DOSSIER PÉDAGOGIQUE JOCHEN GERNER - Cache-oeil 11 janv - 09 mars 2019 - Ville de Thonon

 
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE JOCHEN GERNER - Cache-oeil 11 janv - 09 mars 2019 - Ville de Thonon
DOSSIER PÉDAGOGIQUE
Jochen Gerner, contemporary postcards, 2017,
série Stockholm, 14,5 x 10,5 cm, © Galerie Anne Barrault

           JOCHEN GERNER                                   11 janv –
                                                           09 mars
             Cache-œil                                     2019

                                                                       La chapelle est membre du réseau Altitudes -
                                                                       Art contemporain en territoire alpin
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« Les sons émis par la voix sont
les symboles des états de l’âme,
et les mots écrits les symboles
des mots émis par la voix. Et de
même que l’écriture n’est pas la
même chez tous les hommes, les
mots parlés ne sont pas non plus
les mêmes, bien que les états de
l’âme dont ces expressions sont
les signes immédiats soient
identiques chez tous, comme
sont identiques aussi les choses
dont ces états sont les images. »

Aristote, De l’interprétation       Harry Staute, de Jochen Gerner, Editions
                                    du Rouergue, 1999, Rodez
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SOMMAIRE

I – Jochen Gerner……………………………………………………………………………….p. 4

II – Le dessin du début jusqu’à la fin………………………………………………………p. 5

III – Le maximal minimalisme du « Less is more »…………………………………...…..p. 6

IV– L’OuBaPo des contraintes …………………………………………………………..…….p.12

V – Liens avec les programmes d’enseignement de l’histoire des arts et pistes
pédagogiques…………………………………….……………………………………….……..p.17

VI – Bibliographie et ressources ……………………………………………………….….….p.19

VII – Médiation ……………………………………………………...………………………….…p.20

VIII – Autour de l’exposition………………………………………………………….……….p.21

IX – Informations pratiques …………………………………………………………..………..p.22
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« Avant tout, je me définis comme dessinateur-auteur qui travaille par le biais de l’image,
du dessin, sur les rapports entre l’écrit et l’image, et ça, ça peut s’adapter à tous les cas de
figure de mes interventions. »

« Je suis dans une observation des choses. Aussi bien des choses du monde dont on nous
parle, des gens, toutes sortes de choses. Je peux m’intéresser à des choses qui ne
m’intéressent pas. J’ai toujours eu ce réflexe d’aller vers les choses que je ne connais pas,
pour essayer de faire des découvertes, d’aller vers des territoires. »

« Et j’aime bien travailler à partir de contraintes. Travailler à partir d’une matière première
donnée, qui va décider après de la forme du livre. »

                                     Extraits d’entretien de Jochen Gerner par Xavier Guilbert
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I – Jochen Gerner - Illustrateur bédéiste artiste

Jochen Gerner est né le 12 septembre 1970.

Il vit et travaille à Nancy.

Diplômé de l'École nationale supérieure d'art de Nancy où
il étudie de 1988 à 1993, Jochen Gerner reçoit en 1990
l'Alph'Art scolaire au festival d'Angoulême alors qu'il est encore
étudiant.

Jochen Gerner se fait connaître grâce à ses premières publications dans la presse, entre
Libération, Le Monde, Les Inrockuptibles, Snark Park ou le New York Times.

Son trait minimaliste s’est rapidement retrouvé chez les éditeurs jeunesse. Après la
publication du Petit monde, il trouvera sa place aux Editions du Rouergue où il publie ses
ouvrages en tant qu’auteur (Harry Staute, Berlin (Jochenplatz)) puis en tant qu’illustrateur
de la collection de romans ‘DoAdo’.

En 1993, Jochen Gerner rejoint des collectifs d'auteurs dont le collectif expérimental
OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle).

