Forme atypique du RGO : mythe ou réalité ? - Sabine ROMAN
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POST’U (2021) Forme atypique du RGO : mythe ou réalité ? Sabine ROMAN Hospices Civils de Lyon et Université Claude Bernard Lyon 1- Explorations Fonctionnelles Digestives - Hôpital Edouard Herriot – ET COLO-PROCTOLOGIE Pavillon 1 - 5 place d’Arsonval 69437 Lyon cedex 03 GASTRO-ENTÉROLOGIE sabine.roman@chu-lyon.fr manifestations atypiques, une nou- Introduction velle étude vient contrarier les résul- tats de la précédente. Le reflux gastro-œsophagien (RGO) Ces données contradictoires et chan- est une pathologie fréquente touchant geantes rendent la prise en charge 20 à 30 % de la population générale soit des manifestations atypiques de RGO plus de 7 millions d’adultes en France. compliquée. Le recours à de multiples Il se manifeste dans sa forme typique spécialistes est souvent la règle. Les par un pyrosis et des régurgitations. patients avec symptômes atypiques Des symptômes extra-œsophagiens sont envoyés vers le gastroentéro- appelés symptômes atypiques sont logue par l’ORL ou le pneumologue également possibles. Il s’agit de dou- qui affirment que les symptômes sont leurs thoraciques pseudo-angineuses, secondaires au RGO ; et le gastroen- de manifestations ORL (douleurs térologue renvoie les patients à l’ORL pharyngées par exemple), pulmo- ou au pneumologue en disant que les naires (toux chronique, exacerbation symptômes ne sont pas liés au reflux ! OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES d’asthme…), ou dentaires. Toutefois il est souvent difficile de relier les Trois questions principales doivent — Connaître leurs manifestations manifestations atypiques et le RGO. être posées en présence de manifes- cliniques En effet, ces manifestations peuvent tations atypiques de reflux : 1) quelles — Connaître leurs modalités diagnos- avoir de multiples causes et le RGO en sont les mécanismes physiopatho tiques est une parmi d’autres. Leur manque logiques à l’origine de ces manifesta- de spécificité et la grande hétérogé- tions ? 2) comment prouver l’existence — Savoir orienter la prise en charge néité des patients peuvent expliquer d’un reflux ? 3) le reflux est-il à l’ori- en fonction des résultats des explo- certains résultats contradictoires sur gine des symptômes ? La prise en rations le rôle du RGO dans la genèse des charge thérapeutique découlera de manifestations extra-œsophagiennes. l’existence prouvée ou non d’un RGO LIENS D’INTÉRÊTS Le développement de nouveaux tests à l’origine des symptômes. diagnostiques est aussi à l’origine de Consultante pour Reckitt Benckiser ; Dans ce chapitre, nous décrirons les certaines données contradictoires et Bourse recherche : Medtronic, manifestations atypiques du RGO changeantes au fil du temps. Ainsi Diversatek Healthcare et leurs mécanismes physiopatholo- l’enthousiasme suscité par le déve- loppement d’un nouveau test permet- giques, puis nous nous intéresserons tant de relier RGO et manifestations aux modalités diagnostiques du RGO MOTS-CLÉS chez des patients avec manifesta- atypiques fait souvent place quelques reflux gastro-oesophagien, douleurs années plus tard à une déception tions atypiques, et enfin les modalités thoraciques, toux, symptômes ORL lorsqu’un autre test vient infirmer le thérapeutiques seront discutées. rôle du RGO dans la genèse des symp- tômes. Ceci a conduit certains auteurs ABRÉVIATIONS à comparer les manifestations aty- RGO : reflux gastro-oesophagien piques du RGO au mythe de Sisyphe Manifestations cliniques ORL : oto-rhino-laryngologie qui fut condamné à rouler éternelle- et physiopathologie IPP : inhibiteurs de la pompe à protons ment jusqu’en haut d’une colline un IS : index symptomatique rocher qui en redescendait chaque fois PAS : probabilité d'association symp- avant de parvenir au sommet (1). Il en Différentes manifestations cliniques tomatique est ainsi pour les manifestations aty- ont été rapportées comme signes AMM : autorisation de mise sur le piques et le RGO : lorsque l’on pense extra-œsophagiens du RGO, au pre marché avoir prouvé le rôle du RGO dans les mier rang desquelles les douleurs 67
