Enquête sur les usages numériques des personnes réfugiées - Numérique Solidaire
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Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés Enquête sur les usages numériques des personnes réfugiées Sous la coordination de Chloé Vermeulin, Cheffe de projet inclusion numérique à la Diair Clotilde Giner, Conseillère scientifique Les études du Lab’R Avril 2021
Remerciements Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes réfugiées qui ont contribué à cette enquête, qu’elles aient répondu à celle-ci via le questionnaire ou dans le cadre du groupe de discussion. Leur apport est très précieux. Nos remerciements vont également aux aidants, salariés ou bénévoles, qui ont accepté de répondre au questionnaire en leur nom propre ou en soutien de personnes accompagnées. Nous remercions également Hugo Stéphan et Simon Karleskind pour l’accompagnement dans le lancement de l’enquête, le GIP Marsouin pour le travail d’analyse des données, Claire Listre pour la mise en forme et Alice Mugnier pour ses contributions écrites et la relecture.
Sommaire Remerciements2 Sommaire3 Résumé4 Introduction5 Les usages numériques des personnes réfugiées 7 Une utilisation quotidienne, principalement à des fins de communication 7 Un changement d’usage et d’équipement entre le pays d’origine et la France 8 Le smartphone : équipement de prédilection 9 La connexion 10 Les compétences et besoins de formation 13 L’impact de la non-maîtrise du français 13 Des compétences en informatique limitées 13 L’enjeu de la médiation numérique 14 Un désir de formation en informatique 16 Les enseignements de la crise sanitaire 17 Recommandations et pistes de travail 19 Favoriser une meilleure connaissance des besoins et des usages numériques 19 Assurer un accompagnement renforcé dans les démarches administratives numériques 20 Renforcer le diagnostic et la formation 21 Assurer un accès effectif au matériel et à la connexion 23 Favoriser l’accès à de l’information traduite, centralisée et vulgarisée 24 3
Résumé La crise sanitaire induite par la pandémie de informatique. Le smartphone est donc très COVID-19 a mis en lumière, plus que jamais nettement l’outil de prédilection des réfu- auparavant, l’enjeu de la maîtrise des outils giés. numériques par l’ensemble de la population à des fins professionnelles, d’apprentissage 80 % des personnes réfugiées interrogées se ou d’accès aux droits. Cette crise a également connectent tous les jours à internet. Il est in- et surtout mis en exergue les inégalités téressant de noter, cependant, que les res- palpables en matière de connexion, d’équi- sources financières, l’accès à un compte cou- pement et de formation aux outils numé- rant, le contexte d’hébergement et le niveau riques sur le territoire français. d’études semblent avoir un impact sur le type et la fréquence de connexion. Forte de ce constat et en l’absence de don- nées spécifiques liées à la population réfu- Parmi les principales difficultés rencontrées giée en France, la Délégation interministé- par les réfugiés avec le numérique, la barrière rielle à l’accueil et l’intégration des réfugiés de la langue prédomine, à laquelle s’ajoutent (Diair) a souhaité mieux cerner les usages, le les difficultés à appréhender un site web. De type d’équipement et l’accès à une nombreuses personnes réfugiées craignent connexion dont disposent les personnes ré- de se tromper et la gestion de comptes et de fugiées. De nature exploratoire, cette en- mots de passe est un problème récurrent. quête auprès de plus de 450 réfugiés, sélec- Face à ces difficultés, la plupart des réfugiés tionnés de manière non représentative, font appel à une aide extérieure. Ceci soulève permet de mieux comprendre certains des l’enjeu de la médiation numérique et de la besoins des personnes réfugiées et de leurs formation. accompagnants, ceci en matière de connexion, de matériel informatique et de Les recommandations clés de notre formation sur le numérique. enquête : • Favoriser une meilleure connaissance Les personnes réfugiées interrogées utilisent des besoins et des usages numériques internet et les outils numériques quotidien- des personnes réfugiées nement pour la plupart, essentiellement • Assurer un accompagnement renforcé pour communiquer avec leurs proches et se dans les démarches administratives divertir. De nouveaux usages numériques ap- numériques paraissent à leur arrivée en France, notam- • Renforcer le diagnostic et la formation ment avec la nécessité de faire des dé- en matière de compétences numériques marches administratives, le plus souvent • Assurer un accès effectif au matériel dématérialisées, et ensuite de trouver un em- et à la connexion ploi. • Favoriser l’accès à del’information traduite, centralisée et vulgarisée 90 % des réfugiés interrogés possèdent un smartphone, alors que moins de la moitié L’appel à projet de lutte contre la fracture nu- possède un ordinateur. Par ailleurs, les trois mérique lancé conjointement par la Diair et quarts des réfugiés déclarent préférer navi- la Direction à l’intégration et l’accès à la na- guer sur un smartphone plutôt que sur un tionalité (DIAN) s’inscrit précisément dans ordinateur. Le manque de moyens, l’âge et le cette logique. niveau d’études semblent constituer autant de freins à l’accès à du matériel 4
