Jacques Rancourt 24 poèmes / 24 poems

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Jacques Rancourt

24 poèmes / 24 poems

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Poèmes 1974-2011
1974-2011 Poems

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La journée est bien partie pour durer

je me suis levé comme chaque matin
j’ai mis le pied sur chaque trottoir
chaque soleil lissait ses premières armes
l’escalier pour descendre ici a été blanc de tout son long
jamais je n’avais autant entendu voler les pigeons
chaque charrette patiente avec son vieux sur chaque versant
   du marché

le soleil a été matinal aujourd’hui
il remonte au bout des rues
la journée est bien partie pour durer

alors moi et chacun de mes fantômes que je me lance devant
  derrière comme des bulles
alors moi et mes fantômes nous refaisons l’escalier blanc
nous irons écrire des poèmes en tâchant de nous renvoyer la
  balle de l’un à l’autre le plus loin possible

                                                         (La journée est bien partie pour durer, 1974,
                                                    rééd.Veilleur sans sommeil, Montréal, Le Noroît,
                                                                  Paris, Le Temps des Cerises, 2010)

The Day’s Made a Good Start Towards Lasting

I got up just like every other morning
I put my foot down on every pavement
every sun stroked its preliminary weapons
the stairway going down here was white its entire length
I have never oh never heard pigeons fly about so much
every cart was idling with its old lad on every slope of the
  market

today the sun was an early riser
it’s climbing right to the end of the streets
the day’s made a good start towards lasting

then I, and each of my ghosts that I throw to myself before
  and behind me like bubbles
then I and my ghosts reassume the white staircase
we will go on writing poems and will try to throw the ball to
  each other from as far away as is possible
                                                             (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies
                                                       édition bilingue, Dublin, Dedalus Press, 1995)

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Un matin parfois

tous les métros vous passent dessus
on a oublié son parapluie
on casse sa clef aussi
le vent ne veut pas rester dehors
on tombe on dort à tous les étages

                                      (La journée est bien partie pour durer, 1974,
                                               rééd. Veilleur sans sommeil, 2010)

Sometimes One Morning

sometimes one morning
every single metro passes over you
you’ve forgotten your brolly and
broken your key as well
the wind just will not stay outside
you fall you sleep on every floor

                                (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies,1995)

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On dit

on dit
la mer polira d’abord ses naufragés
si l’on veille à rester très calme
la neige vous montera jusqu’aux épaules
un peu grecques un peu québec
des âmes s’attendront sur toutes les rives
elles apprendront à la mer à nager
entre le coude et les côtes
leur petite malle invraisemblable
insistante
jamais midi jamais minuit
mais le temps qui sans cesse se fige à l’oblique
saluant les rues très grecques
ou confirmant la neige à québec

                                      (La journée est bien partie pour durer, 1974,
                                                      Veilleur sans sommeil, 2010)

They Say

they say
the sea will first of all polish its castaways
if you seek to stay quite calm
the snow will rise right up to your shoulders

a little bit greek a little quebec
souls will wait for one another on every shore
they will teach the sea how to swim

between elbow and coasts
their little improbable trunk
insisting

never midday never midnight
but time ceaselessly clamping itself to the oblique
greeting the very greek streets
or confirming snow in quebec

                                   (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies, 1995)

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Qui sait demain

Qui sait demain si la blancheur sera encore un déguise-trou
ou un simple papier de cigarette
délicat autour de son tabac
que l’on fume puis une autre cigarette
comme l’eau du bain continue l’eau du bain
ou le bruit de la voiture
mais la vie est froissée à peine

                              (Le pont verbal, Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1980,
                                   rééd. Veilleur sans sommeil, Montréal, Le Noroît,
                                                  Paris, Le Temps des Cerises, 2010)

Who Knows Tomorrow

who knows tomorrow if whiteness
will still be a hole-hider
or simply a cigarette paper
fragile around its tobacco
that you smoke then another cigarette
like the running of bath-water
bath-water
or the noise of the car
but life is only imperceptibly skimmed

                                                                (tr. Rick Caldicott)

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Soudain tu t’es mise à dormir

Soudain tu t’es mise à dormir
ta main chaude et d’une seule pièce
j’ai pensé nous avons le nord aux pieds et la tête vers le sud
ma mère à gauche la tienne à droite et l’Atlantique et le Pacifique
tu as commencé à respirer plus fort et j’ai pensé aux étoiles d’en face
nous avions la Terre dans le dos
rien du Vietnam ni rien de l’Ethiopie
ne parvenait jusqu’à nous
rien non plus du Chili
au moment de mourir on chuchotait à peine
j’ai pensé encore il y a des vaches dans les étables
et le lait
on danse dans des salles
tu dormais dans le calme
j’ai chuté aussi
alors les étoiles ont dû se mettre à nous bombarder

                                                            (Le pont verbal, 1980,
                                                     Veilleur sans sommeil, 2010)

