Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115

La page est créée Gérard Lefebvre
 
CONTINUER À LIRE
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
ENQUÊTE
       Aér on a u tiq u e

                            Gagner
                         en maturité
                           pour tenir
    Raccordement
    des ailes au fuselage
    du 1er A330neo
    ©AIRBUS-P. MASCLET
                          la cadence
                                             La montée en charge de certains
                                            programmes aéronautiques exige
                                              un maximum de performance
                                           bien au-delà des géants du secteur,
                                                   avionneurs ou autres.
                                          Les maillons de toute la Supply Chain
                                            sont tenus de monter en maturité,
                                              quitte à multiplier les chantiers
                                          imbriquant des enjeux de production,
                                              d’organisation, de planification
                                                    ou de collaboration.
                                              C’est la condition sine qua non
                                           pour participer au boom du secteur,
                                                   et à sa consolidation.

82 N°115 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2017
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
gression annuelle de 29 %, de 252 à
                                                 325 M€ de CA. L’emballement reste
                                                 pourtant à venir, notamment grâce
                                                 au contrat signé en janvier avec Spirit
                                                 Aerosystems pour 600 M$ sur 10 ans.
                                                 D’ici mars 2020, l’ETI compte doubler
                                                 son activité !
                                                                                                                                       Philippe
«                                                                                                                                      Armandon,

R
                 amp-up » : le thème de          L’augmentation conjointe                                                              Directeur du
                 la montée en cadence a          des volumes, du rythme                                                                Conseil de
                 émaillé en VO l’interven-       et des exigences                                                                      l’activité Aeroline
                 tion de Fabrice Brégier         Les volumes à produire augmentent,                                                    de Sopra Steria
                 lors de la présentation des     mais c’est aussi le rythme qui accé-

                                                                                                ©SOPRA STERIA
                 résultats 2016 d’Airbus         lère, indique Clément Pouzoulet, Res-
                 Group, dont il est le N°2       ponsable de la planification centrale
    en tant que DG délégué et PDG de la          chez Figeac Aero. Il prend l’exemple
    branche Aviation commerciale. Sur un         du très long courrier A350 : « 15 ont
    an, le géant européen a livré 688 appa-      été produits en 2015, mais ce sera 10/
    reils commerciaux, soit + 8 %. C’est sa      mois en 2018, avec un assemblage en                                                   Jean-François
                                                                                                                                       Michel,
    14e année d’augmentation consécutive,        10 semaines, contre 14 pour l’A330                                                    Fondateur
    et cela va durer vu les 6.874 avions au      dont il est l’héritier ». Idem pour le                                                et Associé
    carnet de commandes fin 2016, pour           moteur Leap, pour lequel le fournisseur                                               de Freelog
    un montant dépassant 1.000 Md€.              a été retenu par Safran il y a 3 ans.
    D’autres s’y ajouteront lors du Salon        Les 1ers exemplaires ont volé dès 2016,
    du Bourget, de même que pour Boeing,         mais 1.100 devraient être produits dès
    dans une situation similaire. Dans ces       2018 (voir encadré ci-dessous). Afin
                                                                                                ©C.POLGE

    conditions, leur rivalité commerciale se     d’augmenter et sécuriser ces cadences,
    joue aussi en termes de délais de livrai-    les donneurs d’ordre élèvent leur
    son. D’où l’accélération des cadences,       niveau d’exigence. « Beaucoup nous
    notamment dans le match A320 vs.             challengent désormais sur un taux de
    B737 (voir encadré p. 87).                   livraison à temps de 100 % », note-

    Des livraisons et                                                        Le grand saut pour Leap
    des perspectives record                        Le moteur Leap (Leading Edge Aviation Propulsion) est développé par CFM (JV entre
    En 2017, Airbus vise plus de 700 livrai-       Safran Aircraft Engines et General Electric). Plus économe en carburant et plus vertueux en
    sons, à quelques encablures du record          termes d’émission, il va équiper nombre de moyen-courriers, dont une partie des nouvelles
    de 765 établi par l’Américain en 2015.         déclinaisons des A320 et B737, ou le futur C919 de l’avionneur chinois Comac. Son prédé-
    Reste que sur les 20 ans à venir, l’évo-       cesseur, le CFM 56, avait mis 30 ans pour atteindre les 1.800 moteurs produits/an. Entré
    lution du trafic passagers laisse augurer      en service mi-2016, avec une centaine de livraisons, le Leap sera produit à 500 exemplaires
    plus de 35.000 mises en service dans           cette année, et 1.100 dès 2018 ! ■ MR
    le monde, selon une projection établie
    par Deloitte mi-2016. Le contexte est
    très favorable, et l’industrie française y
    prend sa part : le bilan annuel du Gifas
    (Groupement des industries françaises
    aéronautiques et spatiales) indique que
    le secteur a franchi le cap des 60 Md€ de
    CA en 2016, en augmentation de 4,1 %.
    Certains fournisseurs aux savoir-faire
    bien positionnés profitent à plein de
    cette dynamique, et affichent une
                                                                                                                                                         ©CYRIL ABAD/CAPA PICTURES/SAFRAN

