Insuffisance pancréatique exocrine : diagnostic et prise en charge

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Insuffisance pancréatique exocrine : diagnostic et prise en charge
POST’U (2022)

Insuffisance pancréatique exocrine :
diagnostic et prise en charge
    Makougang Ginette FOTSING
  	Service d’Endocrinologie Diabétologie et Métabolisme
    Centre Hospitalier Universitaire Vaudois - Mont Paisible 18 - 1011 LAUSANNE
    makougang.fotsing@chuv.ch

                                                                                         est également primordiale pour lutter
                                             Introduction                                contre la dénutrition et ses complica­
                                                                                         tions. Pour un bon usage des extraits
                                                                                         pancréatiques et une efficacité théra­
                                             L’insuffisance pancréatique exocrine        peutique optimale, il est important de
                                             (IPE) se définit comme une altéra­          comprendre les mécanismes physio­
                                             tion de la production d’enzymes             logiques qui sous-tendent l’activité
                                             digestives pancréatiques et/ ou de          enzymatique du pancréas.
                                             leur utilisation dans le processus de
                                             dégradation des macronutriments
                                             apportés par l’alimentation. Il en
                                             résulte une m   ­ alabsorption diges­
                                             tive responsable d’une malnutrition
                                                                                         Physiologie de la sécrétion
                                             énergético-protéique et de carences         pancréatique exocrine
                                             en micronutriments, causant à terme
                                             une augmentation de la survenue de
                                                                                         Les cellules pancréatiques à fonction
                                             complications, une altération de la
                                                                                         exocrine représentent plus de 90 % du
                                             qualité de vie et une baisse de la survie
                                                                                         volume total de la glande et produisent
                                             des patients atteints (1).
 OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES                                                                  environ 1,5 litre de liquide par jour.
                                             Les mécanismes de survenue d’une IPE        Le suc pancréatique est composé des
—	Connaître le tableau clinique évoca­      sont multiples, et ne se limitent pas à     sécrétions de 2 groupes cellulaires :

                                                                                                                                    PANCRÉATOLOGIE
   teur                                      la réduction du parenchyme pancréa­         les cellules acinaires qui produisent
—	Connaître les méthodes diagnos­           tique ou à l’obstruction canalaire. La      les enzymes pancréatiques (lipase,
   tiques                                    chirurgie pancréatique, la pancréatite      amylase et protéases, dont l’élastase)
—	Connaître les autres causes en            chronique et la mucoviscidose sont          et les cellules ductales qui sécrètent
   dehors de la pancréatite chronique        les principales pourvoyeuses d’IPE,         l’eau et les électrolytes. Ces dernières
                                             mais celle-ci peut aussi être présente      possèdent de nombreux transporteurs
—	Connaître les conséquences méta­                                                      ioniques (dont la protéine CFTR, res­
                                             dans de nombreuses autres situations
   boliques                                                                              ponsable de l’excrétion de Chlore) (3).
                                             extra-pancréatiques. Malgré la dispo­
—	Savoir la traiter                         nibilité de tests simples et de traite­     La régulation de la sécrétion pancréa­
                                             ments peu coûteux, l’IEP est encore         tique est sous dépendance de 2 hor­
 LIEN D’INTÉRÊTS                             fréquemment sous-diagnostiquée              mones principales :
                                             et sous traitée, y compris parmi les
Pas de lien d’intérêt en relation avec       spécialistes (2). Son caractère long­       -	L a plus puissante est la cholé­
cet article.                                 temps asymptomatique, la paucité               cystokinine (CCK), dont la synthèse
                                             des symptômes et la survenue tardive           par des cellules du duodénum et du
 MOTS-CLÉS                                   des complications sont des facteurs            jéjunum proximal est induite par
                                             pouvant expliquer ce défaut de prise           l’arrivée d’acides gras et d’acides
Insuffisance pancréatique exocrine,          en charge. Le diagnostic repose                aminés dans la lumière intesti­
élastase fécale, extraits pancréatiques.     sur une corrélation entre contexte             nale. Elle circule via la microvas­
                                             clinique, manifestations biologiques           cularisation locorégionale, jusqu’à
                                             et résultats des tests fécaux, qui             ses récepteurs situés au niveau de
 ABRÉVIATIONS
                                             peuvent parfois être mis en défaut. La         la vésicule biliaire et du pancréas.
IPE : insuffisance pancréatique exo­         prise en charge médicamenteuse de              Elle stimule les secrétions pancréa­
crine                                        l’IPE repose sur les extraits pancréa­         tiques et biliaires via une action
EP : extraits pancréatiques                  tiques (EP), dont les recommanda­              sur les cellules nerveuses de ces
CCK : cholécystokinine                       tions d’usage divergent entre sociétés         organes, et elle favorise également
EF : élastase fécale                         savantes. La prise en charge diététique        la croissance pancréatique (4).

