aussi bien
des émissions de santé ou des reportages
                                                     et la discussion de cas cliniques
diffusés par les chaînes télévisées                  Observation clinique, en moins de 140 signes, « postée » par un généraliste sur Twitter :
que des productions professionnelles,                « Homme 70 ans avec lésion sus-mammaire gauche d'allure suspecte existant depuis au
ou universitaires (CanalU Santé                      moins deux mois... » Une photo y est associée. Réponse d’un confrère quelques minutes
et Sports (9)), des captations                       plus tard : « On dirait un botryomycome. À enlever pour anapath. #Diag différentiel
de conférences et de congrès                         le spinocellulaire :/ tu nous tiens au courant ? » En revanche, une autre question posée
(à l’instar des Journées annuelles                   le même jour et illustrée par des radiographies – « Accident sportif (mauvaise réception
de la Haute Autorité de santé),                      après un saut en gymnastique) chez une jeune fille de 14 ans. Qu’en pensez-vous ? » –
des clips publicitaires, etc.                        n’a reçu aucun avis… Il est vrai que l’exercice est actuellement limité par le faible nombre
Sans oublier, là encore, l’expression                de contributeurs potentiels.
de témoignages de patients, soit                     D’ores et déjà, les médecins les plus aguerris à l’utilisation des réseaux sociaux se sont
qu’ils se confient spontanément face à               également lancés, dès l’apparition de Google +, dans la création de cercles privés « FMC »
leur webcam, soit qu’ils y soient invités            ou « Cas cliniques 2.0 » afin d’évaluer la portée d’un tel outil sur les échanges en matière
par une association, une fondation,                  de cas cliniques. Le succès grand public de ces solutions de partage en ligne fera-t-il
voire un site institutionnel (à l’exemple            tâche d’huile sur le plan professionnel ?
de celui de l’Institut national du cancer).          Comme le rappelle l’analyste le plus pointu de la « médecine 2.0 » (10), les médecins qui
Et, plus rarement – mais ils commencent              utilisent les TIC (11) pour renforcer leurs propres compétences, échanger avec des collègues
à percevoir l’intérêt de la vidéo                    sur des pathologies rencontrées, trouver des avis complémentaires, ne sont encore que
pour se faire entendre –, on y trouve                quelques centaines, soit une portion infime du corps médical.
des réalisations signées de médecins.
09                                                                                                         decembre 2011
                                                                                          Deontologie medicale sur le web

                                                                                                                  (12) Hospimédia.
                                                                                                                  (13) http://socialmedia.
                                                                                                                  mayoclinic.org

                                                Le Cnom prolongera la réflexion éthique
                                             et déontologique ouverte par la publication
                                             de ce Livre blanc en organisant et en
                                             animant un Colloque sur ces nouvelles
                                             pratiques informationnelles.

