Drones : préparer le combat aérien de demain - Association nationale des croix de guerre et de la ...
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Drones : préparer le combat aérien de demain Pour la France, la supériorité aérienne future reposera sur l’avion, dont le pilote conserve une vision globale de la situation, et sur le drone de combat, dont l’ouverture du feu nécessitera toujours une intervention humaine. Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 16 février 2017 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Y sont intervenus : un ingénieur en chef de la Direction générale de l’armement ; un représentant de Dassault Aviation. Du MALE au nEURon. Les drones assurent des tâches : « ennuyeuses », à savoir une présence sur zone de 12 h à 24 h qui dépasse la résistance humaine ; « sales » dans un environnement NBC (nucléaire, bactériologique ou chimique) ; « dangereuses » sur les théâtres d’opérations de haute intensité et très étendus, à la merci des systèmes anti-aériens (artillerie ou missiles sol/air) qui mettent en péril la vie des pilotes lors de l’entrée en premier sur une zone de conflit. Selon le représentant de Dassault Aviation, les drones « HALE » (haute altitude longue endurance) et de combat (armés) volent au-dessus de 25.000 pieds (7.600 m), ceux dits « MALE » (moyenne altitude longue endurance) au-dessus de 10.000
pieds (3.000 m) et ceux dits « tactiques » en dessous. Pour partager l’information, tous s’intègreront à un réseau connecté aux satellites, avion radar AWACS, chasseurs, hélicoptères, navires militaires, structures de commandement et de contrôle (C2) et troupes au sol. Outre les missions de renseignement (image, électromagnétique et humain), surveillance, ciblage et reconnaissance, le futur drone MALE RPAS (Remotely Piloted Aircraft Systems) pourra traiter des cibles d’opportunités dans le monde entier, grâce à des armements de haute précision. Ce programme européen (Allemagne, France, Italie et Espagne) a été lancé en 2016, en vue d’une production en 2023 et des livraisons à partir de 2025. Le MALE RPAS doit apporter une valeur ajoutée dans les domaines suivants : souveraineté, par la maîtrise complète du système ; navigabilité pour assurer sa compatibilité avec les réglementations européennes et mondiales pour son insertion dans la trafic civil en cas de mission de sécurité ; modularité pour une souplesse d’emploi ; interopérabilité avec les réseaux de communications vers les C2 ; liaisons de données redondantes, sécurisées et robustes avec les C2 et les flux en provenance des capteurs et emports externes ; cyber pour se protéger des attaques informatiques. Par ailleurs, l’Espagne, la Suède, la France, l’Italie, la Grèce et la Suisse ont déjà investi 400 M€, depuis 2007, dans le démonstrateur de drone de combat nEURon, qui a déjà effectué des vols en France (2012), Italie (2015) et Suède (2015). De la taille d’un Mirage 2000 et avec une masse maximale de 7 t au décollage, il peut effectuer une mission de 2 heures à la vitesse de Mach 0,80 (980 km/h). Sa grande furtivité, à savoir une très faible empreinte électromagnétique détectable par radar, permet un vaste balayage de zone pour détecter des points chauds, reconnaître des cibles et engager une trajectoire d’attaque adaptée. Après transmission des images à la station sol, l’opérateur confirme la cible et déclenche la séquence d’attaque. Les démonstrations ont atteint les objectifs : furtivité (radar et infrarouge) ; vol autonome conforme aux exigences réglementaires ; tir d’un armement depuis une soute interne ; détection et reconnaissance automatique de cible par un capteur électro-optique. Enfin, la structure C2 d’une station sol peut être installée à bord d’un AWACS. Le drone de combat FCAS. En 2030, des décisions seront prises sur le remplacement des avions de chasse Rafale, pour la France, et Eurofighter, pour la Grande-Bretagne, leur accompagnement par un drone de combat franco- britannique et leurs missions respectives, indique l’ingénieur en chef. Lors du sommet d’Amiens en mars 2016, les deux pays ont en effet convenu d’investir
plus de 2 Md€ dans le développement du programme FCAS (système de combat aérien futur), qui prévoit le vol d’un prototype dénommé UCAS (Unmanned Combat Air System) en 2025. Ce dernier doit succéder aux démonstrateurs nEURon (France) et Taranis (Grande-Bretagne). Le drone de combat futur devra évoluer sur un théâtre d’opérations de haute intensité et dont la maîtrise de l’espace aérien n’est pas assurée. Cela nécessitera d’abord d’obtenir du renseignement stratégique en temps réel et de réduire les capacités ennemies de défense aérienne (installations sol/air et aviation). Le drone devra pouvoir frapper, dans la profondeur, des objectifs planifiés et de haute valeur, mais aussi d’acquérir et de détruire des objectifs d’opportunité. Les cibles seront probablement protégées contre les agressions, sécurisées sur le plan informatique, mobiles et déplaçables. La « navalisation » du drone de combat est envisagée, en vue d’un emploi sur porte-avions. Il devra aussi pouvoir coopérer avec les avions de chasse pour l’ouverture de corridors ainsi que la localisation et la désignation d’objectifs. Cet ensemble, qui volera à 30.000 pieds (9.000 m), favorisera la supériorité stratégique et la capacité à entrer en premier