Haïti : Lutter contre l'érosion " La nourriture doit devenir un bien commun de l'humanité " - Action de Carême
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Le magazine pour « lire et agir » Mai 2/2018 Haïti : Lutter contre l’érosion Page 4 « La nourriture doit devenir un bien commun de l’humanité » Page 6
Editorial 2 Chère lectrice, cher lecteur, Lors d’un déplacement récent dans le nord d’Haïti pour le compte d’Action de Carême, il était flagrant que quelque chose clochait. En saison sèche, il pleuvait à verse, les routes étaient inondées et les rivières débordaient. Une fois de plus, les frasques des changements climatiques ont frappé durement la population et aggravé la faim en Haïti. Heureusement, les dégâts étaient limités pour nos parte- naires qui pratiquent l’agroécologie. Lutte contre l’érosion, CONTENU production en culture mixte et semences adaptées sont INVESTISSEMENTS La BNS et les change- ici les clés de la réussite. Les paysan-ne-s montrent avec ments climatiques Page 6 fierté leurs champs, qu’ils ont su adapter aux aléas du VUE DU SUD climat en contribuant tant à garantir la sécurité alimentaire Combler la période de pénurie par des locale qu’à lutter contre les changements climatiques. fonds de solidarité Page 7 TRANSITION Il est donc étonnant que le monde politique continue à fa- Les Suisses se mobi- lisent pour créer voriser l’industrialisation de l’agriculture dans le monde, le monde de demain nourri à 70 % par la paysannerie familiale, qui apporte par Page 8 ailleurs sa pierre à la lutte contre les changements clima- tiques. Surtout lorsqu’elle pratique l’agroécologie. Impressum : Une publication d’Action de Carême, 2018 Rédactrice en chef : Pascale Schnyder (pst) Rédaction : Colette Kalt (ck), Tiziana Conti (tc), Daniel Tillmanns (dt) Mise en page et réalisation : Crafft Kommunikation, Zurich Travail sur les photos : Schellenberg Druck AG, Pfäffikon (ZH) Impression : imprimerie Kyburz AG, Dielsdorf Tirages : 42125 de /4412 fr Paraît : quatre fois par an Prix : CHF 5.– par donateur/donatrice sont utilisés pour l’abonnement Bernd Nilles, Contact : Action de Carême, actiondecareme@fastenopfer.ch, directeur d’Action de Carême 021 617 88 81 Portrait : Jean-Pierre Grüter Image de couverture : une paysanne haïtienne avec sa chèvre, obtenue grâce à un programme d’aide après l’ouragan Matthew Photo : Paul Jeffrey / ACT Alliance
Agriculture 3 Favoriser la production locale … Ortoloco a adopté les principes de l’agroécologie et de la souve- raineté alimentaire, des concepts essentiels à l’heure actuelle si nous voulons nous affranchir du système alimentaire industriel et de ses répercussions désastreuses sur l’être humain et l’environne- ment. Il s’agit ainsi de viser la création de cycles naturels locaux qui associent le sol, les animaux et les végétaux dans une optique de renforcement mutuel. En outre, la coopérative peut di- minuer sa dépendance envers les énergies fossiles grâce à l’aban- don des engrais chimiques et au rapprochement entre produc- teurs et consommateurs, per- mettant de réduire les distances de transport et de limiter le re- cours aux machines. L’instaura- tion d’une confiance mutuelle, la transmission des connaissances culturales et la valorisation du A la coopérative maraîchère zurichoise « Ortoloco », les membres se mettent à l’ouvrage. travail dans les champs jouent un rôle tout aussi important. … ou le commerce mondial ? Local contre Chaque jour, des quantités consi- « Les veaux sont nécessaires à la dérables de marchandises norma- ferme », explique Tina Siegen- lisées sont transportées en tous thaler de la coopérative maraî- sens à travers le globe. Ce sys- chère Ortoloco, située à Dietikon tème, encouragé par les frais de global (ZH). « Ils viennent de la ferme transport réduits et les accords de biologique Fondli, ils fournissent libre-échange, privilégie le prix du fumier et valorisent l’herbe. » avant tout. Parallèlement, les Sur un hectare et demi, Ortoloco multinationales