Suddenly You Slipped into Sleep

Suddenly you slipped into sleep
your arm warm and self contained
we’ve our feet to the north
and our heads to the south
I thought on the left my mother yours on the right
Atlantic Pacific
you started to breathe more deeply
and I thought of the stars across the way
beneath our backs we had the earth
nothing from Vietnam nothing from Chile
could reach us
nor from Ethiopia
the moment of dying is scarcely a whisper
I thought again there are cows in the cow-sheds
and milk
people are dancing
you were sleeping in peace
I slid there too
then the stars must have started to bombard us
                                                               (tr. Lindy Henny)

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Le pont verbal

J’aurai déposé près du lit ma chemise de laine
    et mes chaussures brunes
j’emprunterai le passage de la veille au sommeil
familier de ce pont trouvé en tâtonnant
puis je pourrai mourir du corps
ou revenir et me nourrir de peu
j’aurai fréquenté les choses sensibles

                                                          (Le pont verbal, 1980,
                                                   Veilleur sans sommeil, 2010)

The Verbal Bridge

I will have put down near the bed my woollen shirt
 and my brown shoes
I will embark on the passage from waking to sleep
familiar on this bridge found only gropingly
then I will be able to die from the body
or return and feed myself on so little
I will have visited the creations of the senses

                                                          (tr. Frank Kuppner,
                                       revue la Traductière n° 3, Paris, 21985)

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Ce soir

Ce soir le sang circule
les odeurs portent
la pesanteur agit sur le moindre fauteuil
on a cent ans peut-être si ce n’est trente ou mille
on se souvient de tout
on souffle aussi
        on se soumet aux bruits que la nuit répercute
on bouge un peu le cou et la tête se dégage

                                                          (Le pont verbal, 1980,
                                                   Veilleur sans sommeil, 2010)

This Evening

This evening blood circulates
scents carry
heaviness affects the slightest armchair
we are perhaps a hundred years old, if not thirty or a thousand
we remember everything
we breathe out too
we submit to the noises echoed by the night
we move our necks a little and our heads are released.
                                                         (tr. Sarah Brickwood)

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A tête lucide

à tête reposée et à regard présent
les étoffes bougent peu et les
placards à peine
la cendre
peut-être
aurait tendance à s’envoler

A tête lucide
ce qui change surtout
c’est le défilé des
visages le profilé
dans le temps
des mêmes
visages

Mais
personne ne bouge ou si peu
car
chacun allume sa pipe ou boit son thé
renfile son froc
regagne la nuit tel qu’il l’avait laissée

                                                 (Les choses sensibles, Montréal, l’Hexagone, 1989,
                                                                rééd.Veilleur sans sommeil, , 2010)

With a Clear Head

With a clear head
with a level head and a keen glance
the fabrics shift little and
the cupboards less
the ash
perhaps
tends to scatter

with a clear head
what changes most
is the procession of
faces the delineation
in time
of the same
faces

But
nobody shifts or so little
for
each lights his pipe or drinks his tea
pulls on his frock-coat
and rejoins the night as it had left him
                                                                               (tr. Rick Caldicott)
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Un simple après-midi…

Un simple après-midi
silence
et quelque mouche passe à propos
ou c’est la pluie qui redescend
mon coeur se serre encore une fois
est-il bon de se taire
il est doux de se rendre
les toits luisent sans déplaisir
le ciel dispense un blanc liquide
est-ce moi qui respire
ou l’air qui me respire
comme il bouge les feuillages et soutient les nuages
je touche à la fin du poème et c’est peu dire
je touche à peine par terre
il me faudra rentrer dans la peau du monde choses
le monde anthropomorphe me serre toujours le cœur

                                                                     (Les choses sensibles, 1989,
                                                                    Veilleur sans sommeil, 2010)

One Simple Afternoon

One simple afternoon
silence
and a fly, appropriately, passes
or perhaps the rain is falling again
my heart is wrung once more
is it good to keep quiet
it is sweet to surrender
the roofs shine without displeasure
the sky releases a white liquid
is it I who am breathing
or the air that is breathing me
the way it stirs the foliage and sustains the clouds
I come near the end of the poem and it’s not much
I have hardly come to ground
I’ll have to enter again the flesh of worldly things
the anthropomorphic world that goes on wringing my heart

                                              (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies, 1995)

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Ollioules

Il n’y a rien dans cette tasse
la rue est vide aussi
C’est ainsi que les chaises
restées seules avec la table
forment un carré parfait
Le silence à lui seul ne renchérit en rien
sur la lumière
Les fleurs sont immortelles
comme jadis les chevelures des déesses
Or le temps ne passe plus
Nous ne reverrons pas les royaumes abolis
le sang est bien trop sec
et les aurores si boréales

                                             (La condition terrestre, Charlieu, La Bartavelle, 1995,
                                                                 rééd.Veilleur sans sommeil, 2010)

Ollioules

There is nothing in this cup
and the street is empty too
In the same way the chairs
left alone with the table
form a perfect square
Silence by itself does not improve at all
on the light
Flowers are immortal as once
were the heads of hair of our goddesses
Now time is no longer passing
We won’t see again abolished kingdoms
blood is far too dry
the aurora so boreal

