Impôts des multinationales après la crise sanitaire : pour un taux de taxe effectif minimum - CEPII
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
N° 30 FR – Avril 2020 Policy Brief Impôts des multinationales après la crise sanitaire : pour un taux de taxe effectif minimum Sébastien Laffitte, Julien Martin, Mathieu Parenti, Baptiste Souillard & Farid Toubal Résumé De nombreuses leçons devront être tirées de la crise du coronavirus. La situation actuelle amènera chacun à repenser les dotations et le fonctionnement des systèmes de santé. Ces services ont été sous- financés dans la plupart des pays – une réalité en partie liée à des contraintes budgétaires que l’évitement fiscal des multinationales a certainement exacerbé. Par ailleurs, certaines multinationales qui adoptent des mesures d’évitement fiscal depuis des années vont recevoir des aides publiques, ce qui renforcera le sentiment d’injustice au sein de la population. Dans cette tribune, nous soutenons que la mise en place d’un taux de taxe effectif minimum sur les bénéfices des entreprises multinationales aiderait à régler ces deux préoccupations.
Impôts des multinationales après la crise sanitaire : pour un taux de taxe effectif minimum La pandémie de Covid-19 et le confinement de milliards chômage partiel et proposent des reports d’impôts ou de personnes dans le monde ont des conséquences des lignes de crédit 1 . économiques considérables. Les États jouent un rôle Ces mesures budgétaires sont essentielles. Néanmoins, central dans la réponse qu’il convient d’apporter à ces aides bénéficieront en partie à de grandes cette crise. Conjointement aux mesures sanitaires entreprises qui ont mis en œuvre des stratégies de indispensables, plusieurs plans de relance d’une planification fiscale agressive au cours des dernières ampleur sans précédent ont été mis en place par années. Une telle situation suscite des inquiétudes différents gouvernements. Les mesures économiques légitimes quant à l’acceptabilité sociale de ces plans les plus immédiates et les plus efficaces seront de sauvetage. certainement celles qui visent à maintenir à flot les entreprises et les emplois, tout en préservant les liquidités sur les marchés financiers (Ilzetzki, 2020). 1.1. Le cas des secteurs les plus touchés L a s itu a tio n a ct uel l e en E ur ope, aux É t at s - U n i s e t par la pandémie a ille u r s té mo ig ne de l ’ i m por t anc e c r uc i al e des m o ye n s h u ma in s e t fin anc i er s c ons ac r és aux s er v i c es p u b l i cs L’épidémie de Covid-19 a touché de nombreux secteurs, p o u r a tté n u e r le s eff et s d’ év énem ent s ex t r êm es co m m e et les gouvernements devront intervenir par le biais le s p a n d é mie s . C et t e s i t uat i on r env oi e à l ’ i m p o si ti o n de prêts et de garanties pour soutenir l’économie. d e s s o c ié té s m ul t i nat i onal es pour au m oi n s d e u x L’industrie aérienne a été durement touchée, le choc se r a is o n s . D’u n e par t , l a c r i s e r év èl e propageant inévitablement à toutes les entreprises q u e c e r ta in s b i ens publ i c s es s ent i el s en amont et en aval de la chaîne 2. L’association c o mme le s s e r vi c es de s ant é, ont ét é dans cette tribune, internationale du transport aérien (AITA) estime s o u s - fin a n c é s dans de nom br eux pay s nous soutenons que la que le secteur aura besoin d’une injection de ( A r mo c id a e t al . , 2020) , un pr obl èm e mise en place d’un taux liquidités pouvant atteindre 200 milliards de q u e l’é v ite me n t f i s c al des ent r epr i s es d’imposition effectif dollars, ainsi que de garanties de prêts pour faire a p r o b a b le me nt ex ac er bé. D ’ aut r e face à ce ralentissement de l’activité. D’autres minimum sur les p a r t, c e r ta in e s m ul t i nat i onal es qui secteurs ont également été fortement affectés par é v ite n t l’imp ô t s ur l es s oc i ét és bénéfices mondiaux la crise. C’est le cas des compagnies de croisière d e p u is d e s a n n ées s ont s ur l e poi nt des entreprises mais également de l’industrie automobile, d e r e c