Le budget 2013 du gouvernement Di Rupo-De Croo
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Le budget 2013 du gouvernement Di Rupo-De Croo Un plan d’austérité et de récession sous la loupe Service d’étude du PTB, Benjamin Pestieau, 6 décembre 2012. 1. INTRODUCTION Le gouvernement papillon a sorti son budget 2013. Si on écoute les membres du gouvernement, « personne ne sera touché » ou « tout le monde sera équitablement touché ». Des mêmes voix on entend : « le pouvoir d’achat sera préservé », « il n’y a pas de gel des salaires », « le capital n’a jamais autant été mis à contribution que dans ce budget », etc. Pourtant, dès qu’on gratte un peu, ces discours préparés par des spécialistes de la communication ne résistent pas. Comme le montrent différents sondages, les gens ressentent bien — de manière diffuse encore — qu’une fois de plus, on est allé chercher de l’argent dans leurs poches pour boucler le budget. Une fois de plus, les millionnaires sont épargnés et les patrons sont satisfaits. Ceux-ci accordent même une cote de 8,5/10 au budget. On les comprend. Comme nous le verrons plus loin dans cette étude, le gouvernement Di Rupo donne au monde patronal — avec ce budget et son plan de récession — cinq cadeaux qui lui rapportent gros. Dans le même temps, les salariés paieront et l’État verra son déficit se creuser encore… Le budget 2013 du gouvernement Di Rupo/De Croo doit être vu comme la suite de celui de 2012. Progressivement, on met en place tous les éléments du modèle allemand, une des plus grandes machines à produire des pauvres en Europe : • dégressivité des allocations de chômage, plan d’activation, exclusion et pression pour leur faire accepter n’importe quel job : plan 2012 ; • gel des salaires et début de réforme de l’index : plan 2013, mise hors jeu de l’accord interprofessionnel (AIP) concernant les salaires ; • flexibilité, heures supplémentaires et contrats temporaires : carcan imposé par le gouvernement dans son plan 2013 pour l’accord interprofessionnel ; • faciliter les licenciements : le dossier employés-ouvriers devrait servir de levier pour avancer sur ce dossier dans la première moitié 2013… Ce plan adopté par le gouvernement est sans issue. Si des entreprises ferment aujourd’hui, est- ce parce que les salaires sont trop élevés ou au contraire parce que nous n’avons plus d’argent dans nos poches pour acheter ce qui est produit ? Appauvrir le monde du travail, vider les caisses de l’État, c’est vider la capacité de la société à absorber les biens et les services qu’elle produit. Avec moins d’argent pour consommer on aggrave la crise et la récession, et le déficit public. En offrant toujours plus de cadeaux aux patrons, on aggrave le déficit public et on augmente la pression pour appauvrir encore le monde du travail afin de combler le déficit budgétaire. Si on ne stoppe pas la logique « cadeaux aux plus riches / appauvrissement des travailleurs », on va enfoncer toute la société dans une spirale d’austérité-récession sans fin. Cette logique est sans issue aussi parce que plus on la met place, plus elle donne de l’appétit aux patrons. Obsédé par ses profits et sa logique de compétitivité, le monde patronal est de plus en plus agressif. Il vérifie la maxime : « l’appétit vient en mangeant ». Il n’en a jamais assez. À peine l’encre d’un budget est-elle sèche, que le monde patronal réclame de nouvelles mesures en sa faveur. À la pointe de l’agressivité patronale, on retrouve une partie du patronat du nord du pays 1
avec le Voka (l’association des patrons flamands) en tête. Le Voka ne veut pas « se contenter » d’enfermer les syndicats dans un carcan. Il veut s’en débarrasser comme acteur social organisé. Il lance ainsi des pétitions en ligne pour discréditer les grèves. Poussé par la crise et la concurrence, il intervient directement dans le débat politique, réclamant des réformes encore beaucoup plus dures. Au nord du pays, les patrons choisissent de plus en plus la N-VA pour sa politique ultra-agressive, ultralibérale et antisyndicale. Face à ces plans qui nous vident les poches au profit du capital, face à cette logique de récession-austérité, face à cette agressivité patronale, plus que jamais le monde du travail a besoin d’analyse, d’alternatives et de résistance syndicale et politique. Ce document se veut une modeste contribution pour atteindre ce triple objectif… Il complète la brochure réalisée en septembre 2012 La crise, les salaires, l’index et l’accord interprofessionnel 1 et l’étude « Comment le plan compétitivité Di Rupo fera perdre 1,6 milliard au budget 2014 »2. 1 En vente sur www.ptbshop.be. 2 Service de presse du PTB, « Le plan “compétitivité” Di Rupo fera perdre 1,6 milliard au budget 2014 », http://www.ptb.be/nieuws/artikel/le-plan-competitivite-di-rupo-fera-perdre-16-milliard-au-budget-2014.html. 2
2. QUELQUES CHIFFRES L’effort budgétaire porte sur 3,7 milliards. Le but est d’atteindre un déficit budgétaire de 2,15 % en 2013. Les calculs de l’effort sont basés sur une croissance du PIB de 0,7 % en 2013. Ce budget dégage 324 millions de « marge » qui sont utilisés pour : • la lutte contre la fraude fiscale et sociale : 20 millions ; • le financement d’un emprunt « populaire » : 4,5 millions ; • la réduction des cotisations patronales : 300 millions (400 millions sur base annuelle). Le budget dégage 2,554 milliards d’euros d’efforts récurrents et 1,213 milliard d’effort « one shot » (qu’on ne peut pas répéter, il faudra trouver ailleurs). Cela veut dire que les efforts budgétaires pour 2014 — si on reste dans le cadre de la trajectoire européenne — seront de 4,5 milliards d’euros au moins. D’où viennent ces 3,7 milliards ? en en % millions d’euros Diminution des 674 17,89 – suppression de droits de fonctionnaires, dépenses – suppression d’emplois publics, publiques – diminution des investissements SNCB, – diminution des investissements Bpost… Diminution des 710 18,86 – économies surtout dans les soins de santé dépenses de (370 millions), sécurité sociale – augmentation des titres-services (82 millions), – chômage économique (50 millions) : obligation de formation sinon réduction de chômage… – handicapés (50 millions) : obligation de retourner travailler pour certains… Nouvelles 1 067 28,32 – augmentation du précompte mobilier, recettes fiscales – hausse des accises sur le tabac et l’alcool, – réduction des intérêts notionnels… Autres mesures 1 316 34,92 – amnistie fiscale (500 millions), – lutte contre la fraude fiscale et sociale (216 millions), – licence GSM… Total 3 700 100,00 Feuille de route pour répondre aux normes européennes de réduction de déficit budgétaire imposées par le programme de croissance et de stabilité % du PIB 2011 2012 2013 2014 2015 Déficit public − 3,7 − 2,8 − 2,15 − 1,1 0 Croissance* 1,9 0,1 1,3 1,7 1,8 Dette 98 99,4 97,8 95,5 92,3 * Il s’agit des prévisions de croissance utilisées lors de la définition de la trajectoire de réduction du déficit public. La prévision de 2013 s’annonce déjà hors d’atteinte. Le gouvernement a retenu lui même une croissance de 0,7 % qui s’annonce déjà très optimiste. 3
