Le Voyage imaginaire de René Clair: une féerie à l'écran
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D ossier Caroline Surmann Le Voyage imaginaire de René Clair: une féerie à l’écran Avec Le Voyage imaginaire (1925) René Clair renoue avec les débuts du cinéma. Avec ses fantasmagories de cartes postales et ses fées de music-hall, avec son ironie naïve, Le Voyage imaginaire évoque l’univers fantastique des féeries ci- nématographiques de Méliès qui entraînaient le spectateur dans des aventures spectaculaires. En effet, pour René Clair, le cinéma est non pas en premier lieu un instrument afin de rendre fidèlement le réel, mais d’abord un moyen de créer un monde magique et d’amener le spectateur à retrouver l’enchantement enfantin. Une nouvelle poésie est née de l’écran, une poésie que ses auteurs ont créée in- consciemment, une poésie dont le caractère serait difficile à définir s’il ne l’avait été, bien avant la naissance du cinéma, dans les lignes suivantes où il semble que l’écran parle à la première personne: „Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages pos- sibles je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, révolu- tions de mœurs, déplacements de races et de continents; je croyais à tous les enchante- ments“ Ce passage célèbre d’Une saison en enfer ne semble-t-il pas un manifeste poétique du cinéma écrit un quart de siècle avant que Méliès ne voie pour la première fois l’appareil des frères Lumière dans le sous-sol du Grand Café? C’est parce que le cinéma des premiers âges croyait „à tous les enchantements“, c’est parce qu’il était né sous la bé- nédiction des prestidigitateurs et des magiciens, parce qu’il aimait, comme Rimbaud, ‚les décors, les toiles de saltimbanques, les romans de nos aïeules et les contes de fée‘, qu’il a du premier coup trouvé sa veine poétique et qu’il a réveillé en nos cœurs l’amour du merveilleux qui illumine l’enfance.1 Renouant avec les débuts du cinéma, Clair cherche à renouveler le cinéma à tra- vers une esthétique spectaculaire et naïve s’engageant à isoler l’art des images mouvantes de la littérature et du théâtre afin de le définir en tant que langage au- tonome. Lui permettant de ressusciter les origines du cinéma, la féerie représente pour René Clair un point de départ afin de mettre à l’épreuve l’idée d’un ‚cinéma pur‘ qu’il défend. Chez René Clair, la notion d’un cinéma pur est liée à l’idée de faire table rase, au nettoyage, au retour à zéro. Dans un mouvement anti-avantgardiste,2 Clair pro- pose alors un renouveau du cinéma à travers l’ancien: au lieu de faire progresser le cinéma, on devrait remonter à ses sources, aller vers un cinéma qui n’aurait pas encore été atteint par les ombres de l’Histoire, par les malentendus du langage, par les fractures de la modernité. Les premiers cinéastes auraient, selon Clair, res- pecté les données du cinéma. Ayant approché le cinématographe essentiellement en tant que machine et moyen de représentation du spectaculaire, ils l’auraient soutiré à l’art, à la chose écrite. „Retournons, s’il vous plaît, à la naissance du Cinéma: ,Le cinématographe, dit le dictionnaire, est un appareil destiné à projeter 59
D ossier sur un écran des vues animées.‘ L’art qui sort de cet appareil doit donc être un art visuel et un art de mouvement.“3 Ressusciter le passé est toujours lié à un travail constructif qui permet de re- valoriser ce qui, a priori, paraît dépassé et de libérer dans le matériau ce qui le rend signifiant pour le présent. Il s’agira alors par la suite d’évaluer comment René Clair valorise le potentiel visuel et spectaculaire du cinéma d’attraction et de la fée- rie (cinématographique) pour un renouveau du cinéma pour analyser ensuite à partir du Voyage imaginaire comment Clair met ses idées en pratique. I. L’idée de cinéma pur chez René Clair Les écrits de Clair sur un cinéma idéal donnent une définition du cinéma en néga- tif: tout ce que le cinéma aurait pu être, s’il n’avait pas été corrompu par l’argent, par l’influence du cinéma américain, mais surtout par le besoin de faire du cinéma un art, devant véhiculer une idée, l’approchant de la littérature et du théâtre.4 „Tout a été gâché par l’intrusion de l’art obligatoire.