    croissance très supérieure : + 23 %
    en moyenne depuis 4 ans pour Figeac
    Aero, spécialiste des éléments de struc-
    ture et des pièces de moteurs, trains
    d’atterrissage et autres sous-ensembles.
    Et l’accélération s’y confirme : l’exer-
    cice clos fin mars marque une pro-

                                                                                                                JUIN 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°115                                   83
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
ENQUÊTE
       Aér on a u tiq u e

                                                                                                                                                 ©AIRBUS-P.MASCLET
                                                                                               Le 1er A330neo entame son assemblage
                                                                                                final sur le site de Toulouse - sept 2016

    t-il, en soulignant l’équilibre à trouver     SC de Michelin. Signe des temps : son        étions attendus sur les indicateurs deve-
    entre ces nouveaux impératifs d’OTD           profil automobile se retrouve chez le        nus classiques dans le secteur, que tous
    (On Time Delivery), le développement          directeur de la stratégie, le responsable    ont dû mettre en place. En l’occurrence
    de stocks et la maîtrise du BFR. Un           lean, ou le directeur de l’usine histo-      l’OTD, qui est parti d’un point bas de
    point essentiel avec une telle crois-         rique de Mecachrome. « Un des enjeux         77 % en moyenne pour finir à près de
    sance.                                        est de converger vers les standards de       88 %, ou la non-qualité, qui a été qua-
    Pour augmenter sereinement la                 l’automobile, où le principe d’OTD à         siment divisée par 2, en PPM. » Une
    cadence, Figeac Aero a lancé de nom-          99 ou 100 % remonte à 2 décennies            progression qu’il salue tout en mesu-
    breux chantiers : structuration des           pour les fournisseurs de rang 1 ou 2,        rant l’écart avec les niveaux d’exigence
    fonctions support, sécurisation de la         alors qu’un taux de 95 % était encore        d’un Airbus vis-à-vis de ses fournis-
    Supply Chain interne, harmonisa-              jugé acceptable dans l’aéronautique il y     seurs de rang 1 (voir encadré p. 87).
    tion des SI ou lean management…               a 2 ans », observe-t-il. Cette exigence      Ce rapport d’étape souligne en tout cas
    Y compris des projets de planifica-           d’excellence porte aussi sur la qualité,     les disparités au sein d’une SC aéro-
    tion DDMRP ou de gestion de stocks            généralement mesurée en nombre de            nautique particulièrement hétérogène
    en VMI dont le déploiement pâtit de           pièces livrées non-conformes, en PPM         en termes de profil et de taille de ses
    la charge de travail par ailleurs (lire       (voir l’interview p. 90).                    acteurs. Au risque pour certains d’être
    reportage p. 88).                                                                          pris entre le marteau et l’enclume vu
                                                  Des marges de progrès                        le niveau d’exigence de leurs clients et
    Des fournisseurs florissants                  chez les plus petits acteurs                 celui de performance de leurs fournis-
    mais sous pression                            Preuve que tout le secteur a en tout cas     seurs, à en croire Philippe Armandon,
    Les préoccupations sont similaires chez       adopté ces indicateurs : ils étaient au      Directeur du Conseil de l’activité Aero-
    Mecachrome, également impliqué dans           cœur du programme « Performances             line de Sopra Steria. Un cas de figure
    les programmes-clés du secteur. « La          Industrielles 1 » piloté par l’associa-      qu’il illustre par les difficultés rencon-
    Supply Chain aéronautique est sous            tion Space, sous le patronage du Gifas.      trées par Zodiac Aerospace il y a 2 ans
    pression car tout l’environnement accé-       « Destiné à accompagner la montée            pour fournir en temps et en heure les
    lère, avec des niveaux d’exigence de          en maturité des plus petits acteurs de       sièges aux lignes d’assemblage d’Air-
    plus en plus élevés, confirme Vincent         la chaîne, il a concerné 400 PME et          bus ou Boeing. Avec des retards de
    Houette, Directeur Supply Chain du            TPE (50/50) entre le début 2014 et la        livraison aux compagnies aériennes à
    groupe. L’enjeu est à la fois de suivre       fin 2016, dans le cadre de 69 grappes        la clé, d’où les remontrances publiques
    la cadence imprimée par les clients en        menées par un donneur d’ordre », pré-        du 1er et l’introduction d’un challenger
    améliorant nos performances et de tra-        cise Christophe Cabaret, Directeur des       chez le 2e. Mais l’exemple illustre égale-
    vailler sur la maîtrise des délais et de la   Opérations de Space. Au programme,           ment les difficultés d’un acteur victime
    qualité, en interne et avec nos propres       avec l’appui de 45 consultants sélec-        de son succès et d’un carnet de com-
    fournisseurs ». Et comme 80 % de l’ac-        tionnés par l’association : des échanges     mandes trop fourni, sur fond d’acqui-
    tivité de Mecachrome relève de l’aéro-        collaboratifs sur les problématiques de      sitions multiples et de réorganisation
    nautique, à parité entre aérostructures       planification des ressources de produc-      de l’entreprise. Le tout aura mis plus
    et pièces moteur, la montée en charge         tion MRP2, de qualité et méthodes, de        de 18 mois à se résorber, et conduit
    se traduit dans la progression du CA : il     lean management ou de gestion des            l’entreprise dans les bras d’un repre-
    est passé de 315 à 341 M€ entre 2013 et       approvisionnements. « A l’entrée, un         neur, en l’occurrence Safran. A bon
    2015, puis à 400 M€ en 2016, et le cap        questionnaire avait permis d’établir         entendeur, salut !
    des 500 M€ se profile dès 2018.               pour chacun un indice de maturité
    Ici, l’accent est mis sur l’amélioration      reprenant ces thématiques, assorties         Prendre le relais de
    de la performance en travaillant sur les      de 4 niveaux de maîtrise : fondation,        l’accompagnement fournisseurs
    process, l’organisation ou le pilotage de     basique, maturité et excellence. Cela a      Ces écueils, Figeac Aero et Mecachrome
    l’activité. C’est l’objet de la « Roadmap     permis de préciser les sujets prioritaires   tâchent à leur échelle de s’en prémunir,
    Supply Chain » élaborée sous la gou-          dans chaque grappe, et aux entreprises       notamment en se préoccupant de la
    verne de Vincent Houette depuis son           de mieux cerner les sujets à approfon-       montée en maturité de leurs fournis-
    arrivée mi-2016 en provenance de la           dir par la suite, poursuit-il. Mais nous     seurs. Le 1er s’est mobilisé sur le sujet
                                                                                                                                 SUITE PAGE 86

