Existe-t-il un modèle alimentaire optimal ? - Is there an optimal food model? - G3 Nutrition & diabète
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Dossier thématique
« La part de l’alimentation dans la prévention des maladies »
Existe-t-il un modèle alimentaire optimal ?
Is there an optimal food model?
J.-L. Schlienger Résumé
Professeur honoraire à la Faculté de Médecine,
Université de Strasbourg.
Un modèle alimentaire est un système élaboré à partir d’un ensemble de règles, de
choix et de pratiques d’ordre technique, social et symbolique. Il incarne l’identité et
les valeurs d’une société et des individus qui la composent. Les modèles alimentaires
varient à travers l’espace et le temps, mais ne sont pas tous adaptés aux objectifs de
santé et de prévention des maladies cardio-métaboliques. Les études observationnelles
et interventionnelles ont défini les caractéristiques d’une alimentation « santé ». Parmi
les modèles existants, le régime méditerranéen et le régime nordique apparaissent les
plus intéressants, respectivement dans les régions occidentales du sud ou du nord.
Leur pratique est associée à une moindre prévalence des maladies cardio-métaboliques
et du cancer. D’autres modèles alimentaires, comme le régime paléolithique, le
régime végétarien, ou le régime végétalien, apparaissent trop éloignés des habitudes
alimentaires et trop contraignants pour servir de base à des recommandations
nutritionnelles de type santé publique.
Mots-clés : Nutrition – alimentation – santé publique – prévention –
recommandations alimentaires.
Summary
Adequate nutrients intake is important for the maintenance of health and the prevention
of chronic diseases. The deal is to design a food intake pattern that is healthy while
maintaining the intake of local and culture specific foods. Food models meeting these
requirements are useful in the development of practical and achievable dietary guide-
lines. Taking into account the results of many observational and interventional studies,
the Mediterranean diet and the Nordic diet are close to an optimal diet, in southern
and septentrional occidental countries respectively. Other models such as paleolithic,
vegeterian or vegan diets may be also healthy, however they are less realistic and more
stringent for occidental populations.
Key-words: Nutrition – food intake – public health – prevention – diet policy.
Correspondance
Jean-Louis Schlienger
8, rue Véronèse
67200 Strasbourg
jean-louis.schlienger@wanadoo.fr
© 2017 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3Existe-t-il un modèle alimentaire optimal ? 267
Introduction de l’archipel d’Okinawa, qui défient le d’une part, avec les objectifs de santé
temps et la maladie sans exclusions publique et, d’autre part, avec les
r La médicalisation de la nutrition a alimentaires, ou des Hounza de l’Hima- valeurs et les attentes des consom-
conduit à rechercher, parmi les très laya, qui deviennent centenaires en se mateurs. Il est souhaitable d’amender
nombreuses pratiques alimentaires contentant de presque rien. Tous ont certains modèles alimentaires plus
décrites à l’échelle de la planète, celles en commun d’échapper aux maladies délétères que d’autres avec réalisme,
qui seraient les plus favorables en chroniques dites « de civilisation ». sans arrière-pensées moralisatrices,
termes de longévité et de bonne santé. sans nostalgie du passé, sans céder au
Une telle démarche est justifiée par la vertige de l’utopie, en sauvegardant le
volonté d’infléchir l’inflation des mala- Conceptualisation plaisir alimentaire et la convivialité légi-
dies chroniques cardio-métaboliques, d’un régime « santé » times, et en évitant l’uniformisation du
du cancer, et des maladies dégénéra- paysage alimentaire.
tives, qui grèvent les budgets de santé r La question de l’alimentation « idéale »
publique des pays économiquement ne s’est véritablement posée qu’à partir
développés. L’élaboration d’un système du moment où un lien a été établi entre Qu’est-ce qu’un
alimentaire protecteur conçu à partir des les maladies chroniques dégénératives modèle alimentaire ?
