EFFETS DE L'AGILITE ORGANISATIONNELLE SUR LE STRESS PROFESSIONNEL DES CADRES DE SANTE FRANÇAIS A L'ERE DE LA COVID-19
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EFFETS DE L’AGILITE ORGANISATIONNELLE SUR LE STRESS PROFESSIONNEL DES CADRES DE SANTE FRANÇAIS A L’ERE DE LA COVID-19 Kaouther BEN JEMAA-BOUBAYA, Enseignante-Chercheure, Université de Sorbonne Paris Nord Nejla HADDAJI, Enseignante-Chercheure, Université de Carthage. Temna SATOURI, Enseignante-Chercheure, Université de Paris 8 Ali SMIDA, Professeur, Université de Sorbonne Paris Nord Résumé Depuis janvier 2020, la pandémie en lien avec la maladie coronavirus (COVID-19) s’est propagée largement sur le globe, engorgeant les hôpitaux avec des arrivées massives de patients présentant des formes graves de la maladie, et se traduisant par une augmentation drastique de la mortalité au sein même des services de soins. Cette pandémie a eu un impact direct sur les cadres de santé. De ce fait, les hôpitaux sont confrontés à une épreuve très difficile. Les cadres et professionnels de santé, victimes d’un stress élevé, doivent agir en urgence en bénéficiant de l’agilité et de la réorganisation du système de santé nécessaires vis-à-vis d’une telle crise sanitaire. En nous focalisant sur deux thèmes particuliers de l’agilité organisationnelle, à savoir ; la valorisation des Ressources Humaines et la maîtrise du changement, et en adoptant les équations structurelles, nous tenterons dans cette étude de démontrer comment ces deux composantes de l’agilité organisationnelle renforceront la résilience des cadres de santé en les aidant à réduire le stress professionnel vécu dans de telle situation. Sur la base de 218 questionnaires recueillis en ligne, nous avons pu prouver le rôle modérateur de la valorisation des RH dans la réduction du stress professionnel des professionnels de la santé. Quant à la maîtrise du changement, cette ressource organisationnelle semble réduire directement l’occurrence du stress professionnel chez le même échantillon. Les contributions théoriques et managériales et les limites de cette recherche seront discutées tout en ouvrant la voie vers de nouvelles perspectives de recherche. Mots clés : Crise sanitaire liée à la covid-19, Stress professionnel, Agilité organisationnelle, Valorisation des RH, Maîtrise du changement.
Introduction Vers la fin de l’année 2019, l’agent pathogène SRARS-COV2 connu sous le nom de la covid-19 a connu une flambée épidémique incroyable. Le virus initialement apparu en Chine, s’est largement propagé à tout le globe, notamment en Europe. Laquelle, s’est transformée en nouvel épicentre de la maladie depuis mars 2020 (Anton, 2020; Kuckertz et al., 2020 ; Diemer, 2020 ; Ferar, 2020 ; Frimousse et Peretti, 2020 ; Legido-quigley, et al., 2020). La France, comme ses voisins européens, s’est rapidement trouvée en face d’une augmentation phénoménale du nombre de cas hospitalisés, de personnes présentant des formes cliniques sévères ainsi qu’une saturation rapide des capacités de réanimation (Diemer, 2020 ; Anton, 2020 ; Daure, 2020). Face à cette situation chaotique, incertaine et dégradante, la capacité et la réactivité des cadres de santé a été mise à l’épreuve. Les acteurs appartenant à différents champs d’expertises (médicaux, administratifs, logistiques, techniques et cliniques) ont été contraints à faire face au manque de moyens et d’infrastructures, au processus et protocole sanitaire complexe et risqué, aux compositions de personnel très fluctuantes (des contaminations chez le personnel soignant obligeant les testés positifs covid-19 à s’isoler en quarantaine) (Wong et al., 2020). Ainsi, les acteurs hospitaliers sont placés en première ligne d’attaque pour confronter la maladie (Bajji et Lalaoui, 2021). Ce contexte de crise a déstabilisé les acteurs de santé et leur a causé davantage de stress professionnel (Rivière et al., 2013 ; Abord de Chatillon et al., 2016 ; Rivière et al., 2019 ; Rivière, 2019). Afin d’éviter une dégradation choquante de la situation sanitaire, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) préconise une agilité des systèmes de santé avec davantage « de vélocité et scalabilité » face à la virulence de la covid-19 (Anton, 2020 ; El-Hage et al, 2020; Suresh et al., 2021). L’agilité étant définie comme la capacité d'une organisation non seulement à détecter le changement, mais aussi à s'adapter, à réagir et à être performante face à des environnements en évolution rapide (Sambamurthy et al., 2003 ; Weill et al., 2002), elle semble être la ressource organisationnelle la plus convoitée en cette période critique, de par les compétences qu’elle mobilise et les capacités organisationnelles qu’elle est en mesure de créer (Freiling, 2004; Freiling et al., 2008). En adoptant comme cadre théorique celui de la théorie de Conservation des Ressources (COR) (Hobfoll, 1989 ; 2001; 2011), notre objectif est d’étudier le rôle de l’agilité organisationnelle dans la réduction du stress professionnel des cadres de santé. Ainsi, nous nous proposons d’examiner dans quelles mesures les pratiques d’agilité organisationnelle adoptées dans les établissements hospitaliers (notamment en termes de valorisation des Ressources Humaines et de maîtrise du changement) permettraient-elles d’atténuer le stress professionnel dans le contexte de la crise sanitaire actuelle (la covid 19). Sur le plan managérial, s’intéresser à cette problématique représente un enjeu notable pour les établissements de santé. Il permettra de garantir un bon fonctionnement de leur unité de travail et une meilleure qualité des soins délivrés. Nous notons qu’aucune recherche jusque-là