« Budget 2014 encore plus difficile » Nous avons montré dans une étude récente (voir plus loin) que les mesures prises vont aggraver le déficit public de 1,6 milliard suite aux moindres rentrées du fait du gel salarial et de la manipulation de l’index et suite à une nouvelle baisse des cotisations sociales patronales. De plus, le budget est basé sur des prévisions économiques beaucoup trop optimistes. Le gouvernement a confectionné son budget sur base d’un chiffre de croissance de 0,7 % du PIB. Or la plupart des indicateurs montrent que les mesures d’austérité — qui appauvrissent les populations et diminuent les dépenses publiques — prises partout en Europe vont au contraire engendrer une récession en 2013. Olivier Chastel, ministre du Budget (MR), a déjà annoncé que l’année prochaine — pour le contrôle budgétaire et pour la confection du budget 2014 — ce serait « encore plus difficile, surtout si la croissance n’est pas au rendez-vous ». 3. AVEC LE GOUVERNEMENT DI RUPO-DE CROO, UN MÉNAGE TYPE DE TRAVAILLEURS PERD 1 134 EUROS PAR AN… Pour illustrer l’impact des mesures actuelles, nous avons pris l’exemple d’un couple de travailleurs : Jef et Mireille. Ils ont deux enfants. Jef gagne 2 700 euros par mois et Mireille 1 900. Le plan 2012 a fait perdre au couple 576 euros. À cette somme, il faut rajouter ce que le plan 2013 va coûter. En deux budgets seulement, le gouvernement Di Rupo-De Croo prive déjà notre couple de 1 134 euros par an. 3.1. PLAN DI RUPO/ DE CROO 2012 : − 576 EUROS/AN Épargne pension : − 166 euros/an Jef et Mireille cotisent depuis quatre ans déjà pour une épargne pension : 1 660 euros par an. Ce montant pouvait être déduit du revenu imposable à hauteur de 40 % maximum, ce qui constituait un avantage fiscal de 664 euros. Le gouvernement a réduit cette déduction à 30 %. L’avantage fiscal se réduit à 498 euros. Résultat des courses : 166 euros de moins par an. Prêt hypothécaire : − 280 euros/an Jef et Mireille ont acheté une maison en 2005. Ils ont emprunté pour cela 75 000 euros. Ils pouvaient déduire chaque année de leur revenu imposable les intérêts et une partie du capital. Cela représentait un avantage fiscal de 2 770 euros. Cet avantage fiscal est maintenant réduit à 2 490 euros. Un sacrifice annuel de 280 euros. Crèche : − 130 euros/an Jef et Mireille font garder leurs deux enfants. Ils pouvaient en déduire partiellement le coût de leur revenu imposable. Vu leur revenu, c’était au taux le plus favorable : 40 %. Le gouvernement Di Rupo l’a réduit à 30 %. Pour Jef et Mireille, un investissement annuel de 130 euros. Total plan 2012 : − 576 euros par an Les mesures du gouvernement Di Rupo/De Croo prises pour le budget 2012 font perdre 576 euros par an à notre couple. 3.2. PLAN DI RUPO/ DE CROO 2013 : − 558 EUROS/AN Gel des salaires et index « produits blancs » : − 468 euros nets/an À cause du gel des salaires et de l’index « produits blancs », les salaires du couple vont perdre 1,3 % d’augmentation à laquelle ils auraient eu droit sans le plan Di Rupo/De Croo 2013. Cela fait une perte de 60 euros bruts par mois et donc une perte annuelle de 720 euros bruts par an. Ou 4
encore 468 euros nets par an. Augmentation de l’impôt sur les revenus de l’épargne : − 12 euros/an Notre jeune couple a 10 000 euros d’épargne placés en bons de caisse. Cette épargne lui rapporte 300 euros bruts par an en intérêts. Ils seront taxés à 25 % au lieu de 21 %. Perte : 12 euros par an. Augmentation de la taxe sur les assurances vie : − 24 euros/an L’augmentation des taxes sur les primes versées dans le cadre d’une assurance vie va coûter à notre couple 24 euros par an. Hausse des accises sur l’alcool et le tabac : − 54 euros/an Jef est fumeur. Il fume un demi-paquet de cigarettes par jour. L’augmentation des accises lui coûtera 36 euros par an. L’augmentation des accises sur l’alcool devrait coûter 18 euros par an. Total plan 2013 : − 558 euros/an 4. LES CINQ CADEAUX FAITS AU MONDE PATRONAL « Des pas dans la bonne direction », ont déclaré les patrons en chœur suite à la sortie du budget du gouvernement Di Rupo. Ils obtiennent un gel salarial, non pas pour deux ans, mais à durée indéterminée... Le panier de la ménagère qui sert de référence au calcul de l’index est chargé en produits blancs avec l’intention de faire baisser sa progression de 0,4 %. Le patronat est gratifié de nouvelles baisses de cotisations patronales. « Tout ça, c’est mieux qu’un saut d’index », assure le vice-premier ministre Van Ackere. En plus de ces trois cadeaux, le monde patronal en reçoit deux autres. Tout d’abord le gouvernement lui offre de nouvelles mesures de flexibilité à négocier avec les syndicats à partir d’un catalogue de mesures telles l’annualisation du temps de travail ou l’augmentation des heures supplémentaires. S’il n’y a pas d’accord entre les syndicats et les patrons, le gouvernement tranchera lui-même dans son catalogue. Finalement, en gelant les salaires à durée indéterminée, mesure applicable à tous les travailleurs et secteurs, il vide de leur substance les négociations pour un accord interprofessionnel, mettant ainsi hors jeu les syndicats dans ce qu’ils ont de plus menaçant, à savoir l’organisation représentative de l’ensemble du monde du travail (sans distinction de statuts et de secteurs). 