FRANCE CARTOONS Le magazine des dessinateurs de presse francophones - Février-Mars-Avril 2019 - Numéro 9
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FRANCE CARTOONS Février-Mars-Avril 2019 - Numéro 9 L e m a g a z i n e d e s d e s s i n a t e u r s d e p re s s e f r a n c o p h o n e s
FRANCE CARTOONS Février-Mars-Avril 2019 - Numéro 9 L e m a g a z i n e d e s d e s s i n a t e u r s d e p re s s e f r a n c o p h o n e s EDITO J’ai été invité à Bucarest par les dessinateurs Roumains, une exposition appelée “Valeurs de l’Europe”, un de mes dessins leur avait plu. Le vernissage se déroule dans la Bibliothèque nationale, tous les cartoonists Roumains sont là, avec aussi quelques invités étrangers. Anastasia Stoiciu, du Musée Cotroceni, l’organisatrice s’approche de moi et me demande de me présenter… en anglais. Je m’éloigne un moment pour pianoter sur mon petit téléphone, et merci Deepl pour la traduction et Maurice Chevalier pour l’accent... Je m’approche du micro, quelques mots pour raconter ma vie professionnelle et surtout pour dire, devant quelques notables de la Feco, combien je suis fier de notre association, du nombre de nos adhérents, de nos actions pour défendre ce métier, © Alf de nos expositions, de notre webmagazine et de notre site sur lequel nous travaillons. Joyeux printemps à tous ! 3 I was invited in Bucarest by the Rumanian cartoonists to an exhibition entitled “ European values “ as one of my cartoons had captured their attention. The SOMMAIRE opening took place within the National Library. There were all the Rumanian cartoonists and a few foreign guests. Anastasia Stoicu from the Cotroceni Museum, the organizer, drew near and invited me to introduce myself… in English. I moved a little MEMENTO HUMORI OUÈLCOM SANG SÛR ! aside some time to tap away at my phone… Many Hommage à Gérard Marie Morelle Elena Ospina thanks to Deepl for the translation I got and Maurice 2, 4-21, 44 22-23 24-25 chevalier for the accent. I reached the microphone and said a few words on my professional life but, above all, I wanted to declare, in front of a handful of worthy Feco members, how proud I am of our association, the EXPOS LIVRES EN STOCK FESTIVALSES number of its registered cartoonists, the actions undertaken to defend our work, our exhibitions, our Les réseaux sociaux Honoré Bonnet Carpentras web magazine and the web site we are working on. BNF 26-30 Papiers Nickelés 31 Presse-Citron 32-35 Happy spring for you all. Ballouhey Président de France-Cartoons PORTRAIT CRASHÉ PÉRIPLE RÉTROSCOPIE Mofrey Izel en Nouvelle- Châle chéri 36-37 Zélande 38-39 40-43 FRANCE-CARTOONS Magazine est une publication de France-Cartoons, Chemin du Mont Saint-Glard, 38160 Chevrières. Couverture : Delambre - Directeur de la publication : Ballouhey - Rédacteurs : Ballouhey, Beaunez, Izel, JMB, Mofrey,Trax. Designer graphique : Babache - Webmasters : Pesso, Raynal - Avril 2019 - www.france-cartoons.com
MEMENTO HUMORI PA R BALLOUHEY E T LES MEMBRES DE FRANCE-CARTOONS Maire de Saint-Just-le-Martel, puis Président de Limoges Métropole et de la Région Limousin et vice-président de Nouvelle-Aquitaine, il avait gravi tous les échelons. Gérard Vandenbroucke nous a quittés à l’âge de 71 ans. LE JUSTE DE ST JUST honorer les dessinateurs français. Gérard nous a demandé cette exposition pour l’hôtel de région du Limousin. Pour l’inauguration, nous étions une dizaine de dessinateurs. Et là, il a commencé sur discours très ému en nous disant : Si je suis ici, c’est grâce à vous, les dessinateurs. Il disait ça pour nous réconforter, nous faire plaisir, son ascension dans 4 le monde de la politique, il la devait à son travail, à son intelligence, sa compétence, son