e v o ir des ai des f i nanc i èr es multinationales laquelle sera sévèrement atteinte selon les ma s s iv e s d e s gouv er nem ent s , c e premières projections 3 . q u e b e a u c o u p j ugent i nac c ept abl e À p a r ti r d e s d o n n é e s d e C o m p u stat, ( Tu r n e r, 2 0 2 0 ) . D ans c et t e t r i bune, nous s ou te n o n s n o u s r e p o r to n s l e ta u x d ’ i m p o si ti o n e ffe cti f m oyen q u e la mis e e n pl ac e d’ un t aux d’ i m pos i t i on e ffe cti f ( ETR ) p o u r ce s tr o i s i n d u str i e s su r l e g r a p h i q u e 1. min imu m s u r les bénéf i c es m ondi aux des ent re p r i se s L’ é ch a n ti l l o n e st fo r m é d e s e n tr e p r i se s co té e s en mu ltin a tio n a le s per m et t r ai t de r épondr e à c es d e u x b o u r se i n co r p o r é e s a u x Éta ts- U n i s o u d a n s l’un p r é o c c u p a tio n s. d e s p a ys d e l ’ U n i o n e u r o p é e n n e . C e s e n tr e p r ises co m p te n t p a r m i l e s p l u s g r a n d e s d e ce s p a ys e t sont p o u r l a p l u p a r t d ’ e n tr e e l l e s d e s m u l ti n a ti o n a l e s . Le 1 Politique économique, entreprises ta u x d ’ i m p o si ti o n e ffe cti f é vo l u e é tr o i te m e n t a ve c les et transfert de bénéfices str a té g i e s d e p l a n i fi ca ti o n fi sca l e a g r e ssi ve . Ai n si, un dans les paradis fiscaux Cette crise prouve que des événements rares comme les pandémies, les catastrophes naturelles ou le (1) Le FMI a mis en place une base de données (https://www.imf.org/en/ Topics/imf-and-covid19/Policy-Responses-to-COVID-19 qui illustre l’ampleur terrorisme touchent les individus et les entreprises des politiques économiques mises en place pendant la crise. indépendamment de leur santé financière ou de leur (2) Aux États-Unis, un quart des 2 000 milliards de dollars de dépenses adoptées par le Sénat permettront de renflouer l’industrie du transport contribution au système fiscal (De Vito et Gomez, aérien, dont 18 milliards seront consacrés à Boeing. Des plans similaires 2020 ; Bloom et al., 2020). En France, Emmanuel sont mis en place en Europe. Le gouvernement italien a nationalisé Alitalia à travers un investissement de 600 millions d’euros, le Danemark Macron a annoncé qu’« aucune entreprise, quelle et la Suède ont offert à la compagnie aérienne SAS un prêt garanti de que soit sa taille, ne sera livrée au risque de faillite » près de 300 millions d’euros, et le gouvernement français a annoncé qu’il soutiendrait Air France – KLM si nécessaire. (16 mars 2020). D’autres pays ont adopté une approche (3) Selon l’association des producteurs automobiles européens, au moins similaire et beaucoup d’entre eux versent une grande 1,1 million d’employés européens sont concernés par une fermeture de leur usine en lien avec la crise de Covid-19. https://www.acea.be/press- partie des salaires des employés sous forme de releases/article/covid-19-jobs-of-over-1.1-million-eu-automobile-workers- affected-so-far-dat. 2 CEPII – Policy Brief n° 30 – Avril 2020
Policy Brief Tableau 1 – Taux d’imposition effectif par secteur 1.2. Quelques chiffres à l’échelle globale Secteur aérien - États-Unis Bien que ces chiffres ne concernent que les trois Secteur automobile - États-Unis secteurs susmentionnés, l’évitement fiscal est une pratique répandue à travers l’ensemble des secteurs. Tous les secteurs (moyenne) - États-Unis Les grandes entreprises – et pas uniquement les Secteur aérien - Union européenne entreprises du secteur numérique – utilisent diverses Secteur automobile - Union européenne stratégies pour éviter de payer des impôts dans les pays Tous les secteurs (moyenne) - Union européenne où elles exercent une grande partie de leurs activités. Secteur des croisières - États-Unis et Union européenne Différents travaux journalistiques et plusieurs études 0.00 7.50 15.00 22.50 30.00 scientifiques plus systématiques montrent que les Taux d'imposition effectif 2010-2019 (en %) Taux d'imposition effectif 2015-2019 (en %) multinationales exploitent leur réseau de filiales afin de déplacer leurs bénéfices vers