En 2022 - ANALYSE APPROFONDIE EPRS | Service de recherche du Parlement européen - European Union

 
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En 2022 - ANALYSE APPROFONDIE EPRS | Service de recherche du Parlement européen - European Union
ISSN 2600-2698

                                    Dix questions
                                     essentielles
                                       à suivre
                                       en 2022

         ANALYSE APPROFONDIE
EPRS | Service de recherche du Parlement européen
                   Auteur: Étienne Bassot
           Service de recherche pour les députés
                 PE 698.852 – Janvier 2022                          FR
En 2022 - ANALYSE APPROFONDIE EPRS | Service de recherche du Parlement européen - European Union
La présente publication de l’EPRS a pour objectif de mettre en contexte dix questions et domaines
d’action essentiels, susceptibles de figurer dans le débat public et parmi les priorités politiques de
l’Union européenne en 2022, et d’offrir un éclairage à leur sujet. Elle a été coordonnée et révisée par
Isabelle Gaudeul-Ehrhart du Service de Recherche pour les Députés, à partir des contributions des
analystes thématiques suivants: Michael Adam (Internet des objets: Garantir le passage aux
appareils connectés dans l’Union), Alessandro d’Alfonso (Modeler la reprise économique), David De
Groot (Égalité de traitement à l’égard des personnes LGBTIQ: Somewhere over the rainbow), Martin
Höflmayr (Politique monétaire de la BCE: Prise entre le marteau et l’enclume), Beatrix Immenkamp
(Un nouvel élan pour la non-prolifération des armes nucléaires?), Silvia Kotanidis (En terre inconnue:
Que peut-on attendre après la Conférence sur l’Avenir de l’Europe?), Elena Lazarou (En avant avec la
défense européenne), Henrique Simões (Dissociation radicale: atteindre la neutralité carbone tout
en maintenant la croissance économique), Guillaume Ragonnaud (Garantir l’approvisionnement de
l’Europe en semi-conducteurs), Rachele Rossi (Agriculture durable: Mission possible?). L’image de
couverture a été réalisée par Samy Chahri.
De plus amples informations sur les propositions législatives de l’Union européenne en cours, y
compris toutes celles visées dans le présent document, sont disponibles en anglais sur le calendrier
en ligne du Parlement européen, le train législatif, à l’adresse suivante:
http://www.europarl.europa.eu/legislative-train/.

VERSIONS LINGUISTIQUES

Original: EN

Traductions: DE, FR

Manuscrit achevé en janvier 2022.

CLAUSE DE NON-RESPONSABILITÉ ET DROITS D’AUTEUR

Le présent document est rédigé à l’attention des députés et du personnel du Parlement européen dans le but
de les aider dans leur travail parlementaire. Le contenu de ce document relève de la responsabilité exclusive
des auteurs et les avis qui y sont exprimés ne reflètent pas nécessairement la position officielle du Parlement
européen.

Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source et
information préalable et envoi d’une copie au Parlement européen.

Bruxelles, © Union européenne, 2022.

Crédits photo: Elnur, Rawpixel, nito, Blue Planet Studio, naka, Sina Ettmer, milanmarkovic78, AYAimages,
Argus, Davide Zanin sur ©Adobe Stock.

PE 698.852
ISBN: 978-92-846-8839-5
ISSN: 2600-2698
DOI:10.2861/991968
QA-BR-22-001-FR-N

eprs@ep.europa.eu
http://www.eprs.ep.parl.union.eu/ (intranet)
http://www.europarl.europa.eu/thinktank (internet)
http://epthinktank.eu (blog)
En 2022 - ANALYSE APPROFONDIE EPRS | Service de recherche du Parlement européen - European Union
Dix questions essentielles à suivre en 2022

Table des matières

Introduction __________________________________________________________________ 1

1. Dissociation radicale: Atteindre la neutralité climatique tout en maintenant la croissance
économique __________________________________________________________________ 3

2. Garantir l’approvisionnement de l’Europe en semi-conducteurs ______________________________ 6

3. Agriculture durable: Mission possible? ____________________________________________ 9

4. Un nouvel élan pour la non-prolifération des armes nucléaires? _______________________ 12

5. Modeler la reprise économique ________________________________________________ 15

6. Politique monétaire de la BCE : Prise entre le marteau et l’enclume ____________________ 18

7. Internet des objets: Garantir le passage aux appareils connectés dans l’Union ___________ 21

8. En terre inconnue: Que peut-on attendre après la Conférence sur l’Avenir de l’Europe? ____ 24

9. Égalité de traitement à l'égard des personnes LGBTIQ: Somewhere over the rainbow _____ 27

10. En avant avec la défense européenne __________________________________________ 30

Lectures complémentaires ______________________________________________________ 33

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En 2022 - ANALYSE APPROFONDIE EPRS | Service de recherche du Parlement européen - European Union
Dix questions essentielles à suivre en 2022

Introduction
Deux années de pandémie nous ont appris − institutions, chercheurs et citoyens confondus − à quel
point les questions qui nous préoccupent actuellement concernent le monde entier. Qu’il s’agisse
de la lutte contre le virus, du changement climatique ou de la sécurité des chaînes
d’approvisionnement, la pandémie nous a fait prendre davantage conscience de notre destinée
commune. Les questions mondiales nécessitent des solutions mondiales et un rôle de chef de file
au niveau mondial − des solutions susceptibles d’inspirer d’autres pays et continents du monde
entier.

