Démocratiser la production d'énergie Le commerce équi-table sert-il une véritable transition économique ? - Voir et agir
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Le magazine pour « lire et agir » Décembre 4/2018 Démocratiser la production d’énergie Page 4 Le commerce équi- table sert-il une véritable transition économique ? Page 5
Éditorial 2 Chère lectrice, cher lecteur, Nous ne savons pas si c’est votre cas, mais nous, nous avons éprouvé des sentiments contradictoires cet été. La joie de contempler, chaque jour, un lever de soleil radieux a, en effet, été tempérée par les images préoccu- pantes des rivières à sec et des plantes desséchées. Voilà longtemps que Pain pour le prochain et Action de Carême militent pour combattre le réchauffement et instaurer la justice climatique. Nous nous opposons ainsi CONTENU à l’industrialisation de l’agriculture et demandons aux PROTECTION DU CLIMAT banques et caisses de pension suisses de ne plus financer La société civile donne de l’espoir de projets qui altèrent l’équilibre climatique. Page 3 INDONÉSIE Préservation de De surcroît, nous veillons à ce que les personnes du Sud, l’environnement et protection du climat, qui souffrent des conséquences du réchauffement, même combat Page 6 puissent faire entendre leur voix et à ce que la Suisse KENYA tienne son engagement de les aider à s’y adapter. À titre Revenir aux jardins-forêts individuel, nous pouvons opter pour ne pas prendre l’avion Page 7 et pour consommer ou nous chauffer raisonnablement. La préservation du climat, c’est l’affaire de tous et toutes. Impressum : Une publication de Pain pour le prochain et Action de Carême, 2018 Rédactrice en chef : Pascale Schnyder (pst) Rédaction : Colette Kalt (ck), Tiziana Conti (tc), D aniel Tillmanns (dt) Mise en page et réalisation : Crafft Kommunikation, Zürich Travail sur les photos : Schellenberg Druck AG, Pfäffikon Impression : Druckerei Kyburz AG, Dielsdorf Tirages : 6300 de / 1300 fr Bernd Nilles, Paraît : quatre fois par an Prix : CHF 5.– par donateur/donatrice directeur d’Action de Carême sont utilisés pour l’abonnement Contacts : Pain pour le prochain, Bernard DuPasquier, ppp@bfa-ppp.ch, 021 614 77 17 Action de Carême, actiondecareme directeur de Pain pour le prochain @fastenopfer.ch, 021 617 88 81 Photos : Jean-Pierre Grüter / Patrik Kummer Image de couverture : des Malgaches de l’ethnie Sakalava se déplacent sur une charrette à zébus. Photo : iStock
Protection du climat 3 prochain et Action de Carême y participent à travers l’Alliance climatique. Cette campagne a pour but d’amener les banques (y compris les banques cen- trales), les caisses de pension et les entreprises à désinvestir leurs placements dans l’industrie fos- sile afin de mettre un terme à l’extraction du charbon, du gaz et du pétrole. Cette revendication est d’autant plus légitime que les caisses de pension et la Banque nationale injectent des milliards dans ce secteur. L’Alliance clima- tique soutient donc l’initiative parlementaire demandant la ré- vision de la loi sur la Banque nationale. Il convient, en effet, que cette dernière ne se limite plus à défendre les intérêts éco- nomiques de la Suisse, mais res- pecte aussi le principe de déve- loppement durable inscrit dans Les Aînées pour la protection du climat saisissent la justice et exigent que l’État remplisse son devoir de protection. la Constitution. www.alliance-climatique.ch Le changement se Action en justice Le 25 octobre 2016, l’association des Aînées pour la protection du climat a présenté la première ac- tion en justice pour le climat de construit par le bas Suisse. Elle l’a ensuite remise au Département fédéral de l’envi- ronnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Cette requête se fonde sur le fait que les efforts consen- Si les pouvoirs publics ne font guère avancer la politique climatique tis par la Confédération pour lut- officielle, la société civile a lancé différentes initiatives porteuses d’espoir. ter contre les changements cli- matiques sont insuffisants. Les Aînées pour la protection du cli- mat font valoir que la montée des Voilà longtemps que nous ce projet se trouve l’Association supprimer toutes les émissions températures et les vagues de connais sons les répercussions suisse pour la protection du cli- de CO2 d’origine humaine et chaleur portent