84 N°115 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2017
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
ENQUÊTE
       Aér on a u tiq u e
       Aéron
    SUITE DE LA PAGE 84

    en s’inspirant de la démarche engagée      sant à l’autre bout de la chaîne. Dans       ragée par les avionneurs et les grands
    il y a plus de 5 ans par Airbus avec       ce dernier cas, il y a des arbitrages à      fournisseurs, qui y voient la perspec-
    son programme SQIP (Supply Chain &         faire, sans la possibilité de connaître le   tive d’une réduction des risques, avec
    Quality Improvement Program), dont         retard induit in fine par les différentes    un nombre plus resserré d’acteurs
    la logique a ensuite essaimé chez la       options : privilégier les livraisons de      disposant de reins plus solides pour
    plupart des acteurs de 1er plan : des      pièces à un grand donneur d’ordre sur        augmenter les cadences. Des acteurs
    équipes dédiées assurant un accom-         la fin de la chaîne, ou à un autre plus      comme Figeac Aero ou Mecachrome y
    pagnement structuré des fournisseurs       petit beaucoup plus en amont ? », inter-     ont pris leur part ces dernières années,
    pour améliorer leur performance.           roge Jean-François Michel. Difficile         le 1er en reprenant Auvergne Aéronau-
    « Depuis 3-4 ans, Figeac Aero compte       de distinguer la meilleure solution, la      tique en novembre dernier, notam-
    une équipe baptisée Supplier Perfor-       moins perturbante pour le reste de la        ment. Après plusieurs opérations en
    mance Manager qui monte des projets        chaîne et pour la livraison de l’avion       2012 et 2014, le 2e a opté pour une for-
    avec certains acteurs de notre propre      dans les temps au client final.              mule intéressante qui concourt à cette
    Supply Chain, notamment dans la                                                         simplification : la création d’une JV
    perspective de montée en cadence. Elle     Mieux interpréter les signaux                entre Mecachrome et Aubert & Duval,
    compte aujourd’hui une demi-douzaine       S’agissant d’une Supply Chain qui            une filiale de pointe du groupe Eramet.
    de personnes », fait valoir Clément Pou-   fonctionne pour l’essentiel en flux          Baptisée MKAD, celle-ci s’est dotée de
    zoulet. Et des diagnostics de maturité     tirés, un des axes d’amélioration doit       son propre site de production, inauguré
    sont aussi bien établis en interne, pour   porter, selon lui, sur l’expression de la    à l’automne dernier, où elle intègre les
    les différents sites, que chez certains    demande et la qualité du signal com-         spécialités de chacun : la forge et l’usi-
    fournisseurs avec plan de progrès et de    muniqué aux fournisseurs, et répercuté       nage. En l’occurrence pour produire de
    suivi à la clé. Chez Mecachrome, on        aux maillons suivants. « Les pistes à        grandes pièces en titane, notamment
    souligne aussi le volontarisme d’Air-      explorer reposent moins sur l’évolution      pour l’A350. La formule permet notam-
    bus pour aiguillonner la maturité des      des outils que sur celle des pratiques.      ment de réduire le cycle de production,
    industriels de l’aéronautique. Pas seu-    L’émetteur du signal doit se préoccuper      d’une semaine sur un total de 2 mois.
    lement en les challengeant sur l’OTD,      de la justesse de l’interprétation qui va    Même des acteurs de moindre impor-
    mais en leur consacrant du temps et        en être faite par son interlocuteur. Le      tance participent à cette consolidation,
    des ressources. « Airbus s’adresse à un    récepteur doit de son côté s’interroger      à l’image des 3 PME familiales qui ont