                                             (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies, 1995)

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La distribution des corps                              A la distribution des corps
                                                       tous les hommes sont égaux
Avec tout le temps qu’il fait                          à eux-mêmes
chacun en a pour son argent
ou l’argent qu’il n’a pas                              le reste n’est que du vent
                                                       qui se perd dans l’espace
c’est un peu la même chose
mais c’est aussi l’inverse                             le reste dépend du vent
                                                       qui opère dans l’espace
ce n’est pas qu’une question d’argent
d’ailleurs                                             Car
                                                       avec tout le vent qu’il fait
d’ailleurs                                             sans parler de l’espace
tout commence                                          mais parlons-en
à la distribution des corps
                                                       Car
il y en a pour tout le monde                           avec tout l’espace qu’il fait
il n’y en a qu’un chacun                               et le temps c’est de l’espace en plus
pour toute une vie
                                                       le vent souffle à discrétion
il y a bien de quoi fumer sa pipe                      il souffle infiniment
ce n’est pas la fumée qui s’en plaindra
                                                       Dieu sait pourquoi dans les planètes
il vaut mieux ne pas se plaindre                       personne n’a trouvé
d’ailleurs                                             enseigne où porter plainte

d’ailleurs                                             il y a du vent dans la voilure
les plus à plaindre ne font qu’un bruit de fond        il y a du sang dans l’embrasure

Avec tout le temps qu’il fait                          le choeur des corps ne fait qu’un bruit très
et les absences qu’il a                                  sourd

le jeu des corps                                                             (La condition terrestre, 1995,
pèse sur l’âme                                                               Veilleur sans sommeil, 2010)
et l’âme arrive trop tard pour porter plainte

c’est aussi une question d’argent
d’ailleurs

D’ailleurs
Avec tout l’argent qu’il fait
et le temps c’est encore de l’argent

les uns tirent le meilleur du pire
d’autres font des tabacs

il y en a qui n’ont rien à tirer
ils tirent la queue du diable

                                                  13
The Distribution of Bodies                              At the distribution of bodies
                                                        all men are equal
With all the time that falls about us                   to themselves
everyone gets a little for his money
or the money he hasn’t got                              anything else is merely wind
                                                        that loses itself in space
it’s more or less the same thing but it is, too,
   the other way around                                 anything else depends on the wind
                                                        that operates in space
it’s not only a question of money
anyway                                                  For
                                                        with all the wind there is about us
anyway                                                  without speaking of space
it all begins                                           but what the hell let’s speak of it
with the distribution of bodies
                                                        For
there is some for everyone                              with all the space that falls about us
there is only one to each person                        and time besides is space
for a whole lifetime
                                                        the wind is blowing where it will
now that’s a good reason for smoking one’s              blowing infinitely
 pipe
and it’s not the smoke that will complain               God knows why among all the planets
                                                        no one has ever found
it’s better not to complain at all                      somewhere to lodge complaints
anyway
                                                        there is wind up in the shroud
anyway                                                  in the window-ledge there’s blood to be found
those who complain most merely make scrat-
  ching noises                                          the choir of bodies makes only a very dull
                                                          sound
With all the time that falls about us
and the blackouts that there are                             (tr. John F. Deane, Distribution of Bodies
                                                                      (Dublin, © Dedalus Press, 1995)
the game of bodies
weighs heavily on the soul
and the soul’s too late to whine about it

it’s also a question of money
anyway

Anyway
With all the money that falls about us
and time of course is still money

some can pull the fat out of the fire
others can pull some very fine strokes

there are some who have nothing to pull on t
hey pull the devil’s tail

                                                   14
Ciel de terre

C’est bien ici
il y a du sol partout
on peut planter des arbres et poser des maisons
on peut même faire
courir des chiens et pousser du gazon

moi j’avance d’un pas pesé
je regarde sur ma gauche
je vois un paysage de gauche
je regarde sur ma droite
les visiteurs sont remontés dans l’autocar

il y a du monde partout si l’on y regarde bien
et ceux qui gisent dessous ne sont pas les moins voyants
le soleil monte avec la petite aiguille
le passé tient tout entier dans le présent
moi je marche d’un pas pesé

la Terre baigne dans l’air
il y a du ciel partout
l’air tient tout entier dans la lumière du ciel
                                                       (Gravitations, Paris, Editions Signum, 2001,
                                                                  rééd.Veilleur sans sommeil, 2010)
Earthen Sky

It is good to be here
everywhere there is soil
you can put down trees and put up houses
it is even possible
to make dogs run and have lawns grow

but I press forward with considered steps
looking over to my left
I see a landscape over to my left
looking over to my right
the visitors have got back into their coach

there are people everywhere if you pay close attention
and those who lie below are not those seen who see the least
the sun ascends with the little hand
the past is contained wholly within the present
but I walk on with considered steps

the Earth bathes in the air
everywhere there is sky
the air is wholly contained within the sky’s light
                                                                   (tr. John F. Deane, Gravitations,
                                                                     Paris, Signum Editions, 2001)