gravement at- du réchauffement climatique et mat. Le lancement de la récolte abandonner les combustibles teinte aux droits fondamentaux les mesures qui permettraient de de signatures est prévu pour le fossiles. Marcel Hänggi a mis en de l’ensemble des citoyens, et le contrer. Or, en Suisse, les printemps 2019. « Nous avons route l’initiative après avoir per- plus particulièrement des per- élu∙e∙s ne semblent pas se déci- pour but d’inscrire dans la loi les du toute confiance dans la voie sonnes âgées, dont la vie est mise der à passer à l’action. Comment engagements internationaux pris parlementaire. en danger. Toutefois, le DETEC a amorcer le changement en l’ab- par la Suisse lors de la signature www.protection-climat.ch estimé qu’elles n’avaient pas sence de volonté politique ? Trois de l’accord de Paris », explique qualité pour agir et l’association initiatives montrent la voie. Marcel Hänggi, promoteur de Le désinvestissement a décidé de porter l’affaire de- l’initiative, journaliste environ- Également fondée sur l’accord de vant le Tribunal administratif L’initiative pour les glaciers nemental et auteur de plusieurs Paris, la campagne de désinves- fédéral. www.ainees-climat.ch L’initiative pour les glaciers vise à livres sur la protection du climat. tissement se déroule, quant à — Pascale Schnyder atteindre la neutralité carbone en La réalisation de cet objectif se- elle, tant à l’échelle nationale Suisse d’ici 2050. À l’origine de rait d’une simplicité désarmante : qu’internationale. Pain pour le Photo : Martin Bichsel
Entretien avec Pablo Solón 4 « La production d’énergie doit être rendue aux citoyens » Pour que la société mondiale survive, un changement fondamental s’impose. Il existe déjà de nombreuses visions du monde, dit Pablo Solón, coauteur du livre récemment publié « Le monde qui émerge », mais elles doivent apprendre les unes des autres. Vous avez coécrit l’ouvrage Pablo Solón est souvent participé à ces manifes- un militant écologiste « Le monde qui émerge : les et social bolivien, tations et je suis convaincu alternatives qui peuvent tout directeur de la qu’elles ne nous aideront pas à changer ». Sur quoi ce livre fondation qui atteindre notre but. De fait, porte-t-il ? porte son nom. Il a les mesures négociées à ces coordonné le La société mondiale traverse mouvement bolivien occasions ne sont pas assez am- une crise systémique, comme contre la Zone de bitieuses, car les délégations le dénotent le réchauffement libre-échange des s’activent davantage pour créer Amériques et a climatique, les profondes occupé la fonction de nouveaux marchés pour leurs inégalités sociales et les crises d’ambassadeur entreprises. Malgré tout, les environnementales. C’est de Bolivie auprès des COP bénéficient d’une large cou- Nations Unies. pourquoi un changement de verture médiatique et per- paradigme s’impose. Par chance, mettent donc aussi de diffuser il existe déjà de nombreuses nos idées. — Propos recueillis autres visions du monde, telles par David Knecht que la décroissance, le buen vivir et l’écoféminisme, pour n’en citer que quelques-unes. Notre livre vise à souligner la complé- mentarité de ces différentes comme le centre du monde, être produite par des multinatio- visions. Il montre que chacune tant que nous ne battrons pas nales aspirant uniquement à la d’entre elles possède ses forces en brèche les structures maximisation de leurs bénéfices, et ses faiblesses et peut donc patriarcales, notre obsession nous n’atteindrons pas notre s’enrichir des autres. de croissance et la concentration objectif. Ce n’est qu’une fois que du pouvoir entre les mains la production d’énergie sera Quel objectif votre livre de quelques privilégié∙e∙s. rendue aux citoyens, que poursuit-il ? l’électricité sera produite au sein Ce livre a pour but d’ouvrir la Comment peut-on agir à son de coopératives, que produc- porte au dialogue en invitant les niveau ? teurs et consommateurs ne représentant∙e∙s des différents Prenons l’exemple de la produc- feront plus qu’un et que nous mouvements à se livrer à une tion d’énergie. Tout le monde nous interrogerons sur l’utilité remise en question critique et consomme de l’énergie et de notre consommation, que à échanger avec les autres chacun∙e s’accordera probable- nous parviendrons à un change- courants. Il entend renforcer ment à