thoraciques, les manifestations Les symptômes ORL potentielle- des patients avec symptômes ORL pulmonaires et ORL. ment liés au RGO sont nombreux. survenant en association avec des Le râclement de gorge (hemmage), symptômes typiques (pyrosis et/ou Les douleurs thoraciques pseudo- les douleurs pharyngées, le globus, régurgitations) (6). Dans cette étude, angineuses peuvent être secondaires et l’enrouement sont des signes en cas de RGO prouvé (par une expo- au RGO. Elles peuvent mimer de véri- possiblement secondaires au reflux. sition acide œsophagienne patholo- tables douleurs cardiaques et doivent Le RGO a également été incriminé gique), les patients avec symptômes avant tout conduire à un bilan cardio- comme facteur de risque de survenue atypiques isolés avaient une sensi- logique. Même si classiquement ce de laryngospasme, d’otite ou de bilité œsophagienne à l’acide plus type de douleur doit faire évoquer cancer ORL sans autre facteur de faible que les patients présentant des troubles moteurs œsophagiens, risque (absence de contexte éthylo- à la fois des symptômes typiques et la pathologie œsophagienne la plus tabagique). La survenue de symp- atypiques. De plus, les patients avec souvent associée aux douleurs thora- tômes et de lésions ORL pourraient symptômes atypiques isolés avaient ciques non cardiaques est le RGO, être directement secondaires au reflux moins de reflux pharyngés que les qu’il y ait ou non une œsophagite. de liquide gastrique au niveau de la patients avec symptômes typiques Le mécanisme sous-jacent est le sphère ORL (théorie du reflux). Ce et atypiques concomitants. Ainsi les plus souvent un mécanisme direct reflux pourrait créer une inflamma- patients avec symptômes atypiques lié au contact du contenu des reflux tion chronique qui serait le précur- isolés auraient une hypo sensibilité avec la muqueuse œsophagienne. seur des lésions néoplasiques. Des œsophagienne au reflux (démontrée L’hypersensibilité viscérale est un anomalies de la sphère ORL ont été par la diminution de la sensibilité co-facteur du RGO dans la genèse décrites en endoscopie comme évoca- œsophagienne à l’acide) expliquant des douleurs thoraciques pseudo-an- trices de reflux : érythème, œdème l’absence de symptômes typiques et gineuses. Des facteurs psychogènes inter-aryténoïdien, œdème des cordes une origine réflexe aux symptômes peuvent également renforcer la vocales, présence de granulomes (3). ORL. Les patients avec symptômes douleur ; par exemple la privation de Toutefois ces signes ont également été typiques et atypiques concomitants sommeil peut augmenter la percep- retrouvés chez des patients asympto- présenteraient eux des symptômes tion des douleurs thoraciques. matiques et ils semblent peu spéci- ORL en lien avec un nombre élevé de La toux chronique peut être secon- fiques du RGO (4). reflux atteignant le pharynx. daire au RGO. Les mécanismes physio- pathologiques incriminés comportent Enfin des érosions sur la face linguale une toxicité directe des épisodes ou palatine des dents ont été décrites chez des patients présentant des de reflux avec des phénomènes Modalités diagnostiques de micro-inhalations qui peuvent symptômes typiques de reflux et/ou également induire des infections une exposition acide œsophagienne pulmonaires à répétition (théorie du excessive (5). Les examens complémentaires ont reflux). Un autre mécanisme possible pour but de répondre à 2 questions : L’ensemble de ces manifestations 1) le patient présente-t-il un RGO est un réflexe vago-vagal (théorie atypiques peut survenir de manière pathologique ? 