efficacité, mais quand même sa passion pour la satire et la réussite de son Salon y étaient pour quelque chose. Les dessinateurs sont des gens bizarres, © Jethro individualistes, souvent isolés. À une autre époque, on travaillait au journal, E nseignant en lettres En janvier 2015, France-Cartoons on allait au marbre, aux conférences modernes de 1970 à 1986, qui s’appelait encore Feco-France et de rédaction. Les fax, les Chronopost Gérard Vandenbroucke la revue italienne Buduàr décident et surtout Internet ont tout changé. intègre le conseil municipal de d’organiser une exposition en Un dessinateur peut travailler dur Saint-Just-le-Martel, en 1982. hommage aux dessinateurs de sans ne jamais rencontrer aucun de La même année, en octobre, il crée Charlie-Hebdo assassinés. Une ses confrères. le Salon international du dessin soixantaine de dessinateurs Gérard a inventé ce grand pèlerinage de presse et d’humour qui, près Français et Italiens nous avaient international des cartoonistes. J’ai de 40 ans plus tard, est devenu confié leurs témoignages désolés. pu rencontrer les dessinateurs qui un événement incontournable et Son nom, Inchiostro Coraggioso, me fascinaient quand j’affûtais une référence internationale, où Loup nous avait conseillé de le mes crayons et maintenant que je seront passées les plus grandes traduire par Encres Libres. Cette suis un vieux dessinateur, je vois plumes de la caricature. Gérard exposition a circulé dans toute des jeunes mecs qui s’approchent Vandenbroucke deviendra l’ami, l’Italie et je suis allé chercher à Forte de moi avec l’œil qui frise et qui le complice souriant et amusé des dei Marmi la fameuse Abeille du tentent de me tutoyer, je les rassure. dessinateurs du monde entier. prix Satira Politica, le jury voulait Gérard aimait tous les dessinateurs,
les grandes signatures à qui il © Rick McKee remettait son Prix de l’Humour Vache, mais aussi les dessinateurs qui travaillent dans de petits journaux, ceux qui doivent avoir un deuxième métier, les amateurs, les blogueurs. Aujourd’hui, tous les dessinateurs sont tristes, pour Blanche, sa famille, son village et sa région. L’avenir du Salon de Saint-Just-le-Martel est dans les mains de toute l’équipe, ces merveilleux bénévoles qui vont reprendre le savoir-faire de Gérard. Il y a lieu d’être optimiste.Il fallait le voir éclater de rire avec son ami Loup et assister aux joutes oratoires avec l’Abbé Soumagne le curé de Saint- Just à coté desquelles le petit monde de Don Camillo est une bluette. 5 © Constantin Pavel
© Tym! © Teyssié © Sergio Vallejo © Tchavdar © Sajini © MacCoy 11
© Barnaud 12 © Boligan © Bauer © Caffa © Vomorin
© Cao Cruz Alves © Batti © Delucq © Bob Engelhart © Battistini © Catherine Beaunez 13
© Noder © Jepida 14 © Tayo Fatunla © Syl © Pijet
© Luc Arnault © Véesse © Ballouhey © Daullé 15
© Niels Bobojesen 16 © Biz © Gouzil © Lounis
© Alain Julien Benitez © Plop & Kankr © Bagley © Claudio © Goutal 17
18 © Battistini © Savignac © Daryl Cagle © Pinter
© Trax © Jac © Gibo © Véesse © Faro 19
20 © Ali Hamra © Phil © L’Âne Noir © Honoré Bonnet © Pinter
© Rousso 21
O U È LC O M OuèlcoMM Marie M arie Morelle est une dessi- certain goût pour l’humour ab- Elle, L’Écho des Savanes, Causette natrice de presse et illus- surde et l’autodérision aux côtés de et Sarbacane. tratrice, elle habite à Paris. ses “fellow Brits”. Elle intervient également comme 22 © Dessins Marie Morelle Elle est diplômée du Camberwell S’en suivront des collaborations dessinatrice en direct dans l’émis- College of Arts, University of the avec la presse et l’édition jeunesse, sion Chez Moix de Yann Moix, sur Arts London et elle développe un notamment avec les magazines Paris Première.