sur un théâtre (illustration). Les définitions techniques de l’UCAS portent sur la cellule, le moteur et le système de mission. Capable d’un long rayon d’action et d’une vitesse subsonique haute, la cellule devra : disposer d’un niveau élevé de « survivabilité » (guerre électronique et évitement de menaces) ; emporter en soute des armements air-sol modulaires, bombes de petit diamètre ou missiles Meteor air-sol longue portée ; se ravitailler en vol automatique. Fiable et robuste, le moteur devra rester discret. Le système de missions inclura : une avionique innovante ; une architecture multi-capteurs avec fusion de données ; un panneau multifonctions avec des capacités radar à ouverture synthétique et à très haute résolution ; des capteurs électro-optiques/infrarouges pour le ciblage, la surveillance et la situation tactique ; des liaisons avec les satellites de communications et les autres chasseurs en vol ; des fonctions d’intelligence artificielle. Selon le ministère américain de la Défense, l’intelligence artificielle constitue la 3ème rupture capacitaire majeure après l’armement nucléaire en 1945 et les armes de précision en 1990. Loïc Salmon Drones et armes hypersoniques : futurs enjeux de puissance Opex : enjeux et perspectives des drones militaires
Le groupe Dassault Aviation est le seul au monde à concevoir, produire, réaliser et assurer le soutien d’avions de combat (Mirage et Rafale) et d’avions d’affaires (bi et triréacteurs Falcon). Fournisseur de l’armée de l’Air française, il a conclu des contrats de vente de Rafale à l’étranger : 24 à l’Egypte en 2015, 24 au Qatar en 2015 et 36 à l’Inde en 2016. Le biréacteur Falcon existe en deux versions : MRA, qui répond aux spécifications « AVSIMAR » de la Marine nationale pour les missions de surveillance, de reconnaissance, de lutte antisurface, de guerre électronique et d’entraînement des flottes ; MSA, sélectionné par le Japon en 2015 pour la surveillance maritime. En outre, Dassault Aviation produit le système de drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) et participe au projet européen de drone de combat nEURon et au programme franco- britannique FCAS (Futur Combat Air System). DRM : des moyens de haute technologie pour le recueil de
renseignements La Direction du renseignement militaire (DRM) assure un appui aux opérations extérieures et une veille stratégique en coordination avec les autres services de renseignement, en vue de mieux anticiper les crises. Elle entretient aussi des coopérations bilatérales et multilatérales avec ses homologues de l’Union européenne et de l’OTAN. Fondée après la guerre du Golfe pour la libération du Koweït (1991) afin de donner une autonomie d’appréciation stratégique aux autorités politiques, la DRM a fêté ses 25 ans d’existence le 23 mars 2017 lors du lancement de « l’Intelligence Campus » à la base aérienne de Creil (Nord de Paris). Un scénario opérationnel. Jean-Yves Le Drian, à l’époque ministre de la Défense, le général Pierre de Villiers, chef d’Etat-major des armées, et le général Christophe Gomart, chef de la DRM, ont assisté à la présentation d’un scénario opérationnel. Celui-ci met en scène la chaîne de renseignement et d’action, déclenchée à la suite d’un attentat avec un engin explosif improvisé dans la zone de responsabilité de l’opération « Barkhane » (bande sahélo-saharienne). A Paris, le bureau J2 (renseignement) du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’Etat-major des armées procède à une analyse initiale de la zone et oriente des capteurs, en liaison avec le centre opération de la sous- direction recherche de la DRM. Le Centre interarmées de recherche et de recueil du renseignement humain (CI3RH) envoie une équipe « armement-technologie » pour recueillir des échantillons de l’explosif utilisé, afin d’en identifier les composants. Par ailleurs, il est informé, par une « source », du départ imminent d’une cargaison suspecte. Le Centre de recherche et d’analyse du cyberespace analyse un téléphone portable récupéré sur le lieu de l’attentat et identifie les dernières zones d’évolution des djihadistes avant l’attentat. Le Centre de formation et d’emploi relatif aux émissions électromagnétiques localise, puis suit le navire transportant la cargaison suspecte et confirme, par des interceptions, l’imminence d’un nouvel attentat. Le Centre de formation et d’interprétation interarmées de l’imagerie établit un dossier « image » sur le site de l’explosion et des dossiers sur les zones d’habitation possibles des djihadistes. Un bâtiment de la Marine nationale effectue une visite à bord du navire suspect et précise le renseignement. Des drones Reaper de l’armée de l’Air patrouillent au-dessus des sites possibles de présence des djihadistes, pour les localiser avec exactitude. Le