2) est-ce que le RGO du réflexe). La stimulation des affé- isolée ou être concomitant à des est à l’origine des symptômes ? rences œsophagiennes serait respon- signes typiques de RGO. Le méca- sable d’un réflexe moteur anormal nisme physiopathologique pourrait Endoscopie au niveau des structures extra-œso- phagiennes et expliquerait la toux, être différent que ces manifestations œso-gastro-duodénale extra-œsophagiennes soient associées L’endoscopie œso-gastro-duodénale voire d’autres symptômes extra-œso- ou non à des signes typiques de reflux. est l’examen de première intention en phagiens. Ceci a été mis en évidence En effet, comme citées précédem- cas de suspicion de RGO. Elle est indi- dans des modèles animaux et chez ment, 2 théories existent aujourd’hui quée en cas de symptômes atypiques, l’homme. Toutefois, les causes de pour expliquer les manifestations chez des patients de plus de 50 ans, en toux chronique sont très nombreuses atypiques de reflux : la théorie du cas de signe d’alarme (anémie, perte (lésions bronchiques, pulmonaires ou reflux où le contenu (acide ou peu de poids, odynophagie, dysphagie, pleurales, écoulement nasal posté- acide) des reflux est directement en ou signe d’hémorragie digestive), rieur, prise médicamenteuse comme contact avec la muqueuse ORL ou antécédent de cancer digestif dans la les inhibiteurs de l’enzyme de conver- pulmonaire et induit des symptômes famille et/ou un échec du traitement sion…) et largement non liées aux et la théorie du réflexe où la stimu- médical de première intention reflux acides ou peu acides. Enfin, la lation acide de l’œsophage distal toux peut elle-même déclencher des induit un réflexe vago-vagal à l’ori- Selon le consensus de Lyon, la pré- épisodes de reflux (2). Ainsi savoir de gine des manifestations extra-œso- sence d’une œsophagite de grade C la toux ou du RGO qui est la cause et phagiennes. En cas de manifestation ou D selon la classification de Los qui est la conséquence est souvent atypique isolée la théorie du réflexe Angeles, une muqueuse de Barrett difficile tant les deux sont intriqués. prédominerait et cette hyper réflexi- de plus de 1 cm, ou une sténose pep- D’autres manifestations pulmonaires vité associée à un défaut de sensi- tique sont des signes en faveur d’un ont été associées au RGO comme l’exa- bilité œsophagienne expliquerait la RGO pathologique (7). La présence cerbation d’asthme ou la survenue de présence de manifestations atypiques d’une hernie hiatale est un facteur fibrose pulmonaire. Le RGO est par sans manifestation œsophagienne. de risque de RGO mais pas un signe ailleurs reconnu comme un facteur de Ceci a été suggéré dans une étude formel de reflux. L’œsophagite de risque de dysfonction du greffon chez récente incluant des patients avec grade A est retrouvée chez des sujets les patients transplantés pulmonaires. symptômes ORL atypiques isolés et asymptomatiques et n’est donc suf- 68
fisante pour porter le diagnostic de total avec un pH œsophagien < à 4. de Fischer comparant les périodes RGO. L’existence d’une œsophagite de Elle permet de conclure à un RGO symptomatiques et les périodes de grade B ne se voit que très rarement pathologique si elle est supérieure à reflux, il est positif s’il est supérieur chez des sujets asymptomatiques 6 % du temps total ; une exposition à 95 %. D’après le consensus de Lyon, (moins de 1 %), mais la reproductibilité œsophagienne acide inférieure à il faut que le patient ait rapporté au inter-observateur pour le diagnostic 4 % est considérée comme normale moins 3 épisodes symptomatiques d’œsophagite de grade B n’est pas (absence de RGO). Entre 4 et 6 %, il pour considérer que l’association parfaite si bien que les experts ayant s’agit d’une zone grise où le RGO est reflux-symptôme est analysable. Si l’IS participé au consensus de Lyon ont possible mais doit être confirmé par un et le PAS sont tous les deux positifs, reconnu l’intérêt à confirmer l’exis- autre examen. Il existe actuellement l’association entre symptôme et reflux ET COLO-PROCTOLOGIE tence d’un RGO pathologique par une une technique de pH-métrie sans fil est plus probable que si un seul des GASTRO-ENTÉROLOGIE autre technique en cas d’œsophagite (Bravo®) : une capsule avec électrode 2 paramètres est positif. Toutefois le de grade B si un traitement invasif du de mesure de pH est fixée dans l’œso- diagnostic d’hypersensibilité au reflux reflux (chirurgie) est envisagé. phage distal et transmet par télémétrie selon les critères de Rome IV peut être les données d’enregistrement de pH à porté si un seul des 2 paramètres est Dans le cas des symptômes atypiques un boîtier externe. L’enregistrement positif et si l’exposition acide œsopha- de RGO, la