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SANG SÛR ! PA R TRAX 21 novembre 2018 : l’Assemblée Nationale organise un colloque intitulé “Violences conjugales : parler, accompagner, sanctionner”, accompagné d’une exposition. CENSURE SANS CULTURE N’EST QUE RUINE DE LA DÉMOCRATIE C e colloque était accom- pagné d’une exposition réalisée par l’association Le Crayon, en partenariat avec © Elena Ospina (Colombie) France-Cartoons et le FIDEP, festi- val international de dessin de presse 24 de l’Estaque. L’exposition s’intitule « Au bout du crayon, les droits des femmes : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression ». Il semble que quelqu’un de haut pla- cé, puisqu’il décide des événements qui peuvent avoir lieu ou non dans ce Temple de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, ne sait pas lire ou que l’exposition soit placée, comme Alors, lecteurs, vous tremblez est trop occupé pour lire les intitulés prévu initialement, dans le grand évidemment d’impatience de d’expositions jusqu’au bout, jusqu’aux hall de l’Assemblée, accessible li- connaître le contenu du dessin termes « liberté d’expression » en l’es- brement au public. scandaleux, que vous supposez pire pèce. Il semble que cette personne ne Et il a ordonné qu’elle se tienne dans qu’une couverture de ce Charlie sait pas non plus lire un dessin, donc une annexe de cette Assemblée, qui que R.F. a probablement proclamé l’interpréter, ce qui, à ce haut échelon n’est accessible que sur inscription, être en d’autres temps. de responsabilité, doit inquiéter. obtention et présentation d’un badge, Le dessin représente une mère Ainsi ce quelqu’un, que nous nom- et qui, située de l’autre côté de la rue, voilée qui coud sur le dos de sa merons, au hasard, R.F., en attendant ne fait visiblement partie de l’Assem- petite fille voilée un livre ouvert qu’un nom plus précis nous soit com- blée Nationale que pour les initiés. comme des ailes. Le premier cré- muniqué en vertu de la transparence, Et au sein de cette annexe, qu’elle ne tin venu mais de cœur pur, qui ne aussi souvent invoquée que peu pra- soit pas dans le hall précédant les serait pas dévoré par des ambitions tiquée, ce R.F. donc, a jugé que l’un portiques d’accès mais au sous-sol, politiciennes, comprendrait que des 271 dessins exposés pouvait of- entre un escalier et des portes d’accès le message est simplement : une fenser les musulmans. aux salles de conférences, dans un mère qui n’a pas reçu d’éducation Et R.F., en conséquence, a interdit espace à peine suffisant. scolaire ou d’accès à la culture dit
à sa fille que c’est par elles qu’elle Je serais bien en peine de vous expli- tionner plus, « signaler la moindre changera son sort. On ne voit pas quer quelle interprétation en a don- gifle » (sic), la moindre bagarre de bien quelle vraie musulmane ni né ou approuvé R.F. pour aboutir couple. Elle a présenté comme la quel vrai musulman, éclairés sim- à cette mise en caveau de première grande mesure (pas neuve d’ail- plement de l’amour et du respect de classe de l’exposition. Je me vois là leurs) de son plan d’action, la mise leurs enfants, pourraient y voir un aussi dépourvue d’imagination que en place d’un numéro vert où dé- outrage, et non ce que ce dessin est certains sont pourvus de lâcheté, de noncer ces moindres incidents. De profondément et uniquement : un préjugés et de ridicule. « parler, d’accompagner » (voir l’inti- soutien à l’émancipation de toutes C’est le moment de rappeler que tulé du colloque), elle ne dit mot. les femmes voilées, (le voile sym- Mme Schiappa, venue conclure le Sanctionner, censurer, devant une bolisant, dessin oblige, qu’elles sont colloque auquel elle n’avait pas assis- telle harmonie, on ne s’étonne plus tenues à l’écart de l’éducation), par té, en avait néanmoins tiré une seule que passe sans vaseline la loi anti- la tradition ou la religion. et forte conclusion : il faudrait sanc- manifestations. TRAX