“5 Le besoin d’établir le cinéma en tant qu’art, mettrait en danger la vocation du cinéma que Clair déduit d’une part de son caractère technique – le cinéma, c’est une machine à enregistrer et à projeter des images, des images qui bougent – et d’autre part de son caractère populaire.6 Cinéma et populaire, ces deux mots peuvent-ils se dissocier? Le film par définition s’adresse aux millions d’hommes que n’atteignent pas un texte sur papier de luxe, impression d’art, tirage limité, signé, mettons Paul Valéry. Il faut que le cinéma soit populaire: cette vérité Charlie Chaplin me l’avait apprise à mes débuts.7 Ainsi, après qu’avec Entr’acte René Clair s’était brièvement associé à l’avant- garde, avec Le Voyage imaginaire, son premier souci est de faire un film divertis- sant qui puisse séduire le grand public.8 Le retour vers le populaire est à situer dans le contexte de la tendance de la démocratisation des arts et de l’idéalisation d’un public populaire qui marque les mouvements avant-gardistes. Doté d’un regard pur et se laissant guider par une affectivité instinctive, le spectateur populaire symbolise le renouveau de l’expé- rience esthétique face à un art qui réévalue le sensible et l’émotif par rapport à l’intellect. Combien j’aime mieux la santé des salles populaires qui ne comprendraient pas les „finesses“ de cet esprit du siècle dernier et qui admirent seulement la vigueur du héros, le sourire de la jeune fille, les courses, les escalades et les bouches qui se joignent en gros plan!9 Remettant en cause un modèle esthétique qui se base sur le principe de la contemplation et du plaisir intellectuel, Clair cherche à retrouver un état pur, c’est- à-dire immédiat, de la perception. Celui-ci dépasserait les concepts pragmatiques et rationalistes de l’entendement en déconstruisant la signification pour, en re- vanche, favoriser le sensible. „[I]l semble qu’avant de penser davantage, nous devrions bien apprendre à voir simplement []“,10 affirme-t-il ainsi. 60
D ossier Si René Clair met en valeur la faculté de voir, c’est que regarder est devenu un instrument de connaissance: voir permet de comprendre. (Ré)apprendre à regar- der et apprendre en regardant, c’est le thème de la connaissance par les appa- rences tel qu’il est défendu entre autre par Nietzsche. C’est ce thème que le ci- néma met en œuvre: le cinéma, c’est le moyen de connaître le monde par la vision et d’éveiller le regard.11 À la poursuite d’un degré zéro de la perception, Clair se propose de faire table rase, de retrouver un statut antérieur à la culture, d’éradiquer tout ce qu’il y avait auparavant.12 Dans un essai au titre programmatique „Le cinématographe contre l’esprit“, le cinéaste affirme: Il faudrait envoyer tout le public – et nous aussi – à l’école. École ou plutôt office de net- toyage par le vide. On y débarrasserait nos têtes de tous ces déchets de littérature péri- mée, de tous ces calmants „artistiques“ que nous absorbons dès l’enfance, qui nous em- pêchent de considérer le monde et l’œuvre d’art d’un œil individuel et compriment notre sauvagerie sensible Tout cela danse devant nos yeux, selon les goûts et l’éducation, et brouille la mise au point de notre vue. Or, ce que le cinéma nous demande, c’est d’appren- dre à voir. Si l’on pouvait nous traiter par l’oubli, nous serions de beaux sauvages.13 Clair associe ce qui éloigne l’homme d’un état dit sauvage ou originaire de l’être – c’est à dire la culture, l’éducation – essentiellement à la parole et à la chose écrite. Il faudrait en finir avec les mots. Rien ne s’améliore parce que nous ne faisons pas table rase. Ce qui est cinéma, c’est ce qui ne peut être raconté. Mais allez donc faire com- prendre cela à des gens – vous, moi et les autres – déformés par quelque trente siècles de bavardages: poésie, théâtre, roman 14 Art visuel, Clair conçoit le cinéma comme un moyen de retrouver un statut de la communication qui serait antérieur à celui du langage parlé. Parce qu’il s’exprime en images, le cinéma serait un moyen de remonter aux sources même de la poésie et de restaurer un langage pur. En effet, à une époque où la littérature et le théâtre semblent appartenir à un âge désuet, le cinéma apparaît comme le moyen d’expression le plus neuf, le moins compromis par son passé. Le cinéma est un monde des images où ne valent „ni règle ni logique“ dont „la merveilleuse barbarie“ permet de travailler sur des „terres vierges“ où l’on peut „ignorer les lois de ce monde“.15 En tant que cinéaste, Clair cherche alors à reconstituer une innocence au delà de la littérature et de la parole, se proposant de développer une forme du récit qui échappe à la narration. Le cinéma se séparerait de la prose et affirmerait sa liberté en se faisant semblable à une musique des images. Marcel Proust se demandait si la musique n’était pas la forme unique de ce qu’aurait pu être – s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées – la communication des âmes. Non, pas unique. Marcel Proust n’aurait pas écrit ce mot s’il avait connu les possibilités d’un art visuel, du cinéma.16 61
