Gouvernance du taux de change en Tunisie - 19 Avril 2013 Table Ronde -IACE Tunis.
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Définition La gouvernance du taux de change consiste à : 1) Choisir le régime de change adéquat - Régime de changes fixes - Régime intermédiaire (avec sa diversité) - Régime de changes flottants 2) Un taux de change qui permet de concilier entre les objectifs internes et externes (se prémunir contre les chocs et stabilisation macroéconomique) 3) Le régime adopté accorde clairement la priorité à la stabilité des prix, garantit l’indépendance opérationnelle de la banque centrale, assure le respect des critères de transparence et de responsabilité dans la conduite de la politique monétaire 2
I-Brève typologie des régimes de change Flexibilité croissante Caisse d’émission (currency board) Dollarisation/ Taux de change Ancrage glissant Flottement euroïsation fixes (crawling peg) pur Union Taux de change fixes avec marges de Flottement Monétaire fluctuation administré 3
a) Régimes d’arrimage ferme : • dollarisation intégrale (exchange arrangements with no separate legal tender) : cours légal donné à la monnaie d’un autre pays • caisse d’émission (currency board arrangements) : la banque centrale conserve des avoirs extérieurs d’un montant au moins égal à la monnaie locale en circulation et aux réserves bancaires 4
b) Régimes d’arrimage souple : taux de change stable par rapport à une monnaie d’ancrage à une unité monétaire composite sur une fourchette étroite (± 1 %) ou large (Conventional fixed peg arrangements, Pegged exchange rates within horizontal bands) arrimage variable au fil du temps, souvent selon les différences de taux d’inflation entre pays, avec taux de dévaluation préannoncé, (± précis). (Crawling pegs, Exchange rates within crawling bands) intervention systématique sans objectif spécifié sur le niveau ou la trajectoire du taux de change. (Managed floating with no predetermined path for the exchange rate) c) Régimes de taux de change flottant. Le taux de change est surtout déterminé par le marché ; si la banque centrale intervient, c'est pour limiter les fluctuations à court terme du taux de change (Independently floating). 5
Evolution des régimes de change Source : Ghosh (2009), « Toward a Stable System of Exchange Rates », IMF mimeo 6
Source : Ghosh (2009), « Toward a Stable System of Exchange Rates », IMF 7 mimeo
II-Evolution du régime de change en Tunisie Selon la classification faite par le FMI dans sa publication Exchange Arrangements and Exchange Restrictions de l'année 1999 , la Tunisie est déclarée avoir un régime de flottement administré où la banque centrale peut intervenir, quand elle le juge nécessaire sur le marché des changes. La Tunisie est passé du régime "de jure" de type flottement dirigé à un régime "de facto" de type "parités mobiles glissantes" (ou crawling peg) assorti d'un programme de politique monétaire prévoyant des "seuils" pour les réserves de change et des plafonds pour les avoirs intérieurs nets de la banque centrale (S.Moulay, 2010). Le FMI classe actuellement le régime de change en Tunisie comme un régime de « flottement géré », où la Banque centrale de Tunisie (BCT) intervient d'une manière discrétionnaire, à chaque fois qu'elle le juge nécessaire. Il fait partie des régimes intermédiaires 8
Les principaux événements qui marquent l’évolution de la politique de change en Tunisie - La dévaluation de 1986 - La convertibilité courante du dinar en 1992 - La création du marché de changes interbancaires La politique de change en Tunisie revient à cibler le taux de change effectif réel et veiller à sa stabilité pour maintenir le niveau de compétitivité-prix de l’économie vis-à-vis des partenaires et des concurrents. Réduire les effets des fluctuations des devises qui forment le panier de référence et une libéralisation du marché de change Récemment, une gestion plus flexible de la politique de change a été introduite par la BCT en 2012. Elle consiste à déterminer son taux de change de référence sur la base du taux de change moyen sur le marché interbancaire et non en fonction d’un panier fixe de monnaies. Elle intervient sur le marché de change à travers des transactions bilatérales lorsque les cotations de marché subissent des déviations substantielles par rapport au fixing quotidien 9
Cependant, le flottement géré n'est pas différent de l'ancrage sur un panier dont la composition est gardée secrète par les autorités monétaires (Frankel, 1992 ). La composition du panier d’ancrage Le poids et la pondération accordée à chaque monnaie 10