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-	La secrétine est produite par les       vité optimale des enzymes pancréa­         le diagnostic d’IPE sera fait lors de
   cellules S du duodénum à la suite       tiques et des sels biliaires. Alors que    l’exploration d’une perte de poids
   de l’afflux de chyme acide prove­       les taux de sodium, potassium et           inexpliquée, d’une carence en micro­
   nant de l’estomac. Elle stimule la      calcium du suc pancréatique restent        nutriments ou après la survenue
   sécrétion de bicarbonates par les       relativement stables, la concentration     d’une fracture ostéoporotique. Par
   cellules ductales via notamment         en bicarbonate augmente significati­       conséquent, le dépistage d'une IPE
   une augmentation de la concen­          vement jusqu’à atteindre 5 fois celle      doit être effectuée chez tous les
   tration de l’AMP cyclique (AMPc)        du plasma sanguin lorsque le débit         patients présentant une pathologie
   intracellulaire.                        sécrétoire s’élève en postprandial (4).    pancréatique ou extra pancréatique
                                                                                      à risque, et également lors de l’explo­
La lipase pancréatique (ou triglycé­                                                  ration de troubles fonctionnels diges­
ride ester hydrolase) est l’enzyme-clé                                                tifs inexpliqués.
de la dégradation lipidique. En pré­
sence de son co-facteur également          Présentation clinique
excrété par le pancréas et activé par
la trypsine, elle hydrolyse les trigly­
cérides, libérant 2 acides gras libres
                                           La prévalence globale de l’IPE en popu­    Causes de l’insuffisance
                                           lation générale n’est pas connue. Dans
et un monoglycéride. La lipase a           une étude allemande de 2005, elle a        pancréatique exocrine
un pH optimal d’activité compris           été estimée à 11,5 % chez 914 patients
entre 6 et 8, et est rapidement inac­      de plus de 50 ans asymptômatiques
tivée en milieu acide. Son action est                                                 Plusieurs mécanismes peuvent contri­
                                           consultant chez un médecin géné­           buer à la survenue d’une IPE (8) :
facilitée par la solubilisation des tri­   raliste (7). La plupart des données
glycérides en micelles sous l’action       épidémiologiques proviennent de            -	Une altération qualitative ou quan­
des sels biliaires. Le pancréas produit    cohortes de patients suivis pour des          titative de la production pancréa­
également la phospholipase A2 et la        pathologies à risque d’IPE (muco­             tique (mucoviscidose, chirurgie
carboxyester hydrolase qui sont res­       viscidose, pancréatite chronique ou           de réduction de la masse pancréa­
ponsables de l’hydrolyse des phospho­      chirurgie pancréatique). Cependant,           tique) ;
lipides (4,5).                             même dans ces populations sélection­
                                           nées, les données sont disparates avec     -	Un défaut de transport des enzymes
Les protéases pancréatiques se                                                           pancréatiques jusqu’à la lumière
classent en 2 catégories, les endopep­     des intervalles de prévalence allant de
                                           30 à 90 % en fonction de la méthode           duodénale (tumeur obstructive,
tidases (trypsine, chymotrypsine et                                                      dérivation wirsungo-jéjunale) ;
élastase), qui clivent les protéines en    diagnostique considérée (diarrhée,
petits peptides qui seront à leur tour     stéatorrhée, test fécal, consommation      -	
                                                                                        U ne altération des signaux
clivées par les exoprotéases. Elles sont   d’extraits pancréatiques, …) (8).            de stimulation de la sécrétion
produites sous forme de pro-protéases                                                   pancréatique (pathologies duodé­
                                           L’une des difficultés dans le diagnostic
pour éviter l’autophagie pancréatique.                                                  nales, vagotomie) ;
                                           d’insuffisance pancréatique exocrine
L’activation du trypsinogène en            pourrait être expliquée par la variabi­    -	Un mélange inadéquat entre les
trypsine par l’entérokinase située au      lité des symptômes et leur caractère          enzymes et le bol alimentaire issu
pôle apical des entérocytes duodénaux      aspécifique. La classique stéator­            de l’estomac (dyssynergie post-
entraîne une réaction en cascade qui       rhée, définie comme l’émission de             chirurgie œso-gastrique).
conduit à l’hydrolyse des protéines        selles huileuses, malodorantes, flot­
en acides aminés et oligopeptides,         tantes, ne survient que lorsque la         Ces mécanismes peuvent être com­
qui seront absorbés en site jéjunal.       sécrétion de lipase chute en dessous       binés, notamment en cas de pancréa­
Contrairement aux triglycérides, dont      de 5 à 10 % de son taux habituel (9).      tite chronique où coexistent un défaut
l’absorption dépend entièrement de la      Une diarrhée (avec ou sans stéator­        de production secondaire à la fibrose
sécrétion pancréatique de lipase, les      rhée) n’est retrouvée que chez 38 %        du parenchyme et la présence de cal­
protéines peuvent soit être hydroly­       de patients atteints de pancréatite        cifications obstruant le canal pancréa­
sées par d’autres protéases du tube        chronique avec IPE confirmée (10).         tique principal.
digestif, soit traverser directement       Limiter la recherche d’une IPE aux
la bordure entérocytaire sous forme        patients présentant une diarrhée ou        Les causes pancréatiques
d’oligopeptides via des transporteurs      une stéatorrhée peut donc conduire à       La pancréatite chronique est l’une
spécifiques (6).                           un sous-diagnostic fréquent. D’autres      des principales causes d’IPE chez
Le pancréas joue également un rôle         troubles digestifs, le plus souvent        l’adulte, avec une incidence estimée
important dans la digestion des            aspécifiques, peuvent être induits         à 5-10 personnes pour 100 000 habi­
hydrates de carbone, via l’alpha-amy­      par une insuffisance pancréatique          tants. Elle se caractérise par des
lase pancréatique. Avec l’amylase          exocrine. On peut citer : les douleurs     phénomènes fibro-inflammatoires
salivaire, elle contribue pour près de     abdominales, le ballonnement, l’in­        conduisant à une destruction du
50 % à la transformation de l’amidon       continence fécale. Une anomalie            parenchyme et à une atrophie pan­
en oligosaccharides.                       de la sécrétion pancréatique et/           créatique (9). Une IPE a été rapportée
                                           ou une élastase fécale basse a été         chez 60 % de patients atteints de
La sécrétion hydro électrolytique du       mise en évidence chez 14 à 25% de          pancréatite chronique après une
pancréas a pour fonction de neutrali­      patients consultant pour des symp­         dizaine d’années d’évolution. Elle
ser l’acidité du suc gastrique post-py­    tômes dyspeptiques, dans des études        est plus fréquente en cas d’étiologie
lorique, et d’élever le pH de la lumière   de cohorte (11). Enfin, nombre de          alcoolique, de tabagisme et d’âge
intestinale afin de favoriser une acti­    patients sont asymptomatiques et           élevé au diagnostic (12,13).