    volant gérable de ses fournisseurs de      sur la bonne compréhension du signal         joué la carte de l’intégration pour for-
    rang 1 ou 2, et nous demande de cas-       qui arrive dans ses SI et sa traduc-         mer WeAre Aerospace, en mars 2016.
    cader la démarche auprès des nôtres »,     tion côté production », explique-t-il.       L’ensemble affichait 110 M€ de CA fin
    indique Vincent Houette.                   On notera que le sujet figure juste-         2016, mais avec l’ambition d’appro-
                                               ment parmi les axes de travail du plan       cher les 300 M€ en 2020. A la fois en
    Un mode de collaboration                   « Performances Industrielles 2 » de          décrochant de nouveaux marchés et en
    inadapté ?                                 Space, lancé à l’occasion du Bourget.        continuant d’élargir le cercle puisque
    Quand bien même la maturité est en         Autre point positif à souligner, d’après     2 acteurs supplémentaires ont rejoint
    marche, la phase de ramp-up risque de      Jean-François Michel : l’existence de        l’initiative fin mai. La nouvelle société
    mettre en lumière certains problèmes       la plate-forme AirSupply comme canal         s’est dotée d’une équipe réduite en cen-
    patents de la Supply Chain aéronau-        unifié de circulation de ces informa-        tral, mais y figure en bonne place une
    tique, selon Jean-François Michel,         tions sur la demande et ses évolu-           direction de la performance, confiée à
    Fondateur et Associé du cabinet Free-      tions. D’autant que celle-ci est sur le      un ancien responsable du développe-
    log. L’un d’entre eux, selon lui, est      point d’évoluer, nous confie-t-on chez       ment fournisseur chez Latécoère (voir
    qu’il s’agit d’une industrie qui conti-    son maître d’œuvre, BoostAerospace.          encadré p. 87).
    nue à reposer sur des collaborations       Jusque-là, sa véritable utilisation était    Montée en maturité et consolidation
    point par point entre ses acteurs : un     réservée aux grands donneurs d’ordre,        semblent devoir aller de pair dans
    1er produit un composant, le transmet      leurs fournisseurs ne s’y connectant         la Supply Chain aéronautique, sous
    à un 2e qui en assure le traitement de     que pour récupérer les informations. Le      le regard bienveillant des donneurs
    surface, et le transmet à son tour à un    principe de mise à disposition est revu      d’ordre. Mais mener les 2 de front
    autre en charge d’un sous-ensemble…        pour que les autres acteurs puissent à       n’a rien d’une sinécure. La consolida-
    ainsi jusqu’aux grands fournisseurs de     leur tour l’utiliser comme canal à des-      tion ouvre peut-être la perspective de
    rang 1 et aux chaînes d’assemblage des     tination de leurs propres fournisseurs.      plus gros marchés, le ramp-up laissant
    avionneurs. « Les maillons de la chaîne                                                 augurer des opportunités, mais elle
    ne se connaissent qu’aux charnières, et    La maturité en mode consolidé                ajoute aussi une couche de difficultés
    c’est un problème quand survient un        Reste qu’une autre dynamique est à           supplémentaires pour gagner en per-
    aléa, qu’il s’agisse d’un réordonnance-    l’œuvre pour simplifier les probléma-        formance, avec de nouveaux sites, des
    ment sur une ligne d’assemblage d’Air-     tiques d’aléas et de circulation d’infor-    organisations à revoir ou des SI d’au-
    bus, ou d’un approvisionnement en          mations au sein de la Supply Chain : sa      tant plus hétérogènes. ■
    matières premières qui s’avère insuffi-    consolidation. Elle est d’ailleurs encou-                           MAXIME RABILLER

