Des enseignants et des formateurs efficaces
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4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 103 Chapitre 4 Des enseignants et des formateurs efficaces Comme dans l’enseignement général, la qualité des acteurs de l’éducation et de la formation professionnelles est cruciale si l’on veut que l’apprentissage soit efficace. Le présent chapitre montre que, face à la pénurie d’enseignants et de formateurs, les pays doivent prendre des mesures novatrices pour encourager le recrutement de ces acteurs et veiller à les doter des compétences professionnelles pertinentes et à jour. Cela implique de faciliter le recrutement de travailleurs du secteur privé pour dispenser la formation et l’éducation professionnelles, et d’encourager le travail à temps partiel, les formateurs pouvant ainsi consacrer une partie de leur activité au monde de l’entreprise pour permettre aux établissements d’EFP de mieux connaître le monde du travail. Les personnes qui encadrent les stagiaires et les apprentis dans l’entreprise doivent bénéficier d’une formation pertinente, notamment pour remplir leur mission pédagogique. Il convient par conséquent d’encourager les échanges et les partenariats entre les établissements d’EFP et les entreprises. FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
104 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES Les différents types d'enseignants et de formateurs Dans l’enseignement général, on admet que la qualité du corps enseignant est l’un des facteurs clés d’un apprentissage efficace, d’où la grande variété des programmes d’action publique visant à améliorer la qualité du corps enseignant. On peut avancer des arguments très similaires concernant les enseignants et les formateurs des programmes de professionnalisation. Dans tout système d’EFP, un grand nombre de personnes participent de manière formelle ou informelle à la transmission des connaissances et des compétences professionnelles. Aux fins du présent rapport, on utilisera le terme de formateurs pour désigner les personnes qui, en établissement d’EFP ou en entreprise, sont principalement chargées d’inculquer les compétences professionnelles pratiques, et le terme d’enseignants de disciplines professionnelles celles qui sont essentiellement chargées de la partie théorique des ces disciplines. Par ailleurs, de nombreux établissements d’EFP comptent également dans leurs rangs des enseignants de disciplines générales, telles que les mathématiques ou les langues étrangères. En réalité, la séparation entre les différents types d’enseignants et de formateurs est très variable d’un pays à l’autre et les délimitations sont souvent floues : en Norvège, par exemple, on conjugue de façon croissante l’enseignement de la théorie et de la pratique des disciplines professionnelles alors qu’en Suisse, l’enseignement des matières générales comme les sciences est souvent adapté au domaine professionnel concerné, par exemple pour les électriciens. Les enseignants et les formateurs des établissements d’EFP Problème du vieillissement de la population active et du manque d'expérience du monde du travail Dans beaucoup de pays de l’OCDE, les enseignants et les formateurs sont confrontés à deux difficultés interdépendantes. En premier lieu, le phénomène du vieillissement de la population active. C’est ainsi que de nombreux pays d’Europe souffrent déjà d’une pénurie de formateurs et d’enseignants dans les établissements d’EFP, ou savent qu’ils vont y être confrontés (Cort, Härkönen et Volmari, 2004). En Suède, par exemple, plus de la moitié des formateurs et des enseignants de disciplines professionnelles travaillant dans des établissements d’EFP du deuxième cycle du secondaire ont dépassé la cinquantaine (Skolverket, 2007). Le FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 105 vieillissement des personnels d’EFP est également problématique en Australie (NCVER, 2004). De nombreux pays ont rencontré des difficultés pour compenser la vague grandissante de départs à la retraite. En outre, lors du recrutement de formateurs et d’enseignants de disciplines professionnelles, les établissements d’EFP sont parfois en concurrence avec les entreprises, et sont souvent incapables d’offrir des salaires compétitifs, en particulier dans les professions en