Fiche pédagogique " Jour de Fête "

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Fiche pédagogique " Jour de Fête "
Fiche pédagogique « Jour de Fête »
                                              France, 1947, durée 79 mn

                                              Réalisation : Jacques Tati
                                              Scénario : Jacques Tati, Henri Marquet, et
                                              René Wheeler
                                              Image : Jacques Sauvageot et Jacques
                                              Mercanton
                                              Opérateurs : Marcel Franchi, Jean Mousselle
                                              Décors : René Moulaert
                                              Costumes : Jacques Cottin
                                              Musique : Jean Yatove
                                              Montage : Marcel Moreau
                                              Sonorisation : Jacques Maumont
                                              Production : Cady-Film, avec Fred Orain
                                              Restauration : (1994) Sophie Tatischeff,
                                              François Ede

                                              François le facteur / Jacques Tati
                                              Marcel / Paul Frankeur
                                              Roger / Guy Decomble
                                              La femme de Roger / Santa Relli
                                              Jeannette / Maine Vallée
                                              La commère / Delcassan
                                              Le coiffeur / Roger Rafal
                                              Le cafetier /Jacques Beauvais
                                              et Henri Marquet, Robert Balbo, Valy,
                                              Micheline Tati-Winter...
                                              Ainsi que les habitants de Sainte-Sévère-sur-
                                              Indre

                                  Jacques Tati
Né en 1907 au Pecq sous le nom de Jacques Tatischeff, décédé en 1982 (il vient
juste de terminer le scénario de Confusion), il est rugbyman au Racing, sa carrière
débute par des numéros de mime (Sport muet) et de Music - Hall (On peut se
demander si l'aisance corporelle, qui est à l'origine de ce comique gestuel, ne
constitue pas la base même des films de Tati et en particulier Jour de Fête), puis il
commence à réaliser des courts-métrages : Oscar, champion de tennis 1932, On
demande une brute 1934, Gai dimanche 1935, Soigne ton gauche 1936, Retour à la
terre 1938…
Tati lui-même se percevait comme le dernier chaînon de la ligne burlesque débutée
avec Little Titch, Buster Keaton et Charlie Chaplin et poursuivie avec Laurel et Hardy,
les Max Brothers…un humour sans hiérarchie ni préjugé, sans gag forcé et où le
spectateur a toute liberté.
Pour échapper au STO, en 1943, Tati se réfugie avec son ami Marquet dans le Berry
à Sainte Sévère-sur-Indre. Il y réalisera alors un court métrage L’école des facteurs,
puis il se lance dans la réalisation de son premier long métrage qu’il intitule tout
d’abord La fête au village. Le facteur représente une sorte de trait d’union entre des
paysans et villageois ancrés dans leurs habitudes et modes de vie et la Poste, lieu
d’évolution et de progrès. On a reproché à Tati d’être un conservateur, sous prétexte
de ce refus du progrès qui va s’accentuer dans les films suivants, Il portait un regard
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chaleureux et bienveillant sur les autres, et questionnait déjà cette obligation d’aller
de l’avant.
Tati était sans doute très attaché à la qualité de la vie et aux rapports des êtres aux
choses.

Filmographie incomplète:
1939 Soigne ton gauche
1949 Jour de fête
1953 Les vacances de M. Hulot
1958 Mon Oncle
1967 Play-time que Tati désignait comme son « œuvre maîtresse »
1971 Trafic
1973 Parade

                                   Jour de Fête

C’est un film aux valeurs sociologiques et aujourd’hui un témoignage de la vie
quotidienne des années 30 dans un village français. La qualité physique même du
film avec son côté imparfait, les écarts de luminosité d’un plan à l’autre, les stries
verticales inhérentes à la pellicule gaufrée, en une sorte d’objet archéologique un
peu fragile et unique.
 Des forains s'installent dans ce calme village. Parmi les attractions se trouve un
cinéma ambulant où le facteur découvre un film documentaire sur ses collègues
américains. Il décide alors de se lancer dans une tournée à "l'américaine". C’est le
seul fait extraordinaire du film : cette tournée à l’américaine exécutée par François.
Tati abandonnera d’ailleurs dans ses films suivants tout acte ou comportement
extraordinaire.
Tournée en 1947 et sortie en 1949, cette comédie burlesque fut une formidable
révélation et un succès immédiat (Prix du Meilleur Scénario au Festival de Venise).