les filiales étrangères Notes : ce graphique présente le taux d’imposition effectif pour différents secteurs du groupe localisées dans des pays à faible fiscalité sur les périodes 2010-2019 et 2015-2019. Le taux est calculé comme le quotient (voir Beer et al. (2019) pour une revue de la littérature entre le montant des taxes payé et le bénéfice avant impôts. « Transport aérien » correspond au secteur SIC 4512, « secteur automobile » correspond au secteur économique). Cette même littérature évoque des pertes SIC 3711 et « croisières » correspond au secteur SIC 4400. Les données utilisées pour calculer ces chiffres viennent de Compustat North America et Compustat Glo- de recettes fiscales substantielles. Aux États-Unis, bal. « États-Unis » et « Union européenne » indiquent le pays d’incorporation des Clausing (2019) conclut que le transfert des bénéfices entreprises considérées. « Union européenne » comprend les 27 pays membres en 2010 à l’exception de l’Irlande, Luxembourg, Malte et Chypre. vers les pays à faible taux d’imposition a coûté au Source : Compustat North America et Compustat Global, calcul des auteurs. gouvernement américain entre 79 et 125 milliards d’euros de recettes fiscales sur la seule année 2017, et que ces pertes ont considérablement augmenté ces dernières années. En France, ces pertes se situent fa ib le ta u x d ’im pos i t i on eff ec t i f s i gnal e l ’ ut i l i s ati o n d e entre 5 et 10 milliards d’euros chaque année selon te lle s s tr a té g ie s ( D y r eng et al . , 2019) . C e t a u x e st trois études récentes (Laffitte et al., 2019 ; Tørsløv et c a lc u lé c o mme l e quot i ent ent r e l a s om m e de l ’ i m p ô t al., 2019, Vicard, 2019). Ces chiffres sont comparables p a y é s u r u n e pér i ode et l a s om m e des r ev enus a va n t au plan de 8,5 milliards d’euros récemment mis en imp ô t o b te n u s s ur l a m êm e place par le gouvernement français pour p é r io d e . P o u r ne pas êt r e étendre le dispositif de chômage partiel. c o n ta min é e p a r l a v ol at i l i t é Beaucoup de ces entreprises bénéficieront d e s v a r ia b le s à une f r équenc e les grandes entreprises sans aucun doute d’une aide financière a n n u e lle , n o tr e m es ur e es t – et pas uniquement les gouvernementale, directe ou indirecte. c a lc u lé e s u r u n e pér i ode de 5 entreprises du secteur Afin de garantir l’acceptabilité sociale de o u 1 0 a n s ( Dy r e ng et al . , 2008) . numérique – utilisent diverses ces mesures d’urgence et d’augmenter Le graphique indique que le transport stratégies pour éviter de payer les recettes fiscales en temps normal, aérien, le secteur automobile et des impôts dans les pays où nous pensons que la situation actuelle les compagnies de croisière ont elles exercent une grande donne l’impulsion nécessaire pour mettre des taux d’imposition effectifs partie de leurs activités en œuvre un taux d’imposition effectif particulièrement bas, tant aux États- minimum sur les bénéfices mondiaux des Unis que dans l’Union européenne. entreprises multinationales. Ce faible taux d’imposition révèle une contribution modeste au financement des services publics. En dépit de ces faibles taux d’imposition II. 2 Réforme du système effectifs, ces entreprises recevront une aide financière de taxation internationale considérable de la part des différents gouvernements. Ce s d o n n é e s m ont r ent que l e t aux d’ i m po si ti o n e ffe c tif d e c e s s ec t eur s es t bi en i nf ér i eur à ce q u e 2.1. Négociations en cours d e v r a it ê tr e le t aux d’ i m pos i t i on dans l ’ U E ( 21 ,7 % e n mo y e n n e e n 2 0 19) ou aux É t at s - U ni s ( 35% j usq u ’ à l a Depuis 2018, l’OCDE mène des négociations pour une fin d e 2 0 1 7 , 2 1 % ens ui t e) . C es i ndus t r i es ont u n ta u x réforme globale du système de taxation internationale d ’imp o s itio n e ff ec t i f f ai bl e m ai s ne c ons t i t uen t p a s avec plus de 130 pays. Les négociations doivent d e s e x c e p tio n s : en eff et , l e t aux d’ i m pos i t i on e ffe cti f d u r e r j u s q u ’ à l a f i n 2 0 2 0 . D i ff é r e n t s s c é n a r i o s s o n t mo y e n a u x É ta t s - U ni s et dans l ’ U ni on eur opée n n e e st discutés, y compris la mise en place d’un seuil in fé r ie u r à 2 5 % . minimal de taxation. CEPII – Policy Brief n° 30 – Avril 2020 3