Introduction Contexte et constat Une stratégie nationale visant à lutter contre la fracture La fracture numérique, notion qui recouvre numérique les inégalités en matière d’usage et d’accès aux technologies numériques, touche, en Dès le début du premier confinement en France, près de 13 millions de personnes. mars 2020, la problématique de la fracture D’après les acteurs de terrain, les personnes numérique s’est imposée et il est apparu ur- réfugiées en sont très souvent victimes, no- gent de construire une réponse concrète. Fi- tamment sur le plan des démarches adminis- dèle à sa logique d’intégration inclusive, la tratives et de l’accès à l’emploi. Des difficul- Diair et son laboratoire d’innovation pu- tés sur le plan numérique impactent blique - le Lab’R - ont donc élaboré une stra- directement la réussite de leur parcours d’in- tégie de lutte contre la fracture numérique tégration en le rendant plus long et périlleux. de manière contributive, en lien avec le tissu La montée en compétences numériques ain- associatif, les entreprises, les chercheurs, les si que l’amélioration de l’accès à du matériel collectivités locales et les personnes réfu- informatique et à une bonne connexion sont giées elles-mêmes. Dans le cadre de cette donc des éléments clés dans ce processus. stratégie, la Diair a lancé cette enquête ex- ploratoire en septembre 2020 sur les usages numériques des personnes réfugiées et de leurs accompagnants, salariés ou bénévoles. « Les problèmes avec l’utilisation du numérique Les formulaires ont été accessibles en ligne viennent en plusieurs étapes. À l’arrivée en France pendant 30 jours. je n’avais pas de ressources financières, d’héberge- ment, de papiers, j’étais à la rue. Donc je n’avais Consulter la stratégie pas accès à un fournisseur comme Free, j’utilisais seulement une carte SIM Lycamobile. Les pro- blèmes financiers génèrent d’autres problèmes : Objectifs de cette enquête c’est difficile d’avoir accès à un smartphone, à un exploratoire ordinateur. C’est arrivé quand j’ai pu avoir mes papiers, un an après. Et ensuite j’ai dû me former. Cette enquête a pour but de mieux com- J’ai dû tout apprendre. Juste utiliser un Google prendre les besoins des personnes réfugiées maps, une chose « de base », j’avais du mal à le et de leurs accompagnants, ceci en matière faire. » de connexion, de matériel informatique et de formation sur le numérique. Elle a ainsi A., réfugié soudanais pour objectif de : • consolider l’expertise du Lab’R et de la Diair sur la connaissance en matière La fracture numérique touche fortement les d’usage numérique du public réfugié ; personnes réfugiées. Accompagnants, sala- • dégager des enseignements et des riés et bénévoles, peuvent également en recommandations pour améliorer les souffrir. Très sollicités pour effectuer des dé- politiques publiques et plus spécifique- marches administratives en ligne ou aider à la ment les programmes d’inclusion navigation Internet, les aidants sont parfois numérique ; eux-mêmes en difficulté vis-à-vis de l’infor- • améliorer les plateformes numériques matique ce qui rend difficile l’accompagne- d’information en comprenant les pra- ment de leurs bénéficiaires. tiques de leurs utilisateurs. 5
Méthodologie Cette enquête a permis de récolter près de 48 % des répondants réfugiés logent en 900 réponses via trois différents question- centre d’hébergement, 29 % disposent de naires, 458 personnes réfugiées et 437 ai- leur propre logement, 8 % logent chez des dants (travailleurs sociaux, médiateurs numé- amis ou de la famille et 7 % des réfugiés inter- riques, volontaires en service civique, etc.). rogés sont sans domicile fixe. L’échantillon de répondants n’est pas repré- sentatif de la population réfugiée, mais ces données indicatives constituent une pre- mière base d’analyse sur laquelle d’autres ac- teurs spécialisés peuvent s’appuyer pour ca- librer leurs programmes d’inclusion numérique ou des études spécifiques en la matière. En complément des questionnaires, un groupe de discussion sur les usages numé- riques rassemblant 8 femmes et hommes ré- fugiés a eu lieu en visioconférence en février 2021, dont sont extraits les verbatims des personnes réfugiées. Les verbatims des ai- Les nationalités de provenance des réfugiés dants sont, eux, issus des questionnaires ano- sont multiples avec une importante popula- nymes. tion de : Syriens (37 %) Sur les 458 répondants réfugiés : Afghans (14 %) 65 % d’hommes Soudanais (9 %) 35 % de femmes Cette répartition des réfugiés n’est pas repré- Près de la moitié des répondants a entre 26 sentative de la répartition réelle des réfugiés ans et 35 ans. 35 % d’entre eux ont le brevet présents sur le territoire français ; les réfugiés ou pas de diplôme, 33 % ont fait des études syriens et afghans étant surreprésentés dans supérieures et 26 % ont le baccalauréat ou l’enquête. Il n’est donc pas possible de géné- ont fait une formation professionnelle. raliser les résultats obtenus sur notre échan- La majorité des répondants estime avoir un tillon à l’ensemble des réfugiés. niveau de français inférieur (strictement) au niveau B1. Un dixième des répondants ne Nous sommes cependant en capacité parle pas du tout la langue française. de faire émerger un ensemble de tendances qui pourront faire l’objet d’études plus ap- profondies. Celles-ci donnent d’ores et déjà des indications permettant de calibrer des actions en faveur de l’inclusion numérique des réfugiés. 6