Le principe des gags est bâti sur l’imagination et la reconstruction par le spectateur.
Celui-ci est tenu très souvent à distance (focale 40mm, pas de zoom), Tati ne veut
pas guider son regard mais au contraire jouer sur sa participation, l’obligeant à
adapter sa vision au sens, même parfois en le faisant passer par le regard des autres
pour comprendre (ainsi dans la scène du passage à niveau où François se relevant
de sa chute cherche du regard son vélo et ne le trouve plus. Nous, spectateurs,
complices du gag nous savons où il se trouve). Le plan d’ensemble permet souvent
de mener de front plusieurs actions, plusieurs mouvements dans un même espace et
c’est bien au spectateur de reconstruire une certaine logique perturbée. Ce dispositif
est renforcé par l’importance du hors champ (aussi bien visuel que sonore) et lors du
montage où le dérèglement est de mise.
« Le spectateur, je ne lui mets pas les points sur les i. J’aime bien qu’il cherche lui-
même, je le fais participer…C’est un clin d’œil pour lui dire : venez avec moi derrière
la caméra, et vous allez voir, vous allez observer. » Jacques Tati

Le film a été tourné simultanément avec deux caméras, l’une en noir et blanc et
l’autre équipée d’un système couleur expérimental que l’on n'a jamais su exploiter,
ce film aura attendu près de 50 ans avant de pouvoir être vu tel que Jacques Tati
l’avait conçu.
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« J’avais imaginé de trouver cette petite place très sombre, j’avais habillé les
paysans et les paysannes en noir, comme un dimanche, pour que justement il n’y ait
presque pas de couleur. Et c’est l’arrivée des forains avec tous leurs accessoires qui
apportait la couleur sur cette petite place. En ouvrant les panières –que ce soient les
panières de la loterie ou celles du manège de chevaux de bois-, la couleur arrivait et
c’est cet apport de couleur qui donnait de l’importance à la fête. La fête terminée, on
ouvrait de nouveau les panières et l’on remettait la couleur dans les chariots, les
voitures de forains repartaient, quittaient ce petit village un peu noir et blanc, sépia,
et emmenaient la couleur ». Jacques Tati

           Des pistes de lecture et de travail sur le film
Avant la projection

L’Affiche
- regarder l’affiche, décrire les éléments (facteur, vélo, chapiteau…)
- analyser les couleurs employées (bleu, blanc, rouge)
- comparer différentes affiches
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Les personnages
Quoique moins nettement que dans Les Vacances de Monsieur Hulot et dans
Playtime, Jour de fête fait une grande place aux personnages secondaires même si
le film repose beaucoup sur François qui est le personnage le plus abouti.

François le facteur
Il occupe un poste à responsabilité, il est facteur et sert l’administration ! Sa haute
silhouette dégingandée le hisse au dessus des autres…mais que voilà une position
précaire et vacillante, le facteur est bien souvent sujet de moqueries. Il croit en son
rôle indispensable même si la distribution du courrier est folklorique et peu
rigoureuse. François est un personnage tout en mimiques, à côté des autres, sans
relations sociales fortes et établies (d’où vient-il et où va-t-il ?) et qui pour exister est
toujours prêt à rendre service, planter un mât, tenir la lance d’arrosage pendant que
le paysan va lire son courrier, réparer le piano mécanique....

Roger le forain
Roger a besoin de se sortir d'un quotidien, d'un travail et d'un mariage qui semble
peu l'intéresser. Il jette un œil gourmand sur la beauté locale, Jeannette, innocente,
mais pas nécessairement naïve, sous le regard vigilant de son épouse. Il s'amuse à
se moquer du facteur et avec Marcel (l’homme du manège) poussent François à
boire plus que de coutume.

La commère
Parmi les villageois, la commère (inspirée d’un personnage réel d’un hameau proche)
est l’un des rares personnages à être interprété par un comédien professionnel
(Delcassan), qui de plus est un homme. Le personnage n'intervient pas dans l'histoire
mais la ponctue par silhouette noire et courbée (avec une coiffe blanche et une canne)
et toujours accompagnée d'une chèvre. Et puis il y a aussi le coiffeur et la couturière
qui s’activent. Le cafetier qui a fait repeindre ses chaises qui n’en finissent pas de ne
pas sécher...

IPistes et questions :

Les personnages
- Noter en quoi les personnages restent dans leurs fonctions sociales
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- Relever dans le film les moyens de locomotion, les tenues et vêtements des
gens, les activités (fête, artisans, commerçants, garde champêtre…)
- Faire situer 1947 (lendemain de guerre)
- Comparer avec la vie d’aujourd’hui
- Collectionner et comparer des « cartes postales » hier et aujourd’hui
- Faire un affichage d’images des personnes et objets de l’époque.