hypothèses suggérées par les études et cardio-métaboliques, et la pléthore
d’observation des populations, à défaut alimentaire contemporaine à laquelle Un modèle alimentaire est un système
de disposer d’études d’intervention de l’homme semble biologiquement mal élaboré à partir d’un ensemble de règles,
grande envergure probantes, corres- adapté. De plus, l’abondance alimen- de choix et de pratiques d’ordre tech-
pond à une attente insistante de la part taire a été contemporaine de progrès nique, social, et symbolique, accumulées
des autorités de santé et des consom- technologiques qui ont transformé de génération en génération et partagé
mateurs. Il est plusieurs manières de les aliments, d’un bouleversement de par un groupe d’individus. Il incarne
procéder pour ce faire : l’organisation sociétale ayant bousculé l’identité et les valeurs d’une société
1) construire un système alimentaire la tradition alimentaire et favorisé de et des individus qui la composent. Les
de toutes pièces, en se fondant sur les multiples comportements alimentaires modèles alimentaires varient à travers
seules connaissances nutritionnelles déviants, et d’une autonomisation l’espace et le temps. Leur élaboration
validées ; des consommateurs, surinformés et progressive dépend, d’une part, de la
2) sélectionner un modèle alimentaire confrontés aux affres de l’hyper-choix maîtrise de la production et de la trans-
existant, sur la base d’associations alimentaire. formation alimentaire et, d’autre part, de
favorables avec des critères de santé et r La conceptualisation d’un régime- traditions culturelles et de l’organisation
de longévité ; santé s’appuie sur l’épidémiologie et sociale. Au service d’un acte alimentaire
3) aménager un modèle traditionnel, en sur les connaissances biologiques qui vital destiné à satisfaire les besoins en
faisant la promotion des aliments et des fournissent une explication à ses bien- énergie et en nutriments afin de maintenir
comportements protecteurs et en évin- faits supposés. Contrairement à une la meilleure santé possible, ils sont aussi
çant les aliments à risque. croyance ou une espérance un peu un trait identitaire fort et évolutif. Leur
r Proposer un modèle alimentaire – pour naïve, il n’existe pas de modèle alimen- diversité témoigne de la grande malléa-
ne pas utiliser le terme de « régime », taire optimal unique et universel, mais bilité des mécanismes biologiques et
qui a une connotation négative – à des systèmes alimentaires compatibles, physiologiques de l’homme omnivore.
l’homme, cet omnivore qui a su faire
la preuve d’une extraordinaire faculté
d’adaptation tout au long de son his- Les points essentiels
toire, est un objectif plein de bonnes r Un modèle alimentaire correspond à des choix et des pratiques alimentaires porteurs
intentions, qui ignore cependant la de valeurs sociétales et symboliques partagées par un groupe d’individus.
complexité des choix conditionnant les r Parmi les divers modèles alimentaires répertoriés, il en est qui ont des effets plus
conduites alimentaires. Des civilisations favorables sur la santé parce qu’ils comportent une alimentation suffisante et diver-
et des populations ont survécu – et ont sifiée à forte densité nutritionnelle et à faible densité énergétique.
même prospéré – dans des environne-
r Le modèle méditerranéen et le régime nordique sont associés à une moindre inci-
ments alimentaires extrêmement variés,
dences de maladies cardio-métaboliques et de cancer.
voire extrêmes, et, parfois, aberrants à
r Le régime proposé par le Programme National Nutrition Santé (PNNS) propose un
l’aune des critères de la nutrition scien-
tifique. Il en est ainsi des Esquimaux, modèle alimentaire adapté aux habitudes françaises, qui répond aux préoccupations
dont l’alimentation traditionnelle est de santé publique tout en préservant la valeur hédonique de l’alimentation.
constituée de graisses et de protéines r Les régimes excluant des aliments, actuellement à la mode, n’ont pas de justificatifs
animales, des paysans du Sud-Est en termes de santé publique. Ils ne peuvent être validés en l’absence de maladie
Asiatique, qui ne consomment pas diéto-dépendante.