du secteur agroa- propose une production écolo- limentaire s’assurent un accès gique et diversifiée de plus de 60 aux sols fertiles et à la main- Le système alimentaire dominant à variétés et fait œuvre de pionnière d’œuvre bon marché des pays du l’heure actuelle, fondé sur la production en gommant la frontière entre Sud. Leur devise : produire à bas producteur et consommateur. coût pour vendre à prix d’or. industrielle et le commerce agricole De fait, en plus de souscrire à en- Ce système ne saurait être du- mondial, s’inscrit en opposition avec la viron 200 paniers de légumes, les rable car il détruit les circuits éco- membres d’Ortoloco participent logiques et sociaux. Comme le vision d’une économie circulaire activement au travail dans les montre Ortoloco, d’autres solu- locale et autosuffisante, seule garante champs. Tina Siegenthaler pré- tions existent depuis longtemps cise : « les frais et les risques de et de nouvelles initiatives sont d’un avenir durable sur le plan social l’exploitation sont supportés col- lancées chaque jour. Il revient à et environnemental. lectivement : tout le monde met chacun d’entre nous de les soute- la main à la pâte et récolte le fruit nir afin d’aider à concrétiser la du travail accompli. La ferme vision d’un système alimentaire n’est pas soumise aux exigences durable. — Tina Goethe souvent critiquables du marché, ce qui améliore sa situation so- ciale et environnementale. » Photo : iStock
Haïti 4 5 Lutter contre l’érosion Alors que leurs moyens de subsistance sont déjà limités, les paysans des montagnes haïtiennes doivent faire face à l’érosion. Mais les techniques de protection des sols enseignées par Action de Carême accrois- sent récoltes et revenus. L’agroécologie permet de restaurer la fertilité des sols. En se dirigeant vers Chénot, on Des techniques au profit de la nioc et le bananier, des variétés marché après avoir pourvu aux s’aperçoit déjà à quel point la vie terre et de la population qui servent aussi à l’alimentation besoins de leur famille. Les re- doit y être pénible. La route gou- La plupart des habitants de Ché- de la population ou à l’affourage- cettes obtenues appartiennent dronnée prend fin là où la plaine not vivent de la culture de leurs ment des chèvres. Les arbres, aux femmes, qui acquièrent, ain- de l’Artibonite, dans le nord lopins de terre dont la production plantés entre les cultures, pro- si, une indépendance financière. d’Haïti, fait place à une chaîne de ne cesse de diminuer. En cause : tègent la terre de l’intensité du — Simon Degelo collines escarpées. Bien que l’on les fortes précipitations qui em- soleil et de la violence des vents, puisse remonter une partie de la portent les sols fertiles pendant la améliorent le sol, produisent de côte en taxi-moto, la route de saison des pluies créant de véri- précieux fruits et fournissent du montagne cahoteuse s’arrête, elle tables ravines en plusieurs en- bois destiné à la cuisine et à la Lire et agir aussi, très vite. Le reste du trajet droits. Afin d’enrayer ce phéno- construction. Notre partenaire a s’effectue donc à pied. Après trois heures de marche sur des pistes mène, le partenaire d’Action de Carême forme les paysannes et recouru à des formes de travail collectif existant de longue date Notre action souvent boueuses, on parvient paysans aux techniques agroéco- en Haïti pour la production des Action de Carême aide les enfin à Chénot, siège de l’organi- logiques permettant de lutter plantons et le terrassement des familles paysannes à trouver sation ODTPKA, partenaire d’Ac- contre l’érosion, d’améliorer la champs. et à mettre en œuvre des tion de Carême. Et dire que, pour fertilité des sols et d’accroître les L’ODTPKA propose également solutions face à l’érosion. Votre soutien vendre leurs marchandises au récoltes. Il s’agit d’aménager des une formation en maraîchage marché, les femmes de la région terrasses et de les stabiliser au adressée aux femmes afin de ren- se mettent en marche, lourde- moyen de murs de pierres, de bar- forcer leur place dans cette région Grâce à votre don, les familles ment chargées, au milieu de la rières en paille ou de végétaux. de tradition fortement patriar- paysannes du Sud peuvent nuit, parcourant la totalité du On utilise, pour ce faire, la canne cale. Ainsi, il leur reste encore maintenir leur agriculture chemin à pied ! à sucre, l’herbe à éléphant, le ma- souvent des légumes à vendre au vivrière. CCP 10-15955-7 Photo : Simon Degelo, Action de Carême
