PÉNURIE DE TALENTS : BESOINS ET SOLUTIONS SYNTHESE DE LA CONFÉRENCE EN LIGNE - 17 JUIN 2021 - Fondation Qualife

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PÉNURIE DE TALENTS : BESOINS ET SOLUTIONS SYNTHESE DE LA CONFÉRENCE EN LIGNE - 17 JUIN 2021 - Fondation Qualife
P É NUR I E D E T A L ENT S : B ES O I N S ET S O L UT I O NS
SYNTHESE DE LA CONFÉRENCE EN LIGNE - 17 JUIN 2021
À l’occasion d’un Café-contacts conférences, plus de 90 participant·e.s se sont réuni·e·s en ligne sur un
thème d’actualité et d’avenir : la pénurie de talents. La Fondation Qualife est confrontée
quotidiennement à cette thématique, tant du côté des jeunes en recherche de formation que des
personnes de 50 ans et plus en recherche d’emploi. Cette conférence a donc été l’occasion de réunir
différents secteurs professionnels sur ces questions :

La pénurie de talent est-elle un mythe ou une réalité ?
Dans quels domaines la pénurie se fait-elle sentir ?
Quelles sont les formations pour y remédier ? Et quels sont les métiers d’avenir ?

La conférence s’est ouverte avec la présentation d’une étude réalisée par Adecco et l’Université de
Zurich sur la pénurie de main-d’œuvre, montrant dans quels secteurs le nombre de postes à pourvoir
est particulièrement élevé par rapport à celui des demandes d’emploi, et ceux où la proportion est
inverse. Des professionnel·le·s ont ensuite présenté la situation et les actions entreprises pour pallier
la pénurie dans les secteurs de l’apprentissage, de la santé et du social et de l’informatique. Enfin, un
dernier intervenant a partagé son expérience concernant l’évolution des métiers dans le secteur des
transports publics. L’événement s’est ensuite conclu par un débat en plénière.

1. Contexte : la pénurie de talents
par Annalisa Job, Marketing and Communication Adecco Group
2. État des lieux et perspectives du secteur santé-social
par Patrick Schmied, Président de l’Ortra Santé-Social Genève
3. Comment se former à l’informatique sans diplôme et sans limite d’âge ?
par Christophe Wagnière, Directeur de l’école 42 Lausanne
4. Enjeux et évolution de l’apprentissage
par Sophie Egger, Responsable du Centre de Compétences Entreprises de l’Office de la Formation
Professionnelle et Continue (OFPC)
5. Évolution des métiers selon les besoins des entreprises dans le domaine des transports publics
témoignage de Beat Möckel, chef de région Romandie de login formation professionnelle SA
6. Débat, questions & conclusions
par Eric Etienne, Directeur de la Fondation Qualife

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PÉNURIE DE TALENTS : BESOINS ET SOLUTIONS SYNTHESE DE LA CONFÉRENCE EN LIGNE - 17 JUIN 2021 - Fondation Qualife
CONTEXTE : LA PÉNURIE DE TALENTS EN SUISSE
par Annalisa Job, Marketing and Communication Adecco Group
Madame Annalisa Job d’Adecco a tout d’abord présenté l’indice de pénurie de main-d’œuvre en
Suisse (2020) 1 puis en Suisse romande, une étude menée annuellement depuis 4 ans en collaboration
avec l’Université de Zurich.

La pénurie de talents est une réalité : sur cinq millions d’effectifs aujourd’hui, 500 000 travailleurs et
travailleuses partiront à la retraite d’ici 2030. 20% des emplois sont appelés à disparaître en
conséquence de la digitalisation des emplois et 20% de nouveaux postes sont engendrés par cette
même digitalisation.

Dans un pays où le taux de chômage est inférieur à 4%, le calcul est rapide : il n’y a pas assez de
personnel disponible sur le marché de l’emploi.

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  En collaboration avec le Moniteur du marché de l’emploi suisse (SMM) de l’Institut sociologique de
l’Université de Zurich, The Adecco Group Switzerland publie chaque année deux études sur la pénurie
de main-d’œuvre en Suisse, l’une très complète et l’autre plus brève.

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PÉNURIE DE TALENTS : BESOINS ET SOLUTIONS SYNTHESE DE LA CONFÉRENCE EN LIGNE - 17 JUIN 2021 - Fondation Qualife
La crise liée au COVID-19 n’a eu que très peu d’incidence sur le taux de pénurie. Certains secteurs ont
beaucoup de mal à recruter, faute de main-d’œuvre qualifiée disponible. Les professions
particulièrement concernées en Suisse romande sont : les ingénieur·e·s, les technicien·ne·s, les
professions fiduciaires, médicales et pharmaceutiques, les informaticien·ne·s et les professions du
dessin technique.