D ossier Associant le cinéma à la musique, mouvement et rythme sont alors les mots clés autour desquels se recentrent les écrits cinématographiques de René Clair. Il dé- fend un cinéma qui prend son intérêt non pas dans l’histoire qui est racontée, mais dans le rythme avec lequel sont enchaînées les images, le mouvement avec le- quel se déroule l’action.17 S’il est une esthétique du cinéma, elle a été découverte en même temps que l’appareil de prises de vues et le film, en France, par les frères Lumière. Elle se résume en un mot: mouvement. Mouvement extérieur des objets perçus par l’œil, auquel nous ajouterons au- jourd’hui le mouvement intérieur de l’action. De l’union de ces deux mouvements peut naître ce dont on parle tant et ce que l’on perçoit si peu souvent: le rythme.18 Rompant avec la continuité d’une histoire et la psychologie des motivations de la littérature et du théâtre classique, René Clair refonde le cinéma dans la dynamique des images. Réduisant le récit au simple prétexte, il se propose de libérer les images et de valoriser leur potentiel visuel et spectaculaire. Sans pour autant refu- ser de raconter une histoire, Clair veut parvenir, comme le proposait Paul Valéry, à donner une sensation sans encourir l’ennui d’avoir à la communiquer. „Nous ne demandons à l’intrigue que de nous fournir des sujets d’émotion visuelle et de re- tenir notre attention“,19 affirme-t-il ainsi. Ce qui l’intéresse, c’est moins „l’histoire de Guignol, qu[e] la pluie des coups de bâton“.20 Dans sa conception du cinéma, ce sont l’affect et la sensation qui doivent prendre le dessus sur l’action – comprenant par sensation avec Deleuze „ce qui se transmet directement, en évitant le détour ou l’ennui d’une histoire à raconter.“21 Ne demandons pas toujours des chefs-d’œuvre. Contentons-nous d’être parfois emportés par un torrent d’images. [] Quand, sans souci d’une intrigue ridicule, nous nous aban- donnons au charme d’une suite d’images et oublions le prétexte de leurs apparitions, nous pouvons goûter un plaisir nouveau.22 Selon Clair, les premiers cinéastes avaient connu les thèmes et les styles qui savaient ignorer les lois de la parole, actualisant le potentiel visuel du cinéma et cultivant le mouvement. „Belle époque, où l’écran présentait Le Voyage dans la lune ou La Maison des fées! 23 Le cinéma ne sortait pas de son domaine propre. Dès sa naissance, il affirmait sa vigueur et se consacrait à l’expression du mou- vement.“24 En effet, c’est le mouvement en tant qu’effet sensible, en tant que mo- ment visuel et spectaculaire qui est au centre des recherches des pionniers du ci- nématographe. Lorsque le récit fait son entrée au cinéma, il ne reste pourtant d’abord qu’un prétexte afin de développer des effets visuels et de mise en scène spectaculaires.25 Ce sont ces effets qui fournissent la substance du film, marquent son dynamisme et qui prennent le pas sur la concentration narrative. Ce cinéma „incite à la curiosité visuelle et procure du plaisir par le biais d’un spectacle exci- tant – événement unique, fictionnel ou documentaire, qui est intéressant en lui- même.“26 62
D ossier Si ce premier cinéma puise dans la féerie, c’est que la féerie – notamment par la simplicité de l’intrigue, sa structure en tableaux, par la valorisation d’effets spectaculaires ainsi que par le recours au fantastique – impose un modèle afin de se libérer des lois du drame et du texte. La féerie – en tant que genre specta- culaire et a-littéraire de la scène – échappe à la narration et favorise le désir de voir.27 Il s’agira alors d’évaluer comment René Clair, dans Le Voyage imaginaire, ré- évalue les structures narratives et esthétiques spécifiques de la féerie spectacu- laire qu’il met au service d’une pureté du cinéma à (re)découvrir. II. Le Voyage imaginaire L’intrigue du Voyage imaginaire reprend les principaux motifs de la féerie specta- culaire. Elle se centre autour de Jean et ses collègues de bureau: Lucy, Albert et Auguste. S’étant endormi au bureau, Jean, dans ses rêves, est entraîné dans une aventure turbulente qui le mène dans un monde peuplé de fées, de personnages issus des contes enfantins, de statues animées. À la poursuite d’un anneau ma- gique, il doit s’imposer face à ses deux collègues Albert et Auguste. Avec Lucy, il vit une histoire d’amour. À l’issue de ce voyage imaginaire, quand Jean se réveille, il conquiert pour de vrai le cœur de Lucy.28 Le Voyage imaginaire développe une forme de récit opérant par blocs avec des liaisons délibérément faibles; le récit se déroule par sauts et par bonds. Trois sé- quences forment la base du