plein essor pour lesquelles les formateurs sont très demandés. Dans un contexte de ralentissement de l’activité économique et de hausse du chômage, on observe (comme ce fut le cas pendant la dernière récession), un relatif regain d'intérêt pour le métier d’enseignant de disciplines professionnelles. Les pays doivent être prêts à profiter de la conjoncture pour mettre en place des parcours de recyclage dans l’enseignement et la formation à l’intention des personnes possédant des compétences professionnelles recherchées. La deuxième difficulté consiste à s’assurer que dans les établissements d’EFP, les formateurs et, dans une moindre mesure, les enseignants de la partie théorique des disciplines professionnelles, aient une bonne connaissance des besoins des entreprises modernes qui évoluent rapidement. Même si les données d’observation sur cette question sont rares, une évaluation des informations dont on dispose actuellement aux États-Unis tend à démontrer combien il est utile, notamment pour les formateurs et enseignants débutants, de posséder une expérience professionnelle pertinente, car elle leur offre un cadre leur permettant de prendre de l’assurance en matière d’enseignement dans leur domaine de compétences. Il apparaît toutefois qu’au-delà d’un certain seuil, l’expérience du travail en entreprise n’a plus d’impact positif sur l’efficacité de l’enseignement. La nature de l’expérience serait donc plus importante que sa durée (Lynch, 1998). En outre, les connaissances et les compétences des enseignants et des formateurs des établissements d’EFP doivent être sans cesse actualisées. A titre d’exemple, selon une étude australienne (Harris et al., 2001), seuls 28 % des formateurs à temps plein et 55 % des formateurs à temps partiel estiment que leurs connaissances techniques sont à jour. Vu l’importance majeure du lieu de travail dans les objectifs de l’EFP, les formateurs travaillant dans les établissements d’EFP devraient tous être encouragés à passer du temps en entreprise et, si possible, à y travailler au moins de temps à autre. Dalton et Smith (2004) font observer que les enseignants de disciplines professionnelles s’estiment trop occupés pour mettre à jour leurs connaissances et leurs compétences, sauf si la formation en cours d’emploi est intégrée de manière formelle dans leurs activités et reconnue comme partie intégrante de leur mission. Le perfectionnement et la mise à jour des FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
106 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES connaissances professionnelles peuvent être encouragés par le biais de mesures incitatives, touchant notamment aux salaires. Solutions possibles Diversification des parcours menant à la profession Dans les cas où les formateurs exerçant dans des établissements d’EFP ne possèdent pas suffisamment d’expérience du travail en entreprise, il faudrait encourager les individus dotés de compétences professionnelles pratiques à devenir formateurs dans ces établissements, ce qui favoriserait le recrutement et contribuerait à garantir que les formateurs connaissent bien le monde du travail. Doter les formateurs des établissements d’EFP des compétences nécessaires au travail en entreprises comporte un autre avantage : les employeurs accordent généralement plus de valeur aux formations exigeant des formateurs de posséder une expérience professionnelle pertinente (Spark, 1999 in Dalton et Smith, 2004). A cet égard, il pourrait être judicieux de mettre en place des parcours divers et concrets menant aux professions de formateur ou d’enseignant de disciplines professionnelles. Dans de nombreux pays, on trouve des actifs qui exercent à mi-temps leur profession de formateur, et consacrent le reste du temps au travail dans le secteur privé. En fait, ces arrangements présentent des avantages particuliers parce que les formateurs concernés suivent de près l’évolution des besoins des entreprises. De surcroît, cette formule pourrait aussi attirer les personnes qui souhaitent embrasser une carrière de formateur tout en conservant leur emploi dans le privé. Les travailleurs qualifiés des entreprises peuvent également être débauchés dans le cadre de contrats de courte durée pour occuper les postes de formateur non pourvus. Cette procédure est pratiquée en Norvège, où les établissements