Commandement des opérations spéciales envoie une équipe du 13ème Régiment de dragons parachutistes (RDP) surveiller les déplacements des djihadistes. Le Centre de renseignement géospatial interarmées localise les zones probables de déchargement de la cargaison suspecte et modélisée en 3 dimensions le lieu d’habitation des djihadistes. Le bureau J2 du CPCO rédige une note de synthèse. Il s’ensuit une présentation en conseil de défense, une décision politique et une action militaire. Le bureau J2. La DRM s’articule en trois sous-directions (recherche, exploitation et appui) et le bureau J2. Tous suivent, de façon transversale par des pôles « analyse » et « opérations », la situation des « points chauds » en cours en 2017 : Levant, avec l’opération « Chammal » (appui aux forces irakiennes) contre l’Etat islamique (Daech) ; bande sahélo-saharienne, avec l’opération « Barkhane » (appui aux armées locales) ; Libye. Le J2 planifie les engagements des armées, élabore des chaînes de renseignement et prépare les personnels spécialisés des unités. Il procède à l’exploitation des renseignements provenant des théâtres et des capteurs. Lors de la conduite d’une opération, il adapte les dispositifs de renseignement, oriente les missions des capteurs, assure la relève du personnel dédié et anime les comités de renseignement. Enfin, le J2 diffuse des notes quotidiennes et des cartes de situation ainsi que des fiches « flash ». Les capteurs. La sous-direction recherche de la DRM utilise les divers moyens complémentaires des armées pour recueillir des renseignements de diverses origines : électromagnétique (ROEM), image (ROIM), humaine (ROHUM) et chimique (ROC). Le ROC reste de son ressort mais, pour le ROHUM, elle fait appel au 13ème RDP, au CI3RH, au 2ème Régiment de hussards, à la Force maritime des fusiliers marins et commandos, au Commando parachutiste de l’air N°10 et aux attachés de défense français à l’étranger. Pour le ROIM, elle recourt aux drones, Rafale de reconnaissance et avions de patrouille maritime ATL2. Elle reçoit aussi les images des systèmes satellitaires : européen Hélios II (optique) ; français Pléiades (optique) ; allemand Sar Lupe (radar) ; italien COSMO-SkyMed (radar). Le ROEM provient d’abord des moyens interarmées : avions d’alerte avancée E3F AWACS ; C160 Gabriel (Groupement aérien de brouillage, recherche et identification électronique) ; sous-marins nucléaires d’attaque ; frégates ; 44ème Régiment de transmissions, pour la guerre électronique dans la profondeur ; 54ème Régiment de transmissions, pour la guerre électronique de théâtre. Elle dispose aussi de moyens dédiés : bâtiment de recherches
électromagnétiques Dupuy-de-Lôme ; radars de la défense aérienne du territoire ; systèmes satellitaires Elisa depuis 2014 puis Ceres à partir de 2019. Tous les satellites sont lancés à partir du Centre spatial guyanais. Le rôle de la DGA. Interface entre les industriels et la DRM, la Direction générale de l’armement (DGA) garantit la cohérence des programmes et prépare l’avenir. Selon l’ingénieure générale Caroline Laurent, directrice de la stratégie de la DGA, Pléiades envoie 10 fois plus d’images qu’Hélios II dès le lendemain des prises de vues. Le programme européen MUSIS (optique) remplacera les systèmes existants et comptera 3 satellites à lancer en 2018, 2020 et 2021. L’avenir repose sur les multi-capteurs raccourcissant le cycle du renseignement, avec traitement des données au plus près des capteurs par l’intelligence artificielle. Il faudra résoudre les problèmes concernant la sécurité, la mobilité, le déploiement sur le théâtre d’opération et les réseaux. D’autres sources de renseignements apparaissent : systèmes d’autoprotection des avions, guerre électronique, ondes radio et radar, domaines acoustique et chimique. Ballons gyroscopiques et drones terrestres et sous-marins constituent de nouveaux porteurs de capteurs divers. Loïc Salmon Renseignement : lancement de « l’Intelligence Campus » Renseignement militaire : clé de l’autonomie stratégique et de l’efficacité opérationnelle La Direction du renseignement militaire emploie 1.800 personnes en 2017, dont 26 % de civils, 74 % de militaires et 200 réservistes. Dans l’ensemble, en 2017, le renseignement militaire français dispose d’un effectif de 7.300 personnels qui devrait atteindre 7.600 en 2021. Le Centre de formation interarmées au renseignement accueille 2.000 stagiaires chaque année. Parmi les métiers possibles figurent : analyste en géostratégie ; linguiste d’écoute ; expert en recherche humaine ; interprète image ; analyste du renseignement électromagnétique ; spécialiste du cyberespace ; topographe/géographe ; « data scientist » (analyste de données).
Les commandos parachutistes de l’air Les commandos parachutistes de l’air, forces spéciales, prolongent l’action de l’arme aérienne à terre sur tous les théâtres d’opérations extérieurs. Dans cet ouvrage riche en photographies et en témoignages, une partie est consacrée à leur histoire, particulièrement mouvementée depuis leur création en
mars 1956 dans le contexte de la guerre d’Algérie. La France se trouve alors engagée dans une nouvelle forme de conflit : la guérilla ! L’armée de l’Air souhaite créer la surprise en appuyant la manœuvre aérienne par ses propres troupes au sol. La solution consiste à parachuter ou héliporter les troupes là où personne ne les attend. Agglomérations, déserts sahariens, djebels…la topographie variée demande des conditions physiques hors normes. Les trois premières sections de commandos parachutistes de l’air (CPA), numérotées 10, 20 et 30, sont formées en quelques semaines, puis aguerries au contact des unités d’élite de l’armée de Terre. Les CPA assurent précision de tir et protection des équipages des hélicoptères en cas de poser dans un endroit imprévu. En 1957, sont créés le groupement des commandos parachutistes de l’air (GCPA) et le CPA 40 