Impôts des multinationales après la crise sanitaire : pour un taux de taxe effectif minimum Ce tte o p tio n n ’ es t c ependant pas l a v oi e pr ivi l é g i é e exceptionnelle des sociétés qui réalisent des bénéfices d a n s le s d is c u ss i ons en c our s . Les aut r es s cé n a r i o s grâce à la crise 5 . p r o p o s e n t d e r e di s t r i buer l es dr oi t s à t ax er, m a i s so n t Le taux de taxation minimal permet ainsi d’assoir mu e ts s u r le ta ux auquel l es m ul t i nat i onal es devr a i e n t l’acceptabilité des aides versées aux entreprises et de ê tr e ta x é e s . C es pr opos i t i ons r epos ent en partie sur collecter des recettes fiscales dans l’idée qu’une meilleure allocation des droits à taxer réduira le court terme. Cette politique de fait l’évitement fiscal. Cependant, la complexité introduite le principe de fiscale est également pertinente par des règles d’allocation des droits à taxer et la quantité taxation minimum à plus long terme. Lorsque la importante d’information nécessaire à l’application de ces est beaucoup situation économique et sanitaire règles risquent d’offrir de nombreuses échappatoires plus simple retournera à la normale, cette aux entreprises multinationales, n’ayant qu’un effet politique limitera l’optimisation modéré sur leur comportement d’évitement fiscal. fiscale agressive des entreprises Le principe de taxation minimum est quant à lui multinationales permettant d’augmenter leur contribution beaucoup plus simple. Les contours légaux de ce au financement des biens et infrastructures publics ; principe sont déjà connus des autorités fiscales car il élément clé pour atténuer les prochaines catastrophes peut être vu comme une extension des règles sur les de grande échelle que subiront nos économies. sociétés étrangères contrôlées (SEC), appliquées à Avec un taux de taxation minimal, les bénéfices réalisés une base plus large. à l’étranger sont tous taxés à un taux minimal. Si ces Par ailleurs, cette proposition a le mérite de s’attaquer bénéfices ne sont pas taxés par le pays étranger, la directement à l’évasion fiscale engendrée par les taxation est mise en place en redistribuant les droits différences de taxation entre pays. à taxer aux pays dans lesquels Ap p l i q u e r un taux de taxation minimal opèrent les groupes des filiales en implique théoriquement qu’aucune appliquer un taux de question et où la richesse est créée entreprise ne peut échapper à ce taxation minimal implique (mais pas déclarée). Ceci réduit taux en établissant une filiale dans un théoriquement qu’aucune significativement les incitations d’une paradis fiscal. Si le taux de taxation entreprise ne peut échapper entreprise à ouvrir une filiale dans effectif d’une filiale tombe sous le un pays étranger pour des motifs à ce taux en établissant une seuil minimal, cela ouvre des droits à fiscaux. Ainsi, Fuest, Parenti & Toubal taxer aux pays dans lesquels opère le filiale dans un paradis fiscal. (2019) ont montré que ce dispositif groupe qui possède cette filiale. Si le taux de taxation effectif réduit fortement les comportements Il est important de souligner que ce d’une filiale tombe sous le de transferts de bénéfices des taux de taxation minimum n’est pas un seuil minimal, cela ouvre des multinationales et génère des recettes taux statutaire, mais un taux effectif. droits à taxer aux pays dans fiscales substantielles. Ainsi l’accumulation de déductions, lesquels opère le groupe qui Basculer vers ce dispositif permet d’exemptions ou de crédits donnant possède cette filiale également de réduire les possibilités droit à des baisse d’impôts est de non-taxation et de double-taxation autorisé jusqu’à un certain seuil des entreprises (voir Fuest, Parenti plancher de sorte que toute entreprise contribue in fine & Toubal, 2019 et Becker & Englisch, 2019 