présence de signes endos- est effectué sur 48 à 96 heures. Cette gienne est normale (8). La normalité copiques en faveur d’un RGO peut technique de pH-métrie sans fil est des 2 paramètres (IS et PAS) va contre confirmer l’existence de ce dernier, disponible mais le remboursement est une association significative entre la mais ne permet pas d’affirmer que effectué sur la base d’une pH-métrie survenue des épisodes de reflux et les les symptômes sont bien consécutifs filaire. Par ailleurs, la mise en place de symptômes. au reflux. Pour confirmer qu’il existe la capsule peut générer des douleurs un lien, il faudra montrer que le trai- thoraciques, ceci invite à la prudence Si l’IS et le PAS sont adaptés pour tement du RGO supprime les symp- quant à l’utilisation de cette technique l’évaluation des symptômes typiques tômes atypiques et/ou établir un lien chez des patients pour lesquels la (pyrosis et régurgitations) à début et entre symptôme atypique et épisodes pH-métrie est indiquée en raison de fin bien marqués, leur utilisation pour de reflux en utilisant une technique de douleurs thoraciques. les symptômes atypiques dépend de détection de reflux (cf. infra). la nature des symptômes. Pour l’ex- La pH-métrie (filaire) peut être cou ploration des douleurs thoraciques Même si les recommandations sont de plée à une impédancemétrie œsopha- et de la toux, ils permettent d’établir proposer une endoscopie en première gienne. L’impédancemétrie permet de un lien entre les symptômes et les intention en cas de symptôme aty- mesurer les mouvements de liquide reflux. Toutefois, dans le cas particu- pique, il arrive que cette endoscopie et de gaz dans l’œsophage et donc lier de la toux, il a été montré, grâce ne soit pas réalisée devant des signes de détecter les reflux sur la pré- à des techniques de détection de la ORL ou pulmonaires isolés. En effet, sence de liquide se propageant de toux (soit par mesure de la pression dans plus de la moitié des cas, l’en- l’œsophage distal vers l’œsophage thoracique et abdominale, soit par doscopie est normale. Elle l’est plus proximal. Alors que la pH-métrie ne détection acoustique), qu’un décalage fréquemment en cas de symptômes détecte que les reflux acides (pH 4). Les reflux peu acides un PAS positifs sont en faveur d’une en cas de symptôme atypique peut peuvent induire des symptômes tout association entre reflux et toux, mais justifier de ne pas la faire si le sujet a comme les reflux acides. En cas de ne permettent pas de différencier une moins de 50 ans, qu’il ne présente pas traitement par inhibiteurs de la toux conséquence ou cause du reflux de signe d’alarme, pas d’antécédents pompe à protons (IPP), les reflux peu compte tenu de la possible imprécision familiaux de cancer digestif et qu’il acides sont prédominants. concernant le moment de survenue du rapporte uniquement des symptômes symptôme. Le cas des symptômes ORL atypiques. Lors des enregistrements de pH-mé- ou dentaires est encore plus complexe trie et de pH-impédancemétrie dans la mesure où l’IS et le PAS ne Examens de détection les patients peuvent indiquer les sont pas valides car la majorité de ces des reflux : pH-métrie symptômes qu’ils ressentent soit en symptômes sont continus sans début et pH-impédancemétrie pressant un bouton sur le boitier d’en- et fin très précises. Ainsi les examens La pH-métrie œsophagienne permet registrement soit en tenant un agenda de détection de reflux peuvent de mesurer le pH intra-œsophagien symptomatique. Ainsi il sera possible permettre d’établir un diagnostic de au moyen d’un cathéter introduit dans de relier les symptômes rapportés reflux pathologique, mais ne peuvent l’œsophage par voie naso-pharyngée. aux épisodes de reflux. Différents pas toujours établir un lien entre L’électrode de mesure de pH est placée paramètres sont disponibles pour reflux et symptôme. 