moyen de communication dans                  du Nord où le média électronique              emballages de produits ou dans des
le cadre de l’exercice professionnel.        est activement mis à profit pour              magazines), les éditeurs d’informations
Il peut, en effet, compléter les outils      soutenir le traditionnel bouche-à-oreille     en ligne s’attachent maintenant
déjà existants de veille des sources         qui guide le patient dans son choix           à apporter l’information numérique
d’informations, d’autant plus qu’il attire   d’établissement. Un hôpital de Détroit        à l’utilisateur où qu’il se trouve, s’il
régulièrement de nouveaux acteurs,           est même allé assez loin en tweetant          possède un téléphone mobile équipé
institutionnels notamment. Sera-t-il         en direct le retrait d’une tumeur du          pour lire ces codes. En France, le
pour autant capable de répondre              rein. Pour le chirurgien, à l’origine de      CHU de Limoges vient par exemple
aux besoins des médecins, pour               cette initiative, « cette pratique élimine    de mettre en pratique des Quick
la discussion de cas cliniques par           les barrières de la communication.            Response (QR) codes. Disponibles
exemple ? Quelques professionnels            Elle aide à comprendre quelque chose          sur des affiches installées dans les halls
commencent à les tester.                     d’effrayant a priori ».                       de l’hôpital, ils ont pour but de faciliter
                                                                                           l’accès des patients et des visiteurs
Twitter n’a pas seulement aiguisé            Les défis éthiques de ces nouvelles           à une information pratique (« Où trouver
la curiosité de professionnels de santé      pratiques informationnelles                   des fauteuils roulants à proximité ? »,
pionniers du web puis du web 2.0.            commencent, dans le même temps,               « Quelles lignes de bus desservent
Le réseau de communication                   à être pris en compte, ce qui                 l’hôpital ? »). Les pharmacies sont
instantanée est progressivement investi      a conduit par exemple l’un des                également de plus en plus nombreuses
en France par les associations               établissements de soins américains            à s’y intéresser. Créés pour
de patients (timides), les institutions      les plus réputés – et très actif sur la       accompagner des actions marketing,
et quelques conseillers ordinaux             Toile – à créer un réseau international       ces codes ne manqueront sans doute
(avec volontarisme), et, de façon            de formation et de conseil (Center            pas de s’imposer dans l’univers
remarquable, par les établissements          for Social Media (13)) qui compte             de la santé.
de soins.                                    aujourd’hui 74 membres (dont un seul
L’équipe d’une agence d’informations         en Europe, aux Pays-Bas).                     L’évolution du web ne se limite pas
spécialisée (12) a dressé à la mi-2011                                                     bien sûr à ce qui vient d’être décrit
un panorama synthétique de leurs             Le Cnom prolongera la réflexion               et sa mutation se poursuit jour après
pratiques. Il montre que cliniques et        éthique et déontologique ouverte              jour. Le Cnom a souhaité marquer
hôpitaux se mettent à tweeter aussi          par la publication de ce Livre blanc          un temps d’arrêt sur les avancées
bien pour diffuser des offres d’emplois,     en organisant et en animant un                les plus récentes qui portent sur
que pour promouvoir des événements           colloque sur ces nouvelles pratiques          la production, la diffusion et
dans lesquels ils sont impliqués,            informationnelles.                            le partage de l’information concernant
mais aussi pour diffuser des informations                                                  la santé pour mieux réaffirmer
médicales spécialisées (à l’instar           Avec la technologie des codes-barres          que les médecins ne doivent pas être
de l’Institut de cancérologie Gustave        à deux dimensions (ces carrés noirs et        seulement des observateurs mais
Roussy). Ils suivent en cela une             blancs que l’on peut déjà remarquer           de véritables acteurs de
tendance qui s’affirme en Amérique           sur des panneaux d’affichage, des             ces transformations.
10

2
     a quoi
     sert le Web
     sant ?
11                                                                                                         decembre 2011
                                                                                          Deontologie medicale sur le web

                                                               (14) Sondage Ipsos          (15) Enquête IPSOS        (16) Thèse pour le
                                                               pour le Conseil national    pour Orange Healthcare,   diplôme d’État de docteur
                                                               de l’Ordre des médecins     septembre 2008, auprès    en médecine. Dr Erik
                                                               réalisé par téléphone       de 400 médecins,          Bernard : Utilisation
                                                               du 16 au 17 avril 2010,     généralistes et           par les médecins
                                                               auprès d’un échantillon     spécialistes.             généralistes de l’Internet
                                                               représentatif de                                      comme outil de recherche
                                                               la population française                               documentaire pour
                                                               de 1 014 personnes,                                   la pratique clinique :
                                                               constitué selon                                       obstacles et facteurs
                                                               la méthode des quotas.                                facilitants. Revue de
                                                                                                                     la littérature et enquête
                                                                                                                     auprès de médecins
                                                                                                                     généralistes exerçant
                                                                                                                     en France.