de protéines animales, des habitants
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3268
Dossier thématique
« La part de l’alimentation dans la prévention des maladies »
Ils rappellent aussi que l’alimentation est le remanier par petites touches et le acide gras oméga-3, dyslipoprotéinémie
un acte social, sous-tendu par la sym- mettre en accord avec les modifications induite par des apports insuffisants en
bolique des aliments et par le plaisir de sociétales. Les modalités culinaires – la acides gras mono-insaturés et exces-
manger, associé aux valeurs culturelles cuisine étant la partie visible d’un sys- sifs en graisses saturées et en glucides,
d’un groupe. Ces dimensions ont du mal tème complexe de règles et de normes dysbiose intestinale secondaire à une
à être incorporé dans un rationnel nutri- plus ou moins implicites qui structurent alimentation à forte densité énergétique
tionnel cherchant à définir le modèle le les représentations et les comporte- et pauvre en fibres solubles, etc… La
plus favorable à la santé [1]. ments – sont parties prenantes des liste n’est pas limitative, mais permet
modèles alimentaires, et peuvent avoir d’établir un cahier des charges alimen-
des conséquences sur la santé, par taire. Faible densité énergétique, haute
Le modèle alimentaire exemple, par la transformation des ali- densité nutritionnelle, faible charge gly-
français ments sous l’effet de la cuisson, ou des cémique, bonne capacité anti-oxydante,
préparations, comme les salaisons ou haute teneur en fibres, faible teneur en
r En France, prévaut le modèle des trois les marinades. AGE, apports significatifs en acides
repas structurés et diversifiés, présenté gras mono-insaturés et oméga-3, sont
comme traditionnel, bien qu’il ait à peine les principaux critères d’une alimen-
plus d’un siècle. En réalité, la démons- Les modèles alimentaires tation-santé qui doit, néanmoins, être
tration formelle de son intérêt pour la et la santé suffisante et palatable [4].
santé n’a pas été établie. Ce modèle, qui r Il existe quelques modèles répondant
repose sur la rythmicité des repas et sur r La question de fond est de savoir si, – en tout ou partie – à ces critères.
la diversité, a l’avantage de s’opposer à parmi tous les modèles alimentaires
d’autres pratiques dont l’effet délétère existants, il en est un qui soit préférable La restriction calorique
pour la santé est admis, telles que le en termes de santé, et si l’évolution d’un La longévité est un critère dur utilisé
grignotage ou la restriction cognitive. modèle dit « traditionnel » sous l’effet pour évaluer la pertinence d’un style
Surtout, la France se distingue par une de l’urbanisation et de l’évolution du de vie et d’un modèle alimentaire.
longévité remarquable et par la moindre mode de vie et des techniques, peut Expérimentalement, la restriction éner-
incidence des maladies coronariennes s’avérer dommageable pour la santé. gétique sans carence est associée à un
et de l’obésité, par comparaison avec L’épidémiologie apporte des éléments allongement significatif de la durée de
d’autres nations industrielles, telles de réponse, en établissant des relations vie dans plusieurs espèces animales
que les États-Unis d’Amérique, alors intéressantes entre le style alimentaire [5]. Chez l’homme, le modèle alimen-
que l’apport énergétique et l’apport et des indicateurs de santé, comme taire d’Okinawa, archipel situé au sud
en graisses ne s’en distinguent guère la prévalence des maladies, la longé- du Japon, se distinguant par la longévité
[2]. Ce « paradoxe français », qui n’est vité, ou divers paramètres biologiques. exceptionnelle de ses habitants, soutient
peut-être que la traduction d’un gra- D’assez nombreuses méta-analyses l’idée que la frugalité est l’une des clés
dient nord-sud, a été à la base de la – et quelques rares études d’inter- de la longévité et de la prévention des
prescription et de l’éducation nutrition- vention – ont permis d’identifier des maladies chroniques. Une restriction
nelle, consistant à privilégier certains aliments, des nutriments, ou des styles calorique, couvrant néanmoins l’en-
aliments réputés protecteurs et à en alimentaires favorables pour la santé, semble des besoins, pourrait préserver
écarter d’autres dont la consomma- confortant le rôle étiopathogénique de l’intégrité du génome en diminuant les
tion a été associée à une plus grande la nutrition dans le développement des altérations de l’ADN et la fréquence des
prévalence des maladies chroniques. maladies chroniques dégénératives et mutations liées à l’âge et en améliorant
Les recommandations du Programme cardio-métaboliques qui s’expriment la performance des processus de répara-