dire qu’il convient de ment de paradigme dans le la compréhension mutuelle et promouvoir les énergies renou- secteur de l’énergie. contribuer à l’unification des velables comme l’hydroélec- mouvements altermondialistes. trique, le solaire et l’éolien. Il Les événements tels que la Néanmoins, tout changement s’agit d’un premier pas, mais pas conférence annuelle sur le de paradigme sera impossible encore d’un changement de climat (COP) sont-ils utiles ? tant que nous n’aurons pas paradigme. En effet, tant que Ayant occupé la fonction arrêté de nous considérer notre électricité continuera à d’ambassadeur de Bolivie, j’ai Photo : mise à disposition
Commerce équitable 5 confère aux personnes qui s’oc- cupent de la production. Vrai label ou « greenwashing » ? Toutefois, le succès apporte aus- si son lot de nouveaux pro- blèmes : des imitations, des la- bels « au rabais » ainsi que de nouveaux acteurs, comme des entreprises informatiques, ont fait irruption dans le marché équitable. Il s’est aussi avéré que l’on ne peut pas simplement « la- belliser » les produits complexes. En effet, il est impossible, pour les longues chaînes d’appro visionnement, de garantir que chaque maillon est irréprochable. Max Havelaar a alors élargi son champ d’action à la certification des matières premières. D’autres initiatives, comme la Fair Wear En 1970, commerce équitable rimait avec bananes labellisées. Aujourd’hui, les produits équitables Foundation dans le secteur tex- remplissent nos paniers. tile, se sont employées à amélio- rer les processus des chaînes lo- Bien plus que des gistiques. Le succès de ces initiatives a, lui aussi, amené de nombreuses en- treprises à créer leurs propres bananes équitables labels, moins chers et à l’abri du contrôle de la société civile. Résultat : les consommateurs et consommatrices ont toujours plus de peine à se retrouver dans la C’est un fait : le commerce équitable est devenu plus complexe, la jungle des labels et à y distinguer concurrence plus acharnée et les enjeux plus variés. La question demeure les vrais certificats des initiatives de marketing vert. toutefois : œuvre-t-il à une réelle transformation de l’économie ? Révolution ou réforme ? La question énoncée en début Au début, le commerce équitable des Magasins du monde et à la concernant la production. En d’article, à savoir si le commerce était facile à comprendre : les coopérative d’achats OS3 (deve- 2016, il comptait 1,66 million de équitable transforme réellement producteurs de bananes étaient nue claro). fournisseurs qui ont reçu plus de l’économie, reste posée. Contrai- exploités et les tiers-mondistes Les Magasins du monde n’ont 150 millions de dollars de primes. rement aux pionnières et pion- voulaient y remédier. Les pre- guère tardé à se rendre compte Dans les pays du Nord, les priori- niers du commerce équitable, le mières initiatives ont ainsi surgi que leur marché n’était qu’un pe- tés de Max Havelaar sont la sen- modèle de Max Havelaar n’a ja- dans les années 1970 et 1980 tit créneau. Les grandes organi- sibilisation et le rapprochement mais eu cette transformation comme un outil pour lutter contre sations de développement, et no- de l’offre et de la demande. pour objectif. En conséquence, la l’exploitation et se solidariser tamment Pain pour le prochain, En Suisse, Max Havelaar va de réponse à apporter à cette ques- avec les producteurs et produc- ont constitué il y a 26 ans la fon- succès en succès : l’année pas- tion dépend de la perspective : trices et les systèmes politiques dation Max Havelaar, dans le but sée, les ventes de produits labelli- elle sera positive si, par transfor- favorables à leurs intérêts. L’idée d’introduire le commerce équi- sés se sont élevées à 700 millions mation, on entend aussi des ré- à la base de ce mouvement était table dans la grande distribution. de francs, une hausse de plus de formes du système actuel et né- que la consommation respon- Ce modèle de certification garan- 11,6 % en un an. Il est intéressant gative si l’enjeu est la refonte du sable pouvait transformer la so- tissait des prix plus élevés aux de noter que l’effet le plus appré- système économique. ciété et le système économique. agriculteurs et agricultrices, une cié dans les pays du Sud n’est pas — Miges Baumann Ces initiatives ont rapidement prime pour leurs coopératives le prix plus élevé ou la prime, donné naissance au mouvement et associations et des conseils mais l’autonomie que le système Photo : Max Havelaar