d'EFP et les employeurs locaux coopèrent pour garantir une offre suffisante de formateurs. Dans les pays où le statut du corps enseignant n’est guère prisé et où les postes dans l’enseignement professionnel attirent peu de jeunes, la mise en place de partenariats entre les établissements d’EFP et les entreprises peut contribuer à rendre la profession plus attrayante et, partant, attirer des candidats qualifiés et motivés. Pour promouvoir de tels accords, il est indispensable que les prestataires de formation et les entreprises coopèrent étroitement. Certains pays, notamment les États-Unis, pratiquent un système de certification différent dans le but d’attirer dans la profession des candidats très qualifiés (voir encadré 4.1). FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 107 Encadré 4.1 Le programme DIRECT de la Caroline du Sud Dans les programmes de formation de soudeur, d’esthéticienne ou de cuisinier, par exemple, les personnes possédant une expérience professionnelle pertinente peuvent devenir enseignants par le biais du programme CTE de cet État, qui délivre des diplômes sur la base de l'expérience acquise en milieu professionnel. Les candidats doivent prouver qu'ils possèdent les compétences requises en obtenant un certificat approprié du secteur privé ou en réussissant un examen homologué par l’État dans le domaine choisi. Souvent, les candidats à la formation via le programme CTE issus du secteur privé (industrie ou commerce) n’ont guère d'expérience de l’enseignement. Pour les doter de compétences pédagogiques et les aider à réussir le passage de l’entreprise à l’école, un programme de formation obligatoire (DIRECT) a été conçu spécialement pour répondre à leurs besoins. Ce programme comprend une formation à la fois théorique et pratique sur les méthodes d'enseignement, la gestion d’une classe ou d’un laboratoire, les programmes d'études et l'évaluation. Les cours sont dispensés en un seul module d’une durée de quelques jours pendant l'été et sur deux ou trois samedis pendant l'année scolaire. Sources : Rex J., V. Evans Harrison, J. Couch (2008), Plan quinquennal de la Caroline du Sud, 1er juillet 2008 – 30 juin 2013 dans le cadre de la Loi Carl D. Perkins relative à l'enseignement professionnel et technique (2006), ministère de l’Enseignement de la Caroline du Sud. Site Web du programme DIRECT : www.scdirect.org/. Souplesse de l’offre de formation pédagogique Les qualifications requises pour exercer le métier de formateur ou d’enseignant varient d’un pays de l’OCDE à l’autre, les critères appliqués dans bon nombre d’entre eux (par exemple en Corée) étant plus rigoureux pour les enseignants de disciplines professionnelles que pour les formateurs. Les cours de pédagogie sont un aspect important de la formation des formateurs. Si ces cours contribuent à préparer les formateurs à leur mission, des critères trop exigeants pourraient dissuader les individus en milieu de carrière de devenir formateurs ou enseignants de disciplines professionnelles. Permettre aux travailleurs qualifiés d’acquérir leurs compétences pédagogiques selon des modalités souples (grâce au téléenseignement ou à la reconnaissance des connaissances qu’ils ont acquises antérieurement, par exemple), équivaudrait à les encourager à exercer ces métiers. En Irlande, par exemple, les formateurs qui travaillent à l'agence nationale pour la formation et l’emploi (National Training and Employment Authority, FÁS) peuvent obtenir les qualifications pédagogiques requises en assistant à des ateliers d’une durée de un ou deux jours. FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
108 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES Les enseignants de disciplines générales (ceux qui enseignent la physique aux électriciens dans les établissements d’EFP, par exemple) se trouvent dans une situation quelque peu différente. Si l’expérience du monde du travail revêt moins d’importance dans leur cas que dans celui de leurs collègues chargés d’inculquer des compétences pratiques, certains aspects restent à examiner, notamment le contenu de l’enseignement (afin qu’il soit très utile sur le lieu de travail), et la manière dont ce contenu est enseigné(de manière qu’il présente un intérêt évident pour les étudiants). En Suisse, les enseignants des matières générales dans les