Pour nous aider à comprendre ces enjeux mondiaux et à donner un sens aux événements actuels,
le Service de Recherche du Parlement européen (EPRS) a demandé à ses analystes thématiques de
choisir dix questions essentielles à suivre en 2022. Réduire à dix thèmes tout ce qui se passe
d’important en Europe et dans le monde est, par définition, un exercice subjectif. Cela peut
néanmoins être l’occasion de donner un coup de projecteur sur des sujets d’une importance
évidente mais aussi d’une pertinence pour ce rôle de chef de file au niveau mondial. L’EPRS a ensuite
chargé les experts sélectionnés d’expliquer pourquoi ces questions seront particulièrement
importantes en 2022 et ce que l’année à venir nous réserve. En ce qui concerne d’autres sujets
importants toujours d’actualité, comme les migrations aux frontières de l’Europe et la situation en
Ukraine, les lecteurs trouveront nos analyses dans les éditions précédentes de la présente
publication (répertoriées à la section «Lectures complémentaires») et dans les milliers de
publications en ligne ou en version papier mises à disposition par l’EPRS au fil des années.

Alors que l’édition précédente de cette publication et son événement de lancement avaient mis en
exergue l’interdépendance des questions choisies, le thème sous-jacent de cette édition 2022 est
bien le caractère mondial de ces questions. Cette considération est présente tant dans les
contributions écrites que dans la représentation visuelle des dix questions figurant en couverture
de la présente publication. Les dix thèmes choisis touchent le monde entier – atteindre la neutralité
climatique tout en maintenant la croissance économique, garantir les chaînes
d’approvisionnement, se diriger vers une agriculture durable, garantir la non-prolifération des
armes nucléaires – ou présentent des normes, des solutions ou des pistes pour l’avenir qui
pourraient être adoptées dans le monde entier. Il s’agit notamment de modeler la reprise, de trouver
le juste équilibre en matière de politique monétaire afin de soutenir la reprise par des conditions de
financement favorables tout en luttant contre l’inflation, de définir des normes concernant l’internet
des objets, du potentiel de l’expérience de démocratie participative réellement novatrice que
représente la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, de la vision d’un continent sur lequel les citoyens,
dans toute leur diversité, sont égaux, et de renforcer l’Union européenne de la défense à l’heure où
l’Union européenne connaît une certaine «solitude» dans les relations transatlantiques et doit
définir son propre «récit», pour citer l’analyse géopolitique de Luuk van Middelaaar.

L’année 2022 marquera la troisième année d’une pandémie qui est loin d’être terminée, même si la
résilience des populations et des sociétés a été mise à l’épreuve à l’extrême. Mais 2022 signifie
également que les prochaines élections européennes ne sont plus que dans deux ans, alors que
l’Union européenne a démontré sa capacité à rebondir sur une série de questions, à façonner son
avenir et à montrer son rôle de chef de file au niveau mondial, et pour lesquelles le Parlement
européen joue un rôle d’avant-garde. Cette édition 2022 apporte quelques lueurs d’espoir au début
d’une année déterminante.

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EPRS | Service de recherche du Parlement européen

Nous espérons que vous lirez avec plaisir cette dernière édition des «Dix questions essentielles à
suivre», et que cette lecture alimentera vos réflexions et stimulera votre curiosité au fur et à mesure
que vous prendrez connaissance des enjeux et des perspectives de l’année 2022.

Étienne Bassot

Directeur du service de recherche pour les députés,
Service de recherche du Parlement européen (EPRS)

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Dix questions essentielles à suivre en 2022

1. Dissociation radicale: Atteindre la neutralité climatique
tout en maintenant la croissance économique
                      La neutralité climatique et le pacte vert pour l’Europe
                     Le pacte vert pour l’Europe, adopté en 2019, est une stratégie visant à assurer
                     la croissance économique tout en réduisant les dommages causés à
                     l’environnement – souvent qualifiée de «croissance verte». Le plan cible de
                     l’Union européenne en matière de climat, adopté moins d’un an plus tard, pose
                     les bases des mesures au titre du pacte vert pour l’Europe. Il examine les options
stratégiques et présente dix scénarios stratégiques différents. L’analyse d’impact accompagnant le
plan cible en matière de climat montre qu’il est possible de parvenir à la neutralité climatique, c’est-
à-dire à une réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 et à des
émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici à 2050, tout en maintenant la croissance
économique à travers l’Union.

Dissociation entre les émissions et l’activité économique
Depuis le milieu du XXe siècle, les pays utilisent le
                                                        Le PIB et les émissions de GES dans
produit intérieur brut (PIB) comme indicateur
                                                        l’Union et dans le monde: dissociations
privilégié pour mesurer leur santé économique.
                                                        absolue et relative
Autrefois, les émissions de GES et le PIB étaient
liés, ce qui signifie que si l’un augmentait ou         Entre 1990 et 2018, le PIB mondial a progressé de
                                                        près de 279 %, alors que les émissions de GES ont
baissait, l’autre évoluait dans le même sens.           augmenté de 54 %. Au cours de la même période,
Certains pays sont toutefois parvenus à affaiblir       le PIB de l’Union a progressé de 146 % tandis que
ce lien soit en agissant sur leur système               les émissions de GES ont baissé de 22 %.
énergétique (par exemple, par des évolutions
                                                        Au cours de cette période, l’Union européenne a
dans le domaine de l’efficacité énergétique ou          montré les signes d’une dissociation absolue
par l’adoption de sources d’énergie à faible            (les émissions ont baissé alors que le PIB a
teneur en carbone), soit en modifiant leurs             continué d’augmenter). Au niveau mondial, les
activités économiques (par exemple, par une             émissions et le PIB ont augmenté mais cette
orientation en faveur des biens et services de          augmentation est caractérisée par une
                                                        dissociation relative, c’est-à-dire que le PIB a
haute technologie au détriment des industries
                                                        augmenté plus rapidement que les émissions de
lourdes). La dissociation entre les émissions de        GES.
GES et le PIB peut être relative ou absolue (voir
                                                        Source des données: Banque mondiale.
l’encadré).