Indonésie 6 Environnement et pas été vain. À l’automne dernier, la Cour suprême d’Indonésie a fait droit à une action engagée par Walhi portant sur des feux de climat vont de pair forêt dévastateurs. Le gouverne- ment du pays, en particulier le président et le ministre de l’Agri- culture, a été reconnu coupable de ne pas avoir adopté des me- sures suffisantes pour lutter En Indonésie, le réseau écologiste Walhi œuvre pour préserver l’environne- contre ce fléau. Un constat de ment et, en particulier, les forêts tropicales du pays qui assurent la subsis- Walhi donne particulièrement matière à réflexion : de nombreux tance de la population et jouent un rôle pivot dans la protection du climat. incendies se sont déclarés sur les concessions où se trouvent des palmeraies industrielles. Ceci porte à croire que les grandes en- pulation, accomplissant par là un treprises ont déclenché volontai- travail inestimable. rement ces feux de forêt pour pouvoir ensuite tirer des béné- Une action à tous les niveaux fices des terres dévastées. Alliée de longue date de Walhi Walhi et Pain pour le prochain dans la lutte contre les palme- veulent mettre les coupables du raies, Pain pour prochain cofi- réchauffement planétaire face à nance désormais également le leurs responsabilités, soutenir les programme pour le climat de victimes de la dégradation clima- l’organisation depuis septembre tique et écologique et trouver des 2018. En effet, il est primordial solutions pour mieux préserver le pour chacun∙e d’entre nous de climat. À cette fin, ils unissent préserver ces forêts qui repré- leurs forces pour militer au sein sentent d’importants puits de de grandes alliances disposant carbone et accueillent une d’un poids politique. Ensemble, grande biodiversité. « Il est grand ils défendent leurs idées lors des temps que les responsables poli- conférences sur le climat et tiques et les dirigeant∙e∙s des mènent des campagnes de sensi- multinationales assument leurs bilisation en Suisse et en Indoné- responsabilités et passent aux sie sur la situation des victimes. actes », déclare Yuyun Harmono, — Julia Jawtusch chargé de programme pour le cli- mat au sein de Walhi. Cette an- née, il a lutté avec d’autres mili- tant∙e∙s de Walhi contre les En Indonésie, l’industrie de l’huile de palme est la principale cause de investissements publics dans les dégradation de l’environnement. mines de charbon. Depuis sep- tembre 2018, le réseau combat La nature indonésienne est spec- ou encore plantations de pal- également un immense projet de taculaire : aucune autre forêt miers à huile. Walhi, le réseau de barrage visant à alimenter une Lire et agir tropicale sur terre n’accueille une défense de l’environnement et centrale hydroélectrique à Su- telle biodiversité. Les îles de des droits humains le plus impor- matra-Nord. « Le barrage met en Notre action Kalimantan (Bornéo) et de Su- tant et le plus ancien du pays, péril les moyens de subsistance Pain pour le prochain soutient matra abritent ainsi les derniers lutte contre ces pratiques depuis de la population locale et des Walhi dans son engagement orangs-outangs. Néanmoins, au plusieurs années. Dans le cadre orangs-outangs », explique Dana contre la destruction de lieu de défendre ce trésor natu- de campagnes, d’actions en jus- Prima Tarigan, directrice du bu- l’environnement. Votre soutien rel, le gouvernement et les multi- tice, de conférences et d’actions reau de Walhi dans la province. nationales sacrifient l’environne- de terrain courageuses, il œuvre ment sur l’autel du profit facile : sans relâche pour sauvegarder la Des résultats qui confortent Soutenez par un don notre construction de centrales au nature indonésienne, et donc les Walhi dans son action combat pour une justice charbon, installation de barrages moyens de subsistance de la po- Une fois de plus, le combat n’aura climatique. CCP 10-26487-1 Photo : Pain pour le prochain
