Evaluation de la pollution du Léman par les déchets micro- et mésoplastiques de surface - Oceaneye
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_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Evaluation de la pollution du Léman par les déchets micro- et mésoplastiques de surface Rapport d’étude sur les campagnes de mesures 2018 et 2019 Oceaneye Pascal Hagmann et Gaël Potter – 18.06.2020 _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 1
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Table des matières Résumé .............................................................................................................................................. 3 1. Contexte ..................................................................................................................................... 4 2. Description du projet et objectifs.................................................................................................. 5 3. Méthodologie .............................................................................................................................. 6 4. Résultats..................................................................................................................................... 9 5. Interprétation de cette pollution ................................................................................................. 13 6. Flux de plastique entrant dans le Léman, comparaison avec les océans.................................... 15 7. Les sources : l’emballage comme principale piste ..................................................................... 17 8. Conclusions et recommandations .............................................................................................. 19 9. Références ............................................................................................................................... 21 _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 2
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Résumé Oceaneye a mené en 2018 et 2019 une campagne de mesures pour évaluer la pollution micro- et mésoplastiques de surface du Léman. Cette étude s’appuie sur 51 échantillons collectés sur l'ensemble de la surface du Léman et analysés dans le laboratoire d’Oceaneye. Les particules de plastique dont la taille est comprise entre 1.0 et 5.0 mm (microplastiques) et supérieure à 5.0 mm (mésoplastiques) ont été comptées et pesées. Les principaux résultats de cette étude sont les suivants : - 100% des échantillons prélevés contenaient des particules micro- et/ou mésoplastiques d’une dimension supérieure à 1.0 mm. Ceci nous indique une omniprésence des plastiques sur la surface du Léman (voir 4. Résultats). - Les concentrations moyennes de micro- et mésoplastiques en surface du Léman (d’une dimension supérieure ou égale à 1.0 mm) sont du même ordre de grandeur que celles des océans ou des grands lacs nord-américains. Les concentrations moyennes des 51 échantillons ont été mesurées à 32'000 particules/km2 et 127 g/km2 (voir 5. Interprétation de cette pollution). - Les concentrations en nombre et en masse sont très variables et aucune tendance géographique claire n’a été identifiée. La dispersion des valeurs est de 3 ordres de grandeur pour les concentrations numériques et de 5 ordres de grandeur pour les concentrations massiques (voir 4. Résultats). La grande mobilité des plastiques en surface et la forte influence des conditions météorologiques pourraient expliquer ces variations. - Toutes les informations à disposition concordent pour pointer du doigt l’emballage comme première source de pollution plastique de surface. - Selon les informations actuellement à disposition, il semblerait que le flux de plastique entrant dans le Léman ramené par habitant de son bassin versant soit largement plus faible que la moyenne mondiale (50 g/pers/an pour le Léman versus 1’563 g/pers/an pour les océans). Par contre, le nombre d'habitants rapporté à la surface du plan d'eau est élevé dans le cas du Léman (1'700 pers/km2 versus 17 pers/km2 pour les océans). En d'autres termes, cette pollution peut s'expliquer par le fait que « chaque personne pollue peu mais nous sommes nombreux à vivre autour du Léman ». - Alors que la pollution des océans par les déchets plastiques est reconnue comme étant une problématique environnementale majeure et que le niveau de pollution de surface dans le Léman est du même ordre de grandeur, Oceaneye recommande à tous les acteurs de la société de reconnaître l’importance de cette problématique afin d’identifier et de mettre en place les solutions à même de limiter cette pollution. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 3
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 1. Contexte Avec ses 580 km2, le lac Léman est le plus grand plan d’eau de Suisse. Il représente une importance capitale pour la Suisse romande, d’un point de vue socio-économique et environnemental. En effet, le lac Léman est la principale source d’approvisionnement en eau potable des agglomérations qui le bordent, comme Genève et Lausanne. C’est aussi un élément clé pour le développement du tourisme et des activités de loisirs. Enfin, le lac Léman est connu pour sa grande diversité biologique. Malgré la sensibilité écologique des riverains et la qualité de la gestion des déchets en Suisse, plusieurs éléments nous ont poussés à croire que le lac Léman pourrait être soumis à une pollution par les déchets plastiques non négligeable. En effet : - son bassin versant est fortement peuplé (population permanente > 1'040'000 personnes, population touristique > 550'000 pers/an, [1]) ; - la population consomme beaucoup de plastique (consommation moyenne en Suisse à 125 kg/hab/an, [2], consommation moyenne en France : 71 kg/hab/an [10]) ; - près de 60% des déchets plastiques en Europe proviennent de l’emballage, soit un produit à très faible valeur économique qui peut se retrouver facilement dans l’environnement via le littering, [3] ; - la région est aussi soumise à une activité économique importante, [4] ; - les eaux pluviales en Suisse ne sont pas traitées dans les STEP et rejoignent les cours d’eau les plus proches, ou le lac directement [5] ; - différentes publications scientifiques font état de cette problématique dans le Léman : o Faure et al. 2014 [6] ont mené une campagne d’évaluation de la pollution plastique dans divers lacs et rivières de Suisse, y compris le Léman. Cette étude a démontré la présence de plastique dans les divers compartiments du Léman (surface, rives, biota) ; o Fillela et al. 2018 [7] ont mené une étude démontrant la présence de produits dangereux (notamment des métaux lourds et des retardateurs de flammes) dans les plastiques échoués sur les rives du Léman ; o Boucher et al. 2019 [8] ont évalué le flux de plastique entrant dans le Léman. Le flux de plastique entrant est estimé à 50 tonnes/an, transporté principalement par les eaux pluviales. Deux sources principales de polluants ont été identifiées : les résidus de pneus ainsi que les emballages. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 4
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 2. Description du projet et objectifs Bien que cette thématique soit très médiatisée, nous nous étonnons que presque aucune quantification de polluants plastiques de surface n’ait été menée sur le terrain. Selon nos connaissances, la seule campagne d’échantillonnage de polluants plastiques de surface effectuée dans le Léman a été menée en 2014 par le laboratoire central environnemental de l’EPFL [6]. Cette étude a mesuré un niveau de pollution en surface (pour des particules de dimensions supérieures à 0.33 mm) de 222'300 particules/km2 et de 90 g/km2, mais était basée uniquement sur 4 échantillons. Cette évaluation reste à nos yeux très préliminaire et ne permet pas d’établir un diagnostic concernant la pollution micro- ou mésoplastique de surface du lac Léman. Afin de fournir une évaluation plus représentative, nous voulions ici nous baser sur un set d’échantillons plus conséquent en provenance de toutes les régions du lac et lors de multiples sessions