établissements d’EFP sont tenus de suivre un cours complémentaire pour s’assurer que les matières enseignées correspondent bien aux besoins des élèves. Ceux qui possèdent déjà un diplôme d’aptitude à enseigner à des élèves du second cycle du secondaire sont tenus de suivre une formation d’une durée de 300 heures1. Ordinairement, l’établissement qui dispense ces cours sert également de centre d’expertise en matière de formation des formateurs et des enseignants d’EFP et de formation professionnelle des administrateurs des établissements d’EFP (voir encadré 4.2). Encadré 4.2 L'Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle de la Suisse En Suisse, l'Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP) est le centre national de compétences pour l’enseignement et la recherche dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelles et techniques (EFP/EFT). Il propose des formations aux personnes désireuses de travailler dans des établissements d’EFP. Ses activités englobent également la formation permanente des formateurs et enseignants de disciplines professionnelle désireux de perfectionner leurs compétences, et aident les établissements à développer leurs activités de gestion. Enfin, il effectue des évaluations et des travaux de recherche pour enrichir l’élaboration des politiques publiques en matière d’EFP. Source : Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie, (2008), Vocational and Professional Education and Training in Switzerland. Rapport national de la Suisse dans le cadre de l'examen de l'OCDE « Apprendre pour le monde du travail ». Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie, Berne. Collecte de données sur les formateurs et les enseignants de disciplines professionnelles Dans tout système d’EFP, le diagnostic d’un problème de recrutement requiert des données de bonne qualité, ce qui implique de recueillir des informations sur l’âge des actifs ainsi que sur les taux de départ à la retraite et de recrutement, afin que l’on puisse estimer par simple extrapolation les effectifs de formateurs. Si les données étaient de meilleure qualité, les FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 109 responsables de l’action publique seraient en mesure non seulement de mesurer l’ampleur des problèmes éventuels, mais aussi de prédire leur évolution au fil du temps (compte tenu des projections de taux de rétention et de recrutement), et d’évaluer les différentes solutions possibles – par exemple, en permettant de comparer l’impact et le coût des augmentations de salaire par rapport à ceux d’autres dispositifs d’incitation. Toutefois, dans de nombreux pays, les données sur les effectifs de formateurs et d’enseignants de l’EFP sont insuffisantes. A titre d’exemple, en Australie où, généralement, les données sur l’EFP abondent, il n’existe aucune source d’information sur les effectifs, et les données des États et des Territoires ne portent que sur les variables les plus élémentaires telles que l’âge et le sexe, de façon systématique. Les données sont en général détenues par des prestataires privés et leur qualité varie considérablement (NCVER, 2004, p. 37 ; Harris et al., 2001). Des données longitudinales (même de simples échantillons) aideraient à comprendre les facteurs qui influent sur les choix importants de carrière. Des données de ce type existent, aux États-Unis par exemple, où elles ont été exploitées pour déterminer les principaux facteurs ayant une incidence sur les effectifs de formateurs et d’enseignants. Formation des formateurs en entreprise Compétences pédagogiques élargies : un atout de valeur Alors que les établissements d’EFP s’attachent souvent à doter leurs formateurs d’une meilleure connaissance du lieu de travail, les entreprises sont plus souvent soucieuses de doter les superviseurs de stagiaires et d’apprentis des connaissances pédagogiques nécessaires. Les superviseurs jouent un rôle clé, car ils transmettant non seulement des compétences pratiques mais aussi des connaissances théoriques, aident les apprentis et les stagiaires à s’habituer aux codes sociaux de l’entreprise et, d’une manière plus générale, sont chargés de l’encadrement des apprentis et des stagiaires (Gérard et al., 1998). Pour transmettre une compétence pratique, il ne suffit pas d’être capable de l’exercer. L’enseignement exige des compétences particulières. Selon une étude australienne, les apprentis accordent une valeur importante aux compétences sociales des superviseurs, comme le sens de la communication et la capacité à gérer les conflits, mais nombre de superviseurs estiment ne pas être suffisamment compétents pour répondre à ces attentes (Harris, Simons et Bone, 2000). D’après une étude menée au Royaume-Uni (Evans, Dovaston et Holland, 1990), les superviseurs dépourvus de la formation FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