Haïti 5 Déforestation en Haïti ATLANTIQUE Malgré le déboisement, l’île d’Haïti perpétue une riche tradition agricole. Action de Carême souhaite faire redécouvrir cet héritage et le valoriser. RÉPUBLIQUE DOMINICAINE Haïti La déforestation d’Haïti a débuté vaient du café et du cacao, des dès la période coloniale. A l’épo- plantes qui se plaisent à l’ombre. que, les essences nobles étaient abattues et expédiées en Europe Mobilisation pour la protection MER DES CARAÏBES pour la confection de meubles. des arbres Ce phénomène s’est encore ac- Depuis quelques décennies, ces Zones des projets céléré en 1804 à la suite de l’in- forêts de conception humaine d’Action de Carême dépendance, le pays ayant un be- commencent, elles aussi, à soin urgent de devises pour rem- disparaître. Le faible prix du bourser ses dettes contractées café et du cacao sur le marché envers la France. L’ancienne puis- mondial au début des années sance coloniale avait, en effet, nonante a incité de nombreuses duire du charbon de bois. Qui 27 750 km² imposé le versement d’importan- familles paysannes à abattre les plus est, les incendies fréquents Surface (CH 41 285) tes indemnités à Haïti pour com- arbres et à arracher les arbris- et les chèvres laissées en libre penser la perte de sa colonie. Les seaux qui poussaient à l’ombre pâture ont détruit les jeunes ar- forêts originelles se réduisirent pour y planter du maïs et des bres. Les nombreux projets de re- 10.711 Mio ainsi comme une peau de cha- haricots. Si ce système a permis boisement lancés en Haïti pour Population (7.957) grin. Toutefois, elles n’ont sou- de bonnes récoltes dans un pre- résoudre un problème aussi gra- vent pas subi un défrichement mier temps, les sols fertiles ont ve que celui de la déforestation 374.4 hab. / km² total car les familles paysannes toutefois été rapidement lessi- n’ont obtenu que des résultats Densité démographique exploitaient les surfaces dé- vés, car les pentes n’étaient plus mitigés. Action de Carême a, dès (197.8) gagées sous la forme d’un systè- protégées de l’érosion. En out- lors, opté pour une approche glo- me agroforestier : en plus de pra- re, en raison de la croissance bale attribuant à la population un 810 USD tiquer l’agriculture, elles plan- démographique et de la grande rôle actif dans la protection des Revenu national brut par taient des arbres fruitiers, pauvreté, de nombreux habi- arbres : les paysannes et paysans habitant (82 430) laissaient des lianes comme les tants n’ont eu d’autre choix que produisent les plantons en com- grenadilles et les ignames pous d’assurer leur subsistance en mun dans des pépinières. Ils dé- ser sur les autres arbres et culti- abattant des arbres pour pro- terminent par eux-mêmes les 48,57 % Taux d’alphabétisation (99,6) endroits où les planter, décidant s’ils préfèrent intégrer les frui- tiers à leurs jardins ou reboiser 7,6 % une partie de leurs terres pour Mortalité infantile (0,43) obtenir une source durable de matériau de construction et de 63 ans combustible. Ils trouvent, ensem- Espérance de vie (83 ans) ble, des solutions pour protéger Les chiffres entre parenthèses se les jeunes arbres des incendies et réfèrent à la Suisse. Source : Fischer Weltalmanach 2015 de la voracité des chèvres. Ces expériences montrent qu’il est non seulement possible de pré- server l’écosystème fragile d’Haï- ti, mais aussi d’améliorer sen- siblement les conditions de vie de ses habitant-e-s. — Simon Degelo Paysage fortement déboisé, caractéristique d’Haïti. Photo : Simon Degelo, Action de Carême