                                                  15
Entrechats                                             Cataracts

Il arrive parfois qu’en dessinant                      Sometimes it happens that while drawing
un chat on soit enclin à s’endormir                    a cat your may feel inclined to fall asleep

avec son calme aux yeux et la                          given the calm in its eyes and the
chute de sa tête sur le velu des                       fall of its head on the silkiness of its

pattes. Il arrive que le chat                          paws. It happens that the cat
se laisse dessiner. Il arrive                          lets itself be drawn. It happens

que rien n’ait d’importance                            that nothing is of any consequence
et que tout en ait. Le chat ne                         and that everything is. The cat

dessine pas. Il dort il veille,                        does not draw. It sleeps it wakes,
il veille il dort, et ses petits                       it wakes it sleeps, and its young

n’ont rien à craindre. Il arrive                       have nothing to fear. It happens
que tout arrive ou bien rien et                        that everything happens or nothing at all
                                                         and
c’est du pareil au même. Quand
on dessine un chat et qu’on a                          it’s all much of a muchness. And when
                                                       you are drawing a cat and when
la tête posée sur son sommeil
on fait parfois des entrechiens.                       you take your little catnaps sometimes
                                                       your life goes on in dogaracts.
                               (Gravitations, 2001,
                      Veilleur sans sommeil, 2010)                (tr. John F. Deane, Gravitations, 2001)

                                                  16
Sur ce fil d’horizon                                       The Line of the Horizon

Sur ce fil d’horizon                                       On this simple line of the
simple                                                     horizon,
sur cette nuit d’horizon                                   on this horizon night
il y a une pleine lune qui se joue au ballon               there’s a ball moon playing with itself
il y a la lumière d’une journée lourde                     there’s the light of a heavy day
qui s’évapore dans l’air noirci                            evaporating into darkened air

Sur cette lame d’horizon                                   On this blade of the horizon
vont périr                                                 quickly perish
les grands débats du petit jour                            the great discussions of early morning
les idées courtes d’après la sieste                        the snappy ideas of post-siesta hours
il y a la ligne des épaules                                there’s the shoulder-line
qui se réjouit de tant de calme                            delighted with so much calm
il y a le fond du cœur                                     there’s the deep heart’s core
qui se déleste de ses scories                              unburdening itself of its scabs

Sur cet arc d’horizon                                      On this arc of the horizon
vient se greffer                                           there comes grafting itself
le tissu distendu des étoiles                              the overstretched tissue of the stars
l’univers en lui-même                                      the very universe
commence ici                                               begins here
par cette lumière quasi parfaite                           in this almost perfect light
le cœur grésille                                           the heart is sizzling
sous la ligne des épaules                                  under this shoulder-line
la ligne des épaules                                       the shoulder-line
oscille                                                    embraces the axis
dans l’axe de sa galaxie                                   of its galaxy
                                                                      (tr. John F. Deane, Gravitations, 2001)
                               (Gravitations, 2001,
                     Veilleur sans sommeil, 2010)

                                                      17
Homogenèse

       Au commencement était le corps, or le corps était une âme, à muscles lents et à cuir
chevelu. Le vent arrivait de biais et repartait vers la mer. La croûte terrestre donnait sur la
voûte céleste. Or le corps était un homme, à gestes lents et à tube digestif. Il vit le vent, et
fit vibrer ses cordes vocales. La voûte céleste parut toucher la croûte terrestre. Puis la pluie
s’interposa. Il vit la pluie, il lui donna un nom. Il en donna un aussi au soleil qui s’ensuivit.

      Au commencement était le corps, et le verbe était à l’intérieur. Les muscles coulissaient
contre les os, la peau évacuait la vapeur d’eau. Il y eut un corps, il y eut un matin, l’âme était
une femme, une fleur de chair à réciter la chair.

        Le vent revenait de loin, il remontait le temps à cheval sur sa pluie qui jouait dans les
mares. Quand le soleil sonna il était bien midi. La croûte terrestre faisait partie de la voûte
céleste, elle était bleue vue de loin, elle se déplaçait avec l’espace. La femme tenait un livre où
il était question d’Appalachiens. Personne n’est partout, disait-elle à ses fils, et elle leur prenait
les mains. Le dessert n’était pas encore servi, la radio rejouait Bach, peut-être Alfred Deller,
nous n’étions pas mécontents d’être venus ici. Il descendait des gouttes de pluie sur les vitres
de la cuisine, le temps parlait à l’indicatif présent, le corps était une âme, à muscles lents et à
cuir chevelu, il regardait luire le feuillage contre la voûte optique du ciel.
                                            (La nuit des millepertuis, Montréal, éditions Trois, Paris,
                                       le Temps des Cerises, 2002, rééd. Veilleur sans sommeil, 2010)

Homogenesis

      In the beginning was the body; now the body was a soul with slow-rippling muscles
and skull-cap. The wind came blowing slantwise in and left again towards the sea. The earth’s
crust opened out onto the vault of heaven. Now the body was a man, slow of gesture and
with digestive tract. He saw the wind and set his vocal cords vibrating. The vault of heaven
appeared to touch the earth’s crust. Then the rain intervened. He saw the rain, and gave it a
name. He gave a name, too, to the sun which followed on.