4.1. CADEAU N°1 : LE GEL DES SALAIRES... Une perte salariale de 0,9 % dans les deux années à venir… « Le gouvernement insiste auprès des partenaires sociaux pour que le prochain AIP 2013-2014 prévoie uniquement l’indexation des salaires bruts et les augmentations barémiques éventuelles et n’accorde dès lors aucune augmentation des salaires réels en sus. Sur la base des prévisions actuelles, nous éliminons 0,9 % de l’écart salarial avec cette croissance zéro3. » Concrètement, les salaires seront complètement gelés pour tout ce qui va au-delà de l’index. Cela veut dire aussi que nos salaires augmenteront moins vite que ceux de nos voisins. Pourquoi ? Car, selon la loi de 1996, la marge salariale (voir plus bas), calculée par rapport à nos voisins, aurait été de 0,9 % au-dessus de l’indexation. En gelant cette marge, le gouvernement veut réduire le supposé « handicap salarial » par rapport à nos voisins, estimé à 3,4 %. En gelant les salaires, en modifiant l’index (voir plus loin) et en accordant de nouvelles baisses de cotisations patronales (voir plus loin), le gouvernement veut faire baisser ce « handicap » de 1,6 % en deux ans. Pendant ce temps-là, des mesures de limitations des salaires sont également prises dans les pays voisins… 3 Kern, « Notification du conclave budgétaire concernant la concertation sociale », 19 novembre 2012. Nb : Le Kern correspond à ce qu'on appelle le Conseil ministériel restreint qui regroupe le premier ministre et les vice- premiers). 5
Mais le gouvernement va plus loin avec son cadeau no 2… 4.2. CADEAU NO 2 : UNE NOUVELLE LOI DE 1996 QUI GÈLE LES SALAIRES POUR UNE DURÉE INDÉTERMINÉE, SANCTIONNE LES AUGMENTATIONS SALARIALES DANS LES SECTEURS ET MET HORS-JEU LES SYNDICATS Rappel 1 : tous les deux ans, l’évolution de nos salaires et conditions de travail est discutée dans le cadre des négociations — patronat-syndicat — pour un accord interprofessionnel (AIP). Cet accord vaut pour tous les ouvriers et employés du secteur privé. Cet AIP fixe aussi un cadre dans lequel auront lieu les négociations dans les secteurs et entreprises en vue d’arriver à de nouvelles conventions collectives de travail (CCT). Rappel 2 : Avant 1996, l’AIP définissait un cadre minimum d’augmentations salariales au- dessus de l’index tous secteurs confondus. La liberté de négocier des augmentations supplémentaires était ensuite laissée aux secteurs et enfin aux entreprises. Ainsi, les secteurs dits « faibles » pouvaient voir leur pouvoir d’achat augmenter grâce au rapport de forces interprofessionnel. Les secteurs forts, eux, pouvaient décrocher de plus fortes augmentations salariales. Rappel 3 : En 1996, le gouvernement Dehaene modifie le cadre de négociation de l’AIP et introduit la loi dite de « norme salariale ». Cette loi donne pour mission au Conseil supérieur de l’économie de définir une norme d’augmentation salariale maximale applicable à tous les secteurs pour l’AIP. La norme est calculée de telle sorte que les salaires belges augmentent moins vite que la moyenne des salaires des grands pays limitrophes : Allemagne, Pays-Bas et France. Rappel 4 : Au début, ce carcan était assez large et la norme salariale était indicative (cela veut dire qu’on pouvait négocier plus dans les secteurs « forts »). Au fur et à mesure, cette marge s’est restreinte et est finalement devenue impérative. Les derniers AIP consistaient en des augmentations des salaires bruts limités à l’index, auxquelles s’ajoutait une hausse très limitée dans la plupart des secteurs. Et ce, malgré des gains de productivité importants. L’AIP 2011-2012 a d’ailleurs suscité une forte opposition entre autres parce que le patronat ne voulait pas « lâcher » plus de 0,3 % d’augmentation en plus de l’index. Comme aucun accord n’avait pu être trouvé pour l’AIP, le gouvernement a repris le dossier en main… en suivant toutes les demandes des patrons. Le gouvernement a par exemple imposé une croissance maximale des salaires de 0,3 % pour deux ans à tous les secteurs. D’indicative, la norme est devenue impérative. Il était interdit de la dépasser. Même dans les secteurs forts. Mais malgré cette norme impérative, plusieurs secteurs ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont « brisé » le carcan de la norme. La plupart de ces CCT n’ont jamais été reconnues par le gouvernement, mais ont été appliquées dans les faits. Aujourd’hui, le gouvernement va plus loin encore… a) Gel des salaires, non pas pour deux ans, mais de manière indéterminée… « Le gouvernement approuvera, d’ici la fin de l’année 2012, un projet de loi visant à adapter la loi du 26 juillet 1996 afin que les partenaires sociaux tiennent compte des éléments suivants lors des négociations sur la fixation de la norme salariale : • l’évolution des coûts salariaux constatée au cours des deux années précédentes, en comparaison avec les pays de référence ; • l’évolution prévue des coûts salariaux dans les années suivantes en Belgique et dans les pays de référence ; et grâce auxquels l’écart salarial restant diminuera à chaque AIP4. » Le gouvernement veut durcir encore la loi de 1996 sur la norme salariale. Et le durcissement se situe dans la dernière phrase. Chaque AIP doit servir à diminuer le « handicap salarial » de la Belgique par rapport à ses pays limitrophes. Il ne s’agit pas seulement de combler l’écart accumulé les deux années précédentes, mais bien l’écart salarial total. 4 Kern, « Notification du conclave budgétaire concernant la concertation sociale », 19 novembre 2012. 6
La nouvelle loi enferme donc les discussions dans le carcan de l’évaluation de l’écart salarial entre la Belgique et ses pays limitrophes. Et dans ce débat favorable au patronat, la FEB a tiré la première. Elle vient de sortir une étude pour dire que le handicap salarial de la Belgique serait de près de 20 %5. Bart De Wever (N-VA), représentant politique des organisations patronales flamandes, a enchaîné. Pour lui, le coût salarial belge est même de 25 % trop élevé si on le compare avec l’Allemagne6. De son côté, le gouvernement estime l’écart salarial à 3,4 % et estime qu’il pourra être comblé en six ans. Cependant, on voit bien le cadre qui est en train d’être fixé : celui d’une spirale qui tire sans cesse nos salaires vers le bas. Une spirale qui n’a pas de fin. Chaque fois qu’un pays bloquera ou diminuera ses salaires, chaque fois que l’on pourra « prouver » que nos salaires sont trop hauts par rapport à ceux de l’Allemagne ou ceux des Pays-Bas, chaque fois ce sera une occasion pour geler nos salaires. La modification de la loi de 1996 n’entraînera donc pas un gel des salaires pour deux ou six ans, mais bien pour une durée indéterminée… Mais le gouvernement va plus loin encore… b) Interdiction de dépasser la norme dans les secteurs et contrôles stricts… « Les secteurs