Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches

La page est créée Delphine Riou
 
CONTINUER À LIRE
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
Exposition à la librairie
     Ombres Blanches

          Hommage
  à Jacques Girard, galeriste

    Méridianes éditions
      et ses artistes
     Daniel Dezeuze      Anne-Marie Pécheur
     Serge Fauchier          Yves Reynier
    Christian Jaccard       Claude Viallat

du 29 janvier au 12 mars 2022
   Ombres Blanches 3, Rue Mirepoix • Toulouse
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
Jacques Girard
                                         parmi ses artistes

                                   L
                                           a Galerie Jacques Girard de 1982 à 2013
                                           a été, avec la galerie Sollertis et la galerie
                                           Kandler, à Toulouse, un des lieux référents
                                           pour l’art contemporain. Elle y a présenté
                                           de nombreux artistes de Supports/Surfaces
                                           ou proches du groupe : P. Buraglio,
                                           L. Cane, M. Devade, D. Dezeuze, N. Dolla,
                                   S. Fauchier, T. Grand, Ch. Jaccard, B. Pagès, J.P.
                                   Pincemin, P. Saytour, A. Valensi, Cl. Viallat etc. Et
                                   aussi des maîtres de l’abstraction d’une génération
                                   antérieure : Olivier Debré, S. Charchoune, Piet
                                   Moget ou Geer van Velde ; ou de plus jeunes artistes :
                                   A.M. Pécheur, D. Bonnal, V. Gray, V. Notley,
                                   V. du Chéné etc. Ou des artistes plus singuliers
                                   dans leur démarche : Dado, B. Dufour, Y. Reynier,
                                   A. Saura etc. Un regard ouvert qui l’amenait à retenir
                                   autant des artistes proches géographiquement (Ph.
                                   Hortala, Ph. Lamy, Fr. Poutays, D. Gerhardt etc.)
                                   que venus d’horizons plus lointains (Ed Ruscha,
                                   K. Appel, M. Paladino, W. MacKendree, D. Tremlett,
                                   G. Honegger etc.). Et la liste est très incomplète… et
      Jacques Girard, © B. D.-F.
                                   impressionne si on y ajoute quelques noms comme
                                   M. Barré, J.M. Basquiat, Bram Van Velde, J. Bishop,
                                   J. Dubuffet, K. Haring, J. Schnabel etc. Il y avait
                                   toujours des artistes à découvrir dans la galerie de
                                   Jacques Girard avec un goût plus particulier pour
                                   la peinture dans sa continuité et son incessant

[2]                                                                                  [3]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
renouvellement. Il y eut des artistes qui furent
présentés de façon éphémère (même un tableau de
jeunesse de Mondrian ou de l’art africain) et d’autres
                                                                                    Un galeriste
de manière bien plus fréquente – des « artistes
de la galerie » : L. Cane, A. Delay, D. Dezeuze,
S. Fauchier, V. Gray, G. Honegger, A. Pesce, Fr.
                                                                                        à Toulouse
Rouan, Y. Reynier, Cl. Viallat et j’en oublie et pas
des moindres… Jacques et son chat accueillaient
dans la galerie silencieusement. Il fallait aller seul –
ou presque – à la découverte des œuvres. Et souvent
lui aussi (et son chat) restait seul, dans la faveur de ce

                                                             C
compagnonnage, à regarder les œuvres autour de lui
dans les volutes de fumée de ses cigarettes.
                                                                          ’était avec trois bouts de ficelle… avançait
  Plusieurs de ces artistes ont participé plus tard (à                    Jacques Girard, dans un entretien de 2003,
partir de 2005) aux éditions Méridianes. Nous avions en                   à propos de la création de sa galerie en
commun la reconnaissance pour le travail de Jacques.                      1982. Lorsqu’il se lance, en improvisant
Christian Thorel et la librairie Ombres Blanches ont                      et avec des moyens très limités, dans
choisi, pour participer à l’hommage qui sera rendu                        ce qui deviendra une des toutes plus
à Jacques Girard au début 2022, de présenter cette                        belles aventures toulousaines dans l’art
collaboration entre les éditions Méridianes et 6 artistes    contemporain, a déjà choisi ses orientations artistiques,
qu’il a exposés : Daniel Dezeuze, Serge Fauchier,            elles sont radicales souvent, risquées toujours,
Christian Jaccard, Anne-Marie Pécheur, Yves                  stimulantes dans leurs objectifs et engageant la
Reynier et Claude Viallat. Des livres de ces artistes et     discussion. La galerie doit devenir un lieu où on montre,
des œuvres anciennes ou récentes seront présentés du         un lieu où on aime, un lieu où on discute, où on dispute.
29 janvier 2022 au 12 mars 2022.                             La vie, quoi, et peut-être une manière de neutraliser
                                                             dans le collectif sa timidité, son inclination au silence,
          Pierre Manuel pour les éditions Méridianes         cet apparent retrait dont le sourire discret était une des
                                                             marques.

                                                                Lorsqu’il entame ce parcours des arts dans l’espace
                                                             de la rue des Blanchers, les galeries ne sont plus tout
                                                             à fait les lieux où l’art contemporain se déploie. Ce
                                                             sont les années où les « centres », les « espaces », vont
                                                             gagner, avec le soutien du Ministère de Jack Lang,
                                                             des publics à des pratiques et des courants critiques
                                                             inaugurés dans les années 60. C’est, entre autres,
                                                             sous l’impulsion et avec les conseils de Piet Moget,
                                                             de son expérience artistique et de celle, croisée, de
                                                             passeur, qu’il va entamer ce long chemin. En 1955,