D’autres secteurs connaissent en revanche une surabondance de main-d’œuvre : l’administration, le
nettoyage, l’hygiène et les soins corporels, l’hôtellerie, la restauration et l’économie domestique, enfin
la construction et la vente.

Ce désalignement entre des secteurs manquant de main-d’œuvre et d’autres en surabondance a un
coût à différentes échelles : les postes vacants non pourvus ralentissent les performances
économiques alors que le nombre élevé de chômeur·euse·s pèse sur les caisses des assurances
sociales.

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ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES DU SECTEUR SANTÉ-SOCIAL
par Patrick Schmied, Président de l’Ortra Santé-Social Genève
L’Organisation du monde du travail des domaines santé-social (Ortra Santé-social à Genève) est une
association tripartite (employeur·euse·s, associations professionnelles et syndicats) créée en 2008
pour représenter les intérêts des métiers et des formations de ces deux branches. Elle est chargée par
la Loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr) d'assurer une offre suffisante. Elle est active
dans quatre filières de formation:
- Aides en soins et accompagnement (AFP)
- Assistant·e·s socio-éducatif·ve·s (CFC)
- Assistant·e·s médicaux (CFC)
- Assistant·e·s en soins et santé communautaire (CFC)

Environ 600 apprenti·e·s suivent les cours interentreprises et environ 1000 personnes suivent des
cours modulaires en vue d’obtenir un CFC ou une AFP dans le cadre de la Validation de l’expérience
(VAE), notamment dans le cadre du chômage ou de l’aide sociale.

Par ailleurs, l’Ortra a une importante activité d’information et de promotion des métiers des domaines
santé et social avec « Le 28 ». Mandatée par le Canton pour ce travail, elle intervient notamment dans
les cycles d’orientation.

Le secteur de la santé représente en 2019 :
- Les effectifs : 16'000 employé·e·s, dont 11'500 soignant·e·s, en croissance de 6% depuis 2017
- Âge moyen : 42 à 44 ans
- Durée en emploi : entre 10 et 13 ans selon les métiers
- Engagements : 620 tertiaires, 290 secondaires
- Diplômé·e·s tertiaire : 115 personnes issues de la HedS, soit 22% des engagements et 70% du
    personnel diplômé hors Suisse (vs 39% secondaire)

Plus de 3'000 places de stages sont proposées au seins des HUG, de l’IMAD et des cliniques et EMS
genevois. Malgré cela, les sollicitations en matière de stages sont difficiles à gérer, en grande partie du
fait de leur complexité. A titre d'information, ces institutions proposent actuellement plus de 350
places d’apprentissage.

Le secteur social ne dispose pas de statistiques consolidées. La pénurie est souvent mentionnée par
les membres mais pas dans la même mesure que dans les domaines de la santé. L’Ortra s’est fixé
comme objectif d’avoir une image chiffrée de la situation.

PÉNURIES ET PERSPECTIVES DANS LE SECTEUR SANTÉ-SOCIAL

Ce domaine très vaste demandera toujours davantage de formations à la fois pointues et polyvalentes
du fait des évolutions rapides dans ce secteur. Les besoins en effectifs augmentent fortement à cause
du vieillissement de la population. Les besoins qualitatifs vont aussi augmenter, d’une part en écho
aux progrès technologiques (biosciences, soins), et d’autre part en raison des attentes de la société en
matière de qualité de vie. Pour l’Ortra, les formations doivent être certifiées de manière systématique.

A noter encore qu’une pression grandissante est à prévoir sur le financement du secteur et son
contrôle (charges administratives). Ce secteur va être de plus en plus sollicité pour réinsérer du
personnel, en particulier peu qualifié, issu de branches déclinantes comme la restauration par
exemple.

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QUESTIONS DU PUBLIC
Comment inciter les professionnel·le·s de la santé à rester plus longtemps en activité ?
o Travailler sur la reconnaissance, prendre en compte la pénibilité qui est multifacettes. La pénibilité
   n’est pas que physique, elle touche également le personnel motivé qui se décourage au fil du
   temps.
o Alléger la pression administrative des postes.
o Favoriser la notion de carrière, de parcours professionnel évolutif.

Quelles solutions face à la pénibilité des métiers ?
Face aux difficultés physiques et émotionnelles, il s’agirait d’envisager une réorganisation du travail,
des modes de communication, de l’interdisciplinarité. En effet, le secteur des soins est très structuré
et un assouplissement dans les échanges, sans pour autant perdre en qualité des soins, serait parfois
bienvenu.