En 2001, Olivier Douzou cofonde la maison d'édition L'Ampoule, et invite Jochen à y éditer
TNT en Amérique. Si jusque-là les travaux de publications et les exercices graphiques
étaient bien plus séparés chez l'auteur, l'ouvrage estampillé OuBaPo marquera les liens
entre bande dessinée et art contemporain. L'auteur est repéré par la galerie Anne Barrault
à Paris pour ces expérimentations graphiques.      Les œuvres de Jochen Gerner sont alors
visibles lors des foires d’art contemporain et ses œuvres intègrent le Fonds national d'art
contemporain (FNAC) du ministère de la Culture. Jochen Gerner participe à de nombreux
collectifs (OuBaPo, Arts Factory/La Superette...) pour mettre en œuvre une critique du
langage et de l'image tout en détournant les codes visuels. Il dessine sur des pages de
journaux, des listes de noms, du papier peint, des pages de catalogues, des manuels
scolaires, d'anciennes bandes dessinées, ou plus simplement dans des cases.

Jochen Gerner est lauréat du prix Drawing Now (Paris) en 2016.
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II – Le dessin du début jusqu’à la fin

Des pictogrammes aux peintures rupestres

Dans les illustrations de Jochen on peut cheminer depuis une ligne graphique souvent noire
pour remonter aux origines de l’art comme si nous marchions sur un fil reliant l’empreinte
rupestre à l’empreinte contemporaine, sans transition. Par l’entremise du pictogramme,
(aussi appelé pictographe), les visuels de Gerner ne sont jamais loin d’un texte auquel ils
apportent une lecture immédiate humoristique, critique… Il utilise ce dessin figuratif stylisé
en tous supports, qu’il s’agisse d’illustration, de bande dessinée, d’œuvre plastique….

              Illustration de Jochen Gerner face à une citation de
              Spinoza, « Pourquoi les hommes font-ils la guerre »
              de Myriam Revault d’Allones, Gallimard Jeunesse.

                                                                     Le    panneau des       phoques
                                                                     rouges de la grotte Nerja en
                                                                     Andalousie.    Ces     peintures
                                                                     rupestres sont les uniques
                                                                     créées    par    l'homme      de
                                                                     Neandertal connues jusqu'à ce
                                                                     jour. Leur origine a été datée
                                                                     entre 42300 et 43500 ans
                                                                     d'ancienneté, ce qui en fait les
                                                                     œuvres d'art les plus anciennes
                                                                     du monde.

Aujourd’hui et dans toutes les langues du monde avec un système graphique, les
pictogrammes servent à expliquer une information d'ordre général dans de très nombreux
domaines : cartes géographiques, routes, informatique, téléphonie, santé, sécurité, chimie,
textile, environnement, … Enlevant le superflu, le pictogramme nous permet alors de
déambuler d’un monde à l’autre, sans nécessité de maîtriser un langage lettré. Il nous
permet d’accéder à une information essentielle qui parfois relève de la survie, nous donne
accès à un savoir-faire, ou favorise notre autonomie.
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L’humain est placé au cœur de ces créations certes standardisées mais utilisables et
appréhendables par tous. Cette envie de rassembler en simplifiant la forme se découvre
très tôt dans l’histoire des arts. Le travail typographique d’Herbert Bayer en est le meilleur
exemple. En 1925, ce responsable du département d’imprimerie du Bauhaus réalise son
Alphabet Universel : 26 caractères standards,
déclinés selon les mêmes figures. Le graphiste
s’affranchit de l’héritage des typographies à
empattement, ces lointaines descendantes des
alphabets     latins,   cyrilliques      et   grecs.   En
somme, simplifier la forme pour augmenter
l’impact du message, voilà la démarche du
Bauhaus.

III - Le minimalisme maximal du « Less is more »

Le mouvement du minimalisme, aussi connu sous le nom d’art minimal, émerge à New-
York dans les années 1960, animé par des artistes de renom, tels Robert Morris, Dan Flavin
et Donald Judd. Ce courant abstrait découle en partie du Modernisme, et puise son
inspiration dans le Bauhaus dont l’un des artistes phares, l’architecte Mies Van der Rohe,
avait proclamé « Less is more » (« moins c’est plus »).