[4]                                                                                                                [5]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
pour chercher la lumière de ses peintures, Piet Moget         publics s’ouvrent à la dimension des collections,
a choisi les étangs près de La Nouvelle, le port à partir     pour en arriver aujourd’hui à ce que les plus riches
duquel, avant d’ouvrir son espace, le LAC à Sigean, il        d’entre elles s’exhibent sans complexe ni retenue. Les
participe activement à la naissance des expositions           galeries les plus modestes n’ont pas gagné à ce jeu qui
d’art contemporain en Languedoc, en organisant des            aura inhibé la partie la plus active, même si la plus
Rencontres dans différents lieux qui ouvrent à des            modeste, des « échanges » artistiques. En attendant,
expressions trop souvent destinées aux expositions            dans le Toulouse des années 80, où les collectionneurs
parisiennes. C’est en partie de cette expérience que          sont certes souvent dans l’ombre, certains d’entre eux
Jacques Girard tire des enseignements et une énergie          choisissent Paris pour faire des acquisitions. Sont-ils
créatrice. C’est depuis ses pérégrinations entre ateliers     plus sûrs en choisissant un imprimatur artistique chez
qu’il va faire la connaissance des artistes et composer un    des marchands de la capitale, ou bien sont-ils jaloux
univers des possibles pour les yeux de tous les amateurs      de leur quiétude discrète en province ? Pourtant, dans
de peinture. Mais ce qu’il va avant tout défendre, c’est un   cette période qui n’est pas encore spéculative, où les
art qu’il veut « collectionnable ». Sans doute a-t-il aussi   montages institutionnels croisent les bricolages de tous
conscience que les artistes ne sont ni des fonctionnaires,    ordres dans le privé, les galeries sont encore actives, si
ni d’inévitables précaires. Et que l’art est une chose à      ce n’est nombreuses : Chappe-Lautier, Protée, Simone
négocier et à transmettre, et pas nécessairement le lieu      Boudet, bientôt Pierre-Jean Meurisse, Sollertis, Kandler
d’un aventurisme financier.                                   et Éric Dupont. Le commerce de l’art n’est peut-être
                                                              pas encore tout à fait celui des valeurs que va faire
   Parce qu’ils furent parmi les premiers rencontrés          bouger le marché. C’est bien ce lien entre une œuvre
et qu’ils répondaient plus précisément à la fois aux          et son acquéreur que Jacques Girard, qui fut courtier à
questions et aux attentes du galeriste, les artistes          ses débuts, recherche, un acte qui fait passer, par une
de Supports/Surfaces, fondateurs, élèves, amis,               succession de regards, du mur de l’atelier à celui de
« héritiers », vont devenir dès les premiers jours des        la galerie, puis à l’intimité du client. Et de ce point de
amis et des pensionnaires de la maison. Pour autant,          vue, Jacques Girard aura su nouer des liens, éveiller des
dira-t-il en 1986 dans un entretien, mon rapport à la         collectionneurs, déciller des regards. Jusqu’à initier des
peinture, avant tout subjectif, est régi par une sorte        vocations.
de mystère, loin de tout concept théorique. Il ajoute
que le programme de la galerie peut ainsi sembler               À l’orée de la période qui précède la tyrannie du
éclaté, mais le choix est parfaitement assumé                 marché et des foires internationales, artistes et
par un homme à la recherche d’étonnements,                    galeristes sont aussi dans l’attente des institutions,
d’émerveillements, de rencontres, et plus encore              FRAC, Centres d’art contemporain, musées. À
d’amitiés partagées.                                          Toulouse, après les expériences initiatrices de
                                                              Christian Schmitt au Centre culturel de la rue
   En France, contrairement à d’autres pays en Europe,        Croix-Baragnon dans les années 70, au Centre d’art
être collectionneur ne se raconte pas, l’alcôve reste         de Labège va succéder le Musée des Abattoirs.
un lieu prisé pour cacher ses trésors. Faut-il éloigner       Des expositions sont organisées dans des lieux
le regard du fisc ? Il faudra du temps (et des mesures        universitaires (ENAC, Université du Mirail) ou
fiscales allant désormais jusqu’à l’indécence) avant que      industriels (Centre culturel Aérospatiale) ailleurs
les entreprises mécènent les musées, ou que les espaces       en Midi-Pyrénées, des initiatives qui vont devenir

[6]                                                                                                                 [7]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
de plus en plus nombreuses donnent une présence
à l’art contemporain. Cette proximité publique,
mystérieusement, ne viendra pas renforcer chez
                                                                                                       Méridianes.
ces nouveaux spectateurs de l’art la conviction d’en
installer des éléments dans leur environnement
personnel. Et si, ainsi qu’il l’affirme en 2003, il est du
                                                                                                                Un éditeur
devoir des institutions de soutenir les galeries, rien
ne vient confirmer que Jacques Girard et les autres le
furent à la hauteur de leurs espoirs et surtout de leurs
nécessités économiques. Le galeriste de la rue des
Blanchers verra ainsi disparaître progressivement

                                                                              L
quelques-uns de ses confrères, jusqu’à la fermeture
de sa galerie en 2013 pour cause de sa mort brutale.
                                                                                         es éditions Méridianes ont été créées en 2005, à
  Entretemps et durant trente ans Jacques Girard                                         Montpellier. La première collection, sérigraphiée
aura réalisé six à sept expositions annuelles, la plupart                                au départ par Jean Villevieille – Les Grands
individuelles, parfois collectives. Le texte de Pierre                                   Méridianes – empruntait beaucoup, dans l’esprit
Manuel qui suit celui-ci en donne les grandes lignes.                                    au moins, à Derrière le miroir (éd. Maeght).
                                                                                         Un livre, toujours au même format (32x24cm)
                                           Christian Thorel                              centré sur un artiste avec un ou deux textes
                                                                              (critique ou entretien) pour l’accompagner et ancré dans
                                                                              l’espace d’une galerie : celle de Marie-Caroline Allaire-
                                                                              Matte – AL/MA, à Montpellier. G. Autard, A. Clément,
                                                                              D. Demozay, M. Labussière, D. Demozay, N. Leroy Fiévée;
                                                                              M. Moutashar, A.M. Pécheur, Y. Reynier, V. Skoda, Cl.
                                                                              Viallat en ont été les premiers artistes. Méridianes s’est
                                                                              ensuite élargi à d’autres publications dans le domaine
                                                                              de l’art contemporain sans être stricto sensu des livres
                                                                              d’artiste : d’abord une série sur le Musée Fabre pour laquelle
                                                                              des artistes ou des écrivains nous font cheminer à leur guise
                                                                              dans le musée. Puis des catalogues en partenariat avec des
                                                                              institutions ou des associations dont la série eXo, avec la
                                                                              Galerie AL/MA, dont l’objectif est de réaliser un premier
                                                                              catalogue. Il y aussi des monographies sur J. Azémard,
                                                                              D. Gauthier, G. Duchêne, S. Fauchier et bientôt T. Alkema;
                                                                              et des publications plus singulières où un artiste est
                                                                              présenté à travers sa « fortune » critique : Pierrette Bloch
                                                                              et prochainement Eve Gramatzki. La dimension propre du
                                                                              livre d’artiste s’est prolongée dans une nouvelle collection
                                 Pompon, l’assistant de Jacques, © B. D.-F.   Liber où formats, techniques et types de texte sont choisis