Les usages numériques des personnes réfugiées Une utilisation quotidienne, principalement à des fins de communication 80 % des personnes réfugiées interrogées dé- clarent utiliser internet tous les jours. Elles se connectent principalement pour contacter leurs proches. En réponse à une question à choix multiples, elles sont 80 % à déclarer que la communication est l’une des activités qui leur prend le plus de temps sur leur portable ou ordinateur, devant le fait de se divertir (64 %). « C’est essentiel pour préserver notre santé Classement des usages internet/ numériques mentale de communiquer avec notre famille des personnes réfugiées (en %) et nos amis et de parler dans notre langue. » Source : Enquête– DIAIR 2020 C., réfugiée syrienne Les démarches administratives n’arrivent qu’en troisième position (42 %) des usages • Près de 90 % des personnes réfu- numériques auxquels les personnes interro- giées interrogées utilisent des appli- gées dédient le plus de temps. Ceci peut s’ex- cations de messagerie instantanée pliquer par l’existence d’un accompagne- (Whatsapp, Facebook Messenger, ment social extérieur pour de nombreux Telegram). répondants. Ainsi, près de 40 % des réfugiés interrogés bénéficiant d’un accompagne- • 73 % des répondants ont recours à ment social déclarent ne pas faire de dé- des réseaux sociaux pour se divertir marches administratives en ligne. et s’informer (via des groupes Face- book ou Whatsapp) Pour ceux qui effectuent des démarches ad- ministratives en ligne, les démarches les plus • 70 % utilisent des ressources colla- fréquemment évoquées sont la recherche boratives (Youtube, Forums inter- d’emploi, la demande d’aide et la gestion et net) consultation de comptes bancaires (resp. 41 %, 39 % et 34 %). • 31 % passent par des sites spéciali- sés, tels que les sites de l’adminis- Ce sont également les activités sur lesquelles tration (OFPRA, Ofii, refugies. les aidants déclarent intervenir le plus sou- info...). vent, dans l’ordre d’importance : demandes d’aides sociales, recherche d’emploi, de- mande de logement, établissement des do- « Ils utilisent beaucoup YouTube pour com- cuments d’état civil, inscription à des cours prendre leurs démarches, surtout l’administra- ou dans des écoles, souscription à des tif avec leurs langues d’origine. » contrats d’énergie, démarches bancaires en ligne, démarches pour la famille et prise Aidant, anonyme d’abonnement téléphonique ou internet. 7
Figure 6: Classement des démarches administratives des réfugiés en fonction de la demande d’aide faite auprès des travailleurs sociaux Source : Enquête Flash – DIAIR 2020 Un changement d’usage « Pour communiquer dans mon pays, et d’équipement entre je n’avais pas forcément besoin d’utiliser Internet. le pays d’origine et la France Au Soudan, pour aller faire des démarches administratives, on n’a pas besoin de prendre 63 % des répondants déclarent utiliser inter- un rendez-vous alors qu’ici, c’est évident. net beaucoup plus souvent depuis leur arri- Au Soudan, on arrive, on fait la queue, quand vée en France et 40 % utilisent de nouvelles c’est notre tour, on prend notre acte de naissance applications. Pour faire face à ce changement par exemple et on s’en va. Les gens qui viennent d’usage, les personnes réfugiées n’hésitent en France n’ont pas forcément l’habitude pas à se former seules (57 % des répon- de ce système. La grande difficulté, c’est la langue dants), y compris par le biais de vidéos, et/ou française et le système administratif. » font appel à des aidants ou des amis (60 %). E., réfugié soudanais. Si 54 % des personnes interrogées possé- daient un smartphone dans leur pays d’ori- En bref gine, elles sont 90 % à déclarer en posséder Les personnes réfugiées interrogées utilisent un en France. Ainsi, les réfugiés semblent internet et les outils numériques quotidien- s’équiper davantage une fois en France. nement pour la plupart, essentiellement pour communiquer avec leurs proches et se divertir. De nouveaux usages numériques ap- paraissent à leur arrivée en France, notam- ment avec la nécessité de trouver un emploi et de faire des démarches administratives le plus souvent dématérialisées. 8
Le smartphone : équipement de prédilection La grande majorité des répondants possède Le principal point de blocage dans l’accès à et utilise un smartphone (90 %), et près de la du matériel informatique est financier : 61 % moitié des personnes réfugiées interrogées des réfugiés déclarent avoir besoin d’argent possède et utilise également un ordinateur pour acheter du matériel (sur 118 répon- (47 %). Elles sont 75 % cependant à préférer dants). le téléphone pour aller sur internet. « Il faut prendre en compte le coût « Les personnes réfugiées ont plus de facilité du numérique (smartphone, forfait internet, à utiliser leurs smartphones, qu’elles manipulent photocopies, scanner....). Ça peut peser très lourd au quotidien, que les ordinateurs. Les applications dans un budget très serré. » y sont déjà installées par exemple, et les comptes B., réfugié guinéen et pair aidant enregistrés, donc pas besoin d’accéder à leurs différents espaces (CAF, Pôle Emploi..), en inscrivant les mots de passe, notamment. » Le niveau de diplôme et l’âge : Aidant, anonyme des facteurs discriminants en matière d’équipement ? 69 % des réfugiés interrogés ayant fait des études supérieures possèdent un ordinateur. Chez les réfugiés ayant le bac ou une forma- tion professionnelle, ce chiffre chute à 44 % puis à 28 % pour les réfugiés ayant unique- ment le niveau fin de collège ou aucun di- plôme. Cette enquête ouvre ainsi une piste de réflexion sur l’accès à l’équipement numé- rique des réfugiés n’ayant pas ou très peu fait d’études. De même, cette première enquête explora- toire indique que seul 36 % des réfugiés inter- rogés de moins de 25 ans possèdent un ordi- nateur (47 % sur l’ensemble de l’échantillon). L’âge et l’absence de ressources - le RSA étant réservé au plus de 25 ans - semblent ici agir au détriment d’un accès à de l’équipement in- formatique. « Les plus jeunes manient plus facilement l’outil informatique à travers leurs smartphones. La Figure 4: Les points de blocage principaux pour plupart ne possède pas d’ordinateur et ne peuvent maîtriser l’informatique sont par ordre d’impor- utiliser que les applications. ». tance Source : Enquête Flash – DIAIR 2020 Aidant, anonyme 9