• Construire en quelques images la durée de l'histoire (préparatifs, jour de la
fête, départ des forains). Construction classique (unité de temps, de lieu et
d’action)

Le son dans le film

De la sonnette du vélo de François au craquement du mât, en passant par les “ cris ”
des animaux (poules, coqs, chiens, vaches…) le film donne toute son importance à
la question du son. Les dialogues sont également traités de façon très originale et
variée : difficulté pour les capter, commentaires de la commère, phrases brèves des
habitants, mots répétés (“ rapidité, rapidité… ”, “ Roger… ”, “ Roger ! ”), dialogue
classique des forains et les demi-mots hachés de François... Tout aussi importantes
sont les scènes où le dialogue est remplacé par des bruits ou des gestes : bande son
de western lorsque Roger fait le joli cœur en roulant des mécaniques ou bien
François racontant par gestes, de loin, son exploit avec le mât.

La musique se divise en quatre thèmes principaux :
  le générique : l’entrée dans le village
  les forains
  le facteur
  le jazz (symbole de l’Amérique).

Les critiques ont parlé de la « rumeur des hommes ».Tati, plus que la grande
majorité de tous les cinéastes, aura accordé une importance exceptionnelle au son,
bien entendu tout en post – synchronisation (ce qui accentue cette impression de
décalage).

Pistes et questions :
   - écouter un morceau de son du film sans les images, décrire les sons et
      imaginer les images associées
   - établir une liste des matières sonores : voix et cris (enfants, poules,
      chevaux…), bruits (voiture, craquements, sonnette du vélo, bourdon…),
      musiques (générique, jazz…)

Les ressorts comiques
Le burlesque (de l’espagnol burla qui peut se traduire par plaisanterie) est à l’origine
un genre théâtral fondé sur l’enchaînement de blagues pas toujours du meilleur goût.
En 1910 il entre comme genre cinématographique (Max Linder, Harold Lloyd, Buster
Keaton…), le premier film de fiction français « L’arroseur arrosé » est un film
burlesque. Le cinéma muet se prête bien à ce genre. Le burlesque se caractérise par
des effets très visuels d’où des gros plans et un montage rapide. Dans « Jour de
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Fête » ce sont les situations décalées, l’ordre et le désordre et la perturbation mais
toujours de façon légère et non appuyée qui provoquent le rire. C’est le « à côté de la
plaque » un peu désuet et mélancolique des personnages qui voudraient garder la
maîtrise des choses. Jacques Tati : « Vous savez, dans les films comiques, en
dehors de l'effet purement comique, le gag visuel, le dialogue, la bonne réplique ou
l'effet sonore, qui est fait pour distraire et amuser les spectateurs, je crois qu'il se
cache toujours un petit peu de drame. »
Tati pour trouver ses idées a vécu dans ce village il se promenait dans la rue,
regardait, notait… car toute personne est susceptible de produire du rire, c’est un
comique démocratique. Ce rire naît de la suggestion, de l’amorce, d’une sorte
d’ébauche et c’est souvent au spectateur de compléter, d’inventer et c’est lui qui
produit le sens…D’où l’importance du hors – champ et du non – vu. Tati « le tatillon »
ne laisse jamais rien au hasard en témoignent d’ailleurs les croquis minutieux
élaborés avant les tournages.

Quelques gags du film :
La guêpe qui passe de François au faucheur.
Le piquet planté par l'homme qui louche avec gros plan,
Les MP épatés par le téléphone mobile.
Le hors champ du mort.
Le poteau qui s'écroule et François qui rentre au café et se retrouve au premier
étage.
François et le râteau
François et la chaise mise puis enlevés au cabaretier.
La biquette qui mange le télégramme
Les boules de la fête foraine, le tir à la carabine.
 Dans le café, ballon crevé, eau dans le sac, piano réparé, François saoulé.

Pistes et questions :
Choisir une situation comique :
Décrire la situation
Quels sont les éléments qui font rire ?
Comment Jacques Tati s’y prend-il pour montrer cela ?

Un travail formel et des plans rigoureux

Tati utilise avec justesse la prise de vue et le cadrage, tout ce qui peut encombrer
l’image est supprimé et il rend ainsi l’image directement lisible. Tati utilise
fréquemment le plan séquence, le plan moyen et le plan d’ensemble avec une
profondeur de champ importante pour jouer sur la participation du spectateur. Il est
d’une précision extrême dans la construction.