[8]                                                                                                                                     [9]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
d’un commun accord avec l’artiste et varient d’un livre        ou marginalement de recourir aux métiers traditionnels
à l’autre.                                                     du livre (typographes, graveurs, relieurs). Et que la
                                                               liberté qu’ils autorisent s’est encore étendue : au-delà des
Pour brouiller les cartes, la collection Maison natale,        stéréotypes de la bibliophilie traditionnelle, beaucoup
à l’inverse des autres, part d’un texte de poète qui est       d’artistes réalisent eux-mêmes leurs livres. De même,
ensuite « orné » par un artiste. Deux dernières collections    le marché qui était centré sur Paris s’est très fortement
sont apparues récemment : DUO, dialogue entre deux             décentralisé : de nombreux salons spécialisés autour du
poètes; et Taurines qui, très modestement, prolonge la         livre d’artiste ont ouvert un peu partout en France; des
très riche histoire bibliophilique de la tauromachie.          bibliothèques achètent et diffusent. Et enfin, il y a un
                                                               renouvellement et une diversification des collectionneurs.
S’il y a des livres dont les formats ou les supports
restent traditionnels, beaucoup d’autres se donnent            La librairie Ombres Blanches qui accueille en ce début
toute liberté : celui de S. Crossman, J’habite la couleur,     d’année 2022 les éditions Méridianes participe, elle aussi,
prend la forme d’un disque vinyle 33 tours dont les 2          à ce moment à la fois de visibilisation du livre d’artiste et
pochettes recueillent les huit peintures de N. Leroy           d’interrogation sur son sens et ses pratiques. Elle a choisi
Fiévée. Dans la même collection « Maison natale »,             de le relier à un hommage au galeriste Jacques Girard
N. Blin a réalisé un leporello de plus de 8 mètres avec        auprès de qui j’ai appris à connaître, dans sa diversité,
le texte de Michael Gluck. Pour le livre de S. Pey et Ch.      l’art contemporain. Et tout particulièrement, puisqu’ils
Jaccard, un jeune papetier des bords du Salagou (34)           y étaient nombreux, les artistes qui avaient fondé le
qui utilise les techniques traditionnelles du Japon            groupe Supports/Surfaces et ceux qui, indirectement, en
a fabriqué d’exceptionnels papiers Washi. Dernière             avaient été proches. Il n’est pas surprenant qu’à part Yves
innovation : la réalisation par la relieur Delphine            Reynier dont l’œuvre s’est nourrie à d’autres sources, les
Marseille de coffrets entoilés pour le livre de D. Dezeuze     artistes que Méridianes et J. Girard avaient en commun
Ecrits hérétiques, celui de S. Pey et Ch. Jaccard ainsi        puissent être rattachés à ce mouvement. Les raisons
que pour deux multiples en acier de Mehdi Moutashar.           géographiques ont facilité les contacts : Nîmes (Viallat et
Jusqu’ici, seuls quelques titres avaient bénéficié             Reynier), Sète (Dezeuze), Saint-Jean-du Gard (Jaccard),
d’étuis de protection en plexiglas. Les coffrets entoilés      Perpignan (Fauchier) ou Marseille (Pécheur) ne sont
donnent aux livres l’écrin qu’ils méritent.                    guère éloignées de Montpellier. Mais le support papier
                                                               dans ses multiples et complexes possibilités de texture,
Au-delà d’une liste d’auteurs et d’artistes qui dessine        d’empreintes ou de pliage a intéressé ces artistes depuis
un paysage mental avec ses lignes et ses singularités, les     longtemps. La page trouée, brûlée, pliée et repliée restait
éditions Méridianes, comme d’autres dans le domaine du         rarement indemne. De quoi fasciner aussi les éditeurs…
livre d’artiste, interrogent la situation présente du livre,
entre inflation des publications et déflation des lecteurs;    Jacques Girard est peu intervenu dans le domaine
entre virtualisation des textes et des images pour leur        éditorial : quelques catalogues pour une première
circulation la plus rapide, la plus globale et matérialité     exposition (J.B. Audat par exemple), la présentation de
durable des supports et des traces écrites ou peintes.         Tahüll, livre réalisé par Anne-Marie Pécheur et Maya
L’implosion de ce type de publication, même dans leurs         Anderson, un livre avec François Rouan et Pierre Bruno
formats les plus pauvres ou singuliers, résulte de ce que      et quelques autres sûrement que j’oublie. Il aimait
grâce aux moyens numériques, il n’est plus nécessaire          la peinture sur les murs de la galerie – exposée aux

[10]                                                                                                                    [11]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
regards. Il est vrai que le livre d’artiste a au contraire
une dimension plus intimiste, plus secrète – il se dérobe
                                                                              Daniel
                                                                            Dezeuze
aux regards ou plutôt il les choisit ; il choisit l’heure
et parfois jusqu’au lieu pour être vu. D’où la gageure
de leur proposer de se présenter quasiment comme
des peintures ou des estampes, d’en abandonner et le

                                                                              Serge
mouvement et le temps de « tourner » les pages. Mais
ce qui est ainsi « perdu » rend plus sensible, l’espace
spécifique du livre, entre la feuille et le volume, entre

                                                                            Fauchier
ce qui est à découvert et ce qui est recouvert, entre
l’instant du coup d’œil et la durée de ce qui se déroule,
se raconte… Donc à travers de ce que l’on voit essayer de

                                                                            Christian
saisir ce que l’on ne voit pas : Ut pictura poesis.

                     Pierre Manuel, janvier 2022
editionsmeridianes@gmail.com ; www.meridianes.fr

Pierre Manuel, né en 1947. Vit à Montpellier. A enseigné
la philosophie au lycée Raymond Naves à Toulouse                             Jaccard
                                                                           Anne-Marie
(1972-1991) puis à Montpellier (1991-2007). Co-fondateur
à Toulouse de la revue Erres ; puis de la revue Pictura-
Edelweiss. Et, à Montpellier, des éditions Méridianes.

                                                                            Pécheur
A participé au CPC (devenu le CIAM) de l’Université du
Mirail. A publié études ou livres sur : Pierrette Bloch,
Jean Capdeville, Daniel Dezeuze, Gérard Duchêne,
Bertrand Meyer-Himhoff, Claude Viallat etc.