National Nutrition Santé (PNNS) ont particulièrement lors du vieillissement. tion de l’ADN. L’extrapolation à l’homme
été modelées en respectant ces grands Parallèlement, les résultats expérimen- doit se faire avec prudence, bien qu’il
principes [3]. taux ont précisé les grands processus soit acquis que des apports énergétiques
r En fait, le modèle alimentaire français en cause, dont la plupart sont diéto-sen- excessifs et l’inactivité physique qui
a évolué avec la disponibilité alimentaire, sibles : résistance à l’insuline associée à marquent nos conditions de vie actuelles,
l’évolution des techniques à l’origine une alimentation hypercalorique et riche favorisent la survenue des maladies
de « nouveaux » aliments, la meilleure en graisses saturées, peroxydation par chroniques. La restriction calorique et la
connaissance des effets des nutriments excès de production de radicaux libres frugalité peuvent être envisagées après
sur la santé, et les contraintes socio- face à une ligne de défense anti-oxy- la période de croissance chez les sujets
culturelles. L’urbanisation, les nouvelles dante insuffisante, excès de produits peu actifs, à condition d’éviter tout risque
conditions de travail, le développement avancés de la glycation (advanced end de malnutrition et de préserver le plai-
du tourisme lointain, la mondialisation, products, AGE) des protéines, favorisé sir de manger. Une frugalité maitrisée,
l’immigration, l’image du corps, et le par les cuissons entrainant un brunis- limitant les aliments à forte densité calo-
bruit de fond diététique, se sont plaqués sement des aliments, inflammation de rique – réduction des graisses saturées
sur la trame du modèle existant pour bas-grade liée à un apport insuffisant en et des glucides simples – sans sacrifier
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3Existe-t-il un modèle alimentaire optimal ? 269
à la diversité alimentaire, pourrait être un nord-américain, et de revendication de r L’assiette nordique, qui propose des
modèle alimentaire intéressant, s’il n’était l’identité régionale avec un retour vers céréales complètes, des légumes, et
aussi difficile à appliquer par les popula- ses racines. Il est aujourd’hui considéré des poissons gras riches en oméga-3
tions occidentales. comme un modèle de diversification et (tableau I), participe à la prévention des
d’équilibre alimentaire susceptible de maladies chroniques, et peut prétendre
Le régime méditerranéen prévenir nombre de facteurs de risque être un modèle alimentaire satisfaisant,
r Le modèle méditerranéen, dont Ancel des maladies cardio-métaboliques [9]. Il à condition de limiter la consommation
Keys a été l’initiateur [6], a été porté aux est suffisamment exemplaire pour servir de viande et de réduire les graisses ani-
nues pour ses bienfaits sur la prévention de base aux campagnes d’information males non marines [11].
cardio-métabolique, et agréé par l’Or- et de prévention en santé publique.
ganisation mondiale de la santé (OMS) Médiatisé sous la forme d’une pyra- Le régime paléolithique
pour son exemplarité, confirmée par de mide (figure 1), il a inspiré – notamment r Un courant de pensée, fondé sur des
nombreuses méta-analyses. – le PNNS [3], mais ne peut être qualifié hypothèses spéculatives, attribue à la
r Bien qu’il existe une grande diversité d’optimal, ce qui reviendrait à exclure transformation industrielle et au raffine-
des cultures et des cuisines méditerra- tous les autres modèles alimentaires, ment excessif des aliments, l’essentiel
néennes, c’est le modèle crétois qui fait dont certains ont fait la preuve de leur de l’impact défavorable de l’alimentation
référence, le tryptique fondateur étant intérêt en santé publique. contemporaine. Par réaction, un retour à
le pain, l’olivier, et la vigne, avec, pour l’alimentation originelle de nos lointains
standards alimentaires, l’huile d’olive, La diète nordique ancêtres cueilleurs et chasseurs, fondée
les fruits et légumes, les céréales non r Le modèle méditerranéen ne peut sur la consommation d’aliments natifs
raffinées, le poisson, le pourpier riche en s’appliquer sans nuances, et ne peut non transformés et non raffinés et sur
oméga-3, et… le vin rouge. Ce modèle se plaquer dans des régions où les tra- l’utilisation de procédés culinaires mini-
a eu un écho important aux États-Unis ditions et les disponibilités alimentaires malistes, a été proposé pour empêcher
et en Europe occidentale alors que, sont très différentes de celles de l’Eu- l’insulino-résistance, l’inflammation de
paradoxalement, il tend à être délaissé rope du Sud, telle la Scandinavie. Dans bas grade, l’excès d’AGE, et le stress
dans les régions où il était atavique au ces contrées, une « diète nordique » oxydant.