puis, en 1959, le CPA 50. En opérations, ces cinq CPA utilisent les indicatifs « Martel » (CPA 10), « Manoir » (20), « Maquis » (30) et « Maxime » (40). En 1961, le CPA 40 s’étant rallié au putsch des généraux le 21 avril, disparaîtra. Pourtant, pour la majorité de la population et des militaires, les commandos parachutistes de l’air font partie des putschistes. Le GCPA, dissous le 31 mai 1961, est reconstitué le lendemain sous le nom de Compagnie des commandos parachutistes de l’air (CCPA). Elle comprend les hommes des CPA 30 et 50, dont la mission va consister à protéger, dans le Massif central, les armes nucléaires confiées par les Etats-Unis à la France dans le cadre de l’OTAN (1949). Le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966, signe la disparition de la CCPA. La guerre du Golfe (1991) représente un tournant pour les CPA. En effet, le retour d’expérience rend nécessaire la constitution d’une composante Air des forces spéciales, créées en 1992. Celles-ci incluent aussi des unités de l’armée de Terre et de la Marine nationale. Dès 1993, l’Escadron d’intervention des commandos de l’air, regroupant CPA 10 et CPA 40, agit au profit du Commandement des opérations spéciales. Sa première mission a lieu au Rwanda en 1994. Pour la première fois, les CPA sont mêlés à d’autres composantes, à savoir des hommes des commandos Marine et du 1er Régiment de parachutistes d’infanterie de marine. Entre 1994 et 1999, les CPA sont réduits à trois unités : les 10, 20 et 30. Depuis 2000, le CPA 10 (248 personnels) s’est notamment illustré au Kosovo (2000-2001), en Afghanistan (2002-2012), en République démocratique du Congo (2003), dans la bande sahélo-saharienne (depuis 2013), en République Centrafricaine (2005-2015) et en Irak (depuis 2014). Le CPA 20 (272 hommes et…femmes !) assure surtout le guidage d’aéronefs, la reconnaissance de terrain pour le poser d’assaut et le renseignement. Quant au CPA 30, (210 personnels dont 2 s fusiliers-commandos (féminins), sa mission principale demeure la
recherche et le sauvetage au combat, notamment la récupération des équipages des avions tombés en zone hostile. Nathalie Deleau Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions Forces spéciales : création du commando Ponchardier de la Marine nationale « Les commandos parachutistes de l’air », par Jean-Marc Tanguy, éditions Pierre de Taillac, 192 pages, plus de 200 photographies, 29,90 €. Marines : outils de sécurité, du Moyen-Orient à l’océan Indien Immense zone de liberté et d’échanges de biens et de valeurs (câbles sous-marins de télécommunications), la mer devient aussi un espace d’insécurité et d’expression de la puissance des Etats, qui affirment leur présence navale,
notamment en océan Indien. Ce thème a été traité par le vice-amiral Antoine Beaussant au cours d’une conférence-débat organisée, le 22 février 2017 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine. De 2013 à 2016, l’amiral a exercé les fonctions d’« Alindien », commandant la zone maritime et les forces maritimes de l’océan Indien ainsi que les forces françaises aux Emirats arabes unis. Son successeur, le contre-amiral Didier Platon (photo), a présenté la zone maritime de l’océan Indien (ZMOI) le 2 mars à l’occasion d’un point de presse du ministère de la Défense à Paris. Menaces protéiformes. Les principales Marines du monde se manifestent en océan Indien, en raison de ses enjeux commerciaux et de son insécurité chronique, souligne l’amiral Beaussant. La piraterie a été jugulée depuis 2013, grâce à l’action maritime internationale sur plusieurs années. Par ailleurs, la guerre ne peut résoudre tous les problèmes des pays du Moyen-Orient, qui dépendent de la seule ressource pétrolière et dont les gouvernements défaillants sont minés par la corruption. Il en résulte une situation politico-économique instable, sur laquelle se sont greffés le terrorisme et les migrations de masse. Des groupes extrémistes violents ont attaqué des bâtiments militaires d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis ainsi que des navires civils sous divers pavillons dans le Sud de la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb. Les trafics d’armes, d’êtres humains, de stupéfiants, d’alcool et de cigarettes prospèrent. La drogue, dont l’Afghanistan reste la plaque tournante, transite par mer vers l’Afrique, l’Europe et les Etats-Unis. Les réfugiés du Pakistan et d’Irak se dirigent, par mer, vers l’Arabie Saoudite et l’Afrique de l’Est. Suivront ceux du Yémen, en pleine guerre civile depuis 2004. Le retour à la sécurité nécessite le contrôle maritime des flux illicites, renforcé par l’action des pays riverains. Rivalités de puissances. Les acteurs présents sur zone agissent ensemble, mais avec des objectifs opposés, explique l’amiral Beaussant. Les Etats-Unis déploient 35.000 hommes (50 % de marins) dans le golfe Arabo-Persique et 1 seul groupe aéronaval de façon non permanente. Devenus le 1er pays producteur mondial d’hydrocarbures en 2014, ils concentrent leurs intérêts économiques sur l’Asie. La Russie prolonge son accès aux mers chaudes, de la mer Noire, son pivot stratégique, jusqu’à la Méditerranée. Elle pratique une politique du fait accompli (Crimée et Syrie), en réaction aux humiliations occidentales des années 1990. La Turquie s’affaiblit à l’intérieur, avec les purges au sein de l’armée à la suite du