n’a étudié les effets de l’agilité organisationnelle sur le stress professionnel à l’ère de la covid- 19. La première section de cet article s’attachera ainsi à définir les concepts : stresseurs organisationnels, stress professionnel et agilité organisationnelle de façon à pouvoir étudier leurs impacts les uns sur les autres au sein d’une organisation en difficulté dans un contexte de crise. Nous exposerons ensuite dans la seconde section le cadre méthodologique que nous avons retenu. La troisième section quant à elle présentera les résultats suivis d’une discussion et de la conclusion 1. La pandémie de covid-19 : entre stresseurs organisationnels, stress professionnel et agilité organisationnelle? 1.1. Stresseurs organisationnels et stress professionnel : deux concepts en cascade dans la littérature 1.1.1. Stresseurs organisationnels La théorie des rôles de Kahn et al. (1964) indique que les tensions de rôle sont liées aux attentes différentes vis-à-vis de ces acteurs et dans multiples cas en contradiction. Il s’agit d’un contexte de travail qui met l’individu face à une difficulté, voire une impossibilité à faire face aux attentes convenablement, qu’il soit à ses yeux ou aux yeux des personnes qui les présentent (Royal et Brassard, 2010). En effet, la transformation et disparition des frontières organisationnelles, le développement digital, l’émergence de nouveaux modèles de gouvernance et d’organisation sont autant de facteurs qui bouleversent les rôles au sein des organisations et créent des tensions de rôle (Djabi et al, 2019). Selon la littérature les tensions de rôle sont de trois types : l’ambiguïté de rôle, le conflit de rôle et la surcharge de travail (Commeiras et al., 2009; Djabi et al, 2019; Rivière et al, 2019). Il est à noter que l’individu est en situation de conflit de rôle lorsqu’il est face à des attentes de rôle incompatibles et contradictoires (Rizzo, et al., 1970). Par ailleurs, il est en situation d’ambiguïté de rôle lorsque les attentes du rôle ne sont pas claires (Rizzo et al., 1970). La surcharge de rôle apparaît, enfin, quand le rôle représente des attentes qui dépassent les capacités de réalisation mobilisées par l’individu (Ben Aissa et Sassi, 2019). Bien que plusieurs études dans la littérature ont proposé différentes échelles de mesure des tensions de rôle, Rizzo et al., (1970) demeure la plus utilisée. Toutefois, cette dernière ne permet pas de prendre en compte « des dimensions mises au jour de manière éparse dans la littérature: différentes formes de conflits de rôle, ambiguïté de rôle et surcharge de rôle » (Djabi et al, 2019). A ce titre, Djabi et al., (2019) ont développé une nouvelle échelle de mesure
multidimensionnelle des tensions de rôle au travail afin d’intégrer les dernières avancées de la littérature et de mieux appréhender la diversité des tensions de rôle au travail et leurs effets potentiellement différenciés surtout en terme de stress professionnel. 1.1.2. Stress professionnel D’après NIOSH (The National Institute for Occupational Safety and Heath), le stress au travail ou stress professionnel est défini comme l’ensemble des réactions physiques et émotionnelles négatives, qui se produisent lorsque les exigences du travail ne concordent pas avec les capacités, les moyens ou encore, les besoins du travailleur. Il s’agit d’une réaction dépendant de l’émotionnel, du cognitif, du comportemental et du physiologique du sujet. Cette réaction résulte de l’exposition aux aspects néfastes et négatifs de la nature du travail sur l’organisme et l’environnement. Le stress professionnel s’avère bénéfique lorsque l’homme se trouve confronté à un danger réel pour assurer l’adaptation, mais n’est pas en adéquation, lorsque ce travailleur s’efforce de s’adapter à des conditions de travail difficiles, monotones ou exigeantes (De Keyser et Hansez, 1996). Selon la théorie de préservation des ressources de Hobfoll, (1989 ; 2001 ; 2011), et en focalisant sur la notion de ressource, le stress et l’usure résultent d’une érosion des ressources de l’individu (Hobfoll et ali.., 2018 ; Dierendonck et ali., 2001 ; Hatinen et ali., 2004 ; Grandey et Cropanzano, 1999). Ces situations de déséquilibre se fondent sur deux principes élémentaires, celui de la primauté du sentiment de perte (Hobfoll, 1989, 2001 ; Hobfoll et Freedy, 1993 ; Wright et Hobfoll, 2004) et celui de l’importance de l’investissement en ressources (Hobfoll et Freedy, 1993 ; Maslach et Schaufeli, 1993). Pour Hobfoll (2001), la tendance des individus à surestimer les informations négatives telles que la perte ou les menaces est innée et fait même partie de l’apprentissage de base, de façon qu’elle devienne une réponse automatique de l’individu au-delà de son niveau de conscience. Dans un contexte de perte, le gain de ressources devient plus important. En attribuant un poids au gain, ce principe distingue la théorie de Hobfoll (1989 ; 2011) des théories de renforcement et du béhaviorisme en général, qui ne différencient pas le poids de la récompense et de la punition, et pour qui le gain ou la récompense est un moyen qui influence le comportement. Par ailleurs, mettre l’accent sur la culture partagée qui sous-tend l’évaluation de la perte différencie également la théorie COR de la théorie transactionnelle de Lazarus et Folkman (1984) qui laisse à l’individu la liberté d’évaluer l’étendue de la perte ou du gain. Le stress professionnel impacte plusieurs niveaux dans la relation entre l’individu et son travail. Les études sur le stress professionnel mettent en avant des courants théoriques opposés et/ou complémentaires, afin d’indiquer les différences de perception de ce risque psychosocial (Sassi, 2011; Ben Aissa et Sassi, 2019). Le stress professionnel impacte plusieurs niveaux dans la relation entre l’individu et son travail (individuel, interpersonnel et professionnel) (Raix et Mignée, 1995; Mackay et al, 2004; Kahn et Byosiere, 1992; Légeron, 2008; Steiler et Rüling, 2003; Cox et Leiter, 1992). Le niveau individuel intègre les caractères de personnalité propres à la personne, son histoire personnelle et son état physique et psychologique (Raix et Mignée, 1995; Mackay et al, 2004; Kahn et Byosiere, 1992; Légeron, 2008; Steiler et Rüling, 2003; Cox