Les artistes adeptes du minimalisme optent pour des formes géométriques dépouillées,
                                                 basiques (ronds, carrés, lignes) et une limitation des
                                                 couleurs (les œuvres sont quasi monochromes).
                                                 Dans une sobriété extrême et une grande économie
                                                 de moyens, les artistes évitent à tout prix le
                                                 décoratif et la création d’illusions. L’expression
                                                 d’Art Minimal est utilisée pour la première fois en
                                                 1965 par le philosophe anglais Richard Wollheim
                                                 dans la revue Arts Magazine.
 Mies Van der Rohe, la Farnhouse, 1951
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En peinture, l’art minimal, se démarque par sa simplicité,
                                     ses   lignes   droites    et   régulières      et     son        refus   de
                                     l’interprétation. Le minimalisme émerge en réaction à
                                     l’excès d’ironie figurative du Pop art et au lyrisme de
                                                                     l’expressionnisme                 abstrait.
                                                                     Également                 héritier       de
                                                                     Malevitch et des suprématistes
                                                                     russes,        les          minimalistes
                                                                     recherchent           la      pureté     et
                                                                     l’efficacité    par         la   peinture.
                                                                     Parmi               les           peintres
                                                                     minimalistes              célèbres,      on
 Robert Morris, Untitled (corner     compte Agnes Martin, Robert Mangold, Robert Ryman,
 piece), 1964
Frank Stella ou Sol LeWitt. En musique, les artistes comme La Monte Young, Terry Riley,
Philip Glass ou Steve Reich privilégient aussi le dépouillement formel, le réductionnisme et
la neutralité.

L’art minimal est éminemment présent aujourd’hui par les communications visuelles qui
fleurissent dans nos quotidiens avec l’usage du Flat
design dans les communications web et sur écran. En
supprimant tous les effets et éléments superflus, il
propose un rendu très épuré pour une plus grande
clarté et lisibilité. Il s’agit de simplifier pour gagner en
impact et en élégance. Les jeunes designers amènent
cette mini-révolution en interrogeant en profondeur la
notion d’UX (User eXperience) et jouent avec les
inconscients       de      chacun   pour   provoquer    des
actions/réactions instinctives. En optant pour une
représentation symbolique des objets, ils se basent
sur les couleurs, les formes et la mise en page pour
réveiller chez l’internaute des stimuli qui l’aideront
dans sa navigation. La typographie a un rôle central,
car elle sert à structurer l’espace.
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Jochen Gerner le minimaliste

Chez Jochen Gerner les interventions graphiques sont faites
de dessins lignés dont l’épure relève de l’exigence
minimaliste. Jochen s’embarque donc naturellement dans
l’édition d’un livre décortiquant ce courant artistique avec
le musicien Christian Rosset, dans lequel chacun nous
confirme son lien avec cette esthétique. Gerner y affirme
être « à la fois potentiellement minimaliste dans la
recherche de formes graphiques et étrangement exubérant
dans le caractère encyclopédique et prolixe de mise en
place de ces formes ». « En tous cas je travaille en             «Le minimalisme », La petite
                                                                 bédéthèque des savoirs, Editions
permanence à la recherche de formes simples. »                   Lombard, 2016