      In the beginning was the body, and the word contained within. The muscles were
slotted against the bones, the skin emitted steam. There was a body, there was a morning, the
soul was a woman, a flower of flesh to sing the praises of the flesh.

       The wind came back from far away, once more it rode on horseback on time above the
rain that sported in stagnant ponds. When the sun rang it was indeed midday. The earth’s crust
formed part of the vault of heaven, it was blue seen from afar, it shifted about inside space.
The woman held a book in which there was talk of Appalachians. Nobody is everywhere,
she told her children, and she took them by the hand. Dessert had not yet been served, the
radio was playing Bach again, Alfred Deller perhaps, we were not unhappy to be here in this
place. Drops of rain were failing down the kitchen window-pains, time spoke in the present
indicative, the body was a soul with slow-rippling muscles and with skull-cap, it watched the
foliage gleam against the optical vault of the sky.

                                                  (tr. John F. Deane, The SHOp, a magazine of poetry,
                                                                                Dublin, spring 2008)

                                                 18
La matière claire

Dans le ciel très acrobate
en fin d’après-midi calme
un vol d’oiseaux jonglent sur l’air

il y a la lumière faite pour les yeux
qui croise des ondes larguées par satellite
il y a le son qui se déplace à petits pas

un jour viendra le temps aura ciblé son heure
ou il ne viendra pas c’est selon les selons
une autre planète borgne nous verra disparaître

c’est moi ici pour le moment qui trace des signes sur une surface plane
c’est ma tête qui vue d’en haut se trouve à contre-terre
c’est moi qui gère du sens pour la faune des humains

Sur la page comme acrobate
au petit lever du jour
un vol de mots s’attribuent des espaces

il y a l’eau de la pluie avec plusieurs voyelles
qui crée des flaques autour des noms communs
il y a le circonflexe qui fait office de parapluie

un jour viendra le temps aura fait sa lessive
comme jadis le lundi dans les seaux et les cuves
les mots un peu Vénus renaîtront d’autres eaux

c’est moi ici pour le moment qui clapote au clavier
c’est ma tête qui vue des pieds navigue à contre-ciel
c’est moi qui fais fonction de pierre de touche

Dans tes yeux bien acrobates
au tomber de la nuit
un vol de rêves se raccordent au réel

il y a l’eau de lumière filtrée du ciel
qui discute avec le très mobile en toi
il y a ton ombre qui m’aime à la première personne

un jour viendra le temps aura tourné notre heure
un samedi si tout va bien pourquoi pas un dimanche
nous rallierons peut-être un même débarcadère

c’est un autre à ma place qui donnera de la pensée
largué au beau milieu des cieux et poussant sa brouette
mâchant force cailloux pour en extraire la matière claire
                                          (La nuit des millepertuis, 2001, Veilleur sans sommeil, 2010)
                                                19
Bright Matter

In the very acrobatic sky
towards the end of a calm afternoon
a flight of birds is juggling in the air

light that is created for the eyes
crosses waves let loose by satellites
sound shifts along quite mincingly

a day will come time will have targetted its hour
or will not come that may be as maybes
another one-eyed planet will see us disappear

it’s I here for the moment plotting signs on a level surface
it’s my head seen from above that finds itself contra the earth
it’s I who manage sense for the fauna of humankind

On the page as acrobat
at the earliest sign of day
a flight of words assigns spaces to itself

there is the rain-water with several vowels
that makes puddles around common nouns
there is the circumflex that serves as an umbrella

a day will come time will done its washing
as before on Mondays with its buckets and vats
the somewhat Venus words will be born from other waters

it’s I here for the moment chopping against the clavier
it’s my head seen from my feet that sails contra the sky
it’s I who serve as touchstone

In your quite acrobatic eyes
just as night was falling
a flight of dreams blends itself with the real

there is the water of a light filtered from the sky
in discussion with what is mobile in you
there is your shadow which loves me in the first person

a day will come time will have turned our time around
a Saturday if all goes well why not a Sunday
we will put together perhaps a similar landing-place

it’s someone else in place of me will give pause for thought
cast off in the depths of the skies and pushing his wheelbarrow
chewing loads of pebbles to extract from them bright matter.
                                                                  (tr. John F. Deane)
                                                 20
Les pièces du paysage

Chaque jour aurait été le même
la lune quittant du bon côté
le soleil se présentant à l’heure

on aurait pu à tout moment consulter Dieu
scier la branche
ou changer de cap l

es uns auraient été désagréables
les autres utiles ou sympathiques
aucun n’aurait cherché à déplacer les rôles

la nuit les sommeils se fussent enfouis très creux
même la tête y eût trouvé son bénéfice

et puis l’aube aurait dénoué ses coqs
distribué l’eau
ramené une à une toutes les pièces du paysage