récit. Celles-ci correspondent aux trois lieux où, tour à tour, le héros est emporté dans ses rêves: une maison de retraite pour vieilles fées, la cathédrale Notre-Dame de Paris, le musée Grévin. Ces trois séquences ne sont que très librement reliées par l’intrigue: Jean arrive dans le monde des fées après avoir traversé un tunnel caché sous un arbre. Il y retrouve Lucy et ses col- lègues de bureau. Après avoir attiré la rancune d’une mauvaise fée, Jean et ses collègues doivent quitter le monde des fées. Avant de partir, une bonne fée offre à Jean un anneau magique. On aperçoit alors un nuage qui survole la ville de Paris; puis les protagonistes se retrouvent sur la tour de Notre-Dame où Albert, Auguste et Jean essayent d’attraper l’un après l’autre l’anneau magique. Dans la bagarre, l’anneau leur échappe et tombe de la tour de la cathédrale. Le récit reprend avec les protagonistes qui se retrouvent devant Notre-Dame, puis, sur un fondu au noir, enchaîne sur la séquence qui a lieu au musée Grévin où la chasse à l’anneau continue. Dispensé de liens dramatiques de transition, le récit se déroule selon une construction en tableaux qui établit une logique de changements discontinus. Faisant évoluer l’action par sauts et par bonds, le tableau déconstruit l’ordre spa- tial et brise la continuité du récit. La structure en tableaux permet alors à René Clair d’instaurer un nouveau rapport entre spectacle et discours et de mettre en place une dramaturgie de l’image. 63
D ossier En effet, Le Voyage imaginaire se présente en premier lieu comme un enchaî- nement de situations visuelles qui savent ignorer la parole et qui sont librement mises en rapport par une histoire superficielle et improbable. S’enchaînent des images soigneusement arrangées en tableaux mettant en valeur un décor fantas- tique, des séquences animées et truquées, poursuites burlesques et gags visuels: nous voyons Jean qui doit embrasser les vilaines fées ou un crocodile qui mange la veste d’Auguste. Les personnages dans cette histoire restent sans profondeur psychologique. René Clair ne creuse ni leurs motivations ni leurs sentiments. L’in- trigue est simple et n’introduit pas de conflit mais seulement du désordre. C’est alors la poursuite qui permet à René Clair de créer un dynamisme dans les images et de les enchaîner. En effet, pour René Clair, la poursuite est non pas figure, mais forme, elle offre une structure narrative.29 Dans Le Voyage imaginaire, à la chasse de l’anneau magique, les protagonistes n’arrêtent pas de courir les uns après les autres et de se bagarrer. Les poursuites sont alors pour lui un moyen afin de libérer la poésie immanente au cinéma, parce qu’elles donnent lieu à un enchaînement gratuit d’événements visuels: „ces courses continuent simple- ment parce qu’elles ont commencé. Bien des effusions de poètes lyriques n’ont pas d’autre raison d’être.“30 Dans les courses-poursuites, le récit fait place à une libre montée d’images: dans la poursuite, „l’histoire du scénario disparaît et n’est plus qu’un prétexte pour des images merveilleusement libérées.“31 Les situations optiques se créent alors moins autour de l’intrigue qu’autour du matériau visuel des trois lieux choisis qui offrent au cinéaste un espace de jeu et de mise en scène. Dans Le Voyage imaginaire, c’est le décor qui remplace la situ- ation dramatique. Trois lieux forment la base de trois thèmes visuels: 1o théâtralité et picturalité, 2o rythme et montage et 3o jeu sur l’animé et l’inanimé et sur la diversité des per- sonnages. 1o: Le premier thème visuel est celui de la théâtralité et de la picturalité. Le monde des fées est un lieu aux décors fantastiques faits de paysages de cristaux et de fleurs surdimensionnées en papier, d’escaliers recouverts de papier doré. Le décor en papier cellophane et carton-pâte qui évoque les décors de la féerie théâ- trale mais aussi de la féerie cinématographique de la première époque du cinéma est visiblement artificiel. Il en est de même des costumes: nous voyons apparaître un homme déguisé en chat et un autre en crocodile. Sans prétexte à illusionnisme, décors et costumes évoquent les univers merveilleux de la scène et de l’écran de l’enfance du cinéaste dont l’esthétisme théâtral évoquait tout un monde imaginaire et prêtait à tous les enchantements. Clair souligne la profusion et l’opulence visuelle des décors en développant une esthétique fortement picturale et en arrangeant soigneusement les images en tableaux.32 En effet, René Clair travaille la forme visuelle du cinéma en portant son attention sur la construction de l’image cinématographique qu’il assimile en pre- mier lieu à l’image picturale et scénique. Les décors de fleurs en papier recadrent en surcadre les images au centre desquelles nous voyons successivement Jean et 64