                                                 Si le minimalisme s’attache à faire surgir
                                                 des lignes brutes, strictes, essentielles, le
                                                 propos n’en est pas moins riche. Dans ce
                                                 livre, Gerner et Rosset déroulent l’histoire
                                                 de ce courant artistique, en passant par
                                                 ses    origines,       ses     influences,         ses
                                                 répercussions dans différents domaines
                                                 d’expression, nous rappelant Satie, Hergé,
                                                 Matisse, les Haïkus japonais, les Shadoks,
                                                 Robert     Bresson,        Jacques       Tati,     Le
                                                 Corbusier, … allant jusqu’à y intégrer
                                                 l’électro, la techno et le hip hop. Ce livre
                                                 pourrait      être   considéré       comme         un
                                                 exemple de « métaminimaliste » puisqu’il
                                                 nous donne à comprendre l’histoire et la
                                                 pensée minimale par la forme et le
                                                 graphisme de Gerner le minimaliste.
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Dans la série Minimum, le dessin permet à l’artiste autant qu’au lecteur de jouer au
maximum des liens qui se trament entre le texte écrit sur la page du cahier d’écolier et le
dessin noir à l’encre comme une pictographie efficace par tant de simplicité. Alors aisément
on s’amuse à découvrir la poule de Poussin, la droite de Courbet et le poids lourd de Léger,
sans oublié l’effet miroir de Goya en Iago. Jochen Gerner n’oublie jamais les artistes,
l’histoire des arts car ils sont aussi une matière dans laquelle puiser pour mieux les investir,
se les approprier. « Ce n’est pas que j’ai un amour ou que j’ai un parcours d’historien, je
m’intéresse énormément à ce qui se fait actuellement. Mais pour pouvoir comprendre ce
qui se fait aujourd’hui, il faut avoir intégré tout ce qui se fait avant ». JG
Accumuler / classifier / dessiner
Si le dessin est schématique, chez Gerner il s’envisage souvent en série et propose ainsi une
                                    lecture encyclopédique d’un sujet. Le refus du bavardage visuel
                                    permet une production d’objets raffinés par le refus d’en faire
                                    trop comme porté par une force brute presque primitive mais
                                    qui nous emmène dans une étude approfondie.
                                    L’un des exemples de cet engagement est visible dans une
                                    compilation de dessins éditée en 2017 chez Casterman intitulée
                                    Repères – 2000 dessins pour comprendre le monde. Chaque
                                    semaine depuis 2014, Jochen Gerner explique en bande
                                    dessinée dans le journal le 1 différentes notions qui permettent
                                    de mieux comprendre l’histoire, la science, l’économie, la
     Vasco de Gama
                                    politique, l’actualité, et donc le monde.
« Chaque semaine, la rédaction du "1" choisit le sujet du "Repères" et m'en fournit les
textes. A moi de chercher la documentation et l'iconographie. Il me faut trois ou quatre
images pour avoir une idée de "Repères". Il doit y avoir du rythme entre les personnages et
les éléments. J'adore utiliser les pictogrammes et les logos. J'ai aussi appris à faire des
portraits, tout en restant toujours dans mon style. Il y a des sujets plus faciles pour moi
comme l'art ou la géographie et puis d'autres qui sont plus ardus, comme l'économie ou la
politique. »

S’approprier les quotidiens
Dans cette manière d’ausculter le monde, l’artiste intervient dans nos quotidiens, supports
premiers de nos gestes de lecture à répétitions. Il sévit dans Libération, Le Monde, Wall
street Journal, L’expansion, Télérama …

                                                                       Agents immobiliers :
                                                                       profession émiettée recherche
                                       Les hypers font la loi,         rentabilité, Le Monde,
                                       Libération, dessin de une,      29 mars 2011.
                                       28 avril 2008.
  Nortel network’s hunt, The Wall
  Street Journal, 22 mai 2001.
Collectionner les répétitions
Gerner travaille des récurrences du monde mais il donne aussi à voir les répétitions de ses
propres moments de vie. De 2005 à 2008 lors de ses voyages en train, il va dessiner les
différentes vues qui s’offrent à lui par la fenêtre de son wagon.
Chaque dessin correspond à un fragment de paysage. L’ordre des dessins est donc dicté
par le voyage et par la trajectoire du train. Cette capture à grande vitesse d’un fragment du
décor vu est passée au crible d’une fulgurante sélection pour être en transmission directe
sur le papier. Il s’agit d’instantanés successifs qui une fois assemblés soumettent notre œil
à un déplacement sur la page similaire au déplacement de l’artiste lors de son voyage.

              Grande Vitesse est son carnet de dessins réalisés lors de ses voyages en TGV entre 2005
                                    et 2008, et publié en 2009 par L’association.

             Il livre aussi son carnet intitulé Branchages, dont il a rempli les pages lors de conversations
                                          téléphoniques, entre 2002 et 2008.
IV –L’OuBaPo des contraintes – faire apparaître et disparaître

L’OuBaPo, mais Kézako ?
L'Ouvroir de bande dessinée potentielle (OuBaPo) a été fondé en novembre 1992 au sein
de l'Ou-X-Po et à travers la maison d'édition L'Association. Ce comité crée des bandes
dessinées sous contrainte artistique volontaire à la manière de l'Ouvroir de littérature
potentielle (OuLiPo) créé par Raymond Queneau. Les contraintes formelles que s'imposent
les auteurs dans la réalisation d'un album à caractère OuBaPien peuvent être classifiées. Une
première classification fut publiée dans le premier Oupus par Thierry Groensteen en 1996
et   s'intitule Un premier bouquet de contraintes. On peut            distinguer contraintes
génératrices (ambigramme, pliage,      restriction graphique, pluri-lecture, palindrome..) et
contraintes transformatrices (expansion de l’histoire, réduction de cases, réinterprétation
graphique, substitution…).