et Leiter, 1992). Le niveau interpersonnel prend en compte les relations et la communication entre les personnes au sein de l’entreprise, ainsi que l’ambiance professionnelle (Légeron, 2008; Steiler et Rüling, 2003; Cox et Leiter, 1992). Avoir l’impression de reconnaitre son talent, se sentir compris et aidé en cas de difficultés, représente pour chaque travailleur l’occasion de confirmer sa propre identité et est un élément essentiel à l’activité du groupe de travail (Cox et Leiter, 1992). L’absence de ces relations interpersonnelles engendre un sentiment de rejet et peut mener à une détresse psychologiques susceptibles d’endommager la communication avec le groupe et d’engendrer un stress (Cox et Leiter, 1992). Enfin, le niveau professionnel s’intéresse à la tâche elle-même, ses spécificités, les conditions dans lesquelles elle s’exerce (Légeron, 2008). Certaines entreprises génèrent des systèmes de valeurs et conçoivent des objectifs perçus par l’individu, comme une réelle difficulté à laquelle une réponse semble peu probable, au regard de l’indigence des ressources mobilisées (Légeron, 2008; Steiler et Rüling, 2003). A cet effet, le stress professionnel impacte négativement le bien être des salariés lorsque ceux-ci n’ont pas ou plus les moyens de faire face à la situation de déséquilibre engendrée par les conditions défavorables du travail (Lazarus & Folkman, 1984; Lazarus, 1995). Il est à noter que pour parler des éléments qui résultent du stress, la littérature évoque « les facteurs de risque psychologique, les sources de stress, les agents stressants ou les contraintes professionnelles ou stresseurs » (Harvey et al, 2006, p 20). 1.2. Présentation du modèle de recherche et des hypothèses Notre modèle de recherche se propose d’étudier le rôle de l’agilité organisationnelle dans la réduction du stress professionnel des cadres de santé. Ainsi, dans un premier temps, nous analyserons les effets de la crise sanitaire sur les cadres de santé en terme de stresseurs organisationnels et de stress professionnel. Dans un deuxième temps, nous nous proposons d’examiner dans quelles mesures les pratiques d’agilité organisationnelle adoptées dans les établissements hospitaliers (notamment en termes de valorisation des Ressources Humaines et de maîtrise du changement) permettraient-elles de faire face au stress professionnel. 1.2.1. Cadres de santé à l’épreuve des stresseurs organisationnels et du stress professionnel à l’ère de la covid-19 La covid-19 est une pandémie mondiale qui s’est propagé rapidement en France et dans le monde (Anton, 2020 ; Bajji et Lalaoui, 2021, Suresh et al, 2021). Le nombre de patients covid augmente de jour en jour ainsi que les exigences des hôpitaux en termes de capacité d'hébergement des centres de soins covid, soins d'urgence, nombre de soignants et mise en place d'un traitement avancé / nouvelles modalités (Suresh et al, 2021). A cet effet, les cadres de santé (cadres hospitaliers, cadres administratifs, cadres techniques et cadres socio-éducatifs) sont impactés par ce contexte instable (Krief, 2012). L’environnement interne de l’hôpital public est propice à l’émergence de conflits, ambiguïté de rôles et surcharge de travail (Rivière et al, 2013 ; Rivière et al, 2019 ; Rivière, 2019) avant même la découverte de
l’agent pathogène SRARS-COV2 en France. Le milieu hospitalier fait face, depuis 2004, à de multiples reformes instaurées en terme d’une nouvelle gestion publique axée sur les résultats ainsi que les moyens nécessaires pour les atteindre (Grenier et Guitton-Philippe, 2011; Grenier et Denis, 2018). Il est entré dans des zones de turbulence depuis 2004 (Rivière et al, 2019). La volonté de transformer l’hôpital en entreprise, la soumission de ce dernier aux systèmes d’évaluation, l’accord des subventions en fonction de la «performance», l’inscription de son évolution dans la chronicité, l’obligation d’adapter et d’intégrer son mode de fonctionnement à des registres de savoir-faire organisationnel de plus en plus larges, la compétition accrue du secteur privé et l’énorme manque des ressources, sont des facteurs qui ont fragilisé l’hôpital public français avant même l’arrivé de la pandémie de la covid-19 (Grenier et Guitton-Philippe, 2011; Brémond et al, 2013 ; Grenier et Denis, 2018; Rivière et al, 2013 ; Rivière et al, 2019 ; Rivière, 2019). Ces instabilités ont engendré l’incompatibilité des attentes et des attributions spécifiques aux différents acteurs ainsi que la « dichotomie » des rôles et des objectifs (Krief, 2012). Elles ont aggravé la situation des cadres de santé et ont engendré des tensions de rôle (Rivière et al, 2019). A ce titre et en continuité avec les travaux de Miri et al. (2014), l’étude de Rivière et al, (2019) a permis de préciser différentes formes des tensions de rôle, sources du stress professionnel, chez les cadres de santé français. Selon les auteurs, la perception des changements liés au Nouveau Management Public a favorisé dégressivement le conflit de rôle, la charge de travail quantitative, le conflit travail-famille et les attentes de rôles contradictoires. Cela a impacté négativement le bien être des cadres de santé et a favorisé le stress professionnel de ces derniers (Rivière et al, 2013 ; Abord de Chatillon et al, 2016 ; Rivière et al, 2019 ; Rivière, 2019). Il est à noter que, cette étude est fondée sur les apports de la théorie des rôles de Kahn et al., (1964), du modèle du processus séquentiel de Katz et Kahn (1966), du modèle bi- dimensionnel (« Job Demands ») de Karasek (1979) et du modèle « Job Demands-Resources » de Demerouti et al. (2001) qui ont indiqué que les tensions de rôle (stresseurs organisationnels) peuvent déclencher des réactions de stress professionnel. Dans la même lignée, plusieurs études se sont préoccupées, depuis