Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe
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Gorilla Journal Journal de Berggorilla & Regenwald Direkthilfe No. 50, juin 2015 Le statut des Pillages des Une initiative de Utilisation de gorilles de Grauer cultures par les conservation dans pièges vidéos dans la forêt gorilles de Bwindi la forêt d’Ebo pour des évalua d’Usala tions
BERGGORILLA & REGENWALD DIREKTHILFE Table des matières Auteurs l’Ebo Forest Research Project. Dr. Bethan Morgan est chef du pro- R. D. Congo 3 Ekwoge Enang Abwe est Direc- gramme d’Afrique Centrale de la So- Les gorilles du Mont Tshiaberimu 3 teur de l’Ebo Forest Research Project ciété Zoologique de San Diego, Centre Le statut des gorilles de Grauer au Cameroun. Il s’investit depuis 2005 pour la Reproduction des Espèces en dans la forêt d’Usala 5 dans la conservation des gorilles et se Danger (CRES), Programme Interna- Pistage des gorilles de Grauer au consacre depuis 2008 au suivi et à la tional de terrain au Cameroun. Nord Kivu 7 collecte de données écologiques sur Urbain Ngobobo est Directeur du Histoire de la clôture forestière de les gorilles d’Ebo. DFGFI au Congo depuis 2011. Il est GRACE 9 Escobar Binyinyi travaille depuis chargé du développement et des ac- Ouganda 11 2004 au DFGFI. Il en est maintenant tivités dans Nkuba-Biruwe et Kahuzi- Pillages des cultures par les le Responsable du Programme de Re- Biega. gorilles de Bwindi 11 cherche et de Conservation. Il super- Stuart Nixon se consacre depuis Gorilles 13 vise les activités de la station du Fund’s 1999 à la conservation des grands Une initiative de conservation de Nkuba-Biruwe. singes. Il a travaillé depuis 2003 pour dans la forêt d’Ebo 13 Prof. Christophe Boesch est direc- plusieurs ONG dans l’est de la RDC. Utilisation de pièges vidéos pour teur de l’institut Max Planck d’Anthro- Depuis 2014 il est Coordinateur des des évaluations multi-espèces au pologie Evolutive (MPI) à Leipzig, Alle- Programmes sur le terrain du Zoo de Gabon 16 magne, et président de la Wild Chim- Chester (Royaume-Uni). Nouveau plan de conservation du panzee Foundation. Luisa Rabanal s’est maintenant gorille de plaine de l’ouest 19 Dr. Damien Caillaud est assistant réorientée pour exercer occasionnel- de recherche au Dian Fossey Gorilla lement une activité de thérapeute et Fund’s International (DFGFI) et Direc- fait partie de l’équipe de chercheurs de Gorilla Journal 50, juin 2015 teur du Projet de Recherche du DFGFI l’Université de Salford. Editeur : Angela Meder sur les Gorilles de Grauer. Dr. Martha Robbins est assistante Augustenstr. 122, 70197 Stuttgart, Dr. Josephine Head est biologiste de recherche au MPI. Elle étudie l’éco- Allemagne de conservation. Elle s’intéresse par- logie comportementale des gorilles Fax : +49-711-6159919 ticulièrement aux facteurs influençant depuis 1990. E-mail : meder@berggorilla.org le commerce de viande de brousse en Luitzen Santman est Directeur de Traduction : Yves Boutelant, Jean- Afrique et veut favoriser un change- GRACE et travaille au site de Kasugho Pascal Guéry, Florence Perroux ment réel de comportement dans la depuis 2011. Il supervise le programme Réalisation : Angela Meder consommation de primates. de réhabilitation des gorilles et met en Couverture : Membres du CAG après Chrysthome Kaghoma est cher- place des structures de conservation la marche du 20 mai. Photo: ZSSD/ cheur sur le terrain terrain pour le par les communautés dans la région. Abwe Abwe compte de Faune et FFI en République Nicole Seiler prépare un docto- Démocratique du Congo. rat à l’Institut Max Planck d’Anthro- Addresse de l’organisation : Dr. Sonya Kahlenberg est Direc- pologie Evolutiveau MPI et effectue Berggorilla & Regenwald Direkthilfe trice Générale du Centre de Réhabilita- des recherches sur la manière dont c/o Rolf Brunner tion et de Formation à la Conservation les facteurs écologiques et sociaux Lerchenstr. 5 (GRACE). Elle est également biolo- influencent l’utilisation de l’espace et 45473 Muelheim, Allemagne giste anthropologue et a étudié le com- l’habitat chez les gorilles de montagne E-mail : brunner@berggorilla.org portement des chimpanzés sauvages de Bwindi. Site web: en Ouganda. Magloire Vyalengerera est cher- http://www.berggorilla.org Dr. Hjalmar Kuehl travaille pour le cheur sur le terrain pour le compte de MPI et il est chef de projet de la base FFI en RDC. Relation bancaire : de données A.P.E.S. Claude Sikubwabo Kiyengo a tra- IBAN DE06 3625 0000 0353 3443 15 Loïc Makaga est le responsable sur vaillé avec l’ICCN à Goma et de 2000 à BIC SPMHDE3E le terrain du Loango Ape Project au 2005 pour l’UICN. De 2006 à 2007 il a Suisse : Gabon. été chef conservateur du Parc National IBAN CH90 0900 0000 4046 1685 7 Daniel M. Mfossa est le coordina- des Virungas, secteur centre. Il a été BIC POFICHBEXXX teur du Club des Amis des Gorilles de notre assistant à partir de 2008. 2 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO Les gorilles du Mont Les appuis de Berggorilla sont sur- Une partie de ces boisements, no- tout décidés en fonction des demandes tamment à Vuswagha, Ngitse, Burusi, Tshiaberimu : quel espoir de responsables de sites et couvrent, Kitolu et Kyondo Mowa, ne sera pas pour leur survie? totalement ou partiellement, des ac- exploitée, car les arbres sont utilisés tions ciblées. Ces actions peuvent être comme support aux plantes de mara- Des soutiens multiples qui risquent permanentes ou temporaires : perma- cuja. Quatre germoirs d’une capacité d’être interrompus nentes avec la fourniture d’équipement de 10 000 plants chacun ont été im- Dans nos articles précédents, nous et de matériel de terrain, temporaires plantés dans les quatre derniers vil- avons décrit les efforts significatifs en- dans ce cas de l’octroi de primes au lages ci-dessus grâce aux fonds de trepris sur le terrain par la Berggorilla personnel engagé temporairement Berggorilla et ont fonctionné deux fois & Regenwald Direkthilfe en faveur de pour des actions sur le terrain (pis- (deux saisons). Ces 80 000 plants la conservation des gorilles et de leur teurs) ou par la distribution de rations vont permettre la préservation (la non- habitat au Mont Tshiaberimu et dans la de brousse. C’est ainsi qu’au Mont coupe) d’environ 