d’échantillonnage. Nous avons travaillé exclusivement sur le compartiment de surface (on retrouve des microplastiques dans tous les compartiments : surface, colonne d’eau, fonds, sédiments, rives et biota) car notre organisation dispose d’une excellente expertise dans ce domaine ainsi que d’un très grand set de données à ce sujet dans l’environnement marin, ce qui permet de disposer d’un comparatif. En effet, il n’existe à notre connaissance aucune référence ou norme permettant de juger de la gravité d’une pollution par des microplastiques. Pour cette raison, Oceaneye a mené 3 campagnes d’échantillonnage pour disposer d’un set de 51 échantillons en provenance de toutes les régions du Léman. Ce rapport présente les résultats de cette étude qui a pour objectif de : - quantifier la pollution micro- et mésoplastique de surface dans le lac Léman ; - tirer des conclusions concernant la gravité de cette pollution ; - formuler des pistes concernant les sources de cette pollution et les moyens d’actions pour lutter contre cette pollution. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 5
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 3. Méthodologie 52 échantillons micro- et mésoplastiques ont été collectés (1 échantillon a été écarté) depuis un voilier en utilisant un filet manta durant 3 sessions d’échantillonnages (septembre 2018, juillet 2019 et septembre 2019) selon une distribution géographique relativement homogène (voir cartes ci-après). Le filet manta a été placé sur le côté haut vent du voilier à une distance d’environ 2.0 m de la coque afin d’éviter les effets de sillage. La maille du filet était de 0.33 mm et les dimensions de l’entrée rectangulaire du filet étaient de 0.6 m * 0.15 m. Les échantillons ont été collectés à une vitesse cible de 3 kn en maintenant un cap constant. Les échantillons ont été collectés dans des conditions de vent inférieur ou égal à 20 kn sur une durée de 30 minutes. Le filet manta a été équipé d’un débitmètre mécanique placé au centre de l’ouverture du filet manta permettant de calculer la distance parcourue entre la mise à l’eau et la sortie d’eau du filet. Le débit- mètre est du type Hydrobios 438 110 dont l’erreur est inférieure à 10% pour des vitesses supérieures à 1 kn. Les positions GPS, le loch ainsi que la force du vent ont été relevés. Un test de vérification de cohérence des données d’échantillonnage a été effectué en comparant la somme vectorielle du loch et de l’estimation du courant par rapport au débitmètre. Les échantillons ont ensuite été conservés dans leur filet avec du sel et sous vide dans une pochette alimentaire et à l’abri de la lumière. Une fois au laboratoire, les échantillons ont été filtrés à travers des tamis de 5.0, 1.0 et 0.3 mm pour séparer les mésoplastiques (particules plus grandes que 5.0 mm) des microplastiques (particules plus petites que 5.0 mm). Pour des raisons de comparabilité avec nos propres données de l’environnement marin, les échantillons analysés ont été quantifiés uniquement sur la gamme de taille supérieure à 1.0 mm. Une fois cette séparation effectuée, les particules ont été rincées à l’eau et placées dans des pétris en verre. L’identification et le comptage des particules ont été effectués à l’aide d’un stéréomicroscope (type Leica EZ4) permettant des séparer les composants en 5 catégories (selon [9]) : les fragments, les pellets, les lignes, les films fins, les mousses. Les échantillons ont alors été séchés durant minimum 24 heures à température ambiante, les particules comptées et pesées (balance Entris Sartorius, précision de ± 0.1 mg). L’ensemble des données a ensuite été traitée à l’aide du tableur Excel pour les analyses statistiques et du système d’information géographique QGIS pour évaluer la distribution géographique des résultats. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 6