Investissements douteux 6 7 et accélèrent les changements climatiques. L’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes est, elle aussi, prouvée par des études scientifiques et se manifeste très clairement dans les projets au Sud. Par exemple à Tiburon, une région du sud de Haïti, où l’oura- gan Matthew avait ravagé le pays en octobre 2016, rasant les mai- sons et les arbres fruitiers et anéantissant des années de déve- loppement. Il faudra des années à Haïti pour se remettre des conséquences de Matthew. Et les prochains ouragans frapperont l’île à la fin de l’été prochain déjà. Plus les phénomènes météoro- logiques gagnent en intensité, plus la probabilité de voir d’autres communautés détruites à l’ave- nir est grande. Or, il serait pos- La région de Tiburon, au sud de Haïti, a été pratiquement anéantie après le passage de Matthew. sible de prévenir les catastrophes naturelles provoquées par les changements climatiques : désin- La BNS et les chan- vestir des énergies fossiles rédui- rait en effet les émissions de CO2, ce qui serait assurément béné- fique pour la stabilité du climat. Pour cette raison, les organisa- gements climatiques tions de coopération au dévelop- pement Action de Carême et Pain pour le prochain en appellent à la BNS pour qu’elle modifie sa poli- tique de placement. Elle doit opter pour une stratégie de place- « Pas d’investissement dans des entreprises qui causent de manière ment en phase avec la préserva- tion du climat. La BNS peut ap- systématique de graves dommages à l’environnement ». Toutefois, porter sa pierre à l’édifice : elle comme le montre une étude, la BNS enfreint ses propres principes. s’est déjà dotée des directives qui lui permettent de le faire. — Stefan Salzmann En avril 2017, 135 ONG ont en- l’obligent à renoncer à tout place- lions de tonnes de CO2 par année. * www.artisansdelatransition.org voyé une lettre ouverte à la BNS – ment dans des entreprises qui Ce portefeuille, qui représente signée aussi par Action de Ca- causent de manière systématique 9 % de la fortune de la BNS, fait rême et Pain pour le prochain au de graves dommages à l’environ- doubler les émissions de CO2 de sein de l’Alliance climatique –, lui nement ou qui violent massive- la Suisse. » demandant de calculer, puis de ment des droits fondamentaux. Lire et agir réduire si nécessaire, les émis- Comme le montre une étude des Les placements accélèrent les changements climatiques Notre action sions de CO2 générées par son Artisans de la transition*, la réa- portefeuille de placement. Un lité est autre : « Le portefeuille Cette stratégie de placement est mois plus tard, la BNS a répondu d’actions de la BNS d’entreprises indéfendable du point de vue Pain pour le prochain et Action qu’elle devait appliquer une poli- cotées en bourse aux Etats-Unis écologique. Il est en effet prouvé de Carême demandent aux tique monétaire servant l’intérêt est investi à 10,8 % dans l’indus- depuis longtemps que les place- institutions suisses de prendre général du pays. Elle ajoutait que trie fossile, ce qui engendre des ments dans les énergies fossiles leurs responsabilités face ses directives de placement émissions à hauteur de 46,5 mil- accroissent les émissions de CO2 aux changements climatiques. Photo : Simon Degelo, Action de Carême Photo : Simon Degelo, Action de Carême
Vue du Sud 8 7 Mabinta Badji, 33 ans, est médiatrice pédagogique de formation et animatrice à l’Association Sénéga- laise pour un Développement Equitable et Solidaire (ASDES) EN CHIFFRES Combler la période de pénurie par des fonds de solidarité 50 % des habitants du Dans les mois qui précèdent la récolte, de nom- Malheureusement pour elle, le promoteur a Sénégal vivent breuses personnes au Sénégal souffrent de la failli à sa promesse et licencié ses enfants au au-dessous du soudure, la période entre deux récoltes, où la bout de trois mois. Ayant perdu leurs terres qui nourriture et l’eau peuvent venir à manquer. étaient