Comment favoriser l’accès aux personnes qui souhaiteraient travailler dans les soins mais qui ne sont
pas qualifiées au départ ?
L’Ortra met en avant la validation des acquis de l'expérience (VAE). La promotion de ce système offre
des résultats probants : le nombre de professionnel·le·s diplômé·e·s en dehors de la Suisse est de 40%
dans le secondaire et de 70% dans le tertiaire.

Y a-t-il une réelle volonté de permettre aux 50+ de se réorienter vers les métiers de la santé ?
Oui, dans le sens ou la VAE n’est jamais conditionnée à l’âge.

Promouvoir les VAE, comment ?
En veillant à une meilleure reconnaissance des VAE. Dès cette année par exemple, le personnel en
formation passe les mêmes examens – et en même temps – qu’il soit issu de la filière VAE ou de
l’apprentissage.

EN CONCLUSION
De l’avis de M. Schmied, si l’on veut lutter contre la pénurie de personnel local dans les secteurs
santé-social, une action énergique doit être entreprise au niveau de l’orientation scolaire pour inciter
les jeunes genevois·e·s à entreprendre ces formations. Actuellement, il lui paraît évident que la facilité
du recrutement transfrontalier, quantitatif et qualitatif, réduit l’incitation à promouvoir les métiers du
secteur dans le canton de Genève.

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COMMENT SE FORMER À L’INFORMATIQUE SANS DIPLÔME ET SANS
LIMITE D’ÂGE ?
par Christophe Wagnière, Directeur de l’école 42 Lausanne
Aujourd’hui en informatique, on parle de 40’000 postes sans candidat·e·s en Suisse et de 4’500
départs à la retraite par an. Par ailleurs, 1’900 diplômé·e·s sortent chaque année de bachelor et
master dans le domaine informatique et 20% de nouveaux métiers apparaissent avec la digitalisation.
La pénurie de talents dans ce secteur est marquée !

L’école 42 Lausanne forme des informaticien·ne·s spécialisé·e·s dans le numérique. Cette école d’un
nouveau genre est destinée aux personnes qui n’entrent pas dans les normes proposées par les
formations dites classiques. Pas besoin de diplôme pour l’intégrer – même si les masters sont acceptés
- ni d’être de la génération millenium. Une reconversion après 50 ans est possible.

Le constat d’école 42 est que les jeunes générations peinent de plus en plus à apprendre en mode
« classique », avec un·e professeur·e qui dispense du contenu. Apprendre par l’expérience paraît être
une bonne approche.

Chez 42 Lausanne, la pédagogie proposée sans professeur·e est basée sur la collaboration entre les
apprenant·e·s. Pour que cela fonctionne de manière optimale, la diversité est affirmée : l’école
s’adresse sans distinction aux jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, d’origines diverses, aux
personnes au chômage, en reconversion et aux profils atypiques. Cette diversité stimule l’intelligence
collective et l’apprentissage.

L’école est ouverte non-stop, chacun·e y vient selon ses besoins : pas d’horaires ni de vacances
définies, on peut s’absenter plusieurs semaines. Le but est de créer un cadre stimulant où la
motivation, la curiosité et l’envie de partager sont les maîtres mots. La pédagogie s’appuie d’une part
sur l’intelligence collective (peer learning) et d’autre part sur l’apprentissage par le jeu (gamification).
Les étudiant·e·s se forment de manière autonome et collaborative aux métiers du numérique.

L'école 42 est gratuite et ouverte à tout le monde. Néanmoins pour y accéder, il y a deux étapes de
sélection : un test en ligne et la « piscine » – une immersion de développement intensif d’une durée
de quatre semaines. Ces tests ne mesurent pas l’intelligence mais la manière de penser des
candidat·e·s. L’école vise avant tout un potentiel qui sait collaborer, apporter aux autres et participer à
l’évolution de la formation. La rentrée d’octobre 2021 concernera 150 à 200 étudiant·e·s. Le
programme prévoit une année de formation, puis un stage en entreprise et enfin un engagement dans
la plupart des cas. Sans engagement, l’étudiant·e poursuit sa formation jusqu’à décrocher un poste.

Cette école est financée par des fonds privés : les entreprises qui ont des besoins investissent dans la
formation d’école 42. Le lien direct entre la formation et les entreprises assure une adaptation aux
besoins du marché et à la rapidité d’évolution du secteur.

