Les États-Unis kidnappent en toute illégalité le diplomate vénézuélien Alex Saab au Cap- Vert - Réseau International

 
CONTINUER À LIRE
Les États-Unis kidnappent en toute illégalité le diplomate vénézuélien Alex Saab au Cap- Vert - Réseau International
Les États-Unis kidnappent en
toute illégalité le diplomate
vénézuélien Alex Saab au Cap-
Vert
[campaigns columns=1]

par Dan Kovalik.

Le 16 octobre, l’homme d’affaires colombien et Envoyé spécial
du Venezuela Alex Saab a été concrètement enlevé pour la
deuxième fois, d’abord par le Cap-Vert sous la pression de
Washington, et maintenant par les USA, en violation flagrante
du droit international.

Pendant près d’un an et demi, Saab a été emprisonné dans
l’archipel du Cap-Vert, à 650 km miles au large de la côte
nord-ouest de l’Afrique, dans l’Atlantique. Comme l’explique
un article de l’agence Bloomberg, « Saab a été arrêté le 12
juin [2020] lorsque l’avion privé qu’il empruntait pour se
Les États-Unis kidnappent en toute illégalité le diplomate vénézuélien Alex Saab au Cap- Vert - Réseau International
rendre   du   Venezuela   en   Iran   a   fait   une   escale   de

ravitaillement sur l’île cap-verdienne de Sal » 1 . Ce que
Bloomberg ne mentionne pas, c’est que l’avion de Saab a été
contraint d’atterrir au Cap-Vert parce que deux autres pays
voisins d’Afrique continentale, apparemment sous la pression

des USA, ont refusé de le laisser atterrir2.

Il n’y a pas de traité d’extradition entre le Cap-Vert
et les USA et il n’y a pas eu d’ordre d’Interpol
La capture de Saab a été effectuée sans aucune base juridique
appropriée. Alors que Washington a persuadé le Cap-Vert de
saisir Saab sous le prétexte que les USA voulaient l’extrader
pour des crimes présumés, les USA n’ont pas de traité
                                  3
d’extradition avec le Cap-Vert . De plus, alors que les
autorités du Cap-Vert ont affirmé que Saab était détenu
conformément à une notice Interpol valide, un tribunal
régional du Nigeria a estimé que la détention avait eu lieu
avant la publication de la notice d’Interpol, ce qui soulève
d’énormes inquiétudes quant à la validité juridique de la

détention et de l’emprisonnement de Saab4.
Les États-Unis kidnappent en toute illégalité le diplomate vénézuélien Alex Saab au Cap- Vert - Réseau International
L’ONU également a demandé que l’extradition soit
suspendue
En effet, ce tribunal régional, la Cour de Justice de la
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO), a explicitement « statué que « Saab devait être
libéré parce qu’il était détenu avant l’émission de la notice
rouge »5. Comme l’explique Reuters, « les décisions de cette
cour sont définitives et contraignantes en vertu d’un
protocole de 1991 ».

Et puis, le 8 juin 2021, le Comité des    Droits de l’Homme des
Nations unies a rendu une décision de     mesures préliminaires
exigeant que l’extradition de Saab soit   suspendue et que Saab,
qui souffre d’un cancer, reçoive          les soins médicaux

nécessaires dont il a été privé au Cap-Vert 6 .

Le 28 septembre 2021, l’Association du Barreau africain a
publié une déclaration exigeant « la libération immédiate et
inconditionnelle de l’ambassadeur Alex Saab, le respect de la
Cour de la CEDEAO et de l’État de droit en Afrique par le Cap-
Vert et tous les gouvernements et institutions en Afrique, car
l’Association du barreau africain continuera demander le
respect des obligations des traités et l’indépendance du

pouvoir judiciaire en Afrique »7. En dépit de ce qui précède et
de l’opposition écrasante des citoyens du Cap-Vert à
l’extradition de Saab, la Cour constitutionnelle du Cap-Vert a
approuvé l’extradition de Saab vers les USA en septembre de
cette année. [Pour faire simple, Saab a été kidnappé au Cap-
Vert il y a près d’un an et demi, et y a été détenu jusqu’à
son « extradition » vers les USA le 16 octobre, malgré
l’absence de tout traité d’extradition valide et de tout

mandat d’arrêt valide au moment de sa capture]8.