leurs seules ressources, Ndeye Fall et sa seuil de pauvreté. Une étude de l’ASDES a montré que dans la ré- famille ont vécu dans une situation d’extrême 3-6 gion de Kaolack, 85 % de tous les ménages dans pauvreté. Grâce aux calebasses de solidarité, les zones rurales et 75 % en ville ont à peine as- elles peuvent à nouveau subvenir à leurs be- sez de nourriture pendant la soudure. C’est soins. L’accaparement des terres est un gros pourquoi nous avons défini, problème au Sénégal. De vastes dans notre programme 2013, étendues de terres sont mena- des mesures visant à aider les « De vastes étendues cées par ce phénomène. En col- mois par an, personnes touchées à surmon- de terres au Sénégal laboration avec Action de Ca- la population ter ces périodes et à les protéger rême, ASDES a commis un de l’endettement. Après l’instal- sont menacées avocat pour défendre les popu- souffre de lation des calebasses de solida- par l’accaparement lations d’Ourour afin de leur la soudure, la rité et des champs collectifs, permettre de récupérer leurs des terres. » période de nous avons constaté une nette terres. Actuellement, l’affaire amélioration des conditions de Mabinta Badji est portée au tribunal et nous at- pénurie. vie des membres grâce aux prin- tendons un jugement imminent. 10 % cipes de la solidarité. Les familles des membres Même si nous n’avons pas encore gagné, nous des calebasses ont un accès facile à un crédit constatons, non sans fierté, que la capacité de solidaire, à des champs collectifs et à des achats résistance de la population rurale d’Ourour, au- groupés pour résoudre les problèmes de santé, trefois très vulnérable, ne cesse d’augmenter au de nourriture et d’éducation de leurs enfants. bénéfice de sa sécurité alimentaire. ASDES a Ndeye Fall, âgée de 64 ans et mère de cinq gar- défendu les populations victimes de deux ma- de la population çons et de trois filles, a adhéré à la calebasse du nières, d’abord, par une marche suivie d’une village d’Ourour en 2013 car elle avait de sé- pétition remise aux autorités locales puis, par est considérée rieuses difficultés pour couvrir les trois repas des émissions de radio organisées dans des sta- comme sous- quotidiens et régler les problèmes de santé et tions à envergure départementale et nationale. d’éducation de ses enfants. Devenue veuve en Toujours avec l’appui d’Action de Carême, alimentée. 2007, Ndeye Fall a été contrainte de vendre ASDES a aidé à la mise en place d’un comité de toutes les terres laissées par son mari comme lutte et de veille ainsi qu’à la tenue d’ateliers de héritage pour ses enfants, encore mineurs, à un formation sur la gouvernance foncière et de investisseur italien qui prétendait produire des séances tournantes de théâtre-forum dans les agrocarburants à partir de la culture du jatro- marchés hebdomadaires. Ces activités de plai- pha. Le promoteur avait promis de recruter ses doyer ont abouti à une meilleure prise de enfants comme ouvriers agricoles dans le pro- conscience pour une implication des paysans jet pour une rémunération mensuelle par per- dans la gestion foncière de leurs terroirs. sonne de 75 000 francs CFA (134 francs suisses). Photo : Colette Kalt, Action de Carême Photo : Colette Kalt, Action de Carême
Actualité 8 9 CAMPAGNE ŒCUMÉNIQUE 2 018 ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE Succès dans la Les Suisses se mobilisent pour lutte contre l’huile créer le monde de demain de palme Fin février, le Conseil national a adopté à une large majorité une motion demandant Sœur Cécile Renouard constate l’exclusion de l’huile de palme que la compétition entre les en- du projet d’accord de libre- treprises les emprisonne – ainsi échange avec la Malaisie. que les Etats – dans la logique de L’Etat de l’Asie du Sud-Est maximisation du profit. Dans ce fournit environ la moitié de contexte, les enjeux sociaux et l’huile de palme consommée environnementaux n’ont pas leur en Suisse, dont la production place alors qu’ils devraient être