La prise en considération des émissions de GES
joue un rôle important dans l’élaboration de la stratégie en matière de climat, et la base utilisée peut
marquer une différence cruciale. Une prise en considération axée sur les émissions liées à la
production constitue la norme dans la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements
Climatiques ainsi que dans le cadre de l’élaboration des politiques nationales et de l’Union. Les
émissions prises en considération dans le calcul des émissions liées à la production sont celles issues
de la production de biens et de services dans une région donnée. Cependant, les pays sont aussi
responsables d’autres émissions associées à la production et au transport de marchandises
importées. L’existence de cette lacune dans le cadre des émissions liées à la production est
compensée par la prise en considération des émissions liées à la consommation, c’est-à-dire par une
analyse des émissions liées à la consommation et pas uniquement celles liées à la production. Les

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émissions liées à la consommation incluent les émissions directes liées aux importations (et
exportations), qui sont ajoutées aux émissions totales (ou en sont déduites).

Quelle que soit la méthode de prise en considération adoptée, et étant donné qu’une grande partie
des mesures les plus faciles ont déjà été adoptées, parvenir à des émissions nettes de GES nulles
d’ici au milieu du siècle tout en maintenant la croissance économique nécessitera une dissociation
radicale − en d’autres termes, rompre le lien qui continue d’exister entre l’économie et les émissions
de GES.

Dissociation radicale – Rompre le lien entre les émissions et le PIB.
Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 et finalement opérer une dissociation
radicale entre les émissions et la croissance économique, il sera indispensable de modifier nos
comportements et nos modes de vie, de réaliser de nouveaux progrès technologiques ainsi que
d’énormes investissements récurrents et de faire avancer la recherche et le développement.

Les différents secteurs concernés rencontreront des difficultés à la fois distinctes et communes. Le
secteur agricole peut réduire son empreinte carbone (et même contribuer à l’élimination des GES)
en partageant de bonnes pratiques, en se servant de nouvelles technologies et en s’adaptant à
l’évolution des préférences des consommateurs (voir la section 3). Les industries lourdes, à l’origine
de plus d’un tiers des émissions de CO2 dans le monde, devraient tirer parti des percées
technologiques telles que l’utilisation de l’hydrogène propre dans la sidérurgie, à la place du
charbon et du coke. La généralisation des véhicules électriques alimentés par l’électricité
renouvelable ainsi que la mise en place d’une infrastructure de soutien permettront au secteur des
transports de s’orienter vers la neutralité carbone. Les avancées dans la technologie des batteries
joueront elles aussi un rôle essentiel dans la réduction du poids et l’augmentation de l’autonomie
des véhicules électriques et dans le maintien d’une alimentation en électricité basée à 100 % sur
l’énergie renouvelable. Dans chaque secteur, il est possible d’accélérer la dissociation radicale par
des points de basculement positifs accompagnés de changements de comportement.

Le rôle de la croissance économique
La plupart des économistes s’accordent à dire que la croissance économique est susceptible de
favoriser le bien-être sociétal et l’équité. La croissance économique permet aux pays de taxer les
revenus et d’utiliser les ressources réunies pour améliorer les infrastructures, fournir des biens
communs et répondre aux besoins des citoyens, tout en réalisant les investissements nécessaires à
la dissociation radicale.

D’autres économistes mettent en doute la nécessité d’une croissance économique. Parmi les
propositions d’approches «post-croissance» figurent notamment: la décroissance, l’a-croissance, le
ralentissement de la croissance, l’économie stable ou encore la «théorie du donut». La décroissance
a été définie comme une «diminution équitable de la production et de la consommation qui
augmente le bien-être humain et améliore les conditions écologiques au niveau local comme au
niveau mondial à court terme et à long terme». Les partisans de cette idée affirment qu’une
croissance économique non contrôlée peut entraîner une pénurie de ressources, une dégradation
de l’environnement et des taux d’inégalité et de pauvreté plus élevés.

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Dix questions essentielles à suivre en 2022

Comment mesurer la réussite
Les débats actuels visant à aller au-delà du PIB comme instrument de mesure du progrès ne datent
pas d’hier. Les problèmes liés au PIB sont divers: le PIB ne prend pas en considération les interactions
non monétaires ; il ne tient pas compte de l’évolution du capital humain ni des différences
culturelles ; il comptabilise toutes les dépenses du côté positif et ignore l’environnement. D’autres
mesures ont été proposées au fil des années, telles que la prise en considération du capital naturel,
l’indice de développement humain, l’indicateur de progrès véritable, l’empreinte écologique et
l’indice de planète heureuse. Il n’en reste pas moins que nous devons maintenant réduire
rapidement les émissions de GES, quelle que soit la mesure utilisée. En mars 2021, dans sa résolution
«sur le Semestre européen pour la coordination des politiques économiques: Stratégie annuelle
2021 pour une croissance durable», le Parlement européen a proposé d’inclure un indicateur
climatique lors du Semestre européen afin d’intégrer la réalisation des objectifs climatiques au cadre
de gouvernance économique de l’Union.