Fidèle depuis le début au procédé OuBaPien, Jochen Gerner caviarde tout ce qui lui tombe
sous le pinceau. Il recouvre ou camoufle pour faire apparaître des sens subliminaux derrière
les histoires des BD qu’il déniche.
Ainsi, dans la série intitulée Panorama du feu, une cinquantaine de fascicules de bandes
dessinées des années 50’s,60’s,70’s, sert de base au projet. Il travaille directement sur les
couvertures avec de l’encre de Chine, et insère des pictogrammes. Il fait apparaître un
grand champ de bataille nocturne, zébré de tirs et de déflagrations, comme un écran
d’observation d’une salle d’état-major. Par ce traitement, il analyse l’esthétique de la bande
dessinée de la période de la guerre froide, où la menace d’un conflit était un sujet récurrent
des médias d’alors.
Le projet TNT en Amérique est né des réflexions oubapiennes de l'auteur. Il trouve de
nouvelles pistes de lecture par la déstructuration d'une matière première (Tintin en
Amérique d'Hergé) pour la reconstruire autrement et mettre ainsi de nouveaux éléments en
avant. Par un traitement de noircissement à l'encre de Chine de la quasi-totalité des pages,
et en ne retenant sur chacune d'elles qu'une poignée de mots, là où la ligne claire d'Hergé
atténuait et lissait, il ne reste, que la répétition d'une vision de la violence extrême des
États-Unis. Le noir très noir met en lumière des éléments de la page et donne à traverser
comme l’image d’une ville de nuit éclairée de néons clignotants. Il se fait archéologue et
déniche des strates de lectures possibles par un procédé de recouvrement qui finalement
propose un dévoilement de sens sous-jacent.

Jochen ne s’arrête pas à son expérience TNT pour explorer le monde d’Hergé puisqu’en
2016 il publie RG Renseignements Généraux, GERNER & RABU, aux éditions L'Association.
« RG est à la fois un livre de création et un essai, une bande dessinée, un poème et un livre
d’art. Un hommage à l’œuvre de Hergé, un prolongement de cette œuvre et un travail
théorique sur elle. Cinq propositions de relecture de l’ensemble des aventures de Tintin
(couleurs imprimées, formes dessinées, subtilités narratives, couleurs mentionnées) ». Fait
à quatre mains, par Gerner et Rabu, ce livre s’intitule RG en référence directe aux initiales
de Hergé. Enfin, ce titre reprend les initiales des noms des deux auteurs. « Le projet RG est
une relecture chromatique littérale des aventures de Tintin. Il est composé de cinq parties:
quatre parties image (Mégacycle, Ectoplasme, Supercolor, Cyclotron) et une partie texte
(Gyroscope). Chaque titre est bien sûr issu du lexique hergéen ».
« La possibilité infinie de rapports entre l’écrit et l’image est pour moi l’intérêt principal de
la bande dessinée : un système de représentation confrontant en permanence, dans une
sorte d’alchimie, l’écrit et le visuel. C’est ce domaine-là que je tente d’explorer de mon côté
ou au sein de l’OuBaPo. Le projet TNT en Amérique (2002) est né de ces réflexions
oubapiennes, d’exercices et d’expériences. Je tente de trouver de nouvelles pistes de
lecture. Je déstructure une matière première pour la reconstruire autrement. L’analyse de la
bande dessinée Tintin en Amérique de Hergé m’a fait prendre conscience du phénomène de
chute (de corps) récurrent dans cet album. Je voulais comprendre l’origine de ce vertige
permanent. Début 2001, j’ai commencé à décrypter cette violence (violence toujours
adoucie et banalisée par le style de la ligne claire : un coup de poing réel est quelque chose
de bien plus violent que ce qui nous est montré dans ce type d’album) et j’ai décidé que
cela serait l’occasion de réaliser un exercice oubapien sur un album entier » (JG, entretien
pour index graphik).

Tous les supports imprimés qui tombent entre ses mains passent au filtre de l’encre ou de
la peinture, Jochen s’attaque au catalogue IKEA version Américaine car même s’il n’est pas
fan de cette entreprise, le catalogue serait l’ouvrage « qui se vend le plus par le monde,
plus que la Bible » ! Dans certaines pages il vide les éléments de décors pour faire la part
belle aux espaces et perspectives des pièces, dans d’autres, il pose un voile sur ces mêmes
objets créant ainsi un catalogue de formes des plus minimalistes.