                                         Le Cnom s’engagera dans                           e-médecins y recourt « très souvent »
                                         cette voie, et dans une orientation               et l’autre moitié « de temps en temps ».
                                         pragmatique en situation réelle                   Si la recherche documentaire en ligne
                                         d’exercice médical, auprès                        peut se révéler pertinente, en situation
                                         des éditeurs fiables d’informations               clinique, il faut cependant noter qu’elle
                                         professionnelles en santé.                        est également complexe et nécessite
                                         Il recommande à la HAS,                           un apprentissage.
                                         aux sociétés savantes et aux conseils             « Malgré une plus grande disponibilité
                                         professionnels de différentes                     et un meilleur accès, avec l’Internet,
                                         disciplines médicales de s’engager                aux sources électroniques
                                         également rapidement vers                         d’informations, les médecins
                                         cet objectif.                                     généralistes semblent continuer
Auprès du grand public, le web                                                             à privilégier les ressources papiers
supplante les médias traditionnels       2.1 Du point de vue                               ou leurs confrères pour obtenir
en matière d’information en général.     des médecins                                      les réponses aux questions qu’ils
Concernant la santé, il est loin                                                           se posent en pratique clinique »,
de détrôner l’information délivrée       Le web représente avant tout                      conclut une thèse présentée en
directement par les médecins,            un outil de veille et de recherche                octobre 2009 (16).
qui demeurent en tête des sources        documentaire, mais son potentiel                  Cette recherche a identifié
privilégiées par les Français et,        est encore loin d’être exploité                   les principaux freins à l’utilisation,
surtout, jugées les plus fiables (14).   à sa juste mesure, en particulier lors            par les médecins généralistes, de
Au point que les sites web               de situations de recherche immédiate              l’Internet comme outil de recherche
ou blogs de médecins rencontreraient     pendant une consultation.                         documentaire pour la pratique
un bon succès auprès de                                                                    clinique : son auteur souligne
leurs patients… si ces moyens            Pourtant, au fil des ans, les médecins            notamment le manque de temps,
de communication venaient à              deviennent des utilisateurs de plus               l’excès d’informations à trier et
se développer, ce que le Cnom            en plus intensifs d’Internet et du web,           la barrière linguistique. À cet égard,
encourage dans le respect des règles     et placent la recherche d’information             le Cnom rejoint l’économiste de
déontologiques de la profession.         en tête de leurs besoins.                         la santé, Jean de Kervasdoué, qui
Chez les médecins, en revanche,          Dans le contexte professionnel, le web            considère que la diffusion du savoir
l’utilisation professionnelle du web     représente un bon outil de veille ;               médical en langue française constitue
n’a pas encore pris une place            il sert, pour deux médecins sur trois,            un enjeu majeur pour l’évolution
majeure, notamment en raison             à rester informé des publications et              des pratiques médicales et milite
de la prépondérance de la littérature    des dernières avancées concernant                 pour la création d’un portail Internet
anglo-saxonne et de la difficulté        leur spécialité (15) ou à obtenir des             facilitant l’accès, en quelques secondes,
à accéder rapidement à des sources       informations permettant d’affiner                 aux référentiels de pratiques.
pertinentes francophones.                un diagnostic. La moitié de ces                   Ces recommandations (notamment
12

(17) Étude Empirica
pour la Commission
européenne :
« Benchmarking ICT use
among General
Practitioners in Europe »,
avril 2008.