doivent être davantage responsabilisés. Les dispositions de l’article 9 de la loi sont rendues plus strictes. Il convient de prévoir une surveillance efficace de toute convention de travail collective ou individuelle, ou de tout engament unilatéral qui prévoient ou résultent en une évolution du salaire brut supérieure à la norme salariale. La réduction des charges peut être assujettie à la conclusion d’une CCT qui soit conforme à la norme salariale fixée. Au cours de la période de deux ans, il sera indispensable de surveiller l’évolution de très près et, si nécessaire, de prendre des actions correctives. À chaque AIP, il convient de vérifier avec une grande attention dans quelle mesure l’objectif relatif à la formation est respecté et dans quelle mesure les secteurs sont effectivement responsabilisés7. » Le gouvernement veut donc garantir qu’aucun secteur syndicalement « fort » n’obtienne une augmentation. Le mécanisme était déjà prévu dans la loi de 1996. C’est comme ça que cet été déjà 47 CCT de secteur ont été bloquées parce qu’elles dépassaient (légèrement) la norme salariale maximale de 0,3 % fixée pour 2011-2012. Avec les modifications actuelles, la loi est renforcée et des sanctions tomberaient plus vite en cas d’infraction (suppression de réduction de charges par exemple). En gros, vous serez punis si vous obtenez une augmentation salariale plus élevée que celle fixée. La loi vaudrait pour les conventions salariales collectives mais aussi individuelles. Cette modification est d’autant plus inquiétante qu’à l’étranger, le patronat pousse aussi les salaires à la baisse, ce qui en inspire certains chez nous. Peter Vanden Houte, chef économiste chez ING Belgique, affirme : « Le coût du travail reste trop important en Belgique malgré les mesures prises. Aux Pays-Bas, les accords salariaux tournent autour d’une hausse nominale de 1,7 % pour 2013. Cela reste plus bas qu’en Belgique où l’indexation tourne autour de 2 %. Le gouvernement a franchi un premier pas8. » Comme déjà dit, en suivant le monde patronal européen, nos gouvernements nous entraînent dans une spirale vers le bas dans toute l’Europe. c) Mise à l’écart progressive des syndicats En gelant les salaires, en modifiant la loi de 1996 pour la rendre plus restrictive encore, en voulant que les syndicats négocient uniquement sur la mise en œuvre du recul social… le gouvernement organise une mise à l’écart progressive — de fait — des syndicats dans la négociation des relations sociales interprofessionnelles. 5 FEB, « Notre handicap salarial ne s’élève pas à 5,2 % mais à près de 20 % », briefing, novembre 2012. 6 De Zondag, 1er décembre 2012. 7 Kern, « Notification du conclave budgétaire concernant la concertation sociale », 19 novembre 2012. 8 L’Écho, 22 novembre 2012. 7
Cette mise hors jeu (partielle) des syndicats pour les négociations interprofessionnelles est à situer dans les demandes répétées de la Commission européenne de supprimer les négociations salariales interprofessionnelles (« trop rigides ») pour les remplacer par des négociations les plus décentralisées possible. Le but est d’empêcher que le rapport de force interprofessionnel puisse fixer un socle de base de droits sociaux qui profitent à tous. Concrètement, le but est d’empêcher que le rapport de force interprofessionnel puisse aider les secteurs où le rapport de force est plus faible à obtenir quand même certaines augmentations salariales. En procédant de la sorte, on casse une des armes les plus fortes des syndicats, à savoir leur capacité à mobiliser l’ensemble du monde du travail pour des objectifs communs. Si les enjeux des négociations interprofessionnelles disparaissent et donc l’enjeu de parler d’une voix commune pour tout le monde du travail, la pression vers la désunion et les attitudes corporatistes grandit. Ce souhait de briser les accords interprofessionnels et même les accords sectoriels se retrouve dans les recommandations de la Commission européenne9. Pour le gouvernement, qu’est-ce qui reste à négocier dans l’AIP ? • La flexibilité : choisir dans un catalogue de mesures ce qu’on garde pour flexibiliser encore plus le marché du travail. • Comment attribuer les subsides aux patrons (réductions de cotisations patronales) pour que ceux-ci soient le plus créateurs d’emplois. • La formation : avoir la xième promesse du monde patronal de consacrer au moins 1,9 % de la masse salariale à la formation. • L’augmentation (éventuelle) du salaire minimum brut. • L’enveloppe « bien-être » (normalement hors AIP). • L’harmonisation employés-ouvriers (normalement hors AIP). Faut-il pour autant revenir à la loi de 1996 ? Clairement non. « La loi de 1996 a changé la donne des négociations salariales. Auparavant, l’AIP permettait une hausse réelle et généralisée du salaire brut (et du salaire minimum) dans tous les secteurs et une liberté de négociation était laissée aux secteurs. Ainsi, les secteurs dits faibles pouvaient voir leur pouvoir d’achat augmenter grâce aux rapports de force des syndicats interprofessionnels. Mais les secteurs forts pouvaient décrocher de plus fortes augmentations salariales. Avec la loi de 1996, le monde du travail s’est trouvé dans un carcan l’obligeant à participer à la concurrence vers le bas avec les travailleurs des pays voisins. Et son application a été de plus en plus stricte. Dès le départ, elle prévoyait pour la norme un caractère impératif qui n’a été réellement appliqué que récemment. Dès le début, elle prévoyait des mécanismes correcteurs contraignants en cas de dépassement de la norme : ainsi un arrêté royal peut imposer une convention en absence de consensus entre patrons et syndicats10. » 4.3. CADEAU NO 3 : L’INDEX PRODUITS BLANCS… Rappel 1 : L’index est un indice des prix. Il est censé mesurer l’évolution moyenne des prix en Belgique. Pour le calculer, on se base sur ce qu’on appelle « le panier de la ménagère ». Il s’agit de toute une série de produits représentatifs de ce que consomme un ménage. Tous les huit ans, patrons et syndicats adaptent ce fameux panier de la ménagère pour qu’il corresponde à l’évolution de la consommation dans la société. On n’achète plus les mêmes produits aujourd’hui qu’il y a 50 ans. Rappel 2 : En Belgique, il y a ce qu’on appelle une « indexation automatique des salaires ». Cela veut dire que les salaires s’adaptent automatiquement à la modification de l’index. Le but est 9 La crise, les salaires, l’index et l’accord interprofessionnel, brochure du service d’études du PTB, septembre 2012. 10 La crise, les salaires, l’index et l’accord interprofessionnel, brochure du service d’études du PTB, septembre 2012. 8