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QUESTIONS DU PUBLIC

Quels sont les métiers que ces personnes peuvent exercer à la sortie de l’école 42 ?
L’école prépare essentiellement à l’acquisition de compétences de développement. Le diplôme
obtenu est celui d’architecte ou d’ingénieur·e du numérique. Cela reste très vaste car tout évolue très
vite. Par contre, les étudiant·e·s apprennent à apprendre, à s’adapter, à travailler en équipe.
Certain·e·s obtiendront des postes pointus dans le développement de logiciels réseaux ou
d’infrastructures ou encore de sécurité (20%), d’autres s’orientent vers l’entreprenariat, la création de
start-ups (15%), les autres dans le développement Web, les interfaces graphiques ou applications
mobiles, l’intelligence artificielle, la data science ou des applications d’entreprises, voire la domotique.

Est-ce qu’il s’agit d’un projet national ? Les étudiant·e·s qui intègrent l’école viennent de toute la Suisse
ou uniquement de Lausanne ?
N’importe qui peut s’inscrire, l’école est néanmoins pensée pour le bassin romand. La formation est
proposée en français et en anglais. L’ouverture d’une antenne zurichoise est prévue en 2022. L’école
est gratuite et pensée pour s’y rendre facilement sans avoir à se loger à proximité.

Quel est le lien avec les entreprises ? Des échanges sont-ils prévus entre les entreprises et les
étudiant·e·s ?
Le lien est fort : le financement est issu des entreprises. Ce système permet d’avoir des échanges
continus. « 42 Lausanne expérience » est une équipe qui a pour objectif de proposer la rencontre
entre les étudiant·e·s et la Cité au sens large, de créer du lien. Les portes de l’école sont également
ouvertes aux entreprises. Ces dernières peuvent venir sur place pour observer la manière dont les
étudiant·e·s travaillent.

Quelles fonctions du numérique ont vocation à rester en Suisse ou à partir à l’étranger (outsourcing,
nearshore, offshore) ?
De nombreuses tentatives de nearshore ou d’offshore ont été faites et il y en aura encore. Cette
délocalisation du développement est destinée à des projets spécialisés de grande envergure. Derrière
ce mode de travail se cache le manque de développeurs et de développeuses en Suisse. A contrario,
lorsque l’on transforme des processus d’entreprises (projets numériques), la proximité est
indispensable et ces profils sont maintenus dans le pays.

Quel est le statut juridique de l'école ?
C’est une association à but non lucratif reconnue d’utilité publique par le canton de Vaud. En lien avec
le réseau 42, les écoles fonctionnent sur un système de franchise. Il s’agit d’un organisme de
formation continue, avec l’avantage d’être moins contraignantes que les exigences de la formation
classique. Le diplôme n’est de fait pas reconnu par l’État, mais bel et bien par le monde économique.
Les étudiant·e·s qui ont besoin d’un titre reconnu seront, par exemples, orienté·e·s vers les brevets
fédéraux.

Quelles sont les principales compétences – surtout les soft skills – les plus recherchées dans les
entreprises qui engagent les étudiant·e·s issu·e·s de l’école 42 ?

Elles dépendent évidemment des entreprises. De manière générale, toutes recherchent la motivation :
des personnes passionnées par leur travail, curieuses, qui ont envie de se mettre à jour
continuellement et qui soient capables de s’adapter aux changements. C’est aussi aux entreprises de
développer leur capacité d’adaptation au personnel.
Dans le monde du recrutement, le sujet des soft skills est LA préoccupation du moment, y compris
dans le secteur informatique. Malgré tout, dans le secteur IT, les entreprises recherchent des
expert·e·s avec 5 ans d’expérience, bien que cette approche du recrutement soit dépassée par une
réalité qui va beaucoup plus vite.

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Combien allez-vous former de développeurs et développeuses dans les années à venir ?
L’école 42 a une capacité de 150 à 200 apprenant·e·s par année. La HES-SO forme, elle, 300
étudiant·e·s par année. En regard des 4’500 collaborateurs et collaboratrices du secteur qui partent à
la retraite chaque année, 42 Lausanne propose une solution de formation complémentaire à
l’existante. L’école lausannoise vise une capacité de 500 étudiant·e·s d’ici trois ans et l’ouverture de
l’école 42 Zurich l’an prochain augmentera encore ce chiffre.