                                                                               Yves
                                                                             Reynier
                                                                             Claude
                                      Jacques, Serge et Yves, © B. D.-F.
                                                                              Viallat
[12]                                                                                [13]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
Daniel Dezeuze                      La notion d’atelier repose à la fois sur un mythe et une
                                                                 réalité. Lieu d’élaboration secret et concret pour la
DANIEL DEZEUZE : né en 1942. Vit à Sète.                         plupart des artistes, il opère pour Daniel Dezeuze comme
EXPOSITIONS RÉCENTES : galerie Templon (Paris) ;                 un espace d’expérimentation mais aussi de réflexion.
Rétrospective au musée des beaux-arts de Grenoble.               La possibilité de travailler sur des œuvres nécessitant à
Expositions à la galerie Jacques Girard : 1991 ; 1992 ;          la fois une conceptualisation poussée et l’utilisation de
1994 ; 1997 (mai, septembre et octobre) ; 1999 ; 2000 ;          connaissances liées au bricolage, caractérise certaines
2001. PUBLICATIONS AUX ÉDITIONS MÉRIDIANES :                     périodes de l’artiste. Si l’emploi du terme "génie du lieu"
50 haïkus pour 50 chefs-d’œuvre (collection : Le Musée           peut prêter à sourire, la mise en espace de pièces comme
Fabre – visite privée) ; Écrits hérétiques, textes et dessins    les réceptacles en 1995 montre a contrario toute la
de Daniel Dezeuze. AUTRE PUBLICATION : Daniel                    pertinence du propos. Positionnés dans le jardin, ce dernier
Dezeuze, Dessins, éditions Templon/Skira (direction              servant d’extension hors les murs à l’atelier, ils attendent
éditoriale : Pierre Manuel).                                     d’improbables visiteurs pour les faire exister de manière
                                                                 opérante. Le concept d’assemblage retrouve également sa
Dezeuze excelle dans l’art de l’autodéfinition                   pertinence au travers d’un montage d’objets insolites ou
réfléchie et argumentée                                          incongrus, à considérer au-delà de leur apparence et qui
                                                                 prennent place dans la narration de Daniel Dezeuze.
Il ne s’en écarte qu’en une occasion, à propos de
ses dessins et du pastel. Il est alors déconcertant                                                   Extrait du site de l'artiste
de l’entendre déclarer son amour des poudres de
pastel, "poussière colorée et fugace". Dezeuze dit avec
éloquence, avec précipitation même, le plaisir qu’il
prend à déposer sur le papier les pigments et à les
caresser ensuite d’une peau de chamois. Elle efface
en partie les formes. Elle étire les lignes. Elle écrase
les grains contre la feuille. Elle mêle les tons. Il a beau
affirmer que cette pratique n’a rien de traditionnel
et qu’il va, à l’opposé de l’élégance, vers la barbarie, le
regard n’en est pas moins séduit, bien plus que heurté.
Ces œuvres s’appellent Parois ou La Vie amoureuse des
plantes. Ni l’art pariétal, ni Twombly ne sont bien loin
– ni l’histoire de la peinture, dont il est si difficile de se
détacher. Ce que Dezeuze admet à demi-mot : "Dessiner
répond pour moi à une nécessité, c’est-à-dire sans doute
à un manque. C’est quand la peinture se dérobe qu’elle
s’éprouve le plus."

                                         Philippe Dagen
                              in Le Monde (octobre 2004)
                                                                                    Boucliers, 1989, carrés conté et acrylique, 40×32,5.

[14]                                                                                                                                       [15]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
Daniel Dezeuze / Méridianes                                     Daniel Dezeuze / Méridianes
Brèves de musée                                                 Écrits hérétiques

50 haïkus pour 50 chefs-d’œuvre                                 Textes et dessins de Daniel
• collection : Le musée Fabre –                                 Dezeuze • Collection Liber •
Visite privée • 112 pages, format                               120 pages, format 34×27,5 cm,
21×15 cm,     impression    offset                              impression Offset • tirage
• tirage : 700 exemplaires •                                    courant :        600   exemplaires ;
2015 • imprimé par IN OCTO •                                    tirage de tête, avec un dessin
graphisme : Nicolas Claveau •                                   sur papier : 20 exemplaires •
exemplaire : 14 €                                               décembre 2020 • imprimé par
                                                                IN OCTO • graphisme : Nicolas Claveau • exemplaire de
                                                                tête : 1 200 € ; exemplaire courant : 25 €
Daniel Dezeuze était aussi présent en 1979 au Mirail – je
me souviens d’une conférence sur la peinture chinoise
et d’un coquillage déposé au fond d’un puits aux abords
de la « fac ». Nous nous sommes revus lorsque j’étais
au comité technique du FRAC Midi-Pyrénées (de 1982
à 1984). Avec Méridianes, la première publication était
dans la collection : Le musée Fabre – visite privée :
Brèves de musée – 50 Haïkus pour 50 chefs-d’œuvre. La
brièveté et l’humour des haïkus retournaient la pompe
qui entoure les chefs-d’œuvre. Un peu après, une
longue collaboration aboutit à un ouvrage consacré à
ses dessins : des premiers sur les bords du Lez ou dans
les Asturies jusqu’aux plus récents où insectes et vie
amoureuse des plantes en fournissent les sujets. Skira et
la galerie Templon (Paris) l’éditeront. Porté par ce travail
et par quelques discussions autour de la croisade des
Albigeois, nous envisageons de rassembler ses textes sur
la gnose et le catharisme publiés chez d’autres éditeurs
(éd. Tarabuste ; éd. Rivières) et la série de dessins qu’elle
a inspirés – chacun des titres lui est emprunté. Il s’agit
de dessins et de textes non d’un théologien ou d’un
historien des religions mais d’un artiste qui exprime son
désarroi devant la toute-puissance du mal ou la violence
criminelle des théocraties. L’édition courante du livre
est accompagnée d’une édition de tête avec un dessin
original et présentée dans un coffret entoilé réalisé par
Delphine Marseille.                                                                     La vierge aux quatre seins, 2012, pastel, 40×32 cm.

[16]                                                                                                                               [17]
Et ses artistes Méridianes éditions - à Jacques Girard, galeriste - Ombres Blanches
Serge Fauchier                    L’ondulation imprime son mouvement et dynamise
                                                              les bandeaux, arrêtés, accélérés ou ralentis selon les
SERGE FAUCHIER : né en 1952. Vit à Perpignan et à             couleurs, le désordre des groupes de quadrangles
Saint-Avit Sénieur (24). EXPOSITIONS RÉCENTES :               s’oppose à leur fixation en figures ;
galerie Jean-Paul Barrès (Toulouse). Expositions à la         Ceux-ci se concentrent ou, au gré des blancs,
galerie Jacques Girard : 1987 ; 1988 ; 2006 ; 2007 ; 2008 ;   « s’éparsifient » dans l’étendue aux limites nettes qui
2010. PUBLICATIONS AUX ÉDITIONS MÉRIDIANES :                  contiennent leur fuite.
Serge Fauchier, textes de Christian Limousin et James                                        Serge Fauchier, mai 2021
Sacré ; Sur une lame spirale, texte de Patrick Wateau ;
Peindre. Écrire, Écrits récents 2000-2019, préface d’Yves
Michaud.

Depuis plusieurs années, mon travail s’est séparé en
deux formes différentes et néanmoins complémentaires ;
chacune d’elles est attachée à un espace géographique
et un lieu de production particuliers. Ainsi, la plupart
des peintures avec les bandeaux ondulatoires sont
réalisées dans un espace vaste et ouvert frontalement
sur l’extérieur, tandis que les tableaux aux formes
quadrangulaires sont produits dans un atelier plus
organisé et architecturé.
Cette partition du travail sensible depuis une décennie,
avec les milieux différents ou elle s’organise, s’avère
maintenant effective, portée par les rythmes qu’elle
imprime, les choix et échos des regards et des lectures
qu’elle suscite.

[…]

En peignant, je ne peux me séparer de mes façons
d’être au monde, ni de ce qui les a déterminées. Les
ruptures et contradictions rencontrées se projettent
et se retrouvent dans les pratiques, davantage pour les
dynamiser que pour les établir.
Je m’espace et me réunis ; je m’espace avec les bandeaux,
dans les hors-champs ouverts par leurs fuites latérales,
et me rassemble dans les regroupements désordonnés
des quadrangles.                                                                                    Sur une lame spirale 2, 2016.