que le travailleur ne voie pas son pouvoir d’achat diminué par l’augmentation du coût de la vie. Rappel 3 : Le monde patronal veut en permanence remettre en cause ce mécanisme automatique. Et le gouvernement l’y a déjà aidé plusieurs fois. À travers trois mesures : • Le saut d’index. Cela veut dire que pendant une année, on n’adapte pas les salaires à l’index. Cela veut dire que même si l’index augmente de 2 %, le salaire ne bouge pas. Concrètement, cela veut dire que le travailleur perd 2 % de son pouvoir d’achat. Cette mesure a été utilisée plusieurs fois dans les années 80. • L’index lissé. C’est un mécanisme qui retarde l’adaptation des salaires à l’index. On le « lisse » sur plusieurs mois, voire sur l’année. Cela veut dire que bien souvent il faut attendre un an pour voir son salaire adapté à l’index. • L’index santé. Le gouvernement Dehaene a décidé en 1993 de retirer de l’index les cigarettes, l’alcool et les carburants. On a appelé cela « l’index santé ». Derrière cette motivation « médicale », ce traficotage de l’index servait surtout à freiner sa progression, car dans le même temps on augmentait les accises sur le tabac et l’alcool (comme en 2012) et le prix des carburants explosait. Aujourd’hui, le gouvernement veut une nouvelle fois chipoter à l’index… « Le gouvernement veut que l’indice reflète plus précisément et plus rapidement le comportement réel de consommation des ménages. On peut tabler sur le fait que, ces prochaines années, ce meilleur reflet des habitudes de consommation pourra avoir un impact de 0,4 % sur l’évolution des coûts salariaux11. » Le gouvernement veut modifier le panier de la ménagère en y introduisant : les produits soldés, les différentes formules de tarification de l’électricité, le ticket précis des ménages à la sortie du magasin (tenir compte entre autres des produits blancs)… Et ces modifications poursuivent un seul objectif concret : faire baisser de 0,4 % la croissance des salaires. 4.4. CADEAU NO 4 : 10,4 MILLIARDS DE CADEAUX POUR LES PATRONS, CE N’EST PAS ASSEZ POUR LE GOUVERNEMENT. ON RAJOUTE 400 MILLIONS DE RÉDUCTIONS DE COTISATIONS PATRONALES… Rappel 1 : Notre salaire est constitué de quatre parties : 1. le salaire net ou salaire direct ; 2. le précompte professionnel, versé aux impôts ; 3. la cotisation sociale du travailleur, versée à la sécurité sociale (13 % du salaire brut) [salaire net = salaire brut − précompte − cotisation sociale du travailleur] ; et 4. la cotisation sociale de l’employeur — les cotisations patronales — versée à la sécurité sociale (34 % du salaire brut)12. Rappel 2 : Ce qu’on paie en impôt et en cotisation fait aussi partie du salaire et on le récupère sous forme de services publics. Comme le Conseil central de l’économie le note en 2010 : « Ce que les ménages paient en fiscalité et parafiscalité directe, ils le récupèrent quasiment intégralement sous forme de prestations sociales et transferts sociaux en nature (les remboursements des soins de santé par la sécurité sociale, la participation des administrations publiques aux frais de crèche, de scolarité, de logement, etc.). Notons que sont exclus de ce calcul les impôts indirects payés par les ménages, ainsi que les services publics collectifs dont bénéficient en partie les ménages. » Rappel 3 : Souvent les cotisations patronales ne figurent pas sur notre fiche salariale, ce qui fait qu’on a l’impression qu’elles ne font pas partie du salaire. Les cotisations patronales sont versées par l’employeur à la caisse de la sécurité sociale. Elles servent au financement des futurs droits à la pension, aux soins de santé, aux indemnités de maladie, aux allocations de chômage, aux allocations familiales… En fait, c’est également une forme de salaire différé. Rappel 4 : C’est souvent cette partie du salaire qui est la plus attaquée, car c’est celle qu’on 11 Kern, « Notification du conclave budgétaire concernant la concertation sociale », 19 novembre 2012. 12 Tous les détails dans La crise, les salaires, l’index et l’accord interprofessionnel, brochure du service d’études du PTB, septembre 2012. 9
perçoit le moins directement. Depuis dix ans, les patrons ont déjà obtenu pour 10,4 milliards de réduction annuelle de cotisations patronales. Il s’agit de plus de 10 milliards de subsides accordés aux patrons au détriment du salaire indirect des travailleurs. Aujourd’hui, le budget 2013 prévoit d’aller plus loin encore dans les cadeaux faits aux patrons. Il prévoit une nouvelle « diminution des coûts salariaux pour l’employeur de l’ordre de 400 millions » sous forme de nouvelles réductions de cotisations patronales. Cela veut dire concrètement 400 millions en moins pour la sécurité sociale. Autant de millions en moins pour financer vos droits futurs à la pension, les indemnités de maladie, vos droits au chômage ou encore les allocations familiales. Et s’ils sont compensés, c’est en allant ponctionner l’argent chez les citoyens. 4.5. CADEAU NO 5 : LA FLEXIBILITÉ « Le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de se pencher sur un certain nombre de modifications relatives à la qualité et à la modernisation du travail. À défaut d’accord sur des propositions concrètes d’ici le 1er janvier 2013, le gouvernement formulera lui-même des propositions concrètes sur les points suivants : les horaires glissants, les avenants aux contrats à temps partiel, un régime opérationnel qui donne la priorité aux travailleurs à temps partiel lorsqu’il s’agit de pourvoir des fonctions impliquant un nombre d’heures de travail plus élevé, l’annualisation et les heures supplémentaires13. » Quand le gouvernement parle de « modernisation du marché du travail », il faut lire « flexibilisation du marché du travail » ou encore « mesure pour faire travailler les gens à des rythmes différents tout au long de l’année sans payer un euro de plus ». Le gouvernement demande donc aux organisations syndicales de « choisir » dans un catalogue de mesures de flexibilité celles qu’elles « préfèrent ». Comme si on demandait à quelqu’un de choisir le bâton avec lequel il va être battu. Dans le catalogue, on retrouve : • Annualisation du temps de travail : on compte les