le début de la crise sanitaire, à étudier l’effet de cette dernière sur la santé mentale et psychique des professionnels de santé (Segers, 2020 ; Pitchot, 2020 ; Krystal et McNeil, 2020 ; Alharbi et al., 2020 ; Bansal et al., 2020 ; Cullen et al., 2020 ; Fessell et Cherniss, 2020 ; Kang et al., 2020; Wu et al., 2020). Les résultats de ces travaux indiquent que les attentes de rôle qui se sont développées à l’égard des cadres de santé dans ce contexte de crise favorisent différentes formes de tensions de rôle et de stress professionnel. De ce fait, dans la continuité de ces études, notre modèle de recherche (illustré en figure 1) tente de tester comment les tensions de rôle peuvent déclencher des réactions de stress professionnel chez les cadres de santé à l’ère de la covid-19 ? Dans quelle mesure, la crise sanitaire a accentué les contraintes des cadres de santé ? Quelles réactions vis-à-vis d’un environnement en pleine mutation et ambiguïté qu’il soit en terme de procédures ou d’organisation ? En effet, les tensions de rôle des cadres de santé ont été particulièrement accentué par la pandémie de la covid-19. Face à une menace non anticipée et très peu connue, ils ont occupé une
position d’interface entre différents acteurs : les médecins, les infirmiers et les familles. « Cette position frontalière est potentiellement source de conflits de rôle au regard des attentes de chacune de ces parties qui ne sont pas toujours conciliables » (Rivière et al., 2019 ; Segers, 2020). En nous basant sur les résultats des travaux précédents et sur une hypothèse générale d’un impact positif des tensions de rôle sur le stress professionnel, une première hypothèse est énoncée: H1 : Le conflit de rôle à l’ère de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. De même, certains cadres de santé ont été contraints à se séparer de leurs familles afin d’éviter de contracter le virus et de le transmettre à leurs proches. D’autres ont eu des horaires variables déstabilisant l’équilibre de vie familiale et professionnelle (Pitchot, 2020; Segers, 2020). L’hypothèse suivante est alors formulée : H2 : Le conflit travail-famille à l’ère de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. En outre, des situations d’ambiguïtés de rôle ont submergé l’atmosphère hospitalier (Pitchot, 2020; Segers, 2020). Les cadres de santé ne peuvent satisfaire simultanément les attentes professionnelles et familiales, provoquant un conflit travail-famille, source de stress. De même, le caractère inconnu et mortel de la maladie a mis tous les acteurs hospitaliers dans la confusion extrême. Les cadres de santé ont dû faire face à une affluence des malades inédite et à des nouvelles tâches pour lesquelles ils n’ont pas été formées initialement (exemple : supprimer les consultations non-urgentes, reporter des interventions chirurgicales, fermer les hôpitaux de jour et certains services, réorienter les différentes compétences vers la prise en charge des patients covid). S’appuyant sur la littérature et sur l’hypothèse générale d’un effet positif des tensions de rôle sur le stress professionnel, l’hypothèse suivante est posée : H3 : L’ambiguïté de rôle à l’ère de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. La situation sanitaire très complexe a engendré, aussi, une surcharge de travail phénoménale et un rythme sans répit pour les professionnels de « première ligne ». D’une part, une charge de travail quantitative (accroissement de la charge administrative avec des conditions de travail difficiles et risqués; la progression du virus, du nombre de personnes contaminées, des décès ou du taux d’hospitalisation en soins intensifs) et d’autre part, une charge de travail émotionnelle (« une ambiance lourde, une organisation des activités défaillante, l’absentéisme
de plus en plus fréquent des collègues, être confronté en permanence à la souffrance et à la mort, encore le sentiment d’être de moins en moins respecté par les structures hospitalières et les autorités politiques, une pression sociétale qui ne autorise pas à ces derniers à exprimer leurs souffrances et à montrer le moindre signe faiblesse») (Pitchot, 2020 ; Segers, 2020). S’appuyant sur la littérature et l’hypothèse générale que la charge de travail développe du stress professionnel, l’hypothèse H4 déclinée en deux sous hypothèses, peut être émise : H4 : La charge de travail à l’ère de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. H4a : La charge de travail quantitative liée au contexte sanitaire de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. H4b : La charge de travail émotionnelle liée au contexte sanitaire de la covid-19 est corrélé positivement au stress professionnel des cadres de santé. 1.2.2. Agilité organisationnelle dans les hôpitaux à l’ère de la covid-19 Depuis le début de la crise sanitaire (covid-19), l’hôpital fait face à de nouvelles exigences pour rivaliser avec la situation actuelle critique à laquelle sont confrontés les acteurs hospitaliers qui doivent changer les priorités et en développer de nouvelles pour aboutir à des stratégies efficaces. L'idée de « s'adapter à des changements imposés » implique d’être agile et de s'aligner (Vaishnavi et al, 2019). De ce fait, l’agilité joue un rôle important dans les processus d’amélioration des opérations de réponses face à une situation de crise qui est de plus en plus dynamique (Suresh et al, 2021). De ce fait, l’agilité organisationnelle peut être définie comme la capacité d'un établissement non seulement à repérer le changement, mais aussi à s'adapter, à réagir et à être performant face à des environnements en évolution fulgurante comme le cas de la pandémie de la covid-19 (Weill et al., 2002 ; Sambamurthy et al., 2003). En outre, il s’agit d’un processus qui se modifie constamment afin d’adapter l’organisation à un environnement complexe, turbulent, incertain et en constante évolution (Goldman, et al., 1995; Shafer, 1997; Jorroff et al., 2003; Charbonnier-Voirin, 2011; Rima et Mindaugas, 2018). Dans ce processus, le niveau élevé d’agilité organisationnelle devient un objectif et les organisations définissent différentes stratégies pour atteindre ces objectifs de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible (Rima et Mindaugas, 2018). Ainsi, l’agilité a fait l’objet de plusieurs recherches empiriques qui montrent sa relation positive avec la performance (Tarafdar et Qrunfleh, 2017; Mirghafoori et al., 2017 ; Chan et al., 2017; Verma et al., 2017). Elle est considérée comme une compétence nécessaire afin d’améliorer les performances vis-à-vis d’un contexte turbulent ou de crise (Ismail et al., 2011; Blome et al., 2013; Sanchez et Nagi, 2001). Suresh et al, (2021) ont analysé dans leur papier : « the factors that influence the agility of covid-19 hospitals », les déterminants de l’agilité organisationnelle. Les auteurs ont conclu que les facteurs suivants contribuent à l'agilité des soins covid-19: construire une équipe d'intervention rapide, soutenir les équipes en mobilisant les ressources nécessaires et en déterminant les responsabilités professionnelles des membres afin d’encourager l’autonomie et l’efficacité, communiquer d’une manière transparente sur les nouvelles procédures et systèmes
de travail, préparer les employés au changement physique, technologique et humain de leur cadre de travail (par exemple : intégrer dans les esprits de personnel des nouvelles habitudes de prévention des infections et le contrôle du virus comme l'hygiène des mains) (Lai et al, 2020 ; Bashirian et al, 2020). Ainsi, parmi les armes de l’agilité organisationnelle, les auteurs ont noté l’importance de la décentralisation de la prise de décision ou « une stratégie auto-organisée » et l’adoption d’une stratégie flexible afin d’assurer une plus grande adaptabilité, rapidité et dynamisme. L’objectif principal est de pouvoir sauver les vies des patients des soins intensifs, diminuer la mortalité et développer la résilience (Anton, 2020 ; Suresh et al, 2021). A ce titre, il est nécessaire de faire face aux épreuves de l'environnement de travail et des situations qui créent le stress quotidien dans les soins covid (Pitchot, 2020 ; Segers, 2020). En guise de synthèse, favoriser l’agilité organisationnelle, à l’ère de la covid-19, consiste à créer un écosystème qui valorise les interactions entre les personnes agissant en « première ligne » (Suresh et al, 2021). En effet, le plus important dans cette période difficile est de valoriser les ressources humaines et de créer un écosystème qui s’adapte et maintient la résilience (Suresh et al, 2021). Toutes ces formes d’agilité développées dans les hôpitaux, vis-à-vis de la pandémie de la covid-19, peuvent avoir des conséquences en terme de stress professionnel. A ce titre, l’hypothèse H5 déclinée en sous hypothèses est émise : H5 : Les pratiques de l’agilité organisationnelle modèrent l’effet des stresseurs organisationnels sur le stress professionnel des cadres de santé à l’ère de la covid-19. H5a. La valorisation des ressources humaines modère l’effet des stresseurs organisationnels sur stress professionnel des cadres de santé à l’ère de la covid-19. H5b. La maîtrise du changement modère l’effet des stresseurs organisationnels sur stress professionnel des cadres de santé à l’ère de la covid-19. Aux vues de toutes nos hypothèses formulées, notre modèle conceptuel de recherche se formule comme suivant : Figure 1. Modèle de recherche
Source : développé par les auteurs 2. Méthodologie et étude empirique Notre échantillon est constitué de cadres de santé appartenant à différents champs d’expertise (infirmier, administratif, logistique et technique). Le cadre de santé étant un professionnel ayant suivi une formation de management pour avoir les capacités d’encadrer une équipe. Le choix de cette population est justifié par la problématique de l’étude, où nous avons tenté d’examiner l’impact de certaines pratiques d’agilité organisationnelle adoptées dans les établissements hospitaliers sur la réduction du stress professionnel dans un contexte particulier ; celui de la covid-19. Le questionnaire étant administré en ligne (sur la plateforme Google form), nous avons obtenu 218 réponses. L’échantillon est composé de 68.35% de femmes et 31.65% hommes 76.14% ont moins de 40 ans et 47.25% sont mariés. 2.1. Échelles de mesure -Tensions de rôle : l’échelle retenue pour évaluer les tensions de rôle est une échelle récente (Djabi et al., 2019). Elle constitue une meilleure alternative par rapport à l’échelle de Rizzo et al., (1970). En effet, cette nouvelle échelle a l’avantage de traduire les fondements conceptuels dont elle découle et a été validée dans un contexte francophone. Il s’agit d’une échelle à quatre dimensions à savoir ; les attentes contradictoires, les attentes ambiguës, les attentes excessives (charge quantitative du travail) et les attentes en conflit avec celles de l’individu. - La charge émotionnelle : composée de six items (Harris, 1989), cette échelle permet d’évaluer la fatigue psychologique engendrée par la relation et le contexte du soin. Ainsi, les