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Figure 1. Illustrations de la procédure d’échantillonnage. En haut : le filet est placé sur le côté du navire et tracté à une vitesse de 3 kn. Au milieu : en avancant, le filet filtre l’eau de surface. L’ensemble des éléments flottants de dimension supérieure à 330 um sont entrainés au fond du filet. En bas : le cod end (bout du filet) est démonté et le contenu de la filtration est conditionné dans des pochettes pour transport jusqu’au laboratoire où seront effectuées les analyses. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 7
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Figure 2. Echantillons après analyse au laboratoire. En haut : vue générale des 51 échantillons. Ils représentent des milliers de particules collectées, identifiées, comptées et pesées. Au milieu : chaque échantillon est séparé en 2 gammes de taille (micro- et mésoplastiques) et 5 différents types de particules (fragments, films, lignes, mousses et pellets). En bas : photos macro de quelques fragments microplastiques. On constate la surface érodée, illustrant le phénomène de fragmentation. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 8
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 4. Résultats Les figures 3 à 6 ci-après présentent les résultats bruts sous la forme de cartes et d’histogrammes. Pour évaluer le niveau de pollution plastique de surface, on se base ici sur 2 indicateurs : - la concentration numérique de surface (unité en particules/km2) est la grandeur la plus courante. Elle est notamment utilisée pour les études d’impacts sur l’environnement ; - la concentration massique de surface (unité en g/km2) est une grandeur utilisée dans le cadre de la réalisation de bilan de masse. Nous proposons ici une analyse selon ces 2 indicateurs. Sur les 52 échantillons prélevés, 1 échantillon a présenté des concentrations anormalement supérieures à la moyenne. En effet, son contenu était notamment composé d’objets mésoplastiques particulièrement lourds. Cet échantillon a été considéré comme non représentatif et a été écarté des valeurs moyennes, ramenant le nombre d’échantillons utilisés à 51 pour l’évaluation des concentrations moyennes. Parmi les 52 échantillons, 100% contenaient des particules de plastique. L’échantillon le moins pollué a présenté une concentration numérique mesurée à 835 particules/km2 et une concentration massique de 0.668 g/km2, tandis que la valeur la plus élevée a été mesurée respectivement à 465'000 particules/km2 et 23'600 g/km2. Ces valeurs montrent la très grande dispersion observée dans les résultats (3 ordres de grandeur en nombre et 5 ordres de grandeur en masse) et illustrent l’importance de disposer d’un nombre important d’échantillons pour évaluer correctement la distribution statistique de ces données. Les valeurs moyennes pour 51 échantillons ont été mesurées respectivement à 32'000 particules/km2 et 127 g/km2. L’étude de la distribution géographique de ces polluants n’a mis en évidence aucun phénomène particulier d’accumulation géographique en lien avec les courants de surface. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 9
Genève, le 18.06.2020 Figure 3. Carte de concentration numérique de micro- et mésoplastiques cumulés en [particules/km2] pour des particules de dimensions supérieures ou égales à 1.0 mm pour les 52 échantillons prélevés dans le Léman. On note la présence de microplastiques dans la totalité des échantillons. _________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 10 _____________________________________________________________________________________________________
Genève, le 18.06.2020 Figure 4. Carte de concentration massique de micro- et mésoplastiques cumulés en [g/km2] pour des particules de dimensions supérieures ou égales à 1.0 mm pour les 52 échantillons prélevés dans le Léman. On note la présence de microplastiques dans la totalité des échantillons. _________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 11 _____________________________________________________________________________________________________