La connexion La durée de présence en France semble éga- 80 % des réfugiés déclarent utiliser internet lement avoir une influence sur la possession tous les jours, en 3G/4G limité ou wifi privé. d’un ordinateur. Ainsi, 33 % des réfugiés en La majorité des réfugiés habitant chez des centre d’hébergement interrogés possèdent amis ou de la famille et dans des logements un ordinateur tandis que 60 % des personnes individuels se connectent à un réseau de wifi dans un logement privé en possèdent un. privé (respectivement 67 % -famille amis et 61 % -logement). A contrario, seuls 27 % des réfugiés interrogés Un recours aux smartphones plutôt résidant en centres d’hébergement déclarent qu’aux navigateurs sur ordinateur se connecter en wifi privé. En effet, peu de centres d’hébergement disposent de réseau L’utilisation des applications de messagerie wifi, que ce soit en foyers ou en logements instantanée est très répandue. Les réfugiés diffus. s’informent essentiellement par ce biais et via les ressources collaboratives. Seulement un tiers des personnes interrogées utilise des « Quand on est demandeur d’asile, on n’a pas sites plus spécialisés. de bonne connexion, pas d’accès à internet dans Pour la navigation, c’est le smartphone qui les centres. Il faut que les gestionnaires partagent est privilégié pour réaliser des actions néces- le wifi avec les résidents. » sitant une connexion Internet plutôt que passer par un navigateur sur ordinateur. E., réfugiée albanaise « Les personnes accompagnées (jeunes réfugiés) sont souvent très à l’aise avec un support tactile et une interface de type smartphone. Elles savent L’absence de ressources financières et de si- utiliser correctement des applications intuitive- tuation administrative stabilisée rendent dif- ment sans comprendre ce qu’elles sont ou comment ficile et onéreuse la connexion en tant que elles fonctionnent. Mais elles sont vite perdues demandeur d’asile : avec un ordinateur et un clavier. » Aidant, anonyme « Ca coûte cher au début. On n’a pas le droit d’avoir un compte courant, donc on ne peut pas En bref s’inscrire à des offres pas chères. » Près de l’ensemble des réfugiés interrogés C., réfugiée syrienne possèdent un smartphone, alors que moins de la moitié possède un ordinateur. Par ail- leurs, les trois quarts des réfugiés déclarent L’accès à un compte courant n’est possible préférer naviguer sur un smartphone plutôt qu’après la reconnaissance de statut, ce qui que sur un ordinateur. Le manque de moyens, conditionne l’accès à des offres moins oné- l’âge, le niveau d’étude semblent constituer reuses, uniquement disponibles par prélève- autant de freins à l’accès à du matériel infor- ment bancaire. matique. Le smartphone semble donc être très nettement l’outil de prédilection des ré- fugiés. 10
L’influence du niveau d’études En bref Les données d’enquête suggèrent une rela- 80 % des personnes réfugiées interrogées se tion entre le niveau d’étude et la fréquence connectent tous les jours à internet. Il est in- de connexion des réfugiés. Plus les réfugiés téressant de noter, cependant, que les res- ont étudié, plus la fréquence de connexion sources financières, l’accès ou non à un augmente. Ces résultats peuvent faire écho compte courant, le contexte d’hébergement au fait de posséder un ordinateur ou non. En et le niveau d’études semblent avoir un im- effet, comme nous l’avons noté précédem- pact sur le type et la fréquence de connexion. ment, un niveau de diplôme élevé (études supérieures par exemple) semble augmenter la probabilité de posséder ou non un ordina- teur. 11
Quels enseignements pour Réfugiés.info ? Concernant les usages des personnes Concernant les usages des aidants réfugiées Lorsqu’elles sont sur internet, les personnes Les outils numériques dont les aidants se réfugiées utilisent plus souvent les systèmes servent le plus dans le cadre de leur d’exploitation de smartphone tels qu’An- travail sont : droid (68 %) ou iOS (22 %) (sur 311 répon- dants). • Microsoft Office : 90 % Par ailleurs, le navigateur de prédilection est • Google maps : 78 % Google Chrome, qui est cité par 88 % des personnes réfugiées (sur 321 répondants). • Google traduction : 67 % Elles font leurs recherches avec Google • Doctolib : 37 % search pour la quasi-totalité (97 % sur 318 répondants). • Google Agenda : 30 % • Google Drive : 27 % Quand il s’agit de mobiliser de nouvelles ap- plications, près de 42 % indiquent que le fait que des proches l’utilisent déjà est Les aidants interrogés sont également prêts source de motivation. L’accessibilité de l’ap- à utiliser de nouveaux sites ou applications plication, c’est-à-dire le fait qu’elle soit pro- si cela leur est conseillé. Cependant l’en- posée dans la langue de l’utilisateur ou quête met en évidence une réticence qu’elle semble facile d’utilisation (respecti- concernant le partage de données person- vement 37 % et 20 %), accentue la motiva- nelles (49 %) en l’absence de garantie sur la tion des réfugiés à s’en emparer. protection des données et la fiabilité du site. Par ailleurs, près de 40 % des personnes in- terrogées indiquent qu’elles n’utiliseront pas une application conseillée si elles n’en comprennent pas le fonctionnement rapi- dement (39 %). Les personnes interrogées sont également soucieuses de la fiabilité des applications puisqu’environ 14 % des réfugiés invoquent la fiabilité de l’informa- tion, la protection des données et la confiance dans la structure à l’origine du développement de l’application. 12