110 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES adéquate ont tendance à se concentrer sur les compétences spécifiques au métier qu’ils enseignent et à négliger les compétences sociales clés telles que le sens de la communication et l’aptitude à travailler en équipe. Dans une étude sur les formateurs en Europe, Kirpal et Tutschner (2008) ont constaté que les formateurs considèrent souvent leur rôle de superviseur comme venant s’ajouter à leur mission principale, et que les entreprises qui ne font pas la distinction entre les responsabilités du formateur et ses autres fonctions offrent généralement moins de possibilités à leurs salariés d’acquérir des compétences propres à la fonction de superviseur. D’après des données provenant de différents pays, les superviseurs d’apprentis qui reçoivent la formation adéquate sont mieux à même de renforcer les compétences des apprentis. En Australie, les formateurs en entreprise considèrent que les stages de formation ciblée étaient utiles pour développer les compétences nécessaires à l’encadrement (Harris, Simons et Bone, 2000). En Allemagne, le fait d’avoir supprimé temporairement l’obligation de formation des formateurs exerçant leur mission au sein de l’entreprise semble avoir eu des conséquences délétères sur la qualité de l’apprentissage. Cette obligation, qui a été suspendue pendant cinq ans parce que les entreprises se plaignaient de ce qu’elle les empêchait de proposer des places d’apprentissage, n’a été rétablie que récemment. D’après les premières évaluations de cette interruption, les taux de décrochage de apprentis ont été plus élevés dans les entreprises ne possédant pas de personnel de formation qualifié, et ces entreprises se sont plaintes fréquemment de la performance de leurs apprentis. Les partenaires sociaux ont fait le lien entre cette interruption et une dégradation de l’image et de la qualité de l’EFP. Qu’elles dispensent des formations ou pas, les entreprises considèrent les critères formels auxquels doivent répondre les formateurs sur le lieu de travail comme une garantie du respect de normes minimales (BIBB, 2008). La formation des formateurs en entreprise peut aussi avoir des répercussions positives, vu que les compétences qu’ils acquièrent sont généralement mises en commun au sein de l’entreprise. Cet aspect est particulièrement important puisque les collègues ordinaires contribuent également à l'expérience d'apprentissage des jeunes en répondant à leurs questions, en leur montrant comment réaliser certaines tâches et en assurant un retour d’informations informel (Robertson et al., 2000). Garantir l'application de normes minimales à la formation des formateurs Dans la plupart des pays de l’OCDE, devenir formateur exige de posséder une expérience professionnelle adéquate, mais on attend généralement moins des formateurs qu’ils aient suivi une formation FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 111 pédagogique ou développé des compétences en matière d’encadrement. Certaines, parmi ces compétences sont d’usage dans les pays dotés de systèmes d'apprentissage solides, comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse (Kirpal et Tutschner, 2008). L'encadré 4.3 présente deux exemples de préparation des formateurs. Encadré 4.3 La formation des formateurs en entreprise En Belgique (Flandre), les employeurs qui accueillent des apprentis bénéficient de 12 heures de formation. Dénommé « Estafette », le programme se concentre sur des questions telles que l'accueil des apprentis, la communication des instructions et le retour d’information, ainsi que la gestion des conflits. Cette formation est obligatoire pour tous les nouveaux employeurs et superviseurs, et pour ceux qui sont déjà en place et demandent une dérogation à certains aspects de la