80 à 100 hectares de réserve de Sarambwe. Ces efforts por- Tshiaberimu, les gardes ont bénéficié plantation et procureront aux ménages taient sur le soutien aux populations d’une amélioration de leur équipement bénéficiaires une augmentation de leur riveraines de ces deux zones proté- de brousse (bottes, imperméables, ja- revenu. Plus de 200 personnes sont gées. En revanche, il n’avait pas été quettes, sacs de couchage individuels) concernées par la culture de maracuja fait mention d’autres actions d’aide à en 2014. Une action de démarcation qu’elles ont implantée dans leurs boi- la protection. des limites a été entreprise entre avril sements. Il sied de rappeler ici que Berggorilla, par le biais de ses et juillet 2014 et les pisteurs/coupeurs ceux qui avaient reçu des plants en équipes, appuie aussi bien les popu- de pistes ont reçu de petites primes de 2011 et 2012 gagnent l’équivalent de lations riveraines que la protection des motivations mensuelles. 240 dollars américains par mois (infor- habitats et de la faune. De fait, une Le poste de patrouille de Burusi a mation de Jean Claude Kyungu). Nous bonne conservation de l’environne- bénéficié d’une amélioration de son in- avons l’espoir que ce projet pourra ment, spécialement dans les aires pro- frastructure par la construction d’une contribuer au bien-être de la popula- tégées, doit viser aussi bien la protec- maison en planches de 6 chambres tion et donc aussi à la préservation des tion des habitats et de la faune que destinée à accueillir les visiteurs et gorilles du Mont Tshiaberimu. l’aide aux populations environnantes à améliorer les conditions de vie des La stratégie de la distribution de des aires protégées, afin de renforcer gardes. plants aux communautés riveraines a leur connaissance sur ces aires, d’ac- Depuis 2008, Berggorilla a appuyé suivi celle utilisée dans les pépinières croître leurs moyens financiers et d’at- de manière constante des actions de scolaires : dans un premier temps la ténuer ou supprimer leur dépendance reboisement et d’agroforesterie dans sensibilisation des élèves à l’école, qui par rapport aux ressources de ces le secteur du Mont Tshiaberimu tout en à leur tour sensibilisent les parents; in- aires protégées. soutenant des organisations et asso- formation au niveau des églises pen- Au début de ses activités, Berggo- ciations locales, des églises, des écoles dant les cultes et dans les centres de rilla s’est consacrée spécialement à et des centres de santé. La production santé. l’amélioration de la connaissance des de 1 165 510 plants dont 35 000 plants gorilles et de leurs habitats du Mont par la SAGOT (Solidarité des Amis des Tshiaberimu, en finançant des projets Gorilles de Tshiaberimu) et 1 130 510 de recensement, d’amélioration d’équi- plants par les écoles, centres de san- pement et de monitoring. Toutes ces té et églises a été rendue possible par actions comportaient des subventions, les appuis de Berggorilla dans le cadre ainsi que la fourniture de matériel di- du reboisement autour du Mont Tshia- vers et d’équipement de terrain : tenues berimu depuis 2008, ce qui représente de brousse (bottes, imperméables, environ 800 hectares. Ce reboisement sacs de couchage, gourdes, sacs à semble avoir mis un frein à la destruc- dos, GPS, caméras digitales), rations tion de la forêt du parc, car il n’en a plus de brousse et primes de motivation au été fait mention dans les différents rap- personnel, temporaire ou non, engagé ports de GO (The Gorilla Organization) Distribution des plantules de par l’ICCN ou par d’autres partenaires et de l’ICCN (Institut Congolais pour la maracuja pour des actions sur le terrain. Conservation de la Nature). Photo: Jean Claude Kyungu 3 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO Berggorilla n’a pas été la seule or- tion du Mont Tshiaberimu n’auraient et les plus inaccessibles étendues de ganisation engagée au Mont Tshiaberi- plus de sens, donc l’ICCN n’aurait plus forêt tropicale humide subsistant sur le mu. GO y a travaillé avec un personnel de raisons de garder son personnel continent africain. Située entre le Parc permanent pendant 15 ans, mais vient sur le terrain et la population pourrait National de la Maïko à l’ouest et au de se retirer en fin décembre 2014. récupérer les terres. Sans un plaidoyer nord et les réserves naturelles de Tay- Durant sa présence, le monitoring des résolu et une présence musclée sur na et Kisimba-Ikoba à l’est, bordée par gorilles était bien assuré, la route me- le site, le risque de disparition à court une chaîne de montagnes escarpées nant vers le Mont Tshiaberimu régu- terme des gorilles est donc grand. au sud, la forêt d’Usala reste largement lièrement entretenue, des séances de Les questions qui se posent à ce inexplorée. sensibilisation de la population étaient jour sont les suivantes : Comme une grande partie de la ré- tenues et d’autres appuis à la popula- – Devons-nous assister impuissants à gion de Maïko-Tayna, les données his- tion fournis, comme par exemple un la disparition des gorilles du Mont toriques concernant les gorilles à Usala projet de plantation de maracuja et de Tshiaberimu? sont rares. En 1935, le crâne d’un mâle culture de pomme de terre et un projet – Quelles actions sont-elles possibles adulte a été recueilli par des prospec- d’apiculture. Des alertes pouvaient être pour éviter la catastrophe? teurs miniers belges près de Kilima- lancées par GO en cas de maladie des – Peut-on trouver d’autres gorilles fe- mesa puis déposé au Musée royal de gorilles et des vétérinaires pouvaient melles et les amener au Mont Tshia- l’Afrique centrale à Tervuren près de venir les soigner. berimu? Bruxelles. Bien qu’ils n’aient pas visité – Doit-on laisser s’interrompre le sou- la forêt d’Usala durant leurs prospec- Les gorilles du Mont Tshiaberimu : tien des associations au Mont Tshia- tions concernant les gorilles orientaux quel avenir? berimu? en 1959, John Emlen et George Schal- Plusieurs campagnes de soutien se J’invite par cet article tout ami des go- ler (notes complémentaires, 1960) ont sont concentrées sur le Mont Tshia- rilles à se pencher sur ces questions. fourni des rapports anecdotiques sur berimu. Des infrastructures ont été Claude Sikubwabo Kiyengo l’espèce à