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Une insuffisance pancréatique exo­         gies soient plus disparates. Plus fré­     liés à l’IPE peuvent induire des faux
crine peut également survenir dans         quente en cas de PAI de type 1, l’IPE a    positifs (24).
les suites d’un épisode de pancréatite     aussi été retrouvée dans les atteintes
aiguë. Dans une méta-analyse récente       pancréatiques de maladies auto-im­         Par diminution de la production de
du Dutch Pancreatitis Group, la préva­     munes telles que les MICI ou le syn­       facteurs hormono-stimulants, toute
lence globale de survenue d’une IPE        drome de Goujerot-Sjogren (8,21).          pathologie affectant la structure tissu­
après pancréatite aiguë était de 27 %.                                                laire duodéno-jéjunale peut conduire à
L’étiologie alcoolique, le caractère       La mucoviscidose est la maladie            une IPE. L’atrophie villositaire sévère
nécrosant ou récidivant de la pancréa­     génétique la plus fréquente en             de la maladie cœliaque induit une
tite aiguë étaient associés à un risque    Europe. Elle se développe suite à une      nette diminution de la production de
accru d’IPE. Il est à noter que pour       mutation sur le gène codant pour la        cholécystokinine, d’où une réduction
un certain nombre de patients, cette       protéine CFTR et se caractérise par        de la production pancréatique (25).
IPE était transitoire (14). Certaines      une obstruction des canaux pancréa­        Cette IPE est en partie responsable de
sociétés savantes préconisent en cas       tiques par des sécrétions hypervis­        la dénutrition associée à la maladie,
de pancréatite aiguë sévère un testing     queuses, conduisant à une fibrose          et l’adjonction d’une enzymothé­
de la fonction exocrine pancréa­           et une involution pancréatique pro­        rapie substitutive peut permettre
tique (15), voire une supplémentation      gressive. L’altération de la fonction      d’améliorer l’état nutritionnel chez
systématique (16).                         pancréatique est fréquente et sa           des patients cœliaques nouvelle­
                                           sévérité dépend du génotype. La pré­       ment diagnostiqués. L’insuffisance
Par un mécanisme aisément compré­          valence de l’IPE est plus élevée en cas    pancréatique associée à la maladie
hensible de réduction de la masse          de mutations entraînant une absence        cœliaque est le plus souvent résolu­
cellulaire active, les résections pan­     de protéine fonctionnelle, par rap­        tive sous régime sans gluten, mais ce
créatiques sont souvent pourvoyeuses       port aux mutations entrainant une          diagnostic doit toujours être évoqué
d’IPE. La duodénopancréatectomie           protéine partiellement fonctionnelle       en cas de persistance des symp­
céphalique (surtout si elle est réali­     ou rapidement dégradée. La muta­           tômes malgré un régime sans gluten
sée sans conservation du pylore) a le      tion delta F 508 (la plus fréquente)       bien conduit, les patients cœliaques
taux le plus élevé d’IPE postopératoire,   entraîne une IPE sévère dans près de       ayant un risque accru de pathologie
de 56 à 98 % selon les séries, vs. 12 à    100 % des cas lorsqu’elle est homozy­      pancréatique (15). Un mécanisme
80 % après splénopancréatectomie           gote et dans 72 % des cas lorsqu’elle      similaire peut être attribué aux
caudale. Une anastomose pancréa­           est hétérozygote. La prévalence de         atteintes duodénales de la maladie
tico-jéjunale est moins pourvoyeuse        l’IPE chute à 30 % pour les autres         de Crohn, bien que les études de la
d’IPE par rapport à une anastomose         mutations (22).                            fonction pancréatique dans cette
pancréatico-gastrique, qui favorise                                                   pathologie soient plus rares et sujettes
l’inactivation enzymatique (17). En        Les causes extrapancréatiques
                                                                                      à de nombreux biais.
cas de chirurgie pour tumeur bénigne,      De même que les patients atteints de
une énucléation et l’absence de            pancréatite chronique peuvent déve­        Hors pancréatectomie, toutes les
pancréatite chronique sous-jacente         lopper un diabète dit de type III, les     interventions chirurgicales ayant
sont des facteurs limitant la survenue     pathologies ciblant les cellules du        un impact sur l’anatomie et/ ou la
d’une IPE post-opératoire (18).            pancréas endocrine sont susceptibles       physiologie gastro-bilio-pancréa­

                                                                                                                                 PANCRÉATOLOGIE
                                           d’avoir un impact sur l’intégrité de la    tique peuvent être responsable d’une
L’insuffisance pancréatique exocrine
                                           production acinaire. Dans l’atteinte       IPE (21). Les mécanismes sont souvent
est un des facteurs contribuant à la
                                           auto-immune du diabète de type 1, les      multiples : altération de l’innervation
dénutrition des patients atteints de
                                           altérations morphologiques et histolo­     pancréatique après-vagotomie, désyn­
cancer du pancréas. Sa sévérité a été
                                           giques du pancréas sont fréquentes,        chronisation entre arrivée du chyme et
décrite comme un facteur de risque de
                                           avec une inflammation et une destruc­      production bilio-pancréatique, inacti­
mortalité dans une étude observation­
                                           tion parenchymateuse pancréa­              vation enzymatique par modification
nelle portant sur 194 patients atteints
                                           tique progressive (21,23). Une IPE         du pH duodénal, accélération du tran­
d’adénocarcinome du pancréas non
                                           sévère est retrouvée chez 11 à 30 %        sit conduisant à un moindre temps de
résécable (19). Présente chez 32 à
                                           des patients diabétiques de type 1,        contact entre enzymes et substrat, etc.
53 % des patients au diagnostic, elle
                                           surtout chez les patients devenus          Parmi elles, la gastrectomie (totale ou
est plus fréquente lorsque la tumeur
                                           adultes (24). Les hypothèses physio­       partielle) est la chirurgie entraînant
est localisée dans la tête du pancréas,
                                           pathologiques incluent une baisse          une plus grande altération de la diges­
et en cas d’ictère. Chez les patients
                                           de l’action trophique des hormones         tion pancréatique, de l’ordre de 50 à
ayant une tumeur non résécable, la
                                           pancréatiques (insuline, somatosta­        92 % des patients selon les études (15).
fonction pancréatique décroît avec le
                                           tine), une altération de la stimula­       Dans une cohorte de 63 patients suivis
temps, d’environ 10 % par mois (20).
                                           tion par neuropathie, une extension        après œsophagectomie, une IPE symp­
Sa prise en charge est associée à une
                                           de la destruction auto-immune aux          tomatique a été mise en évidence chez
amélioration de la qualité de vie,
                                           cellules exocrines. Chez le sujet diabé­   16 % des patients, dont 90 % d'entre
une diminution de la stéatorrhée
                                           tique de type 2, un mauvais contrôle       eux ont répondu à une enzymothéra­
et une augmentation de la survie
                                           glycémique, des doses élevées d’in­        pie substitutive (26). La stéatorrhée
globale (19).
                                           suline et un diabète ancien sont des       est un symptôme fréquent après
Les atteintes auto-immunes du              facteurs associés à la survenue d’une      chirurgie bariatrique, spécialement
pancréas peuvent induire une IPE par       IPE. Cependant, la prévalence de l’IPE     après by-pass (27), mais celle-ci fai­
défaut de production ou par obstruc­       dans cette population a souvent été        sant partie du mécanisme malabsorp­
tion canalaire, bien que les données       obtenue via la réalisation de tests        tif nécessaire à la perte pondérale, la
de la littérature dans ces patholo­        indirects, dont plusieurs facteurs non     nécessité d’un traitement de cette