profit du modèle occidental ou « wes- plus adaptée a été validée par plusieurs r Cette formulation, qui tient davan-
tern » décrié par les nutritionnistes, ce études épidémiologiques. Etayée par tage d’un régime que d’un modèle
qui expliquerait, en partie au moins, la moindre prévalence de l’obésité en alimentaire, dans la mesure où il a été
l’accroissement de la prévalence des Scandinavie, par la richesse de l’ali- construit de toute pièce, se singularise
maladies cérébro-vasculaires, des mentation traditionnelle en acides gras par une forte consommation de fruits et
maladies métaboliques, et des cancers, oméga-3 et en antioxydants, confortée légumes, de racines, de noix et de baies,
dans toute l’Europe du sud [7, 8]. par une relation favorable avec le risque et par une consommation modérée de
r Le modèle méditerranéen, qui n’est cardiovasculaire comparable à celle du viandes et de poisson peu cuisinés. Les
pas exempt d’une certaine austérité, régime méditerranéen, la diète nordique céréales et les féculents y ont peu de
contraste avec la pléthore qui marque est apparue comme un succédané plus place, tout comme les produits sucrés.
notre environnement. Il s’inscrit dans un conforme au goût des scandinaves, et Nutritionnellement, ce régime, qui a fait
mouvement de dénonciation du style nettement plus économique [10]. ses preuves dans les états d’insulino-
résistance, a une densité énergétique
faible et une densité nutritionnelle éle-
vée, avec une forte teneur en fibres et en
phytomicronutriments, un faible apport
en graisses saturées, et une faible
charge glycémique [12].
Modèles alimentaires
élaborés de toutes pièces
L’élaboration de modes de consom-
mation alimentaire fondés sur des
croyances, des postulats (pseudo)
scientifiques, ou sur des arguments
idéologiques, est de plus en plus com-
mune. La médiatisation des alertes
nutritionnelles, le questionnement sur
Figure 1. Pyramide alimentaire – Programme national nutrition santé (PNNS) [Extrait de 3]. le bon et le mauvais face à une offre
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3270
Dossier thématique
« La part de l’alimentation dans la prévention des maladies »
Tableau I. Comparaison entre régime méditerranéen et régime nordique. à s’inspirer des modèles alimentaires
qui semblent avoir fait leurs preuves en
Modèle méditerranéen Modèle nordique
termes de prévention, comme le modèle
- Viande rouge : - Gibier
Faible consommation méditerranéen ou le modèle nordique,
- Poissons (lotte et crustacés), volailles : - Poissons gras (hareng, saumon) selon la latitude. La médicalisation de
Consommation faible à modérée - Morue l’alimentation, qui vise à substituer aux
- Œufs raisons sociales et morales les seules
- Fruits (tomate), légumes - Chou raisons médicales, doit être attentive
- Haricots, noix - Baies à ne pas trop bousculer le plaisir et la
- Huile d’olive - Huile de colza sociabilité attachés à l’acte alimentaire
- Céréales, pain, pâtes - Céréales, pomme de terre au seul motif de la santé. Ce serait aller
- Vin - (Bière) vers l’échec annoncé de la prévention
nutritionnelle. Parce qu’un style alimen-
taire est porteur de valeurs identitaires,
alimentaire débordante, et la remise l’état où la nature les fournit ; l’hygié- il ne parait pas souhaitable d’imposer
en question globale de la société, ont nisme, où l’association des aliments sans nuances un modèle qui se subs-
conduit de nombreux consommateurs et l’ordre d’ingestion ont une grande tituerait ou se surajouterait aux critères
en bonne santé à adopter, plutôt qu’un importance, etc… traditionnels, gastronomiques, et sym-
mode alimentaire, un régime particulier – Il convient de distinguer le végétarisme, boliques, au risque de précipiter vers
dont ils se font volontiers les prosélytes. qui ne semble pas avoir d’inconvénients des contraintes peu acceptables et vers
nutritionnels pour peu qu’il soit appliqué une uniformisation peu souhaitable d’un
Micronutrition en respectant des règles alimentaires de point de vue sociologique. Il est, en
