Espace : un commandement dédié pour comprendre et agir
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Espace : un commandement dédié pour comprendre et agir Le Commandement de l’espace (CdE) développe en permanence ses capacités de surveillance et de réaction aux menaces croissantes dans ce domaine. Le général de brigade aérienne Philippe Dedobbeleer, adjoint au commandant de l’Espace, l’a expliqué au cours d’une visioconférence organisée, le 8 juin 2021 à Paris, par l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Ile-de-France. Montée en puissance. Organisme interarmées, le CdE dépend directement du chef d’Etat-major des armées pour la stratégie, les capacités, la coopération internationale et les opérations. Il est rattaché à l’armée de l’Air et de l’Espace pour l’expertise, la préparation des forces, la mise en œuvre de contrats opérationnels, l’élaboration de la doctrine et le retour d’expérience dans le
domaine spatial et enfin la maîtrise des risques. La pleine capacité des opérations spatiales militaires devrait être atteinte vers 2030. La tutelle du CdE sur le Centre national d’études spatiales (CNES) de Toulouse sera redéfinie pour y concentrer l’expertise de l’écosystème spatial. Celui-ci comprend des entreprises, des pôles de compétitivité et des centres universitaires à Paris, Lille, Saint-Quentin, Mulhouse, Besançon, Lyon, Grenoble, Nice, Marseille, Toulon, Bordeaux, Brest, Rouen et Cayenne (Centre spatial de Kourou). Le centre spatial de Toulouse verra ses effectifs passer de 200 personnes en 2019 à 500 en 2025. Il devra voir et écouter l’espace, mieux et plus loin, par l’acquisition de données par des satellites (optique, radar et infrarouge) à orbites basses, moyennes et hautes. Vu le nombre croissant d’objets divers dans l’espace à suivre pendant toute leur durée de vie, les données s’accumulent, de quelques mois à plusieurs décennies. La capacité de calcul à haute performance de l’intelligence artificielle permettra de traiter leur comportement quasiment en temps réel et, le cas échéant, d’agir vite puis rendre compte aux niveaux stratégique et tactique. Innovation continuelle. Le CdE va construire un incubateur d’innovation dédié à l’espace militaire et ses applications. Dans un environnement sécurisé, un réseau aura pour missions de capter des idées, concrétiser des projets et conduire des expérimentations dans les laboratoires existants. A cet effet, l’Agence de l’innovation de défense développe des liens avec le CNES, la Direction générale de l’armement (DGA), la Direction du renseignement militaire, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et les partenaires alliés. Souveraineté et interopérabilité. Le développement d’un système spatial militaire constitue un enjeu de souveraineté numérique et d’autonomie stratégique, souligne le général Dedobbeleer. Celui d’une compréhension commune avec des pays alliés permet une interopérabilité des moyens avec des standards techniques identiques (doctrine, capacités et opérations). En février 2020, la France a adhéré à « l’Initiative opérations spatiales interalliées » (sigle anglais CSpO) et y a rejoint les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce forum de réflexion et d’échanges vise à coordonner les capacités alliées, en augmenter la résilience pour assurer le soutien aux opérations multi-domaines (terre, air, mer, cyber et spatial), garantir la liberté d’accès à l’espace et y protéger, en coalition, les moyens qui s’y trouvent. Il donne lieu à des travaux réguliers, auxquels participent le CdE, la DGA et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie.
Loïc Salmon Armée de l’Air : création du « Commandement de l’espace » Espace : nouveau théâtre des opérations militaires Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique 14 juillet 2021 : engagements de haute intensité, technologies de pointe et anniversaires L’édition 2021 du défilé du 14 juillet à Paris porte sur les combats possibles de haute intensité, une technologie élevée, la résilience et le rappel du passé. Présentée le 4 juin 2021 par le général de corps d’armée Christophe Abad,
gouverneur militaire de Paris, elle reprend son format traditionnel d’avant la pandémie du Covid 19. Le défilé du 14 juillet 2021 met ainsi en œuvre : 5.000 participants, dont 4.300 à pied ; 71 avions et 25 hélicoptères ; 221 véhicules ; 200 chevaux de la Garde républicaine. Dans le cadre de l’opération « Takuba » au Mali, les forces spéciales sont mises à l’honneur avec un détachement de 81 soldats d’Italie, des Pays-Bas, de Belgique, d’Estonie, de République tchèque, de France, du Portugal et de Suède. L’action dans les airs. Le défilé des avions, ouvert par la Patrouille de France, met en scène les missions de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) et de la Marine nationale. La dissuasion nucléaire est représentée notamment par les Forces aériennes stratégiques avec 1 avion ravitailleur multi-rôles A330 MRTT et 6 chasseurs Rafale B. La maîtrise de l’espace aérien est matérialisée par 1 AWACS E3F (détection et commandement aéroporté), 4 chasseurs Mirage 2000-5 et 2 Mirage 2000 B. L’action dans la profondeur se manifeste avec 1 A330 MRTT, 6 Mirage 2000 D, 4 Rafale C et 2 Rafale B. La Marine nationale déploie le Groupe aérien embarqué avec 1 avion de guet aérien Hawkeye et 8 Rafale Marine. S’y ajoutent 2 ATL2 de la patrouille maritime, pour les opérations extérieures, et 1 Falcon 50 Marine, pour la lutte contre les trafics illicites. Les trois armées montrent aussi leurs hélicoptères. L’armée de Terre présente ses missions : protection du territoire national avec 3 appareils (Puma, Caïman et Cougar) ; opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne avec 3 appareils (1 Tigre et 2 Caïman). Celles de l’AAE consistent en interventions extérieures et sur le territoire national, présentées par 2 Caracal, 1 Fennec canon et 1 Fennec TE. La Marine nationale montre 2 Caïman, 2 Panther et 1 Dauphin pour la maîtrise des espaces aéromaritimes et le combat naval. La sécurité par les airs. L’AAE montre ses moyens d’engagement, de projection et de soutien par trois types d’avions de transport, représentés par 1 A400 M, 1 Transall C160 et 2 Casa CN235. S’y ajoute, pour le renseignement, 1 avion léger de surveillance et de reconnaissance. L’AAE présente 2 Pilatus PC 21 et 2 Xingu destinés à la formation, l’entraînement et la préparation. La Direction générale de l’armement déploie le nouvel avion de soutien d’essais en vol TBM 940. La Sécurité civile montre 1 Beech B200, 1 Canadair et 1 Dash Q400 dédiés à la lutte contre les incendies et 1 hélicoptère d’intervention. La Gendarmerie déploie 3 hélicoptères (1 EC145 et 2 EC135), destinés à l’assistance, le sauvetage, la surveillance, le renseignement et l’intervention.