                                                             317
Tableau 1: Causes pancréatiques et extra pancréatiques de l’insuffisance pancréatique exocrine
                                                    adapté de(1,8,15)

 Pathologie                                                               Fréquence            Facteurs favorisant l'IPE

 Causes pancréatiques

 Pancréatite chronique                                                  Élevée

                                         Pancréatectomie totale                         Anastomose wirsungo gastrique++
                                                                        Elevée
                                         Pancréatectomie cephalique                     vs wirsungo-jejunale
 Chirurgie pancréatique                  Pancréatectomie caudale        Modérée

                                         Autres                         Faible

 Pancréatite aiguë sévère                                               Elevée          Nécrose > 30 % de la glande

 Cancer du pancéas (hors chirurgie)                                     Élevée          Atteinte de la tête du pancréas, ictère

 Mucoviscidose                                                          Élevée          Mutation delta F508

                                         PAI                            Modérée         Surtout si forme pseudo-tumorale
 Affections auto-immunes du pancréas
                                         Associées à d'autres MAI       Faible

 Syndrome de Shwachman—Diamond                                          Elevée

 Causes extra-pancréatiques

                                         Type I                         Modérée
 Diabète sucré
                                         Type Il                        Faible

 Maladie cæliaque                                                       Modérée

                                         Gastrectomie                   Élevé           Vagotomie

                                         Œsophagectomie                 Modérée
 Chirurgie gastro-intestinale
                                         Chirurgie bariatrique          Elevée          By-pass gastrique

                                         Syndrôme de grêle court        Modéré-élevé    Selon anatomie

                                                                                        Atteinte proximale, maladie ancienne,
 Maladie de Crohn                                                       Faible
                                                                                        résections chirurgicales itératives

 Infection VIH                                                          Modéré

 Analogues de la somatostatine                                          Modéré

 Âge                                                                    Faible

dernière est discutable, et limité aux      Une étude transversale suédoise a mis      ture pancréatique progressive avec
malabsorptions vitaminiques sévères.        en évidence une IPE (diagnostiquée         l’âge. Une réduction de la sécrétion
De même, en fonction des caractéris­        par test fécal) chez près de 30 % de       pancréatique de 30 % a été mise en
tiques anatomiques postopératoires,         patients suivis pour infection VIH sous    évidence chez des individus sains de
une malabsorption par IPE peut être         antirétroviraux (29), sans altération      plus de 80 ans après stimulation à la
fréquemment observée chez des               des paramètres nutritionnels. Les          sécrétine, et des taux d’élastase fécale
patients atteints du syndrome du            ¾ des patients traités à la suite de ce    abaissés ont été retrouvés dans des
grêle court.                                diagnostic ont eu une amélioration         proportions similaires dans d’autres
                                            des symptômes. Le mécanisme de             cohortes.
Certains médicaments peuvent avoir
                                            l’IPE dans cette population n’est pas
une action sur la fonction et la tro­
                                            clair, sachant que la diarrhée est un      Enfin, certaines maladies génétiques
phicité pancréatique. L’utilisation
                                            symptôme fréquent en cas d’infection       comme le syndrome de Schwachman–
prolongée d’analogues de la somatos­
                                            à HIV.                                     Diamond ou le syndrome de Johanson-
totatine pour le traitement de tumeurs
neuroendocrines a été associée à la         Comme tous les organes, le pancréas        Blizzard, sont des étiologies plus rares
survenue d’une IPE chez 24 % dans           est également affecté par la sénes­        d’IPE qui sont le plus souvent diagnos­
une étude portant sur 50 patients,          cence. Des études morphologiques           tiquées dans l’enfance chez des
avec une majorité de tumeurs jéjuno-        ont mis en évidence une réduction du       patients ayant un contexte familial
iléales et non sécrétantes (28).            volume et une altération de la struc­      évocateur.