heures de travail sur une année et plus par semaine. Le patron peut alors, en fonction de la production, faire travailler ses travailleurs pendant 50 heures une semaine et 20 heures une autre sans payer une heure supplémentaire. • Horaires glissants : il s’agit d’horaires pour lesquels il y a une plage de début et de fin et plus une heure fixe de début et de fin. Plutôt que de commencer à 8 h 30, on peut commencer entre 7 h 30 et 9 h 30. Plutôt que de terminer à 17 h, on peut terminer entre 16 et 18 h. Ce système est souvent avancé comme un avantage pour l’employé, car il peut venir « quand il veut ». Mais c’est souvent utilisé par le patron pour pouvoir « normaliser » le fait de venir plus tôt ou partir plus tard du boulot en fonction des besoins. • Un régime opérationnel qui donne la priorité aux travailleurs à temps partiel lorsqu’il s’agit de pourvoir des fonctions impliquant un nombre d’heures de travail plus élevé. Il s’agit de développer un système où les temps partiels d’une boîte ont priorité sur de nouveaux engagements quand une société a besoin d’heures de travail supplémentaires. Cela semble séduisant et avantageux pour les travailleurs à temps partiel d’une société, mais dans les faits cela va inciter les patrons à engager de plus en plus de temps partiels qu’ils pourront faire travailler plus longtemps en fonction des pics de production. • … 4.6. DES CADEAUX QUI RAPPORTENT BEAUCOUP AUX PATRONS, AGGRAVENT LE DÉFICIT DE L’ÉTAT ET VIDENT LES POCHES DES TRAVAILLEURS. Dans une étude réalisée juste après la confection du budget Di Rupo14, le service d’étude du 13 Kern, « Notification du conclave budgétaire concernant la concertation sociale », 19 novembre 2012. 14 Service de presse du PTB, « Le plan “compétitivité” Di Rupo fera perdre 1,6 milliard au budget 2014 », http://www.ptb.be/nieuws/artikel/le-plan-competitivite-di-rupo-fera-perdre-16-milliard-au-budget-2014.html. 10
PTB a démontré que : • Le cumul du gel salarial, de l’index « produits blancs » (index revu après modification du panier de la ménagère) et la baisse des cotisations sociales signifient un manque à gagner de 1,602 milliard d’euros pour l’État dans les deux ans à venir. • L’étude montre aussi que les mesures en faveur de la compétitivité signifient un nouveau transfert des salariés vers les grandes entreprises de l’ordre de 1,811 milliard d’euros. • Tandis que le plan « compétitivité » signifie une perte de 747 millions d’euros pour les salariés du privé par rapport à la situation actuelle. Soit 138 euros par an. 4.7. EST-CE QUE CES CADEAUX VONT SAUVER L’EMPLOI ET GÉNÉRER DE LA RELANCE ? Non, la voie de « réduction des coûts salariaux » suivie par le gouvernement conduit à la liquidation des emplois : • La diminution de nos salaires fait chuter la consommation et tire donc l’économie vers le bas. Les conséquences en sont la fermeture d’entreprises et l’augmentation du chômage. Cela entraîne une nouvelle baisse du pouvoir d’achat qui tire à nouveau l’économie vers le bas, etc. • La charge que représente le capital sur l’économie. Les dividendes des actionnaires ont augmenté de 189 % entre 2000 et 2009. Ils représentent aujourd’hui une charge insupportable pour l’économie. • Les facilités offertes aux patrons en matière de flexibilité et de licenciement ne sauvent pas l’emploi, mais facilitent au contraire les fermetures d’entreprise. Ford-Genk a fermé, car il était plus facile de fermer une entreprise en Belgique qu’en Allemagne ou en Espagne. Finalement, à force de faire des cadeaux au monde patronal sous forme de réduction de cotisations sociales, à force d’avoir fait des cadeaux aux banques et de mener une politique de récession, les finances publiques sont sous pression. Le gouvernement y répond non pas en changeant de logique, mais en supprimant par milliers des emplois dans les services publics (voir plus loin). Ce qui entraîne une nouvelle fois l’économie vers le bas. Les projets du gouvernement Di Rupo/ De Croo ne vont donc en rien relancer l’économie. Ils vont au contraire nous porter un peu plus dans la récession et l’austérité. 5. UN BUDGET QUI TAXE LE CAPITAL OU LES TRAVAILLEURS ? Pour le ministre Vande Lanotte, jamais un gouvernement n’avait autant taxé le capital. Plus de 500 millions d’euros viendraient de la taxation du capital. Concrètement, il avance : • L’augmentation du précompte mobilier (à 25 %, libératoire) rapporterait : 361 millions d’euros. • L’augmentation de la taxe sur les primes d’assurance vie (1,1 % à 2 %) rapporterait : 139,2 millions d’euros. Total : 500 millions d’euros. Satisfaction alors ? Mais est-ce bien le (grand) capital qui est taxé dans ces deux mesures ? Ou a-t-on au contraire reculé encore ? 5.1. AUGMENTATION DU PRÉCOMPTE À 25 % (361 MILLIONS D’EUROS), UN PAS LIBÉRATOIRE POUR LES MILLIONNAIRES… Le taux général du précompte mobilier est fixé à 25 % et il est libératoire (c’est-à-dire qu’on ne doit plus mentionner les revenus correspondants dans sa déclaration fiscale)15. 15 Rien ne change pour « l’emprunt Leterme » dont les dividendes restent taxés à 15 % et rien ne change pour les livrets d’épargne. Finalement, rien ne change pour les bonis de liquidation (profits redistribués entre actionnaires au moment de la dissolution d’une société) qui restent taxés à 10 %. 11
Le bon père de famille va payer, le spéculateur est épargné… Les toutes grandes fortunes, comme Albert Frère, ne paient pas de précompte, car elles gèrent leur fortune dans des sociétés. Ceux qui sont touchés sont des ménages à deux revenus qui ont pu se constituer un petit capital. La hausse du précompte touche d’abord les « investisseurs défensifs » (ceux qui ont leur argent sur des comptes à terme ou dans des bons de caisse) et beaucoup moins les « investisseurs offensifs » (autrement dit, les spéculateurs)16. Cette mesure ne touche pas les « gros capitaux ». On s’éloigne de plus en plus d’un impôt sur la fortune et d’une véritable lutte contre la fraude fiscale… Le gouvernement avait inscrit dans sa déclaration constitutive (et fait voter lors du budget 2012) l’obligation de déclaration des revenus mobiliers. Pour inciter à faire de telles déclarations, le gouvernement avait différencié les taux de taxation : 21 % pour ceux qui déclarent leurs actifs mobiliers (actions, obligations, etc.) et 25 % pour ceux qui ne les déclarent pas. Le PS avait parlé d’un mini-impôt sur la fortune et