Usala, indiquant que les go- construites, les capacités ont été dé- rilles étaient localement perçus comme veloppées. La population a bénéficié « communs » des deux côtés de la ri- d’appuis. Cependant la survie des go- Le statut des gorilles vière Lindi. rilles du Mont Tshiaberimu constitue de Grauer dans la forêt Plus tard dans les années 1990, une toujours un défi : les gorilles pourront- d’Usala vaste évaluation des gorilles de Grauer ils encore survivre longtemps face aux a été conduite par Jefferson Hall et al. contraintes actuelles? La forêt d’Usala se trouve au coeur (1998a), excluant largement Usala et la Un premier souci est que les go- des 30 000 km2 de la région de Maïko- partie est de la forêt du Parc National rilles du Mont Tshiaberimu ne sont Tayna à l’est de la République Démo- de la Maïko (y compris les régions de qu’au nombre de 6, répartis en deux cratique du Congo et compte parmi les Tayna et Kisimba) de leur analyse en groupes. Le groupe Katsavara avec plus intactes, les plus reculées mais raison d’un manque de connaissance 4 gorilles, deux mâles, une femelle et aussi les plus dépourvues de routes de la zone. un bébé. Le groupe Kipura avec deux En 2003, les communautés des vil- mâles. La seule femelle est âgée et à lages de Rama et Kongomani à l’ex- peine capable de supporter une gesta- trême est d’Usala ont contacté le tion. A cause du manque de femelles, Dian Fossey Gorilla Fund Internatio- le risque de disparition est très élevé. nal (DFGFI) et l’UGADEC (Union des En revanche, le danger de capture de Associations pour la Conservation des gorilles est peu élevé, car il n’y a pas Gorilles et le Développement Commu- des jeunes qui pourraient être convoi- nautaire à l’est du Congo) en les in- tés par les trafiquants. formant de la persistance des gorilles En second lieu, on se souvient qu’à à l’ouest de la rivière Lindi et au sud un moment donné, un groupe armé de Rama vers Walikale. Entre 2003 Maï Maï avait revendiqué des terres et 2007, avec un peu de soutien du dans la région. Un message a été pro- Le Mont Nkomo qui abrite des DFGFI et de l’UGADEC, des membres pagé, affirmant que si l’on exterminait gorilles, vu du village de Rama des communautés de ces villages les gorilles, les activités de conserva- Photo: Stuart Nixon ont pu collecter des données limitées 4 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO mais importantes concernant la pré- n’ait pu être calculée à partir de cette teurs participants comme région prio- sence des gorilles dans cette région. étude, une évaluation très provisoire ritaire pour la conservation des grands Ces données initiales ont aussi révélé de 240 à 410 gorilles sevrés a été don- singes. la présence d’autres espèces phares née pour le site d’étude en convertis- Une première recommandation pour l’est de la RDC, notamment le sant les taux de rencontre de recon- émergeant de l’atelier sur le plan d’ac- discret okapi et le paon du Congo, le naissance (sites de nids frais/km) en tion 2012 faisait état du besoin urgent chimpanzé oriental et les éléphants de taux de rencontre de transect atten- non seulement de déterminer l’aire forêt. dus selon Hall et al. (1998b). En outre, de répartition actuelle des gorilles de Cependant ce n’est qu’en avril 2007 l’étude a aussi révélé des taux relative- Grauer mais aussi d’identifier les po- que la première tentative d’évaluation ment bas de chasse par arme à feu (la pulations prioritaires sur lesquelles du statut de la faune d’Usala a été chasse se limitait principalement aux concentrer les actions de conserva- faite par le DFGFI (Nixon et al. 2007) pièges) et d’exploitation minière artisa- tion. La poursuite de l’engagement au- avec les communautés de Rama et de nale active comparés à d’autres forêts près des communautés a également Kongomani. Financées par l’USAID, de la région. Compte tenu de ces ré- été désignée prioritaire, même s’il a été les zoos de Columbus et de Busch sultats positifs, des recommandations reconnu que de telles activités doivent Gardens, ces reconnaissances ont ex- ont été faites pour fournir davantage être ciblées autour des principales po- ploré 240 km sur une zone d’approxi- de soutien aux communautés d’Usala pulations de grands singes. Ainsi, il a mativement 850 km2, révélant une po- afin qu’elles puissent protéger leur pré- été conseillé de réaliser une évaluation pulation de gorilles clairsemée mais lo- cieuse faune sauvage. approfondie des populations de go- calement concentrée sur une aire de Basée sur un nombre de facteurs rilles dans les régions historiquement 340 km2 entre les rivières Tamaria et incluant l’éloignement du site, ce sou- importantes de leur aire de répartition Lindi. Pendant l’étude, 34 nids de go- tien n’est pas parvenu jusqu’aux com- pour la planification de la conservation rilles frais et récents ont été réperto- munautés d’Usala mais en 2012, Usala à la fois du paysage et du site. riés et quelques groupes relativement a été mise en avant dans l’Action pour Dans le cadre de la mise en œuvre importants ont été rencontrés (jusqu’à la Conservation des Grands Singes de des activités CAP recommandées et 24 individus). Bien qu’aucune estima- l’UICN en RDC orientale (Maldonado avec le soutien financier de la fonda- tion précise concernant l’abondance et al. 2012) et reconnue par les ac- tion Arcus, FFI a initié une évaluation Communautés d’Usala Photo: Chrysostome Kaghoma 5 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO rêt au sud de Rama, effectuant environ Manguredjipa 200 km de marches de reconnaissance à travers la zone de distribution des Lin Opienge gorilles identifiée en 2007. Ces études di Butembo ont révélé que la partie ouest de la forêt d’Usala abrite toujours une population Loya Lubero de gorilles significative. Les équipes ïko ont recensé un total de 28 sites de nids Ma Réserve frais/récents. La taille moyenne des Li des Gorilles nd Parc National de groupes de nids de gorilles était égale- i Rama de Tayna la Maïko ment similaire à celle de 2007. Ces ré- sultats suggèrent, malgré un manque Kilimamesa total de protection active ou de sta- Lubutu tut d’aire protégée, que cette popula- tion est restée relativement stable au Oso cours des 7 années précédentes. Nos L owa résultats montrent également