Kenya 7 Au Kenya, les paysan∙ne∙s pra- raient dans leur ombre protec- tiquent surtout les monocultures, trice. Elles ont alors repiqué des très gourmandes en produits plantons et semé des graines. chimiques, comme le maïs ou la Pour les femmes de Makueni, tomate, et le savoir agricole tradi- l’autosuffisance alimentaire re- tionnel s’est perdu. Le climat présente une grande avancée sur étant chaud et sec, les précipita- la voie de l’autonomisation et tions sont faibles et les villages leur a apporté une sécurité n’ont généralement pas d’eau jusqu’ici hors de leur portée. courante. Les femmes doivent Aujourd’hui, à peine un an plus donc parcourir de longues dis- tard, une grande diversité tances pour s’approvisionner. d’arbres, de fruits et de légumes Quant aux hommes, ils sont nom- prospèrent dans les jardins- breux à s’installer dans les villes forêts. Les femmes récoltent environnantes en quête de travail ainsi des agrumes, des mangues, ou à quitter leur village à l’aube des goyaves, de l’amarante, du pour ne revenir qu’en fin de soi- manioc, des piments, des patates rée des champs où ils cultivent douces et des courges. Elles ga- des tomates à grand renfort de rantissent une alimentation saine pesticides afin d’assurer la sub- à leurs enfants et peuvent même sistance de leurs familles. Ils vendre les excédents au village, laissent derrière eux leurs ce qui leur procure un revenu épouses qui, non seulement s’oc- d’appoint. Ce succès leur a donné cupent des enfants, du ménage et des ailes et elles projettent déjà de Les femmes de Makueni ont créé des groupes de solidarité de la petite ferme familiale, mais créer d’autres jardins, d’expéri- pour s’entraider et renforcer leur efficacité. doivent aussi fréquemment ré- menter de nouvelles variétés de gler les frais d’écolage, alors que légumes et de continuer à amé- Revenir aux parfois elles ne possèdent pas liorer leurs techniques. Ce n’est l’argent nécessaire. guère étonnant si les femmes du Toutefois, des progrès sont enre- groupe de solidarité de Makueni gistrés depuis 2017, grâce aux voient l’avenir avec enthou- jardins-forêts créés principale- siasme : « La prochaine étape jardins-forêts ment par les femmes de Makue- consistera à faire participer nos ni. Elles prennent pour modèle maris : plus nous serons nom- des techniques de culture diver- breux à semer et à cultiver, plus sifiées et éprouvées – tradition- nous récolterons, et tout le nelles ou modernes, issues de monde en profitera ! » différentes cultures – et les uti- — Colette Kalt Le réchauffement climatique contraint les lisent après les avoir adaptées aux particularités locales. habitant∙e∙s des pays du Sud à remettre d’anciennes techniques au goût du jour. Depuis Respecter la nature Pour créer les jardins-forêts, les l’année dernière, les femmes du comté de femmes ont dû préparer le sol et Lire et agir Makueni cultivent fruits et légumes à l’ombre l’amender avec du compost, car des arbres pour subvenir aux besoins de celui-ci avait été compacté et ap- Notre action pauvri par les monocultures. Action de Carême s’engage pour leurs familles. Histoire d’une réussite. Avant tout, elles ont expérimenté que les femmes s’approprient différentes variétés d’arbres afin les méthodes agroécologiques. de déterminer quelles essences supporteraient l’exposition en Votre soutien plein soleil et apporteraient, par Votre don aide les femmes au leurs racines, des nutriments aux Kenya à construire un futur. autres plantes qui s’épanoui- CCP 10-15955-7 Photo : Benno Steffen
Vue du Sud 8 Diary Ambinitsoa Ratsimanarihaja Coordinatrice Agroécologie et changement climatique au sein de l’association malgache Tsinjo Aina. EN CHIFFRES Cap sur la sécurité alimentaire et le désendettement 230 000 personnes font L’organisation Tsinjo Aina, dont le nom signifie chimiques. Nous avons conscience que la réus- « sauver des vies », a pour objectif premier site d’un programme de développement repose partie de groupes d’améliorer les conditions d’existence de la po- avant tout sur la prise en compte des besoins d’épargne pulation de Madagascar en les aidant à sortir de des bénéficiaires. Nous n’imposons jamais de la spirale de l’endettement. De fait, les dettes techniques, nous les explorons avec la popula- générées par l’octroi de petits crédits à des taux tion. Ainsi, pour aider les personnes à mieux les 77 000 usuraires sont l’une des principales causes de comprendre et les maîtriser, nous proposons de l’appauvrissement de la population de l’île. les expérimenter sur des parcelles voisines afin La démarche adoptée par Tsinjo Aina est