                                                                 318
< 100 µg/g de selle est communé­            nant les extraits pancréatiques. Le
Méthodes diagnostiques                    ment admis pour le diagnostic d’IPE         recueil des selles doit avoir lieu sur
                                          sévère, et un taux > 200 µg/g de            3 jours consécutifs afin de s’affran­
                                          selles permet d’éliminer une IPE dans       chir des variations liées au transit
Depuis plusieurs années, la mesure        la plupart des situations. Du fait de sa    intestinal. Une réduction des ingesta
du taux d’élastase fécale (EF) s’est      sensibilité à la dilution fécale, l’élas­   lipidiques pouvant également fausser
imposée comme étant le test de            tase fécale est d’interprétation déli­      le résultat, le patient doit suivre
première intention en cas de sus­         cate en cas de pathologie entraînant        un régime comprenant 100 g de
picion d’insuffisance pancréatique        une diarrhée d’une autre cause que          graisses/jour les 3 jours précédant
exocrine. En effet, sa réalisation est    l’IPE (diabète, maladies inflamma­          et durant le recueil, par exemple en
plus simple que celle de la mesure        toires intestinales, syndrome de grêle      ajoutant de 50 g de beurre/jour à son
de la stéatorrhée sur 72 h, et moins      court…). Il est donc important d’in­        alimentation habituelle. L’absorption
invasive que les tests de provocation     terpréter le résultat en fonction de la     des graisses étant > 93 %, un résultat
directe. L’élastase fécale est une pro­   prévalence de l’IPE dans la situation       > 7 g de graisse/24 h dans les selles
téase pancréatique très peu dégra­        clinique ayant conduit au dosage, car       est considéré comme pathologique.
dée lors de son passage intestinal.       les études de validation de l’EF ont        Cependant, ce test n’est pas spécifique
Elle est retrouvée dans les selles à      été conduites chez des patients pré­        d’une IPE et sa sensibilité est faible
une concentration 5 fois supérieure       sentant des IPE avérées. Par exemple,       en cas d’IPE légère (32). Certaines
à celle du suc pancréatique, stable       le risque de faux-négatif en cas de         diarrhées motrices ou sécrétoires,
pendant 1 semaine à température           dosage > 200 µg/g est de 1 % chez           ainsi que la prise de laxatifs peuvent
ambiante. Son dosage se fait par test     un patient atteint de diarrhée chro­        être responsables d’une stéator­
ELISA avec un anticorps polyclonal        nique, contre 9 % en cas de pancréa­        rhée, qui en général reste inférieure
capturant plusieurs isoformes de          tite chronique (30). En l’absence de        à 14 g/jour. La nécessité du recueil
l’enzyme, à partir d’un échantillon       contexte étayant le diagnostic d’IPE,       des selles pendant 3 jours, ainsi que
de selles brutes, et n’est pas affecté    le dosage doit être répété et si le dia­    la faible adhésion au régime enrichi
par la prise d’extraits pancréatiques     gnostic reste incertain, un traitement      en graisses constituent des freins
ou le type d’alimentation. Le résul­      d’épreuve par extraits pancréatiques        importants à la réalisation de ce test
tat est exprimé en microgrammes/g         peut être débuté (cf. figure 1).            en routine.
de selles, et sa concentration peut
être abaissée en cas de dilution de       Le dosage de la quantité de graisse         La chymotrypsine est une autre pro­
l’échantillon par de l’urine, ou lors     fécale sur 72 heures est le test de         téase pancréatique dont le dosage
d’une diarrhée sécrétoire. La sen­        référence pour la confirmation d’une        de l’activité enzymatique est pos­
sibilité du test varie en fonction de     stéatorrhée. Bien qu’il soit de moins       sible dans les selles. L’activité chy­
la sévérité de l’IPE, de 47 % (IPE        en moins utilisé en pratique clinique,      motrypsique fécale se dose seule sur
légère), 67 % (IPE modérée) et 97 %       il reste le gold standard admis dans        un échantillon de selles, ou de façon
en cas d’IPE sévère (30). Un taux d’EF    les essais thérapeutiques concer­           combinée avec le taux de graisses

                                                                                                                                PANCRÉATOLOGIE
              Figure 1 : Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’insuffisance pancréatique exocrine,
                                                  adapté de (1,16,31)