Les anniversaires. L’année 2021 rappelle les 80 ans du « serment de Koufra » (division Leclerc), les 80 ans des Forces aériennes françaises libres, les 75 ans de la base aéronavale de Lann Bihoué, les 60 ans de la Direction générale de l’armement, les 30 ans de la division « Daguet » et les 10 ans du Service interarmées des munitions. Les cérémonies. En ouverture, la musique de la Garde républicaine souligne la concorde nationale. La clôture met en exergue une jeunesse engagée, représentée par une chorale de 120 jeunes. Le Chœur de l’armée française entonne la « Marseillaise ». Loïc Salmon 14 juillet 2019 : coopération européenne et innovation 14 juillet 2018 : l’engagement citoyen et patriote 14 juillet 2017 : « opérationnels ensemble » en interarmées, interministériel et international Stratégie : l’action de la France dans la zone indopacifique
La France renforce ses partenariats dans la région indopacifique avec les Etats- Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde et entend y soutenir le développement d’une stratégie européenne. Le général de corps aérien Luc de Rancourt, directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie, et le contre-amiral Jean-Mathieu Rey, commandant la zone maritime de l’océan Pacifique et les forces armées en Polynésie française, l’ont expliqué, le 6 mai 2021 à Paris, lors d’une visioconférence avec la presse. Cinq objectifs. Selon le général de Rancourt, la stratégie de la France porte d’abord sur l’intégrité de sa souveraineté sur les départements et territoires de la région (La Réunion, Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et Polynésie française) et la protection de ses ressortissants et de sa zone économique exclusive (9 Mkm2). Ensuite, il s’agit de contribuer à la stabilité et la sécurité régionales par des coopérations. La Chine, compétiteur stratégique, mène une politique de plus en plus agressive, dans le cadre de sa rivalité avec les Etats-Unis. La France, par son autonomie d’appréciation, propose une voie différente aux autres pays de la région pour défendre leurs intérêts. En troisième lieu, elle compte préserver un accès libre et ouvert aux espaces communs et assurer la sécurité des voies de communications maritimes. Quatrièmement, elle contribue au maintien de la stabilité stratégique par un action globale fondée sur le multilatéralisme. Ainsi, elle participe activement aux enceintes régionales, notamment au « Shangri-La Dialogue » à Singapour depuis 2012. Cette année, elle prend la présidence de la
Commission de l’océan Indien et de « l’Indian Ocean Naval Symposium ». Dans le Pacifique Sud, elle est membre du « South Pacific Defence Ministers’ Meeting » et candidate, en Asie du Sud-Est, à un statut d’observateur à « l’ADMM+ » (ASEAN Defence Ministers’ Meeting). Cette organisation regroupe les pays de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (Bruneï, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Viêt Nam) ainsi que l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, la Russie et les Etats-Unis. Le cinquième objectif porte sur l’anticipation des risques sécuritaires induits par le changement climatique. Depuis plusieurs années, le ministère des Armées mène une cartographie de ces risques dans l’océan Indien et le Pacifique Sud pour évaluer leurs conséquences en termes de défense et de sécurité. A ce titre, les forces armées françaises interviennent souvent pour répondre aux catastrophes naturelles. Présence militaire régulière. Les forces armées pré-positionnées (6.800 militaires, 15 bâtiments de la Marine nationale, 22 avions de transport et 16 hélicoptères) patrouillent sur la zone indopacifique pour garantir sa capacité d’évaluation autonome de situation, souligne le contre-amiral Rey. La France participe à la mission « Aeto », dispositif international de lutte contre la prolifération nucléaire et les contournements des sanctions établies par le Conseil de sécurité de l’ONU contre la Corée du Nord. Ainsi, le sous-marin nucléaire Emeraude, accompagné du bâtiment de soutien Seine, a patrouillé en mer de Chine jusqu’au 9 février 2021. La frégate Prairial s’est rendue en mer de Chine orientale du 10 au 19 février et la mission « Jeanne d’Arc » (porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et de la frégate Surcouf) s’y trouve en mai. En juin, 3 Rafale, 2 avions ravitailleurs Phénix et 2 avionsA400M iront jusqu’à Tahiti et Hawaii. Loïc Salmon Asie-Pacifique : présence militaire française accrue Chine : montée en puissance régionale et internationale Inde : du non-alignement à la volonté de grande puissance
Marine nationale : la TF 50 américaine sous commandement français Pendant sa présence dans le golfe Arabo-Persique dans le cadre de la mission « Clemenceau 2021 », le Groupe aéronaval (GAN) assure le commandement de la Force opérationnelle américaine 50 (TF 50) depuis le 31 mars 2021. Le contre-amiral Marc Aussedat, commandant le GAN, a présenté la situation le 15 avril 2021, au cours d’une visioconférence avec la presse à Paris. Confiance et interopérabilité. Le golfe Arabo-Persique constitue une vaste zone d’opérations (voir encadré). Les contacts fréquents avec les Marines des pays riverains restent professionnels, même avec les forces navales iraniennes, pour éviter toute escalade, souligne l’amiral Aussedat. Dans le cadre de l’opération « Inherent Resolve », la TF 50 a pour missions d’accompagner les forces de sécurité irakiennes, pour empêcher Daech de se reconstituer, et de maîtriser l’espace aéromaritime de la zone. La TF 50 opère sous les ordres de l’état-major naval américain, basé à Bahreïn. Le centre des opérations aériennes de la coalition (83 pays), sous commandement américain, se trouve au Qatar.