[18]                                                                                                                     [19]
Serge Fauchier / Méridianes                                                      Serge Fauchier / Méridianes
Serge Fauchier                                                                   Peindre. Écrire
                                                                                 Écrits récents (2000-2019)
Textes de Christian Limousin et
de James Sacré • 32 pages, format                                                Préface d’Yves Michaud • collection
32×24 cm • impression sérigraphique                                              Textes • 264 pages, format 27,5×20 cm,
par Jean Villevieille • 9 œuvres                                                 impression Offset. Tirage courant :
sérigraphiées • tirage courant : 50                                              600 exemplaires ; tirage de tête,
exemplaires; tirage de tête, avec une                                            avec une peinture sur papier format
peinture sur papier : 30 exemplaires                                             27×20 cm : 40 exemplaires • mai 2020
• mars 2007 • imprimé par IN OCTO                                                • imprimé par IN OCTO • graphisme : Nicolas Claveau •
• graphisme : Rui Bastos • exemplaire de tête : 400 €;                           exemplaire de tête : 250 € ; exemplaire courant : 25 €
exemplaire courant : 100 €
                                                                                 Une longue amitié me lie à Serge Fauchier depuis ses
                                                                                 invitations à participer à ses cours à l’école des beaux-
Serge Fauchier / Méridianes                                                      arts de Perpignan au début des années 80. Et j’en ai
Sur une lame spirale                                                             toujours suivi le travail, avec le plus grand intérêt et
                                                                                 plaisir ; et en ai préfacé un catalogue. Il a donc été un
Texte de Patrick Wateau • collection                                             des premiers artistes retenus pour la collection Grands
Maison natale • 20 pages, format                                                 Méridianes. La technique sérigraphique rehaussée par la
32,5×23 cm • 4 peintures originales                                              compétence de Jean Villevieille convenait parfaitement
de Serge Fauchier (2 au format 32,                                               aux agencements de grands aplats brossés rouge et
5×23 cm; 2 au format : 32, 5×46 cm) •                                            noir. Une sérigraphie exceptionnelle par son format
tirage 20 exemplaires • novembre 2016                                            (32 x 96 cm) et le nombre de passages qu’elle a nécessité
• imprimé par V.D.A. • graphisme :                                               (7 passages) est au centre de l’ouvrage. Il a participé à
Yoan Gil • exemplaire : 800 €                                                    de nombreuses expositions à Toulouse, à l’Université
                                                                                 du Mirail, chez Jacques Girard et maintenant chez
                                                                                 Jean-Paul Barrès. Avec Méridianes, il a publié 2 livres
                                                                                 d’artiste – l’un avec Christian Limousin et James Sacré ;
                                                                                 l’autre avec Patrick Wateau. Et un recueil de textes
                                                                                 récents autant sur son propre travail (dans une approche
                                                                                 parfois analytique parfois poétique) que sur l’histoire de
                                                                                 la peinture, accompagné de nombreuses reproductions
                                                                                 d’œuvres des années 70 à aujourd’hui.

       Sans titre, 2016, acrylique sur papier, 32 x 48 cm in Une lame spirale.

[20]                                                                                                                                  [21]
Christian Jaccard
CHRISTIAN JACCARD : né en 1939. Vit à Paris et Saint-
Jean-du-Gard. EXPOSITION RÉCENTE : Centre Georges
Pompidou (Paris). Combustions récentes à l’abbaye de
Lagrasse et à l’abbaye d’Orval (Belgique). Exposition
à la galerie Jacques Girard : 1991. PUBLICATION AUX
ÉDITIONS MÉRIDIANES : L’incendie de l’église de Sao
Domingo à Lisbonne, texte de Serge Pey.

Depuis le départ, mon œuvre s’articule autour de deux
axes, de deux verbes transitifs, « nouer » et « brûler ».
Du côté de « nouer », la typologie se développe en quatre
points : les nœuds, les boîtes à outils, les sculptures
et les empreintes. Et « brûler » en trois thèmes : les
empreintes de feu, les outils de combustion et les vidéo-
combustions. C’est de toutes ces actions et de leurs
ramifications qu’émane ce que j’ai donc appelé les
« énergies dissipées ».                                        Sans titre, 2020, ignition sur papier Washi, 32×72 cm in L’incendie de l’église Sao Domingo à Lisbonne.
Depuis très longtemps, quelques décennies, que
je pratique ces actions, je me suis aperçu qu’elles
produisent chacune deux formes d’énergie distinctes,
deux formes d’énergie qui leur sont propres. Nouer
délivre une force physique et brûler dégage une énergie
chimique qui développe des traces, des empreintes
diverses et variées.
L’ambiguïté et l’intérêt viennent de ce que l’énergie
ainsi libérée par ces actions peut être ordonnée
ou, au contraire, désordonnée. J’ai donc décidé
d’utiliser l’adjectif « dissipé », car cette énergie peut se
déployer comme les nuages sous forme de dispersion,
d’effacement, et donc elle ne se voit plus. La confection
d’un nœud ou d’une brûlure est structurellement le
résultat d’une énergie qu’on ne voit pas. Une flamme,
par exemple, relève forcément d’une action.

                    Entretien Le Journal des Arts 2020
                                                               Sans titre, 2020, ignition sur papier Washi, 32×72 cm in L’incendie de l’église Sao Domingo à Lisbonne.

[22]                                                                                                                                                          [23]
Christian Jaccard / Méridianes                                   sa finesse de compréhension d’un projet éditorial au
Ignitions                                                        service de ce livre et lui offre un écrin de grande qualité.
                                                                 Outre les quatre acteurs habituels de Méridianes
Texte de Serge Pey : L’incendie de                               (l’artiste, l’auteur, le graphiste et l’imprimeur), deux
l’église Sao Domingos de Lisbonne                                nouveaux acteurs sont intégrés pour l’originalité de leur
le 13 août 1959 • collection Liber •                             travail : le papetier et le relieur. Un vrai travail d’équipe.
tirage courant : 24 pages, format
31×21 cm, impression numérique
par VDA sur papier Cordenons
250g du texte et de 2 ignitions de
Christian Jaccard, format 31 x 63 cm
• tirage : 60 exemplaires • tirage de tête, 30 pages, format
32×24 cm, avec 3 ignitions originales de Christian Jaccard,
sur papier Washi 80 gr réalisé à l'atelier Benoit Dudognon
• et une ignition sur Rhodoïd, format 32×24 cm • tirage :
15 exemplaires • coffret réalisé par Delphine Marseille,
relieur à Montpellier • novembre 2021 • graphisme : Yoan
Gil • exemplaire de tête : 3 600 € ; exemplaire courant : 80 €