                                                            319
sur 72 h. Le résultat est exprimé par     cystokinine nécessitent le recueil du      Au-delà de la baisse de l’IMC, la
gramme de selles et doit être supé­       contenu duodénal soit par tubage,          sarcopénie est un facteur de risque
rieur à 6 UA/g à 25°C. Sa spécificité     soit par voie endoscopique. Ils ne sont    de mortalité et de morbidité reconnu
est moindre que celle de l’élastase       plus réalisés en pratique clinique du      dans la plupart des maladies chro­
pour le diagnostic d’IPE, surtout lors­   fait de leur caractère invasif et de la    niques. Elle est également associée
qu’elle est modérée ce qui en fait        difficulté à se procurer des sécrétago­    à un sur risque de complications et
un test médiocre pour le diagnostic.      gues.                                      de réhospitalisations après chirurgie
Cependant, elle se normalise sous                                                    digestive (37). Dans une cohorte
extraits pancréatiques, et peut être                                                 récente de 182 patients atteints de
utile en cas de persistance de symp­                                                 pancréatite chronique, une sarco­
tômes de malabsorption malgré des                                                    pénie évaluée par bioimpédancemé­
doses adaptées (33). Comme pour les       Conséquences                               trie électrique était présente chez
dosages fécaux précédents, des faux       métaboliques                               près de 20 % des patients et plus
positifs peuvent être induits par une     de l’insuffisance                          fréquemment chez ceux avec une IPE.
dilution de l’échantillon de selles en                                               Dans cette cohorte, la sarcopénie était
cas de diarrhée aqueuse (32).             pancréatique exocrine                      associée à une augmentation signifi­
                                                                                     cative de la mortalité et du nombre
Le test respiratoire aux triglycérides
                                                                                     d’hospitalisations et à une diminution
marqués 13C est un test non invasif ne    L’essentiel du déficit en macronutri­      de la qualité de vie (38). Il est à noter
nécessitant pas de recueil de selles,     ments secondaire à l’IPE est consé­        que 74 % des patients sarcopéniques
et peu influencé par les limitations      cutif à la malabsorption lipidique,        avaient un IMC normal ou élevé. La
de ce dernier (34). Il consiste en        les amylases et protéases produites        préservation de la fonction et de la
l’ingestion d’un repas standardisé        par d’autres organes du tube digestif      masse musculaire doit être un objectif
contenant une quantité connue de          (glandes salivaires, entérocytes)          dans le suivi des patients insuffisants
triglycérides marqués au Carbone 13.      pouvant longtemps suppléer la baisse       pancréatiques.
L’hydrolyse de ces triglycérides par      de la production pancréatique. Les
la lipase, puis l’oxydation des acides    lipides représentent 30 à 40 % de          La malabsorption liée à l’IPE est
gras en résultant, va entraîner la        l’apport énergétique total dans le         également responsable d’une aug­
libération de 13CO2 dans l’air expiré.    cadre d’un régime occidental, majo­        mentation des carences en micro­
Il a une excellente sensibilité et        ritairement sous forme de triglycé­        nutriments (10). Elles touchent
spécificité en cas d’IPE sévère (res­     rides (120 à 150 g/j). Une IPE, même       préférentiellement les vitamines lipo­
pectivement 90 et 80 %) mais peut         légère, conduira inévitablement vers       solubles (A, D, E, K) et de nombreux
être faussé par d’autres causes de        un déficit énergétique global, donc        case-reports ont été publiés avec des
malabsorption des graisses, ou en         vers une dénutrition à moyen ou à          tableaux cliniques variés. La carence
cas d’augmentation de la quantité         long terme.                                en vitamine A est l’une des mieux
de CO 2 expiré (pullulation bacté­                                                   documentée dans la littérature, avec
rienne) (35). Il serait une alternative   De plus, selon l’étiologie sous-jacente,   une prévalence allant de 15 à 35 %
intéressante aux tests fécaux dans        d’autres facteurs de dénutrition           selon l’étiologie. Cependant, son
le suivi sous traitement, mais n’est      peuvent s’additionner à la malab­          impact clinique est souvent limité. La
actuellement pas disponible en rou­       sorption, comme la baisse des ingesta      carence en vitamine D est plus fré­
tine en France.                           liés à la douleur ou à l’anorexie, ou      quente, mais sa prévalence élevée en
                                          l’augmentation de la dépense éner­         population générale biaise probable­
L’imagerie par résonance magné­
                                          gétique de repos en cas de pancréa­        ment les résultats. Elle doit toutefois
tique (IRM) s’est imposée depuis une
                                          tite chronique (36), de cancer, ou         faire l’objet d’une supplémentation
décennie comme un des examens-clé
                                          de mucoviscidose. La majorité des          systématique en cas de carence pour
de l’exploration du parenchyme et
                                          études visant à évaluer l’état nutri­      limiter l’évolution vers l’ostéoporose.
des canaux pancréatiques. L’injection
                                          tionnel ont été réalisées chez des         La carence en vitamine E est rare, et
intraveineuse de sécrétine pour
                                          patients porteurs de pathologies à         celle en vitamine K est surtout ren­
stimuler la production pancréa­
                                          risque, et il existe peu de travaux        contrée en cas d’obstruction biliaire
tique associée à la réalisation de
                                          spécifiquement centrés sur l’IPE. On       conjointe. Les manifestations cli­
séquences T2 dynamiques est une
                                          retrouve une prévalence élevée de la       niques des carences vitaminiques
technique prometteuse qui présente
                                          dénutrition dans ces pathologies, de       étant souvent tardives, il est recom­
une bonne corrélation avec la fonction
                                          28-32 % chez les patients atteints de      mandé d’effectuer un monitorage
pancréatique exocrine. Cependant, les
                                          pancréatite chronique à plus de 80 %       biologique régulier. La supplémen­
difficultés techniques d’approvision­
                                          en cas de cancer du pancréas (15). Il      tation devra intervenir en cas de
nement, ainsi que l’allongement du
                                          est primordial d’évaluer l’état nutri­     carence documentée, une supplé­
temps de réalisation et d’interpréta­
                                          tionnel des patients à risque, indé­       mentation systématique à l’aveugle
tion ont limité sa diffusion en radio­
                                          pendamment de la présence ou non           exposant à un risque de toxicité par
logie.
                                          d’une IPE. Les outils de screening         surdosage (notamment pour la vita­
Gold standard diagnostique de l’IPE       ambulatoires (MUST) ou hospitaliers        mine A) (39). Les carences en vita­
pendant de nombreuses années, les         (NRS-2002) sont nécessaires pour           mines hydrosolubles, en minéraux
tests directs mesurant le taux d’en­      dépister les personnes à risque de         et en éléments trace sont moins fré­
zymes pancréatiques (chymotrypsine,       dénutrition et comportent une éva­         quentes, touchant préférentiellement
lipase, amylase) et de bicarbonates       luation systématique du poids, de          le fer, l’acide folique, le calcium, le
après stimulation par l’administra­       sa cinétique et de celle des ingesta       magnésium et le zinc. Elles sont sur­
tion de sécrétine et/ou de cholé­         (36).                                      tout dépendantes de l’étiologie sous-