Signe de la confiance établie au cours de dizaines d’années entre les Marines américaine et française, le commandement français de la TF 50 met en exergue l’interopérabilité entre les porte-avions Charles-de-Gaulle et Eisenhower, tous deux à propulsion nucléaire et équipés de catapultes et de brins d’arrêt. Ce tandem permet une vision plus large de la situation et augmente l’intensité de l’effort dans les cas d’intervention armée. Ainsi, les deux avions de guet aérien E-2C Hawkeye du Charles-de-Gaulle, véritables postes de commandement volants, assurent le relais radio et l’alerte avancée dans l’environnement tactique. Les avions de chasse Rafale F3-R et les missiles de croisière navals de la frégate multi-missions Provence donnent une capacité de frappe dans la profondeur. Les Rafale effectuent 6 à 8 sorties par jour pour des vols de reconnaissance ou des frappes sur des objectifs identifiés ou pour des engagements d’opportunité au profit des troupes irakiennes au sol. Composante américaine. L’amiral Aussedat s’entretient tous les deux jours avec le vice-amiral commandant la Vème Flotte américaine, dont dépend la TF 50 chargée aussi d’assurer la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz. Le porte- avions Eisenhower présente les caractéristiques suivantes : déplacement, 100.000 t ; longueur, 322, 8 m ; largeur du pont d’envol, 76 m ; vitesse, 30 nœuds (55 km/h). Il peut embarquer 90 aéronefs, dont : 4 « squadrons » (« flottilles » dans la Marine française) d’avions d’attaque et d’assaut F/18 Hornet ; 1 squadron d’avions de guerre électronique EA-6 Prowler ; 1 squadron d’avions de guet aérien E-2 Hawkeye ; 1 squadron d’hélicoptères de lutte anti-sous-marine Seahawk ; 1 flotte de soutien logistique Grumman C-2 Greyhound. La Marine américaine compte 11 porte-avions en service et devrait prendre livraison de 3 autres en 2022, 2027 et 2030. Loïc Salmon L’océan Indien est accessible par trois détroits d’importance stratégique, à savoir Bab-el-Mandeb (vers la mer Rouge et le canal de Suez), Ormuz et Malacca (vers l’océan Pacifique). Le détroit d’Ormuz relie la mer d’Arabie au golfe Arabo- Persique. Ce dernier s’étend sur 251.000 km2 avec une longueur de près de 1.000 km, une largeur variant de 200 km à 300 km et une profondeur de 50 m à 90 m. Il est bordé par : l’Iran au Nord-Est ; l’Irak, le Koweït et l’Arabie saoudite à l’Ouest ; Bahreïn, le Qatar et les Emirats arabes unis au Sud et à l’Est ; Oman à l’Est par l’enclave de Moussandan.
Marine : missions « Clemenceau 2021 » pour le GAN et « Jeanne d’Arc 2021 » pour le GEAOM Aviation militaire : les Rafale F3-R en service opérationnel Marine nationale : groupe aérien aux Etats-Unis, modernisation du porte-avions Armée de Terre : de la gestion de crise à la guerre future
Les forces aéroterrestres se préparent à la guerre, asymétrique ou de haute intensité, par le maintien de leurs capacités et une technicité accrue. Le général de division (2S) Charles Beaudoin, délégué général du Commissariat général des expositions et des salons d’armements aéroterrestres, l’a expliqué au cours d’une visioconférence-débat organisée, le 10 décembre 2020 à Paris, par l’Association de l’armement terrestre et l’Association 3ED-IHEDN (ex-AACHEAr).
Caractéristiques. Expérimentée, l’armée de Terre (AT) française s’est adaptée depuis 1990 aux différents conflits en urgence opérationnelle. Outil de puissance à forte valeur ajoutée avec un savoir-faire spécifique, ses forces spéciales sont déployées en petits effectifs pour une action rapide et complexe. Disposant de nouveaux équipements cinq ans avant les autres unités, elles ne coûtent pas cher par rapport aux effets obtenus par leurs missions. Les capacités de l’AT incluent les équipements, le soutien (approvisionnements, munitions et pièces de rechange), la doctrine (règles et modes d’emploi) et l’entraînement des forces. Destinés à fonctionner par des températures de – 30 °C à + 60 °C, les matériels doivent allier protection des personnels (blindage) et puissance de feu. Ainsi, dans tous les types de conflit, le véhicule blindé du combat d’infanterie (28-32 t) passe là où les autres blindés (10-15 t de plus), notamment allemands et américains, ne peuvent aller. Les opérations sont conduites en interarmées, voire en interalliés. Toutefois, l’artillerie permet d’exercer une riposte immédiate, par exemple sur un PC adverse protégé par des défenses sol-air ou quand un avion n’est pas disponible sur place au bon moment. L’AT dépend de l’espace pour : la navigation, grâce aux systèmes de positionnement par satellites (GPS américain et Galileo européen) et, en cas de brouillage, la centrale inertielle (divers instruments embarqués) permet de s’en affranchir ; les communications sur longue distance ou sur le théâtre d’opération ; la cartographie numérisée à bord des engins blindés. L’AT doit gérer ses équipements existants, faute de moyens financiers pour se moderniser d’un seul coup. Conflictualité évolutive. Le budget de l’AT correspond à 22 % du budget total des trois armées et à 20 % de celui du soutien, rappelle le général Beaudoin. Ses matériels, d’une durée de vie de 40-50 ans, sont à 80 % âgés de 30 ans. Il faut 15 ans pour en concevoir un, qui devra être modernisé au bout de 10 ans pour éviter le déclassement. La guerre froide (1947-1991) a mobilisé effectifs et stocks importants, qui ont diminué lors des « dividendes de la paix ». L’AMX 30 a été remplacé par le char Leclerc, dont le coût de soutien a explosé en raison de l’électronique embarquée. Depuis, l’AT s’est adaptée au changement de la conflictualité…avec les mêmes matériels. Les opérations sont passées de l’interposition, sans perte, entre deux factions en Côte d’Ivoire (2007), à une longue présence, avec pertes, en Afghanistan sur un espace restreint (2001-2014) et dans la bande sahélo-saharienne aux grandes élongations (depuis 2013). Le drone armé est apparu lors des combats en Afghanistan, en Irak (2003) et dans le Haut-Karabagh (2020). L’AT a été formatée pour la gestion de crise et non pour la