très de pouvoir réaliser une comparaison. simple et repose sur l’épargne collective : Prenons l’exemple de la riziculture : au lieu l’argent économisé par les membres des groupes d’utiliser la méthode irriguée classique qui vise leur permet de surmonter les pé- avant tout à empêcher les mau- parmi elles se riodes de pénurie alimentaire et vaises herbes de pousser, nous de maladie, mais aussi de scola- « La société malgache augmentons les distances entre sont affranchies riser leurs enfants. La société est régie par les les lignes de culture, ce qui ré- de leurs dettes malgache, en particulier dans valeurs traditionnelles duit la consommation d’eau tout les zones rurales, est régie par en augmentant les rendements. les valeurs traditionnelles de la de la solidarité et de En raison du réchauffement cli- 2 solidarité et de l’amour du pro- l’amour du prochain. » matique notamment, il nous chain, mieux connues sous le Diary Aminintsoa Ratsimanarihaja reste encore d’importants défis à terme de « fihavanana ». Les relever : le manque d’eau, les dé- groupes qui font partie de communautés voi- gâts commis par certains ravageurs ou encore sines créent des réseaux pour coordonner leur les maladies des plantes, contre lesquels nous action afin de favoriser l’évolution de la société, ne disposons toujours pas de solutions natu- ans est la durée d’amorcer un travail communautaire et de dé- relles. Cela ne nous empêche pas de vouloir ré- moyenne pour fendre leurs intérêts avec plus de poids. duire, voire abandonner totalement le recours À Madagascar, près de 80 % de la population aux substances chimiques. qu’une famille rurale vit de l’agriculture. Or, en raison de la Je tire ma motivation de la satisfaction que sorte de croissance démographique, la surface cultivée j’éprouve en rendant visite aux membres des par famille ne cesse de diminuer, tandis que la réseaux. C’est en effet un vrai bonheur de voir l’endettement fertilité des sols s’amenuise. De ce fait, la pro- les habitantes et les habitants expliquer com- duction se révèle insuffisante pour couvrir les ment et pourquoi ils appliquent les techniques besoins des habitant∙e∙s, qui peinent à épar- apprises ou de les entendre témoigner combien gner. Dans ce contexte, le programme vise non leur situation socioéconomique s’est améliorée seulement à favoriser le désendettement, mais grâce à l’aide de Tsinjo Aino. aussi à garantir une nourriture en suffisance à chaque membre. Il veille, par ailleurs, à proté- ger l’environnement, voire à restaurer l’état naturel, et à promouvoir l’abandon des produits Photo : Simon Degelo
Actualité 9 AGRICULTURE INDUSTRIELLE nienne a été sacrifiée à la mono- LIBRE-ÉCHANGE culture de soja génétiquement Exclure l’huile Le glyphosate s’enfonce modifié pour le rendre résistant au glyphosate. Les champs sont de palme encore un peu plus aspergés, souvent par avion, de ce désherbant et la plupart des produits sont exportés sous Début novembre, le ministre de l’Économie Johann Schneider-Ammann a an- forme d’aliments pour animaux. noncé que les négociations Les fermes appartiennent désor- sur un accord de libre- mais à de grands propriétaires échange avec l’Indonésie fonciers tandis que la population avaient abouti. Le contenu rurale d’origine est privée de ses exact, en particulier en ce moyens de subsistance. qui concerne l’importation d’huile de palme, n’est pas La Suisse tâtonne encore connu. L’accord a été Selon des statistiques de l’Office précédé de nombreuses fédéral de l’agriculture (OFAG) initiatives qui exigeaient les quantités de glyphosate mises l’exclusion de l’huile de sur le marché en Suisse ont dimi- palme de l’accord ou des nué, de 2014 à 2016, de 92 tonnes critères stricts de durabilité. pour un total vendu en 2016 de Le Parlement se prononcera 204 tonnes. L’utilisation de plus sur l’accord au début de en plus fréquente de techniques l’année. La coalition pour de lutte mécanique contre les l’huile de palme, dont fait mauvaises herbes pourrait expli- partie Pain pour le prochain, quer cette baisse. fera tout ce qui est en son Au Brésil, les monocultures telles que les champs de soja sont régulièrement Ces données encourageantes ne et abondamment aspergées de glyphosate. pouvoir pour s’assurer que garantissent cependant pas une des critères de durabilité prise de position