pour les à l’impôt. Cela autorise les états à définir un seuil à la détails techniques). Enfin, si un consensus n’est pas concurrence fiscale et incite ainsi les pays à faible taux atteint à l’OCDE, le dispositif pourrait être mis en place d’imposition à augmenter leurs taux. de manière unilatérale. C’est le cas des États-Unis qui ont mis en place un dispositif assez similaire depuis 2.2. Une période propice à l’introduction 2018. Ils imposent en effet un taux minimum sur les de la taxation minimale revenus des multinationales états-uniennes déclarés dans des pays à faible taux d’imposition, avec un crédit Le taux de taxation minimal garantit que les quelques pour 80 % des taxes étrangères payées. Cependant, multinationales qui ont réalisé des profits pendant comme le Tax Cut and Jobs Act porte sur un taux une crise n’échappe à la taxation, ce qui est dans une minimal global, les obligations fiscales dans les pays aubaine pour les gouvernements 4 . Ces recettes de avec des taux de taxe élevés peuvent compenser court terme peuvent être couplées à une contribution le niveau minimal payé dans les pays à faible taux (5) Dans une tribune récente, Avi-Yonah (2020) propose de ré-introduire (4) Le taux de taxation minimal n’aura pas d’effet sur les entreprises qui les taxes sur les bénéfices excédentaires mis en place par les États- réaliseront des pertes pendant la crise car la taxe est uniquement appliquée Unis pendant les deux guerres mondiales. Ces taxes visent les bénéfices aux entreprises qui déclarent des profits positifs. exceptionnels réalisés par les entreprises 4 CEPII – Policy Brief n° 30 – Avril 2020
Policy Brief d’imposition. Les entreprises peuvent jouer sur cette inférieur à 11 % 6 . De plus, même dans les pays avec subtilité pour gonfler le taux d’imposition effectif à l’étranger un taux statutaire élevé, beaucoup de multinationales et ainsi réduire leurs paiements au déclarent un taux effectif inférieur à 20 % : gouvernement américain au titre de une étude récente pour la France menée par la taxation minimum. L’expérience le taux de taxation minimal l’IPP montre que les grandes entreprises américaine nous montre qu’il est permet ainsi d’assoir ont un taux de taxe effectif d’environ 17,8 % possible de mettre en place ce type l’acceptabilité des aides – chiffre comparable au taux effectif de 18,7 % de dispositif de manière unilatérale, versées aux entreprises et calculé pour les entreprises Françaises à mais également que l’imposition d’un de collecter des recettes partir de Compustat. taux minimum doit se faire pays par fiscales dans le court terme Un taux minimum d’imposition de 20 % sur pays et non au niveau global. les bénéfices étrangers des multinationales Enfin, un élément essentiel de ce réduirait la concurrence fiscale entre type de réforme est le niveau du taux de taxe effectif. les pays en limitant l’intérêt pour les paradis fiscaux Par exemple, le taux global minimum fixé par les d’avoir des taux faibles et en États-Unis est entre 10,5 % et 13,125 %. Bien qu’il réduisant les incitations pour n’y ait pas de consensus sur le taux optimal, nous bien qu’il n’y ait pas de les entreprises à se localiser proposons un taux effectif minimal de 20%. Un taux consensus sur le taux dans ces pays. sous ce seuil légitimerait les comportements de optimal, nous proposons Ce dispositif aurait l’avantage planification fiscale agressive et pourrait avoir des un taux effectif minimal de lier la contribution fiscale des effets délétères. D’un autre côté, un taux de 20 % de 20% multinationales à leur activité est déjà très ambitieux et viser un taux beaucoup économique réelle, d’augmenter plus haut semble compliqué. À titre de comparaison, les recettes fiscales des états, 25 pays de l’OCDE ont un taux inférieur à 20 % et au et de légitimer les plans de sauvetage futurs de certaines niveau mondial près de la moitié des pays ont un taux multinationales. (6) Ces taux effectifs sont calculés pour l’année 2015 à l’aide des données de Tørsløv et al. (2019). CEPII – Policy Brief n° 30 – Avril 2020 5