entraîne régulièrement la intégrés en amont, au démarrage destruction des forêts tropi- de toutes activités économiques cales et le vol de terres. En ou choix politiques. collaboration avec la coalition suisse pour l’huile de palme, Le partage des expériences, Pain pour le prochain fait un autre atout de la transition campagne depuis longtemps Lors des soirées « Projection- contre les accords de libre- débat » qui ont eu lieu dans tous échange pour l’huile de palme. les cantons romands et la soirée « Bienne en transition » du Olivier de Schutter, conférencier lors de la journée sous le signe de la 6 mars, les participants ont pu transition le 22 février 2018 à Berne. découvrir des acteurs régionaux MAX HAVELAAR de la transition. Des femmes et des hommes qui font le choix de Nouveau label Les événements organisés par pour, ensemble, parvenir à ré- la proximité, du partage, des équitable Pain pour le prochain, Action de duire les inégalités et accroître la relations humaines, de l’artisa- Carême et différents coorganisa- justice sociale. nat, du respect, de l’équité, de Jusqu’ici, on teurs dans tous les cantons ro- l’entraide, de l’intelligence col- ne pouvait mands ainsi qu’à Berne et Bienne Face à l’échec des politiques lective ou encore de la bonne acheter de roses ont rencontré un succès qui en et de l’économie, les gens gouvernance pour se construire du commerce dit long sur la quête d’un monde prennent leur destin en main et développer leur entreprise équitable qu’à la meilleur. Pour Olivier de Schutter, profes- dans un modèle qui respecte la pièce ou en bouquet, mais « Vous êtes les pionniers, les lea- seur de droit international et in- vie plutôt qu’il ne la détruit. pas dans un bouquet combi- ders de demain » lance Satish tervenant lors de cette journée, il En l’espace de six semaines, nant roses équitables et fleurs Kumar aux centaines de per- s’agit d’arriver à des sociétés plus Action de Carême et Pain pour le locales. Ce problème est réglé sonnes venues assister à notre pauvres en émissions de car- prochain ont permis à plus d’un avec le lancement du nouveau conférence du 22 février à Berne. bone, mais plus riches en liens millier de Romandes et de Ro- label blanc de Max Havelaar, Enthousiaste et débordant de vi- sociaux, plus inclusives et plus mands de découvrir le mouve- qui signale la présence de talité, l’octogénaire écrivain, pro- résilientes. Lui aussi estime que ment de la transition et sa vision pratiquement tout ingrédient fesseur, activiste politique et éco- la transformation individuelle d’une société plus juste et plus issu d’une filière équitable. logique ainsi que pionnier du conduit à une volonté collective résiliente. Les deux œuvres sont Cette nouvelle marque fait mouvement de la transition, rap- propice au changement de cap enchantées de l’intérêt et des am- coup double : davantage de pelait que nous existons dans pour notre société. Les gens ne bitions grandissants de ces ci- ventes pour les petits produc- notre relation avec les autres et veulent plus attendre des solu- toyennes et citoyens qui aspirent teurs et davantage de choix qu’il est nécessaire d’exercer tions qui viennent de l’extérieur. à un nouveau paradigme. et de transparence pour les d’abord la transition en soi, de Ils ont pris conscience qu’ils — Daniel Tillmanns consommateurs. Comme manière individuelle et spiri- peuvent exercer un pouvoir sur son prédécesseur noir bien tuelle, pour se libérer de l’escla- leur propre vie et, collectivement, connu, le label blanc est vage du travail, de l’argent et de sur le monde. complété par une flèche qui la standardisation. Ce chemin Autre intervenante et ensei- renvoie au dos de l’emballage personnel pose les bases solides gnante au Centre Sèvre à Paris, pour plus d’informations. Photo : Patrick Kummer, Pain pour le prochain Photo : Patrick Kummer, Pain pour le prochain