des ni- veaux peu élevés de chasse par arme protected areas Masisi à feu, d’exploitation minière et d’empiè- Walikale tement sur les forêts, comme en 2007. gorilla nests Punia C’est tout à fait remarquable dans le Usala Forest Goma contexte actuel de la RDC, en parti- river culier quand les études dans d’autres régions prioritaires ont montré des dé- La ligne en pointillé représente la limite de la forêt d’Usala clins brutaux et des extinctions locales Carte: Angela Meder, carte originale: Stuart Nixon (Nixon et al. 2010, Hart et al. 2009). Il est presque certain que l’apparente de la situation des grands singes dans dans la région de Kilimamesa en 2012. stabilité de cette population de gorilles la forêt d’Usala en septembre 2013, Suite à cette réunion, il a été décidé par résulte de son éloignement des voies en commençant par des réunions pré- l’équipe de FFI avec les communautés de circulation, des rivières navigables, alables avec les communautés dans de revenir au printemps 2014 et de me- des grands villages et des villes. Alors le village de Rama. Au cours de ces ner à bien des enquêtes participatives. que l’inaccessibilité d’Usala constitue consultations fructueuses, l’équipe a En mars 2014, l’équipe d’étude de un défi logistique sérieux pour la mise été bien accueillie par les communau- FFI s’est donc rendue à Mohangha, en place d’activités de conservation, tés, cependant elles ont fermement ex- a rencontré les habitants d’Usala et elle offre également un important po- primé leur frustration face au manque organisé avec des porteurs le trans- tentiel pour la protection à long terme de soutien apporté depuis 2007. Mal- port à pied sur 150 km de 100 kg de de ses gorilles et du reste de la faune gré cela, la communauté est restée matériel et plus de 250 kg de rations sauvage. désireuse de s’engager aux côtés de jusqu’à Rama, un défi logistique aux Malgré ces résultats encourageants, l’équipe de FFI et de partager des infor- proportions épiques! Après son arrivée il faut se garder de tout optimisme ex- mations sur la présence des gorilles et à Rama 5 jours plus tard, l’équipe a cessif. La pression agricole et l’insé- les menaces. Les membres de la com- visité les villages de Baraza et Mbe- curité à l’est engendrent des déplace- munauté qui ont assisté à ces réunions kini en compagnie des chefs tradi- ments massifs et des réinstallations ont rapporté que les gorilles étaient tionnels, informant les villageois des sur tout l’escarpement ouest du Rift toujours présents au sud de Rama et études à venir, recrutant des pisteurs et Albertin. Les communautés de Rama au sud-ouest en direction de la rivière des porteurs et les sensibilisant sur les craignent que de nouvelles installa- Oso, toutefois ils ont également signalé questions de conservation des grands tions incontrôlées dans cette région une chasse sporadique aux éléphants singes. compromettent leur avenir. La com- de forêt, à l’okapi et aux grands singes Suite à cela, 2 équipes se sont ren- munauté de Rama souffre d’extrême par des groupes armés. Un groupe dues en forêt et ont conduit un total de pauvreté et vit en isolement presque entier de 9 gorilles a même été tué 42 jours de travail de terrain dans la fo- total. Ses principales sources de re- 6 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO venus sont l’agriculture itinérante, la de surveillance de la faune sauvage et fécales. Mais la majorité des données chasse de subsistance, un peu d’ex- identifier les mesures d’incitation ap- nécessaires à la connaissance et à la ploitation minière artisanale et le trans- propriées pour la conservation de la protection des populations de gorilles port de matières commerciales de Mo- forêt d’Usala sera essentielle pour la requièrent de suivre des groupes bien hanga jusqu’à Oninga (une importante protection de cette très importante po- identifiés pendant plusieurs mois, ville minière située à environ 75 km pulation de gorilles à l’avenir. parfois plusieurs années. à l’ouest de Rama). Les alternatives Stuart Nixon, Chrysostome Kaghoma Le pistage des groupes de gorilles abordables à la viande de brousse sont et Magloire Vyalengerera permet de récolter de précieuses infor- rares et l’accès aux soins médicaux mations sur leur régime alimentaire, le et à l’éducation sont quasiment inexis- Références type de forêt préféré par les gorilles, la Emlen, J. T. & Schaller, G. B. (1960) : Distribu- tants. La densité de la population hu- tion and status of the mountain gorilla (Gorilla distance parcourue chaque jour par les maine actuelle le long du rift Albertin gorilla beringei) 1959. Zoologica 45 (1), 41–52 groupes, la taille du domaine vital des à l’est de la RDC compte parmi la plus Hall, J. S. et al. (1998a) : Distribution, abun- groupes, le degré de chevauchement élevée de tout le continent et la pénu- dance and conservation status of Grauer’s go- entre domaine vitaux de groupes voi- rilla. Oryx 32 (2), 122–130 rie de terres continue d’être une source Hall, J. S. et al. (1998b) : Survey of Grauer’s sins et la saisonnalité du régime ali- majeure de conflit. Alors que la sécurité gorillas (Gorilla gorilla graueri) and eastern mentaire ou des déplacements des go- s’améliore, l’immigration et les installa- chimpanzees (Pan troglodytes schweinfur- rilles. thi) in the Kahuzi-Biega National Park lowland tions dans les forêts de l’est du Congo sector and adjacent forest in eastern Demo- L’organisation Dian Fossey Gorilla devraient augmenter sensiblement au cratic Republic of Congo. International Journal Fund International (DFGFI) a établi en cours des prochaines décennies. Cette of Primatology 19 (2), 207–235 2012 une station de recherche et de expansion programmée laisse sérieu- Maldonado, O. et al. (2012) : Grauer’s Goril- protection des gorilles de Grauer (Go- las and Chimpanzees in Eastern Democratic sement penser que la forêt d’Usala va Republic of Congo (Kahuzi-Biega, Maiko, Tay- rilla beringei graueri) dans une zone être de plus en plus menacée au cours na and Itombwe Landscape): Conservation de basse altitude de l’est de la Répu- des prochaines années et que sa po- Action Plan 2012–2022. Gland, Switzerland blique Démocratique du Congo. Située (IUCN/SSC Primate Specialist Group, Ministry pulation