putsch de 2016, et à l’extérieur après l’échec de sa politique d’apaisement avec ses voisins, notamment l’Union européenne au sujet de l’Etat islamique (Daech) et des flux de migrants. La velléité hégémonique de l’Iran se heurte à la capacité limitée de l’Arabie Saoudite de calmer les tensions. L’Iran coopère avec les Etats- Unis sur le plan économique, mais préfère un accord de défense avec la Russie. Son influence s’étend de la Syrie, au Hezbollah libanais, au Nord-Yémen, à Bahreïn et même à l’Arabie Saoudite, dont la population de la zone pétrolière est à majorité chiite. Quoique 3ème pays du monde pour les dépenses militaires, l’Arabie Saoudite dispose de forces armées dépourvues de sous-officiers, cause de son enlisement au Yémen depuis le désengagement des Etats-Unis. L’Inde développe sa Marine pour s’imposer en océan Indien. La Chine y déploie plusieurs navires de surface et même un sous-marin. Elle a déjà conclu un partenariat stratégique avec le Pakistan, inquiet des accords similaires de pays occidentaux avec l’Inde. La ZMOI française. Le quart du carburant consommé en France transite par le détroit d’Ormuz et 40 % du commerce mondial par celui de Bab el-Mandeb, que les pays riverains n’ont aucun intérêt à fermer en cas de crise, souligne l’amiral Platon. Au-delà du détroit de Malacca, la Chine poursuit sa politique de points d’appui dans la région : construction d’une base navale à Djibouti ; développement du port pakistanais de Gwadar ; investissements au Sri Lanka. De son côté, Alindien doit maintenir le contrôle opérationnel des voies d’approvisionnements stratégiques de la France, qui a conclu des accords de défense avec le Koweït, le Qatar et les Emirats arabes unis (EAU). La ZMOI permet de conduire des opérations au Moyen-Orient et dans les zones maritimes adjacentes, notamment « Chammal » pour l’appui des forces irakiennes dans la lutte de la coalition internationale contre Daech. Une frégate patrouille en permanence dans le Sud de la mer Rouge et un avion radar ATL2 y remplit régulièrement des missions aéromaritimes. Les forces françaises aux Emirats arabes unis, de la Côte d’Ivoire et de Djibouti constituent les bases opérationnelles avancées de la France dans le monde. Celle d’Abou Dhabi accueille, depuis 2016, le 5ème Régiment de cuirassiers. Elle assure aussi le soutien des unités navales françaises et alliées dans la région et permet l’engagement de Rafale et l’accueil d’avions gros porteurs. Outre les quelque 700 personnels des trois armées, directions et services, la base abrite : 1 escadron de chasse de 6 Rafale ; 1 escadron blindé de 13 chars Leclerc, 14 véhicules blindés légers et 4 véhicules blindés de combat et d’infanterie ; 1 détachement d’artillerie
de 4 canons Caesar. Outre les coopérations bilatérales opérationnelles, la base d’Abou Dhabi a aussi pour mission d’aguerrir et d’entraîner les forces françaises et alliées aux actions de combat en zones désertique et urbaine de type moyen- oriental. A titre indicatif, chaque année, 140 avions lourds et 40 navires de soutien logistique, pour la coalition internationale engagée au Levant, y font escale. Tous les 2 ans, 2 chasseurs de mines contribuent à la surveillance des fonds de 50-60 m du golfe Arabo-Persique pour suivre la situation sous-marine. L’amiral précise que tous les navires français prennent des mesures contre les attaques aysmétriques, notamment le bâtiment de projection et de commandement Mistral qui doit venir dans l’océan Indien pour la mission « Jeanne d’Arc » (école d’application des élèves officiers de Marine). Enfin, par ses rencontres avec les autorités militaires locales, Alindien entretient la connaissance des cultures et des rapports de forces dans la région. Loïc Salmon L’océan Indien : espace sous tension Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région Marine nationale : le porte-avions et la mer dans les relations internationales Les armées françaises déploient en permanence, hors théâtres d’opérations extérieurs, 11.000 militaires hors de la métropole. Les forces de souveraineté se répartissent en : Polynésie française, 900 personnels ; Nouvelle-Calédonie, 1.450 ; Antilles, 1.000 ; Guyane, 2.100 ; La Réunion, 1.600. Dans le cadre des accords de défense, des forces de présence sont stationnées au Sénégal (350 personnels), en Côte d’Ivoire (950), au Gabon (350), à Djibouti (1.450) et aux Emirats arabes unis (650). L’océan Indien (22 Mkm2) est accessible par le canal de Suez et les détroits de Bab el-Mandeb, d’Ormuz et de Malacca. La France y dispose d’une zone économique exclusive de 2,8 Mkm2.
Femmes dans les armées : discrétion, mais besoin d’équité Les jeunes femmes qui s’engagent dans les armées y recherchent des valeurs. Les contraintes du métier militaire, quoique plus lourdes pour elles, ne les empêchent guère d’y faire leurs preuves comme leurs collègues masculins. Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 8 mars 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus : le général de brigade Christophe Abad, Direction des ressources humaines de l’armée de terre ; le médecin-chef Nathalie Koulmann, chef du département environnements opérationnels de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) ; le médecin-chef Marion Trousselard, chef de l’unité de neurophysiologie du stress (IRBA).