EXPO PA R BALLOUHEY Pour 2019, l’association Le Crayon, © Rafagé France-Cartoons et le FIDEP organisent une grande exposition collective itinérante de dessins de presse sur le thème : « Au bout du crayon, les réseaux sociaux : caricatures, dessins de presse et liberté d’expression ? » AU BOUT DU CRAYON, LES RÉSEAUX SOCIAUX C ette exposition voyagera, comme la précédente dédiée aux droits des femmes, dans toute la France, mais aussi en Europe et dans tous les pays du monde qui l’accueil- 26 leront. L’inauguration aura lieu à Cannes le 3 mai sur l’égide de l’association Cannes-Cartoons et restera en place pendant toute la durée du grand Festival du Film. SOCIAL NETWORKS This year, Le Crayon association, France- Cartoons and the FIDEP are setting up a travelling collective exhibition of © Boligan press cartoons on the theme :« With the end of the pencil, the social networks : Caricatures, press cartoons and freedom of speech ? » This exhibit will travel, just like the previous one which was dedicated to women’s rights, all around France but also though Europe and all the countries that will welcome it. The inauguration will take place in Cannes on May 3 under the aegis of the Cannes-Cartoons association and will remain in place for the duration of the great Film Festival. BALLOUHEY
© Emad Hajjaj © Mix & Remix - Avec l’aimable autorisation de Dominique Becquelin © Chimulus - Avec l’aimable autorisation de Christophe Faizant © Biz © Randall Enos 27 © Batti
28 © Gros © Pijet © Véesse
© Cambon © Ballouhey © Zéno © Elchicotriste © Honoré - Avec l’aimable autorisation de Hélène Honoré © Wexler 29
EXPO PA R BALLOUHEY Dessin satirique et écologie, c’est le thème d’une série de conférences à la BnF où se sont succédés Martine Mauvieux, maîtresse de maison, Jean-Claude Gardes et Alain Deligne. DESSIN SATIRIQUE ET ÉCOLOGIE À LA BNF J acky Houdré nous a fait che- miner le long de l’aventure de La Gueule Ouverte, jour- nal de l’écologie politique qui an- nonce la fin du monde (1972-1980) avec des dessins de Fournier, Cabu, 30 Gébé, Reiser, Willem ou Wolinski. Ensuite, Margarethe Potocki, de l’Université de Clermont- Ferrand, nous a présenté des des- sins sur la Sécheresse en Iran : le pays joue sa survie. Puis se sont succédés les dessina- teurs Alain Dubouillon avec “Cro- quer le monde avant qu’il ne nous croque”, illustré par ses dessins du Progrès de Lyon et Robert Rous- so, avec “Comment va la terre ?”, illustré de dessins réalisés pour le Courrier de l’Environnement de l’INRA et de quelques cartouches de 12. Et enfin, Trax avec “Dessiner parce qu’il n’y a pas de quoi rire !” dessins parus dans le Ravi, le jour- nal satirique de PACA. BALLOUHEY © Trax
L I V R E S E N S TO C K TERMINUS par Honoré Bonnet © Dessins Honoré Bonnet 31 “Un humour servi noir 12 + 3 euros de frais postaux et bien tassé !” Commande par mail : Outre qu’il est à ce qu’on dit, le hbonnetdessins@icloud.com propre de l’homme, le rire possède ou chez l’auteur : Honoré BONNET une vertu salvatrice : il nous permet 38 rue de la Liberté - 59780 Baisieux de gommer nos erreurs en les ridicu- lisant. Et quand il s’agit de s’ébrouer PAPIERS NICKELÉS 60 pour se débarrasser de la peur de L’indispensable magazine la mort, le ridicule ne tue plus. Il fait du futur “Centre vivre mieux. International de l’Imagerie Honoré Bonnet a donc accepté cette Populaire, du Dessin lutte à priori inégale avec l’ange Imprimé et du Patrimoine noir et il empoigne notre panique à sur Papier a encore frappé ! bras-le-corps. C’est drôle, décapant, Le No trimestriel 8 talentueux. Directeur de la Publication : Honoré n’épargne pas grand-chose et Yves Frémion. le sacré en prend un rude coup. Mais Abonnement : 4 Nos 28 qu’on accepte ou pas d’être bousculé, Yves Frémion il reste le travail d’un graphisme sûr 66 rue Julien Lacroix et original et de quelques trouvailles 75020 Paris. pas piquées... des vers. www.papiersnickeles.fr
F E S T I VA L S E S PA R CATHERINE BEAUNEZ Je vais toujours à reculons dans les salons de dessins d’humour car les filles n’y sont que quatre pour cent en 2019... c’est dire quand j’ai commencé il y a quarante ans ! LES DROITS DES FEMMES, POUR LEUR PLAISIR. D écision de Pascal Caffa, l’or- de Marc et Cerise. Public clair- délicatement la voie à celles qui, il y ganisateur du salon : dédier semé mais dédicaces intimistes et a quelques années, auraient déran- ce deuxième salon des “Ren- amicales sous les belles voûtes his- gé dans le paysage très masculin du contres Crayonnées de Carpentras” toriques d’un ancien hospice : La dessin de presse. aux droits des femmes (à la suite Charité. L’ambiance, surtout, m’a J’ai eu le vertige - un peu - lors de ce de l’expo itinérante de l’association touchée : neuf dessinatrices, toutes salon. Quarante ans que, de toutes “Le Crayon”), mais trouvaille... en générations confondues, étaient mes forces, je réclamais cette pause, n’invitant - une première en France à l’honneur et échangeaient avec cette étape, ce pas. Une expo unique- - que des dessinatrices : Gillian, plaisir et naturel, détendues dans ment de