86 N°115 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2017
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
Space met les questions                                                               WeAre Aerospace joue la carte
 de demande et de signal au programme                                                              de l’intégration
Créée il y a 10 ans, l’association a d’abord soutenu                                     Associées depuis plusieurs années, les PME Chatal,
les initiatives des grands du secteur pour faire pro-                                    Farella, Espace et Armor Meca ont décidé de consti-
gresser tel ou tel de leurs fournisseurs. « A partir de                                  tuer un groupe industriel aéronautique fin 2015, bien-
2011, la formule a pris un tour collaboratif qui s’est                                   tôt rejoint par Prismadd, spécialiste de la fabrication
illustré avec le 1er plan Performances Industrielles,                                    additive métallique. L’ensemble réunit une large palette
entre 2014 et 2016. A charge pour nous de mobi-                                          de spécialités du tournage/fraisage au traitement de
liser les consultants qui ont accompagné le travail                                      surface, jusqu’à l’assemblage, au service des grands
des 69 grappes, regroupant une demi-douzaine de                                          donneurs d’ordre de l’aéronautique, notamment pour
PME/TPE autour d’un donneur d’ordre », indique                                           leurs programmes en ramp-up. Dans la foulée de la
Christophe Cabaret, Directeur des Opérations de                                          création de WeAre au printemps 2016, Patrick Gauthié
Space. Les progrès ont été significatifs en termes                                       a été recruté pour créer en central une direction de la

                                                                                ©SPACE
de respect des délais (+ 10 points sur la moyenne                                        performance. Ancien Responsable du Développement
d’OTD), comme de qualité (non-conformité divisée par 2). Sans           Christophe       Fournisseur chez Latécoère, il avait alors participé à
compter la satisfaction affichée par plus de 90 % des partici-          Cabaret,         différents programmes d’accompagnement, dont les
                                                                        Directeur
pants. Avec « Performances Industrielles 2 », dont le lancement                          premiers de Space mettant l’accent sur le lean mana-
                                                                        des
sera officialisé lors du Bourget, l’accent sera mis sur la gestion de   opérations       gement, ou PI1 comme Responsable d’une grappe.
la demande et la qualité du signal. « Beaucoup de PME gérant            de Space         « Une des entreprises à l’origine de WeArearospace
mal le lien entre leurs opérations et l’évolution de la demande à                        avait aussi participé à PI1, ainsi qu’au programme Sqip
moyen et long terme, un des axes porte sur les processus de PIC                          d’Airbus, et ses performances cadraient avec les niveaux
(Plan Industriel et Commercial) et de PDP (Programme Direc-                              d’excellence désormais exigés. La progression affichée
teur de Production). Pour ces fournisseurs, Il s’agit d’intégrer et                      à l’échelle de WeAre est également à souligner : vis-
d’analyser les prévisions en provenance de leurs différents don-                         à-vis d’Airbus, l’OTD atteint 98 %, contre 93 % un an
neurs d’ordre, afin de lisser la charge et de mieux maîtriser leur                       auparavant », se félicite-t-il, en mentionnant le travail
activité », souligne Christophe Cabaret. Le tout exigeant des                            mené sur la standardisation du management de projet,
donneurs d’ordre de communiquer des prévisions plus précises                             ou l’homogénéisation des méthodes et des outils qui
et qualitatives.                                                                         permet de consolider la performance des différentes
Un autre axe portera sur l’élargissement du dialogue entre PME                           structures sur la base des mêmes éléments. Le tout
et donneurs d’ordre à des sujets plus opérationnels, au-delà                             sous le contrôle de la direction de la performance, qui
des échanges entre service commercial et direction achats.                               centralise désormais les commandes et les relations
« L’idée est de mettre en relation leurs bureaux d’études, leurs                         avec les clients sur les plans opérationnel et commer-
équipes logistique ou qualité, car il y a d’importants gisements de                      cial, comme pour la résolution des problèmes. Et même
productivité dans l’approfondissement des relations, au-delà de                          si l’OTD approche l’excellence, il veut sortir d’un mode
l’amélioration de la performance interne », selon lui. Egalement                         de gestion correctif et déployer des outils d’anticipation
programmé sur 3 ans, PI2 vise une cinquantaine de grappes                                pour passer en mode préventif, et atteindre les 100 %
regroupant 300 PME, dont 50 % de nouvelles. ■ MR                                         demandés par Airbus. ■ MR