                                                            320
jacente. Cependant, certains auteurs                                                  stéatorrhée, des symptômes digestifs
recommandent une supplémentation         Prise en charge                              et de l’état nutritionnel des patients.
systématique en Calcium et vitamine      thérapeutique                                La prise d’EP a également été associée
D, notamment pour limiter la surve­                                                   à une amélioration de la qualité de vie
nue d’une ostéoporose et d’une oxa­                                                   et à une augmentation de la survie
lurie.                                   En l’absence de malnutrition, les            en cas de tumeur pancréatique (19)
                                         patients doivent avoir une alimen­           et de pancréatite chronique (16,45).
L’ostéoporose est une complica­          tation équilibrée et variée, couvrant        Les EP doivent donc être prescrits
tion sévère qui concerne près d’un       leurs besoins quotidiens en calories         chez tous les patients atteints d’IPE,
patient sur 4 (40). Les mécanismes       et en micronutriments. Un régime             qu’ils soient symptomatiques ou non.
physiopathologiques ne sont pas bien     pauvre en graisses n’est pas recom­
élucidés, mais l’altération du métabo­                                                Les extraits pancréatiques com­
                                         mandé, mais une alimentation riche
lisme phosphocalcique lié à la carence                                                mercialisés sont des microgranules
                                         en fibres est à éviter (> 25g/j) car
en vitamine D et en calcium et une                                                    gastro-résistants de pancréatine
                                         ces dernières adsorbent les enzymes
inhibition de l’ostéogenèse par l’in­                                                 d’origine porcine, conditionnées
                                         pancréatiques. En cas de dénutrition,
flammation chronique doivent jouer                                                    sous forme libre ou en gélules. Elles
                                         les patients devront avoir un régime
un rôle dans la baisse de la densité                                                  contiennent de la lipase, de l’amy­
                                         hypercalorique et hyperprotéiné, avec
minérale osseuse (41). Par une baisse                                                 lase et des protéases, mais la dose
                                         un apport journalier de 35 kcal/kg et
de l’activité de l’ostéocalcine, la                                                   est exprimée en unités de lipase.
                                         de 1 à 1.5g/kg de protéines, répartis
carence en vitamine K (cofacteur de la                                                L’enveloppe de la gélule se dissout
                                         en 5 à 6 repas. Les objectifs calo­
carboxylation de cette hormone) joue                                                  en quelques minutes dans l’estomac,
                                         riques sont encore plus élevés chez
également un rôle dans la baisse de                                                   libérant les granules dont la taille
                                         les patients atteints de mucoviscidose
l’ostéosynthèse en cas de d’IPE. Une                                                  variable entre 1 et 2 mm permet un
                                         qui doivent avoir un apport calorique
ostéodensitométrie doit être réalisée                                                 mélange approprié avec le contenu
                                         augmenté de 20 à 50 % par rapport à
systématiquement au diagnostic d’in­                                                  du bol alimentaire et un passage
                                         un sujet sain d’âge et de sexe équiva­
suffisance pancréatique et chez les                                                   optimisé au niveau du pylore, entre
                                         lent (39,44). Il est important que les
patients à haut risque, et répétée au                                                 30 et 60 minutes après l’ingestion.
                                         patients aient des apports journaliers
cours du suivi selon les constatations                                                L’enrobage des granulés étant pH-
                                         suffisants en calcium et en vitamine D
de l’examen initial.                                                                  dépendant, les enzymes sont proté­
                                         afin de limiter les déficits. Les conseils
                                                                                      gées de la dégradation acide dans
                                         diététiques devront également être
Dans une cohorte de 430 patients                                                      l’estomac et libérées au pH intraduo­
                                         adaptés en fonction de la pathologie
atteints de pancréatite chronique                                                     dénal (> 5).
                                         sous-jacente, notamment en cas de
et suivis pendant 8 ans, la présence     troubles de la motilité gastro-intesti­      Les modalités de prise des EP doivent
d’une IPE était associée à un sur-       nale après chirurgie digestive, ou de        être correctement expliquées au
risque d’évènements cardio-vascu­        maladie cœliaque. En parallèle, l’arrêt      patient pour optimiser leur action :
laires (RR 3.67) par rapport à ceux      de l’alcool et du tabac sera encouragé.
indemnes d’IPE et ce de façon indé­                                                   -	À chaque prise alimentaire conte­
                                         En cas de malabsorption persistante,
pendante des autres facteurs de                                                          nant des graisses ou des protéines
                                         il peut être conseillé au patient l’uti­
risque (diabète, tabagisme, hyperten­                                                    (repas ou collation) ;

                                                                                                                                 PANCRÉATOLOGIE
                                         lisation préférentielles de matières
sion artérielle) (42). Une attention     grasses riches en triglycérides à            -	Au milieu et/ou à la fin de la prise
particulière doit donc être portée aux   chaîne moyenne (TCM), plus facile­              alimentaire plutôt qu’avant (46) ;
antécédents cardiovasculaires des        ment hydrolysés par la lipase (16).
patients en cas d’IPE, les carences                                                   -	
                                                                                        É galement en cas de prise de
                                         Mais ces derniers ont un apport éner­
nutritionnelles et en micronutriments                                                   suppléments vitaminiques liposo­
                                         gétique moindre, et souffrent d’une
doivent être corrigées et le contrôle                                                   lubles ;
                                         mauvaise palatabilité.
des facteurs de risque être un élément                                                -	En cas de prise directe de micro­
du suivi de ces patients.                Chez les patients nécessitant une               granules libres, ne pas les croquer
                                         nutrition entérale, l’utilisation préfé­        ou les écraser, mais les mélanger à
Comme dans toutes les pathologies        rentielle de mélanges semi-élémen­              un liquide dont le pH est < 5,5 et se
entraînant une malabsorption lipi­       taires avec TCM n’est pas supporté              rincer la bouche après ingestion.
dique, les patients atteints d’IPE       par un niveau de preuve élevé malgré
sont à risque d’hyperoxalurie enté­      le rationnel physiopathologique. Les         Il n’existe pas de corrélation linéaire
rique. Cette complication non rare de    recommandations ESPEN concernant             entre sévérité de l’IPE et posologie des
nombreuses pathologies digestives est    les pathologies pancréatiques les            EP à administrer. Il est recommandé
responsable d’une augmentation des       réservent aux situations d’intolérance       de débuter par une dose de 50 000 U
lithiases urinaires et de la survenue    et d’inefficacité des mélanges polymé­       par repas et 25 000 U par collation
de néphropathies, voire d’insuffi­       riques standard (39), tandis que dans        chez les adultes. Chez les enfants, la
sance rénal et doit donc être dépistée   les guidelines du Royaume-Uni, elles         dose sera de 500/kg/repas chez les
au cours du suivi. La présence d’une     sont considérées comme à utiliser            enfants de plus de 4 ans et 1 000 U/
hyperoxalurie a été significativement    préférentiellement en cas d’IPE              kg/repas chez les enfants de moins
associée à une IPE sévère et à une       (16).                                        de 4 ans. Ces posologies doivent être
altération de la fonction rénale au                                                   augmentées en cas de mucoviscidose
cours du temps (43), dans une étude      La prise d’extraits pancréatiques            et de cancer du pancréas. Les patients
de 2017 portant sur des patients         constitue l’élément clé de la prise en       peuvent être encouragés à augmenter
atteints de pancréatite chronique et     charge de l’IPE. Elle a une efficacité       spontanément leur dose en cas de per­
suivis prospectivement.                  démontrée sur l’amélioration de la           sistance de la stéatorrhée. En théorie,