Dans la recherche de la neutralité climatique, il est important de ne pas ignorer les problèmes
environnementaux, outre les problèmes climatiques et les limites planétaires. Pour parvenir à la
neutralité climatique d’ici à 2050, il est impératif de dissocier radicalement l’activité économique des
dommages environnementaux et de la consommation de ressources. Différentes initiatives lancées
dans le cadre du pacte vert pour l’Europe ont commencé à traiter ces questions, comme la stratégie
en faveur de la biodiversité et les plans d’actions zéro pollution et en faveur de l’économie circulaire.

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2. Garantir l’approvisionnement de l’Europe en semi-conducteurs
                      La pandémie a mis en lumière des vulnérabilités de longue date dans les
                      chaînes d’approvisionnement mondiales et la pénurie sans précédent de semi-
                      conducteurs en est un excellent exemple. Ce problème, qui devrait persister
                      pendant une bonne partie de l’année 2022 et même après, illustre parfaitement
                      ce que les prochaines années nous réservent en ce qui concerne les pénuries
                      provoquant un ralentissement de la production et de la reprise ainsi qu’une
                      hausse des coûts et des prix.

Semi-conducteurs: les moteurs de l’économie numérique
Tout comme le moteur à vapeur, les semi-conducteurs (souvent appelés «circuits intégrés»,
«(micro)puces» ou «(micro)processeurs») sont l’une des rares «technologies d’application générale»
– des innovations marquantes qui ont ouvert de nouvelles ères de progrès technique et de
croissance économique. Les puces ont permis le développement des technologies de l’information
et la transition numérique que nous connaissons actuellement. Les trois principales catégories de
puces sont les suivantes: les puces logiques – les «cerveaux» des appareils électroniques, qui
exécutent des opérations de traitement complexes; les puces à mémoire, qui stockent l’information;
et les puces discrètes, analogiques et autres («discrete, analog and others», DAO) telles que les
régulateurs de tension ou les capteurs optiques. Les avancées dans la technologie de production
des puces sont généralement décrites comme des «nœuds technologiques», par référence à la taille
en nanomètres (nm) des jonctions au sein des transistors (les composants essentiels des puces). Les
puces les plus avancées reposent sur les plus petits nœuds (en deçà de 10 nm) et se composent de
dizaines de milliards de transistors. La carte de circuit imprimé de n’importe quel appareil
électronique contient en général de multiples semi-conducteurs. Utilisées dans une très large
gamme de produits, allant des ordinateurs aux dispositifs médicaux, aux réseaux 5G et aux systèmes
d’intelligence artificielle (IA) ou encore aux dispositifs de sécurité et de défense, les puces sont
désormais omniprésentes. Elles déterminent les caractéristiques des produits auxquels elles sont
intégrées, y compris leurs performances énergétiques et leurs caractéristiques de sécurité.

La fabrication de puces est extrêmement complexe. Elle comprend trois phases principales: la
conception de la puce; la production (dans des «fonderies»), soit la phase la plus coûteuse (une
fonderie de production de puces avancées coûte environ 20 milliards US$); et enfin l’assemblage,

Illustration 1 – Chaîne d’approvisionnement mondial en puces électroniques

Sources: Semiconductor Industry Association, 2021.

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Dix questions essentielles à suivre en 2022

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Illustration 2 – Capacité de fabrication mondiale par               phase nécessitant le plus de main-
région, 2019 (%).                                                   d’œuvre.              La           chaîne
                                                                    d’approvisionnement nécessite aussi
                                                                    environ 300 intrants, comme des
                                                                    plaques de silicium, des gaz et des
                                                                    substances chimiques d’une pureté
                                                                    extrême, ainsi que 50 catégories
                                                                    d’équipement de fabrication de haute
                                                                    technologie. Au total, la production
                                                                    d’une puce compte plus de
                                                                    1 000 étapes, avec 70 passages de
                                                                    frontières     internationales,      avant
                                                                    d’arriver au client final (illustration 1).
                                                                    Un grand producteur de semi-
                                                                    conducteurs peut faire appel à
                                                                    16 000 fournisseurs établis dans le
                                                                    monde         entier.     La       chaîne
Source des données: Semiconductor Industry Association, 2021.       d’approvisionnement mondiale est
                                                                    caractérisée par une spécialisation
                                                                    géographique             et            des
     interdépendances profondes. Elle compte plus de 50 goulots d’étranglement, c’est-à-dire des
     maillons pour lesquels une seule région détient plus de 65 % de la part de marché mondial. Ces
     caractéristiques rendent la chaîne d’approvisionnement vulnérable aux perturbations provoquées
     par les catastrophes naturelles, les défaillances des infrastructures, les cyberattaques et les tensions
     géopolitiques. Une analyse plus approfondie de l’illustration 2 montre que 92 % de la capacité de
     fabrication mondiale pour les puces de pointe se situe à Taïwan, tandis que seuls quatre des
     35 principaux producteurs de semi-conducteurs au monde sont établis en Europe.