portées par un Rapport à l’Académie      reconnu dans le développement                  de santé. À l’origine de leur action :
des technologies, à paraître au          professionnel continu.                         la volonté de promouvoir et partager
printemps 2012) seront soutenues                                                        une information médicale de qualité,
activement par le Cnom.                  Le web a aussi apporté des facilités           tant avec leurs confrères qu’à
                                         d’ordre administratif (gestion                 destination des patients. Le Cnom
Le besoin de communiquer entre           des prises de rendez-vous par                  ne peut que soutenir ces objectifs.
confrères est illustré par la création   un agenda en ligne par exemple,
de nombreux forums dont l’inscription    mais aussi téléservices administratifs         Ce sont ces pionniers qui ont
est réservée aux médecins.               de l’Assurance Maladie) dont il faut           également initié la présence des
Aux espaces de discussion et             reconnaître qu’elles restent sous-utilisées,   médecins sur les médias sociaux
d’échanges animés par les praticiens     peut-être en raison de la non-intuitivité      (blogs et micro-blogging) ; ils sont
eux-mêmes s’ajoutent désormais           ou de l’absence de clarté                      aujourd’hui rejoints par des confrères
les plates-formes collaboratives mises   des formulaires à remplir et de leur           qui s’expriment sur le web non seulement
en œuvre par des entrepreneurs           ergonomie souvent défaillante.                 pour y traiter de médecine mais surtout
du web (médecins ou non), qui ont                                                       pour y tenir la chronique de leur
déjà un bon succès en Europe et          Aujourd’hui, seulement 11 % des                exercice, voire commenter l’actualité
aux États-Unis et commencent à           généralistes français présentent leur          politique ou socio-professionnelle
s’installer en France.                   activité sur le web (17). Ils sont 96 % en     (cf. chapitre I). Le Cnom exprime ses
Le Cnom a déjà mis en service un lien    Finlande et la moyenne européenne              recommandations à cet égard
vers le tableau, lors de l’inscription   est de 28 %. Encore faut-il remarquer          ci-dessous (chapitre III-4) en soulignant
sur une plate-forme, afin que puisse     que la majorité des « web plaques »            une différence de nature entre la libre
être vérifié que le tableau porte bien   françaises ont été ouvertes suite à la         expression du médecin, comme de
un médecin sous l’identité déclarée      promotion de services « clés en main »,        tout citoyen, et l’expression proprement
à la plate-forme collaborative.          réalisée par le département spécialisé         professionnelle.
Les certificats électroniques issus      d’un industriel de la pharmacie…
du RPPS pourraient s’y substituer        Le Cnom autorise cette « web plaque »          2.2 Du point de vue
pour renforcer l’identification.         conformément à la réglementation               des citoyens et des patients
                                         en vigueur [art. R.4127-81 CSP] et
L’intérêt des médecins pour le web       permet d’y rattacher un « micro-site »,        Les démarches des internautes sur
se renforce, en outre, avec la mise      dès lors que celui-ci n’est pas de             le web santé s’expliquent en premier
à disposition d’outils de formation      nature publicitaire.                           lieu par le besoin de comprendre.
médicale continue, voire d’évaluation
des pratiques professionnelles,          En dépit de ces retards apparents,             En ce sens, le web n’a rien
en ligne. Ces démarches encore           la France se distingue par un groupe           de fondamentalement différent
modestes ne pourront que s’amplifier     très actif de « médecins maîtres-toile »,      des recherches qui pouvaient être
à court terme, et le Cnom demande        formé dès la fin des années 90, qui            effectuées dans les dictionnaires,
que ce moyen de formation soit           gèrent actuellement plus de 110 sites          ouvrages et revues..., mais aujourd’hui
13                                                                                                              decembre 2011
                                                                                               Deontologie medicale sur le web

                                                                  (18) Sondage IPSOS            (20) Hélène Romeyer.      (21) « Les échanges entre
                                                                  CNOM 2010.                    « TIC et Santé : entre    patients sur l’Internet ».
                                                                  (19) « Les conditions de      information médicale et   Madeleine Akrich et
                                                                  création de valeur des        information de santé ».   Cécile Méadel. La presse
                                                                  logiciels sociaux en santé    Revue tic&société.        médicale, octobre 2009.
                                                                  et autonomie », mai 2011.     http://revues.            (22) Dr Dominique
                                                                  Réalisé par le Conseil        mshparisnord.org/lodel/   Dupagne. « Les nouvelles
                                                                  général de l’industrie,       ticsociete/index.         informations en santé ».
                                                                  de l’énergie et des           php?id=365                Les tribunes de la santé,
                                                                  technologies (CGIET)                                    n°29, hiver 2010.
                                                                  à la demande du
                                                                  Secrétariat général des
                                                                  ministères des Affaires
                                                                  sociales.