réglementation ou ont rencontré des problèmes avec des apprentis. Source : ministère flamand de l'Éducation et de la Formation (2009). « Réponses au questionnaire national », Apprendre pour le monde du travail : The OECD Policy Review of Vocational Education and Training, non publié. En Suisse, les entreprises doivent satisfaire à des normes de qualité contrôlées par le Canton pour pouvoir accueillir des apprentis. Le personnel d'encadrement des apprentis est tenu de suivre une formation de 100 heures de cours, sur la pédagogie, le droit, le système d'EFP et les problèmes liés à la jeunesse, y compris la toxicomanie et l’abus d'alcool. Dans le cadre du processus d’assurance de la qualité, des inspecteurs cantonaux interrogent les apprentis et les salariés de l'entreprise pour vérifier la qualité de la formation. En cas de problème, les autorités cantonales offrent un service de « coaching » à l'entreprise. Pour les entreprises, cette démarche est un avantage car mieux elles s’occuperont de leurs apprentis, meilleurs seront les résultats qu’elles obtiendront d'eux. Source : Hoeckel,. Field et. Grubb (2009), Learning for Jobs: OECD Reviews of Vocational Education and Training: Switzerland, OCDE, Paris. Disponible sur : www.oecd.org/dataoecd/12/5/42578681.pdf. L’ampleur de la préparation pédagogique et autre du salarié chargé de superviser les apprenants doit être à la mesure de ses responsabilités, étant entendu que l’expérience du travail que ces derniers vont acquérir peut varier, allant de quelques heures de formation par observation à un apprentissage complet. Mais la formation des formateurs et des instructeurs dans le cadre de l’EFP doit être une priorité dans les systèmes où une bonne partie des compétences les élèves participant à des programmes de professionnalisation s’acquièrent sur le lieu de travail. En conséquence, les FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
112 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES personnes chargées de superviser des apprentis doivent obligatoirement bénéficier d’une formation sous une forme ou une autre. Si la formation obligatoire des superviseurs de stagiaires et d’apprentis implique des frais supplémentaires pour les entreprises, elle devrait également apporter des bénéfices aux entreprises. Il est probable que plus les stagiaires et les apprentis sont bien encadrés, plus leur contribution à la productivité augmente au cours de leur formation. Les résultats de l’apprentissage n’en seront que meilleurs et l’entreprise sera à même de se constituer un vivier de candidats potentiels plus étoffé. En France, beaucoup de petites entreprises participent à la formation du personnel d’encadrement des stagiaires : c’est ainsi que 52 % des formateurs ayant bénéficié d’une formation travaillaient dans des entreprises de moins de dix salariés (Gérard et al., 1998). Pour éviter de faire peser des charges excessives sur les entreprises, il faut définir des règles minimales de façon à équilibrer l’exigence de qualité des formations sur les lieux de travail et la nécessité d’inciter les employeurs à offrir des formations en entreprise. Les modalités de financement de la formation des formateurs varient d’un pays à l’autre. En Autriche, par exemple, les grandes entreprises prennent en charge l’intégralité ou une partie des coûts. En Allemagne, le coût des stages de préparation à l’examen de formateur est principalement couvert par les participants pour lesquels l’obtention d’un diplôme de formateur ouvre la voie à de meilleures perspectives de carrière et à une rémunération plus élevée (Gérard et al., 1998). Renforcer les liens entre les établissements d’EFP et les entreprises La collaboration et les échanges entre les établissements d’EFP et les entreprises peuvent contribuer au perfectionnement des personnels de l’EFP. Ce sont en effet des moyens, pour les formateurs employés par ces établissements, d’améliorer leur connaissance du monde de l’entreprise et de rester en prise avec cette réalité. Les échanges renforcent également les compétences pédagogiques des formateurs en entreprise, ce qui peut aider les entreprises à se constituer un vivier d’individus rompus aux techniques d'apprentissage et susceptibles à un moment donné de travailler en tant que formateurs dans les établissements d’EFP. Cette stratégie