D ossier Lucy s’embrasser ou Albert et Auguste se reposer. Si, généralement, au cinéma, on tend à faire oublier la présence du cadre, ici, le cadre ne s’efface pas; au contraire, il est souligné. Recadrant l’espace de l’image, cette mise en scène limite et referme l’espace profilmique: l’image n’est alors plus centripète, mais centrifuge, créant un espace refermé sur lui-même, tel que dans le tableau scénique et dans l’image picturale. Cette construction des images crée une forte picturalité et sou- ligne le caractère scénique de l’espace dans lequel René Clair situe son action.33 Le fait que l’image est assimilée à un tableau scénique est renforcé par la lumière qui éclaire le centre de l’image où se trouvent les protagonistes soulignant ainsi la construction centrifuge de l’image. 2o: Le deuxième thème visuel est celui du rythme et du montage dont le cadre est offert à René Clair par l’architecture de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui se découpe devant le ciel de Paris. Clair construit cette séquence autour d’une poursuite que se livrent – perchés sur Notre Dame – Auguste, Albert et Jean qui a été transformé en chien. Une caméra agile qui suit leurs mouvements multiplie les points de vue et les perspectives. Mettant en œuvre une perspective et un mon- tage dynamique, cette séquence consiste essentiellement en mouvements et en points de vue pris sur ces mouvements. À travers des perspectives plongeantes, Clair module l’espace visuel et libère des vues spectaculaires de Paris ainsi que des perspectives insolites sur Notre-Dame. Une caméra agile multiplie les points de vue et les perspectives. Le mouvement de la caméra et le montage ne visent pas à reconstituer un espace (visuel ou géographique). Les nombreux angles de prises de vue, la ca- méra agile et le montage dynamique découpent l’espace plus qu’ils ne le resti- tuent. Déconstruisant l’ordre axial, la perspective et le montage détachent l’ordre des images des lois de la pesanteur: l’espace n’est plus clairement constitué au- tour d’un en haut et un en bas. La perspective et le montage déconstruisent l’es- pace bidimensionnel pour créer „un espace omnidirectionnel qui change de façon permanente ses coordonnées et ses angles, qui échange son horizontale et sa verticale.“34 La multiplication des points de vue provoque une mobilisation géné- rale de l’espace. L’espace visuel éclate en éléments géométriques pour renaître dans une représentation kaléidoscopique. Traduisant l’idée d’un chaos physique, cette séquence rappelle alors l’obsession des mouvements futuristes qui tendent à visualiser les impressions éclatées et fragmentaires induites par une nouvelle mobilisation du regard et une accélération du rythme perceptif. Se détachant des rapports de mesure et de distance, René Clair met en valeur un mouvement plutôt qu’un déplacement. Il créé un rythme, une cadence dans la suite des images. Lui offrant un espace visuel à restructurer à travers la perspective et le mon- tage, Notre-Dame est structure et non pas figure. Clair la met en scène et la dé- tache du sens et du lieu qu’elle incarne, déconstruisant la répartition de ses vo- lumes. La déconstruction de l’espace (visuel et spatial) et la mobilisation générale créent un monde autonome et imaginaire. Elles arrachent la cathédrale à la réalité pour la refonder dans le rythme du montage engendrant „une suite de visions 65
D ossier inconnues – inconcevables en dehors de l’union de l’objectif et de la pellicule mobile. Cinéma intrinsèque, ou si vous voulez cinéma pur, puisque séparé de tous les autres éléments, dramatiques ou documentaires [].“35 3o: Le troisième lieu choisi par René Clair est le musée Grévin. Celui-ci lui offre un espace onirique où les différences de temps et de lieux sont abolies: en tant que lieu ‚encyclopédique‘, le musée Grévin juxtapose les personnages les plus disparates dans un seul lieu commun, plaçant Jack the Ripper à côté de Al Brown à côté de Charlie Chaplin. Avec le musée Grévin, René Clair choisit un lieu impro- bable qui est déjà en soi un lieu féerique et merveilleux. Dépeuplé et décontextua- lisé, le musée offre un cadre scénique et théâtral aux gags visuels que René Clair y met en scène. Le spectacle vit du jeu sur l’animé et l’inanimé ainsi que de la diversité et de l’incohérence des personnages: Lucy s’évanouit au musée et se réveille au milieu de la nuit. Minuit sonne et les statues s’animent. Lorsqu’elles découvrent Lucy et Jean (qui