Ce modèle alimentaire qui s’inscrit dans la diversité et de la complémentarité, du revanche, légitime de veiller à mainte-
la mouvance des régimes, a pour ambi- végétalisme (exclusion de tout produit nir les modèles traditionnels associés
tion de pallier l’appauvrissement de la d’origine animale, comme les laitages et à un faible risque, comme le régime
densité nutritionnelle secondaire à la les œufs), dont les dangers nutritionnels méditerranéen – en perte de vitesse
transformation des aliments natifs et sont établis. Le végétalisme, qui connait dans les régions qui l’ont vu naitre – et
à l’uniformisation de l’alimentation. La une certaine vogue du fait de la prise de s’en inspirer pour moduler et cor-
micronutrition met l’accent sur les risques de conscience de la sensibilité animale, riger les pratiques à risque. Il est tout
liés à un déficit en micronutriments, aux expose à des déficits potentiellement aussi important de préserver le plaisir
excès d’apports en graisses saturées, et sévères en vitamine B12, en iode, en de manger, de lutter contre les fausses-
à la production de radicaux libres. Elle taurine, en acides gras oméga-3, et en vérités qui polluent l’espace alimentaire,
préconise, sur la base d’une alimentation calcium, pouvant être lourds de consé- et de maintenir l’alimentation structurée,
équilibrée, une supplémentation en micro- quence [13]. diversifiée, et conviviale, qui est au cœur
nutriments. Ce concept reste à étayer par r À ces modèles choisis par des sujets du modèle français.
des données scientifiques solides. en bonne santé s’ajoutent les régimes Sur cette base, il suffirait de quelques
« sans », excluant le gluten, ou les lai- aménagements, mis en place avec
Les modèles avec tages et la caséine, ou encore, le sucre, discernement, pour se rapprocher
exclusions alimentaires ou l’huile de palme, en s’adossant à des d’un modèle « optimal », dont les
Les exclusions alimentaires, portant arguments spécieux d’ordre sanitaire grandes lignes indiquées dans le PNNS
principalement sur les aliments d’ori- ou idéologique, sans aucun fondement (figure 1) [3] :
gine animale, attirent un public de plus nutritionnel validé. – réduction de la densité énergétique et
en plus vaste. majoration de la densité nutritionnelle ;
r Il en est ainsi du végétarisme (exclu- – limitation de la charge glycémique et
sion de la viande et du poisson), choisi Conclusion des graisses saturées ;
pour des raisons spirituelles, écono- – réduction des apports carnés et des
miques, écologiques et/ou hygiéniques. r S’il est possible d’affirmer que les aliments transformés, au profit des
Il est associé à une meilleure santé des modalités alimentaires ont un impact apports végétaux et des aliments peu
populations qui le pratiquent, mais sur la santé, il n’existe pas de modèle raffinés ;
celles-ci ont un style de vie globale- alimentaire universel idéal. Aucun – réserver les régimes aux seuls sujets
ment plus favorable du fait d’un moindre modèle alimentaire préconisant une malades.
tabagisme et d’une activité physique composition précise d’aliments ou des r La promotion d’un modèle alimentaire
souvent plus intense. exclusions alimentaires n’a de ration- devrait faire référence au bien-être, et
– Il existe diverses variantes du nel scientifique suffisamment fort pour non à la maladie, pour avoir quelque
régime végétarien : lacto-végétarisme, s’imposer à tous. Dans les nations frap- chance de rallier le plus grand nombre,
excluant les œufs ; crudivorisme, où pées par les maladies chroniques, les en valorisant la culture culinaire et
les aliments sont consommés dans connaissances nutritionnelles incitent les aspects positifs des modèles
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3Existe-t-il un modèle alimentaire optimal ? 271
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en lien avec cet article. maladies Métaboliques 2014;8:455-62. Am J Clin Nutr 1998;48:712-38.
Médecine des maladies Métaboliques - Mai 2017 - Vol. 11 - N°3Vous pouvez aussi lire