sept Français sur dix consultent          plus sur le diagnostic formulé), et                   pathologie, discuter avec « ceux
Internet pour obtenir des informations    uniquement une sur dix juste avant                    qui les comprennent le mieux et vivent
en matière de santé (18). Ce qu’ils       un rendez-vous (pour être capable                     la même chose ».
cherchent en premier lieu ? En savoir     de poser des questions précises).
plus concernant une maladie ou                                                                  Doit-on craindre pour autant que
ses symptômes. Quatre Français            Le web et les réseaux sociaux sont                    les échanges entre patients se
sur dix ont utilisé le web pour se        donc perçus comme des sources                         traduisent par une désinformation
renseigner à propos d’un médicament       d’information complémentaires à                       ou la médiocrité de l’information
ou d’un traitement médical, ou            la « relation humaine singulière » avec               ainsi partagée ? Les sociologues
simplement découvrir des conseils         les médecins, au cours de laquelle                    qui étudient ces transformations
pratiques pour rester en bonne santé.     l’information première a été donnée.                  se veulent rassurants et constatent que
Le besoin de recueillir des témoignages   « Bien vivre au quotidien, limiter                    « ces collectifs (de patients, NDLR)
d’autres patients motive plus du tiers    les risques sur sa santé, vivre avec                  apparaissent particulièrement
des internautes, mais 15 % seulement      une maladie ou une incapacité et                      performants dans le repérage des
sont en quête de l’avis d’un médecin      gérer ces contraintes et limitations au               erreurs et des fausses informations » (21).
par ce média.                             jour le jour, telles sont les préoccupations
                                          évoquées par nos concitoyens                          Si, comme cela a été écrit,
La recherche d’informations sur           interrogés sur les enjeux des                         « les messages des forums obtiennent
le web santé est donc le plus souvent     technologies », soulignent les auteurs                souvent un bon classement dans les
expliquée par l’envie d’en savoir         d’un récent rapport concernant                        résultats des moteurs de recherche »,
plus ou de mieux comprendre               « Les logiciels sociaux en santé et                   (…) « tout simplement parce qu’ils sont
les informations déjà données sur         autonomie » (19). « Une connaissance                  orientés (par définition) vers les vraies
une maladie, des symptômes, un            "profane" de santé émerge »,                          questions du public et répondent
diagnostic qui concernent l’internaute    observent-ils, avant d’en esquisser                   à des problématiques qui ne sont
ou ses proches, le traitement prescrit    une définition : « Un savoir fondé sur                pas traitées par l’information
par le médecin. Le moment auquel          l’ensemble des expériences acquises                   traditionnelle » (22), le Cnom fait
sont effectuées les recherches            par les patients et les proches, sur                  observer que la réalité est en fait plus
d’informations médicales conforte         ce qu’implique aussi bien socialement                 complexe. Lors de l’annonce d’une
l’observation selon laquelle celles-ci    que physiquement la maladie. »                        maladie, d’un diagnostic, d’une
sont assez souvent expliquées par                                                               modalité thérapeutique, le patient
la curiosité. Sept personnes sur          L’analyse du forum de discussion                      se trouve en situation de vulnérabilité
dix déclarent utiliser Internet à         du site santé leader en France (20)                   psychologique et intellectuelle qui ne
des moments qui n’ont aucun lien avec     confirme que ses utilisateurs « ne sont               lui fait pas appréhender sur le moment
la consultation d’un médecin ; une sur    pas en recherche d’une information                    les questions qui lui viennent ensuite
cinq seulement effectue ses recherches    scientifique ». Ils viennent, pour se                 à la conscience. Ce n’est donc
juste après la consultation (pour         rassurer et ne pas « souffrir en silence »,           pas l’information délivrée qui est
comprendre, confirmer ou en savoir        trouver des gens atteints de la même                  en cause mais la bonne réception
14