dessinatrices pour donner Agnès Lanchon, Marie Morelle, ce cadre bienveillant. à voir un autre ressenti, un regard 32 (Sabine Nourrit, malheureusement Perso, pour une fois, j’étais totale- critique sur le monde. Mes tentatives retenue à Marseille), Marlies, Plok, ment à l’aise, n’ayant pas à subir les avaient échoué. Il y a dix ans, des na- Roxy, Trax, Pascale Velleine, et moi. piques et les vannes de mes collègues nas ne voulaient surtout pas partici- Nous voilà donc toutes exposées dessineux. Comme protégée dans per à une expo “ghetto” : « On est des au Sud et au soleil, à savourer l’ac- cet écrin de gentillesse et de respect. dessinateurs comme les autres », « On cueil chaleureux des organisateurs Les 9 dessinatrices présentes sem- veut exposer mais avec des hommes ». et organisatrices, et de nos hôtes blaient aussi à l’aise que moi, éton- J’avais remisé mon projet et ravalé qui concoctent à chacune un petit nées de n’avoir pas à justifier d’être mon féminisme : si même les dessi- séjour délicat et attentif. Soirée ar- là, d’afficher leur talent et leur per- natrices ne le voulaient pas... rosée et doucement festive au Mas tinence. Nature. Ce salon était na- Et là, changement d’ère, les men- Caron où nous goûtons aux vins ture. Un salon autrement, ouvrant talités étaient prêtes : le projet a éclos comme une fleur, grâce à un Pascal Caffa sensible et engagé, secondé par une Ivana organisée et une équipe efficace. Merci Pascal : c’était joli, sous le soleil, ces femmes qui se battent pour faire entendre leur liberté d’expression et qui, l’espace d’un salon, peuvent bais- ser un peu les armes et partager un moment d’insouciance. BEAUNEZ
© Photos Virginie Batailler 33
F E S T I VA L S E S PA R BALLOUHEY Le rendez-vous annuel du dessin de presse, organisé par l’École Estienne, la BnF et la Mairie du 13e arrondissement, le Trophée Presse Citron BnF, concours international de dessin de presse, s’est clôturé par la soirée de remise des trophées, jeudi 21 mars, à la Mairie du 13e arrondissement. LES LAURÉATS 2019 PRESSE CITRON {BNF B ravo aux lauréats étudiants et 34 professionnels de l’édition 2019 du Trophée Presse Citron/BNF. Le Trophée professionnel est revenu à Micaël et Mutio qui ont choisi de des- siner l’absurdité du monde actuel et en particulier de l’Amérique de Trump... Mutio, Trophée Presse Citron BnF 2019 Concours professionnels Micael, Coup de cœur Presse Citron BnF 2019 Concours professionnels Les trophées étudiants ainsi que les vain- queurs de nos éditions internationales, la Plume de Pierre et le Yuzu Press Prize. Lola Amsellem, Les yeux de la tête Presse Citron BnF 2019 Concours étudiants Jonas Lamyeiche et Nicolas Couty Le clin d’œil Presse Citron BnF 2019 Concours étudiants Nour Awad (Liban), La Plume de Pierre Laura Jagelaite (Lituanie), Yuzu Press Prize. MUTIO Trophée Presse Citron BnF 2019 Concours professionnels
LOLA AMSELLEM Les Yeux de la Tête Presse Citron BnF 2019 Concours étudiants MICAËL Coup de Cœur Presse Citron BnF 2019 Concours professionnels 35 LAURA JAGELAITE La Plume de Pierre JONAS LAMYEICHE NICOLAS COUTY Le Clin d’Œil Presse Citron BnF 2019 Concours étudiants NOUR AWAD Yuzu Press Prize
PORTRAIT CRASHÉ PA R MOFREY Roger Mauffrey, dit MOFREY, naît le 9 Juillet 1927 dans le XVe, à Paris. Après des études aux Arts Appliqués de Paris, il décroche les diplômes de décorateur et d’architecte d’intérieur. MOFREY LE PARISIEN P arallèlement, Mofrey mène deux carrières : publicitaire et dessin de presse. En publicité, il est directeur artistique en agence et fonde La Créathèque, studio de création graphique. En Presse, il collabore régulièrement à Ici Paris, France Dimanche, Samedi Soir, Radar, Le Rire, Le Hérisson, Marius, La Presse, Témoignage Chrétien, Almanach Vermot. A l’étranger, il travaille durant 3 ans pour le Daily Telegraph, 36 2 ans pour Sie & Er (Suisse). Il collabore durant 25 ans avec Pierre Bellemare, Jean- Paul Rouland et Claude Olivier pour des jeux télévisés. Ses dessins ont été exposés en Bulgarie, Italie (jeux dessinés), Suisse, Hollande, Serbie, Israël et Belgique. Il remporte 25 prix en France et à l’étranger.En 2013, il est reçu à la Socitété Académique «Arts-sciences-lettres» (Diplôme et médaille de bronze). MOFREY
Dessins Mofrey