Vivier indispensable. La féminisation ne fait plus partie des priorités du haut commandement. En 15 ans, les femmes ont accédé à tous les domaines des armées de Terre occidentales, selon leurs envies, talents et potentiel, rappelle le général Abad. Sans elles, les forces terrestres françaises n’auraient pu réaliser leur montée en puissance depuis 2015. Elles recrutent 15.000 personnels en moyenne par an parmi un vivier d’un million de Français intéressés, âgés de 17,5 à 30 ans avec les niveaux physique et de formation suffisants pour passer les tests d’aptitude. Pour les jeunes en manque de repères, l’armée de Terre présente une valeur refuge avec la possibilité d’y progresser selon leurs qualités propres. L’égalité de traitement reste fondamentale parmi les officiers, sous-officiers et militaires du rang. Toutefois, souligne le général, la discrimination positive n’existe pas : le parcours professionnel se construit par les examens, concours et formations. Etre militaire implique les mêmes compensations et sujétions pour les hommes et les femmes. Référencée dans chaque unité, la mixité fait l’objet d’une sensibilisation, dès la formation initiale des officiers à Saint-Cyr, et d’une définition précisée dans la doctrine du commandement dans l’armée de Terre. Il s’agit ensuite de « fidéliser » les femmes, afin de conserver le maximum de compétences acquises au cours de leurs années de service. Ainsi, une élève de la première génération mixte de saint-cyriens sera prochainement promue colonelle. L’efficacité opérationnelle va de pair avec un projet d’épanouissement individuel. Or, peu de femmes se sentent attirées par les systèmes de combat de l’armée de Terre, où l’exigence physique, la rusticité et la grande promiscuité de la vie en opérations sont plus fortes que dans les autres spécialités (encadré). Par ailleurs, la disponibilité permanente demeure difficilement compatible avec la vie de famille. Chaque promotion de Saint-Cyr voit ses effectifs diminuer après 15 ans de service : 30 % chez les hommes et … 66 % parmi les femmes ! Aptitude au combat. La compétence à exercer le métier, pour lequel un(e) candidat(e) a été recruté(e) s’appuie sur des données objectives liées au sexe, souligne le médecin-chef Nathalie Koulmann. Plus petite de 8 % en moyenne que l’homme, la femme présente une composition corporelle, une longueur relative des membres et un développement de la cage thoracique différents, qui ont des impacts sur les tâches à accomplir. Ainsi, par rapport à un homme de référence de 1,74 m et de 73 kg, une femme de référence de 1,64 m et de 57 kg présente une masse du cœur de 256 g contre 349 g et un volume des poumons de 4,25 l contre 5,70 l. Cette moindre capacité de transport d’oxygène s’accompagne d’un taux d’hémoglobine moyen inférieur de 10 % et de réserves en fer souvent
limitées. Mais sa capacité à brûler plus de graisse, supérieure de 10 %, lui donne un avantage pour les exercices de très longue durée. Les tâches militaires, complexes, intègrent plus ou moins des aptitudes physiques élémentaires : force musculaire et agilité, endurance musculaire et équilibre dynamique, aptitude aérobie avec coordination et puissance, flexibilité avec temps de réaction et vitesse. Quoique la force soit déterminante dans certaines activités, la femme la plus forte l’emportera toujours sur l’homme le plus faible. Mais désavantagées pour le port de charges lourdes, les femmes réussissent très rarement la totalité des tests physiques. Malgré une masse grasse plus élevée et un débit sudoral plus faible, elles présentent une tolérance à la chaleur presque similaire. Elles résistent aussi bien aux contraintes aéronautiques avec un « pantalon anti-G » adapté à leur morphologie. Pour les exercices de faible intensité, elles se fatiguent moins vite et récupèrent plus vite. En plongée, leur autonomie est supérieure, car elles consomment moins d’air, comme en témoignent deux femmes plongeurs-démineurs et une nageuse de combat ! Le risque de fracture de fatigue (sur-utilisation des os) lors des marches avec une charge lourde, quoique 2 à 6 fois plus élevé chez la femme, se réduit de 95 % en modifiant la fréquence des pas. Une doctrine d’aptitude physique minimale à certains postes, sans barème différentiel par sexe, reste à définir. Environnement opérationnel. Les neurosciences permettent de comprendre les processus mentaux de perception, d’action, d’apprentissage et de mémorisation, explique le médecin-chef Marion Trousselard. Elles trouvent des applications militaires : prise en charge des blessés et des soins de l’avant ; amélioration de la sélection, de la formation et de l’entraînement ; organisation optimale de la préparation des opérations et de leur gestion. Tous les militaires connaissent le stress, réponse comportementale, émotionnelle, cognitive et physiologique face à un événement grave. Des études (2007) démontrent : la supériorité des hommes en capacité et vitesse de traitement de l’information ; la supériorité des femmes pour la capacité d’attention, la mémoire des mots et des visages ainsi qu’aux tests d’intelligence sociale. Le risque de dépression s’accroît lors des missions orbitales, des patrouilles sous-marines et de l’hivernage polaire, auxquels des femmes ont participé. Celles-ci embarquent déjà sur les sous-marins, notamment en Suède depuis 1989, en Australie (1998), au Canada (2001) et aux Etats-Unis (2010). En France, la féminisation a été décidée en 2006 sur les futurs sous- marins nucléaires d’attaque Barracuda dont le 1er entrera en service fin 2018. La formation de 3 femmes officiers, dont 1 médecin, a commencé en 2015, en vue
d’un embarquement sur un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en 2017. Loïc Salmon Femmes dans les armées : promotion par la compétence et soutien contre le harcèlement Lieutenants en Afghanistan, retour d’expérience Selon le ministère de la Défense, l’encadrement dans l’armée de Terre se répartissait ainsi en 2015 : officiers de carrière (Saint-Cyr), 49,9 % de femmes pour 80,1 % d’hommes ; officiers sous contrat, 51,1 % de femmes pour 19,9 % d’hommes ; sous-officiers de carrière (Ecole de Saint-Maixent), 54,7 % de femmes pour 52,1 % d’hommes ; sous-officiers sous contrat, 45,3 % de femmes pour 47,9 % d’hommes. La part des femmes par spécialité se montait à : 0,5 % dans l’arme blindée ; 0,5 % dans l’infanterie ; 2,3 % dans le génie ; 3,8 % dans l’artillerie ; 5,1 % dans la maintenance ; 26,7 % dans les budget, finances et comptabilité ; 29,7 % dans la santé ; 30,6 % dans la communication ; 42,4 % dans l’administration ; 43,5 % dans la gestion des ressources humaines.
Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région La Russie pratique, au Proche-Orient, une politique étrangère fondée sur le calcul des forces en présence et ses propres intérêts, selon une approche économique, militaire et culturelle. Forte de ses relations avec la Syrie, l’Egypte, la Turquie, l’Iran, Israël, le mouvement Hezbollah au Liban et celui du Hamas dans la bande de Gaza, elle engage un bras de fer avec l’Occident. Tel a été le thème d’une conférence-débat organisée, le 21 février 2017 à Paris, par l’Institut des relations internationales et stratégiques. Y sont intervenus : Igor Delanoë, Observatoire franco-russe ; Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie ; Jean-Paul Chagnollaud, Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient.
Une nouvelle donne. En 1991, la Russie a restructuré sa politique au Proche- Orient avec pragmatisme et sans l’idéologie du temps de l’URSS, explique Igor Delanoë. Elle y trouve d’abord un intérêt économique, fait nouveau, par la vente d’armement et d’énergie, à savoir nucléaire, gazière ou pétrolière. Sur le plan sécuritaire, elle s’inquiète de la prolifération d’armes de destruction massive, de leur capacité et du risque de les voir utilisées contre elle. En conséquence, elle coopère avec les Etats-Unis pour maîtriser la dissémination d’armements dans la région, interdire les armes chimiques en 2013 et parvenir à un accord sur le programme nucléaire iranien en 2015. Enfin, elle veut disposer de cartes dans le jeu géopolitique du Moyen-Orient, face à l’Occident. Pour tenter de résoudre la crise israélo-palestinienne, elle a tenté, sans succès, de tenir une conférence à Moscou avec les deux parties. Elle essaie alors de réussir un dialogue entre les factions palestiniennes, en vue de favoriser l’émergence d’un seul interlocuteur pour faire avancer le dossier. Elle parvient à maintenir en Egypte des contacts avec les Frères musulmans (mouvement salafiste) et le président Abdel Fattah al- Sissi, depuis les printemps arabes de 2011. Ceux-ci, selon elle, découlent des « révolutions de couleur » précédentes : « rose » ou « des roses » en Géorgie (2003), « orange » en Ukraine (2004), « rose » ou « des tulipes » au Kirghizistan (2005), « bleue » ou « en blue jean » en Biélorussie (2005) et « du cèdre » au Liban (2005), qui ont porté au pouvoir des gouvernements pro-occidentaux. La crise actuelle en Libye résulte de l’opération occidentale menée par la France et la Grande-Bretagne contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, qui n’aurait pu avoir lieu si la Russie avait opposé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU. S’estimant dupée, elle l’a opposé 6 fois depuis et la Chine 2 fois. En Syrie, ses intérêts nationaux la poussent à une solution politique, à savoir une médiation avec l’Iran et la Turquie pour compléter la conférence de Genève sous l’égide de l’ONU. Selon Igor Delanoë, ce « triangle » devrait disparaître à la fin du conflit. En effet, la Turquie ne souhaite pas que la Russie se rapproche trop des Kurdes, qui revendiquent une entité transfrontalière laïque, valeur mal perçue au Moyen- Orient. Par ailleurs, Turquie, Iran et Irak s’opposent à la création d’un Etat kurde au détriment d’une partie de leur territoire. Partisane d’une décentralisation du pouvoir en Syrie, la Russie semble plus attachée à sa structure étatique qu’à la personne du président Bachar el-Assad qui, pour l’Iran, caractérise un Etat central fort. Le rapprochement de la Russie vers l’Iran et la Turquie vise à résoudre la situation au Nord de la Syrie et celui vers Israël à éviter des incidents de frontière. De son côté, la Chine craint le retour des Ouïghours partis combattre avec Daech et susceptibles de déstabiliser la province du Xinjiang à leur retour.
Elle propose de participer à la reconstruction de la Syrie par le biais de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Constance et intermittences. La Russie n’a jamais quitté le Moyen-Orient depuis la chute de Constantinople en 1453, quand elle s’est autoproclamée « troisième Rome », rappelle Jean de Gliniasty. La guerre de Crimée (1853-1856) l’a opposée à l’Empire ottoman, allié à la France et la Grande-Bretagne. Après 1945, l’URSS, disposant de ses propres ressources pétrolières, soutient les nationalismes arabes au détriment des partis communistes locaux pour des raisons politiques. Malgré l’expulsion d’Egypte de ses 20.000 conseillers en 1972, elle parvient à conserver son influence en Syrie. La guerre du golfe (1991), menée par une coalition internationale pour libérer le Koweït envahi par l’Irak, marque son éviction politique de la région, confirmée par les accords d’Oslo entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (1993). Mais elle préserve sa présence économique par la vente d’armement par les entreprises russes, affectées par la baisse du budget militaire national. Entre 2000 et 2015, ses échanges commerciaux ont décuplé. Vu de Moscou, la rupture des relations diplomatiques des pays occidentaux (hors Etats-Unis) avec la Syrie dès le début de la crise leur a fait perdre leur crédit et toute possibilité de dialogue. Pour sauver le régime de Bachar el-Assad, dont elle estime qu’il fait partie de la solution politique, la Russie est intervenue militairement (frappes aériennes) pour l’aider à reconquérir Alep. Par la suite, un bombardement américain a fait échouer un accord de cessez-le feu. Pour la Russie, sa réconciliation avec la Turquie lui donne un atout « sunnite » face au monde « chiite » dominé par l’Iran. Selon Jean de Gliniasty, Daech constitue un facteur d’unification de la coalition internationale et de la Russie. Mais, toute action militaire contre le régime syrien, passant outre à un veto russe à l’ONU, affaiblirait le Conseil de sécurité. Incertitudes occidentales. Selon Jean-Paul Chagnollaud, le conflit syrien a conduit à la consolidation d’un régime totalitaire avec des implications : judiciaires par le nombre de victimes (voir encadré) ; politiques par celui des personnes réfugiées et déplacées (idem) et une société fracturée entre les anti et pro-régime ; existentielles, car le régime lutte pour sa survie. Avec l’envoi de 10.000 combattants sur le terrain, l’Iran se proclame première puissance régionale. Outre sa maîtrise de l’espace aérien, la Russie a remporté des succès diplomatiques. Les pays occidentaux se sont trouvés marginalisés, comptant sur la diplomatie sans l’action militaire.