guerre, souligne le général Beaudoin. Entre 1990 et 2017, la diminution des budgets militaires a conduit à une réduction des capacités, mais sans abandons. La guerre symétrique apparaît peu probable jusqu’aux événements en Ukraine (2014) ou dans le Haut-Karabagh (2020) significatifs de la résurgence d’Etats puissances comme la Russie et la Turquie. La prochaine guerre se déroulera en zone urbaine, face à des adversaires disposant de drones armés ou kamikazes, avec le souci de limiter au maximum les pertes en vies humaines. Par ailleurs, les industriels de l’armement changent leurs procédés, élaborent des outils numériques et ne reconstruisent plus les systèmes obsolètes. Système de forces, Scorpion, conçu en 2005, atteindra sa pleine puissance en 2025 pour durer 40 ans. Des équipements à bas coût, rustiques mais peu performants, ne remplaceront jamais la haute technologie pour conserver la supériorité opérationnelle. La simulation au combat de haute intensité, du soldat en régiment au général dans un PC de division, effective en caserne, se fera bientôt sur le terrain. Elle prépare le personnel à partir en opération de quatre mois au moyen d’une zone numérisée (ville, montagne, fleuve, route etc.) pour imaginer un mode d’action face à l’adversaire. Perspectives à moyen et long termes. D’ici à 2050, les deux tiers de la population mondiale résideront dans les grandes métropoles. Dans l’environnement complexe des Etats faillis, le combat terrestre se déroulera de plus en plus en zone urbaine, où l’adversaire se réfugiera en comptant sur l’attitude ambigüe des habitants, et de préférence la nuit quand sa présence est estimée et peu certaine. Il a fallu 90.000 hommes et des bombardements aériens pour prendre Mossoul (Irak, 2014), défendue par 1.000 combattants de Daech. Bientôt, il sera possible de détecter le départ d’un missile ou le tir d’un fusil. Le combat connecté, dès 2030, passera au traitement de données par l’intelligence artificielle pour déceler les signaux faibles de l’ennemi. Grâce à un « cloud », celle-ci gérera les flux de données à très haut débit, destinées au soldat qui les recevra sur son écran pour pouvoir réagir très vite. Toutefois, l’homme restera dans la boucle, comme pour le pilotage des drones armés. Des petits drones pourront lancer des grenades avec précision pour éviter les dommages collatéraux. Les prochains investissements porteront sur de nouveaux drones, la lutte anti-drones par brouillage, mitraillage de saturation ou laser actif qui suit une cible mouvante pour la neutraliser. L’adversaire pourrait cumuler les effets d’essaims de drones et…de drones anti-drones ! Les matériels de plus de 20 t du programme Scorpion seront renouvelés avec la prise en compte de la défense
contre les engins explosifs improvisés, suite au retour d’expérience de l’opération « Pamir » en Afghanistan. La défense sol-air sera modernisée en 2035. L’adversaire pouvant détecter l’arrivée d’un avion, la portée de l’artillerie sera doublée à 80 Km avec une précision métrique, grâce à des munitions à propulsion additionnelle vers 2040. A cette date, l’hélicoptère d’attaque Tigre sera remplacé. Toutefois, avertit le général Beaudoin, des choix s’imposeront pour tenir les engagements et alléger les contrôles pour diminuer les coûts et raccourcir les délais de construction et de livraison. Coopérations européennes. Prévu pour 2028, l’Eurodrone devrait être aussi performant que le Reaper américain pour le même prix. Le MGCS (système de combat terrestre principal) franco-allemand doit remplacer les chars Leopard 2 et Leclerc en 2035. Le partenariat franco-belge CaMo (2019) a permis la production en série des blindés légers Griffon et Jaguar, composants du système de combat Scorpion. Enfin, le traité de Lancaster House (2010) prévoit l’interopérabilité des AT française et britannique par des exercices conjoints réguliers. Loïc Salmon Armée de Terre : entraînement et juste équilibre technologique Armée de Terre : « Scorpion », le combat collaboratif infovalorisé Armement : l’influence des SALA sur la conflictualité future Marine : missions « Clemenceau 2021 » pour le GAN et « Jeanne d’Arc 2021 » pour le GEAOM
Le groupe aéronaval (GAN) a quitté Toulon le 21 février 2021 pour la mission « Clemenceau » (quatre mois) jusqu’en océan Indien. La mission « Jeanne d’Arc » (146 jours), qui emmène le Groupe école d’application des officiers de marine (GEAOM) jusqu’en mer de Chine et au Japon, est partie de Toulon le 18 février. Ces deux missions présentent un volet opérationnel avec des spécificités : lutte contre le terrorisme islamiste et renforcement des partenariats pour le GAN ; formation, coopération et assistance humanitaire pour le GEAOM. Clemenceau 2021. En Méditerranée orientale, le GAN participe à l’opération américaine « Inherent Resolve » contre le djihadisme au Levant, via son intégration au dispositif français « Chammal » de soutien des forces irakiennes, engagées au sol pour détruire les capacités militaires de Daech. Dans le cadre des opérations « Inherent Resolve » et « Agénor » (Union européenne) en mer Rouge, dans le golfe Arabo-Persique et en océan Indien (mer d’Arabie), il approfondit les connaissances des zones traversées et assure une présence opérationnelle, réactive et adaptable pour garantir la sécurité régionale. Le GAN se compose du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui embarque : 20 avions de chasse Rafale marine (F3R) ; 2 avions de guet aérien E-2C Hawkeye ; 2 hélicoptères Dauphin pour la sécurité des équipages et les missions de recherche et de secours ; 1 hélicoptère Caïman pour les luttes anti-sous-marine et antinavire et le transport logistique. Il est escorté par : la frégate de défense aérienne et de commandement des opérations aériennes Chevalier-Paul ; la frégate multi-missions Provence,