Quelle est la différence salariale entre une personne sortant de votre école et sortant d’une HES ?
Il est difficile de répondre à cette question. Tout d’abord il n’y a pas encore de recul sur un premier
emploi en Suisse. Ensuite, un·e diplômée master EPF (école polytechnique fédérale) bénéficiera d’un
salaire plus élevé qu’un bachelor HES et par conséquent qu’un·e apprentant·e issu·e de l’école 42.
Dans les métiers de l’informatique, le salaire est en phase avec les capacités et les compétences
techniques ainsi que la rareté du profil. Il arrive que des autodidactes aient une meilleure
rémunération que des diplômé·e·s. C’est une spécificité de ce secteur.

EN CONCLUSION

L’école 42 Lausanne apporte une solution locale, parmi d’autres, pour pallier une partie de la pénurie
de main-d’œuvre dans le secteur informatique.

C’est aussi un modèle pédagogique innovant puisque le concept est basé sur l’intelligence collective,
la gamification et l’apprentissage par les pairs. Ce système offre une opportunité nouvelle : elle
encourage à la diversité et ouvre les portes à tous profils : non-diplômés, sans distinction d’âge, issus
d’horizons variés avec des parcours atypiques.

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ENJEUX ET ÉVOLUTION DE L’APPRENTISSAGE
par Sophie Egger, Responsable du Centre de Compétences Entreprises
de l’Office de la Formation Professionnelle et Continue (OFPC)

Les cursus de formation d'apprentissage sont liés à l'évolution du marché du travail. Ces derniers sont
définis d’entente entre les associations professionnelles, les entreprises et la Confédération.
Dans toutes les professions, une révision est ordonnée tous les cinq ans pour adapter les contenus de
la formation à l'évolution de l'environnement économique et technologique. Depuis quelques années,
cette révision inclut l’identification systématique des compétences numériques par les
professionnel·le·s.

Les partenaires de la formation professionnelle ont adopté, en 2018, la Vision 2030 afin de permettre
au système de l’apprentissage de répondre aux exigences de demain. Vision 2030 crée ainsi un cadre
de référence propice au développement de la formation professionnelle dans les années à venir.
L'apprentissage tout au long de la vie, la flexibilisation des offres de formation, la réduction de la
bureaucratie pour les entreprises ou encore la numérisation sont quelques exemples de projets ou de
préoccupations actuelles au niveau fédéral.

En effet, la numérisation ouvre de nouvelles perspectives dans la formation professionnelle pour
soutenir les processus d’apprentissage :
- Certains enseignements peuvent être tirés de la crise sanitaire notamment au sujet de la
    formation à distance. Des formations hybrides sont pensées, qui intègrent présentiel et formation
    en ligne pour soutenir les processus d'apprentissage ;
- Davantage de plateformes d'apprentissage sont mises en place. Leur but est d’amener l’apprenti·e
    vers davantage d’autonomie, en fonction de son profil ;
- Enfin, le lien est de plus en plus étroit et renforcé entre les trois lieux de formation (école,
    entreprise, cours interentreprises).

Plus de 200 métiers sont possibles via l’apprentissage. Le programme est régulièrement adapté lors
des révisions. Les professions s'adaptent et naissent. Par exemple le CFC de médiamaticien·ne a été
créé en 2010 et lors de sa révision en 2019, il y a eu un renforcement important de la production
numérique, notamment. Le CFC de recycleur ou recycleuse a démarré en 2019 et celui de
qualiticien·ne en microtechnique, en 2020. Un projet de formation d’employé·e en e-commerce est
prévu en 2024.
Une réforme du CFC d’employé·e de commerce et du CFC de commerce de détail sont en cours, et
sera prête pour 2022 et 2023.

L’OFPC et ses partenaires ont conscience que les jeunes n'apprennent pas un métier pour la vie, mais
que l’apprentissage correspond bien à une étape professionnelle. Leurs besoins évoluent, les
apprenti·e·s ont besoin d’offres flexibles et de bénéficier de transfert de compétences sur le terrain.
Enfin, un accent est mis sur le développement des soft skills durant la formation.

Pour les entreprises, l'apprentissage reste un moyen sûr d'avoir du personnel qualifié. Pour la plupart
des entreprises formatrices, il s’avère plus intéressant de former la main-d’œuvre que de la recruter
sur le marché externe. Pour les entreprises, le rapport coût/bénéfice d’une activité de formation est
un des facteurs qui déterminent la décision de proposer des places d’apprentissage. Certain·e·s
apprenti·e·s sont d’ailleurs directement engagé·e·s par leur entreprise après la formation. (Consulter
l’étude coût/bénéfice de l’Observatoire de la formation professionnelle de l’Institut fédéral des hautes
études en formation professionnelle).