peut contribuer à créer des passerelles suffisamment souples pour permettre de passer de l’entreprise à l’enseignement dans les établissements d’EFP, à résoudre les problèmes de recrutement et à apporter un début de réponse aux difficultés liées à l’offre de formation en cours d'emploi. Dans certains pays, les formateurs employés par les établissements d’EFP retournent travailler temporairement en entreprise pour actualiser FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 113 leurs compétences professionnelles (Cort, Härkönen et Volmari, 2004 ; voir également l’encadré 4.4). En Chine, les enseignants des établissements professionnels sont tenus de passer un mois par an dans une entreprise (Kuczera et Field, 2010). En Australie, le lien entre les établissements d’EFP (TAFE) et les entreprises a renforcé la compréhension mutuelle et favorisé l’échange de savoirs (Harris, Simons et Moore, 2005). La qualité des partenariats dépend souvent des relations nouées entre les individus. Considérant leur importance, ces relations doivent être encouragés de manière systématique. Encadré 4.4 Binôme enseignant-salarié : la coopération entre les établissements d'EFP et le secteur privé en Finlande Le programme finlandais Telkkä se fonde sur une étroite coopération entre les enseignants et les formateurs en entreprise. Il vise à améliorer la capacité de l'EFP à répondre aux besoins du monde du travail. Ce programme comprend une période de deux mois en entreprise pour les enseignants de disciplines professionnelles. C’est au cours de cette période que se constituent les binômes enseignant-travailleur. Cette formule a donné aux enseignants la possibilité d’actualiser leurs compétences professionnelles et aux salariés qui travaillent également comme formateurs au sein de l’entreprise de renforcer leurs compétences pédagogiques. La période de formation est précédée d'un séminaire et de la définition d’un plan (pour préciser les buts et les attentes), et suivie d’un retour d'informations émanant des enseignants et des salariés de l’entreprise, puis d’une diffusion au sein de la société au sens large. Les enseignants ont indiqué les nombreux avantages que présentait, pour eux, cette formule, qui leur permet notamment de mieux connaître les nouvelles pratiques et règles de la profession ainsi que de l'équipement utilisé, d’accéder facilement aux entreprises pour des visites d'étude, de nouer les contacts nécessaires pour inviter des salariés du secteur privé à venir faire des conférences dans leur établissement d'EFP, d’accroître la confiance et le respect des étudiants ainsi que leur motivation. La période de formation a également permis aux enseignants et aux salariés d'examiner les problématiques de la formation des élèves en entreprise, d'améliorer les projets de formation ainsi que les méthodes d'évaluation. Les participants ont renforcé leurs compétences et leur estime de soi, et communiqué leur savoir à d'autres collègues. Cette opération a été soumise à l’Office finlandais d’information économique pour évaluation. Celui-ci a conclu qu’il s’agissait de l’une des meilleures façons d'améliorer le professionnalisme des enseignants. Source : Cort, P., A. Härkönen et K. Volmari (2004), PROFF – Professionalisation of VET Teachers for the Future, CEDEFOP, Thessalonique. FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
114 – 4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES Des enseignants et des formateurs efficaces : conclusion Arguments et éléments d'appréciation • À mesure que la population active d’aujourd’hui approche de l’âge de la retraite, de nombreux pays commencent à souffrir d’une pénurie d’enseignants et de formateurs pour assurer les programmes de professionnalisation. Par ailleurs, faute d’actualisation, l’expérience du monde de l’entreprise de certains formateurs n’est plus suffisante. • Certains formateurs chargés d’encadrer les stagiaires et les apprentis dans les entreprises ne sont pas suffisamment formés, notamment sur le plan pédagogique. • Les chercheurs ont montré que les formateurs possédant à la fois des compétences pédagogiques et une expérience du monde du travail sont plus efficaces. • Faute de données adéquates concernant les enseignants et les formateurs, il est de plus en plus difficile de cerner les problèmes et de relever