     Pénuries de puces probables en 2022 et après
     Les voitures modernes intègrent des centaines de semi-conducteurs. Au début de la pandémie,
     l’industrie automobile, anticipant un effondrement des ventes, a annulé des commandes de puces,
     tandis que les producteurs de puces ont adapté leurs lignes de production de puces pour répondre
     à la demande croissante de puces utilisées dans les ordinateurs et les smartphones provoquée par
     la transition rapide vers une économie du télétravail. Fin 2020 cependant, les ventes de voitures ont
     repris plus rapidement que prévu. En outre, plusieurs phénomènes météorologiques extrêmes ont
     eu une incidence sur la chaîne d’approvisionnement en processeurs: une tempête hivernale au
     Texas, une grave sécheresse à Taïwan, deux incendies dans une usine de Taïwan, un autre incendie
     dans une usine japonaise ainsi que des foyers de COVID-19 ayant entraîné des fermetures d’usines,
     par exemple en Malaisie. Par conséquent, on estime que les problèmes d’approvisionnement en
     véhicules causés par la pénurie de puces auront coûté à l’industrie automobile mondiale en 2021
     environ 210 milliards de dollars des États-Unis. Les pertes de production de véhicules devraient
     s’élever à 7,7 millions en 2021. Au début de l’année 2021, l’incidence de la pénurie de semi-
     conducteurs s’était propagée à toute l’économie mondiale et touchait, entre autres, les secteurs des
     appareils électroménagers, des réseaux et des équipements médicaux, des smartphones, tablettes
     et ordinateurs ou encore des consoles de jeu. Ces pénuries ont notamment entraîné une
     augmentation des coûts pour l’industrie ainsi qu’une hausse des prix pour les consommateurs, et
     ont ralenti la reprise en Europe. Les pénuries de puces, qui concernent principalement les puces

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«anciennes» (conçues il y a plus de dix ans), vont probablement se poursuivre en 2022 et peut-être
même jusqu’en 2024, étant donné que la plupart des solutions à ces pénuries nécessitent une
longue période de mise en place (la construction d’une nouvelle usine, par exemple, dure entre
deux et trois ans). Par ailleurs, même si les dépenses d’investissement par les producteurs de puces
ont augmenté et atteindront 146 milliards US$ en 2021 (une hausse de 33 % par rapport à 2020), un
sixième seulement des montants investis sera consacré aux segments de puces subissant les retards
les plus importants.

Garantir l’approvisionnement en puces sera coûteux
Au cours des dix prochaines années, ce secteur va devoir investir environ 3 000 milliards US$ dans
la recherche et le développement et dans des investissements en capital pour répondre à la
demande croissante. En outre, les concurrents de l’Union européenne ont apporté une aide massive
à leurs secteurs des puces: le soutien du gouvernement chinois en faveur de son secteur pourrait
atteindre 200 milliards US$ entre 2015 et 2025, et le gouvernement américain prévoit de dépenser
52 milliards US$ en faveur du secteur. Une proposition de législation européenne sur les semi-
conducteurs est prévue pour début 2022.

8
Dix questions essentielles à suivre en 2022

3. Agriculture durable: Mission possible?
                      L’année 2022 marque à la fois le 60e anniversaire de la politique agricole
                      commune (PAC) et une étape décisive vers l’agriculture durable. Deuxième
                      poste de dépenses le plus important au titre du budget de l’Union, la PAC est le
                      principal cadre législatif régissant l’agriculture dans l’Union européenne et
                      contribuant à la façonner au moyen d’un large éventail d’instruments de
                      financement. La PAC est complétée par d’autres éléments de législation
européenne (par exemple, les nouvelles règles à venir sur l’utilisation de pesticides et sur
l’élimination du CO2 dans les exploitations agricoles). Avec le temps, les besoins émergents et les
attentes sociétales ont mis en lumière de nouveau objectifs au titre de la PAC (par exemple, protéger
l’environnement et préserver les ressources naturelles). Ces objectifs sont venus s’ajouter aux
premiers objectifs énoncés à l’article 39 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
(TFUE) (axés essentiellement sur la sécurité alimentaire, la modernisation des structures des
exploitations agricoles et le renforcement de la compétitivité agricole). Adoptée fin 2021, la PAC
pour l’après 2022 impose aux États membres d’établir un plan stratégique pour la PAC indiquant
comment ils comptent affecter les fonds de la PAC. Ces plans devront faire l’objet d’une discussion
avec la Commission et devront être approuvés par cette dernière dans le courant de l’année 2022.
Le 60e anniversaire de la PAC marquera-t-il, grâce à ces décisions stratégiques, le début d’une
politique agricole européenne plus durable sur le plan environnemental? Reste à espérer que
l’agriculture fera partie de la solution aux crises environnementale et climatique.

Agriculture et environnement: des liens étroits
L’agriculture utilise des ressources naturelles pour produire des aliments et d’autres produits de
base. Par conséquent, la production agricole entraîne, par définition, une certaine altération de
l’environnement (pour les terres comme pour les animaux). Toutefois, les graves perturbations de
l’écosystème provoquées par les pratiques agricoles non durables mettent en péril sa capacité
productive et, donc, la production agricole elle-même. Parmi les pratiques inappropriées figurent
notamment la surexploitation de ressources telles que les végétaux, les sols, l’eau et les animaux
(avec l’apparition récurrente de maladies zoonotiques dans les systèmes d’élevage intensif), l’abus
d’intrants externes comme les pesticides et engrais, ainsi que l’irrigation et la mécanisation
intensives. Ces pratiques réduisent la biodiversité en raison de la disparition de certaines espèces
(ce qui menace également les pollinisateurs indispensables à l’agriculture puisqu’ils assurent la
reproduction des végétaux), la dégradation des sols (pouvant aller jusqu’à une désertification
rendant la production impossible), la pollution de l’eau due aux flux agrochimiques (comme la
libération dans l’environnement de l’azote contenu dans les engrais), etc. Le déclin de la biodiversité
au cours des dernières décennies est sans précédent dans l’histoire de l’humanité, et les
changements dans l’utilisation des sols (qui s’expliquent en grande partie par l’expansion agricole)
ont un effet principalement négatif sur la nature.