Les études réalisées sur la composition du panier d’ancrage et sur les différentes pondérations des monnaies qui le composent montrent une prépondérance de l’euro (entre 65 à 81%), et une part non négligeable du dollar (entre 19 et 35%). Cependant, la part implicite de l’euro est sous-estimée dans la période récente, si on la compare avec les échanges de la Tunisie avec l’Europe (Marrakchi, 2011). La répartition géographique des échanges commerciaux de la Tunisie présente l’union européenne comme le partenaire majeure et stratégique. Ce partenariat se reflète par 73,2% des exportations et 61% des importations 11
Evolution récente du dinar Par rapport à la fin 2011 et jusqu’à fin décembre 2012, le dinar a enregistré, sur le marché interbancaire, une dépréciation vis‐à‐vis de l’euro (5,3%), du dollar américain (3,3%) et du dirham marocain (5,7%) ; toutefois, il s’est apprécié vis‐à‐vis du yen japonais (7,7%) (BCT, 2013). Cependant, durant le quatrième trimestre (2012), la valeur du dinar a connu une dépréciation de 0,7% par rapport à l’euro et une appréciation de 1,5% par rapport au dollar. En termes de moyenne annuelle, le taux de change du dinar a enregistré, en 2012 et comparativement à l’année 2011, une dépréciation de 9,9% à l’égard du dollar américain, de 2,5% vis-à-vis de l’euro, de 10,2% vis‐à‐vis du yen japonais et de 4,5% par rapport au dirham marocain). Cependant, l’indice du taux de change effectif réel a connu une tendance à la hausse surtout à partir du second semestre de 2011, une appréciation liée aux pressions inflationnistes et qui n’ont pas été totalement compensées par la dépréciation nominale du dinar. 12
L’évolution d’EUR/TND, EUR/USD et USD/TND. 13
Evolution du TCER 14
III-Avantages de l’ancrage du dinar à l’euro 1- limiter l’incertitude sur les fluctuations des prix des biens et services importés et exportés Le premier grand avantage d’un rattachement à l’Euro serait que les entreprises tunisiennes importatrices et exportatrices bénéficieraient d’une grande certitude quant aux prix de vente ou d’achat de leurs produits à l’étranger. (la volatilité du taux de change nécessite une couverture contre le risque de change) 15
2 Pricing to Market Les firmes exportatrices tunisiennes sont souvent contraintes d’indiquer le prix de leurs marchandises en monnaie étrangère (par exemple si l’euro s’apprécie, l’entreprise importatrice ferait moins de profit). Les entreprises feront des bénéfices ou des pertes inattendues en fonction de la fluctuation du dinar face à l’Euro. Comme la plupart des entreprises tunisiennes sont averses au risque, elles auront tendance à faire moins de commerce avec un taux de change fluctuant qu’avec un taux de change fixe. 16
3- Les coûts de transaction Ce terme se réfère aux effets à long terme des ajustements du taux de change. L’entrée sur un marché et la sortie de celui-ci entraîne de grands coûts pour une entreprise (coûts de transaction). Une firme établie sur un marché étranger ne va de ce fait pas changer ses décisions d’importer ou d’exporter à chaque fluctuation du taux de change. Même si les taux se comportent au désavantage d’une firme, elle va rester sur ce marché en espérant un changement de ces taux. Les entreprises n’arrivent cependant pas à distinguer les fluctuations des taux à court terme des ajustements à long terme. L’entrée sur un nouveau marché devient une option dont la valeur augmente avec l’augmentation des fluctuations des taux. En cas de fluctuations des taux, les entreprises seront donc découragées d’entrer sur ce marché et préfèreront garder l’option d’entrer plus tard. Cela entraîne des changements à long terme sur la structure d’un marché. 17
4 Freiner la dépréciation du taux de change réel du dinar L’observation attentive de la politique de change en Tunisie au cours des dernières décennies constate l’utilisation de l’instrument taux de change comme un moyen de corriger les pertes de compétitivité de l’économie dues soit à des écarts inflationnistes par rapport aux pays partenaires et concurrents, soit comme une réponse aux écarts de productivité. La compétitivité-prix via le taux de change était la réponse la plus adaptée à une économie qui n’arrive pas à monter dans la chaîne de valeur et dégager des valeurs ajoutées plus élevées par une meilleure compétitivité hors-prix dans plusieurs secteurs (tourisme, textile,..). L’ancrage va limiter l’utilisation du taux de change comme instrument de politique économique et stopper sa dépréciation par rapport aux autres monnaies. 18