(23) Gunther Eysenbach,    (25) « Le site Internet
Journal of Medical         du médecin généraliste :
Internet Research, 2008,   point de vue des patients.
vol 10.                    Enquête auprès des
(24) Sondage IPSOS         patients d’Ile-de-France ».
2010.                      Dr Romain Troalen,
                           octobre 2009.

par le patient. Cela permet de souligner                 réagissent négativement. Leur réaction           ces patients déclarent que le rôle
ici l’intérêt de poursuivre l’information                apparaît cependant le plus souvent               d’Internet dans la relation patients-
du patient par le médecin lui-même                       positive et la grande majorité des               médecins pourrait se confirmer
en mettant en ligne sur son site                         patients constate que leur médecin               si ces derniers créaient leurs propres
ou en recommandant des sites                             peut leur apporter des précisions par            blogs ou sites. Plus de six Français
fiables au patient afin que celui-ci                     rapport à ce qu’ils ont lu sur le web.           sur dix affirment en effet qu’ils les
puisse poursuivre son cheminement                        La plupart déclarent même que leurs              consulteraient. Mieux : une large
informatif tout au long de sa maladie                    médecins le font systématiquement                proportion (38 %) de personnes qui
et au fil des consultations successives                  (24%) ou le plus souvent (34 %).                 n’utilisent pas le web comme source
près des médecins qui le prennent                        L’utilisation du web santé contribue             d’information de santé se dit prête
en charge.                                               alors à améliorer la qualité de leurs            à se connecter s’il s’agit de visiter
                                                         relations. Les patients apprécient               le site ou le blog de leur médecin.
2.3 Et la relation                                       en effet qu’elles deviennent plus
patients-médecins ?                                      constructives et basées sur le dialogue,         Ces résultats de sondages sont illustrés
                                                         plus franches, plus harmonieuses.                – et complétés – par une thèse de
Signe de la confiance dont                               Rien d’étonnant dès lors à ce que                doctorat en médecine (25) qui précise
bénéficient les médecins en France,
moins de 10 % des recherches
effectuées sur Internet ont pour
objectif de vérifier l’exactitude
du diagnostic du médecin (24).
                                                         Témoignage : « Le patient est davantage
  Le professionnel                                       acteur de son traitement »
de santé est un expert
dans l’identification                                    « Les internautes ne souhaitent pas forcément devenir des experts de santé contre les
                                                         médecins ! Ils souhaitent pouvoir leur faire confiance et mieux dialoguer. Après s’être
de la maladie, tandis                                    renseigné sur Internet, le patient peut préparer sa consultation avec le médecin et penser
que le patient a l’expertise                             à poser les questions importantes. Le médecin peut trier, infirmer ou confirmer certaines
de son vécu (23).                                        données, poser des barrières de prudence… Après la consultation, le patient peut
                                                         rechercher sur Internet l’interprétation de certains termes abscons pour lui. Tout cela l’aide
En revanche, un tiers seulement des                      à mieux comprendre sa pathologie et à le rendre davantage acteur de son traitement.
internautes parlent avec leur médecin                    Pour moi, Internet représente un vrai virage dans la relation patients-médecins.
de leur navigation sur le web santé.                     L’autre vertu de la Toile, c’est la création de sites par des communautés. Cependant sur
Ils l’expliquent par le fait qu’il s’agit                les forums, les modérateurs doivent bien jouer leur rôle, notamment d’expert. »
avant tout de démarches de curiosité.                    Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques
Mais ils ont aussi le sentiment (pour                    Bulletin du Cnom, juillet-août 2010
31 % d’entre eux) que leurs médecins
15                                                                                                           decembre 2011
                                                                                            Deontologie medicale sur le web