d’un mini-cadastre de la fortune. Le taux de 21 % était limité à ceux qui touchaient moins de 20 020 euros. Dans son budget 2013, le gouvernement rend à nouveau le précompte mobilier « libératoire ». Avec pour conséquence que « le mini-cadastre des fortunes qui avait vu le jour en 2012 avec l’instauration de la taxe de 4 % en échange de l’anonymat du contribuable qui percevait plus de 20 020 euros n’a donc plus lieu d’être. […] Conséquence directe : le point de contact central auquel les banques devaient transmettre les informations n’a plus aucune raison d’exister17. » Même ce mini-cadastre des fortunes (mobilières) en Belgique disparaît avant même d’avoir été mis en place. Le gouvernement s’assied donc complètement sur l’opinion de l’écrasante majorité des Belges qui souhaitent au contraire qu’on mette enfin sur pied en Belgique une véritable taxation des millionnaires. Au contraire, il fait même un pas en arrière par rapport à une tentative très timide de commencer à faire un cadastre. 5.2. ASSURANCE VIE (139 MILLIONS D’EUROS) Les primes versées dans le cadre d’une assurance vie sont actuellement taxées à 1,1 %. À partir de 2013, elles seront taxées à 2 %18. Cette taxe touchera avant tout les travailleurs à deux revenus parmi lesquels l’assurance vie est très répandue — à cause de faiblesses de la sécurité sociale. Là aussi, le grand capital reste hors d’atteinte. 5.3. LA BAISSE DES INTÉRÊTS NOTIONNELS EST INSCRITE DANS LA LOI Rappel : En principe, le taux appliqué pour la déduction des intérêts notionnels est déterminé chaque année sur la base du taux moyen des obligations linéaires (OLO) à dix ans. Il est plafonné à 3 % (+ 0,5 % pour les PME) – taux en vigueur aujourd’hui. Or le taux moyen des OLO est en baisse. Il était donc « normal » dans l’esprit même de la loi sur les intérêts notionnels que ceux-ci baissent. « Il s’agit d’une simple adaptation aux nouvelles conditions de marché. C’est quelque chose de parfaitement lisible pour les investisseurs internationaux. Au contraire : maintenir le taux à 3 % pourrait être perçu comme une anomalie19. » Le taux sera fixé à 2,752 % (plus 0,5 % pour les PME) pour 2013. 16 L’Écho, 21 novembre 2012. 17 L’Écho, 21 novembre 2012. 18 Cela ne concerne pas les assurances de solde restant dû contractées dans le cadre d’un emprunt hypothécaire. Ni non plus l’épargne-pension. 19 Bruno Colmant dans L’Écho, 21 novembre 2012. 12
5.4. LA TAXE SUR LES PLUS-VALUES DE DIVIDENDES RÉALISÉES PAR LES HOLDINGS (95 MILLIONS D’EUROS) : « BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN » Le gouvernement décide de taxer à 0,4 % les plus-values boursières réalisées par les holdings (pas les PME, pas les particuliers). Le gouvernement a inscrit pour cette mesure 95 millions d’euros au budget 2013 et 123 millions d’euros pour le budget 2014. Pour bien comprendre : une plus-value boursière correspond à un profit engrangé lors de la revente d’une action. Si j’achète une action à 100 euros et je la revends quelques jours plus tard à 110 euros, j’ai alors fait une plus-value boursière de 10 euros. En Belgique — contrairement à de nombreux autres pays — il n’y a aucune forme de taxation de ces plus-values boursières. Elles sont pourtant à l’origine des revenus de la fortune des plus grands millionnaires. Ils achètent et revendent de manière spéculative pour des milliards en actions. Le gouvernement prétend aujourd’hui taxer très légèrement ces plus-values si elles sont réalisées par des holdings. En apparence, cette mesure semble correspondre enfin à une mesure qui s’attaque aux plus gros capitaux, même si c’est très léger (2,5 % de l’effort budgétaire total). Jan-Willem Billiet de KBC- securities juge la mesure comme un effet d’annonce sans conséquence : « Le PS entend montrer que le grand capital et les riches doivent payer aussi. Mais au final, on risque de se retrouver avec un impact nul comme pour la taxation des voitures de société. C’est beaucoup de bruit pour rien20. » 5.5. AUGMENTATION DES ACCISES SUR LE TABAC ET L’ALCOOL • + 20 cents pour le paquet de tabac et le paquet de cigarettes ; • + 4 cents pour la bouteille de vin ; • + 71 cents pour la bouteille d’alcool. Gains pour le budget : + 159,5 millions d’euros Des nouvelles taxes qui touchent essentiellement les travailleurs… 5.6. AMNISTIE FISCALE POUR LES RICHES FRAUDEURS Le gouvernement prévoit une nouvelle amnistie fiscale. La dernière, prétend-il. Elle rapporterait 500 millions d’euros. Concrètement, les personnes qui disposent de comptes non déclarés à l’étranger pourront les régulariser en 2013. La pénalité sera de 15 % sur les revenus et de 35 % sur le capital. Cela rapportera 513 millions en 2013. À propos de cette amnistie, François Parisis, directeur de la gestion patrimoniale chez Puilaetco Dewaay : « Une bonne idée, car on va enfin proposer une amnistie fiscale à un public qui, jusqu’ici, n’y avait pas accès, à savoir ceux qui se sont rendus coupables de fraude grave et organisée et ceux qui ont commis des abus de biens sociaux. C’est le cas, par exemple, des chefs d’entreprise qui ont confondu leur poche et celle de leur société21. » Une fois taxées à 35 %, les sommes rapatriées seront blanchies, car les bénéficiaires ne seront plus exposés à des poursuites pénales. La démarche du gouvernement correspond à une politique mise en place depuis près de dix ans et les premières opérations d’amnistie fiscale. On démissionne de facto de la tâche de lutter contre la grande fraude fiscale. C’est comme si on disait à des grands cambrioleurs : « Je ne vais pas vous poursuivre pour les cambriolages que vous avez commis. Vous me dites juste combien vous avez volé, on vous soumet à une taxe et vous êtes blanchis. » La levée du secret bancaire et le cadastre des fortunes, deux instruments indispensables à une véritable lutte contre la fraude fiscale, ne sont évidemment pas proposés. 20 L’Écho, 21 novembre 2012. 21 L’Écho, 21 novembre 2012. 13