                                    (Les pièces du paysage, Paris, Céphéides, 2006)

The Landscape Pieces

Each day would have been the same
the moon taking the right way out
the sun turning up on time

at any moment you could have consulted God
sawn off the branch
or changed course

some people would have been unpleasant
others helpful or friendly
none of them would have tried to switch parts

At night sleep would have hollowed out and burrowed in
even the head would have made a profit

and then dawn would have let out its cockerels
given out water
brought back all the pieces of the landscape one by one

                                         (tr. Susan Wicks, Les pièces du paysage /
                                    The Landscape Pieces, Paris, Céphéides, 2006)

                                                 21
Sans bruit

La nuit viendra sans bruit
comme un simple mal de tête

elle répandra des hommes
et des hélicoptères

le reste se fera par radio
des silencieux sur les fusils

il sera question de tutsis et de hutus
de génocides perpétrés à l’arme blanche

la terre aura une indigestion de sang
longtemps longtemps les mânes

tournoieront dans les arbres

                                  (Les pièces du paysage, Paris, Céphéides, 2006)

Without a sound

Night will come without a sound
like a simple headache

it will scatter men
and helicopters

the rest will happen by radio
silencers on the guns

there will be talk of tutsis and hutus
genocides perpetrated with cold steel

the earth will belch up blood
for a long long time the shades

will blunder about in the trees

                                         (tr. Susan Wicks, Les pièces du paysage,
                                                    The Landscape Pieces, 2006)

                                                22
Où va la nuit ?                                        Where Does the Night Go?

Sans sortir du décor il arrive                         Sometimes without leaving the landscape
néanmoins qu’on y entre                                you manage still to get into it

plus brusquement que prévu et c’est                    more suddenly than you expected to and then
alors la fosse aux lamentations                        there you are in the pit of wailing

avec les pneus qui fument et                           with the smoking tyres and
les poitrines qui saignent.                            I bleeding chests.

Le mal est déjà fait quand le                          The harm’s already done
vertige arrive. La route battait                       when the faintness comes. The road would flip

dans tous les sens, les arbres                         this way and that, the trees
suivaient, puis c’est le ciel qui                      would follow, finally the sky

a capoté. On perd parfois son                          turned over. Sometimes you lose
nom dans de telles circonstances                       your name in such a circumstance

et qui sait lorsqu’il se                               and who knows when
réincarne sur une pierre tombale                       it will live again on a tombstone,

si le calme est revenu dans le                         if in the body underground
corps sous la terre                                    it’s quiet now again

ou si défilent encore                                  or if before his eyes
devant lui des phares                                  the head/amps still flick pastæ

des coudes des portières                               the elbows metal doors
des morceaux de chaussures                             and bits of shoes

contre une croûte d’étoiles                            against an unmoving backdrop,
bloquée là à jamais.                                   a crust of stars.

                       (Les pièces du paysage, 2006)              (tr. Susan Wicks, Les pièces du paysage /
                                                                              The Landscape Pieces, 2006)

                                                   23
L’autre même

Il était assis face à moi dans le métro
il devait avoir mon âge, il avait mon allure
je me suis dit C’est le même que moi mais dans une autre vie
il a dû le sentir
il a levé les yeux vers les miens puis les a rabaissés devant mon regard
il devait être plus discret que moi
il est sorti à la station suivante
lentement lentement
puis s’est immobilisé sur le quai
face à la rame
au redémarrage nos reflets se sont croisés
comme il advient entre vivants et morts
parfois
quand la nuit ferme l’œil
                                   (revue la Traductière n° 27, Paris, juin 2009)

The Other Same

He was sitting across from me in the metro
he must have been my age, he had my bearing
I told myself, he is the same as I but in another life
he must have felt it
he raised his eyes towards mine then lowered them at my gaze
he must have been more discreet than I
he got off at the next station
slowly slowly
then stopped on the quay
facing the train
while the engine was starting up our reflections met
as happens between living and dead
sometimes
when night looks away
                                                        (tr. Andrea Moorhead)

                                               24
La feuille d’automne

La feuille d’automne dans le soleil couchant
luit de ses dernières lueurs de vivante
morte qu’elle sera demain dans le jour remontant

j’ai laissé ma montre au soleil
sur une pierre du bord de mer
et j’ignore ce qu’il est advenu de la pile
du quartz et des heures qui passaient

j’ignore si le temps a rongé le bracelet
ou brûlé le cadran sous le verre

la feuille d’automne a aussi connu le vent
et le vent nous emporte dans des temps hors du temps

                                                          (revue la Traductière n° 28, Paris, juin 2010)

The Autumn Leaf

In the setting sun the Autumn leaf
shines with its last glimmerings of a living thing
dead will it be tomorrow as the day stirs again to life