                                      Airbus et Boeing dans la course aux livraisons
Sur le segment majeur des moyen-courriers monocouloir, le plus important en volume et
le plus profitable, la rivalité fait rage entre les déclinaisons de l’A320 d’Airbus et celles du
Boeing 737. Les annonces d’aug-
mentation de cadence se multi-              BOEING 737
plient, l’Européen visant 2 avions/j                                                                                57
en 2019 (voir ci-contre). Il a même                                                                           /MONTH IN 2019
sondé certains fournisseurs sur un                     47                              53
                                                /MONTH    IN  2017               /MONTH IN 2018
scénario de 63 livraisons/mois en
2020, à partir de ses lignes d’as-
                                                                                                                                                      SOURCE : MAZARS, 2016 COMMERCIAL AEROSPACE STUDY

semblage d’Hambourg, Toulouse,                                     FEBRUARY 2014                 OCTOBER 2015
Mobile (USA) et Tianjin (Chine),                  OCTOBER 2013                     OCTOBER 2014                 JANUARY 2016
par ordre de capacité. ■ MR

                                                                        46
                                                                 /MONTH IN 2016                          60
                                                                                                  /MONTH IN 2019
                                                                                                                           AIRBUS A320

                                                                                                        JUIN 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°115                                                        87
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
ENQUÊTE
           Aér on a u tiq u e

                                                          Figeac Aero
                                                   Structuré pour la croissance
                  L’ETI décolle avec les programmes en ramp-up. Sa croissance va continuer
                  d’accélérer pour doubler le CA d’ici 3 ans, avec un objectif de 650 M€ en                      nication et de sécuriser la SC interne
                  2020. Un challenge en termes d’organisation ou de planification.                               en travaillant sur un même modèle et
                                                                                                                 des informations partagées, via un outil

                                                      C
                                                            réé en 1989, Figeac Aero change           fourni par Agilea. L’objectif est de concilier l’amé-
                                                            de dimension. La dynamique                lioration de l’OTD et la maîtrise des stocks et du
                                                            s’est engagée en 2011 avec l’ou-          BFR, en intégrant différents facteurs de variabi-
                                                     verture d’un site proche de son client           lité, pas seulement internes », résume Clément
                                                     Stelia en Picardie, puis en zone à               Pouzoulet. Ce système auto-apprenant fait évo-
                                                     bas-coûts en Tunisie. Elle se poursuit           luer le modèle dans le temps, avec des résultats
                                                     depuis 3 ans avec des implantations à            probants en termes d’optimisation de stocks et
                                                     Saint-Nazaire, aux USA, au Mexique               d’OTD, ou d’absorption de la variabilité. Une tren-
                                                     et au Maroc. Sans oublier l’acquisition          taine de personnes ont été formées dans le cadre
                                                     d’Auvergne Aéronautique fin 2016. En             de quelques projets, mais le déploiement reste
                                                     parallèle, le groupe s’est structuré en          mesuré vu les changements que cela implique, et
                                                     BU par spécialités métier, dotées de             faute de temps et d’énergie à y consacrer.
                                                     services support : logistique, méthodes,
                                                     qualité, planification... Cette dernière         Le VMI au programme
                                                     fonction s’est également structurée en           Au-delà de cette planification interne, une autre
   ©FIGEAC AERO