6. UN BUDGET CONTRE LES SERVICES PUBLICS ET LA SÉCURITÉ SOCIALE « Car qui va créer de l’emploi ? Ce ne sont quand même pas les autorités publiques, on n’est plus dans les années septante22 ! », déclarait récemment le premier ministre Elio Di Rupo. Alors que le gouvernement continue à donner des cadeaux aux entreprises sans aucune garantie de création d’emploi, il supprime des postes d’emploi public. 6.1. FONCTION PUBLIQUE : 4 000 PERTES D’EMPLOI • Les embauches sont limitées à un pour trois départs pour les administrations. 4 000 postes disparaîtront ainsi dans les prochaines années. • À partir du 1er janvier 2013, les promotions sont bloquées. Plus personne ne peut s’inscrire à un examen de promotion et obtenir, après examen, l’avantage financier de la prime de compétences. • Le cadre du personnel des prisons est bloqué à 7 035 unités. • Le système d’interruption de carrière est encore réformé : les douze premiers mois peuvent être obtenus sans motivation, la période suivante n’est autorisée que sur motivation. 6.2. LES ENTREPRISES PUBLIQUES SNCB − 130 millions : on retarde des investissements pour le RER (projet qui n’en finit pas d’être retardé), on investira moins dans les infrastructures… Poste − 113 millions : Une partie viendrait du remboursement « d’aide » d’État. Le gouvernement approfondit sa logique de rendre la poste « compétitive » et vendable alors au privé. Avec le risque que ce soit le facteur ou le client qui paie l’addition. 6.3. UN BUDGET CONTRE LA SÉCURITÉ SOCIALE : CHÔMAGE ÉCONOMIQUE, INVALIDES, MALADES • 50 millions sont économisés sur le chômage temporaire (économique). Le taux de base du chômage économique sera baissé de 5 % (chefs de ménage et isolés de 75 à 70 % et cohabitants, de 70 à 65 %) sauf si le travailleur suit une formation. Pour chaque demande de chômage temporaire, l’employeur devra prévoir un plan de formation. Sans cela, le complément journalier minimum légal serait doublé (actuellement : 2 euros pour les ouvriers, 5 euros pour les employés). Cependant l’augmentation de ce complément journalier ne compenserait pas la perte due à la baisse du taux de base. Or, en ces temps de crise, le risque de tomber au chômage économique est très grand. • 50 millions d’économies sur le dos des invalides. On va remettre au travail toute une série d’invalides, renforcer le contrôle, recalculer et harmoniser (vers le bas) les régimes d’allocations spéciales… • La moitié de l’effort budgétaire (370 millions) dans la sécurité sociale est réalisée sur les soins de santé. Mais ce n’est pas encore clair comment. On parle de la diminution du prix des médicaments (pour 50 millions), des réductions dans l’imagerie médicale et la biologie clinique… mais il n’est pas du tout certain que certaines mesures ne retomberont pas indirectement sur les patients. 22 Le Soir, 6 juin 2012. 14
Contenu 1.Introduction......................................................................................................................................1 2.Quelques chiffres..............................................................................................................................3 3.Avec le gouvernement Di Rupo-De Croo, un ménage type de travailleurs perd 1 134 euros par an…......................................................................................................................................................4 3.1.Plan Di Rupo/ De Croo 2012 : − 576 euros/an.........................................................................4 3.2.Plan Di Rupo/ De Croo 2013 : − 558 euros/an.........................................................................4 4.Les cinq cadeaux faits au monde patronal........................................................................................5 4.1.Cadeau n°1 : le gel des salaires.................................................................................................5 4.2.Cadeau no 2 : une nouvelle loi de 1996 qui gèle les salaires pour une durée indéterminée, sanctionne les augmentations salariales dans les secteurs et met hors-jeu les syndicats.................6 a)Gel des salaires, non pas pour deux ans, mais de manière indéterminée…............................6 b)Interdiction de dépasser la norme dans les secteurs et contrôles stricts….............................7 c)Mise à l’écart progressive des syndicats.................................................................................7 4.3.Cadeau no 3 : L’index produits blancs…..................................................................................8 4.4.Cadeau no 4 : 10,4 milliards de cadeaux pour les patrons, ce n’est pas assez pour le gouvernement. On rajoute 400 millions de réductions de cotisations patronales…........................9 4.5.Cadeau no 5 : La flexibilité.....................................................................................................10 4.6.Des cadeaux qui rapportent beaucoup aux patrons, aggravent le déficit de l’État et vident les poches des travailleurs...................................................................................................................10 4.7.Est-ce que ces cadeaux vont sauver l’emploi et générer de la relance ?.................................11 5.Un budget qui taxe le capital ou les travailleurs ?..........................................................................11 5.1.Augmentation du précompte à 25 % (361 millions d’euros), un pas libératoire pour les millionnaires…..............................................................................................................................11 5.2.Assurance vie (139 millions d’euros).....................................................................................12 5.3.La baisse des intérêts notionnels est inscrite dans la Loi........................................................12 5.4.La taxe sur les plus-values de dividendes réalisées par les holdings (95 millions d’euros) : « beaucoup de bruit pour rien ».....................................................................................................13 5.5.Augmentation des accises sur le tabac et l’alcool...................................................................13 5.6.Amnistie fiscale pour les riches fraudeurs..............................................................................13 6.Un budget contre les services publics et la sécurité sociale...........................................................14 6.1.Fonction publique : 4 000 pertes d’emploi.............................................................................14 6.2.Les entreprises publiques........................................................................................................14 6.3.Un budget contre la sécurité sociale : chômage économique, invalides, malades..................14 15
Vous pouvez aussi lire