Si les allégations à son encontre sont
vivement contestées, il ne fait aucun
doute que Washington est derrière sa
persécution. Et il est également clair
que les USA s’intéressent à Saab, non pas
en raison de crimes présumés, mais parce
qu’il pourrait détenir la clé de la
capacité du Venezuela à contourner les
sanctions unilatérales illégales et
mortelles de Washington. Tout d’abord,
les allégations contre Saab concernent
des détournements présumés de programmes alimentaires et de
logement au Venezuela. Étant donné que les USA sanctionnent le
Venezuela dans le but, entre autres, de saper sa capacité à
maintenir de tels programmes, il est manifestement évident que
Washington n’a aucune inquiétude réelle, de bonne foi, au
sujet d’une personne qui aurait reçu des pots-de-vin de ces
programmes. De plus, en vertu des doctrines judiciaires
américaines établies de courtoisie et de forum non conveniens,
c’est le Venezuela qui, en première instance, a le droit
d’essayer de poursuivre de tels crimes commis dans sa propre
juridiction nationale.
Sanctions contre l’Iran : Les USA ont de vraies raisons
de harceler l’ambassadeur Saab
Bloomberg explique que Alex Saab était en route pour l’Iran
afin de négocier l’échange d’or vénézuélien contre des

fournitures d’essence dont le pays a tant besoin9. En raison
des sanctions américaines, le Venezuela, pays riche en
pétrole, est incapable d’obtenir les produits chimiques et les
fournitures nécessaires pour raffiner son pétrole en essence,
laquelle est nécessaire pour produire de l’électricité et
transporter des marchandises dans tout le pays. En plus de
l’essence, Saab tentait également de négocier l’achat de
nourriture, de médicaments et d’autres fournitures
essentielles qui se sont également raréfiées au Venezuela en
                                   10
raison des sanctions usaméricaines . Comme l’explique Alena
Douhan, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les effets négatifs
des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits
de l’homme :

« Le durcissement des sanctions auquel le pays est confronté
depuis 2015 sape la capacité de l’État à entretenir les
infrastructures et à mettre en œuvre des projets sociaux.
Aujourd’hui, le Venezuela fait face à un manque de machines
nécessaires, de pièces détachées, d’électricité, d’eau, de
carburant, de gaz, de nourriture et de médicaments. Les avoirs
vénézuéliens gelés dans les banques des USA, du Royaume-Uni et
du Portugal s’élèvent à 6 milliards de dollars US. L’achat de
biens et les paiements des entreprises publiques seraient
bloqués ou gelés.

Il a été rapporté que les lignes électriques peuvent
fonctionner à moins de 20% de leur capacité aujourd’hui.

On estime que 90% des ménages sont raccordés au système
national de distribution d’eau. Cependant, de nombreux ménages
signalent des coupures fréquentes en raison des pannes
d’électricité qui affectent les pompes à eau et l’entretien
des infrastructures, et en raison de la pénurie de personnel
d’entretien qualifié »11.

Il semble que l’habileté d’Alex Saab à aider le Venezuela à
contourner ces sanctions – sanctions qui, comme le note Alena
Douhan, sont illégales au regard du droit international – est
la véritable raison de l’intérêt de Washington à le faire

détenir et extrader12.

Comme l’explique le New York Times, alors que les USA ont
porté de vagues accusations de « blanchiment d’argent » contre
Saab, « les partisans de la ligne dure au sein des
Départements de la Justice et de l’État, y compris Elliot
Abrams, l’envoyé spécial du Département d’État pour l’Iran et
le Venezuela », veulent s’assurer du maintien en détention de
Saab au Cap-Vert de peur de « perdre une occasion de punir M.
[Nicolás] Maduro ». Le Times poursuit : « la détention de M.
Saab pendant des mois a privé M. Maduro d’un allié important
et d’un grand pourvoyeur de fonds à un moment où peu de pays
veulent ou peuvent venir en aide au Venezuela. Si M. Saab
coopère avec les autorités usaméricaines, il pourrait aider à
démêler le réseau de soutien économique de M. Maduro et aider
les autorités à porter des accusations contre d’autres alliés
                            13
du gouvernement vénézuélien » .
Et comment les USA ont-ils veillé à ce que le Cap-Vert se
conforme à tout cela ? Ils ont utilisé une approche de la
carotte et du bâton. La carotte est importante : c’est l’aide
américaine au développement économique de la nation insulaire.
En septembre 2020, l’ambassade des USA au Cap-Vert a annoncé
que « le gouvernement américain investirait 1,5 million de
dollars au Cap-Vert afin de soutenir les efforts du pays pour
atténuer la crise économique causée par la pandémie de