de gorilles risque bien de dis- dans une forêt non-classée, entre les of Environment, Nature Conservation & Tou- paraître. rism, ICCN & JGI) Parcs Nationaux de Kahuzi-Biega et Malheureusement depuis août 2014 Nixon, S. (2010) : Participatory assessment of de Maïko, la station de Nkuba-Biruwe la sécurité s’est considérablement dé- Grauer’s eastern gorilla and other wildlife in permet aux pisteurs et chercheurs de the Lubutu sector of Maiko National Park and tériorée au sud et à l’ouest de Rama, adjacent forest. Unpublished report submitted DFGFI d’étudier et de protéger les go- coupant l’accès piéton à la région et to FFI, FZS, ICCN, ZSL rilles et leur habitat dans une zone de ayant pour conséquence d’empêcher Nixon, S. et al. (2007) : A prospection survey of 700 km2. Depuis 2014, le pistage de FFI de visiter de nouveau Usala et de the Usala Forest and proposed Usala Commu- trois groupes de gorilles vivant au sud nity Reserve, Democratic Republic of Congo, poursuivre les enquêtes participatives March–April 2007. Unpublished report submit- de la zone d’étude est devenu l’activité prévues. L’équipe continue cependant ted to DFGFI principale du projet. Le but est de col- d’être en contact avec les communau- lecter des données essentielles sur la tés d’Usala et travaille en étroite colla- façon dont les groupes de gorilles uti- boration avec ses partenaires, l’Institut Pistage des gorilles de Jane Goodall en RDC et l’UGADEC, Grauer au Nord Kivu afin de développer une stratégie ho- listique pour la conservation d’Usala Protéger efficacement une population lorsque la sécurité s’améliorera. Le zoo de gorille nécessite une solide connais de Chester en Angleterre fournit égale- sance de la démographie, de l’écologie ment un soutien technique et contribue et du comportement des groupes so à la mise en place de cette stratégie. ciaux. La densité des groupes de go La poursuite de l’engagement auprès rille (nombre de groupes par km2) et des communautés d’Usala pour amé- la distribution de la taille des groupes liorer l’éducation environnementale et peuvent être mesurés par la méthode à la santé, pour développer des alter- des transects. Les échanges d’indivi natives réalistes à la dépendance en- dus entre groupes sociaux peuvent Groupe de gorilles de Grauer vers la viande de brousse, pour éta- être étudiés à l’aide de prélèvement photographié par un appareil à blir des programmes communautaires génétiques non-invasifs de matières déclenchement automatique 7 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO teurs ne rencontrent pas les gorilles, ne perturbent donc pas leurs dépla- cements et ne causent pas de stress. L’absence de contacts avec les gorilles permet également de ne pas les ha- bituer à la présence humaine. Dans une zone où le braconnage, les activi- tés minières et la présence de groupes armés en forêt sont une menace très importante pour la faune, habituer les gorilles à l’homme les exposerait au braconnage. Leur peur de l’homme est leur meilleure protection. Lorsque le pistage débute dans une nouvelle zone, les pisteurs doivent d’abord localiser un groupe de go- rilles. Les coordonnées géographiques de plusieurs points distants de 3 km environ sont entrées dans des GPS. Des équipes de pisteurs se rendent Les pisteurs de gorilles Wasso et Jadot en train d’identifier des plantes à ces points en utilisant leur boussole consommées par les gorilles (ici la Palisota ambigua). et marchent en suivant approximative- Photo: Damien Caillaud, DFGFI ment un cercle d’un diamètre d’environ 800 à 1000 m autour de ces points. Les lisent leur habitat (régime alimentaire, simplement couvert de feuilles mortes pisteurs se concentrent sur les zones mouvements des groupes, variations sur lesquelles les empreintes des go- saisonnières) tout en les protégeant du rilles sont particulièrement difficiles à braconnage. détecter. Seuls les chasseurs les plus Le pistage consiste à suivre la piste expérimentés sont capables de pister des gorilles d’un site de nid à un autre les animaux dans un tel milieu. en repérant les traces laissées par les Les pisteurs de la station de Nku- animaux : végétation fraichement apla- ba-Biruwe sont tous originaires des vil- tie, empreintes de pied ou de main, lages voisins et connaissent parfaite- restes de nourriture, crottes. Le pis- ment la forêt. Plusieurs d’entre eux sont tage est d’autant plus facile que la vé- d’anciens chasseurs, reconverti dans gétation herbacée est dense et que les la conservation. Malgré tout, plusieurs gorilles se déplacent sur de faibles dis- mois de pratique ont été nécessaires tances. Les gorilles de montagne (Go- pour que les pisteurs deviennent ca- rilla beringei beringei) et certaines po- pables de suivre à distance un groupe pulations de gorilles de Grauer, par de gorilles pendant plusieurs semaines exemple, vivent dans des forêts d’al- sans perdre leur trace. titude caractérisées par la présence L’objectif des pisteurs de DFGFI d’une abondante végétation terrestre est de suivre un groupe de gorille à la rendant le pistage relativement aisé. fois pendant plusieurs semaines tout Les gorilles de plaines de l’ouest (Go- en veillant à rester un jour derrière le rilla gorilla gorilla) et les gorilles de groupe. Cela signifie que chaque jour, Grauer de basse altitude, en revanche, les pisteurs débutent le pistage au site Localisation du Site de Recherche fréquentent généralement des forêts de nid quitté par les gorilles la veille, et de Conservation de Nkuba- dont le sous-bois est clair. La végéta- et terminent le pistage au site de nid Biruwe, entre les Parcs Nationaux tion terrestre herbacée n’est présente le plus récent, quitté par le gorilles le de Maïko et de Kahuzi-Biega que dans certaines zones. Le sol est matin même. De cette façon, les pis- Carte: Damien Caillaud, DFGFI 8 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO où se trouvent les plantes habituelle- traces particulièrement difficiles à dé- GRACE a reҫu ses premiers gorilles ment consommées par les gorilles, et chiffrer. Lorsque la piste est perdue, les en 2010 et est actuellement un logis recherchent des signes datant de 1 à 3 pisteurs retournent au dernier endroit pour 13 individus dont l’âge varie de 3 jours. Cette technique permets