Les compétences et besoins de formation L’impact de la non-maîtrise Des compétences du français en informatique limitées Les aidants sont 87 % à déclarer que le fran- Les compétences informatiques repré- çais est un élément bloquant pour les réfu- sentent également un frein. Les démarches giés dans leurs démarches, ce qui en fait la sont plus compliquées pour les réfugiés lors- première source de problèmes selon eux. 33 qu’elles sont proposées sur un site web, du % des personnes aidantes déclarent égale- fait du grand nombre d’informations à ment que la langue représente un problème l’écran. De l’avis des aidants interrogés, l’utili- dans les échanges qu’elles ont avec les réfu- sation d’ordinateurs est limitée parce qu’« ils giés. Parmi les répondants réfugiés ayant été ne savent pas utiliser un ordinateur » (57 %) aidés pour répondre à l’enquête, 58 % dé- et « les sites sont trop compliqués » (52 %). clarent avoir besoin de mieux parler français Un quart des aidants déclarent des difficul- pour comprendre l’informatique. tés issues d’un manque de compréhension par les personnes réfugiées des mécanismes de navigation simples sur ordinateur : créa- « La langue est liée au numérique, c’est essentiel, tion de compte, rafraichissement d’une page on ne peut pas les séparer. Un apprentissage web, ou utilisation de filtres lors d’une re- du numérique doit être accompagné par cherche sur un site spécialisé par exemple. un apprentissage du français. » Dans un contexte de dématérialisation des A., réfugié soudanais démarches administratives, le numérique constitue donc un réel obstacle dans le pro- cessus d’intégration d’une personne réfu- giée. Face à des sites en français, 65 % des per- sonnes réfugiées interrogées ont recours à un site de traduction, ce que confirment de « Il y a des personnes très à l’aise sur WhatsApp nombreux aidants. Près de la moitié des réfu- ou Facebook qui, quand on leur demande giés demandent ensuite de l’aide à un proche des choses très simples comme « je vous donne (46 %), 29 % essaient de comprendre avec les le lien et vous mettez vos identifiants », ont peur images, et 22 % cherchent si le site est dispo- de faire des erreurs ou ne comprennent pas tout nible dans leur langue. Enfin, 14 % décident à fait ce qu’on leur demande. » de ne pas consulter ce site en français. F., réfugiée tchadienne et pair aidante « C’est moins compliqué de communiquer en français quand c’est en direct dans un bureau, mais c’est un problème pour faire des démarches administratives sur Internet. La langue de l’admi- nistration est très compliquée. » A., réfugié syrien 13
La gestion des comptes et mots de passe est « Les personnes sont réticentes à se saisir du digital. également un obstacle récurrent évoqué par Il y a un manque de confiance et par conséquent les personnes réfugiées et les aidants interro- un rythme plus lent dans la progression gés. 30 % des réfugiés accompagnés par des de l’autonomie numérique. La barrière de la langue aidants déclarent ne pas comprendre ce est le frein majeur ainsi que le manque d’habitude. qu’est un compte utilisateur et 24 % dé- Ces personnes ont vécu sans support numérique clarent « toujours oublier leur mot de passe auparavant, cela nécessite du temps pour voir ». Ces problématiques sont confirmées par émerger l’intérêt de s’en saisir. Nous manquons les aidants interrogés: plus de la moitié de structures/dispositifs qui ouvrent des espaces d’entre eux mentionnent la problématique d’apprentissage. » de gestion de mot de passe et 39 % celle de compte utilisateur. Aidant, anonyme « Pour les mots de passe, les sites demandent Ainsi, 56 % des aidants interrogés déclarent souvent de mettre une majuscule, des chiffres, que les réfugiés les laissent faire les dé- des signes spéciaux, etc. C’est trop compliqué, marches sur les sites car ces derniers sont on oublie. » perdus face aux interfaces complexes et la langue. 40 % déclarent que le manque de C., réfugiée syrienne temps est un frein pour que la personne ac- compagnée puisse faire sa démarche seule, Concernant les personnes à qui les réfugiés ce qui conduit le travailleur social à réaliser demandent de l’aide pour résoudre leurs pro- l’ensemble de la démarche à la place du réfu- blèmes en informatique, les amis arrivent en gié. 39 % des aidants déclarent également tête (30 % sur 325 répondants), suivis des que les réfugiés ont peur de faire une erreur. membres d’association (21 %) et de la famille (20 %). Les autres réfugiés arrivent en der- Ces craintes sont souvent dues aux enjeux nière position (13 %) et 11 % déclarent ne liés aux démarches sur internet. En effet, une connaître personne pour les aider. erreur de remplissage du site de Pôle emploi ou de la CAF peut entraîner des probléma- tiques de blocage de compte qui peuvent L’enjeu de la médiation être préjudiciables aux personnes réfugiées. numérique Ce qui ressort très nettement de l’enquête, c’est l’enjeu de la montée en compétences des personnes réfugiées sur le numérique. Cependant, celle-ci est rendue particulière- ment complexe du fait des compétences très faibles en informatique et en français d’une grande partie des personnes et des enjeux forts d’ouverture des droits sur une période limitée. Face à ces contraintes de temps, de nombreux aidants sont dans l’obligation d’ef- fectuer rapidement les démarches numé- riques, au détriment, parfois, d’un travail d’autonomisation et de montée en compé- tences des personnes accompagnées. 14