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QUESTIONS DU PUBLIC

Les apprenti·e·s seront-ils·elles amené·e·s à maîtriser les outils numériques avant de débuter une
formation ?
L’apprentissage intègre des compétences numériques, mais il n’y a pas besoin de les maîtriser pour
commencer un CFC.

Comment les adultes peuvent-ils se former?
Par la formation continue, mais aussi via l’apprentissage standard avec une allocation de formation.

Est-ce que certaines formations vont disparaître ?
Oui, l’évolution du marché du travail entraîne la disparition de certains métiers, mais aussi l’adaptation
des formations existantes et la création de nouveaux cursus en lien avec les besoins des entreprises.

Comment l’OFPC fait-elle la promotion des nouveaux métiers ?
A la Cité des Métiers via des zooms métiers, sur les réseaux sociaux, dans les associations et milieux
professionnels, dans les écoles et dans le cadre de l’exposition Cité des métiers (Palexpo).

Est-ce que les métiers n’évoluent pas plus vite que le rythme des révisions ?
Tout évolue extrêmement vite. Cinq ans représentent un temps considérable sur le marché de
l’emploi. Il est néanmoins difficile d’apporter des adaptations dans un temps inférieur à la durée d’un
apprentissage : un CFC dure 3 à 4 ans.

Comment font l’OFPC et le Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) pour
respecter les besoins du marché ?
Il y a un travail de partenariat entre l’État et les milieux professionnels. Une impulsion considérable est
également fournie par les Organisations genevoises du monde du travail pour la formation
professionnelle (Ortra).

De quelles réductions de bureaucratie parliez-vous ?
Les plans de formation vont être simplifiés, notamment grâce aux apports technologiques.

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ÉVOLUTION DES MÉTIERS SELON LES BESOINS DES ENTREPRISES DANS
LE DOMAINE DES TRANSPORTS PUBLICS
témoignage de Beat Möckel, chef de région Romandie de login
formation professionnelle SA

Pour Beat Möckel, de login formation, les raisons de la pénurie de talents sont multiples :

-   les hard skills évoluent très vite – à ce sujet des réformes régulières des apprentissages sont en
    cours, en lien étroit avec les besoins des entreprises ;
-   les responsabilités exigées par les postes font augmenter les critères de sélection : par exemple,
    l’assemblage des trains est aujourd’hui géré par télécommande, il y a un accroissement des
    compétences demandées ;
-   certains métiers ne changeront pas : par exemple le travail de nuit et les horaires irréguliers sont
    des contraintes qui n’attirent plus les jeunes, cela augmente la pénurie mais il est difficile d’agir
    sur ce point ;
-   les techniques de recrutement évoluent aussi et deviennent plus pointues, avec plus d’exigences ;
-   l’importance grandissante des soft skills pour les entreprises rend les recrutements plus précis.

Pour faire face à la pénurie, voici les pistes dont témoigne M. Möckel :

-   la formation continue interne à l’entreprise est un moyen de combler la pénurie de talents.
    Encourager la formation tout au long du parcours (apprendre à apprendre) ;
-   encourager et savoir responsabiliser les apprenti·e·s : par exemple, la gestion d’une petite gare en
    autonomie par les apprenti·e·s encadré·e·s par un formateur ou une formatrice et apprendre de
    leur prise d’initiative;
-   encourager l’autonomie des connaissances : apprendre à chercher l’information plutôt que
    d’assimiler des connaissances souvent volatiles.

Sur le sujet de la reconversion et des compétences transférables, Beat Möckel se base sur son
expérience du guichet CFF dont il était responsable et pour lequel il recrutait. Il propose quelques
pistes pour interroger le transfert de compétences :

-   l’évolution des techniques de recrutement peut être un avantage pour mieux faire ressortir les
    soft skills : par exemple, un entretien téléphonique ou une visioconférence de 15 minutes pourrait
    remplacer la lettre de motivation ;
-   l’implication grandissante des activités extra-professionnelles permet de donner une « couleur » à
    un·e candidat·e et de se faire une idée encore plus précise de ses soft skills : par exemple, un
    animateur de rue est un expert en gestion des conflits ;
-   enfin, certains métiers, grâce à la digitalisation, peuvent être regroupés : un conducteur ou
    conductrice de locomotive + la personne qui fixe les wagons = conducteur ou conductrice de
    locomotive avec télécommande pour fixer les wagons.

La reconversion professionnelle est une solution à envisager pour contrer la pénurie de talents. Les
métiers les plus recherchés - et par conséquent en forte pénurie —par login sont : constructeur·trice
de voies ferrées, électricien·ne réseau, monteur·euse automaticien·ne, mécanicien·ne.