de trou- où des traces ont été vues et se dis- à 13 ans. Les gorilles, tous orphelins, ver une piste fraiche plus rapidement persent ensuite en marchant en cercle sont gérés dans un unique groupe so- qu’en recherchant des traces aléatoire- à environ 100–200 m autours de ces cial intégré avec des femelles adultes ment en forêt. Lorsqu’une piste fraîche traces. Les pisteurs utilisent des tal- agissant comme des mères déléguées est trouvée, elle est remontée jusqu’à kie-walkies pour rester en contact du- pour les jeunes individus. Environ 90% ce que les nids les plus récents soient rant ces recherches qui peuvent par- de régime des gorilles consiste à des localisés. fois durer une heure ou davantage. Les plantes (plus de 45 espèces) que les Une équipe de pistage se compose petites radios s’avèrent extrèmement gorilles mangent typiquement dans le de 3 à 4 pisteurs et d’un chef d’équipe. utiles pour coordonner les recherches. milieu sauvage. Jusqu’ici récemment, Chacun a un rôle déterminé. Ainsi, Le pistage est à la base de toute ac- plus de 300 kg de végétation étaient notre pisteur Lumumba est spécialisé tivité de recherche sur les gorilles. Bien collectés chaque jour pour les gorilles dans la détection des signes et la dé- équipé et bien formés à l’utilisation du par les agents de GRACE. Cependant, termination de l’âge des signes. Mo- GPS et de la boussole, les pisteurs pour le moment, les gorilles peuvent koley quant à lui est capable de diffé- sont capables d’apprendre en quelque se procurer eux-mêmes leur fourage à rencier et d’interpréter les signes de mois à suivre de façon continue un l’intérieur de la clôture forestière nou- toutes les espèces animales de la fo- groupe d’une dizaine de gorilles. Les vellement construite et qui a récem- rêt. Jadot, un autre pisteur, connaît les pisteurs mettent ainsi au service de la ment ouvert ses portes à GRACE. noms de toutes les plantes consom- recherche et de la conservation leurs Comme part de son plan directeur, mées par les grands singes. Le chef connaissances traditionnelles de la fo- en février 2012, GRACE a commencé d’équipe reste toujours au milieu de la rêt. à construire une clôture de 10 hectares piste des gorilles avec son GPS allumé Escobar Binyinyi, Urbain Ngobobo et pour les gorilles dans un milieu fores- en permanence et note dans un car- Damien Caillaud tier sur la propreté de GRACE. Ce nou- net toutes les découvertes de l’équipe. vel espace, qui inclut des arbres mûrs De nombreuses données sont collec- avec un sous-bois dense, procure aux tées. Le GPS enregistre automatique- Histoire de la clôture gorilles un apparent environnement ment les coordonnées tous les 50 m. forestière de GRACE plus sauvage leur permettant de pra- Les pisteurs identifient et notent toutes tiquer des critiques habiletés de survie les espèces de plantes consommées Localisé dans la région de Kasugho tels que le fourage, la construction des par les gorilles, ainsi que la localisation au Nord Kivu, à l’est de la République nids, les mouvements de coordination GPS des sites d’alimentation. Le type Démocratique du Congo (RDC), près du groupe. de végétation environnant les sites de la Réserve Naturelle de Tayna, le Bien qu’une forêt idéale était iden- d’alimentation est également noté. En- Centre de réhabilitation, de conserva- tifiée pour la clôture, l’éloignement de fin, les nids rencontrés en fin de pis- tion et d’éducation de gorilles (GRACE) GRACE, sa localisation montagneuse tage sont dénombrés et décrits. est le seul emplacement au monde ont fait de la construction un très grand Malgré l’expertise des pisteurs, il qui fourni des soins de réhabilitation défis. Sans route disponible d’accès au peut arriver que la piste des gorilles aux gorilles de Grauer (Gorilla berin- site de construction, toute pièce d’équi- soit perdue. Le risque de perdre la piste gei graueri) sauvés par les autorités en pement et matériels utilisés devaient est plus important lorsque le groupe charge des animaux sauvages après être transportés à la montagne par la suivi est de petite taille. Parfois aus- avoir été illégalement capturés par des main. Plus de 200 personnes issues si, le groupe se divise en petits sous- braconniers et des négociants. La mis- des communautés locales, plus de groupes qui se déplacent à plusieurs sion fondamentale de GRACE est de leur moitié étant des femmes, ont tra- dizaines de mètres les uns des autres, fournir un environnement sain et natu- vaillé avec GRACE pour construire la rendant le piste beaucoup moins vi- ralistique, un soins excellent aux go- clôture forestière. Les travailleurs ont sible. Les pluies nocturnes sont égale- rilles sauvés pour assurer leur bien- débroussé la forêt pour le périmètre ment susceptibles d’effacer les traces être et maximiser leurs chances pour de la clôture, ils ont percé les trous laissées le jour précédent par gorilles. une réintroduction heureuse, si cette dans la roche pour l’emplacement de Il arrive enfin parfois que deux groupes stratégie de conservation est poursui- 370 poteaux de l’enclos, et ont enfilé de gorilles se rencontrent, rendant les vie. 26 km des fils électriques alimentés 9 Gorilla Journal 50, juin 2015
R. D. CONGO par des panneaux solaires. Les experts première expérience de forêt depuis partir de cinq miradors situés aux alen- des gorilles de Dallas et Houston Zoos leur capture du milieu sauvage. C’était tours du périmètre de la clôture. L’ob- et Disney Animal Kingdom des Etats- incertain de comment le groupe pour- jectif est de suivre comment le groupe Unis ont été consultés sur la forme de rait réagir avec son nouveau entou- est en train d’utiliser la forêt et quel im- la clôture, mais le projet tout entier a rage, mais dès l’entrée dans la clôture, pact le nouvel espace a sur le compor- été dirigé par le personnel congolais les gorilles, conduits par la femelle do- tement d’individus et sur la dynamique de GRACE, conduit par Jackson Ka- minante du groupe (Pinga : 13 ans) ont du groupe. buyaya Mbeke (Principal Manager de immédiatement commencé à se nour- L’autre mission principale de GRACE) et Georges Kayisavira Kakule rir de la végétation et à explorer calme- GRACE est de travailler avec les com- (Coordonnateur de la Maintenance). ment la forêt. Dans