COVID-19 »14. Et en juin 2021, l’ambassade a annoncé un plan
pour construire une nouvelle ambassade américaine adjacente au
palais du gouvernement :

« Cette année, le 4 juillet marquera un nouveau chapitre dans
l’histoire de Cap-Vert et des États-Unis lorsque les
représentants des deux pays consacreront 4,5 hectares de
terrain adjacents au palais du gouvernement à Praia comme site
d’une nouvelle ambassade américaine. Ce projet passionnant et
attendu depuis longtemps représente un investissement de plus
de 400 millions de dollars du gouvernement américain dans la
relation bilatérale, dont 100 millions de dollars vont
directement dans l’économie du Cap-Vert, profitant aux
entreprises et entrepreneurs locaux et créant de nombreux

emplois dans le secteur de la construction »15.

Le bâton est le déploiement de la bonne vieille « diplomatie
du canonnier » – un terme inventé par le président Teddy
Roosevelt. Ainsi, comme l’explique le New York Times, les USA
ont ancré le croiseur San Jacinto au large des côtes du Cap-
Vert pour s’assurer que Saab ne s’échappe pas d’une manière ou
d’une autre. Les responsables américains ont affirmé qu’ils
agissaient ainsi en réponse aux « menaces » du Venezuela de
prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les
droits de Saab, la présence du navire de guerre semblait être
calculée autant pour s’assurer que le gouvernement du Cap-Vert
y réfléchisse à deux fois que pour empêcher une tentative de
                                             16
sauvetage par le Venezuela ou son allié l’Iran .

L’affaire d’extradition de M. Saab est actuellement devant la
Cour d’appel des USA pour le 11ème circuit, qui doit décider
si les USA ont un motif valable pour extrader M. Saab en vertu
du droit usaméricain et international. Fait assez révélateur,
le Ministère public américain a reporté à deux reprises
l’audience initiale au cours de laquelle il devait présenter
des preuves et des arguments en faveur de l’extradition. Et il

a demandé un troisième report17.

Les USA ont extrait Saab du Cap-Vert sans l’aval d’un
tribunal
Ainsi, le 16 octobre, les autorités américaines, au lieu
d’attendre que le 11ème circuit décide du bien-fondé de
l’affaire – une affaire qu’elles perdront certainement – ont
kidnappé Saab une deuxième fois, le transportant par avion du
Cap-Vert aux USA sans sanction judiciaire. Ce n’est pas une
coïncidence si cet enlèvement a eu lieu, en outre, à la veille
de l’élection présidentielle au Cap-Vert qui ont porté au
pouvoir un nouveau dirigeant opposé aux mauvais traitements
infligés par Washington à Saab.

Alex Saab est maintenant dans une prison fédérale à Miami. Il
s’agit d’une violation flagrante du droit international et du
droit interne des USA. En outre, cette affaire a déjà eu
d’énormes répercussions internationales, le gouvernement du
Venezuela ayant en réaction suspendu les pourparlers prévus
avec l’opposition.

Les actions des USA et du Cap-Vert contre Alex Saab ont porté
un coup sérieux au droit international et à la sécurité des
diplomates dans le monde entier. Elles créent un dangereux
précédent selon lequel un individu, et en particulier un
diplomate étranger, peut être capturé et détenu sans mandat,
puis « extradé » vers les USA sans traité d’extradition valide
et sans autorisation d’un tribunal américain. Ce type d’action
sape l’État de droit et établit en fait « la règle de la
jungle », dans laquelle des pays puissants comme les USA
peuvent tout simplement ignorer les droits des individus à
obtenir une procédure judiciaire régulière et à être à l’abri
d’une détention arbitraire pour intimider        des   pays   en
développement comme le Venezuela.

source : https://tlaxcala-int.blogspot.com

traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Vous pouvez aussi lire