Concentration numérique de micro et mésoplastiques [parts/km 2] Concentration massique de micro et mésoplastiques [g/km 2] 100 100 000 1 000 1 000 000 10 000 10.0 10 000.0 100.0 100 000.0 0.1 1.0 1 000.0 OE 2018_1 OE 2018_1 OE 2018_2 OE 2018_2 OE 2018_3 OE 2018_3 OE 2018_4 OE 2018_4 Genève, le 18.06.2020 OE 2018_5 OE 2018_5 OE 2018_6 OE 2018_6 OE 2018_7 OE 2018_7 OE 2018_8 OE 2018_8 OE 2018_9 OE 2018_9 OE 2018_10 OE 2018_10 OE 2018_11 OE 2018_11 OE 2018_12 OE 2018_12 OE 2018_13 OE 2018_13 OE 2018_14 OE 2018_14 OE 2019_01 OE 2019_01 OE 2019_02 OE 2019_02 OE 2019_03 OE 2019_03 OE 2019_04 OE 2019_04 OE 2019_05 OE 2019_05 OE 2019_06 OE 2019_06 OE 2019_07 OE 2019_07 OE 2019_08 OE 2019_08 OE 2019_09 OE 2019_09 OE 2019_10 OE 2019_10 OE 2019_11 OE 2019_11 OE 2019_12 OE 2019_12 OE 2019_13 OE 2019_13 OE 2019_14 OE 2019_14 OE 2019_15 OE 2019_15 OE 2019_16 OE 2019_16 OE 2019_17 OE 2019_17 OE 2019_18 OE 2019_18 OE 2019_19 OE 2019_19 OE 2019_20 OE 2019_20 OE 2019_21 OE 2019_21 OE 2019_22 OE 2019_22 OE 2019_23 OE 2019_23 OE 2019_24 OE 2019_24 OE 2019_25 OE 2019_25 OE 2019_26 forme d’histogrammes. Notez l’échelle logarithmique. OE 2019_26 OE 2019_27 OE 2019_27 OE 2019_28 sous la forme d’histogrammes. Notez l’échelle logarithmique. OE 2019_28 OE 2019_29 OE 2019_29 OE 2019_30 OE 2019_30 OE 2019_31 OE 2019_31 OE 2019_32 OE 2019_33 OE 2019_32 OE 2019_34 OE 2019_33 OE 2019_35 OE 2019_34 OE 2019_36 OE 2019_35 OE 2019_37 OE 2019_36 OE 2019_38 OE 2019_37 Figure 6. Concentrations massiques [g/km2] des micro- et mésoplastiques représentées sous la OE 2019_38 Figure 5. Concentrations numériques [particules/km2] des micro- et mésoplastiques représentées _________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 12 _____________________________________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 5. Interprétation de cette pollution Il n’existe à notre connaissance aucune norme ou référence permettant de juger de la gravité d’une pollution plastique. Face à ce dilemme, nous proposons ici de comparer la pollution plastique de surface du Léman avec celle d’environnements marins. Nous comparons donc en figure 7 et 8 les concentrations dans le Léman en tenant compte de 51 échantillons (en rouge) avec les concentrations mesurées en mer Méditerranée occidentale (en vert, 165 échantillons), en Atlantique Nord (en bleu, 157 échantillons) et en moyenne des océans (en gris, 561 échantillons). La comparaison des données du Léman avec celles de l’environnement marin (source : Oceaneye) permet de confirmer que la pollution de surface du Léman est inférieure à celle de la mer Méditerranée occidentale (zone considérée comme plutôt fortement polluée), mais équivalente à la pollution moyenne en Atlantique Nord ou dans la moyenne des océans. Ces conclusions sont valables autant pour les concentrations numériques que massiques. Figure 7. Schéma comparatif des distributions statistiques des concentrations numériques de micro- et mésoplastiques dans le Léman (en rouge) et dans divers environnements marins. Nous utilisons une représentation en « box plot » permettant d’évaluer une distribution statistique de données. Le rectangle représente le 25ème percentile, la médiane et le 75ème percentile. Les segments représentent le 5ème percentile et le 95ème percentile. La moyenne est représentée par une croix. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 13
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Figure 8. Schéma comparatif des distributions statistiques des concentrations massiques de micro- et mésoplastiques dans le Léman (en rouge) et dans divers environnements marins. Le tableau en figure 9 compare les résultats de pollution plastique de surface du Léman avec des études similaires menées dans d’autres lacs en Amérique du Nord et en Asie. Il est important ici de préciser que souvent les méthodologies de ces études diffèrent (notamment la taille de la maille des filets employés) et que ces valeurs de pollution doivent être interprétées avec prudence. Néanmoins, cette comparaison met en évidence que la pollution plastique de surface dans le Léman est légèrement supérieure à celle des lacs nord-américains ou du lac Qinghai (lac de haute altitude, Chine), mais inférieure aux concentrations mesurées dans le réservoir