L’agriculture en période de changement climatique
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de l’agriculture contribuent au changement
climatique. La conversion de forêts et de prairies en terres arables, l’élevage intensif et la décharge
de déchets organiques sont autant d’exemples de facteurs liés à l’agriculture qui contribuent au
changement climatique. Dans l’Union européenne, les émissions de GES provenant de l’agriculture
(liées principalement aux processus digestifs du bétail, à la gestion du fumier, à l’utilisation d’engrais

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et à la culture du riz) ont diminué depuis les années 1990 mais restent stables depuis quelques
années. En revanche, le changement climatique constitue une menace pour l’agriculture. Si les
principales conséquences du changement climatique sur la production alimentaire se limitent
actuellement à certaines régions du monde, des projections récentes montrent que l’incidence du
changement climatique sur le rendement des récoltes dans d’autres régions pourrait se faire sentir
plus tôt que prévu. L’Europe n’est pas hors de danger puisque des événements climatiques et
météorologiques extrêmes perturbent déjà l’agriculture (par des pénuries d’eau, des incendies de
forêts, des inondations, etc.). Les projections prévoient des pertes d’habitat, une expansion des
zones arides et une baisse de la productivité des récoltes dans certaines régions d’Europe
méridionale, ainsi qu’une baisse de la production de lait, une dégradation de la santé des animaux
dans le secteur laitier, etc.

Soixante ans de développement agricole... mais cela se paye
Les politiques agricoles peuvent constituer une force positive vers l’agriculture durable, mais aussi
une force négative. Au cours des soixante dernières années, la PAC a permis d’augmenter la
productivité agricole en Europe (qui est désormais autonome pour la plupart des produits), de
proposer aux consommateurs des denrées alimentaires abordables et d’apporter une aide au
revenu des agriculteurs. Ces résultats ont toutefois un coût environnemental. Les préoccupations
environnementales ont gagné en importance au cours des réformes successives de la PAC: l’opinion
publique considère de plus en plus que la principale priorité de la PAC devrait être de lutter contre
le changement climatique et de protéger l’environnement. Les objectifs environnementaux et
climatiques ont été intégrés systématiquement à la PAC en conditionnant l’octroi de fonds au titre
de la PAC au respect de certaines exigences et mesures (par exemple des normes de maintien des
terres et des mécanismes de diversification des cultures), et ce dans le but de «rendre la PAC
durable». Jusqu’à présent, les résultats de ces mesures sont toutefois décevants. Les évaluations
indiquent que la PAC n’a pas permis d’inverser la tendance liée à la perte de biodiversité, et les
dépenses en faveur du climat n’ont eu que peu d’effet sur les émissions de GES. Une analyse met en
évidence la difficulté de quantifier les effets de la PAC en ce qui concerne l’atténuation du
changement climatique (étant donné que de nombreuses mesures sont dépourvues d’une logique
d’intervention explicite et d’objectifs quantifiés en matière de climat) et le manque d’ajustement
des mesures de la PAC à l’adaptation au changement climatique. Plusieurs chercheurs, scientifiques
et ONG actives dans le domaine de l’environnement ont critiqué ce qu’ils estiment être de très
graves lacunes dans les performances environnementales de la PAC.
 En 2019, près de 6,3 millions d’agriculteurs ont bénéficié d’une aide au revenu au titre de la PAC. La
 concentration des terres agricoles dans les mains de quelques grandes exploitations oriente la majeure
 partie des fonds au titre de la PAC consacrés à l’aide au revenu (principalement fondée sur les superficies)
 vers les plus grandes exploitations bénéficiaires. La majorité des 10,5 millions d’exploitations agricoles
 dans l’Union sont de petite taille, et leur nombre est en déclin constant. Ces exploitations sont très
 différentes en matière de production, de taille et de pratiques, mais la plupart partagent une organisation
 familiale dirigée par des agriculteurs adultes âgés de plus de 40 ans.

2022: la mission sera-t-elle accomplie?
Un élément clé de la PAC après 2022 est son «architecture verte», qui renforce les exigences et
mesures «durables» existantes et introduit de nouvelles manières de récompenser les agriculteurs
pour le respect de l’environnement et les mesures prises en faveur du climat (les «programmes
écologiques»). La réussite de ce système dépendra des plans stratégiques de la PAC établis par les
États membres de l’Union européenne en 2021 pour donner forme aux interventions au titre de la

10
Dix questions essentielles à suivre en 2022

PAC concernant les besoins locaux afin d’atteindre des résultats concrets sur neuf objectifs définis à
l’échelle de l’Union (parmi lesquels la lutte contre le changement climatique, le respect de
l’environnement, la préservation des paysages et de la biodiversité). Le principe de «non-recul»
exige un degré d’ambition plus élevé que celui fixé à l’heure actuelle pour les objectifs
environnementaux et climatiques.