renforcée temporairement par sa jumelle Auvergne, pour les luttes anti-sous- marine et antinavire, l’appui aux opérations terrestres et la projection de puissance, chacune embarquant un hélicoptère Caïman ; un sous-marin nucléaire d’attaque pour le recueil de renseignement, l’intervention contre des enaces navales ou sous-marines et la mise en œuvre de forces spéciales ; le bâtiment de commandement et de ravitaillement Var. En outre, un avion de patrouille maritime Atlantique-2, basé à terre, assure, pour le GAN, des missions de renseignement en haute mer, de lutte anti-sous-marine et, éventuellement, de puissance de feu sur des objectifs terrestres par des bombes guidées laser. « Clemenceau 2021 » prévoit la participation partielle de la frégate belge Leopold-1er, d’une frégate grecque et du destroyer américain Porter. Jeanne d’Arc 2021. Dans le cadre de la présence française ans la zone indopacifique, le GEAOM intègre la « Combined Task Force 150 » de la coalition internationale en océan Indien, pour lutter contre les trafics et activités illicites liées au terrorisme et sécuriser les espaces maritimes. Il contribue au maintien de la connaissance des zones et de l’étude de leurs évolutions, afin d’anticiper l’apparition des crises tout en conservant une liberté autonome d’appréciation de la situation. Le GEAOM se compose du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre et de la frégate Surcouf. Outre un groupement tactique et des hélicoptères de l’armée de Terre, les deux navires embarquent 148 officiers de Marine en formation, dont 14 femmes, 8 enseignes de vaisseau étrangers (Allemagne, Cameroun, Côte d’Ivoire, Madagascar, Togo et Viêt Nam) et 5 officiers invités (Egypte, Ethiopie, Indonésie, Malaisie et Maroc). « Jeanne d’Arc 2021 » inclut des exercices majeurs avec les Marines d’Inde, d’Australie, du Japon et des Etats- Unis. Loïc Salmon L’océan Indien : enjeux stratégiques et militaires Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »
Afrique : l’opération « Barkhane », créer de l’incertitude chez l’adversaire Quoiqu’affaiblies par les actions conjointes et imprévisibles de la force Barkhane et de ses partenaires, les organisations terroristes du Sahel veulent toujours exporter le djihadisme. Le général de division Marc Conruyt, commandant la force Barkhane dans la bande sahélo-saharienne, a présenté la situation le 11 février 2021 lors d’une visioconférence avec la presse à Paris. Deux actions majeures. Une première opération de grande ampleur dénommée « Bourrasque », lancée contre l’organisation « Etat islamique au grand Sahara »
(EIGS), s’est déroulée du 28 septembre au 1er novembre 2020 dans le Liptako Gourma, zone frontière entre le Mali et le Niger. Elle a mobilisé 3.000 militaires, dont 1.600 Français de la force Barkhane et 1.400 des forces armées maliennes et nigériennes, avec des moyens aériens français, britanniques, américains et danois. La seconde opération dénommée « Eclipse », qui a visé le « Rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans » (RVIM), a eu lieu dans la région de Mopti (Mali), près de la frontière avec le Burkina Faso, du 2 au 20 janvier 2021 sur une zone d’environ 300 km sur 450 km. Elle a mobilisé 3.400 militaires, dont 1.500 de la force Barkhane et 1.900 des forces armées du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Au cours des deux opérations, la précision du renseignement a permis de déjouer les modes opératoires adverses. Les conséquences. Selon le général Conruyt, « Bourrasque » a cassé la dynamique qu’avait l’EIGS en 2019. Ce dernier, qui a perdu des ressources en combattants et armements, fuit désormais le combat. Toutefois, il conserve une capacité de nuisance contre des cibles civiles au Niger. Lors de l’opération « Eclipse » le RVIM a subi des pertes moindres que l’EIGS et se montre plus agressif. Porteur d’un projet politique, le RVIM recourt à l’intimidation des populations, l’embrigadement des jeunes, l’action indirecte, le renseignement et la manipulation de l’information. La désinformation, qui existe depuis longtemps dans la bande sahélo-saharienne, exerce une influence sur les populations locales avec un écho parmi certains cercles à Bamako, mais n’a guère d’effet important sur le terrain, précise le général Conruyt. La force Barkhane procède aussi à des actions informationnelles, en complément des autres moyens à sa disposition. De son côté, à partir de sa base arrière dans la région, l’organisation « Al-Qaïda au Maghreb islamique » tente d’exporter le djihadisme, notamment vers le Mali et le Bénin et dispose de cellules dormantes en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Les partenariats. La task force européenne Takuba, composée notamment de membres des forces spéciales tchèques et estoniennes, accompagne les unités maliennes qui conservent leur liberté d’action. La compréhension de la menace, indique le général Conruyt, repose sur le partage de renseignement avec les pays partenaires et frontaliers ainsi que sur une coordination avec les forces françaises stationnées en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Gabon. Enfin, les Etats-Unis maintiennent une coopération importante en matière de renseignement, de ravitaillement en vol et de transport stratégique. L’avenir de « Barkhane ». A l’issue du sommet des 15-16 février à N’Djamena
(Tchad) avec les dirigeants du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), le président de la République, Emmanuel Macron, a exclu, dans l’immédiat, toute baisse des effectifs de la force Barkhane (5.100 militaires). Loïc Salmon Afrique : quelles perspectives pour l’opération « Barkhane » ? Bande sahélo-saharienne : opérations aériennes, permanence et réactivité Afrique : soutiens intégrés à l’opération « Barkhane » Armée de l’Air et de l’Espace : « Skyros 2021 », mission en interalliés en Eurasie