le défi de la planification des recrutements de demain. Enseignants et formateurs : les recommandations de l’OCDE • Recruter suffisamment d’enseignants et de formateurs pour les établissements d’EFP, et s’assurer qu’ils soient pleinement conscients des besoins d’une économie moderne. À cette fin : - Encourager le travail à temps partiel des formateurs en établissements d’EFP pour qu’ils puissent consacrer une partie de leur temps à l’activité au sein d’une entreprise. - Assouplir les filières de recrutement. Faciliter l'entrée des professionnels issus du monde de l’entreprise dans les établissements d’EFP à l’issue d’une préparation efficace. • Offrir une préparation adéquate, notamment pédagogique, aux formateurs (y compris les superviseurs) des stagiaires et des apprentis sur le lieu de travail, en adaptant leur niveau de préparation à la nature de l'apprentissage offert par l’entreprise. • Encourager les échanges et les partenariats entre établissements d'EFP et entreprises, de sorte que les formateurs et les enseignants de disciplines professionnelles consacrent du temps à l’actualisation de leurs connaissances du monde du travail, et que les formateurs en entreprise prennent le temps d'améliorer leurs compétences pédagogiques au sein des établissements d’EFP. FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
4. DES ENSEIGNANTS ET DES FORMATEURS EFFICACES – 115 Notes 1. D'autres critères s'appliquent aux enseignants de disciplines professionnelles dans les lycées professionnels suisses. Références BIBB (2008), Rapport national de ReferNet Allemagne sur l'état d'avancement des travaux dans les domaines d'action prioritaire pour l'éducation et la formation professionnelles, ReferNet, Bonn. Cort, P., A. Härkönen et K. Volmari (2004), PROFF – Professionalisation of VET Teachers for the Future, CEDEFOP, Thessalonique. Dalton, J. et P. Smith (2004), « Vocational Education and Training in Secondary Schools: Challenging Teachers’ Work and Identity », Journal of Vocational Education and Training, Vol. 56, No. 4, Taylor & Francis Group. Evans, K., V. Dovaston et D. Holland (1990), « The Changing Role of the In-Company Trainer: An Analysis of British Trainers in the European Community Context », Comparative Education,Vol. 26, No. 1, pp. 45-59. Gérard, F., et al. (1998), Profils professionnels, formation et pratiques des tuteurs en entreprise en Allemagne, Autriche, Espagne et France, Centre INFFO, Paris. Harris, R., et al. (1998), Learning the Job:Juggling the Messages in On- and Off-the-Job Training, NCVER, Adelaide. Harris, R., M. Simons et J. Bone (2000), More than Meets the Eye? Rethinking the Role of Workplace Trainer, NCVER, Brisbane. Harris, R. M., et al. (2001), The Changing Role of Staff Development for Teachers and Trainers in Vocational Education and Training, NCVER, Adelaïde, Australie. FORMATION ET EMPLOI : RELEVER LE DÉFI DE LA RÉUSSITE © OCDE 2010
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Extrait de : Learning for Jobs Accéder à cette publication : https://doi.org/10.1787/9789264087460-en Merci de citer ce chapitre comme suit : OCDE (2010), « Des enseignants et des formateurs efficaces », dans Learning for Jobs, Éditions OCDE, Paris. DOI: https://doi.org/10.1787/9789264087491-6-fr Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE. Les opinions et les arguments exprimés ici ne reflètent pas nécessairement les vues officielles des pays membres de l'OCDE. Ce document et toute carte qu’il peut comprendre sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Vous êtes autorisés à copier, télécharger ou imprimer du contenu OCDE pour votre utilisation personnelle. Vous pouvez inclure des extraits des publications, des bases de données et produits multimédia de l’OCDE dans vos documents, présentations, blogs, sites Internet et matériel d’enseignement, sous réserve de faire mention de la source OCDE et du copyright. Les demandes pour usage public ou commercial ou de traduction devront être adressées à rights@oecd.org. Les demandes d’autorisation de photocopier une partie de ce contenu à des fins publiques ou commerciales peuvent être obtenues auprès du Copyright Clearance Center (CCC) info@copyright.com ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) contact@cfcopies.com.
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