répondants sont invités à indiquer leur niveau d’accord ou de désaccord avec les six propositions de l’échelle. - Conflit Travail/Famille : l’empiètement du travail sur les responsabilités et rôles familiaux est mesuré par l’échelle de Natemeyer et al., (1996) à cinq items où les répondants sont invités à se prononcer quant à leur degré d’accord ou de désaccord par rapport aux différentes propositions. - Stress professionnel : Job Induced Tension de House et Rizzo (1972) est l’échelle unidimensionnelle retenue pour évaluer la tension manifeste chez les répondants, où ils sont amenés à indiquer leur niveau d’accord ou de désaccord par rapport à sept propositions. - Agilité organisationnelle : pour mesurer l’agilité organisationnelle, nous avons retenu deux thèmes en raison de leur pertinence par rapport à notre population d’étude (Charbonnier- Voirin, 2011). Il s’agit essentiellement du thème « pratiques orientées vers la maîtrise du changement » et celui de « la valorisation des RH ». Le premier thème est représenté à travers trois dimensions, à savoir ; la proactivité de l’établissement, la réactivité de ses équipes et enfin la capacité de l’établissement en question à communiquer sa vision stratégique. Le second thème est lui représenté à travers quatre dimensions qui sont ; Évaluation et Reconnaissance des Performances (ERP), Développement des Compétences et Partage des Connaissances (DCPC), Créativité et Amélioration Continue (CAC) et Délégation des Responsabilités (DR). 2.2. Analyse des résultats Les données recueillies en ligne ont fait l’objet d’une analyse exploratoire sous SPSS 25. L’objectif était de réduire le nombre des items. Grâce à une analyse en composantes principales, nous nous sommes proposés de déterminer qu’un même indicateur ne peut mesurer plus d’un construit (Collier, 2020). Dans une étape ultérieure, grâce à une analyse factorielle confirmatoire sous AMOS 24, nous avons tenté de rattacher chaque item au construit qu’il est supposé mesurer. C’est aussi au niveau de cette analyse que nous pouvons apprécier la fiabilité, la validité de chaque construit et de juger de la qualité psychométrique du modèle de mesure grâce à une série d’indicateurs. La fiabilité de chaque construit est appréciée à travers la fiabilité composite C.R, une meilleure alternative au coefficient alpha de Crombach, notamment lorsqu’il est question des équations structurelles (Hair et al., 2017). Pour tester les hypothèses de recherche préalablement émises, nous avons eu recours aux équations structurelles afin de réaliser une analyse en pistes causales (Path Analysis) (Roussel et al., 2002). Enfin, les liens de modération des différentes pratiques d’agilité organisationnelle ont été testés suivant la démarche de Dawson (2014). En centrant tous les indicateurs des variables du modèle afin de réduire la multi colinéarité (Aguinis, et al., 2017 ; Zhao et al., 2011), de nouvelles variables d’interaction ont été introduites en multipliant les scores des variables indépendantes avec ceux des variables modératrices. À l’issue du test des statistiques descriptives et de l’analyse exploratoire, nous avons prêté toutes les échelles à une analyse confirmatoire. Tous les items ont des loadings supérieurs à 0.7 ce qui indique une fiabilité des indicateurs (Hulland, 1999). Toutes les variances moyennes extraites (AVE) dépassent le seuil de 0.5 indiquant la validité convergente des tous les construits
(Bagozzi et Yi, 1988 ; Fornell et Larcker, 1981). De plus toutes les fiabilités composites (CR) dépassent le seuil de 0.7 reflétant une bonne cohérence interne de tous les construits. Ainsi, chaque item est sensé rendre compte du construit qu’il est supposé mesurer (Gefen et al., 2000). Par ailleurs, tous les indices d’ajustement du modèle de mesure (CFI, TLI, IFI) dépassent le seuil recommandé de 0.9 indiquant un bon ajustement du modèle par rapport aux données. Enfin, pour juger de la validité discriminante, nous devons nous assurer que nos évaluations correspondent aux critères standards, à savoir ; CR > 0,7, AVE > 0,5, CR > AVE et MaxR(H) > MSV (Hair et al., 2010 ; Malhorta et Dash, 2011). Le tableau (1.) récapitule les indicateurs issus du modèle de mesure. Pour nous assurer de l’invariance du modèle de mesure, nous avons procédé au test de la différence du khi-deux entre le modèle non contraint (χ2 = 3405.7, dl = 1872) et le modèle totalement contraint (χ2 =3474.8, dl = 1918). La différence est ainsi (χ2 = 69.1, dl = 46 ; p = 0.015). Il en ressort que le modèle est invariant. Une fois l’invariance du modèle de mesure est vérifiée, nous passons à l’examen des liens directs. Dans notre modèle, le stress professionnel est retenu comme une variable dépendante expliquée par quatre variables exogènes à savoir, des attentes ambigües, des attentes excessives, une charge émotionnelle et un empiètement du travail sur les responsabilités familiales du professionnel de santé. L’examen des résultats issus de l’analyse structurelle a révélé en effet que des attentes excessives (γ = 0.270 ; t = 2.183 ; p < 0.05) conjuguées avec un empiètement du travail sur les responsabilités et rôles familiaux (γ = 0.366 ; t = 3.36 ; p < 0.001) prédisent la manifestation du stress professionnel (R2 = 0.428). Il semble que dans notre population d’étude, les professionnels de santé ont développé une certaine familiarité avec leurs conditions spécifiques du travail de manière à ne plus ressentir une charge émotionnelle dans l’exercice de leurs fonctions. Pour tester les liens de modération, nous avons eu recours au test des effets d’interaction (Dawson, 2014). Pour pallier la multicolinéarité qui peut biaiser les résultats de l’analyse, nous avons centré et réduit les variables. Ainsi, seule la variable DCPC ou développement des compétences et partage des connaissances du thème « Valoridation des RH » semble modérer négativement l’effet du conflit travail/famille sur le stress professionnel (γ = -0.118 ; t = -2.322 ; p < 0.05). La figure (1.) Montre comment le DCPC amortit la relation positive entre le conflit travail/famille d’une part et le stress professionnel de l’autre part. Par contre, seule la dimension RCST ou la Réactivité des équipes face à la capacité de l’organisation à Communiquer sa vision stratégique, semble entretenir des liens directs négatifs avec le stress professionnel (γ = -0.147 ; t = -2.188 ; p < 0.05). Le tableau (2.) synthétise l’ensemble des liens directs et de modération. Figure1. Le Développement des Compétences et Partage des connaissances modère (réduit) la relation entre le conflit T/F et le stress.