PÉRIPLE PA R IZEL ROZENTAL Le sol, les murs, le plafond, tout était en blanc. Bien éclairé et hyper stérile. Sur les murs, aucun panneau d’affichage ; © Izel on aurait dit que je marchais vers l’éternité dans ce couloir sans fin où mes pas résonnaient à l’infini... IZEL ROZENTAL EN NOUVELLE-ZELANDE © Dessins Tom Scott 38 S eul, à chaque cent mètres, Arrivé à Auckland, la capitale de la n’étaient pas là pour tourner un film un avertissement en anglais, Nouvelle-Zélande, mes yeux étaient à d’horreur. Ils étaient venus pour court et concis, bien compré- moitié fermés et mes pieds complète- récupérer le panier de fruits secs que hensible stipulait : “Il est strictement ment engourdis. J’étais presqu’à la fin j’avais transporté tout le long du vol, interdit d’emmener des légumes frais, de cet interminable voyage. Encore comme cadeau de remerciements au des fruits et toutes sortes de produits deux heures d’attente dans cet aéro- premier conseiller de l’ambassade de alimentaires en Nouvelle-Zélande ! port, et puis enfin libre ! Turquie à Wellington, qui avait rendu Tous ceux qui transportent ces pro- C’est avec cet espoir et un peu de hâte ce voyage possible. duits seront sévèrement punis”. que j’avançais le long du couloir stérile Le panier, bien enveloppé dans ma J’étais à la fin d’un long voyage qui et lumineux de l’aéroport, tout en petite valise à roulettes, contenait durait presque 34 heures en avion : lisant distraitement les avertissements des abricots, des raisins et des figues Istanbul, Dubaï, Singapour, Sydney, devenus de plus en plus fréquents. sèches, en compagnie d’une variété de et finalement Auckland où je devais À mesure que je m’approchais du pistaches, de noix et d’amendes, tous prendre un nouveau vol pour ma bout du tunnel, j’apercevais les typiques du pays… et j’étais foutu ! dernière destination, Wellington. ombres gigantesques des hommes en Quand j’atteignis la source des ombres C’est là que devait avoir lieu notre uniforme qui retenaient difficilement géantes, qui en réalité eux-mêmes rencontre avec les dessinateurs de leurs chiens. Mes pas se ralentirent étaient des géants, essayant d’éviter Cartooning for Peace. progressivement. Non, ces gens tout contact visuel, je continuai ma
marche avec sur mon visage ma du symposium où, par grande dessinateurs, la presse locale, tout le meilleure expression d’innocence. Je coïncidence, le nom de Tom Scott monde était déjà présent. Dès avoir me suis même mis à siffler un petit figurait juste à côté du mien. salué tous les dessinateurs déjà sur air folklorique… Hélas ça n’a pas - Regardez, vous voyez ? Nous serons scène, je dis en anglais : marché ! ensemble dans cette session... - Le dessinateur Tom Scott est-t-il « Un instant, monsieur ! » Il avait blo- - Vous vous connaissez alors ? parmi vous ? qué mon passage en me demandant - Bien sûr ! Nous sommes bons amis ! - C’est un homme, géant comme mon passeport accompagné de la dé- L’homme, après quelques instants de l’officier m’ayant questionné à l’aéro- claration que j’avais signée pendant silence qui me parurent plus d’une port, qui répondit : le vol. Je me souvenais bien n’avoir heure, murmura quelques mots - C’est moi Tom Scott, quel est le rien déclaré comme aliments. incompréhensibles mais avec un air problème ? 39 Après un petit coup d’œil sur les pages d’admiration. de mon passeport, il me demanda - Avez-vous quelque chose à déclarer, l’objectif de ma visite. Je lui dis que alimentation, fruits etc. ? j’étais invité pour un symposium de Cette fois-ci son attitude était cartoons à Wellington. Intéressé, il beaucoup plus amicale. Je ne pouvais me posa sa seconde question : plus prendre le risque de nier : - Quel genre de symposium c’est ça ? - Euh… oui… j’apporte pour Tom - C’est international. Des dessina- ses fruits secs turcs préférés, mais teurs de presse du monde entier y si c’est interdit, je vous les laisse participent… exterminer… - Y a-t-il des nôtres ? L’homme fixa son regard sur moi une - Des vôtres ? fois de plus de haut en bas. Puis, d’une - Les Néozélandais ! voix bien décisive, il m’ordonna : - Je vous apporte le bonjour d’un - Bien sûr, ils sont nombreux ! “Suivez-moi, sortons d’ici !” douanier... Il paraît qu’ils vous ad- - Qui par exemple ? Trois minutes plus tard, nous étions mirent et ils veulent absolument que Le nom de l’unique dessinateur déjà dehors, dans le hall d’accueil. vous sachiez qu’ils vous soutiennent... néozélandais que je connaissais était - Passez nos sentiments à Tom Scott ! Puis je lui fis un court récit de ce qui Tom Scott. Nous le soutenons, dites-lui de s’était passé à l’aéroport. Tom se mit - Tom Scott ! continuer sur cette lancée ! à rire aux éclats : - Vraiment ? A l’aéroport de Wellington, une jeune - Veinard ! Une moitié de ce pays - Bien sûr, je peux vous montrer le femme m’attendait pour me conduire m’aime, l’autre me déteste. Si tu programme… directement à la mairie où l’ouverture avais rencontré un de mes ennemis, D’un coup je sortis de mon sac officielle aurait lieu. Monsieur le gou- maintenant tu serais en prison! le petit livret avec le programme verneur, le maire, les directeurs, les IZEL ROZENTAL