est toujours transformé en chien), elles les traduisent devant un tribunal du XVIIIe siècle qui les condamne à mort. Jean et Lucy seront sauvés de la guillo- tine par un petit garçon qui appelle Charlie Chaplin qui intervient au dernier mo- ment, déclenchant une bagarre entre tous les personnages réunis.36 III. Conclusions La théorie esthétique comme la pratique cinématographique de René Clair sont portées par la volonté d’exprimer un nouvel état créateur qui pousse l’homme à retrouver un supposé état de nature. René Clair développe alors une vision du ci- néma dont le but ne serait pas de transmettre une idée, mais d’émouvoir. Le ci- néma, art neuf, doit être dégagé de tout ce qui pourrait l’empêcher de trouver ce statut. À cet effet, Clair s’engage à isoler le cinéma de la littérature et du théâtre afin de le définir en tant que langage autonome. Il se propose de retrouver la puis- sance des images en deçà de la littérature et des lois de la ressemblance et de la vraisemblance. Aux normes de la poétique littéraire ou théâtrale, à la mimésis de la parole en acte, Clair oppose celle d’une poésie cinématographique comme mode propre du langage, indépendant de son contenu. Images en mouvement, le cinéma est d’abord un mode spécifique d’énonciation, une façon de se déployer dans un espace per- ceptif et de le rythmer, que ce soit par le montage ou la variabilité de la perspec- tive. Défendant un cinéma pur où l’image est libérée, Clair revendique un renouveau du cinéma d’attraction où l’action cède la première place aux effets spectaculaires et visuels. Fondant une dramaturgie de l’image et, plus généralement, du visuel, la féerie impose son modèle. Clair reprend à la féerie la simplicité de l’histoire et la structure en tableaux du récit: en tant qu’unité autonome à l’intérieur du récit, le tableau déconstruit la progression linéaire et continue de l’action et instaure un nouveau rapport entre spectacle et discours. Faisant abstraction de la logique nar- 66
D ossier rative, le tableau permet la mise en place d’une dramaturgie de l’image. Ce sont alors les gags visuels qui remplacent l’action; c’est le décor qui remplace la situa- tion; c’est la poursuite qui dicte la trame de l’enchaînement narratif. Avec Le Voyage imaginaire, le spectateur de cinéma est livré à une vision plutôt qu’il n’est engagé dans une action. Cherchant avec Le Voyage imaginaire à mettre à l’épreuve les idées d’un ci- néma pur, ce film témoigne d’un travail sur l’esthétisation au cinéma que le ciné- aste développe autour de trois thèmes visuels: picturalité et théâtralité, cadence d’un montage dynamique et jeu burlesque et onirique avec les personnages dis- parates du musée Grévin. Ayant aboli à travers le tableau la continuité d’un récit dramatique, ce sont les décors fantastiques en papier et carton-pâte, c’est la cathédrale et son arrangement en images, c’est le jeu avec les statues qui, dans Le Voyage imaginaire, remplacent l’arrangement d’actions humaines. Ayant mis en cause à la fois la cohérence de l’histoire et la psychologie des motivations, c’est la matérialité du langage cinématographique qui se construit dans la matière de ses images qui prend le dessus sur le déroulement continu d’une action drama- tique. Ce sont les turbulences gratuites de la course-poursuite qui mouvementent le récit. En effet, Clair assigne au cinéma le mouvement comme sa détermination ob- jective: rompant avec sa fonction représentative et narrative, Clair refonde le ci- néma dans le rythme dynamique des images. Le cinéma n’est pas la reproduction de la réalité perçue, mais sa reconstitution et sa réorganisation en cadres mobiles et en rapports perceptifs. Le cinéma, ce n’est pas la continuité linéaire d’une his- toire narrative, mais les turbulences dynamiques des courses-poursuites et des bagarres burlesques. Ainsi, Clair rompt avec une tradition artistique gangrénée par le culte de l’immobilisme, pour célébrer le cinéma en tant que forme susceptible d’exprimer ce nouvel absolu que constitue le mouvement, expression de l’intuition moderne de la vie guidée par les forces instinctives et irrationnelles de l’esprit. N’étant plus tant une force qui structure et coordonne l’espace et la narration, mais mène plutôt à leur éclatement, le rythme en tant que compétence de la lecture du mouvement, de la narration et de l’espace ne renvoie pas tant à une force ra- tionnelle qu’à un principe vital qui libère l’espace et le regard. Rapprochant le cinéma de l’esthétisme, René Clair détache les lieux qu’il choisit de la réalité pour les ancrer dans le théâtre, dans le pictural et par là même dans l’imaginaire. Le