quelques minutes, munautés locales sur des programmes Le projet a été financé par les parte- les jeunes gorilles sautaient et jouaient d’éducation à la conservation pour ai- naires à long terme de GRACE, le Dian dans les arbres comme s’ils n’avaient der à protéger le reste des gorilles sau- Fossey Gorilla Fund International, mê- jamais quitté leur logis, la forêt. Main- vages de Grauer, le seul grand singe mement que Dallas et Houston Zoos tenant le groupe de GRACE passe plus endemique à l’est de la RDC. par une subvention de Margot Marsh de 8 heures chaque jour à l’intérieur de Beaucoup de gens vivant dans la Biodiversity Foundation. ce nouvel habitat, et est concilié mer- région de Kasugho n’ont jamais vu Après plusieurs commencements et veilleusement à la vie de la forêt. un gorille vivant et connaissent moins arrêts dus aux défis logistiques, la clô- A l’évolution scientifique de voir à propos de ces animaux, ce qui de- ture forestière des gorilles de GRACE comment les gorilles sont en train de vient difficile d’obéir aux lois proté- a été finalement achevée en février s’adapter à leur nouvel environnement geant les gorilles. La nouvelle clôture 2015. Suivant les derniers contrôles de et pour suivre le progrès général de forestière de gorilles jouera un rôle im- sureté, les portes ont été ouvertes pour réhabilitation pour tous les individus, portant dans les efforts éducationnels les gorilles en mars 2015. Pendant GRACE a récemment lancé un pro- de GRACE. Les écoliers locaux ainsi des années, les gorilles de GRACE gramme d’observation comportemen- que les adultes seront bientôt à me- n’avaient pas été dans une forêt. Pour tal; une équipe de recherche observe sure de visiter GRACE et de faire des quelques-uns d’entre eux, c’était leur les gorilles à longueur de la journée à tours éducationnels et voir le groupe des gorilles à partir d’une plateforme aux alentours de l’enclos. Notre pro- gramme au visiteur visera à enseigner à propos des gorilles de Grauer et les menaces dont ils font face et inspirer au visiteur la fierté d’avoir ce magni- fique grand singe comme une partie de l’héritage naturel de l’est de la RDC. La nouvelle clôture forestière de GRACE est une source de fierté pour le personnel de GRACE et la commu- nauté locale, et nous espérons que cet habitat va aider à préparer les gorilles pour un retour potentiel dans le mi- lieu sauvage. Dans un temps record, il est merveilleux d’observer le groupe de GRACE avoir le plaisir dans un espace qui les permet d’être réellement encore des gorilles. Sonya Kahlenberg et Luitzen Santman Pour plus information à propos de GRACE, s’il vous plait, visitez www. L’un des orphelins grimpe sur un arbre du nouvel enclos gracegorillas.org ou suivez nous sur Photo: Andrew Bernard Facebook. 10 Gorilla Journal 50, juin 2015
OUGANDA Utilisation des terres beaucoup l’attention de par leur grande tir de Bwindi. Nous voulions étudier le taille, de par l’importance des dégâts comportement de tous les groupes de communautaires et qu’ils occasionnent et de par la valeur gorilles habitués, et pas seulement des pillages des cultures par économique qu’ils représentent. groupes connus pour sortir du parc ef- les gorilles de Bwindi De plus, la densité des gorilles fectuer des raids, car nous étions aussi de Bwindi augmente très probable- intéressés de savoir pourquoi certains Les conflits entre les hommes et les ment (Roy et al. 2014) et si la ges- groupes ne quittaient pas le parc et ne animaux est l’une des principales me- tion conservationniste actuelle réussit, pillaient pas les cultures. Nous avons naces à la survie de beaucoup d’es- la population devrait continuer d’aug- étudié les comportements d’explora- pèces sauvages, et présentent aussi menter. Donc, on peut probablement tion et de pillage de 13 groupes de go- des risques pour les populations hu- s’attendre à ce que plusieurs groupes rilles habitués, localisés dans trois ré- maines locales. Si ce type de conflits de gorilles vont sortir en dehors du parc gions (Ruhija, Buhoma et Rushaga), n’est pas traité de manière adéquat, le et mettre une plus grande pression sur à travers le parc pendant une période soutien local en faveur de la conserva- les moyens de subsistance locaux, et de 13 mois allant de mai 2012 à juin tion décline drastiquement. C’est pour- conduire à une exacerbation de l’am- 2013. Pour ce faire, nous avons formé quoi la résolution des conflits homme– pleur du conflit hommes–gorilles. 11 chercheurs et assistants de terrain animaux est un point crucial pour l’ave- Le conflit hommes–gorilles est un locaux à la collecte de données sur les nir de la conservation des espèces des problèmes majeurs de la conser- sorties des groupes de gorilles, leur (Woodroffe et al. 2005). vation des gorilles de Bwindi. La fré- comportement, leur régime alimentaire Dans le Parc National de la Forêt quence à laquelle les gorilles sortent et leurs habitudes de pillage. De plus, Impénétrable de Bwindi, Ouganda, les du parc et effectuent des raids dans ces assistants furent formés à suivre, gorilles de montagne, qui sont en dan- les cultures varient drastiquement pour tous les mois, environ 800 arbres frui- ger critique de disparition, sortent par- les différents groupes habitués. Un des tiers marqués afin de calculer une dis- fois du parc et vont piller les champs groupes, le groupe Nkuringo, passe ponibilité moyenne en fruits par région. alentours. Le pillage par les gorilles plus de temps en dehors du parc que Parallèlement à la collecte de données et leurs déplacements en dehors du dans le parc, et effectue plus de raids comportementales sur les gorilles, parc représentent des menaces pour que tous les autres groupes. En 2005, nous avons travaillé avec quatre assis- les communautés locales, comme les une zone tampon a été mise en place tants de terrain expérimentés en bota- dommages et les pertes causées aux par l’Uganda Wildlife Authority (Autori- nique qui ont formés l’équipe d’échan- cultures, l’angoisse, les blessures et la té de la Faune Sauvage d’Ouganda) et tillonnage végétal. Pendant plus de mise en danger des personnes. D’un le Programme International de Conser- deux ans, ils ont aidé à compter et me- autre côté, les gorilles font face à un vation des Gorilles