RÉTROSCOPIE PA R JMB La production de châles est originaire de l’Inde, où elle remonte à des temps très reculés. Ces étoffes se sont répandues dans toutes les parties de l’Asie orientale, et plusieurs passages des Anciens portent à croire qu’ils n’étaient pas inconnus de Grecs et même de Romains. Ainsi on considère comme véritable châle le précieux manteau décrit par Aristophane dans sa comédie des Guêpes. CHÂLE CHÉRI 1 industriels se lancent dans coûteux, obtenus avec la la fabrication de copies (les navette du tisseur, on subs- premiers essais paraissent titue, pour les produits à l’exposition de 1801). communs destinés aux L’engouement est rapide et petites bourses, les dessins 40 durable : la grande vogue fournis par le procédé éco- du châle va couvrir une nomique de l’impression. très large partie du XIXe A cette époque, le mot ca- siècle. Si notable est le chemire est utilisé comme prestige qui s’attache à ce synonyme de châle ; mais, produit exotique que, dans dans ce marché, rares et presque toute l’Europe, il particulièrement désirables se fait alors une consom- sont les pièces exception- mation énorme de ces nelles : les authentiques grandes pièces d’étoffe châles indiens faits du plus dans lesquelles les femmes fin duvet des chèvres du se drapent en un long man- Cachemire, qui joignent à teau couvrant leurs épaules. la perfection du chaud tissu Le châle prenant une telle arachnéen, l’éclat et la ri- importance dans la toilette chesse du dessin ainsi que féminine, les fabricants l’harmonie des couleurs. A occidentaux emploient Ces luxueuses parures vant 1798, les châles jets de pure curiosité. Après toutes les combinaisons de restent un rêve inacces- indiens, ne sont la campagne d’Egypte, les tissage, d’ornements et de sible aux femmes de mé- connus en France choses changent quand matières premières (soie, diocre condition ; telles que de quelques rares des soldats, récupérant ces laines locales, coton) pour ces jeunes filles ou jeunes privilégiés ayant eu des tissus portés comme cein- faire de ce tissu un pro- femmes qui, quoiqu’ou- relations avec l’Orient, et tures et turbans par les duit accessible à la plus vrières de mode, doivent se ceux qui les possèdent les Ottomans, en rapportent large part de la société. contenter de vêtements de conservent comme des ob- en France, puis lorsque des Ainsi, aux dessins toujours peu de valeur faits d’une
2 3 ses dessins de “L’Illustra- se vend 500 francs, voire tion”, brocarde ce sujet en jusqu’à 6 000, comme chez proposant de remplacer le ce marchand dont Bal- tissu par la chèvre d’ori- zac, en 1845, détaille les gine, pendant que Dau- roueries dans sa nouvelle étoffe grise, dite grisette, ses frais d’entretien et ses mier, dans “Le Charivari”, “Un Gaudissart de la rue et auxquelles les roman- faveurs entre plusieurs ironise sur un « pur cache- Richelieu”. Un autre des- ciers donnent alors le nom amants réguliers plus ou mire » vendu… 48 francs ! sin de Daumier, paru dans générique de grisettes. Les moins aisés, qui se suc- Pourtant, à cette période “Le Charivari” du 16 juil- 41 littérateurs les montrent en cèdent au fil de la semaine un journalier gagne entre let 1855, aborde différem- amour cédant à l’impul- (à l’origine, Gavarni les 500 et 600 francs par an, ment la question du coût : sion du cœur et rarement avait surnommées les par- alors qu’un châle des Indes il représente un couple de aux calculs de l’intérêt. Il tageuses). Un dessin de 4 en va tout autrement des Damourette, publié dans jeunes femmes libertines “Le Journal pour Rire” du quartier Notre-Dame du 25 novembre 1854, de Lorette, récemment montre deux Lorettes jau- réaménagé, que Nestor geant un soupirant : « Ça Roqueplan, dans le nu- promet des cachemires, méro du 20 janvier 1841 et au bout du compte ça des “Nouvelles à la main”, vous donne un foulard baptise Lorettes. Le nom de vingt-cinq sous... » dit passe dans le langage l’une ; l’autre parachevant courant, car repris par les l’estocade par ces mots : écrivains et les dessina- « … pas neuf ! ». Ce châle teurs qui dissèquent les de cachemire est l’impé- mœurs de cette nouvelle rieux bien que veulent se classe sociale située entre faire offrir ces femmes, la grisette ingénue et la c’est déjà un petit capital. grande courtisane somp- En 1846, à la suite d’une tuairement entretenue par affaire de faux cachemires un seul homme opulent. ayant un notable retentisse- La Lorette, elle, partage ment à Paris, Cham, dans