des 3 Gorges (Chine). Concentration numérique Concentration massique Lac Source n [parts/km2] [g/km2] > 0.11 mm > 0.33 mm > 1.00 mm > 0.33 mm > 1.00 mm Lac Léman Cette étude 51 32'000 127 Lac Léman Faure et al. 2015 [6] 4 222'300 90 Laurentian Great Lakes Eriksen et al. 2013 [13] 21 42'500 8'075 Lake Michigan Mason et al. 2016 [14] 59 17'276 7'124 Lake Winnipeg Anderson et al. 2018 [15] 11 193'420 Lake Hovsgol Free et al. 2014 [16] 9 20'300 12'013 Three Gorges Reservoir Zhang et al. 2015 [17] 9 8'465'600 Qinghai Lake Xiong et al. 2018 [18] 10 180'900 Figure 9. Tableau comparatif des concentrations micro- et mésoplastiques dans le Léman et divers lacs nord-américains et asiatiques. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 14
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 6. Flux de plastique entrant dans le Léman, comparaison avec les océans Comment expliquer que les concentrations de plastique de surface dans le Léman soient équivalentes à celles des océans ? Pour cela, il peut être intéressant de comparer deux études centrées sur les flux de plastiques théoriques, dans les océans, et le Léman (voir figure 10). La première (Jambeck, 2015) estime à 10'000'000 tonnes/an le flux dans les océans et la deuxième (Boucher, 2019) à 50 tonnes/an le flux dans le Léman. Si on rapporte ces valeurs à la surface des plans d'eaux respectifs, cela nous donne un flux de 26/kg/an/km2 dans les océans et 86 kg/an/km2 dans le Léman, soit environ 3 fois plus. Cette différence s'explique par la très forte densité de population autour du Léman. En effet, on compte 1'700 hab./km2 de surface d'eau pour le Léman contre seulement 17 hab./km2 pour les océans, soit 100 fois plus ! Ces chiffres sous-tendent que chaque habitant autour du Léman rejette moins de plastique dans les eaux que son pendant au niveau des océans (50 g/an pour le Léman versus 1'563 g/an pour les océans) mais que la densité de la population "compense" ces bonnes pratiques. Unités Lac Léman Océans mondiaux Flux de plastique estimé [t/an] 50 10 000 000 (primaire et secondaire) (source : Boucher et al. 2019) (Jambeck et al. 2017) Population sur le bassin versant [hab] 1 000 000 6 400 000 000 Surface du plan d'eau [km2] 582 379 000 000 Flux de plastique par habitant [kg/an/hab] 0.050 1.563 Population par surface d'eau [hab/km2] 1 718 17 Flux de plastique par unité de surface [kg/an/km2] 86 26 Figure 10. Tableau comparatif des flux de plastique entrant dans le Léman et dans les océans mondiaux. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 15
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Figure 11. Bassin versant du Léman et du Rhône aval. Source : CIPEL [12] _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 16
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 7. Les sources : l’emballage comme principale piste Différentes données nous poussent à placer l’emballage comme principale source de pollution plastique de surface dans le Léman. Il y a principalement 2 raisons à cela : Premièrement, le secteur de l’emballage représente 39% de la consommation de plastique et 59% des déchets plastiques en Europe (voir figure 12). Les autres secteurs comme le bâtiment et la construction, l’automobile, l’électricité et l’électronique, l’agriculture, le médical et les loisirs représentent un volume de déchets largement moindre. La très grande importance de l’emballage dans les déchets ménagers s’explique par le fait que ce sont des produits de masse et à usage unique. Figure 12. Secteur de consommation de plastique (en bleu) et secteur de production de déchets (en rouge). On remarque la présence dominante de l’emballage. Deuxièmement, et contrairement aux autres secteurs, l'emballage utilise principalement des polymères ayant des masses volumiques inférieures à celle de l'eau, autrement dit, des plastiques flottants. Plus précisément, et selon les chiffres de Plastic Europe [10], l'emballage représente en Europe 70% de la consommation de polyéthylène basse densité (PE-LD), 57% de la consommation de polyéthylène haute densité (PE-HD) et 48% de la consommation de polypropylène (PP), les trois principaux polymères flottants (voir figure 13). Ces deux éléments laissent grandement supposer que l'emballage est bien la source principale des plastiques mesurés en surface dans cette étude. La caractérisation des plastiques flottants sur le Léman par secteur de consommation permettrait de confirmer ces hypothèses. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 17