Il reste un certain nombre de questions concernant l’achèvement des plans stratégiques de la PAC
d’ici à la fin de 2022. Les objectifs du pacte vert ainsi que de la stratégie «De la ferme à la table» et
de la stratégie en faveur de la «biodiversité» (y compris une réduction de l’utilisation de substances
agrochimiques et la promotion de l’agriculture biologique) n’ont pas été intégrés aux cibles
quantitatives pour l’évaluation des performances des plans. Pourtant, ces plans sont censés être
conformes à ces objectifs et contribuer à leur réalisation. Il existe des doutes quant aux capacités et
aux ambitions des États membres de l’Union européenne pour ce qui est d’utiliser la flexibilité
offerte par la PAC après 2022. Fin 2020, les recommandations par pays de la Commission ont offert
des perspectives sur les domaines d’intérêt de chaque plan et sur les attentes de la Commission en
ce qui concerne l’évaluation et l’approbation des plans en 2022. Le processus d’établissement des
plans nécessite des efforts considérables au niveau national et suppose une réflexion stratégique
sur les options politiques, les scénarios de référence et les valeurs cibles pour mesurer l’exécution,
ainsi que les compromis perçus entre les objectifs (par exemple, entre les objectifs
environnementaux et économiques). Le degré d’ambition risque également d’être insuffisant pour
atteindre les objectifs. Les évaluations préliminaires des projets de plans ont permis de mettre en
garde contre des ambitions «vertes» insuffisantes, que ce soit dans l’ensemble ou sur des éléments
particuliers, comme l’agriculture biologique ou les «programmes écologiques».

La transition vers une agriculture durable constitue à la fois un engagement de l’Union européenne
parmi les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies (à savoir l’ODD 2) et dans
l’intérêt des agriculteurs.

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4. Un nouvel élan pour la non-prolifération des armes
nucléaires?
                       La signature de l’accord nucléaire avec l’Iran en 2015 a marqué un tournant
                       dans les efforts consentis au niveau international pour empêcher la
                       prolifération des armes nucléaires. Le Plan d’Cction Global Commun (PAGC) a
                       été l’une des rares occasions dans l’histoire des armes nucléaires où un pays a
                       accepté de mettre fin à son programme d’armes nucléaires. Aujourd’hui
                       cependant, cet accord n’existe plus que sur papier. L’année 2022 nous
                       indiquera si le PAGC peut continuer de servir de cadre effectif pour un dialogue
avec l’Iran concernant son programme d’armement nucléaire. Mettre définitivement un terme à
l’accord nucléaire conclu avec l’Iran serait un revers majeur pour l’architecture mondiale de non-
prolifération des armes nucléaires, laquelle est déjà menacée sous différents angles. L’incapacité à
instaurer au Moyen-Orient un territoire sans armes nucléaires ni autres armes de destruction
massive est un problème majeur, tout comme le Traité concurrent sur l’interdiction des armes
nucléaires qui est entré en vigueur en 2021. En 2022, la 10e conférence d’examen du Traité sur la
Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP) ainsi que la première rencontre des États parties au
Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) devraient mettre à l’épreuve la robustesse du
cadre mondial de non-prolifération et de désarmement nucléaires.

Le Plan d’Action Global Commun
En juillet 2015, l’Iran et la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Union européenne, ainsi que la
Chine, la Russie et les États-Unis ont signé le PAGC, un accord historique visant à garantir le caractère
pacifique du programme nucléaire iranien en échange de la levée des mesures restrictives prises à
l’encontre de l’Iran. La mise en œuvre de cet accord a débuté en janvier 2016 et toutes les sanctions
imposées par les Nations unies, les États-Unis et de l’Union européenne à l’encontre de l’Iran en lien
avec les armes nucléaires ont été levées. Le Président américain Donald Trump était toutefois
fermement opposé à cet accord. Le 8 mai 2018, malgré le respect absolu du PAGC par l’Iran à
l’époque, le Président des États-Unis s’est retiré de l’accord nucléaire avec l’Iran et a infligé de
nouvelles sanctions. Les sanctions américaines ont eu d’importantes répercussions sur l’économie
iranienne. En réaction, l’Iran a annoncé en juillet 2018 la réduction de ses engagements au titre du
PAGC. Aujourd’hui, l’Iran viole certaines dispositions fondamentales de l’accord. Il enrichit de
l’uranium à un degré de pureté de 60 % (un taux nettement plus élevé que le taux de 3,67 %
convenu au titre du PAGC), il produit de l’uranium métal essentiel à la production d’ogives et
exploite des centrifugeuses plus puissantes. L’élection de Joe Biden à la présidence américaine en
novembre 2020 a suscité l’espoir de voir les États-Unis rejoindre le PAGC à condition que l’Iran se
conforme à nouveau aux dispositions de l’accord. Six cycles de pourparlers indirects entre les États-
Unis et l’Iran début 2021 semblait donner des réels progrès. L’élection d’Ebrahim Raisi à la
présidence iranienne en juin 2021 a toutefois mis fin aux espoirs d’une percée rapide. Sceptique
envers une collaboration plus large avec l’Occident et en particulier avec les États-Unis, le
Président Raisi a exprimé sa volonté de rejoindre le PAGC mais les pourparlers sont au point mort.
Pendant ce temps, le Premier ministre israélien, Naftali Bennet, en fonction depuis juin 2021,
poursuit la politique de son prédécesseur Benjamin Netanyahu, fervent critique du PAGC, et
s’efforce de convaincre les dirigeants mondiaux de ne pas réintégrer l’accord nucléaire. Les
États-Unis et Israël étudient des options de type «plan B» – davantage de sanctions ainsi que des
actions clandestines ou miliaires – au cas où l’Iran ne rejoindrait pas de bonne foi les négociations
visant à rétablir le PAGC.