Un livre dans la longue durée amicale avec Serge
Pey, depuis nos échanges et collaborations au CPC
de l’Université du Mirail. Le texte qu’il m’envoie sur
l’incendie de l’église de Sao Domingos à Lisbonne
précède de plusieurs mois l’incendie de Notre-Dame
de Paris. Christian Jaccard avec lequel il avait travaillé
à la Coopérative de Montolieu et que j’ai rencontré à
l’occasion d’une combustion à l’abbaye de Lagrasse
(IN SITU, Patrimoine et art contemporain, 2017,
commissariat de Marie-Caroline Allaire-Matte) a
accepté de l’accompagner de 4 ignitions (trois sur papier
et une sur Rhodoïd). Je découvre au même moment
l’atelier papetier de Benoit Dudognon, au bord du lac
du Salagou : riche des traditions papetières japonaises
(papier Kozo) et d’un engagement écologique fort
(aucune colle chimique) et propose à Christian Jaccard             Serge Pey : L’incendie de l’église Sao Domingos à Lisbonne le 13 août 1959, avec 3 ignitions
                                                                   de Christian Jaccard sur Kozo et une ignition sur Rhodoïde, 2021, 32 x 24 cm. Coffret de
de réaliser ses ignitions sur le papier même dont se               Delphine Marseille.

servent, pour se protéger du feu, les pompiers japonais.
Arrivent les confinements qui retardent et compliquent
la réalisation du livre. Mais arrive aussi Delphine
Marseille qui met toutes ses compétences de relieur et

[24]                                                                                                                                                      [25]
Anne-Marie Pécheur                             • creuser : faire une trace muette sur l’envers du
                                                                papier, avec une pointe sèche.
ANNE-MARIE PÉCHEUR : née en 1949. Vit à Marseille.              • perforer : le papier avec un emporte-pièce de
Outre son travail de peintre, elle a conçu de nombreuses        travailleur du cuir, aligner des ronds creux sur des
installations lumineuses. EXPOSITIONS RÉCENTES :                surfaces les plus grandes possible, posées au sol.
Cabinet d’Ulysse (Marseille), L’enseigne des Oudins (Paris).    •ordonner : la peinture autour du trou, des trous.
Expositions à la galerie Jacques Girard : 1984 (février et      tendre : la toile sur châssis, et peindre l’histoire
avril); 1985; 1986; 1989. PUBLICATION AUX ÉDITIONS              précédente.
MÉRIDIANES : Puzzle, avec un texte de Cécile Wajsbrot.          • peindre, une peinture mouvante et vivante, tout
                                                                émergente du dessous des choses, arabesque et
                                                                volutes.
Anne-Marie Pécheur fut sans doute influencée par le             • trouer le bois, et faire venir les formes naturelles.
mouvement support/surface, mais elle a pris chez elle une       les éléments, ce qui pousse du dessous au-dessus,
voie transversale et recouru à une histoire où se mêlent les    les plantes, la relation botanique classement,
arts premiers, l’antiquité, l’enluminure, la littérature.       ordre des couleurs des fleurs,
Cette peinture est liée à un effeuillement, un arrachement      • le dessous et le dessus se dessinent en couple,
découvrant à la fois le dessous des peaux, des pores            ouvrir l’un, figures à planter là dans le système de
ouverts qui aspirent et respirent l’air et la lumière.          « quand je coupe en deux ».
Les surfaces sont des corps plats, s’y irriguent les fluides    • installation de lumière monumentale.
de la couleur, orientée vers leur propre existence,
coulant, s’écoulant, dispersée dans un ordre précis.                                     Extrait du site de l'artiste
Le peintre est anatomiste et dénude à l’extrême les
surfaces sensibles de la matière, comme peindre en
classant par ordre, dans une structure établie par
avance, avec des couches présupposant un inaltérable
et mémoriel savoir, connaître le dessus et le dedans et le
dessous des choses.
Aujourd’hui, se met à jour un enchaînement de la
logique de sa peinture. Jusqu’à présent l’artiste avait
décidé de laisser aller, « un certain laisser-aller », durant
40 ans, dans ce difficile traitement de la création, où se
cultivent les éléments et leur géologie.
Le détour et l’impasse étaient instaurés comme
système, mais la page est découverte avec les éléments
de la construction de sa propre existence.

   Voilà les éléments de l’histoire du travail d’Anne-
   Marie Pécheur depuis 1975 :
     • graver, gravure : « ce sur quoi l’on a écrit », terre,
     pierre métal, plante, toile et papier.                                                Sans titre, 1984, peinture sur papier, 90×100 cm.

[26]                                                                                                                         [27]
Anne-Marie Pécheur / Méridianes                               – une intervention directement sur l’écran et imprimée.
Puzzle                                                        Aujourd’hui c’est devenu banal : en 2009, c’était encore
                                                              une démarche neuve et compliquée (pour le choix du
Texte de Cécile Wajsbrot • collection                         papier par exemple). C’est le seul livre de Méridianes
Grands Méridianes • 32 pages ;                                réalisé ainsi. Le tirage de tête est accompagné d’une
format    32×24 cm ;      impression                          peinture originale sur papier.
numérique • tirage courant : 50
exemplaires ; tirage de tête, avec une
peinture sur papier : 30 exemplaires
• novembre 2009 • imprimé par
Quadrissimo • graphisme : Anne-Marie Pécheur •
exemplaire de tête : 350 € ; exemplaire courant : 50 €

Anne-Marie Pécheur a été une des artistes présentées
lors de l’exposition inaugurale du CPC de l’Université
du Mirail en 1979. J’avais gardé le contact avec elle et le
groupe des artistes de Marseille autour de l’ADDA (dont
J.B. Audat ; D. Gauthier etc.). En 1984, à la suite d’un
voyage aux frontières de la Catalogne et de l’Aragon
pour visiter les chapelles romanes dont celle de Tahüll,
elle me propose de participer à un ouvrage réalisé
en collaboration avec Maya Anderson (compagne
d’Alexandre Delay qui a souvent exposé à la galerie
J. Girard). Jacques Girard en sera en 1985 l’éditeur et
il exposera les œuvres originales des deux artistes. Je
découvre dans l’été 1984 ces mêmes chapelles et nourri
des poèmes et des textes de Mandelstam sur l’Arménie,
j’en écris le texte. C’est mon premier livre avec Anne-
Marie. Nous nous reverrons plusieurs fois dans les
années qui suivent, à Bordeaux puis à Rodez où elle
présente une installation lumineuse au musée Denys
Puech, en 2006. Elle me propose de faire avec elle un
entretien pour le catalogue. En 2009, je lui soumets le
projet de réaliser un livre d’artiste dans la collection
Grands Méridianes : ce sera Puzzle dont le titre dit bien
comment s’assemblent et se désassemblent figures et
textes et au sein des figures leurs différents motifs. Elle
choisit Cécile Wajsbrot pour en écrire le texte et utilise
une palette graphique pour en dessiner les formes et les
couleurs. Donc pas de dessin ou de peinture reproduite                                                        Puzzle, 2019.