« À Pôle emploi, le compte est bloqué D’après les aidants, une minorité de per- si on ne l’actualise pas. Alors si j’oublie mon mot sonnes réfugiées cherche tout de même à de passe, mon e-mail… C’est pareil pour la CAF comprendre ce que fait l’aidant (36 %). Mais tous les trois mois, on doit faire des déclarations dans ce cas également, l’aidant conserve la de nos ressources en ligne. Si on ne fait pas une main dans la réalisation de la démarche. Seuls actualisation régulière, on ne touche pas le RSA. 17 % des personnes aidantes déclarent que Imagine pour quelqu’un qui est né au Darfour, les réfugiés font la démarche et qu’elles ne qui n’a jamais eu Internet… C’est trop compliqué font que les accompagner. Ainsi, sur les 397 quand on vient d’une zone marginalisée, sans accès accompagnants de personnes réfugiées in- à l’école et qu’ici on est tout seul. » terrogées, seulement 22 % considèrent qu’à la fin de l’entretien, le bénéficiaire est ca- E., réfugié soudanais pable de poursuivre sa démarche en autono- mie. Ces difficultés sont particulièrement prégnantes parmi les personnes les plus éloi- gnées du numérique, pour lesquelles l’ap- prentissage est plus long et laborieux. Face à cette situation, certaines personnes réfugiées déplorent l’absence d’accompa- gnement en vue d’une montée en compé- tences : « Les assistantes sociales font à notre place ce qui a un impact négatif qui nous influence tout au long de notre résidence en France. À partir du moment où « on fait tout à la place de », les personnes réfugiées ne seront jamais autonomes. On doit leur laisser un peu de place, leur faire confiance pour qu’elles prennent l’habitude de faire ça toutes seules. » A., réfugié syrien et pair aidant « Ils essayent souvent d’entreprendre leurs dé- marches eux-mêmes. Mais il y a un souci dans le L’enquête confirme donc l’enjeu de l’autono- choix des sites internet. Par exemple pour la misation des personnes réfugiées et de la réalisation des cartes grises, ils choisissent le 1er montée en compétences, non seulement nu- lien qui renvoie sur un site payant alors que 3 liens mériques, mais également en matière de dé- plus bas il y a celui d’ANTS, totalement gratuit. veloppement personnel et de confiance en Cela les freine dans les démarches suivantes, ils ont soi. peur de se tromper à nouveau, de payer pour rien ou de se faire avoir. » « C’est vrai qu’il faut « donner confiance » aux réfugiés, mais donner confiance ça passe Aidant, anonyme par l’apprentissage. On ne peut pas avoir confiance si on ne connaît pas. » A., réfugié soudanais et pair aidant 15
Un désir de formation en informatique Les réfugiés interrogés insistent sur l’enjeu 83 % des réfugiés déclarent vouloir se former d’accompagnement en vue d’une montée en à l’informatique, principalement pour accé- compétences par des personnes autres que der à des formations professionnelles et faci- des travailleurs sociaux déjà très pris par leur liter la réalisation des démarches administra- mission, que ce soit des bénévoles, des volon- tives. taires en service civique ou des personnes spécifiquement recrutées pour ce faire. S’ils préfèrent généralement utiliser leur smartphone pour naviguer sur internet, les réfugiés sont conscients que certains usages « En connaissant maintenant la force du bénévo- nécessitent une montée en compétences sur lat, on peut faire appel au sein des centres à des les ordinateurs en particulier (comme dans le bénévoles pour qu’ils puissent faire des formations cas de l’accès à l’emploi par exemple : besoin aux outils. » de faire un CV, d’utiliser des outils de bureau- tique, etc). La formation au français semble E., réfugiée albanaise par ailleurs être un levier majeur sur les pro- blématiques évoquées. Parmi les principales difficultés rencontrées par les réfugiés avec le numérique, la barrière de la langue prédomine, à laquelle s’ajoutent les difficultés à appréhender un site web. De nombreuses personnes réfugiées craignent de se tromper et la gestion de comptes et de mots de passe est un pro- blème récurrent. Face à ces difficultés, la plu- part des réfugiés font appel à une aide exté- rieure. Ceci soulève l’enjeu de la médiation numérique et de la formation. 16
Les enseignements de la crise sanitaire L’enquête met en lumière un bilan contrasté de la crise sanitaire sur l’accès au numérique des personnes réfugiées. L’impact a été mul- tiple : de l’avis de plusieurs personnes interro- gées, le confinement et le passage au « tout numérique » ont eu pour conséquence d’ac- croître l’isolement de nombreuses personnes réfugiées ayant déjà peu de contacts avec la société et dans l’incapacité de se saisir des outils numériques. « Avant le Covid on pouvait aller voir « Le contexte sanitaire et le confinement relié des assistants sociaux pour nous montrer ont créé des écarts d’accompagnement importants comment faire. Avec une situation de confinement, entre les travailleurs sociaux qui étaient déjà l’aise on se retrouve isolé. Ca m’a compliqué les choses, avec cet outil, et ceux qui ne l’était pas ou moins, ça m’a fait rater des rendez-vous. » et également du côté du public accompagné. » A., réfugié soudanais Aidant, anonyme Cependant, de l’avis des aidants et des per- Parmi les bonnes pratiques qui ont pu sonnes réfugiées rencontrées, la crise sani- émerger figurent : taire a également permis de faire évoluer les • La création de groupe Whatsapp au ni- usages numériques, aussi bien du côté des veau des centres d’hébergement, in- réfugiés que des travailleurs sociaux. cluant les travailleurs sociaux, ou dans le cadre de cours de français • La mise en place de formations