5 cm au-dessus du sphincter inférieur relier les symptômes et les reflux. Les de l’œsophage. Ce cathéter est relié à plus couramment utilisés sont l’index En pratique, la pH-métrie et la pH- un boîtier externe d’enregistrement. symptomatique (IS) et la probabilité impédancemétrie pourraient avoir L’enregistrement est effectué en d’association symptomatique (PAS). un intérêt surtout pour éliminer un ambulatoire sur 24 heures. Par défi- L’IS, calculé comme le rapport entre RGO car la présence d’un test positif nition, un pH œsophagien inférieur à le nombre de reflux symptomatiques ne permet pas toujours de conclure 4 correspond à un épisode de reflux. sur le nombre total de symptômes, à un lien de causalité entre reflux L’exposition acide œsophagienne cor- est positif s’il est supérieur à 50 %. et symptôme atypique. En l’absence respond au pourcentage de temps Le PAS correspond à un test exact d’œsophagite, chez un patient avec 69
Symptômes atypiques de RGO Endoscopie Œsophagite Pas d'oesophagite pH +/- impédancemétrie sans traitement Traitement par IPP Reflux pathologique Pas de reflux pathologique Disparition des Persistance des symptômes sous IPP symptômes sous IPP pH +/- impédancemétrie sous traitement Reflux pathologique sous IPP Pas de reflux pathologique sous IPP RGO est possiblement responsable des symptômes RGO n'est pas responsable des symptômes Figure 1 : Démarche diagnostique chez des patients présentant des symptômes atypiques de RGO symptômes atypiques de RGO, on con sujets contrôles (10). Des résultats Parfois, un test thérapeutique aux seillera la réalisation d’une pH-métrie similaires ont été obtenus avec le IPP a pu être préconisé avant toute ou d’une pH-impédancemétrie sans système Restech™ qui mesure le pH exploration, en l’absence de signe de traitement par IPP pour confirmer oro-pharyngé, cet examen ne permet gravité. Même si cette attitude a un la présence d’un RGO pathologique. pas de prédire la réponse aux IPP caractère très pragmatique, elle ne En cas de reflux pathologique, un chez des patients avec symptômes doit pas être recommandée en raison traitement par IPP sera prescrit et ORL de reflux (11). De façon très du caractère non spécifique des symp- si le patient reste symptomatique, intéressante l’observation d’une chute tômes et de l’existence de faux positifs on conseillera la réalisation d’une du pH pharyngé n’est que rarement au test thérapeutique par IPP (15). De pH-impédancemétrie cette fois sous liée à un épisode de reflux provenant plus, certains auteurs ont évoqué un traitement IPP. S’il n’y a plus de reflux de l’œsophage distal (12). Ceci rend effet anti-inflammatoire des IPP avec pathologique sur l’examen réalisé donc les techniques de détection des diminution de sécrétion de cytokines sous IPP alors que le patient est symp- reflux pharyngés peu utiles pour le par les cellules œsophagiennes indé- tomatique, cela signifie que la symp- diagnostic de RGO chez des patients pendamment de l’exposition acide tomatologie n’est pas en lien avec un avec symptômes ORL. pour expliquer l’effet des IPP par RGO pathologique (Figure 1). exemple chez des patients avec écou- La mesure de la concentration de lement nasal postérieur sans aucun Autres examens pepsine dans la salive a suscité RGO acide authentifié (16). beaucoup d’espoir comme test de Les examens classiques de détection détection rapide du RGO notamment de reflux (pH-métrie et pH-impédan- pour les patients avec des symptômes cemétrie) s’intéressent à l’œsophage atypiques. En effet, la présence de distal. Toutefois, certains symptômes pepsine dans la salive pourrait être un Prise en charge atypiques sont ressentis au niveau marqueur de reflux remontant jusque thérapeutique pharyngé ou plus haut. Des examens dans la cavité buccale et donc plus à ont donc été développés pour mesurer même de donner des symptômes les reflux pharyngés (pH-impédan- ORL, pulmonaires ou buccaux. Les Le traitement des symptômes cemétrie avec capteurs de mesure premières données ont montré que ce atypiques est difficile. Si les IPP restent dans le pharynx et dans l’œsophage, test avait une faible sensibilité, mais le traitement de première intention, système Restech™ avec mesure dans une bonne spécificité faisant envisager leur efficacité est décroissante allant le pharynx des reflux acides liquides son utilisation en complément de l’uti- de l’œsophagite (meilleurs taux de et aérosolisés). En pH-impédancemé- lisation