[28]                                                                                                              [29]
Yves Reynier
YVES REYNIER : né en 1946. Vit à Nîmes. Pensionnaire
de la Villa Médicis (Rome). EXPOSITIONS RÉCENTES :
galerie Samira Cambié (Montpellier) ; galerie Jean-Paul
Barrès (Toulouse). Expositions à la galerie Jacques
Girard : 2005 ; 2007 ; 2009 ; 2011. PUBLICATION AUX
ÉDITIONS MÉRIDIANES : Yves Reynier, La semaine
sainte, entretien avec Pierre Manuel

À propos des collages                                           Sans titre, 2021, aquarelle et collage sur papier, 11×21 cm.
« Il y a dans ces collages la trace ou l’effet d’un processus
de destruction, […] il est un point de départ et non
le résultat d’une décision. Lentement s’affirme une
manière de faire retour à la peinture par son envers, d’en
retrouver les figures et l’unité. Je pense le processus
de collage comme un geste pictural même si l’espace
auquel il ouvre est incomplet, complexe, poly-centré ».
« Même si des questions sur l’image, sur le paganisme,
sur les savoirs ésotériques peuvent parcourir mes
œuvres, elles doivent se fondre dans cette approche
d’une image d’avant les images. La poésie d’Ezra
Pound avec ses rapprochements d’écritures multiples
– conteurs africains, troubadours, poètes chinois – sa
dimension de l’idéogramme qu’il a mise en avant est
très proche de ce que je cherche.
« Je suis le plus souvent conduit par des « images » dont
le sens m’échappe, comme si, dans l’atelier, les choses se
faisaient de leur propre initiative ». « Comment cela se
combine? Comment cela fait sens? », le plus souvent, je
n’en sais rien. […] Il y a, au départ, une première image
qui est comme un « flash »; c’est elle qui va déclencher un
processus de récollection d’autres images ». Des objets de
rebut qu’il recueille Yves Reynier fait « de petits poèmes
visuels. […] C’est la beauté qui souvent ne se connaît pas
elle-même que je tente de remettre en circulation ».

Extraits d’entretien avec Pierre Manuel (Méridianes)                                        La forêt vierge, 2021.

[30]                                                                                                                 [31]
Yves Reynier / Méridianes
La semaine sainte
Entretien avec Pierre Manuel

Collection Grands Méridianes • 32
pages, format 31×22 cm, impression
Offset su papier Arches 160g. 20 pages
avec collages et aquarelles d’Yves
Reynier • tirage : 400 exemplaires ;
tirage de tête, avec une aquarelle
format 31×22 cm : 30 exemplaires • octobre 2009 •
imprimé par IN OCTO • graphisme : Yoan Gil • exemplaire
de tête : 400 € ; exemplaire courant : 40 €

Depuis la fin des années 70, Yves Reynier et moi n’avons
cessé de nous voir – parfois même dans les rues d’Athènes
ou en Crète mais plus souvent à Toulouse (au Mirail ou chez
Jacques Girard) ou à Nîmes. La revue Pictura Edelweiss
avait publié une étude qu’il avait faite sur les déformations
géométriques de Vélasquez. Puis des articles critiques sur
son travail plusieurs fois montré au Mirail et plus tard chez
Jacques Girard. Nous avons réalisé un entretien pour La
semaine sainte – autant référence à Aragon qu’à ses voyages
fréquents en Espagne. À la vue des collages, je ne peux
m’empêcher de penser qu’il s’agit par ce titre et le choix
des collages ou des aquarelles de célébrer une résurrection
– une résilience selon le langage à la mode. Une technique
– le collage – que les premiers cubistes puis les surréalistes
ont particulièrement affectionné pour sa densité poétique
mais qu’Yves Reynier utilise aussi à rebours d’une certaine
modernité qui se veut monumentale, géométrique, plane
et univoque. Et un véhicule, si l’on peut dire – le voyage –
qui a, au sens premier, fourni les matériaux des collages :
timbres, cartes postales, cartes téléphoniques, billets etc.

Un ouvrage Voyages d’hiver est en préparation autour
des dessins et collages qu’Yves Reynier a ramenés de ses
nombreux voyages. Peut-être qu’il pourra être présenté           La semaine sainte, 2009, aquarelle et collage, 32×24 cm.

à la fin de l’exposition à Ombres Blanches.

[32]                                                                                                  [33]
Claude Viallat                     engagement esthétique la déterminant a priori. Mais
                                                                    regardons bien chacune de ses “pièces”, y compris ses
CLAUDE VIALLAT : né en 1936. Vit à Nîmes. Un                        peintures tauromachiques dont la technique doit tant à
des membres fondateurs de Supports/surfaces.                        son travail Supports/Surfaces. Oublions leurs qualités
EXPOSITIONS RÉCENTES : rétrospective au musée                       décoratives, posons-nous seulement une question à leur
Fabre (Montpellier) 2014; galerie Ceysson-Bénetière                 propos : la réponse à cette question sera, nécessairement,
(Paris/Luxembourg/Saint-Étienne/New York); galerie                  une autre question. Alors, tout recommencera. C’est-à-
Templon (Paris/Bruxelles). EXPOSITIONS À LA                         dire la mise en question de l’art, celle de toute œuvre et
GALERIE JACQUES GIRARD : 1984; 1985 (mai et juin);                  de toute action humaines. Et c’est bien!
1999; 2000; 2001; 2003; 2007; 2011; 2012. PUBLICATIONS
AUX ÉDITIONS MÉRIDIANES : Claude Viallat, avec 4                              Bernard Ceysson, Historien de l’art, Galeriste.
sérigraphies. Textes d’Antoine Graziani et Pierre Manuel;
Ji, zincographie, texte de James Sacré; Claude Viallat :
Marques et passages, 5 études sur Claude Viallat, texte de
Pierre Manuel; Federico Garcia Lorca : Chant funèbre pour
Ignacio Sanchez Mejias, avec des dessins de Claude Viallat
(co-édition avec Bernard Chauveau éditions); Federico
Garcia Lorca : Essai sur le taureau en Espagne avec un
dessin de Claude Viallat. AUTRES PUBLICATIONS :
Claude Viallat : dessins, éditions ceysson (direction
éditoriale : Pierre Manuel). Claude Viallat : Écrits, éditions
ceysson (direction éditoriale : Pierre Manuel).