                                                     central pour accompagner la crois-               piste est d’actualité pour éviter les ruptures d’ap-
                                                     sance et le développement internatio-            provisionnement des chaînes d’assemblage en
                  Clément                 nal, et mieux répondre aux exigences des clients            aval : un principe de stocks consignés sur le site du
                  Pouzoulet,              en matière de délais ou de qualité.
                  Responsable
                  Planification
                  Centrale                Mieux planifier en DDMRP
                  Figeac Aero             « Nous avons dépassé 95 % d’OTD, mais dans
                                          le même temps les niveaux exigés tendent vers
                                          100 %. Or cette dernière marche est la plus dif-
                                          ficile », note Clément Pouzoulet, Responsable de
                                          la Planification Centrale de Figeac Aero. Il faut
                                          dire que ses produits gagnent en complexité, et en
                                          ajoutent en interne en impliquant plusieurs BU,
                                          sur différents sites. Une des pistes, initiée en cen-
                                          tral mi-2015, relève du DDMRP (Demand Driven
                                          Material Requirements Planning). L’approche a
                                          d’abord été adoptée pour un plancher assemblé
                                          en Picardie, avec des pièces complexes en pro-
                                          venance de Figeac, et d’autres plus élémentaires
                                          de Tunisie. « L’enjeu est de fluidifier la commu-

                                  Figeac Aero en bref
                    ■ Production de pièces de structure en alliages légers
                      et métaux durs, de pièces de moteurs, de trains
                      d’atterrissage et de sous-ensembles
                    ■ Participe entre autres aux programmes A320 et A350
                      ou au moteur Leap
                    ■ Fournisseur R1 d’Airbus et de ses partenaires
                      comme Stelia et Latécoère,ou Safran Aircrafts Engine

                                                                    Sur 7.500 m², l’Usine du Futur
                                                        joue la carte de l’innovation numérique et
                                                                                de l’automatisation   ©FIGEAC AERO

88 N°115 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2017
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
client, gérés et pilotés par Figeac Aero. Cette for-   inauguré en avril au sein du site historique de
mule de VMI (Vendor Management Inventory) est          Figeac. L’enjeu est là-aussi d’améliorer la perfor-
explorée avec Stelia depuis 2016 et doit se mettre     mance en termes de délais et de qualité, et de
en place cet été pour plusieurs produits référencés    développer l’activité d’assemblage tout en rédui-
relevant de programmes à fort volume. L’avantage       sant le BFR de plus de 2 j de CA en année pleine.
: plus de flexibilité que le principe de commandes
assorties d’OTD, sous réserve de bien maîtriser les    A l’heure de l’Usine du Futur
niveaux de ces stocks de produits finis.               Sur ce même site et dans un esprit d’innovation
                                                       plus poussé a été mis en route à l’automne der-
Innover sans perdre la maîtrise                        nier un bâtiment labellisé « Vitrine de l’Industrie
Si ces innovations procèdent par touches, c’est        du Futur ». Figeac Aero a investi 35 M€ dans ce
aussi pour ne pas risquer de déstabiliser la SC        projet qui met l’accent sur le numérique et l’au-
interne et les finances de l’entreprise. Surtout       tomatisation afin de produire mieux et plus vite.
que d’autres projets sont à l’œuvre, comme la          Notamment les pièces de carter du moteur Leap
transition des SI engagée en 2015, qui mobi-           pour lequel le groupe a remporté 2 contrats long
lise jusqu’à 40 personnes. Un nouvel ERP est           terme de 500 et 40 M$ avec Safran. A la clé : des
en déploiement jusqu’en 2018, avec l’opportu-          pièces 20 % moins chères à produire, en 2 fois
nité de revoir certains process et outils métier       moins de temps. De nouveaux développements
qui gravitent autour. Figeac Aero a choisi une         sont déjà à l’étude, comme le déploiement de
solution d’IFS, mieux adaptée à sa taille et à son     cobots d’ici la fin 2017, ou de chariots automati-
organisation multisite, qui devrait aussi contri-      sés géoguidés. ■ MR
buer à fiabiliser la logistique et les flux.
L’heure est aussi au lean management, qui a
d’abord concerné l’assemblage, puis la produc-
tion. Un pôle central s’est mis en place sur le
sujet début 2017, et la démarche a présidé à
l’organisation d’un nouvel atelier d’assemblage

                                                                                         JUIN 2017 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°115   89
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
ENQUÊTE
           Aér on a u tiq u e