Rétrospectives 9 des dix ruches dans lesquelles un ALIMATA TRAORÉ acteur de la transition de Bienne et environs raconte son initiative. La voix des femmes En butinant, on découvre Anja et maliennes ses jardins partagés permettant Après deux semaines passées aux gens de renouer avec la terre, en Suisse romande, notre de manger leur production bio hôte de campagne, Alimata logique et de recréer le lien social Traoré, présidente de l’orga si souvent perdu dans nos villes. nisation COFERSA (Conver Bernard, quant à lui, explique le gence des Femmes Rurales chemin parcouru par Pain pour le pour la Souveraineté Alimen prochain depuis que l’ONG a taire), est repartie au Mali adopté la gouvernance partagée, avec le souvenir de riches une nouvelle forme d’organisa rencontres ainsi que de belles tion. Stefan raconte l’aventure de idées inspirantes pour la l’association TerreVision qui ap continuité de son projet. Un Les organisateurs de la soirée ne s’attendaient pas à une telle affluence. provisionne Bienne, chaque se grand merci aux 250 per maine, en légumes, en fruits et en sonnes venant de tous les hori BIENNE EN TRANSITION aliments divers de première fraî zons qui ont participé aux cheur issus de l’agriculture bio Des ruches où foisonnent logique et régionale. quatre soirées (Bex, Alle, Fribourg, Sion) organisées en présence d’Alimata et les initiatives de transition De l’imaginaire à l’action Un exercice de visualisation ra mène les convives en plénière. Il d’acteurs locaux. s’agit d’imaginer à quoi Bienne JUIN A NOVEMBRE 2018 Près de 160 personnes se sont dé de durabilité transparaissaient pourrait ressembler dans un fu placées le 6 mars pour découvrir dans les nombreux témoignages. tur où la transition aurait été réa Petite école pour ou partager les initiatives qui foi La soirée a débuté par un exer lisée. Les idées sont couchées sur la Terre sonnent dans la région. La proxi cice de « mapping » qui consiste à papier puis, en cercle, on clôture mité, le partage, les relations hu faire se déplacer les participantes la soirée. Chacun est invité à de Un parcours de cinq jours maines, l’artisanat, le respect, et les participants dans la salle mander à son voisin : « Et toi, sur plusieurs mois pour l’équité, l’entraide, l’intelligence pour entrer en contact avec des quel est ton prochain pas ? » acquérir des connaissances collective ou encore la bonne inconnus. Ensuite, chacune et — Daniel Tillmanns et des outils dans divers gouvernance, toutes ces notions chacun était invité à choisir l’une domaines de l’écospiritualité et de l’écologie. Vivre une démarche intérieure et pra tique pour tisser en profon deur notre lien à la Terre et à DÉBAT AU CLUB 4 4 permet de mettre au centre des sa Source divine : s’enraciner priorités le respect de l’être hu dans l’émerveillement et La bienveillance au main et de l’environnement. « J’ai voulu prouver qu’il n’y a pas la gratitude, honorer notre douleur pour le monde en secours de l’économie un marché mais une communau té de personnes qui peut com prendre, partager nos valeurs et souffrance, changer de vision et nous engager à partir de notre désir profond. nous accompagner dans une Cette formation se déroulera Le 15 mars, un panel de trois tôt que sur la seule recherche de quête citoyenne », confie Sophia à CrêtBérard, Puidoux, femmes a animé le Club 44 à profit, Sofia de Meyer, fondatrice de Meyer. Avec 2000 points de entre juin et novembre 2018. La ChauxdeFonds pour ex de la marque de jus de fruits Opa vente rien qu’en Suisse et aucun Inscriptions jusqu’au 29 mai plorer comment nous pouvons line, est revenue sur l’histoire et congé maladie pour les 9 collabo sur www.ppp.ch/transition « Construire aujourd’hui notre le succès de son entreprise : « La rateurs d’Opaline, son défi est économie de demain ». Après une clé de la transition économique largement relevé ! — Tiziana Conti introduction à l’économie sociale réside dans le rééquilibrage entre et solidaire (ESS), qui met l’ac profitabilité et bienveillance au cent sur une gouvernance démo sein des entreprises. » Un modèle cratique et sur le primat de l’épa de gouvernance circulaire, par nouissement des personnes plu opposition au modèle pyramidal, Photo : Andreas Bachmann