      Des pistes de lecture et de travail dans le contexte
Arts plastiques

1) Le personnage de François
Faire émerger les principaux traits du personnage. Silhouette, démarche, casquette,
pantalon, moustache, indissociable de son vélo, manies, gestes récurrents, buste
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droit, voix, paroles (« ah ben ça c’est quelque chose ! »), personnage serviable, mais
décalé, innocent, ne comprenant pas les situations qu’il provoque.
- Dessin : sur sa silhouette (en peu de traits)
- Ecriture : portrait.
A partir de ce travail inventer un personnage à la silhouette (à la vie) très particulière.

2) Reprendre l'idée de la roue peut permettre une belle relation avec l'histoire des
arts. Du ready-made de Marcel Duchamp, des roues utilisées par Tinguely dans
ses sculptures en mouvement, des cyclistes de Fernand Léger au taureau de
Picasso réalisé avec guidon et selle de vélo (voir la valise « Picasso » en prêt sur
Montluçon), tous ces artistes contemporains de Tati célèbrent l'importance du vélo à
cette époque, moyen de locomotion populaire par excellence.
Concevoir et dessiner (ou par collages) un vélo extraordinaire qui pourrait rouler ou
non !

D’AUTRES FILMS

LE VOLEUR DE BICYCLETTE (1984) de Vittorio De Sica
www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr/data/revue/revue138 /dossier/dossier_un.html

Dans le film Les Triplettes de Belleville, les Triplettes regardent Jour de fête dans
leur lit. Une façon pour le réalisateur de rendre hommage à Jacques Tati.
LES TRIPLETTES DE BELLEVILLE (2003) scénario et réalisation Sylvain Chomet
http://www.lestriplettesdebelleville.com/triplettes.html

Histoire des Arts

La photographie et la période de l’après-guerre
Fiche pédagogique " Jour de Fête "
(Le Vélo de Tati, 1949),© Atelier Robert Doisneau

Doisneau et le fameux portrait de Jacques Tati, perplexe devant son vélo en pièces
détachées, donne le ton. Pas question ici de se prendre au sérieux, c’est par un
regard humaniste et plein de poésie que le photographe témoigne de cette France
en reconstruction et modernisation. Avec Doisneau, Henri Cartier-Bresson, Willy
Ronis, Brassaï, Sabine Weiss Jean-Philippe Charbonnier, Pierre Auradon, Janine
Niépce…vont immortaliser les changements et l’optimisme d’un monde meilleur
(industrialisation, urbanisation, transports, loisirs, logements…mais misère
également) tout en gardant un regard nostalgique et pittoresque voire sentimentale
sur une France d’avant.

Pistes et questions :

   -   rechercher et afficher des photos des grands photographes de
       l’époque : comparer (thèmes communs, noir et blanc, lieux, lumières…)
   -   regarder et décrire les images pour en dégager un ressenti
   -   comparer avec des photographies contemporaines (comme celles de
       Bernd et Hilla Becher, Gabriele Basilico, Jean-Marc Bustamante,
       Andréas Gursky…)

Dossier BNF : http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/humaniste.pdf

                         Bibliographie
Jour de Fête, jacques Tati, illustration de E. Lamotte, Hachette, 1950La revue Dada,
« Tati », n°147, édition Arola

« Jacques Tati, de François le facteur à M. Hulot », Stéphane Goudet, Editions
CNDP Paris (cahiers du Cinéma) 2002

« Tati », Marc Dondey, Editions Ramsay cinéma 2002

« Jacques Tati, deux temps, trois mouvements », Macha Makeïeff et Stéphane
Goudet, Editions Naïve, 2009.

 « Le petit Tati », Macha Makeïeff, Jean Rouaud, album jeunesse, Editions Naïve
2009
« Le burlesque », Jean-Philippe Tessé, Editions CNDP Paris (cahiers du Cinéma)

DVD (version restaurée) Editions Naïve vision, 2009

CD « Tati sonorama », Les films de Mon Oncle/Naïve, 2008

Liens utiles :

http://www.maisondejourdefete.com/
 La « maison » retrace l’aventure du film à Ste Sévère sur Indre

http://www.tativille.com/
site officiel de Jacques Tati

Sites pédagogiques avec analyses et pistes :

Laurent Godel :
http://lewebpedagogique.com/educationimage42/files/2011/01/DocJourdeFete.pdf

http://ia89.ac-dijon.fr/docs/av/ec08-09/jour_de_fete.pdf

http://archives.cddp33.fr/uml/ecran_numerique/Jdfete.pdf

Sites de cinema

http://www.iletaitunefoislecinema.com/chronique/2103/jour-de-fete

http://www.cinemaparlant.com/fichespeda/j-k-l/fp_jourfete.pdf

         Dossier réalisé par Didier Lutz, CPD Arts visuels Allier, janvier 2013
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