Pour démontrer sa capacité à intervenir à grande distance et sous court préavis, l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) entreprend la mission « Skyros 2021 » (20 janvier – 5 février) », qui se déroule jusqu’en Inde. La projection de puissance. Placée sous le commandement opérationnel de l’Etat-major des armées, « Skyros 2021 » vise à former les équipages français aux missions exigeantes de la projection et à valoriser l’interopérabilité avec les armées de l’Air des pays partenaires concernés : Djibouti, Inde, Emirats arabes unis, Egypte et Grèce. Cette mission mobilise 170 aviateurs, 4 avions de chasse Rafale B, 2 avions de transport militaire polyvalents A400M Atlas, 1 avion de transport et de ravitaillement A330 Phénix et 15 t (190 m3) de fret. Elle met en œuvre des moyens d’appui à la manœuvre aérienne, à savoir transit, systèmes d’information et de communication et protection défense, à partir d’une structure de commandement centralisées basée à Lyon-Mont-Verdun. Chaque escale donne l’occasion d’entraînements communs : combats aériens, ravitaillements en vol croisés et raids conjoints. « Skyros 2021 » constitue un jalon capital pour l’AAE en vue de pouvoir déployer, à partir de 2023, 20 Rafale et 10 A330 Phénix jusqu’à 20.000 km en 48 heures. Cette mission s’inscrit dans la stratégie de défense de la France dans les zones Asie-Pacifique, Proche et Moyen-Orient et bassin
méditerranéen. Les escales. Le traité de coopération en matière de défense, signé en 2011 avec la République de Djibouti, permet d’y stationner 1.500 militaires français, capables d’accueillir et de projeter rapidement des forces en cas de crise dans la sous-région, vers l’océan Indien ou le Moyen-Orient. La base aérienne 188 abrite l’escadron de chasse 3/11 « Corse », équipé de Mirage 2000-5, et l’escadron de transport 88 « Larzac », équipé d’hélicoptères Puma et d’avions de transport tactique, logistique et de fret Casa CN-235. L’espace aérien de 250 km de long et de 200 km de large permet des exercices grandeur nature au milieu du désert. L’ancienne coopération aéronautique avec l’Inde a été consolidée par l’achat de 36 Rafale en 2016. Les armées de l’Air indienne et française se côtoient lors de l’exercice multilatéral « Pitch Black » en Australie (2018), l’escale en Inde de la mission « Pégase » (2018) et l’exercice bilatéral « Garuda », organisé tous les deux ans en France ou en Inde. Le dernier s’est déroulé en 2019 à Mont-de- Marsan avec la participation de 4 avions de chasse indiens SU-30. La base aérienne française 104 aux Emirats arabes unis permet une projection de force dans la zone indopacifique et une présence préventive, nécessaire à un engagement immédiat. Outre le partenariat opérationnel dans la lutte anti-drones ou la guerre électronique, l’AAE participe aux exercices majeurs de défense aérienne « Desert Flag » et « Falcon Shield ». Le plan annuel de coopération entre la France et l’Egypte porte notamment sur la formation, les échanges, les exercices et les équipements. Déjà détentrice de Mirage 2000, l’Egypte a acheté 24 Rafale en 2015. « Skyros 2021 » renforce les capacités aériennes communes pour contribuer à la sécurité et à la stabilité dans la région. Membres de l’Union européenne et de l’OTAN, la Grèce et la France maintiennent des positions similaires en matière de sécurité. La Force aérienne hellénique dispose de Mirage 2000 et a signé un contrat d’achat de 18 Rafale en janvier 2021. L’AAE va participer à l’édition 2021 de l’exercice « Iniochos » en Grèce. Loïc Salmon Armée de l’Air : « Pégase 2018 », projection lointaine dans le Pacifique Armée de l’Air : CDAOA, permanence et réactivité Patrouille de France, la tournée américaine de 2017
Europe : dynamique de défense et coopération en Centrafrique L’Union européenne (UE) relance son projet de défense sur les plans politique, capacitaire et opérationnel et contribue à la reconstruction des forces de défense et de sécurité de la Centrafrique. Le colonel (Air) Patrice Morand, adjoint au chef de service du bureau Europe, Amérique du Nord et action multilatérale de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie, l’a expliqué à la presse le 23 janvier 2020 à Paris. En complément, la mission de formation de l’UE en République centrafricaine (EUTM-RCA) a été présentée par son commandant, le général de brigade Eric Peltier, en visioconférence depuis Bangui. Le contexte stratégique. Selon le colonel Morand, l’environnement international en matière de défense et de sécurité se caractérise par : des crises au Sahel, en Libye, au Levant et dans le golfe Arabo-Persique ; le terrorisme ; le cyber ; l’espace ; la guerre hybride ; la course aux armements, consécutive aux
retraits des Etats-Unis et de la Russie du traité sur les armes nucléaires à portée intermédiaire en 2019. Toutefois, l’OTAN reste le principal pilier de défense collective. De plus, les Etats membres de l’UE accroissent leurs budgets de défense. Enfin, des coopérations bilatérales existent entre la France, la Grande- Bretagne, l’Italie, l’Espagne, l’Estonie, les pays scandinaves, la Belgique et le Portugal. Le pilier politique. A l’issue des attentats terroristes à Paris en 2015, l’article 42.7 du traité de l’UE a été activé pour la première fois par la France, rappelle le colonel Morand. En 2016, la nécessité de disposer d’une autonomie stratégique a été affirmée au sein de l’UE dans le cadre de sa stratégie globale. A l’instigation de la France, l’Initiative européenne d’intervention, instaurée en juin 2018, permet l’émergence d’une culture stratégique commune par des groupes de travail qui partagent l’analyse stratégique. Elle regroupe déjà 13 pays : Allemagne ; Belgique ; Danemark ; Norvège ; Suède ; Finlande ; Espagne ; Estonie ; Italie ; France ; Grande-Bretagne ; Pays-Bas ; Portugal. Enfin, l’UE a manifesté sa volonté de développer une base industrielle et technologique de défense autonome. Le pilier capacitaire. Les Etats membres partagent leurs priorités en matière de capacités, notamment par la revue annuelle de coordination de défense pour éviter les duplications, indique le colonel Morand. En 2017, la création de la « Coopération structurée permanente » a déjà permis de renforcer la mobilisation de 25 Etats membres autour de 47 projets. La France participe à 37 d’entre eux et en coordonne 11. La revue stratégique 2020 constituera un point d’étape et une réflexion sur les orientations futures. La mise en place du Fonds européen de défense, d’un montant de 13 Mds€, apporte, pour la première fois, un soutien budgétaire européen à des projets capacitaires communs, en vue de renforcer la compétitivité et l’autonomie de l’industrie européenne. Le cadre financier pluriannuel (2021-2027) vise à faciliter la coopération entre grands groupes et petites et moyennes entreprises dans l’innovation, la recherche et le développement, depuis les études amont à la réalisation de prototypes. En outre, la Commission européenne dispose d’une Direction générale de l’industrie, de la défense et de l’espace depuis le 1er janvier 2020. Le pilier opérationnel. L’UE est déjà engagée dans les opérations « Atalante » (lutte contre la piraterie en océan Indien) et « Sophia » (lutte contre l’immigration clandestine en Méditerranée), rappelle le colonel Morand. Elle remplit aussi des