claire, cohérente contraignants pour les im- et écologiquement durable de la portations d’huile de palme part de la Confédération. En effet, soient inclus dans l’accord. Au mois d’août, un tribunal cali- toxiques. Mais, suite à la pres- cette dernière annonçait, au mois fornien condamnait le géant de sion du lobby agricole du pays de septembre, qu’elle envisageait l’agrochimie Monsanto à une dont la productivité est directe- de revoir à la hausse les concen- lourde peine pécuniaire. Le gly- ment liée à l’utilisation de l’her- trations maximales de certains DROITS DES FAMILLES phosate, herbicide le plus répan- bicide, le tribunal brésilien a dû pesticides, dont le glyphosate. La PAYSANNES du dans le monde, avait été re- annuler cette décision. population suisse pourra bientôt connu responsable du cancer L’impact de cette condamnation s’exprimer via deux initiatives Déclaration adoptée d’un jardinier. Autorisé depuis sa pourrait bien rayonner jusqu’en populaires qui proposent de limi- Le Conseil des droits de création en 1974, le glyphosate Suisse où « l’affaire glyphosate » ter ou d’interdire l’utilisation de l’homme des Nations Unies a suscite le débat depuis mars est loin d’être classée. Même si pesticides. adopté fin septembre une 2015, date de la sortie d’un rap- son utilisation aux États-Unis est Action de Carême et Pain pour le déclaration qui protège les port selon lequel le caractère bien plus intensive qu’en Suisse, prochain encouragent les alter- droits des familles paysannes cancérogène du glyphosate est les paysan∙ne∙s sont tout de natives à l’agriculture indus- et des autres personnes « probable ». même en contact avec ce produit trielle. Elles soutiennent les travaillant dans les zones Suite à ce verdict, un tribunal fé- et les consommateurs et consom- agricultrices et les agriculteurs rurales, dont les pêcheurs et déral au Brésil, première puis- matrices en retrouvent dans leurs dans la conversion vers des sys- les nomades. La déclaration sance agricole d’Amérique la- assiettes et dans l’eau qu’ils tèmes de production agroécolo- est d’une importance primor- tine, a suspendu l’utilisation du boivent. giques ainsi que dans la lutte diale pour les familles pay- glyphosate et de deux autres pes- contre l’accaparement des terres sannes car elle reconnaît des ticides jusqu’à ce que la nocivité Santé, environnement et et le monopole de l’industrie droits fondamentaux tels le des substances soit enfin cla- population rurale en danger agricole. — Tiziana Conti droit à la terre et le droit aux rifiée. Cette décision a réjoui À l’aspect cancérogène du gly- semences. Elle servira à deux organisations partenaires phosate, s’ajoutent les nombreux guider les États et à les aider à d’Action de Carême qui, au sein problèmes liés à l’agriculture in- mettre en place des politiques d’une coalition d’organisations, dustrielle. Par exemple, au cours plus efficaces pour lutter s’étaient farouchement oppo- des dernières décennies, une contre la faim et la pauvreté. sées à l’utilisation de pesticides grande partie de la forêt amazo- La Suisse a voté en sa faveur. Photo : Stefan Salzmann
À vous de jouer ! 10 S’ENGAGER AVEC NOUS Renoncer, c’est Quiz sur l’énergie s’enrichir « Le jeûne repose sur trois pi- 1. Quel pourcentage de la con- sommation d’électricité est-il absorbé par les appareils liers : la santé – pour prendre conscience que nous sommes un corps, la spiritualité pour s’inter- en mode veille ? roger sur notre motivation à jeû- ner, à se réunir en silence et à A. 5 % méditer régulièrement, et la so- B. 8 % ciété – pour tourner notre regard C. 12 % de l’intérieur vers l’extérieur. Chaque fois que je peux, je jeûne 2. Combien avec les groupes que je dirige ici, d’énergie consomme dans la maison Lasalle, durant un vol pour Ibiza ? deux ou trois périodes de deux semaines toutes les années. J’ai A. Autant qu’un téléviseur allumé en continu pendant 2,5 ans une santé de fer et je déborde de B. Autant que l’énergie requise pour la préparation de 600 repas vitalité, de sorte que je n’ai pas de Noa Zenger dirige des cours et un C. Autant que l’énergie consommée en un an par une voiture peine à jeûner. Mais j’aime aussi programme de jeûne dans la maison qui roule une heure par jour croquer la vie à pleines dents : Lasalle. j’adore cuisiner et c’est autour d’une table que nous