12
Dix questions essentielles à suivre en 2022

Le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires
En 1968, les cinq puissances nucléaires de l’époque ont convenu de mettre en place un système,
inscrit dans le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP), visant à aboutir à terme à
l’abolition de toutes les armes nucléaires. Cependant, plutôt que de respecter l’engagement de
désarmement qu’elles avaient pris en signant le TNP, les puissances nucléaires investissent des
sommes considérables dans des armes nucléaires et des systèmes de tir modernes. Par ailleurs,
quatre autres États, dont Israël, ont acquis des armes nucléaires depuis l’entrée en vigueur du TNP
en 1970, et l’Iran s’approche dangereusement de la fabrication de sa propre bombe nucléaire. Les
efforts déployés par les signataires du TNP en vue d’instaurer au Moyen-Orient un territoire sans
armes nucléaires et autres armes de destruction massive ont jusqu’à présent échoué. En outre, la
Turquie et l’Arabie saoudite ont toutes deux exprimé leur intérêt à acquérir des armes nucléaires, et
plusieurs pays de la région adoptent l’énergie nucléaire, ce qui leur donne en théorie la possibilité
de fabriquer des armes nucléaires. Une course aux armes nucléaires au Moyen-Orient pourrait porter
un coup mortel au TNP et présenterait une importante menace pour l’Europe.

Le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires
Pendant ce temps, plusieurs États frustrés par le manque de progrès en matière de désarmement
nucléaire ont réagi en formant une coalition caractérisée par un Traité sur l’Interdiction des Armes
Nucléaires (TIAN), entré en vigueur en janvier 2021. Même si aucune des puissances nucléaires n’a
signé le TIAN, ses partisans le saluent comme une étape importante sur la voie d’un monde sans
armes nucléaires. Malgré les craintes des opposants que ce traité ne sape l’architecture de
désarmement et de non-prolifération nucléaires existante du TNP, 86 pays membres des Nations
unies ont signé le TIAN et 56 l’ont ratifié. La première rencontre des États parties au nouveau traité
est prévue pour avril 2022.

Réponse et perspectives stratégiques
L’Union européenne a joué un rôle très important dans les négociations menant à l’adoption du
PAGC et reste bien présente dans les efforts visant à sauver cet accord. L’Union a introduit plusieurs
mesures visant à maintenir les avantages économiques de l’accord nucléaire pour l’Iran face aux
sanctions extraterritoriales globales infligées par les États-Unis. Les efforts de l’Union européenne
n’ont pas produit de résultats économiques tangibles pour l’Iran mais ils ont empêché
l’effondrement total du PAGC sous la présidence de Donald Trump. De hauts représentants de
l’Union ont coordonné les six premiers cycles de pourparlers à Vienne visant à rétablir l’accord, et
l’Union a joué un rôle déterminant pour persuader l’Iran de revenir à la table des négociations en
novembre 2021. Les experts pensent que l’Union européenne devrait également faciliter un
dialogue régional sur les questions de sécurité avec l’Iran et ses voisins arabes. Étant donné la perte
de confiance dans l’engagement des États-Unis en faveur de la stabilité et de la sécurité de la région,
plusieurs États arabes du Golfe ont déjà entamé des discussions avec l’Iran, un signe de
rapprochement que l’Union devrait soutenir, selon les experts. On peut sans doute considérer que
seule une coopération régionale et un dialogue stratégique répondant aussi aux préoccupations de
sécurité de l’Iran créeront les conditions optimales pour la non-prolifération dans la région. En
janvier 2020, le Conseil de l’Union européenne a chargé le Haut-représentant/Vice-président de la
Commission (HR/VP) d’ouvrir un dialogue avec toutes les parties dans la région du Golfe en vue
d’atténuer les tensions, de soutenir le dialogue politique et de promouvoir une solution politique
au niveau régional. En outre, à mesure que les pays d’Asie occidentale se lancent dans des
programmes civils d’énergie nucléaire, les éléments de base du PAGC pourraient être intégrés à des

                                                                                                     13
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politiques de non-prolifération régionales. L’Union européenne pourrait envisager de promouvoir
la coopération nucléaire civile autour du Golfe persique. Les experts estiment qu’il est très important
de définir des normes de sécurité nucléaire dans la région. L’Union européenne coopère depuis des
années avec des pays tiers en vue de garantir la sécurité des programmes nucléaires civils. Le
Parlement européen est un fervent partisan du PAGC et du TNP.

En 2022, la menace que présentent les armes nucléaires devrait s’intensifier tandis que les espoirs
de progrès politiques sont assez faibles. Les négociations entre les États-Unis et l’Iran visant à rétablir
le PAGC sont dans l’impasse. Même si les pourparlers ont repris, leur issue est incertaine. Les experts
ne s’attendent pas à ce que la conférence d’examen du PAGC produise de nouveaux résultats
politiques à la hauteur de la menace. Le TIAN est important d’un point de vue symbolique mais,
aussi longtemps que les puissances nucléaires et les membres de l’OTAN ne l’auront pas rejoint, il
restera, en tant qu’instrument de désarmement, sans effet.

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