missions de formation (sigle anglais EUTM) au Mali ou en Centrafrique (voir plus loin). Depuis 2017, ces engagements sont notamment renforcés par la mise en place de la « Capacité militaire de planification et de conduite des opérations ». D’ici fin 2020, cette structure de commandement pourra contrôler les missions de type EUTM et un engagement européen jusqu’à 2.500 militaires. En 2018, l’UE a constitué la « Facilité européenne pour la paix » (FEP), à savoir un fonds de 10,5 Mds€ pour financer des actions opérationnelles relevant de la politique étrangère et de la sécurité commune. La FEP doit permettre de compléter l’action des EUTM dans une logique de formation et d’équipements, y compris létaux. Pour répondre à un besoin précis, des missions européennes peuvent être mises sur pied. Ainsi, la force d’intervention « Takuba », résultat d’une analyse stratégique commune, porte sur l’envoi au Sahel de forces spéciales de six pays européens et dont la gestion sera assurée par le Centre de planification et de conduite des opérations à Paris. Enfin, se développe un état-major « opératif » pour de futurs groupements tactiques interarmées européens de réaction rapide (1.500 militaires), déployables en 10 jours sur un théâtre de crise hors UE pendant une période de 30 à 120 jours. L’EUTM-RCA. Mise en place en juillet 2016 à la demande du gouvernement centrafricain, la mission EUTM-RCA a pour mandat d’aider à reconstruire, dans la durée, les forces locales de défense et de sécurité, explique le général Peltier. Elle compte 180 militaires de 11 pays contributeurs, dont 8 européens. Son état-major de 20 cadres apporte un conseil stratégique pour aider l’armée à se constituer une ossature administrative, réglementaire et doctrinale, avec un modèle logistique et un autre de ressources humaines. La formation opérationnelle va de celle du combattant individuel à celle du niveau de compagnie d’infanterie. En outre, il s’agit de former des formateurs dans les domaines de l’informatique, des transmissions ou de la topographie. L’EUTM-RCA a déjà formé 6.000 soldats répartis dans 5 bataillons, dont 4 d’infanterie et 1 amphibie fluvial. Parmi eux, 1.500 soldats sont déjà déployés à l’extérieur de Bangui et appuyés par la Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA). Un chômage important permet de sélectionner 1.000 recrues sur 20.000 candidats. Il s’agit ensuite de passer d’une armée de projection à une armée de garnison, pour restaurer l’autorité de l’Etat sur un territoire de 623.000 km2 et peuplé de 4,6 millions d’habitants. Malgré les accords de paix de fin 2019, des groupes armés exercent une violence récurrente. Par ailleurs, l’EUTM-RCA entretient également des relations avec l’Union
africaine, la France, les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Celle-ci a affecté quelques officiers à la MINUSCA et a ouvert un centre d’entraînement à proximité de Bangui. Elle propose un aguerrissement complémentaire aux soldats centrafricains, avant leur déploiement dans les bataillons. L’arrivée prochaine en Centrafrique d’une mission militaire russe, officielle, permettra à l’EUTM-RCA de coordonner les formations, pour éviter toute redondance et rechercher l’efficacité. Loïc Salmon Depuis le 30 janvier 2020, la mission européenne de surveillance maritime EMASoH est opérationnelle dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz. La frégate française Courbet a été rejointe par la frégate néerlandaise De-Ruyter mi- février. Une frégate danoise arrivera en septembre. L’état-major de l’EMASoH, implanté sur la base française d’Abou Dhabi, compte des officiers belges, néerlandais, danois et français. Défense : montée en puissance de l’Initiative européenne d’intervention Europe : défense future, la dimension militaire Centrafrique : passage de relais des forces Sangaris et EUFOR RCA à la MINUSCA Armée de Terre : retours d’expériences et interculturalité
Le monde militaire et celui des entreprises multinationales, confrontés tous deux à l’interculturalité, y adaptent leur formation en permanence. Cette question a été abordée au cours d’un colloque organisé, le 27 novembre 2019 à Paris, par l’Etat-major spécialisé pour l’outre-mer et l’étranger. Y sont notamment intervenus : le général de corps d’armée Patrick Destremau, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et de l’Enseignement militaire supérieur ; Alain Juillet, président de l’Académie d’intelligence économique ; Pascal Monpetit, consultant international ; Marie Serre, anthropologue. Les enjeux stratégiques. L’interculturalité se trouve au cœur de nos pratiques et engagements, où la connaissance de l’autre accroît l’efficacité, souligne le général Destremau. Reconnaître la particularité d’un point de vue différent du nôtre constitue un avantage. Ainsi, par le dialogue entre civils et militaires, l’IHEDN intègre les différences, constantes et régularités pour saisir la relativité de son propre point de vue. Il favorise les échanges entre les cultures des secteurs privé et public, entreprises, administrations, associations et mouvements politiques qui s’ignorent. La règle de « Chatham House » (échange d’informations