afin d’empêcher ces surer environ 94 000 plantes et arbres risque accru d’attraper des maladies escapades en dehors du parc et ces à travers toute l’aire de répartition des des hommes ou du bétail, d’entrer en pillages de cultures. Malgré cela, cette gorilles afin d’avoir une estimation de contact de manière incontrôlée avec zone fut mal gérée, en permettant à la disponibilité en plantes herbacées les humains et leurs déchets, d’être la végétation herbacée et aux arbres pour chaque groupe à l’intérieur de la harcelés par les populations locales et fruitiers de se régénérer, créant ainsi forêt. Comme nous étions également même abattus par représailles (Golds- un excellent habitat pour les gorilles intéressés de connaître la disponibili- mith et al. 2006; Madden 2006; Hoc- (Goldsmith et al. 2006; Kalpers et al. té alimentaire en dehors du parc, nous kings & Humle 2009). Bwindi est entou- 2010). Finalement, la zone tampon fut avons marché environ 56 km en enre- rée par une des plus hautes densités convertie, en juin 2013, en plantations gistrant toutes les parcelles et les dif- de population rurale au monde (plus de thé. férentes utilisations de la terre dans de 300 personnes au km2) et toutes les Beaucoup de facteurs ont été sug- les 50 m autour de la limite du parc. terres adjacentes au parc sont gérées gérés pour expliquer le fait que les go- Nous avons traversé des marais, des par les communautés locales. Dès que rilles sortent en dehors de Bwindi, y troupeaux de bétails et des champs de les gorilles sortent de Bwindi, ils se compris le manque de ressources ali- maïs, nous avons dû éviter des ravins retrouvent d’emblée sur des parcelles mentaires en forêt. Nous avons donc et des falaises abruptes, nous avons agricoles ou en friche. C’est la raison étudié si la rareté alimentaire dans le glissé le long des flancs de collines es- pour laquelle les gorilles font partie parc et si la disponibilité en aliments ap- carpées et nous avons été exposés à des quelques espèces qui effectuent pétents dans les cultures en dehors du la fois aux rayons chauds du soleil de des raids dans les champs. Ils attirent parc pouvaient inciter les gorilles à sor- la saison sèche et aux pluies torren- 11 Gorilla Journal 50, juin 2015
OUGANDA tielles et aux collines glissantes à la saison des pluies. Nos résultats révèlent que les go- rilles de Bwindi sortent du parc pour aller se nourrir de végétation herba- cée dans les plantations de thé ou de pins et dans les parcelles non culti- vées en dehors de la forêt, ainsi que pour consommer les cultures appé- tentes dans les jardins des habitants. Ce n’est pas un manque de ressources alimentaires dans la forêt qui pousse les gorilles à sortir et à effectuer des pil- lages des champs. Nous avons consta- té que le thé ne dissuade pas les go- rilles de quitter le parc. Nous pensons que c’est parce que les plantations de thé contiennent des plantes herbacées régulièrement consommées par les gorilles. De plus, ces plantations ne forment pas une barrière continue qui pourrait arrêter les gorilles et les empê- cher de s’aventurer plus loin dans les terres des communautés. Carte du Parc National de la Forêt Impénétrable de Bwindi montrant les La perte de la crainte des humains aires de distribution des groupes de cette étude par les gorilles habitués a aussi été Dessin : Nicole Seiler avancée comme jouant un rôle dans le comportement de pillage des gorilles pensons que les plantations comme Pour prévenir une intensification de montagne. Malgré cela, le groupe les bananiers ou les eucalyptus doivent du conflit, il est crucial d’améliorer les Oruzogo, un groupe habitué, ne pille être évitées parce qu’ils semblent atti- stratégies d’utilisation des terres aux- les champs que depuis quelques an- rer les gorilles. Nous recommandons quelles la faune sauvage du parc est nées, alors que le groupe Kyagurilo d’enlever la nourriture herbacée qui sensible. Enfin, cette étude montre que qui est habitué depuis le début des an- pousse sur les parcelles non cultivées la recherche et le management doivent nées 90 n’a jamais été rapporté avoir et dans les plantations, et donc de travailler main dans la main pour amé- pillé des jardins. De plus, le manager maintenir les terres dépourvues d’ali- liorer et mettre en place des straté- de l’aire de conservation de Bwindi a ments consommés par les gorilles. Si gies de gestion pour conserver les go- rapporté que de groupes non-habitués elles sont plantées de façon continue rilles de montagne de Bwindi. Alors que avaient été observés en train de piller et dépourvues d’herbes, les planta- beaucoup de résultats de cette étude les champs. C’est pourquoi nous pen- tions de thé pourraient être la meilleure doivent être spécifiques à Bwindi, cette sons que le niveau d’habituation des stratégie pour dissuader les gorilles étude souligne l’importance d’utiliser la groupes ne joue pas un rôle majeur. de se traverser les terres communau- recherche pour guider la prise de déci- Pour faire en sorte que les gorilles taires. La zone tampon près du groupe sion en termes de gestion de la conser- arrêtent utiliser les zones en dehors de Nkuringo a été plantée de théiers en vation des gorilles et d’autres espèces. du parc national, nous recommandons 2013, ce qui devrait alléger la plupart Nicole Seiler et Martha M. Robbins de modifier l’utilisation des terres en- des problèmes si la zone est correcte- tourant Bwindi afin de les transformer ment gérée. Quoi qu’il en soit, il sera Nous remercient grandement Uganda Wildlife en habitat non-attractif. Cela peut être important d’évaluer l’effet des planta- Authority, le Ugandan National Council of réalisé en plantant des cultures tam- tions de thé dans la zone tampon sur Science and Technology, l’Institute of Tropi- cal Forest Conservation (Institut de Conser- pons qui sont riches en fibres et en les déplacements en dehors du parc et vation de la Forêt Tropicale), Berggorilla & composés secondaires, mais pauvres les comportements de pillage de la part Regenwald Direkthilfe, Deutscher Akademis- en sucres et en sodium. De plus, nous du groupe de Nkuringo. cher Austauschdienst, la Max Planck Society, 12 Gorilla Journal 50, juin 2015
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