de questionnaires symptoma- réponse) vers les symptômes typiques trie, les reflux pharyngés sont rares tiques (13). Malheureusement, des puis atypiques (taux de réponse plus et une étude a montré que ces reflux études plus récentes n’ont pas permis faibles) (17). De plus, en présence de n’étaient pas plus fréquents chez des de confirmer ces résultats promet- symptômes atypiques, le RGO est une patients présentant des symptômes teurs et il semble difficile actuellement des causes parmi tant d’autres et le pharyngo-laryngés chroniques ne de proposer ce test pour le diagnostic traitement seul du reflux n’est pas répondant pas aux IPP que chez des de RGO (14). toujours suffisant. 70
Le gain thérapeutique du traite- 8. A ziz Q, Fass R, Gyawali CP, et al. ment par IPP par rapport au placebo Conclusion Functional Esophageal Disorders. Gastro- enterology 2016;150:1368-79. dépend du type de symptôme (gain plus important pour les douleurs tho- 9. Sifrim D, Dupont L, Blondeau K, et al. Le RGO est incriminé dans la genèse Weakly acidic reflux in patients with raciques que pour la toux chronique de nombreux symptômes extra- chronic unexplained cough during 24 ou pour l’enrouement) (18, 19). La hour pressure, pH, and impedance digestifs. Toutefois, il est difficile de présence d’un RGO prouvé est éga- monitoring. Gut 2005;54:449-54. mettre en évidence un lien entre les lement un facteur de réponse aux symptômes atypiques, surtout s’ils 10. Dulery C, Lechot A, Roman S, et al. A IPP. Par exemple, les patients avec sont isolés, et le RGO. Cette difficulté study with pharyngeal and esophageal des symptômes de laryngite chro- 24-hour pH-impedance monitoring à prouver le lien entre RGO et symp- ET COLO-PROCTOLOGIE nique (enrouement, toux, douleur GASTRO-ENTÉROLOGIE in patients with laryngopharyngeal tômes atypiques conduit souvent à symptoms refractory to proton pump pharyngée, globus, raclement de des traitements abusifs par les IPP. inhibitors. Neurogastroenterol Motil gorge), des signes endoscopiques Des explorations complémentaires 2017;29. ORL pouvant évoquer un RGO et un (pH +/- impédancemétrie) sont 11. Yadlapati R, Pandolfino JE, Lidder AK, RGO pathologique prouvé (exposition nécessaires pour rechercher un RGO et al. Oropharyngeal pH Testing Does acide œsophagienne pathologique) pathologique. Des examens négatifs Not Predict Response to Proton Pump répondent mieux aux IPP que les Inhibitor Therapy in Patients with devraient conduire à un arrêt de la patients sans reflux prouvé (59 % vs. Laryngeal Symptoms. Am J Gastroenterol prescription des IPP souvent ineffi- 32 %, p< 0.05, avec un traitement par 2016;111:1517-1524. caces en cas de symptômes atypiques. esoméprazole 40 mg 2 fois par jour 12. Desjardin M, Roman S, des Varannes SB, Le rôle de l’hypersensibilité, de l’an- pendant 12 semaines) (6). Par contre et al. Pharyngeal pH alone is not reliable xiété et de l’hypervigilance doit être le taux de réponse est similaire que for the detection of pharyngeal reflux évoqué dans la genèse des symptômes events: A study with oesophageal and les patients aient des symptômes en particulier si les techniques de pharyngeal pH-impedance monitoring. atypiques isolés ou associés à des détection de reflux n’ont pas permis United European Gastroenterol J symptômes typiques (63 % vs. 57 %, 2013;1:438-44. de confirmer de RGO pathologique. La p= 0.8) à condition qu’ils aient bien prise en charge thérapeutique reste 13. Hayat JO, Gabieta-Somnez S, Yazaki E, sûr un reflux prouvé. souvent difficile compte tenu du carac- et al. Pepsin in saliva for the diagnosis of tère multifactoriel des symptômes. gastro-oesophageal reflux disease. Gut La prise en charge thérapeutique est 2015;64:373-80. donc dépendante des résultats des examens complémentaires. En cas de 14. Woodland P, Singendonk MMJ, Ooi J, et reflux prouvé (œsophagite ou expo- al. Measurement of Salivary Pepsin to Detect Gastroesophageal Reflux Disease sition acide œsophagienne patho- Références Is Not Ready for Clinical Application. Clin logique), un traitement par IPP est Gastroenterol Hepatol 2019;17:563-565. généralement instauré. Il y a débat 1. Yadlapati R, Katzka DA. Laryngopha- 15. Bytzer P, Jones R, Vakil N, et al. Limited en ce qui concerne la dose à utiliser. ryngeal Reflux Is an Eternally Rolling ability of the proton-pump inhibitor test Des doubles doses (hors AMM) ont Boulder. Clin Gastroenterol Hepatol to identify patients with gastroesoph- été proposées notamment en cas de 2020;18:1431-1432. ageal reflux disease. Clin Gastroenterol douleurs thoraciques. Elles pourraient Hepatol 2012;10:1360-6. 