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman Figure 13. Secteur d’utilisation des divers polymères, source : Plastic Europe [10]. On constate que les polymères retrouvés en surface (PE-LD, PE-HD et PP) sont utilisés très majoritairement dans l’emballage. _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 18
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 8. Conclusions et recommandations Sur la base de 51 échantillons prélevés dans le Léman durant 3 sessions d’échantillonnage et suite à des analyses menées dans le laboratoire d’Oceaneye, la présente étude met en évidence et confirme la présence de polluants plastiques de surface dans le Léman. Les mesures ont montré une très grande dispersion dans les résultats. Aucune tendance géographique claire en lien avec d’éventuelles sources de pollution ou des courants de surface n’a pu être identifiée. Il n’existe à notre connaissance aucune norme ou référence pour évaluer la gravité de la situation. Nous proposons donc de comparer cette pollution à celle des océans ou d’autres lacs. Les mesures effectuées dans le Léman montrent un niveau de pollution par les déchets plastiques de surface du même ordre de grandeur que la moyenne des océans ou des grands lacs nord-américains, mais inférieur à la mer Méditerranée occidentale, une région considérée comme plutôt fortement polluée. L’analyse d’autres études nous indique que les pertes de déchets plastiques par habitant rejoignant le Léman peuvent être considérée comme faibles (comparativement à la moyenne mondiale). Néanmoins, la grande densité de population sur le bassin versant du Léman, couplée avec un plan d’eau de petite dimension amènent à une pollution non-négligeable. Les polymères flottants sont du PE-LD, du PE-HD, du PP et éventuellement du PS expansé. Ces polymères sont utilisés très majoritairement dans le secteur de l’emballage. L’emballage représente en outre 59% des déchets plastiques ménagers produits en Europe. Toutes les informations à disposition concordent pour considérer le secteur de l’emballage comme la source numéro 1 des déchets flottants. La pollution des océans étant reconnue aujourd’hui comme une problématique environnementale d’envergure majeure et le Léman présentant une pollution du même ordre de grandeur, il semblerait justifié que la pollution du Léman par les déchets plastiques de surface soit reconnue. Ainsi, nous recommandons à la société civile, au secteur privé, aux associations, aux ONGs ainsi qu’aux autorités locales, cantonales et nationales de reconnaître l’importance de cette problématique pour l’environnement aquatique du Léman et peut-être d'autres plans d'eau. En effet, nous considérons que reconnaitre la présence de ce problème par les divers acteurs de la société est la première étape nécessaire et indispensable pour la mise en place d’un consensus permettant d’endiguer ce fléau. Afin de lutter contre cette problématique émergente dans l’environnement lémanique, nous soumettons ici quelques idées non exhaustives. Pour les consommateurs, il s’agit d’abord de limiter la consommation de plastique et principalement les emballages et les usages uniques et d'éviter absolument le litterring en déposant scrupuleusement leurs déchets dans des poubelles prévues à cet effet. Pour les autorités, il s’agit de renforcer les efforts pour sensibiliser la population à cette problématique, d’améliorer la mise en place de points de collecte et de poubelles, d'accentuer le nettoyage des rives et de légiférer pour limiter la production et de la consommation d’usages uniques _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 19