                                                                                             Home
                                                                                          (détails),
                                                                                      acrylique sur
                                                                                            support
                                                                                       imprimé, et
                                                                                              encre
                                                                                        (catalogue
                                                                                         Ikea USA
                                                                                              2008)
Couvrir, dé-couvrir, … le procédé continu au-delà des interventions en BD ou catalogues
pour révéler le paysage sous le paysage. Dans le projet Stockholm, Jochen compile une
trentaine de cartes postales de la ville. Ici il peint à l’acrylique en aplats bruts ou dilués des
zones à camoufler pour faire voir le paysage sous un autre angle. Choisissant des couleurs
glacées « norvégiennes »     il ne cache pas son sujet scandinave mais le révèle d’autant.
Certaines zones effacées nous manquent-elles pour voyager dans ces paysages ? Les
architectures grisées semblent prises dans un brouillard, les cours d’eau sont conservés et
rehaussés de peinture, les hachures droites vertes rigides et penchées contrastent et
ravivent la douceur du paysage interprété.

Un livre rassemble les paysages de Stockholm de Jochen Gerner avec un texte de Peter Von
Poehl, dont voici un extrait : Mais soudain, les cartes postales délicatement tracées de
Gerner prennent un ton légèrement troublant. Il est évident qu’il manque un détail, sans
que l’on arrive à savoir lequel exactement, un peu comme dans la scène du rêve dans Les
Fraises sauvages de Bergman. C’est peut-être précisément cela qui, dans les dessins de
Gerner, fait étonnamment ressurgir mes propres souvenirs d’enfance...
Et si l’on imaginait un dialogue entre Gerner le pirate au cache-œil et Saint-Exupéry
l’aviateur, cela pourrait donner ceci :

- Jochen G. :
« Le cache-œil est ce morceau de tissu rendu célèbre par l’image légendaire du pirate. Il
pourrait avoir aussi été inventé pour d’autres raisons que celle de recouvrir une blessure ou
un œil perdu. Il se pourrait que cela ait été utilisé pour hyper sensibiliser l’œil caché, afin de
faciliter la navigation de nuit et la vision dans les ponts inférieurs sombres des navires.
J’aime donc beaucoup cette image et cette idée que le fait de moins montrer, de recouvrir,
de cacher, peut aider à mieux voir. »

- Antoine S-E :
« La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a
plus rien à retirer. »
V – Liens avec les programmes d’enseignement de l’histoire des arts
et pistes pédagogiques

Pistes pédagogiques Cycles 1, 2, 3

                                              Établir une relation avec celle des artistes,
                                                           s’ouvrir à l’altérité
       Expérimenter, produire, créer
                                                     Se repérer dans les domaines
   Mettre en œuvre un projet artistique
                                                        liés aux arts plastiques,

                                                 Etre sensible aux questions de l’art

    Produire un dessin figuratif stylisé                Rencontrer des œuvres

                                              ● Peinture pariétale préhistorique :
● En créant des pictogrammes
pour représenter                              - Lascaux, grotte Chauvet

-les règles de vie de l’école, de la classe   - Altamira (Espagne)

-des règles de prudence de la vie             ● Vassily Kandinsky, Komposition VIII, 1923
quotidienne : en lien avec le dessin de
                                              Einige Kreise, 1926
Jochen Gerner « certains médicaments sont
dangereux au volant », Le Monde, 24 avril     (Schéma des variations de température),
2007.                                         1925

● En réalisant un dessin de presse à partir   ● Henri Matisse, Les gouaches découpées,
de la Une de journaux comme Le Petit          1933
quotidien, Mon quotidien, le Dauphiné des
enfants…                                      ● Le Corbusier, le cabanon minimaliste,
                                              1952
● Dessiner un personnage célèbre en
recherchant les éléments importants qui       ● Herbert Bayer, Constellation of Six Squares
permettent de le reconnaitre                  (6 works), 1960

● Dessiner un animal en le simplifiant le     ● Ellsworth Kelly
                                              Colors for a Large Wall 1951
plus possible
                                              ● Les Shadoks, série de Jacques Rouxel de
                                              1968 à 1973