décor ayant remplacé la situation dramatique, René Clair réduit les lieux qu’il choisit pour son film en espace scénique afin de mettre en scène ses gags visuels, son monde merveilleux et imaginaire. Désincarnés et dépeuplés, théâtral et mis en scène, ces lieux sont maquettes pour l’univers imaginaire et vi- suel de René Clair, ils sont matière à créer des images. Soumises à la mise en scène et à un montage qui fragmente la réalité plutôt que de la reconstruire, pour René Clair, la réalité est matériau, décor à créer des mondes échappatoires, des réalités autonomes et merveilleuses. En effet, pour Clair, le cinéma est un art qui n’est pas gouverné par le principe mimétique. Chez lui, le monde est artefact, que 67
D ossier le film réédifie dans la matière de ses images. Il est matériau à ses tours de magie, espace de jeu. Le cinéma prend le matériau et l’anime. Le Voyage imaginaire fait valoir cette fantaisie où se concentre le pouvoir poétique de transformer toute la réalité en élément de la mise en scène de l’imaginaire. Ainsi, René Clair refonde la réalité empirique et les songes de l’imagination. Resümee: Caroline Surmann, Le Voyage imaginaire de René Clair – une fée- rie à l’écran geht der Frage nach, wie der Cineast René Clair das visuelle und spektakuläre Potenzial der (kinematographischen) féerie für eine Erneuerung des Kinos fruchtbar macht. Für René Clair, der die Idee eines cinéma pur verteidigt, muss das Kino aus den Bedingungen des Kinematographen selbst erwachsen: seiner visuellen Ausdruckskraft und seiner Zugewandtheit zu den populären Un- terhaltungsformen wie etwa der féerie. Der Beitrag vollzieht die Konzeption eines cinéma pur des Cineasten nach und analysiert beispielhaft anhand des Filmes Le Voyage imaginaire (1925), wie René Clair seine theoretischen Überlegungen in seiner filmischen Praxis umsetzt. 1 René Clair: Réflexion faite, Paris, Gallimard, 1951, 232sq. 2 René Clair se situe sous le patronage des pionniers de l’écran, soulignant ainsi l’impor- tance d’un mouvement orienté vers l’arrière et non pas vers l’avant. Car „[r]ien ne devient plus rapidement conventionnel que l’anti-convention“ (René Clair: Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1970, 307). 3 René Clair: „Le Cinématographe contre l’esprit“, in: Anthologie du cinéma – rétrospective par les textes de l’art muet qui devint parlant, Paris, Nouvelle Édition, 1946, 176. 4 Si René Clair se réfère aux pionniers de l’écran, c’est également avec l’ambition de se situer dans une tradition cinématographique proprement française. 5 Clair (1946), art. cit., 175. 6 Ainsi, René Clair exprime son allégeance au public, seule instance à laquelle l’auteur- cinéaste doit soumettre son pouvoir créateur: „Une des formes de l’humilité pour un auteur dramatique – ici, scène et écran se ressemblent – c’est de penser au public. Un cinéma coupé de ses racines populaires serait bientôt desséché par l’académisme“ (René Clair: Préface à Tout l’or du monde, Paris, Gallimard, 1961, 11; cf. aussi 14sq.). 7 René Clair, cité in: „René Clair“ [s.a.], in: Séquences. La Revue du cinéma, n° 9, 1957, 32-36, (http://id.erudit.org/iderudit/52305ac, 20/02/14). 8 Le but affirmé de René Clair était „de divertir tous les genres de spectateurs“ (René Clair: Texte de présentation du Voyage imaginaire écrit en 1925, cité in: Pierre Billard: Le Mystère René Clair, Paris, Plon, 1998, 104). 9 Clair (1970), op. cit., 104. 10 René Clair, février 1923, cité in: Barthélémy Amengual, René Clair, Paris, Seghers, 1963, 106. 11 Cf. Jacques Aumont: L’Œil interminable, éd. revue et augmentée, Paris, Éditions de la Différence, 2007, 57sq. 68
D ossier 12 Cf. Paul de Man: „Literary History and Literary Modernity“, in: Blindness and Insight: Essays in the Rhetoric of Contemporary Criticism, New York, 1971, 142-165, cité in: Jonathan Crary, Techniken des Betrachters. Sehen und Moderne im 19. Jahrhundert, Bâle, Verlag der Kunst, 1996, note 182, 176. 13 Clair (1946), art. cit., 176. 14 Clair (1970), op. cit., 33. 15 Ibid., 47. 16 Ibid., 155. 17 Cf. ibid., 74 et 83. 18 Ibid., 63. 19 Ibid., 109. 20 Ibid., 33. 21 Gilles Deleuze évoquant Paul Valéry et Francis Bacon, in: La Logique de la sensation, Paris, Seuil, 2002, 28. 22 Clair (1970), op. cit., 36. 23 Le Royaume des Fées (1903). 24 René Clair: „Le Fantôme du Moulin-Rouge“, in: Comœdia, 13 février 1925. 25 Méliès affirme que pour lui le scénario „n’avait aucune importance, car pour [lui], il s’agis- sait uniquement de [s]’en servir en tant que prétexte pour la mise en scène, pour les tru- cages ou pour des tableaux plein d’effets.