Que nous reste-t-il des années Supports/Surfaces ?
Que nous reste-t-il des années Supports/Surfaces dans
l’œuvre de ses protagonistes ?
Il nous reste le parfum de l’un des moments les plus
brillants, les plus intenses de la vie intellectuelle de l’après-
guerre, le souvenir d’un enthousiasme rare qui portait à
croire que tout pouvait changer. Il nous reste surtout des
œuvres, dont aujourd’hui nous éprouvons, comme malgré
leurs auteurs, la Beauté. Une Beauté, pour reprendre au
compte de Supports/Surfaces l’intense formule d’André
Breton, convulsive, mais aussi dérangeante, agressive et
pourtant si décorative car nous donnant à voir l’absolue
simplicité élémentaire de la Forme.
L’œuvre de Claude Viallat nous semble aujourd’hui
pourtant d’un classicisme impérieux. Et si personnelle,              Claude Viallat, in Claude Viallat, 2006, 64 x 48 cm, sérigraphie, impression CQFI-Jean
ne devant rien à l’évangile d’un groupe, libre de tout               Villevieille.

[34]                                                                                                                                                 [35]
Pierre Manuel / Méridianes                                      Claude Viallat / Méridianes
Claude Viallat – Marques et                                     Claude Viallat
passages                                                        Textes d’Antoine Graziani et de Pierre
Cinq études sur Claude Viallat                                  Manuel

Collection Textes • 136 pages,                                  Collection Grands Méridianes • 32
format 22×15 cm, impression offset                              pages, format 32×24 cm, impression
• tirage : 900 exemplaires • 2014                               sérigraphique de Jean Villevieille sur
• graphisme : Nicolas Claveau •                                 Vélin d’Arches 200g • 3 sérigraphies
exemplaire : 15 €                                               de Claude Viallat, format 68×48 cm •
                                                                tirage : 100 exemplaires dont 60 exemplaires de tête avec
Peut-être même avant 1979, du temps de la revue                 un estampage ou un dessin original de Claude Viallat •
Erres, nous savions que Claude Viallat à Marseille puis         octobre 2006 • graphisme : çadesign • exemplaires de tête :
à Nîmes nous donnerait toutes les bonnes adresses               épuisé • exemplaire courant : 150 €
(celles qui nous intéressaient !) et ferait ouvrir les portes
des ateliers : de Toulouse, pour Erres puis ensuite pour        Claude Viallat / Méridianes
Pictura Edelweiss ce fut un pas décisif sur le plan humain      JI
et artistique. Et pour et autour de Méridianes, il y eut de     Texte de James Sacré
nombreux échanges en plus des livres cités plus haut :
des préfaces de catalogues, un livre qui rassemblait tous       Collection Liber • 1 feuille 120×72 cm pliée en 8 •
ses textes et un livre de dessins publiés par Bernard           zincographie sur papier coréen Han-Ji • tirage : 92
Ceysson. Une plongée dans les « archives » ou plutôt            exemplaires dont 25 exemplaires de tête, sous étui
l’« archéologie » de l’œuvre qui a permis d’en oublier          Plexiglas, avec une peinture originale de Claude Viallat
la célèbre « Forme » pour comprendre de quelle(s)               • avril 2012 • impression : atelier Bervillé • graphisme :
histoire(s) elle se nourrissait – certes avec discrétion        Jean-François Luccioni • exemplaires de tête : 1500 € •
mais avec de plus en plus d’évidence. En ont résulté un         exemplaire courant : 500 €
Grand Méridianes avec 3 grandes sérigraphies réalisées
par Jean Villevieille ; JI sur un papier de murier coréen,
comme une grande estampe dont le verso est occupé
par un texte de James Sacré. Et deux livres liés à la
tauromachie et à F. Garcia Lorca : Chant funèbre pour
Ignacio Sànchez Mejias (traduction Alain Montcouquiol)
co-édité avec Bernard Chauveau (épuisé) ; et Essai sur le
taureau en Espagne (traduction René Pons).

                                                                                          Sérigraphie, 2006, 64×48.

[36]                                                                                                                  [37]
Rencontres
  dans le cadre de l’exposition

                                                                                 La galerie vue du ciel.
JEUDI 3 MARS À 18 H
   Lecture par Serge PEY du texte de L’incendie
   de l’Église de Sao Domingos de Lisbonne. Suivie                  L’exposition des artistes du catalogue Méridianes,
   d’un entretien avec Christian JACCARD et de la                   associée à un hommage à la galerie Jacques Girard à
   projection d’un film tableau de l’artiste.                       Toulouse, n’aurait pu se tenir sans la complicité active
                                                                    et amicale de Pierre Manuel, à qui nous exprimons
VENDREDI 4 MARS À 17 H 30                                           toute notre gratitude.
   Rencontre avec Pierre MANUEL. Présentation                       Nous remercions également les artistes qui nous
   des Éditions Méridianes, en présence de certains                 font confiance, et qui ont accepté ce “pas de côté” en
   des artistes du catalogue. Suivie d'une lecture des              exposant dans notre librairie, mais aussi les galeries
   Écrits hérétiques de et par Daniel DEZEUZE.                      qui le permettent, ainsi de Ceysson et Bénétière à
                                                                    Paris, Le Cabinet d’Ulysse à Marseille, Jean-Paul
                                                                    Barrès à Toulouse. Nous remercions Mélanie Wolff,
                                                                    libraire à Ombres Blanches, qui réalisa son Master
                                                                    d’Histoire de l’art sur Jacques Girard, Didier Samson et
                                                                    Bettina David-Fauchier, fidèles amis de Jacques. Nous
                                                                    remercions Brigitte Hedel-Samson et Pascale Cazalès,
                                                                    organisatrices d’une Journée d’études sur l’histoire de
                                                                    la Galerie Jacques Girard le 20 janvier, à qui nous devons
                                                                    d’avoir eu cette idée d’hommage “en donnant à voir”.

                                                                                                     La librairie Ombres Blanches

                                                                    Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui m’ont
                                                                    soutenu et conseillé et sans lesquels Méridianes
                                                                    n’aurait pas pu se développer : Marie Mislej, présidente
                                                                    de Méridiane ; Gérard Bourdarias, imprimeur et
                                                                    photograveur ; Nicolas Claveau graphiste ; Yoan
                                                                    Gil graphiste et imprimeur. Et à l’équipe des
                                                                    commencements : Caroline Allaire-Matte, Marthe
                                                                    Carreton, Jean Villevieille, Sylvie Vachin.

                                       Jacques Girard, © B. D.-F.                                Pierre Manuel pour Méridianes

[38]                                                                                                                        [39]
Exposition à la librairie
         Ombres Blanches
            Hommage
    à Jacques Girard, galeriste

       Méridianes éditions
         et ses artistes
        Daniel Dezeuze        Anne-Marie Pécheur
         Serge Fauchier           Yves Reynier
       Christian Jaccard         Claude Viallat

du 29 janvier au 12 mars 2022
       • jeudi 3 mars et vendredi 4 mars •
rencontres et lectures avec les artistes et l’éditeur

   Ombres Blanches 3, Rue Mirepoix • Toulouse
             Ouvert du mardi au vendredi
                     de 14 h à 19 h
        le samedi de 10 h à 13 h et de 14 h à 19 h
Vous pouvez aussi lire