à distance « Je dis « merci » au Covid de nous avoir permis de • Des démarches innovantes en matière de partager plus d’outils et de voir qu’on peut faire les transmission de l’information, passant démarches de chez soi. C’est une façon de gagner par la vidéo du temps et de s’adapter. » E., réfugiée albanaise « Durant le confinement on a vu aussi pas mal de petites vidéos de prévention en plusieurs langues, c’était très intéressant et facile à faire passer sur Parmi les obstacles identifiés figurent, outre WhatsApp. Ca me paraissait plus adapté que les ceux relatifs aux compétences numériques affiches, même simples et même traduites, diffu- des personnes réfugiées, les retards dans les sées par les administrations. » démarches administratives ou les délais de réponse longs de l’administration, ainsi que Aidant, anonyme des difficultés propres aux travailleurs so- ciaux eux-mêmes. 17
Les aidants interrogés Néanmoins, beaucoup déclarent avoir du matériel obsolète ou insuffisant sur leur lieu de travail. L’enquête met en avant un accès limité à la formation : • 64 % n’ont jamais suivi de formation en rapport avec le numérique • 25 % en ont suivi sur les outils bureau- tiques • seulement 10 % sur la protection des données. Les aidants interrogés sont pour les trois quarts des femmes. Ils ont pour un peu plus « Un des freins rencontrés est la confidentialité de la moitié (56 %) moins de 5 ans d’expé- des données et la sécurisation des connexions rience et 19 % d’entre eux ont plus de 10 ans lorsque l’on met à disposition un outil informa- d’expérience. Ce sont principalement des tique à un usager. La CNIL et la RGPD donnent personnes qui ont moins de 35 ans (47 %). certaines garanties mais aussi des contraintes Les personnes ayant répondu à l’enquête «laborieuses .» étaient soit salariées en tant que travailleurs sociaux ou juristes, soit bénévoles. Aidant, anonyme. « Il est nécessaire que nos outils de travail Ainsi, 41 % des aidants déclarent avoir be- soient adaptés aux outils numériques de notre soin de se former aux outils numériques public : le téléphone portable. Un bel axe pour monter en compétences sur « la pos- d’amélioration dans notre travail serait d’accéder ture d’aidant numérique », se former sur la à un téléphone portable professionnel afin protection des données et de l’identité nu- d’échanger avec les réfugiés sur des outils mérique, l’évaluation de la vulnérabilité de numériques modernes de type whatsapp, sms, l’ordinateur et des outils de l’association et calendriers partagés… » la détection d’hameçonnages et d’ar- naques. Aidant, anonyme. 20 % ressentent un besoin de formation pour les démarches en ligne et 19 % pour les aides sociales. Enfin, 40 % souhaitent se for- La plupart des personnes aidantes interro- mer à l’utilisation de logiciels bureautiques. gés disposent d’un ordinateur (97 %) et d’un Sur les formations, les aidants semblent pri- smartphone (63 %). Elles utilisent presque vilégier une formation de montée en com- toutes internet au quotidien pour leur tra- pétences rapide (35 %) plutôt qu’une for- vail, se connectent en grande majorité sur mation certifiante plus longue (10 %). leur lieu de travail et sont pour la plupart à l’aise avec un ordinateur (71 % très à l’aise et 18 % moyennement à l’aise). 18
Recommandations et pistes de travail Cette enquête exploratoire a permis d’iden- l’enquête longitudinalesur l’intégration des tifier de grandes tendances en matière primo-arrivants (Elipa), enquête scientifique d’usages numériques des personnes réfu- de grande ampleur représentative de la po- giées et de leurs aidants. Sur cette base, nous pulation ayant obtenu un titre de séjour en sommes en capacité de dégager quelques 2018 (hors étudiants). Une troisième vague de pistes d’amélioration pour nos politiques pu- collecte est prévue en 2022. Cette collecte bliques et nos programmes d’inclusion nu- de données spécifiques aux usages numé- mérique. riques permettrait d’analyser en détail les ré- sultats et de les croiser en fonction des par- Visant à expérimenter des initiatives favori- cours des personnes. sant l’inclusion numérique des personnes ré- fugiées, l’appel à projets de lutte contre la fracture numérique, lancé par la Diair en oc- tobre 2020, s’inscrit dans cette démarche. Cet appel à projets offre aux lauréats l’oppor- tunité d’engager des dynamiques favorables Bonnes pratiques au déploiement de leurs propres stratégies d’inclusion numérique. Les bilans produits en De manière générale, nombreux sont fin de projet permettront de confirmer ou les lauréats de l’appel à projets inclu- non les hypothèses formulées dans notre en- sion numérique qui cherchent à iden- quête exploratoire. Ces projets développent tifier et recenser les besoins et les des pratiques innovantes dont il semble pos- usages afin de proposer des actions sible de tirer de bonnes pratiques (voir enca- adaptées aux personnes réfugiées. drés ci-après). Par exemple, Emmaüs Connect réalise une mission d’exploration de plu- Favoriser une meilleure sieurs mois afin d’identifier les res- sources existantes, interroger les par- connaissance des besoins ties prenantes et recenser les besoins et des usages numériques notamment en matière de formation. des personnes réfugiées Ces conclusions permettront de concevoir un parcours numérique dé- Cette enquête représente une première dié aux personnes réfugiées, qui sera étape en matière d’étude des usages numé- expérimenté dans 5 Centres provi- riques et des besoins des personnes réfu- soires d’hébergement, avant d’être giées. Outre les premiers enseignements ac- accessible à tous gratuitement. quis, cette enquête a également mis en lumière l’absence de collecte de données spécifiques à la fracture numérique des per- sonnes réfugiées et plus généralement des personnes primo-arrivantes. Nous préconi- sons ainsi l’inclusion de questions spécifiques aux usages numériques des personnes pri- mo-arrivantes au sein du questionnaire de 19