“ Cf. André Gaudreault: „Theatralität, Narra- tivität und ,Trickästhetik‘. Eine Neubewertung der Filme von George Mélies“, in: Frank Kessler / Sabine Lenk / Martin Loiperdinger (ed.), Georges Méliès – Magier der Filmkunst. KINtop, Jahrbuch zur Erforschung des frühen Films 2, Bâle / Francfort-sur-le-Main, Stroemfeld / Roter Stern, 1993, 31-45, traduction C.S. 26 Tom Gunning: „The Cinema of Attractions: Early Film, its Spectator and the Avant- Garde“, in: Thomas Elsaesser / Adam Barker (ed.), Early Cinema: Space, Frame, Narra- tive, Londres, BFI, 1990, 86-94, 58. 27 Dans un article consacré à la „Décadence des théâtres“, Théophile Gautier écrit sur la féerie spectaculaire: „Aussi le théâtre n’a-t-il plus rien de commun avec la littérature. C’est une industrie à part, où la poésie, la philosophie et la critique n’ont rien à voir“ (Théophile Gautier: „Décadence des théâtres“, in: Histoires de l’Art dramatique, t. 2, 247, cité in: Roxane Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes. 1791 - 1864, Paris, Champion, 2007, 253). 28 Chez René Clair, le rêve, l’imaginaire ne sont pas une simple évasion; ils offrent la possibilité d’expérimenter une réalité nouvelle avant de la réaliser. C’est des aventures qu’il surmonte lors de son voyage imaginaire qu’à la fin du film le timide Jean tire l’audace de se défendre contre ses collègues et d’avouer son amour à Lucy. Contraire- ment aux symbolistes pour lesquels le rêve est une réalité autre que l’on se devrait de rejoindre afin d’échapper à la réalité, pour René Clair l’idéal est que le rêve soit utile à la veille. Le rêve, l’imagination, d’abord échappatoire, influent immédiatement sur la réalité en ouvrant de nouvelles perspectives. Par là, Clair rejoint l’idéal surréaliste d’un rêveur actif. Rêver, imaginer, c’est agir, c’est un ,acte poétique‘. 29 Philippe Marcel: La Poursuite au cinéma: pérennité d’une forme esthétique, thèse de doctorat sous la dir. de Giuseppina Paisano, Université Paris III-Sorbonne, 2006, 181, (http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/70/24/46/PDF/2009PA030065.pdf, 20/02/14). 30 Clair (1970), op. cit., 151. Clair admire les films de Mack Sennett et de Chaplin pour leurs poursuites, car il y voit réalisée son idée d’un cinéma pur. Dans „les fuites insensées de Douglas [Fairbanks], l’envolée invraisemblable des girls de Mack Sennett ou les im- 69
D ossier menses courses sans direction de Charlot poursuivi par le policeman ou la fatalité“, Clair voit naître le lyrisme au cinéma. 31 René Clair, cité in: Robert C. Dale, The Films of René Clair: Exposition and Analysis, London, The Scarecrow Press, 1986, 58. 32 Le tableau vivant théâtral – qui serait à différencier d’un tableau vivant solitaire et largement inanimé imitant une peinture – est en partie animé et intégré dans le cadre d’une mise en scène de théâtre. Cf. sur le tableau vivant en général et sur le tableau vivant au cinéma plus spécifiquement: Joana Barck: Hin zum Film – Zurück zu den Bildern. Tableaux Vivants: ,Lebende Bilder‘ in Filmen von Antamoro, Korda, Visconti und Pasolini, Bielefeld, transcript, 2008. 33 Cf. Gilles Deleuze: Cinéma 1. L’Image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, 28. Si en peinture le cadre délimite un espace clos et isolé (l’image est centripète), au cinéma, le cadre serait plutôt un cache dont les bords sont perméables, isolant le champ d’un hors- champ toujours susceptible d’être actualisé (l’image, ici, est centrifuge). Au cinéma „[t]an- tôt le cadre opère comme un cache mobile suivant lequel tout ensemble se prolonge dans un ensemble homogène plus vaste avec lequel il communique, tantôt comme un cadre pictural qui isole un système et en neutralise l’environnement“, mais toujours il définit la relation du champ à un hors-champ, il structure le réel en en isolant un frag- ment. 34 Gilles Deleuze: Cinéma 2. L’Image-temps, Paris, Minuit, 1985, 347. 35 Clair citant son frère Henri Chomette in: Les Cahiers du mois, 1925, repris in: Clair (1970), op. cit., 147. 36 Divers éléments de ceux que René Clair aura mis à l’épreuve dans Le Voyage imaginaire réapparaitront dans ses films à venir. Il en est ainsi de l’esthétique du montage qu’il met à l’épreuve dans la séquence qui se situe sur la cathédrale et qui réapparaît p. ex. dans son film La Tour de 1928, mais aussi de la mise en scène de l’image en tableau que l’on retrouve p. ex. dans Le Million de 1931. Le Voyage imaginaire est une œuvre dans la- quelle René Clair expérimente avec les possibilités de la mise en scène cinématogra- phique, lui conférant clairement un caractère ,exercice de style‘. 70
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