Tableau 1. Validité et fiabilité du modèle de mesure T de AVE Construits Student (MSV ;MaxR(H)) Loadings Standardisés Tensions de rôle au travail (Djabi et al., 2019) Attentes ambiguës (C.R. = .80) .67 (.16 ; .81) Je manque d’indications pour savoir comment réaliser mon travail. .86 6.64 Globalement, les attentes vis-à-vis de mon travail restent assez floues. .77 ** Attentes excessives (Charge de travail quantitative) (C.R. = .74) .58 (.46 ; .74) Je me sens surchargé(e) par tous les comptes-rendus/Reportings que je dois faire. .77 8.98 Il y a tellement de choses à faire qu’il est difficile d’être performant en tout. .76 ** Charge émotionnelle de travail (Harris , 1989) (C.R. =.91) .62 (.17 ; .91) Dans mon travail je suis confronté(e) à des questions de Vie ou de mort. .74 10.31 Dans mon travail, je côtoie des personnes souffrantes ou en fin de vie. .79 12.13 Dans mon travail je dois m’occuper de patients difficiles. .82 13.14 Dans mon travail, je dois consoler des personnes en deuil. .77 12.14 Dans mon travail, je dois faire face à des personnes agressives. .81 12.41
Je dois gérer l’entourage et la famille des patients. .78 ** Conflit Travail/Famille (Netemeyer et ali., 1996) (C.R. = .91) .67 (.46 ; .91) Les charges du travail perturbent ma vie familiale. .83 12.56 Les charges de mon travail me stressent tellement qu'il m'est difficile de faire face à mes devoirs familiaux. .87 13.18 Les charges de mon travail ne me permettent pas d'accomplir certaines choses chez moi à cause des exigences de mon travail. .85 12.81 Les charges de mon travail sont tellement importantes qu'il m'est difficile d'accomplir mes responsabilités familiales. .78 11.71 Les charges de mon travail perturbent ma vie familiale .75 ** Stress (House et Rizzo, 1972) (C.R. =.84) .57 (.35 ; .84) Je me sens agité(e) et nerveux (se). .79 10.41 Cela m’empêche de dormir la nuit. .76 10.11 Cela tend à influencer directement ma santé. .74 9.88 Souvent je me sens complètement faible à cause de cette situation. .72 ** Maîtrise du changement (Charbonnier-Voirin, 2011) Proactivité (C.R. =.81) .58 (.41 ; .81) Mon établissement développe une culture du changement auprès du personnel. .75 9.73
Mon établissement nous permet de saisir de nouvelles opportunités pour se développer. .81 10.17 Mon établissement crée et innove en permanence pour devancer les autres organismes. .73 ** Réactivité des équipes face à la capacité de l’organisation à communique sa vision stratégique (C.R. =.86) .67 (.41 ; .88) Nos équipes s’adaptent très rapidement à des évolutions majeures en lien avec la situation actuelle. .70 11.41 Les informations concernant mon établissement et ses plans d’action sont diffusées à tous les niveaux, en des termes compréhensibles par tous. .86 14.48 Nos équipes sont informées des transformations à venir et de leur déroulement. .87 ** Valorisation des Ressources Humaines (Charbonnier-Voirin, 2011) Évaluation et Reconnaissance des Performances (C.R. =.84) .63 (.45 ; .84) L'établissement fixe pour chaque membre du personnel des objectifs individuels clairs. .73 11.12 L'établissement met en place un système d’évaluation, où chaque salarié peut facilement faire le lien entre son activité propre et l’activité globale. .81 12.32 Les contributions individuelles au succès organisationnel sont précisément évaluées. .83 ** Développement des compétences et partage des connaissances (C.R. =.87) .69 (.45 ; .89) Tout nouveau savoir crucial pour l'établissement est rapidement transmis. .80 ** L'établissement organise la gestion et le partage des connaissances et savoir-faire entre les membres du personnel. .91 14.33
Les compétences du personnel sont développées en prévision des futures évolutions de l’établissement. .79 12.45 Statistiques d’ajustement du modèle (χ2 = 734.47 ; df = 395 ; CFI = 0.91 ; TLI = 0.90 ; IFI = 0.91 ; RMSEA = 0.06). ** = Éléments contraints pour identification. C.R. = Composite Reliability. AVE = Average Variance Extracted. MSV = Maximum Shared Variance. MaxR (H) = Maximum Reliability.