5 6 7 petits bourgeois visitant plétée. La Lorette, on l’a tée ; et, en effet, entraîné à l’œuvre de Gavarni, pu- l’Exposition universelle où déjà dit, n’est pas la fille par son imagination litté- blié chez Paulin et Leche- le parcimonieux mari dit entretenue, cette chose raire, il invente au moins valier en 1857, contient la à son épouse : « Auras-tu de l’Empire, condam- autant qu’il voit et, pour quasi-totalité des légendes bientôt fini de regarder née à vivre en tête-à-tête cette raison, il a beaucoup de ses dessins, l’ouvrage ces châles ? … allons voir funèbre avec le cadavre agi sur les mœurs. Paul ne reproduit que d’infimes les mécaniques qui les fa- métallique dont elle vivait, de Kock a créé la Grisette, miniatures accompagnant briquent… [à part] et puis général ou banquier. La et Gavarni la Lorette ; et ces textes. Il nous est donc 42 au moins les femmes n’ont Lorette est une personne quelques unes de ces filles impossible de reproduire pas envie de les acheter ! ». libre. Elle va et vient. Elle se sont perfectionnées en ici ce dessin de la série Dans un article sur les cari- tient maison ouverte. Elle se l’assimilant. Il n’est pas “Les Lorettes vieillies” caturistes français, paru le n’a pas de maître ; elle tout à fait un caricaturiste où une chiffonnière dit à 1er octobre 1857 dans “Le fréquente les artistes et ni même uniquement un une autre : « Je dois me Présent”, Baudelaire écri- les journalistes. Elle fait artiste, il est un littéra- connaître en châles mieux vait : « Gavarni a créé la ce qu’elle peut pour avoir teur ». D’ailleurs, si la pre- que toi, Manon, qui n’a Lorette. Elle existait bien de l’esprit. J’ai dit que mière édition de “Masques jamais porté que des ca- avant lui, mais il l’a com- Gavarni l’avait complé- et Visages,” livre consacré chemires d’osier… moi qui 8 9 10
11 12 placement du chiffon par l’amour vénal ne restent la cellulose du bois pour plus que la prostituée, la la pâte à papier, ainsi que maîtresse du bourgeois ai porté des cachemires sur le dos, un crochet dans l’obligation du célèbre bac aisé et la courtisane de luxe d’Inde ». Cet oxymore, “Le une main et une lanterne à ordures du préfet de la qui, appelée désormais la cachemire d’osier”, est l’un dans l’autre. À Paris, sous Seine, Eugène Poubelle, cocotte, se fait offrir de des sobriquets de la hotte la monarchie de Juillet et le vont radicalement réduire fastueux présents : calèche, des chiffonnières. Une telle Second-Empire, on compte leur nombre. Quant à la diamants… tandis que la 43 expression s’expliquant plus de 6 000 chiffonniers Lorette, elle disparait pro- mode du châle s’estompe par le fait que nombre de et chiffonnières dûment gressivement au cours du finalement après la chute femmes pratiquant cette enregistrés, mais le rem- Second-Empire, et dans du régime impérial. JMB activité de récupération 13 sont d’anciennes pros- tituées ou des Lorettes déchues ; Lorettes qui, au jeune temps de leur splen- deur, n’avaient pas man- qué de réclamer de leurs protecteurs le cadeau d’un châle de cachemire, pre- mière et onéreuse preuve publique de leur réussite. Las !, l’âge venu et l’argent dilapidé, ces femmes n’ont alors pour seule ressource que de parcourir les rues de Paris et fouiller les ordures la nuit, une hotte d’osier Crédits dessins - P. 40 à 43 1 Gédéon : “Les femmes de ménage” (Arnauld de Vresse, 1865) 2 Daumier : Le Charivari (20 octobre 1846) 3 Girin : Le Journal pour rire (4 novembre 1854) 4 Gavarni : “Les Maîtres Humoristes. 2e série, n°5” (Félix Juven, 1909) 5 Nadar : “Un peu de tout. 1” (Petits Albu- ms pour rire n°45. Philipon Fils, [1855]) 6 Cham : “Nouvelles pochades” (Librairie Nouvelle, c. 1857) 7 Damourette : Le Journal pour rire (25 novembre 1854) 8 De Beaumont : “Nos jolies Parisiennes” (Le Charivari / Martinet, [1859]) 9 Berr : “L’amour à Paris” (Arnauld de Vresse, [1848]) 10 Cham : L’Illustration (10 décembre 1846) 11 Gavarni : “Le diable à Paris. T. 2” (J. Hetzel, 1846) 12 Gavarni : “Masques et visages” (Calmann Lévy, 1886) 13 Valentin : in Edmond Texier : “Tableau de Paris. T. 2” (Paulin et Le Chevalier, 1853)
© Rousso
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