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman et d’emballages. Pour les acteurs économiques, il s’agit de mettre en place par elles-mêmes des procédures de limitation d’utilisation de consommables en plastique en interne. Enfin, concernant les producteurs d’emballages et autres usages uniques en plastique, des solutions de réduction de l'utilisation de ces polymères doivent être sérieusement envisagées (diminution quantitative de matière par objet, développement de matériaux alternatifs, etc). _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 20
_________________________________________________________________________Rapport_plastique_surface_Léman 9. Références [1] Fiche signalétique du Léman et de son bassin versant, rapport de la CIPEL, campagne 2012, 6-8 [2] Descriptif internet « Matières plastiques » de l’Office fédéral de l’environnement (https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/dechets/guide-des-dechets-a-z/matieres-plastiques.html) [3] A European Strategy for Plastics in Circular Economy – European Commission [4] Mémento statistique de la Métropole lémanique 2017 – République et Canton de Genève [5] https://ww2.sig-ge.ch/artisans_independants/nos-offres/assainissement/eaux-usees [6] Florian Faure, Colin Demars, Olivier Wieser, Manuel Kunz and Luiz Felippe de Alencastro, Plastic pollution in Swiss surface waters: nature and concentrations, interaction with pollutants, Environ. Chem. CSIRO 2015, doi:10.1071/EN14218 [7] Filella M and Turner A (2018), Observational Study Unveils the Extensive Presence of Hazardous Elements in Beached Plastics from Lake Geneva, Front. Environ. Sci. 6:1., doi:10.3389/fenvs.2018.00001 [8] Julien Boucher, Florian Faure, Olivier Pompini, Zara Plummer, Olivier Wieser, Luiz Felippe de Alencastro, (Micro) plastic fluxes and stocks in Lake Geneva basin, Trends in Analytical Chemistry 112 (2019) 66-74, doi:10.1016/j.trac.2018.11.037 [9] Shaw DG, Day RH (1994) Colour- and form-dependent loss of plastic micro-debris from the North Pacific Ocean. Mar Pollut Bull 28:39–43. doi:10.1016/0025-326X(94)90184-8 [10] Plastics – The Facts 2019 - Plastics Europe [11] J.R. Jambeck, R. Geyer, C. Wilcox, T.R. Siegler, M. Perryman, A. Andrady, R. Narayan, K.L. Law, Plastic waste inputs from land into the ocean, Science 347 (2015) 768-771, doi:10.1126/science.1260352. [12] https://www.cipel.org/la-cipel/ [13] Marcus Eriksen, Sherri Mason, Stiv Wilson, Carolyn Box, Ann Zellers, William Edwards, Hannah Farley, Stephen Amato, Microplastic pollution in the surface waters of the Laurentian Great Lakes, Marine Pollution Bulletin 77 (2013) 177–182, doi:10.1016/j.marpolbul.2013.10.007 [14] Sherri A. Mason, Laura Kammin, Marcus Eriksen, Ghadah Aleid, Stiv Wilson, Carolyn Box, Nick Williamson, Anjanette Riley, Pelagic plastic pollution within the surface waters of Lake Michigan, USA, Journal of Great Lakes Research 42 (2016) 753–759, doi:10.1016/j.jglr.2016.05.009 [15] Philip J. Anderson, Sarah Warrack, Victoria Langen, Jonathan K. Challis, Mark L. Hanson, Michael D. Rennie, Microplastic contamination in Lake Winnipeg, Canada, Environmental Pollution 225 (2017) 223-231, doi:10.1016/j.envpol.2017.02.072 [16] Christopher M. Free, Olaf P. Jensen, Sherri A. Mason, Marcus Eriksen, Nicholas J. Williamson, Bazartseren Boldgiv, High- levels of microplastic pollution in a large, remote, mountain lake, Marine Pollution Bulletin 85 (2014) 156–163, doi:10.1016/j.marpolbul.2014.06.001 [17] Kai Zhang, Wen Gong, Jizhong Lv, Xiong Xiong, Chenxi Wu, Accumulation of floating microplastics behind the Three Gorges Dam, Environmental Pollution 204 (2015) 117-123, doi:10.1016/j.envpol.2015.04.023 [18] Xiong Xiong, Kai Zhang, Xianchuan Chen, Huahong Shi, Ze Luo, Chenxi Wu, Sources and distribution of microplastics in China's largest inland lake - Qinghai Lake, Environmental Pollution 235 (2018) 899-906, doi:10.1016/j.envpol.2017.12.081 _____________________________________________________________________________________________________ Genève, le 18.06.2020 21
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