                                                                 Vincent Houette,
                                               Directeur Supply Chain de Mecachrome
                              « Mieux fiabiliser les engagements »
                Dédié à 80 % à l’aéronautique, Mecachrome travaille surtout en direct avec                      sur des questions court terme, liées
                Airbus et d’autres avionneurs, ou pour de grands ensembliers comme Stelia ou                    à d’éventuels aléas. Il s’agit de bâtir
                Safran. Depuis mi-2016, Vincent Houette concourt à améliorer la performance du                  une relation plus axée sur l’anticipa-
                groupe, avec un accent sur la planification et le pilotage de la demande.                       tion, où la Supply Chain intervient
                                                                                                                comme pilote de la demande afin de
                                                      Supply Chain Magazine : Quels sont         la stabiliser. A charge pour les ateliers de prendre
                                                      les axes de votre Roadmap                  et tenir les engagements en fonction des capa-
                                                      Supply Chain ?                             cités de production, la SC devenant l’interlocu-
                                                      Vincent Houette : Ce plan élaboré à        teur-clé du client.
                                                      la rentrée 2016 vise à structurer des
                                                      process et des modes de fonction-          SCMag : Vous parlez de pilotage
                                                      nement plus homogènes au sein du           de la demande…
                                                      groupe, dont l’appareil de production      V. H. : Il s’agit de mieux la mesurer et l’anticiper.
                                                      s’est élargi avec les différentes acqui-   Ce n’est pas simple vu le nombre de programmes
                                                      sitions menées depuis 2012. Il compte      en ramp-up, ou en ramp-down [ NDLR comme
                                                      10 sites en France et 4 à l’internatio-    l’A380 ]. Sans compter l’évolution du mix entre
                                                      nal (Canada, Maroc, Tunisie et Portu-      différentes versions comme pour l’A320, dont la
                                                      gal). L’accent est mis sur la planifica-   nouvelle motorisation Neo prend le pas sur l’an-
                                                      tion pour mieux gérer les capacités et     cienne Ceo. Certes, la circulation du signal béné-
                                                      gagner en efficacité. Les principaux       ficie de canaux plus intégrés, comme la plate-
   ©MECACHROM

                                                      axes de travail portent sur la conduite    forme AirSupply. Mais reste à améliorer la qualité
                                                      du PIC (Plan Industriel et Commer-         de ce signal. L’idée est d’établir les prévisions de la
                                         cial), le pilotage de la demande, la gestion des        demande via des process plus collaboratifs, sur la
                                         cycles de production et celle de la sous-traitance.     base de jeux de données partagés avec les clients.
                                         Le tout s’accompagne d’un chantier sur la fiabi-        Au-delà des questions d’outils, je crois à la néces-
                                         lisation des engagements qui tient du change-           sité de créer des passerelles client/fournisseur
                                         ment culturel.                                          pour travailler en commun à des scénarios de
                                                                                                 demande prenant en compte les différents aléas
                                         SCMag : Qu’entendez-vous par fiabilisation              potentiels. Avec des KPI rendant plus visibles
                                         des engagements ?                                       les variations de besoin, de volume, de timing…
                                         V. H. : Cela revient à s’objectiver en interne sur la   Nous avons fait un benchmark sur le sujet avec
                                         possibilité de réaliser un programme de produc-         l’automobile, et échangé en janvier avec Airbus.
                                         tion, donc de fournir au client une information         Un pilote mené sur Toulouse a permis d’améliorer
                                         plus fiable sur la livraison. Jusque-là, la produc-     significativement l’OTD en 3 mois. ■
                                         tion et le client étaient en interaction régulière                 PROPOS RECUEILLIS PAR MAXIME RABILLER

                        Un 4 PL à l’échelle
                          internationale
                 Fin avril, Mecachrome a retenu Gefco
                 pour piloter les transports de tous ses
                 sites. Jusque-là, chacun avait la responsa-
                 bilité du sujet, d’où de multiples presta-
                 taires et un faible levier sur l’optimisation
                 des prix ou de la fiabilité. La réflexion se
                 poursuit pour d’autres volets de la logis-
                 tique physique, comme le stockage ou la
                 gestion des conditionnements. ■ MR

                                         Pièces d’aérostructure
                                                                                                                                                           ©MECACHROM

                                                  fournies par
                                             Mecachrome, en
                                         aluminium ou titane.

90 N°115 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUIN 2017
Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115 Gagner en maturité pour tenir la cadence - Supply Chain Magazine n 115
Vous pouvez aussi lire