Impôts des multinationales après la crise sanitaire : pour un taux de taxe effectif minimum Références Armocida, B., Formenti, B., Ussai, S., Palestra, F., & Missoni, E., Dyreng, S. D., Hanlon, M., & Maydew, E. L. (2008). “Long-run (2020). “The Italian health system and the COVID-19 challenge”. corporate tax avoidance”, Accounting Review, 83(1), 61-82. The Lancet, Public Health, 25 mars 2020. Dyreng, S., Hanlon, M., Maydew, E. L., & Thornock, J. Avi-Yonah, R., (2020), “It’s Time to Revive the Excess Profits R. (2017). “Changes in corporate effective tax rates Tax”, The American Prospect, 27 mars 2020. over the past 25 years,” Journal of Financial Economics, volume 124, Issue 3, 2017, Pages 441-463, Bach L., Bozio, A. & Malgouyres, C., (2019). “L’hétérogénéité https://doi.org/10.1016/j.jfineco.2017.04.001. des taux d’imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs”, Rapport IPP n° 21, mars 2019. Fuest, C., Parenti, M., & Toubal, F. (2019). “International corporate taxation: What reforms? What impact?”, Notes du Becker, J. & Englisch, J., (2019). “International Effective Conseil d’Analyse Économique, (6), 1-12. Minimum Taxation – The GLOBE Proposal”, SSRN, http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3370532 Ilzetzki, E (2020). “COVID-19: The economic policy response”, VoxEU.org, 28 mars 2020. Beer, S., de Mooij, R. & Lui L., (2019), “International Corporate Tax Avoidance: A Review of the Channels, Magnitudes, and Laffitte, S., Parenti, M., Souillard, B., & Toubal, F. (2019). “Profit Blind Spots”, Journal of economic Surveys. Shifting in France: Evidence from Firm-Level Administrative Databases”? Focus du Conseil d’analyse économique, n° 036-2019. Bloom, N., Bunn, P., Chen, S., Mizen, P. & Smietanka, P. (2020). “The economic impact of coronavirus on UK businesses: Early Tørsløv, T. R., Wier, L. S., & Zucman, G. (2019). “The missing evidence from the Decision Maker”, VoxEU.org, 27 mar 2020. profits of nations”. National Bureau of Economic Research Working Paper, W24701. Clausing, K. A., (2019). “Profit Shifting Before and After the Tax Cuts and Jobs Act” Available at SSRN: Turner, G., (2020). “Tax avoiders will receive coronavirus http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3274827 bailouts – we must redress this injustice”, The Guardian, 27 mars 2020. De Vito, A. & Gomez, J-.P. (2020). “COVID-19: Preventing a corporate cash crunch among listed firms”, VoxEU.org, V. Vicard (2019). “The exorbitant privilege of high-tax countries”, 29 mars 2020. CEPII document de travail. À propos des auteurs Sébastien Laffitte : ENS Paris-Saclay, CREST, international trade, public economics, public finance sebastien.laffitte@ens-cachan.fr Julien Martin : ESG-UQAM, Chaire de recherche UQAM sur l’impact local des firmes multinationales, CIRANO et CEPR, international economics, corporate taxation, and urban economics martin.julien@uqam.ca Mathieu Parenti: Université libre de Bruxelles, ECARES et CEPR, international trade, international corporate taxation, industrial organization mathieu.parenti@ulb.ac.be Baptiste Souillard : Université libre de Bruxelles, ECARES et FRS-FNRS, International trade and corporate taxation baptiste.souillard@ulb.ac.be Farid Toubal : ENS Paris-Saclay, CEPII, CESifo et CEPR farid.toubal@ens-paris-saclay.fr Contact : farid.toubal@ens-paris-saclay.fr Policy Brief Directeur de la publication : Le Policy Brief ISSN 2270-258X Sébastien Jean est disponible en version électronique © CEPII, PARIS, 2020 à l'adresse : Rédaction : http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/ Centre d'études prospectives pb.asp Publié le 08.04.20 et d'informations internationales Rédaction en chef : 20, avenue de Ségur Christophe Destais Ce Policy Brief est publié sous la TSA 10726 responsabilité de la direction du CEPII. 75334 Paris Cedex 07 Pour être informé de chaque nouvelle parution, Les opinions qui y sont exprimées sont Tél. : 01 53 68 55 00 Réalisation : s'inscrire à l'adresse : celles des auteurs. www.cepii.fr – @CEPII_Paris Laure Boivin http://www.cepii.fr/Resterinforme 6 CEPII – Policy Brief n° 30 – Avril 2020
Vous pouvez aussi lire