sous réserve d’un anonymat total) permet de découvrir un monde inédit et de travailler ensemble dans un but commun. Les différentes cultures déterminent des manières de vivre et d’agir, qui ne se réduisent pas aux différences des religions. Les spécificités d’un ministère font prendre conscience de la nécessité de l’action interministérielle. Dans le domaine académique, l’interdisciplinarité, indispensable pour la crédibilité, apparaît difficile à mettre en œuvre. Il s’agit de rapprocher des mondes, qui habituellement ne se parlent pas. La prospective de défense globale nécessite de connaître la situation internationale, enjeu majeur de la culture stratégique. La thèse de l’autonomie stratégique européenne recourt à l’interculturalité pour transcender les particularités de chaque pays, en vue d’une défense commune. Un accord sur les moyens nécessite de s’entendre pour garantir l’indépendance. L’erreur de l’Union européenne a été de construire l’Europe des marchés et non celle des citoyens. Dans la perspective d’une défense européenne, la France doit comprendre les perceptions qu’elle suscite. Face à l’internationalisation des confrontations, la diplomatie recherche les coopérations pour ajuster les forces, afin de résoudre les conflits. Les opérations interalliées se trouvent au cœur des engagements diplomatiques et de la réflexion stratégique. L’intérêt commun exige un lien solidaire pour conduire une opération en commun sur la base d’une culture stratégique commune. Cela implique agilité, souplesse et adaptation aux circonstances, car l’art de la guerre ne se réduit jamais à une mécanique. Les « multinationales ». Les grands groupes, qui absorbent des entreprises dans le monde entier, doivent en fédérer les personnels, pour les faire adhérer à des objectifs qui n’étaient pas les leurs, explique Alain Juillet. Ils y parviennent par : des objectifs partagés et non pas imposés ; l’expertise des salariés ; un regard objectif sur l’entreprise rachetée. L’alliance entre Volvo (Suède) et Renault (France) a échoué en 1993 dans sa tentative de constituer un constructeur automobile de taille mondiale, en raison des comportements trop différents des personnels. Il convient de connaître l’histoire de l’autre pour bâtir une histoire commune, par exemple un dirigeant génial ou une spécialité unique. L’emploi d’une langue de travail commune, en général l’anglais, facilite la qualité des échanges. Or il semble difficile d’imposer l’anglais dans les grandes entreprises françaises. L’altérité (« aimer l’autre ») consiste à respecter chaque salarié, pour qu’il croit avoir une perspective de carrière par une égalité de traitement. Mais souvent, le recrutement de dirigeants par leur origine commune provoque la perte de cadres moyens très compétents…qui partent avec leur
expertise ! La solution passe d’abord par l’apprentissage du travail en groupe, souligne Alain Juillet. En France, le classement de sortie d’une grande école crée des rangs qui ont tendance à se maintenir à vie. Aux Etats-Unis et en Chine, les cadres sont jugés sur leur capacité à travailler en groupes interchangeables. Pour une mission donnée, des personnels issus de différents services et métiers sont regroupés pour partager réflexions et résultats. Avant une expatriation, les cadres et leur famille devraient suivre une formation spécifique sur le pays d’accueil pour en connaître les codes. Par exemple, au Japon, la décision au sein d’une entreprise part d’en bas, alors qu’elle vient d’en haut aux Etats-Unis. Dans l’ensemble, lors de négociations, les Extrême-Orientaux disent toujours « oui » pour ne pas perdre la face. Le chef ne parle pratiquement pas, pour ne pas se trouver en porte à faux avec ses subordonnés. L’astuce consiste alors à demander une suspension de séance, au cours de laquelle les interprètes respectifs se concertent sur la signification réelle du « oui » à la question posée. Seule une bonne culture locale permet de bien comprendre ses interlocuteurs. Il s’agit de créer, par la formation, une communauté de valeurs pour fédérer des gens de cultures d’entreprise différentes. Enfin, l’absence de respect des spécialistes peut entraîner des problèmes internes considérables et conduire à la disparition d’entreprises. Les défis interculturels. Les entreprises multinationales doivent adapter leur manière de communiquer et bien comprendre le processus de décision, estime Pascal Monpetit. En matière de communication, celle-ci apparaît conflictuelle et de façon explicite en Russie et implicite en France. Elle prend une forme d’évitement et de façon explicite aux Etats-Unis, mais implicite en Chine et en Suède. Au sein d’une entreprise, la décision se prend en équipe aux Etats-Unis, au niveau des spécialistes au milieu de l’organisation en Allemagne et au Japon, par une cascade de délégations en France et de façon autocratique en Russie… qui n’a pu créer d’entreprise multinationale en 30 ans ! Loïc Salmon L’interculturalité nécessite un travail sur soi pour rencontrer l’altérité, explique Marie Serre (photo). Il existe un décalage dans le temps entre l’identité (moi) qui s’oppose à l’altérité (eux) et ne partage pas la même vision du monde ni le jeu des rapports sociaux de classe et de race (fait historique). De la représentation de l’autre et de soi s’ensuit une inégalité dans les relations internationales, où les objectifs peuvent diverger ou converger. L’ethnocentrisme privilégie les codes et
croyances du groupe d’appartenance. Sa déconstruction, qui change le mode de pensée, implique de réfléchir à des questions comme « Pourquoi je pense ça ? », « Pourquoi j’agis comme ça ? » ou « Pourquoi je ressens ça ? ». Le dialogue permet de coopérer par le partage de croyances et d’expériences. Trop peu d’informations conduit à remplir les caractéristiques manquantes à partir de stéréotypes, généralités et préjugés personnels. Mais trop d’informations concentre l’attention sur les détails qui confirment les croyances antérieures. Armée de Terre : opérations et relations internationales Défense : se réapproprier la question militaire Sûreté : élément stratégique des entreprises internationales
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