I left my watch out in the sun
on a stone at the edge of the sea
I don’t know what happened to the quartz
the battery and the hours that were flowing by

I don’t know if time gnawed away the strap
or burned the face beneath the glass

the Autumn leaf has also known the wind
and the wind carries us into times outside of time
                                                                                    (tr. John F. Deane)

                                                25
Saine ou sauve

La poésie est-elle une maladie ?
c’est un peu la question que vous posiez
mais vous n’aviez pas de réponse
c’est bien normal, elle ne répond pas
elle parle mais elle ne répond pas

mais si par hasard vous êtes vous-même
malade
elle a peut-être
elle pourrait bien avoir
la même maladie que vous

                                              (Veilleur sans sommeil, Montréal,
                                  Le Noroît/Paris, Le Temps des Cerises, 2010))

Safe or Sound

Is poetry an illness
that’s roughly what you were asking
but no answers were forthcoming
fair enough, poetry doesn’t answer
it talks but it doesn’t answer

but if by chance you are yourself ill
maybe it has
it really could have
the very same illness as you

                                                           (tr. Chris Andrews)

                                               26
Halte à la poésie

Je ne pourrai bientôt plus dormir
avec ces grappes de mots qui s’organisent en vers
et ces autres qui surgissent
et me demandent leur reste

l’air décidément
est bien trop plein de phrases latentes
qui se mélangent aux paroles gelées
même avec les deux narines
vous ne filtrez que le vent

ainsi je vais de strophe en strophe
traçant les vers comme des sillons
mesurant la distance
j’aimerais bien dormir
mais je repars vers l’aube avec ma main ardente

                                                 Veilleur sans sommeil, Montréal,
                                     Le Noroît/Paris, Le Temps des Cerises, 2010)

An End to Poetry

Soon I won’t be able to sleep
with these bunches of words falling into lines
and others springing up
demanding their due

the air is definitely
just too full of latent sentences
which mingle with frozen words
even using both your nostrils
you’re only filtering out the wind

so I go from stanza to stanza
tracing lines like furrows
measuring the distance
I’d really like to sleep
but I set off for dawn again with my hand alight

                                                             (tr. Chris Andrews)

                                                 27
Portrait ambulant		                             Walking Portrait

Le poète                                        The poet
ce veilleur sans sommeil                        this sleepless watchman
n’a pas pris la voie la plus directe            has not taken the shortest route
pour aller droit devant lui                     to what is right in front of him

il y arrivera en bout de course                 he’ll get there when his race is run
tout en n’ayant que marché                      having walked all the way

il voit déjà, il ne voit pas                    he already can and cannot see
les cercles lumineux à l’horizon                the bright rings on the horizon

parfois il s’assied                             sometimes he sits down
pour reposer son âme                            to rest his soul
qui a pris la vie bien au sérieux               who has taken life so seriously

il laisse respirer son âme                      he gives his soul a breather
bien attachée tout compte fait                  deeply attached as she is after all
à ce corps de passage                           to this provisional body

il trouve des mots avec son âme                 he finds words with his soul
il les teste avec elle                          he tests them with her

marchant marchant                               walking and walking
ils écrivent ils écrivent                       they write and write
ils s’épaulent ils s’épaulent                   they help each other help each other out

ils se sont longtemps demandé                   for a long time they wondered
lequel des deux à la fin                        which of the two would end up
partirait à cause de l’autre                    walking out on the other

ils n’y songent plus guère                      but they barely give it a thought
à présent                                       now
tant ils se sentent interchangeables            they feel so interchangeable
indissociables                                  so inextricably linked

ils s’attendraient plutôt                       if there’s anything to expect
s’ils doivent s’attendre à quelque chose        what they’re expecting might be more like
à une dernière lévitation                       one last levitation

                                                         (tr. Chris Andrews, revue Etchings n° 6,
                                                                               Melbourne, 2009)

                                           28
Les étoiles du firmament                              il n’oublia ni le bon ni le beau
                                                      ni le laid ni le mal
Quand l’homme eut créé Dieu                           il n’oublia pas la liberté
à son image et à sa ressemblance
Dieu se sentit invité                                 c’est ainsi que chemin faisant
à poursuivre lui-même la création                     il réinventa Dieu
                                                      à son image et à ses risques et périls
il créa le firmament et les étoiles du
   firmament                                          depuis lors l’homme vaque à ses occupations
il y glissa le soleil et les planètes
                                                      il crée des filets de pêche et des
prévoyant déjà la Terre                                  hexadécimales
il fit de la matière première pour Aristote           cultive des pommiers et des espoirs secrets
et les quatre éléments pour Bachelard                 il abstrait l’art comme on extrait l’or

il n’oublia ni le yin ni le yang                      et comme pour se détendre il s’invente des
ni la crinière du lion                                  prothèses
ni l’entêtement de Gilgamesh                          une pour chaque membre
                                                      des milliers pour le cerveau
il conçut la terre et l’eau
et sépara la terre et l’eau                           depuis ce temps Dieu se repose
                                                      il se repose sur l’homme
il conçut l’homme et la femme
et sépara l’homme de la femme                                                        (revue Les Écrits,
                                                                                  Montréal, mars 2011)
puis Dieu se reposa un moment
il se reposa et c’est là qu’il se mit à penser