                                                           321
Figure 2 : Prise en charge thérapeutique d’une insuffisance pancréatique exocrine,
                                                      adapté de (31)

il n’existe pas de limite supérieure, la   de cancer du pancréas, seuls 43 %         du grêle, une malabsorption des sels
sécrétion pancréatique physiologique       prenaient leurs EP à chaque repas         biliaires ou une giardiase. De même,
chez le sujet sain étant de 360 000 à      et collation, y compris lorsqu’ils en     devant un amaigrissement inex­
900 000 U par repas. Cependant, des        ressentaient un bénéfice vis-à-vis de     pliqué, une autre cause d’hypercata­
cas de fibrose colique ont été décrits     leurs symptômes (47). Une réévalua­       bolisme sera recherchée comme une
chez des enfants atteints de mucovis­      tion de la fonction pancréatique par      néoplasie ou un diabète décompensé
cidose prenant des hautes doses d’EP       examen de selles peut être indiquée       chez un patient atteint de pancréa­
(de l’ordre de 20 000 U/kg/jour). La       en cas de persistance des symptômes       tite chronique ou une surinfection
dose quotidienne maximale est auto­        malgré une dose ≥ à 90 000 U /repas.      broncho-pulmonaire en cas de muco­
risée est de 250 000 U chez l’adulte ou                                              viscidose (16). Si nécessaire, une
10 000 U/kg chez l’enfant.                 L’adjonction d’inhibiteurs de la          enquête diététique poussée devra être
                                           pompe à protons et/ou d’antiacides        réalisée.
En cas de nutrition entérale, les EP       en même temps que les EP permet
seront administrés sous forme de           d’améliorer l’efficacité en augmen­
microgranules libres de façon frac­        tant le pH duodénal, la diminution de
tionnée au cours de l’alimentation         la sécrétion enzymatique s’accompa­
entérale, mélangés à un liquide            gnant souvent d’une diminution de la      Conclusion
acide, soit via la sonde de nutrition      production en bicarbonates (48).
(diamètre de 20 CH minimum), soit
avalées par le patient (16,39).            Après chirurgie gastro-intestinale, une   Si l’insuffisance pancréatique exo­
                                           accélération du transit ou un montage     crine est bien décrite et documentée
L’évaluation de l’efficacité se base       de type by-pass peut entraîner une        dans les pathologies pancréatiques,
sur la clinique et l’évolution des para­   libération des EP au niveau du jéjunum    l’importance de sa prise en charge
mètres anthropométriques et biolo­         distal, limitant le temps d’action des    correcte reste encore sous-estimée
giques. En cas de non-réponse, il faut     enzymes et donc une moindre effica­       malgré son impact notable sur la mor­
d’abord vérifier le respect de la poso­    cité des microgranules. Il sera donc      bidité et la mortalité des maladies qui
logie et/ou des conditions de prise des    conseillé aux patients d’ouvrir les       lui sont associées. Elle peut accom­
EP avant d’effectuer une escalade de       gélules et consommer les microgra­        pagner de nombreuses conditions
dose. En effet, le traitement par EP       nules libres.                             médicales en dehors de la pancréatite
représente un nombre significatif de                                                 chronique et de la mucoviscidose, qu’il
gélules, à prendre au long cours et        En cas de persistance de la diarrhée      faut savoir identifier. Son diagnostic
une lassitude est inévitable au cours      ou de la stéatorrhée, des diagnostics     repose sur le taux d’élastase fécale,
du temps. Dans une étude récente           différentiels doivent être évoqués        dont l’interprétation peut s’avérer
portant sur des patients atteints          comme une pullulation bactérienne         délicate en l’absence de pathologie

                                                            322
pancréatique évidente. La prise en                  11.	Lariño-Noia J, de la Iglesia D, Iglesias-     23.	Piciucchi M, Capurso G, Archibugi L,
charge comprend un suivi clinique                      García J, Macías F, Nieto L, Bastón I, et al.      Delle Fave MM, Capasso M, Delle Fave
                                                       Morphological and functional changes               G. Exocrine pancreatic insufficiency in
et biologique régulier, la prise d’ex­                 of chronic pancreatitis in patients with           diabetic patients: prevalence, mecha-
traits pancréatiques à doses adap­                     dyspepsia: A prospective, observa-                 nisms, and treatment. Int J Endocrinol.
tées et le dépistage des complications                 tional, cross-sectional study. Pancreatol          2015;2015:595649.
métaboliques. En cas d’inefficacité, il                Off J Int Assoc Pancreatol IAP Al. avr
                                                       2018;18(3):280‑5.                               24.	Hahn J-U, Ker ner W, Maisonneuve
convient de rechercher une mauvaise
                                                                                                          P, Lowenfels AB, Lankisch PG. Low
compliance ou des modalités de prise                12.	Machicado JD, Chari ST, Timmons L, Tang          fecal elastase 1 levels do not indicate
inadaptées en première intention,                       G, Yadav D. A population-based evalu-             exocrine pancreatic insufficiency in
puis un diagnostic différentiel en                      ation of the natural history of chronic           type-1 diabetes mellitus. Pancreas. avr
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fonction du contexte clinique.                          Pancreatol IAP Al. janv 2018;18(1):39‑45.
                                                                                                       25.	Struyvenberg MR, Martin CR, Freedman
                                                    13.	Agarwal S, Sharma S, Gunjan D, Singh N,          SD. Practical guide to exocrine
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                                                                                                          Preston SR. Exocrine pancreatic insuffi-
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                                                                                                          ciency following esophagectomy. Dis
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                                                                                                          Esophagus Off J Int Soc Dis Esophagus.
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                                                                                                                                                         PANCRÉATOLOGIE
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