                                              ● Dan Flavin,Untitled (To Donna 5a), 1971

                                              ● Frank Stella, Mas o Menos, 1964
Produire un dessin à la frontière

           entre figuratif et abstrait

          en imposant des contraintes

● dessiner au stylo bille à partir d’un mot
(nom, adjectif) par exemple chapeau,
bateau, colère, violent… pour créer un
dessin par accumulation

● dessiner au feutre fin en utilisant des
lignes, des points, des formes
géométriques, en imposant une couleur

● dessiner sur des supports différents :

- papier quadrillé

- papier millimétré

- plan

- quadrillage

● dessiner par recouvrement partiel en
laissant des zones apparentes avec de
l’encre de Chine, de la peinture acrylique

sur divers supports

- papier peint

- papier cadeau

- journaux, revue

- publicités, catalogues

- atlas

- photos, cartes postales

- BD

- manuel scolaire
● Des vidéos
https://www.arte.tv/fr/videos/074719-007-A/jochen-gerner/
https://www.youtube.com/watch?v=EaNOF_7nQ54

https://www.youtube.com/watch?v=Ar0WjNdUTYs

https://www.arte.tv/fr/videos/084270-000-A/hommage-au-peintre-ellsworth-kelly/

● Site qui recense des pictogrammes
http://www.arasaac.org/pictogramas_byn.php
● Des dossiers
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-minimalisme/ENS-
minimalisme.htm
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-kandinsky/ENS-
kandinsky.html

https://www.reseau-
canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/Je_dessine/pdf/Jedessine_caricature.pdf

● Pour information
Le roman Dico dingo de Pascal Garnier illustré par Jochen Gerner est disponible en
série pour votre classe à la Bibliothèque pédagogique de l’IEN de la circonscription de
Thonon.

Pistes pédagogiques Cycle 4
    Education de la sensibilité :
-se familiariser avec le lieu de diffusion artistique.
-développer des attitudes qui permettent d’ouvrir sa sensibilité à l’œuvre d’art
-développer des liens entre rationalité et émotion.

    Compréhension de l’œuvre d’art :
-avoir conscience des interactions entre la forme artistique et les autres dimensions
de l’œuvre (son format, son matériau, sa fonction…).
- distinguer des types d’expression artistique, avec leurs particularités matérielles et
formelles, leur rapport au temps et à l’espace.
-établir ainsi des liens et distinctions entre des œuvres.
-comprendre la différence entre la présence d’une œuvre, le contact avec elle, et
l’image que donne d’elle une reproduction, une captation ou un enregistrement.
-maitriser un vocabulaire permettant de s’exprimer spontanément et personnellement
sur des bases raisonnées.

                                                                                      19
VI - Bibliographie et ressources

Livres d'images et bandes dessinées
Stockholm, collection Portraits de villes, éditions be-pôles, 2018.
Repères, 2000 dessins pour comprendre le monde, éditions Casterman - Le 1, 2017.
RG, (coauteur : Emmanuel Rabu), l'Association, 2016.
Le Minimalisme, (scénario : C. Rosset), La Petite Bédéthèque des Savoirs, Le Lombard,
2016.
Contre la Bande Dessinée, l’Association, 2008.
100.000 milliwatts (printemps), (scénario : Diego Aranega), éditions Delcourt, 2007.
Le Saint Patron, l’Association, 2004.
En Ligne(s), carnet de dessins téléphoniques (1994-2002), l'Ampoule, 2003.
TNT en Amérique, l’Ampoule, 2002.

Éditions jeunesse
C'est mathématique !, (Texte : C. Louart, F.Pinaud), éditions Actes Sud junior, 2014.
Machin-truc, Les Fourmis rouges, 2013.
Coloriage !, éditions Milan jeunesse, 2006, 2012.
Picto-picoti-paysage, (papier peint), The Mark on the Wall, 2012.
Atchoum !, collection Tête de lard, éditions Thierry Magnier, 2005.
Harry Staute, éditions du Rouergue, 1999.

Ouvrages collectifs
Lieux infinis, Encore Heureux architectes, éditions B42, 2018.
Dialogue de dessins, (avec Guillaume Chauchat), éditions Central Vapeur, 2017.
Maudite !, (coord. Vincent Vanoli), l'Association, 2016.
L'art mot à mot, éditions Palette, 2015.
Cut, 1985-2015, une courte histoire du cinéma, Mon Œil !, 2015.
La France qui gueule, (auteur : Manon Paulic), Milan et demi, 2015.