alors Dieu qui n’est pas le dernier des
  demeurés
Dieu se souvint qu’il avait été créé par
  l’homme

c’est un anachronisme, réfléchit-il,
et il recréa l’homme à son image et à sa
  ressemblance
à son image et à sa dépendance

et l’homme se sentit invité
à poursuivre lui-même la création

à la reproduction par scissiparité
il ajouta la multiplication par accouplement
joignant l’utile à l’agréable

l’homme passa ensuite aux objets
aux outils et aux représentations
il conçut la flèche et la cible
le fusain et le croquis

                                                 29
The Stars in the Firmament                          he forgot neither the good nor the beautiful
                                                    neither the ugly nor the evil
When man had created God                            he did not forget freedom
in his own image and likeness
God found himself invited                           in this way as he went along
to continue creation by himself                     he reinvented God
                                                    in his own image with his own risks and
he created the firmament and the stars in             perils
 the firmament
and into it slipped the sun and planets             since then man attends to his occupations

foreseeing Earth already                            he creates fishing nets and hexadecimals
he made prime matter for Aristotle                  cultivates apple trees and secret hopes
and the four elements for Bachelard                 abstracts art the way one extracts gold

he forgot neither yin nor yang                      and as if to slacken off he invents prostheses
nor the lion’s mane                                   for himself
nor the stubbornness of Gilgamesh                   one for each limb
                                                    thousands for his brain
he thought up clay and water
and separated the clay from the water               since that time God rests
                                                    he rests on man
he thought up man and woman
and separated the man from the woman                               (tr. John F. Deane, Poetry Review,
                                                                              London, autumn 2010)
then God rested for a moment
he rested and that’s when he began to think

so God who’s not the last of the half-witted
God remembered he had been created by
  man

it’s an anachronism, he thought,
and he recreated man in his own image and
   likeness
in his image and dependency

and man found himself invited
to continue creation by himself

to reproduction by scissiparity
he added multiplication by mating
joining the useful to the pleasurable

man then passed on to objects
to tools and representations

he conceived of arrows and their targets
charcoal and sketch

                                               30
Entendement

Tout cela n’est pourtant que chair os et sang
revêtu il est vrai d’une pellicule de peau

et tout cela marche à merveille étonnamment
sauf accident et pour peu que l’on y prête
bon an mal an une attention honnête

mais comment savoir si ce cher assemblage
venu du papa et de la maman
tient son principe de vie dans la transmission même
comme le veut un sentiment commun

ou s’il relève plutôt d’une énergie transcendante
dispensée nolens volens ad æternum
à tout être remplissant les conditions de survie
comme le suggère le clan des hypothèses

mais comment savoir vraiment
si la question a un sens et si oui une réponse
si notre cher entendement est lui-même en mesure
d’en juger quoi qu’il en soi
                                                (Montréal, revue Exit, mars 2011)

Understanding

And yet all of it is little more than flesh bone and blood
dressed it is true in a thin layer of skin

and all of it works perfectly astonishingly
apart from accidents and if one pays
give or take on average reasonable attention

but how is one to know if this dear assemblage
come from the daddy and the mammy
retains its life principle fromn that very transmission
as common sense would like to have it

or if it comes from a transcendant energy
dispensed nolens volens ad aeternum
to every being fulfilling the conditions for survival
as the clan of hypotheses suggests

but how is one really to know
if there is sense in the question and if so a response
if our dear understanding is itself in a position
to judge on anything at all
                                                               (tr. John F. Deane)

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Jacques Rancourt

                  Notice biographique / Biographical note

Jacques Rancourt est né au Québec en 1946 et vit à Paris depuis 1971. Docteur ès lettres à la
Sorbonne, il a publié une vingtaine de recueils de poèmes et de livres d’artiste, des essais et
anthologies de poésie contemporaine, ainsi que des traductions de l’anglais et de l’espagnol. Il
dirige depuis trente ans le Festival franco-anglais de poésie et la revue la Traductière. Veilleur
sans sommeil a rassemblé en 2010 ses poèmes 1974-2008 (préface d’Henri Meschonnic,
coédition Montréal, Le Noroît /Paris, Le Temps des Cerises).

Jacques Rancourt was born in Quebec in 1946 and lives in Paris since 1971. PhD in French
Literature from La Sorbonne, he has published some twenty books of poetry and artist books,
essays and anthologies of contemporary poetry, plus translations from English and Spanish.
Since the beginning of the eighties, he is director of the Festival Franco-Anglais de Poésie and
of the magazine La Traductière. A wide choice of his poems 1974-2008 was published in 2010
under the title Veilleur sans sommeil (preface by Henri Meschonnic, co-edited by Le Noroït
in Montreal and Le Temps des Cerises in Paris).

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