2. Smith JA, Decalmer S, Kelsall A, et al. apporter une meilleure réponse que Acoustic cough-reflux associations 16. Vaezi MF, Hagaman DD, Slaughter JC, de simples doses. in chronic cough: potential triggers et al. Proton pump inhibitor therapy and mechanisms. Gastroenterology improves symptoms in postnasal La place de la chirurgie anti-reflux 2010;139:754-62. drainage. Gastroenterology dans le traitement des symptômes 3. Vaezi MF, Hicks DM, Abelson TI, et al. 2010;139:1887-1893 e1; quiz e11. atypiques n’est pas codifiée. Toutefois, Laryngeal signs and symptoms and 17. Katzka DA, Pandolfino JE, Kahrilas PJ. gastroesophageal reflux disease (GERD): en l’absence d’étude randomisée et Phenotypes of Gastroesophageal a critical assessment of cause and effect compte tenu du caractère physiopa- Reflux Disease: Where Rome, Lyon, association. Clin Gastroenterol Hepatol and Montreal Meet. Clin Gastroenterol thologique multifactorielle des symp- 2003;1:333-44. Hepatol 2020;18:767-776. tômes atypiques, la prudence est de 4. Vavricka SR, Storck CA, Wildi SM, et al. mise d’autant plus qu’il existe une non Limited diagnostic value of laryngopha- 18. Boeckxstaens G, El-Serag HB, Smout AJ, réponse aux IPP. ryngeal lesions in patients with gastro- et al. Symptomatic reflux disease: the esophageal reflux during routine upper present, the past and the future. Gut 2014. En l’absence de reflux prouvé, un trai- gastrointestinal endoscopy. Am J Gastro- tement visant à diminuer l’hypersen- enterol 2007;102:716-22. 19. Hungin APS, Molloy-Bland M, sibilité peut être proposée (1). Les 5. Vakil N, van Zanten SV, Kahrilas P, et al. Scarpignato C. Revisiting Montreal: New antidépresseurs peuvent par exemple The Montreal definition and classification Insights into Symptoms and Their Causes, of gastroesophageal reflux disease: a and Implications for the Future of GERD. être efficaces pour diminuer les Am J Gastroenterol 2019;114:414-421. global evidence-based consensus. Am douleurs thoraciques non cardiaques J Gastroenterol 2006;101:1900-20; quiz en l’absence de RGO prouvé (20). 20. Prakash C, Clouse RE. Long-ter m 1943. outcome from tricyclic antidepressant Les traitements par topiques locaux 6. Lien HC, Wang CC, Kao JY, et al. Distinct treatment of functional chest pain. Dig Physiological Characteristics of Isolated Dis Sci 1999;44:2373-9. (alginates par exemple) pourraient Laryngopharyngeal Reflux Symptoms. avoir un certain effet notamment sur Clin Gastroenterol Hepatol 2020;18:1466- 21. Wilkie MD, Fraser HM, Raja H. Gaviscon® les symptômes ORL (21). Toutefois, 1474 e4. Advance alone versus co-prescription of Gaviscon® Advance and proton pump l’absence d’étude contrôlée ne permet 7. Gyawali CP, Kahrilas PJ, Savarino E, et inhibitors in the treatment of laryngopha- pas de dire si ces traitements sont al. Modern diagnosis of GERD: the Lyon ryngeal reflux. Eur Arch Otorhinolaryngol plus efficaces que le placebo. Consensus. Gut 2018;67:1351-1362. 2018;275:2515-2521. 71
5 Les cinq points forts ● En présence de manifestations atypiques, l’imputabilité d’un RGO est difficile à établir. ● La responsabilité d’un RGO est plus probable lorsque les manifes- tations atypiques sont associées à des manifestations typiques (pyrosis, régurgitations). ● L’hypersensibilité viscérale joue un rôle dans la survenue des manifestations atypiques de reflux. ● La réalisation d’une pH-métrie et/ou d’une pH-impédancemétrie est essentielle pour confirmer ou infirmer le RGO en cas de mani- festations atypiques. ● Le gain d’un traitement par IPP est plus important en cas de douleurs thoraciques qu’en cas de toux ou de manifestations ORL. 72
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