Inconvénients de l’ancrage Parmi les inconvénients de l’ancrage du dinar et des régimes de change fixe, de façon générale, est la perte d’autonomie de la politique monétaire. L’autre inconvénient est la perte d’un instrument important de politique économique et surtout de politique conjoncturelle. Les ajustements effectués par la Banque centrale de la valeur de la monnaie nationale répondent à l’évolution de la balance commerciale et de l’évolution du taux d’inflation à court terme. Le taux de change apparait ainsi comme un moyen de conserver le degré de compétitivité de l’économie vis-à-vis des pays concurrents et l’ancrage peut l’empêcher. 19
Le triangle d’incompatibilité de Mundell + - Liberté des Autonomie de la mouvements de politique capitaux monétaire - + + Fixité du change - 20
Le triangle d'incompatibilité de R. Mundell et de T. Padoa-Schioppa montre les difficultés de la politique économique en économie ouverte. Celle-ci est définie à travers deux critères de base : la stabilité du change et l'autonomie de la politique monétaire. Mundell et Padoa-Schioppa montrent que dans une économie ouverte, la parfaite mobilité des capitaux n'est pas compatible avec l'indépendance de la politique monétaire et la stabilité du taux de change. L'indépendance de la politique monétaire peut coexister avec la parfaite mobilité des capitaux, mais dans ce cas, la stabilité des taux de change n'est plus possible. De façon symétrique, une politique monétaire indépendante est conciliable avec la stabilité des taux de changes, mais alors il faudrait interdire la mobilité des capitaux. Par exemple, dans un régime de changes fixes entre deux pays au minimum, les pays doivent sacrifier l'autonomie de la politique monétaire -fixation de leur taux d'intérêt- pour obtenir la stabilité des taux de change 21
Les critères de choix du régime de change pour un petit pays Critères de choix pour un « petit pays » stabilisation du PIB, désinflation, autonomie de la politique monétaire, spéculation, fragilité financière analyses comparatives (coûts/bénéfices) : quelles sont les alternatives ? (1) stabilisation du PIB : pour minimiser les fluctuations du PIB fixer les taux de change si les chocs monétaires (demande de monnaie...) sont la source principale de perturbations économiques • laisser flotter le taux de change si les chocs réels (compétitivité, production étrangère) sont la source principale de perturbations économiques implications du modèle Mundell-Fleming-Dornbusch 22
(2) désinflation : deux types de stratégies stabilisation ‘fondée sur la monnaie’ (régime de change flexible) Un contrôle des agrégats monétaires Convergence lente de l’inflation vers le taux de croissance de l’offre de monnaie Appréciation réelle de la monnaie domestique contraction initiale de l’activité réelle, reprise ultérieure stabilisation ‘fondée sur le taux de change’ (régime de change ‘fixe’) Annonce d’une trajectoire prédéterminée du taux de change (taux de dévaluation décroissant) Convergence lente de l’inflation vers le taux de dévaluation Expansion initiale de l’activité réelle, contraction ultérieure (boom-bust) Appréciation réelle de la monnaie domestique Détérioration du compte courant (J.Bdesquilibert, 2009) 23
(3) autonomie de la politique monétaire relancer l'économie / choisir le taux d'inflation de long terme « importer l'inflation » du pays d'ancrage inflation américaine trop élevée dans le système de Bretton- Woods discipline monétaire : se « lier les mains », importer la crédibilité (SME) autonomie illusoire en régime de change flottant (impossible de ne pas se soucier du taux de change) (Desquilbert, 2009) 24
Conclusion La politique du taux de change en Tunisie a été de tout temps très prudente, prenant en considération les objectifs externes, mais aussi en ciblant le taux de change effectif réel, la banque centrale veille à la stabilité des prix. La bonne gouvernance consiste à choisir le régime de change qui s’adapte le plus à la réalité économique du pays et de son environnement. L’ancrage peut être une solution dans une période transitoire, mais peut empêcher les autorités d’utiliser un instrument de politique économique très efficace surtout pour la dynamique des échanges et incompatible avec le processus de libéralisation progressive du compte capital. 25
Merci pour votre attention 26
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