                                                                                                                   (26) Politique d’e-Santé.
                                                                                                                   Point d’étape et nouvelles
                                                                                                                   propositions d’orientations
                                                                                                                   en vue d’une feuille de
                                                                                                                   route interministérielle.
                                                                                                                   http://www.travail-emploi-
                                                                                                                   sante.gouv.fr/IMG/pdf/
                                                                                                                   Point_d_etape_et_
                                                                                                                   nouvelles_
                                                                                                                   propositions_d_
                                                                                                                   orientations.pdf

le type d’informations que les patients      2.4 Du point de vue                             préventives, comme l’éducation
aimeraient trouver sur le site de leurs      des pouvoirs publics                            thérapeutique des patients, tout
médecins. Si les informations d’ordre                                                        particulièrement des malades
administratif sont citées en premier lieu,   L’accès à une information médicale              chroniques ». Les acteurs publics
les attentes se révèlent fortes vis-à-vis    fiable pour tous représente un enjeu            (Assurance Maladie, Haute Autorité de
des calendriers vaccinaux et de              régulièrement identifié par les ministres       santé) commencent en effet à s’engager
la recommandation de sites web.              chargés de la Santé au cours de                 dans cette direction (lire chapitre III).
Le Cnom encourage les médecins               ces dernières années. Une note
à créer leur site ou une simple page         d’orientation(26) publiée par la Délégation     Le Cnom s’est lui-même engagé dans
d’accueil non seulement pour                 à la stratégie des systèmes d’information       cette voie, par des communications
répondre à cette demande, mais               de santé, en juillet dernier, résume            régulières laissant leur place au
pour constituer ainsi un fonds général       les motivations des pouvoirs publics.           dialogue et à la concertation, tant
d’informations de qualité, déconnecté        Elle souligne que le renforcement de            vers les autorités sanitaires, que vers
de tout conflit d’intérêts. Les patients     la participation des citoyens « répond          les médecins et leurs organisations
questionnés (208 personnes consultant        à la fois à des droits fondamentaux »           professionnelles.
dans deux cabinets de la région              et « à des impératifs cliniques
parisienne) souhaitent également y voir      et économiques ». En appelant
des informations portant sur la nutrition,   au développement de l’information
les maladies et les épidémies. En            à la fois sur « la qualité de l’offre de
outre, la confiance accordée aux             soins » et sur « la santé et l’éducation
informations publiées par leur               pour la santé », elle reconnaît que « le
médecin serait largement supérieure          retard français est manifeste par rapport
à celle dont bénéficierait n’importe         à nombre de pays comparables ».
quel autre site. Même si elle ne porte       La Délégation défend l’ambition
pas sur un échantillon représentatif, les    « d’une initiative publique majeure », qui
conclusions de cette thèse présentent        « se concrétiserait, pour les citoyens, par
l’intérêt de confirmer les attentes          un site Internet de référence, comportant
des patients dans l’évolution de             des informations comparatives autour
leurs relations avec leurs médecins.         de l’activité, des ressources, des délais
D’autant qu’elle révèle, d’une part, que     d’attente, des indicateurs de processus
les patients sont en grande partie prêts     et de résultats, de la satisfaction des
à se voir facturer des services en ligne     patients et le respect de leurs droits (…) »
(demande de conseils médicaux                De même, elle insiste sur l’apport
par exemple) ; d’autre part que leur         majeur que pourraient constituer
choix de médecin traitant pourrait           les technologies numériques au
être influencé par la mise à disposition     « développement des compétences en
d’un site par ce dernier.                    santé des citoyens à des fins
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