A vous de jouer ! 10 S’ENGAGER AVEC NOUS Votre huile de cuis- Des films pour réfléchir son est-elle durable ? et repenser le monde Nos aliments ne sont pas toujours aussi Dans le centre de rencontre bon- dé de Schenkon (Lucerne), Lotti durables que nous l’imaginons. Testez vos et Josef Stöckli présentent leur connaissances sur les huiles de cuisson vingtième film intitulé « Saatgut– les plus utilisées. Freiheit für die Vielfalt » (traduc- tion : « Semences – la liberté en faveur de la variété »). Lors de l’introduction, on sent Josef Stöckli animé par la passion de Quelle huile de cuisson raconter des histoires et de bâtir utilisez-vous ? des ponts entre des réalités fort éloignées. A. Huile d’olive « La première d’un film est tou- B. Huile d’arachide jours une espèce de Big Bang : C. Huile de tournesol nous présentons l’aboutissement D. Huile de colza d’une longue démarche à un vaste public. Ensuite, viendront Là où d’autres regardent ailleurs, les tournées dans les paroisses, Lotti et Josef Stöckli regardent de plus près. les collèges et les centres d’édu- cation pour adultes ». Et Lotti Combien de kilomètres Stöckli de renchérir : « Nous « Nous souhaitons montrer à tra- constatons que le public aime ces vers nos films les problèmes éco- parcourt votre huile ? projections car, contrairement à logiques et sociaux que provoque A. 10 – 99 km ce qui passe au cinéma ou à la té- notre mode de consommation. B. 100 – 999 km lévision, les réalisateurs sont pré- Nous voulons ainsi inviter les C. 1000 km ou plus sents et peuvent témoigner des gens à réfléchir et à changer de émotions et du vécu qui sous- mentalité », expliquent les tendent les images. » Stöckli. L’idée de ce vingtième La passion des Stöckli pour le ci- film est née lors du tournage de néma est née durant le séjour de leur documentaire sur le soja : dix ans qu’ils ont réalisé à Santia- « La question des semences était Quel type de production ? go du Chili et à Rio de Janeiro. omniprésente, qu’il s’agisse de « Durant ces années, nous avons variétés hybrides, transgéniques A. Industrielle été comblés par l’hospitalité et ou biologiques. Quand nous B. Agriculture traditionnelle par l’affection des gens mais, avons appris que les petits pay- C. Equitable nous avons aussi pu découvrir la sans colombiens qui cultivaient D. Biologique réalité des classes défavorisées leurs aliments avec leurs propres E. Biologique et équitable avec leurs soucis et leur détresse. semences étaient poursuivis, Notre engagement est une façon nous avons voulu y regarder de de rendre un peu de ce que nous plus près. » Le résultat : un film avons reçu ». C’est un documen- saisissant, aux connotations très des plantes oléagineuses les plus importantes au monde. taire réalisé à la suite d’un séjour personnelles, qui nous interpelle. de deux semaines chez les seulement si le label Suisse Garantie est apposé sur l’emballage. Le colza est l’une Huile de colza : elle est produite en Suisse et conformément aux exigences — Matthias Dörnenburg est souvent produite par de petits agriculteurs. Mapuches, des indigènes du sud L’huile de tournesol : 52 % provient d’Ouganda, de Tanzanie ou du Mozambique et du Chili, qui a enflammé leur pas- Pour obtenir des DVD ou de femmes dans de petites coopératives qui la produisent. Huile d’arachide : 76 % provient du Sénégal. Ce sont majoritairement des groupes sion. A l’époque, ce film avait fait des infos sur les projections : déclarer si l’huile provient d’un pays de l’UE ou d’un pays tiers. des vagues car le destin de cette stockli@gmx.ch principalement produite industriellement. Selon la réglementation de l’UE, il suffit de ethnie était frappé d’un tabou au Chili. Huile d’olive : provient d’Espagne, d’Italie, de Grèce et de Tunisie. Elle est Solutions : Illustration : iStock. Photo : mise à disposition
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