nous réu- m’ont permis de m’exercer à la 3. Combien d’énergie faut-il pour produire une portion de viande ? nissons chez moi. J’étais encore petite lorsque j’ai voulu jeûner façon de me détendre en concen- trant mon attention, puis d’ensei- A. Autant que l’énergie requise par pour la première fois, mais mes gner cette attitude à d’autres. La 56 repas végétariens parents ne m’ont pas permis de le méditation et le jeûne en particu- B. Autant que l’énergie requise par faire. J’ai ainsi dû attendre d’être lier nous rendent très perméables 92 repas végétariens aux études pour organiser des et nous disposent à aborder ces C. Autant que l’énergie requise par groupes de jeûne. sujets. Il faut aussi être prêt∙e∙s à 143 repas végétariens Je suis théologienne et c’est pour reconnaître que nous sommes moi vital de réfléchir au Royaume des privilégié∙e∙s qui consom- de Dieu. À mes yeux, Jésus est mons davantage que le néces- l’un des prophètes qui a pris fait saire, sans rejeter immédiate- et cause pour la justice, le fil ment ce fait. L’important, ce n’est 4. Laune personne qui parcourt 10 000 kilomètres avec voiture de gamme moyenne pourrait parcourir, en émettant la même quantité de CO , rouge de la Bible. Ce souci s’ex- prime aussi dans la façon dont Dieu y est représenté, dans sa pas de prendre nos responsabili- tés en raison de notre sentiment de culpabilité ou de notre esprit 2 grâce à l’égard des personnes et de dévouement, mais de se A. 102 000 kilomètres en train dans sa manière de défendre les rendre compte que nous y ga- B. 257 000 kilomètres en train exclus. Cette quête reste – ou, du gnons à apprendre à vivre avec C. 324 000 kilomètres en train moins, devrait rester – la motiva- moins. Trouver sa voie dans une tion de base qui nous pousse à société opulente est une véritable œuvrer pour la justice dans ce gageure. Le jeûne nous apporte Sources : OFEV, Coop, ZHAW Wädenswil monde. En effet, la mondialisa- un progrès qualitatif : nous deve- tion est source d’injustices. L’être nons plus sensibles et plus ou- humain est omniprésent, con- vert∙e∙s aux thèmes du monde. » somme des ressources et pollue — Colette Kalt l’environnement, cause directe de la pauvreté. Si elle est vivante, la spiritualité peut nous amener à y réfléchir sans nous résigner. De longues années de méditation Solutions : 1c, 2a, 3c, 4b Sources : OFEV, Coop, ZHAW Wädenswil Photo : Colette Kalt
Le temps est toujours plus capricieux Les cours d’eau sont au plus bas et les glaciers fondent. L’été caniculaire a suscité un vaste débat ces derniers mois en Suisse. Ailleurs, le réchauffement ne provoque pas des discussions, mais des souffrances et de la misère : dans la zone équatoriale, les catastrophes d’origine climatique deviennent de plus en plus la norme. Des cyclones alternent avec de graves séche- resses, ce qui empêche tout développement économique local et provoque de grandes migrations. Au Sénégal, les familles paysannes sont L’organisation villageoise de Tattaguine, au Sénégal, se réunit aux prises avec les conséquences néfastes autour de la calebasse. du réchauffement : leurs récoltes sont incertaines et la soudure entre celles-ci s’allonge. Pour autant elles ne se résignent pas et ont recours à des moyens aussi Un grand merci simples qu’efficaces pour freiner l’érosion pour votre soutien ! des sols et accroître leur production. En prévision de la soudure, elles mettent de l’argent de côté dans des caisses de solida- Pain pour le prochain et Action rité appelées calebasses. Cette démarche de Carême – Ensemble pour une leur permet de subvenir durablement à même cause leurs besoins et de contribuer au dévelop- Pain pour le prochain Avenue du Grammont 9, 1007 Lausanne 021 614 77 17, www.ppp.ch pement de leur région. Action de Carême Action de Carême et Pain pour le prochain favorisent les Avenue du Grammont 7, 1007 Lausanne 021 617 88 81, www.actiondecareme.ch petites structures paysannes et, par consé- WWW.VOIR-ET-AGIR-CH quent, une agriculture qui assure la subsis- tance de tout le monde : votre don nous aide à lutter contre la faim dans des régions vulnérables et à instaurer davantage de justice. De tout cœur, merci !
Photo : Action de Carême Pain pour le prochain et Action de Carême sont certifiées par ZEWO depuis 1977 et 1969.
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