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QUESTIONS DU PUBLIC

Les softs skills prennent de plus en plus d’importance : comment les entreprises peuvent-elles identifier
les soft skills dans le processus de recrutement ?
Par les références et par déduction : une personne qui a travaillé en cuisine est habituée aux horaires
de soirée. Un paysagiste sait ce que signifie de travailler dehors. Un animateur ou animatrice de rue a
sans doute régulièrement été confronté·e à la gestion de conflits.

Est-ce que les reconversions sont en croissance ?
Oui et le potentiel en reconversion est énorme. On peut citer l’exemple des mères au foyer qui ont
notamment développé leur sens de l’organisation.

Est-ce qu’il y a des évolutions dans les dossiers de candidatures, par exemple avec les CV vidéo ? Chez
login, les usages sont encore classiques.

La pénurie de talents est-elle une réalité pour login ou est-ce en marge ?
C’est très concret notamment pour ce qui touche aux métiers techniques. Il existe un programme de
pré-talents accessible dès 22 ans et/ou avec 2 ans d’expérience dans l’entreprise. Les talents sont
identifiés et un programme de développement de carrière est proposé aux collaborateurs et
collaboratrices pour les retenir.

Le multicheck ne va-t-il pas à l’encontre des soft skills ?
En effet, le multicheck montre peu de chose à ce sujet mais il est important dans le monde de
l’apprentissage car il permet de réaliser si la jeune personne peut suivre au niveau scolaire.

CONCLUSION

Nous pouvons retenir qu’il est possible de faire face à la pénurie par des reconversions et que les soft
skills prennent de l’importance dans les processus de recrutement. Il est possible de les mettre en
valeur par des activités extra-professionnelles. L’importance de la formation continue est relevée, tout
comme l’autonomie et responsabilisation des apprenti·e·s afin de retenir les talents.

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DÉBAT & QUESTIONS
A la suite des présentations réalisées par les intervenant·e·s, les participant·e·s se sont retrouvé·e·s en
plénière. Lors de ce temps de questions et de débat, animé par Monsieur Etienne, les sujets suivants
ont été abordés :

Soft skills : toujours plus demandés mais non enseignées ?
Mme Egger : Les soft skills font partie des formations en entreprise en même temps que la pratique.
Hard et soft skills sont deux éléments indissociables de la formation. Les formateurs et formatrices
s’appuient sur les compétences sociales et comportementales que les apprenti·e·s ou les
collaborateur·trice·s doivent démontrer pour réaliser des activités très pratiques.
M. Möckel : l’apprentissage est déjà très formateur à ce sujet. Les apprenant·e·s s’intègrent au sein
d’équipes multiculturelles et intergénérationnelles, et doivent changer d’espace de formation
régulièrement.

Besoins du numérique : peut-on se former pour être toujours en phase avec le marché ?
M. Wagnière : Tout d’abord, il faut que la formation ne soit pas trop longue. L’évolution est tellement
rapide qu’une formation de 5 ans représente un vrai enjeu. Le WEF montre que l’acquisition de
compétences digitales repose avant tout sur des soft skills : apprendre à apprendre, la résilience,
l’adaptabilité, la créativité, la motivation, etc. C’est fondamental pour être en apprentissage
permanent tel que ces évolutions l’exigent. Les employeur·euse·s doivent laisser de l’espace pour
rendre cet apprentissage permanent possible. C’est la seule solution pour garder les employé·e·s au
niveau. De plus, le travail occupant une grande partie de la vie, c’est aussi une responsabilité
individuelle de se garder à jour et d’éviter d’avoir à « rattraper du temps » et le combler par une
formation importante. La responsabilité est double : individuelle et collective.
M. Schmied : Dans les efforts de réinsertion, le domaine de l’informatique est absent. Il n’y a pas
d’associations professionnelles avec laquelle organiser des cours ou modules. C’est une industrie
laissée à elle-même, ce qui permet difficilement de réinsérer du personnel dans ce milieu. Il y a un
enjeu étatique.

Formation continue pour les adultes : comment en faire la promotion ?
M. Schmied : Il faut convaincre que c’est possible. La validation des acquis ou VAE est un outil très
puissant, mais demande un travail d’acceptation. Il faut également faire attention à la formation
tertiaire qui se développe (augmentation des compétences et spécialisation, à l’exemple du personnel
infirmier faisant des doctorats) au préjudice de la formation primaire ou secondaire où le personnel
peine à réaliser une longue carrière. La collectivité a un rôle prépondérant à jouer dans ces formations
en termes de réinsertion.
Mme Egger : en sus de la formation continue et de la VAE, il existe des allocations de formation qui
sont une possible voie pour la formation professionnelle des adultes.