Revues
Lapin, Livraison, R de Réel , Fusée, Spoutnik, Jimmy Draht , Dada, Éprouvette, Rouge
Gorge, 9° Art, Le Tigre, Écritures, Journal d'anticipation #2, Le Monde diplomatique …

Sites internet :
http://jochengerner.com/

http://www.galerieannebarrault.com/jochen_gerner/dessins.html

Monographie :
Jochen Gerner, de Christophe Gallois et Tom Mc Carthy, B42, 2015

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VII – Médiation

Les enseignants et la chapelle
Présentation de l’exposition, des supports et des activités pédagogiques à destination
des enseignants le mardi 8 janvier à 17h30.

Animations pédagogiques pour les groupes scolaires
     Pour les élèves de maternelle et d’élémentaire :
Visite de l’exposition en s’appuyant sur les réactions des élèves, en les incitant à
observer, se questionner et enrichir ainsi leur vocabulaire de quelques mots-clés et
notions d’histoire de l’art.
Les visites sont suivies, sur demande, d’un atelier plastique permettant aux élèves
d’appréhender la technique, les matériaux ou le sujet présenté. Ces travaux pourront
ainsi être à la base d’un travail de classe.

     Pour les élèves de collège et lycée :
Visite et discussion autour de la thématique générale de l’exposition en liant les
propos avec le programme d’enseignement de l’histoire des arts.

                                                                                    21
VIII – Autour de l’exposition

A la chapelle :
 « Thonon sous la peinture », Atelier créatif
pour tous et sans réservation
mercredi 6 février à 14h30.

Visite en famille, suivi d’un goûter (à partir de 6 ans),
mercredi 20 février à 15h
Inscription Office de tourisme 04 50 71 55 55.

A la médiathèque :
« Une histoire à coloriser », Atelier créatif
en continu, dès 7 ans et en famille
samedis 2 février et 2 mars à 15h.

A l’auditorium :
Entretien public de Jochen Gerner avec Philippe Piguet
jeudi 7 février à 19h
sans réservation, dans la limite des places disponibles.

Prochaine exposition / Régis Perray et Hicham Berrada
Du 29 mars au 25 mai 2019

                           Dans l’œuvre de Régis Perray, les fleurs accompagnent
                           l’homme dans les épreuves des 7 fléaux. Elles sont l’un des
                           fils conducteurs d’ouvrage tissé unique au monde comme la
                           tapisserie de Bayeux, dont le message est universel et surtout
                           intemporel.

Nourri d’une double culture artistique et
scientifique, Hicham Berrada est un artiste
laborantin qui utilise la science à des fins
plastiques et picturales.

                                                                                    22
IX – Informations pratiques

Vue de l’exposition Jacques Villeglé   Vue de l’exposition Arte Natura   Vue de l’exposition Iris Levasseur    Vue de l’exposition Clément Bagot
© Pierre Vallet                        © Pierre Vallet                   © Annick Wetter                      © Pierre Vallet

La chapelle – espace d’art contemporain
Pôle culturel de la Visitation
25, rue des Granges
74 200 Thonon-les-Bains
La chapelle : 04.50.26.25.13
Service Culture : 04.50.70.69.49
http://www.ville-thonon.fr

Entrée libre et gratuite

De septembre à mars
Du mardi au samedi (sauf jeudi) - De 14h30 à 18h. Fermé les jours fériés.
D’avril à juin
Du mardi au dimanche (sauf jeudi) - De 14h30 à 18h. Fermé les jours fériés.
Juillet et Août
Du mardi au dimanche (sauf jeudi) - De 15h à 18h30. Ouvert les 14 juillet et 15 août.

Partenaires publics :

La chapelle – espace d’art contemporain du Pôle culturel de la Visitation est membre
du Réseau Altitudes - Art Contemporain en territoire alpin.

Avec l’aimable soutien de :                                                      La          librairie-papeterie             Birmann               du
groupe Majuscule fournit l’ensemble du matériel Beaux-arts pour les ateliers de
pratique artistique à destination des enfants et du grand public.

                                                                                                                                                   23
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