Expérimenter avant d’envisager Assurer un accompagnement un essaimage renforcé dans les démarches administratives numériques La thématique « inclusion numérique » est propice à l’expérimentation, car le chemin à parcourir est encore long pour parvenir à Démultiplier les guichets numériques vaincre la fracture numérique des personnes réfugiées. Certains lauréats de l’appel à pro- La dématérialisation de l’administration est jets « inclusion numérique » ont ainsi opté en cours et l’objectif est que 100 % des dé- pour une expérimentation à une échelle ré- marches administratives puissent se faire en duite, dans l’objectif d’agir durablement à ligne d’ici à 2022. Cependant, dans un l’avenir grâce à un essaimage d’outils et de contexte où 30 % de la population reste éloi- bonnes pratiques à une plus grande échelle. gnée du numérique, dont de nombreuses Une piste intéressante de ce type d’expéri- personnes réfugiées, la notion d’accompa- mentation consiste en la mise en place de gnement à la maîtrise du numérique est es- parcours continus d’inclusion numérique : sentielle. Il s’agit donc de mettre en place des formation en informatique, accompagne- dispositifs permettant de répondre aux ques- ment aux démarches, don / vente solidaire de tionnements numériques des usagers. matériel, aide à la prise d’un abonnement in- Pour les personnes réfugiées, plus spécifique- ternet, etc. ment, il serait envisageable de prévoir des guichets numériques au sein des services de premier accueil des demandeurs d’asile (SPA- DA) ouvertes aux réfugiés dans les trois mois suivant la reconnaissance de statut ou Bonnes pratiques d’autres tiers lieux accessibles aux personnes réfugiées. Dans le cadre de l’AAP inclusion nu- mérique, Coallia met en œuvre un pro- jet expérimental dans 5 CPH test. Ob- « Même si les démarches en ligne semblent jectifs : mettre à disposition des simplifier la vie, les personnes auront toujours équipements et des accès à une besoin de savoir quels sont leurs droits et comment connexion internet pour 233 réfugiés y accéder. L’accueil physique dans les administra- et accompagner ce public vers des so- tions restera toujours nécessaire car les démarches lutions numériques adaptées. numériques ne remplaceront pas les agents admi- nistratifs pour expliquer les démarches. » Dans la même idée, la Croix-Rouge française réalise une expérimentation B., réfugié guinéen et pair aidant dans la ville de Dijon en vue d’un essai- mage ensuite dans les dispositifs de la Croix-Rouge au niveau national. Le projet vise à favoriser l’accès à une connexion internet et au matériel de téléphonie, et de proposer des forma- tions à destination des aidants mais aussi des personnes réfugiées. 20
Favoriser le recours à des aidants numériques et former à la posture d’aidant Bonnes pratiques Il semble essentiel de pouvoir renforcer le Unis-cité mise sur l’apprentissage rôle d’aidant numérique. S’il est difficile d’en- par les pairs visager que les travailleurs sociaux puissent En lien avec le programme national libérer suffisamment de temps pour former Volont’R, Unis-Cité propose de ren- les personnes réfugiées en vue d’une autono- forcer l’autonomie numérique des misation, il semble crucial que celles-ci populations bénéficiaires d’une pro- puissent être accompagnées par des tierces tection internationale en s’appuyant personnes, comme des jeunes en mission de sur l’apprentissage par les pairs à tra- service civique maîtrisant les outils numé- vers la mobilisation de binômes riques par exemple ou des bénévoles volon- mixtes de volontaires en service ci- taires. La formation de pairs aidants réfugiés vique (français et réfugiés). Le fait que semble également présenter un fort poten- les volontaires réfugiés partagent le tiel. même statut que les bénéficiaires en- gendre plusieurs avantages : l’échange d’expériences, le développement de relations accélérant ainsi l’intégration sociale, l’aide à la compréhension du numérique et des démarches admi- Bonnes pratiques nistratives grâce à la maîtrise de lan- gues communes. 4 000 conseillers numériques France Services Sur une durée de deux ans, l’État fi- nance la formation et le déploiement de 4 000 conseillers numériques France Services. Les porteurs de pro- Renforcer le diagnostic jets d’inclusion numérique peuvent et la formation ainsi recruter des conseillers numé- riques, afin qu’ils puissent organiser Le potentiel du bilan de l’Office des activités gratuites de montée en français de l’immigration et de compétences du public concerné. A l’intégration ce titre, début avril 2021, le Groupe SOS, Emmaüs Connect et la Croix- Le diagnostic effectué à l’Ofii pourrait inclure Rouge française, lauréats de l’AAP, se un bilan sur les compétences numériques des sont portés volontaires pour dé- personnes rencontrées afin de les orienter ployer des conseillers dans leurs vers des formations adéquates. propres structures. Coupler lutte contre la fracture numé- rique et contre la barrière de la langue De cette enquête est ressorti le besoin de coupler formations pour une montée en compétences en informatique et cours de français. Effectivement, l’apprentissage d’un vocabulaire propre au domaine du numé- rique semble nécessaire. 21
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