Tableau 2. Résultats de l’analyse en pistes causales sous AMOS Variables Variables indépendantes Coefficients de T de Student dépendantes régression Attentes excessives γ = 0.370 4.623* Stress Conflit travail/famille γ = .324 4.422* R2 = 0.548 RCST γ = -0.147 -2.188** InterCFTDCPC γ = -0.08 -2.004** RCST = Réactivité des équipes et capacité de communication de la vision stratégique. InterCFTDCPC = effet d’interaction entre CFT et DCPC (*) p < .001 ; (**) p < .05 3. Conclusion et implications Depuis janvier 2020, le globe entier est contraint à faire face à une pandémie qui appelle la réactivité des hôpitaux. La covid-19 est venue influencer « en première ligne » les cadres de santé. A ce titre, ces derniers sont d’ores épuisés par des multiples réformes et transformations organisationnelles (Rivière et al., 2019). De nombreux travaux ont étudié le stress professionnel des professionnels de santé à l’ère de la covid-19. Notre papier s’inscrit dans cette optique. Notre recherche montre l’effet néfaste de la pandémie de la covid-19 en termes de tensions de rôle et de stress professionnel sur les cadres de santé. En outre, nous avons tenté d’étudier l’effet de l’agilité organisationnelle à atténuer le stress de ces derniers. A cet effet, la littérature met l’accent sur les tensions de rôle des cadres de santé avant l’ère de la covid-19 (Rivière, 2019; Rivière et al.,2019; Miri et al. 2014). En continuité de ces travaux, nous avons analysé différentes formes des stresseurs organisationnels chez les cadres de santé français à l’ère de la pandémie de la covid-19. Cette recherche révèle que la crise sanitaire active plusieurs types de tensions de rôle. Bien que les cadres de santé ont été l’« acteur pivot » (Rivière et al., 2019) et ont fait face à une augmentation drastique des patients et des interlocuteurs (Pitchot, 2020; Segers, 2020). Ces derniers ont souffert des risques liés à la pandémie de la covid-19. Elle a accentué les contraintes de ces derniers et engendré des réactions vis-à-vis de cet environnement en pleine incertitude, complexité et ambiguïté. Nos résultats indiquent que les stresseurs organisationnels, précédemment cités, impactent positivement le stress professionnel. Bien que les scores relatifs de ces derniers sont peu élevés. Néanmoins, ils sont significatifs. En cela, corroborent les résultats de Rivière
(2019) ; Rivière et al.,( 2019) et Miri et al. (2014), qui stipulent que les tensions de rôle engendrent un stress professionnel chez les cadres de santé. Nos résultats valident aussi les apports de la théorie des rôles de Kahn et al., (1964), du modèle du processus séquentiel de Katz et Kahn (1966), du modèle bi-dimensionnel (« Job Demands») de Karasek (1979) et du modèle « Job Demands-Resources » de Demerouti et al. (2001) qui ont indiqué que les tensions de rôle (stresseurs organisationnels) peuvent déclencher des réactions de stress professionnel. Dans la lignée des travaux de Rivière et al., (2019), nous avons différencié l’impact relatif des différents stresseurs organisationnels étudiés sur le stress professionnel des cadres de santé. Entre autre, confortent les résultats de ces derniers. En effet, nous avançons, avec précaution, que l’impact de la crise sanitaire engendre du stress à cause des attentes excessifs ou la charge quantitative du travail. En effet, Rivière et al., (2019) ont constaté que la surcharge de travail quantitative est le plus important prédicteur du stress professionnel chez les cadres de santé à l’encontre de la charge de travail émotionnelle qui n’a pas un impact significatif sur le stress de ces derniers. A ce titre, nos résultats semblent s’orienter vers le même sens. En effet, il s’avère que ces professionnels de santé sont d’ores et déjà épuisés avant même le démarrage de la crise sanitaire et à cause des énormes transformations liées à la réforme du Nouveau Management Public (Rivière, 2019; Rivière et al., 2019). Ils ont souffert des attentes excessives, une surcharge de travail phénoménale et un rythme sans répit. La charge de travail a été quantitative avec des attentes excessives face à l’accroissement exponentiel du nombre des personnes contaminées et nécessitant des soins intensifs. Ces derniers ont évolué dans une ambiance lourde à cause du fait qu’ils ont été confrontés en permanence à la souffrance et à la mort. Les exigences excessifs des autorités politiques, le changement récurent du protocole sanitaire, la pression des familles en termes des informations sur les patients hospitalisés et isolés, les craintes de la dégénération de la situation et la saturation des hôpitaux, la phobie de devoir choisir entre les malades et l’attente des résultats efficaces vis-à-vis de la maladie sont autant des facteurs qui ont alourdi la charge de travail des cadres de santé (Pitchot, 2020 ; Segers, 2020). Tous ces facteurs ont représenté un principal prédicteur du stress professionnel. Par ailleurs, et encore une fois dans la même lignée de Rivière et al., (2019), la charge émotionnelle de ce cadre de santé n’a pas représenté un facteur significatif du stress. Il semble que le cloisonnement des malades covid-19 dans des services spécifiques a écarté les risques de contamination et a conforté nos professionnels de santé. Le conflit de rôle entre la vie professionnelle et la vie familiale apparaît comme le deuxième facteur prédicteur du stress professionnel pour les cadres de santé. Nos résultats corroborent ceux de Rivière et al., (2019) et Rivière (2019). A ce titre, notre étude indique que la séparation des cadres de santé de leurs familles et leurs craintes de contracter le virus et de contaminer leurs proches est stressant. Il semble logique que le chamboulement total du rythme familiale, l’éloignement et la distanciation familiale imposés à ces cadres de santé qui ont majoritairement des enfants à charge ont un effet positif sur le stress professionnel. De
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