Entreprises et formation : un bon matching en Suisse ?
M. Möckel : Les actionnaires de login formation sont les entreprises pour lesquelles le personnel est
formé. La proximité est donc prépondérante. Par ailleurs, login formation s’implique à la mise sur pied
ou la réforme de CFC pour que la formation soit adaptée aux besoins des entreprises, ce qui est
l’enjeu central des formations proposées.

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Le monde change, mais pas la formation professionnelle : votre avis ?
M. Möckel : je ne suis pas d’accord. Nos apprentissages ont beaucoup évolué. Par ailleurs, il y a des
compétences (hard skills) dont on aura toujours besoin.
M. Schmied : je ne suis pas d’accord non plus. Les jeunes suivent très bien les évolutions et s’y
adaptent. Il faut faire attention à ce discours démotivant où on dit que tout va tellement vite que le
métier appris aujourd’hui n’existeront plus dans cinq ans. Des métiers se créent, et les jeunes sont
formés.
Mme Egger : la formation professionnelle s’adapte avec d’importants partenariats avec les
entreprises. Les plans de formation sont réadaptés tous les cinq ans et les ordonnances de formation
révisées. Le système de formation est au contraire très réactif et adaptable. L’offre de formation est
flexible. Il faut conserver cette agilité et continuer à la développer.
M. Wagnière : la formation professionnelle fonctionne bien dans 80% des cas. Il ne faut néanmoins
pas oublier les 20% de personnes qui n’entrent pas dans les cases, n’ont pas fait les bons parcours,
etc. C’est là où il faut des solutions alternatives et complémentaires à offrir.

Besoins du terrain et formation : aucun décalage ?
Mme Job : Oui, il y a un décalage entre des exigences du marché de l’emploi de plus en plus pointues
et peu de places pour les personnes mal formées. Il y aura du toujours du travail pour les personnes
non formées, mais les statistiques montrent que le nombre de postes se réduit. Il faut investir plus
dans la formation continue pour essayer de rattraper ce retard.

Modèles de formations classiques : va-t-on en sortir pour aller vers d’autres choses (pas de
professeur·e·s, apprentissage en faisant, pas de cadre rigide, etc.) ?
M. Wagnière : Non, pas pour la majorité. Cette autre manière de se former s’adresse à un public
particulier. Dans la formation professionnelle classique, on apprend aussi en faisant, c’est le but et ce
qui fait la réussite de notre marché du travail. Des écoles comme l’Ecole 42 répond à d’autres besoins
et fait évoluer les lignes. L’objectif n’est pas de remplacer la formation classique, mais bien de se
positionner dans la complémentarité.

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CONCLUSION
Monsieur Etienne, directeur de la Fondation Qualife, propose une brève conclusion des discussions :

La pénurie de talents est une actualité brûlante. Si la Fondation Qualife est confrontée
quotidiennement à cette question, tant du côté des jeunes en recherche de formation professionnelle
que des personnes de 50 ans et plus en recherche d’emploi, les échanges lors de la conférence
confirment que cette problématique touche de nombreux secteurs d’activité.

Les intervenant·e·s ont présenté des pistes d’actions concrètes pour favoriser l’employabilité des
professionnel·le·s ainsi que la formation de la relève : la formation continue, la flexibilité des
formations, la validation des acquis par l’expérience (VAE), les modes d’enseignement alternatif, les
systèmes de reconversion interne, la prise en compte de la pénibilité des tâches, et d’autres encore.

Il est primordial pour chacun·e d’évoluer avec le marché du travail. Si la formation tout au long de la
carrière devrait être abordée comme une solution, les modèles de recrutement devraient, eux aussi,
être revus. Ces derniers pourraient gagner à valoriser des potentiels de développement plutôt que des
compétences pratiques acquises, ces dernières pouvant s’avérer être rapidement obsolètes.

Les personnes de moins de 25 ans en recherche d’un apprentissage et de 50 ans et plus en quête
d’une validation des acquis ou d’un emploi, représentent un potentiel négligé. C’est un vrai capital
humain et un gâchis de ne pas mieux les utiliser, en permettant notamment des (re)qualifications en
fonction des besoins du marché de l’emploi et des aspirations professionnelles des candidat·e·s.

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La Fondation Qualife accompagne des jeunes de moins de 25 ans sans qualification vers l'apprentissage et
permet à des personnes de 50 ans et plus sans emploi d'envisager un retour dans le monde professionnel.
www.qualife.ch

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mentionner sa source ©Fondation Qualife 2021

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