Loïc Salmon Iran : acteur incontournable au Moyen-Orient et au-delà Turquie : partenaire de fait au Proche et Moyen-Orient Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales Le conflit armé en Syrie a causé plus de 400.000 morts entre mars 2011 et septembre 2016, selon plusieurs organisations non gouvernementales. La moitié de la population a été déplacée et plus de 5 millions de Syriens ont fui le pays. Les mouvements rebelles sont soutenus notamment par l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Qatar et les Etats-Unis ainsi que le Front Al-Nosra, branche syrienne de l’organisation djihadiste Al-Qaïda. Le régime syrien a reçu les renforts du Hezbollah, mouvement politique et militaire chiite libanais, et des brigades islamistes chiites irakiennes et étrangères ainsi que l’appui militaire de l’Iran et de la Russie. L’Etat islamique (Daech), en guerre contre tous les belligérants depuis 2014, est devenu la cible des frappes aériennes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Enfin, les Kurdes du parti PYD et de sa branche armée YPG combattent pour l’autodétermination du Rojava, territoire autonome de fait dans le Nord et le Nord-Ouest de la Syrie.
Armée de Terre : innovation et volonté au service de la victoire Emporter la décision sur le champ de bataille nécessite la supériorité technologique sur l’adversaire, mais aussi une définition claire des objectifs et la volonté farouche de vaincre. Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 24 janvier 2017 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de Terre. Y ont participé : le général de division Patrick Berthous commandant les forces spéciales Terre ; l’ingénieur en chef Christian Ramaen, études amont à la Direction générale de l’armement (DGA) ; Emmanuel Chiva, groupement des industriels de l’armement terrestre et aéroterrestre (GICAT). L’innovation sur le terrain. Composées de soldats « rustiques », les forces spéciales connaissent un rythme opérationnel très variable, mais celui de renouvellement de leurs tactiques est plus élevé que pour les forces conventionnelles, explique le général Berthous. Véritable laboratoire pour les
armées et en liaison avec la DGA, elles adaptent en permanence leurs modes d’action et leurs équipements à partir de retours d’expériences et d’études prospectives. Ainsi pour l’opération « Barkhane », le drone tactique Patroller a été utilisé contre les djihadistes au Mali dès l’hiver 2016, en coordination avec l’infiltration de parachutistes. L’hélicoptère Tigre apporte un appui direct aux opérations, qui ne sont jamais déclenchées sans lui. Aujourd’hui, les véhicules blindés du combat d’infanterie sont climatisés. D’une façon générale, il s’agit de maintenir une supériorité technique et tactique sur l’adversaire pour le détecter et le détruire de loin. Les forces spéciales partent avec le strict minimum, à savoir l’eau, les rations, le carburant, les pièces détachées, le système de navigation GPS et la liaison avec les satellites qui couvrent la zone. Quoiqu’affaibli au Levant, Daech profite du nivellement technologique par son accès au GPS et aux réseaux sociaux. Il pratique les cyberattaques et utilise des drones de reconnaissance et des engins explosifs improvisés. Quels que soient les progrès technologiques, estime le général Berthous, les combattants resteront indispensables sur le terrain pour conserver un temps d’avance sur l’adversaire sur les plans technique, tactique et de compréhension de la situation. La victoire reposera toujours sur l’intelligence du chef. Le futur technologique. Premier investisseur de l’Etat dans l’industrie, la DGA a pour mission de conserver la supériorité opérationnelle, qui inclut entraînement des soldats, fiabilité des systèmes et avantage technologique, rappelle l’ingénieur en chef Ramaen. Dans un programme d’armement long, les études amont se trouvent au cœur de la recherche. Ainsi pour le char Leclerc qui doit durer jusqu’en 2040, les études amont ont commencé en 1965 et le démonstrateur a été lancé en 1970 pour des livraisons à partir de 1985. Pour le programme « Scorpion » de l’armée de Terre, la DGA a injecté 200 M€ dans les études amont depuis 1990 pour assurer des innovations dans la durée, alors que les livraisons des matériels débuteront en 2018. La loi de programmation militaire (LPM) 2008-2013 a fixé, comme choix technologique de la DGA, le maintien des compétences critiques en alimentant les bureaux d’étude. La nouvelle gouvernance des études amont est précisée dans un document d’orientation de la science et de la technologie, qui donne des axes de recherche sur 10 ans en parallèle avec la LPM réactualisée. Ainsi, la période 2016-2021 concerne notamment les aéronefs de combat (Rafale et drones) et la cyberdéfense des forces terrestres. La coopération franco-allemande portera sur le char du futur à l’horizon 2040, car les Leopard allemands et les Leclerc français arriveront en fin
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