L'activité des ophtalmologistes en France - Work-load of ophthalmologists in France - Ameli.fr
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L’exercice professionnel en mouvement L’activité des ophtalmologistes en France Work-load of ophthalmologists in France de Pouvourville G1, Chaine G2, Nghiem-Buffet S3, Schwob R4, Noël E5 Résumé Summary Objectif : Dans le cadre d’une étude des besoins de forma- Aims: In order to predict the number of ophthalmologists tion en ophtalmologistes en France, sur la période 2000- which need to be trained in France between 2000 and 2020, analyser l’activité des ophtalmologistes libéraux en 2020, we studied the number of office visits, diagnostic nombre de consultations, d’actes techniques et chirurgi- procedures and therapeutic procedures private-practice caux. ophthalmologists performed per year. Méthode : Analyse descriptive et multivariée, analyse en Method: We performed a descriptive and multivariate composantes principales, classification hiérarchique. analysis using principal components and a hierarchic Résultats : Les hommes ont une activité moyenne supé- classification. rieure à celle des femmes, les ophtalmologistes du sec- Results: Men had a greater work-load than women. Physi- teur 2 ont une activité de consultation et d’actes tech- cians who accepted the National Fee Schedule as pay- niques inférieures à celle des médecins du secteur 1, ment in full performed more office visits and diagnostic l’activité chirurgicale est majoritairement assurée par des procedures but fewer surgical procedures than physicians médecins de secteur 2 ; les ophtalmologistes formés avant who did not. Physicians who were trained before the la réforme des études médicales de 1985 font moins de medical-studies reform in 1985 performed less surgery chirurgie que ceux formés après 1985. Quatre classes de than those who received their training after 1985. A prin- médecins ophtalmologistes ont été identifiées. La classe 1 cipal component analysis identified four classes of physi- (35,6 % des ophtalmologistes) a une forte activité en cians. Class 1 physicians (35.6% of all ophthalmologists) actes de consultation, un nombre d’actes techniques infé- performed a high number of office visits, somewhat fewer rieur à la moyenne nationale, un nombre d’actes de chi- diagnostic procedures and many fewer surgical proce- rurgie très inférieur à la moyenne nationale. La classe 2 dures than the national average. Class 2 physicians (48,6 % des ophtalmologistes) a une activité principale (48.6% of all ophthalmologists) performed many office de consultation, mais la moyenne d’actes par an est infé- visits, although their average work-load was only 40% the rieure de 40 % de celui de la classe 1. L’activité technique work-load of class 1 physicians. They performed few diag- et chirurgicale est faible. La classe 3 (5,1 % des ophtal- nostic and surgical procedures. Class 3 physicians (5.1% mologistes) a un niveau dominant d’actes techniques et of all ophthalmologists) performed a much higher than chirurgicaux. La production moyenne d’actes de consul- average number of diagnostic procedures, a nearly aver- tation par an est proche de la classe 2. La classe 4 age number of surgical procedures and approximately regroupe 10,7 % des ophtalmologistes, l’activité domi- the same number of office visits as class 2 physicians. nante est chirurgicale. Finally, Class 4 physicians (10.7% of all ophthalmologists) Conclusion : L’hétérogénéité du comportement des oph- exclusively performed diagnostic and surgical proce- talmologistes libéraux doit être prise en compte dans la dures. confrontation des besoins prévisionnels et de la capacité Conclusion: The wide variation in the work-loads of pri- d’offre. vate-practice ophthalmologists has to be considered Rev Med Ass Maladie 2005;36(1):53-60 when determining future needs based on the existing resources. Rev Med Ass Maladie 2005;36(1):53-60 Mots clés : ophthalmologie, démographie professionnelle, Key words: ophthalmology, professional demography, trai- formation, prévision, activité. ning, forecasting, work-load. 1 Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Directeur, Centre de recherche en économie et gestion appliquées à la santé (CREGAS) Paris, Unité INSERM 537, CNRS UMR 8052. 2 Professeur, chef du service d’ophtalmologie, Hôpital Avicenne, Bobigny, AP-HP de Paris. 3 Chef de clinique assistant, service d’ophtalmologie, Hôpital Avicenne, Bobigny, AP-HP de Paris. 4 Interne en santé publique, CREGAS Paris. 5 Économiste, CREGAS Paris. Adresse de correspondance : Gérard de Pouvourville, CREGAS, INSERM U537/CNRS UMR 8052, 80, rue du Général-Leclerc, F-94276 Le Kremlin Bicêtre cedex e-mail : gdepouvo@kb.inserm.fr Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005 53
L’activité des ophtalmologistes en France INTRODUCTION maculaire liée à l’âge (DMLA). Les opticiens ne font que fournir les prescriptions optiques. Au 1er janvier 2002, la France comptait 5 318 méde- cins spécialistes actifs en ophtalmologie [1], soit En France, outre les ophtalmologistes, il existe neuf ophtalmologistes pour 100 000 habitants. Si la deux professions reconnues des soins de l’œil : les démographie de cette spécialité est à peu près orthoptistes, au nombre de 2 355 en 2002, qui stable depuis 1994, le nombre d’ophtalmologistes interviennent sur prescription d’un médecin pour va diminuer rapidement dans les vingt années à des actes de bilan visuel simple et de rééducation venir, compte tenu des départs à la retraite. Sans oculo-motrice, et les opticiens-lunetiers, au nombre flux de rentrée, on peut s’attendre à une diminu- de 11 910 en 2002, qui réalisent les verres correc- tion de 53 % des effectifs d’ici 2020 (53 % des oph- teurs prescrits par les médecins. Ils peuvent effec- talmologistes ont plus de 45 ans). tuer un bilan d’acuité visuel et prescrire des verres L’ophtalmologie est donc l’une des spécialités correcteurs pour des personnes d’âge supérieur à médicales les plus touchées par le départ massif à la 16 ans, mais ces verres ne sont pas remboursés par retraite des médecins formés dans la période 1970- l’Assurance maladie. 1985. Cette décrue démographique justifiait l’étude La forte proportion d’ophtalmologistes libéraux des besoins à venir pour les soins de l’œil en (86 %) suggérait également que ceux-ci pouvaient France, et des moyens nécessaires pour y répondre. avoir des niveaux d’activité variables, soit à cause de Dans le même temps, l’existence de modèles diffé- la pression concurrentielle dans les zones d’exer- rents d’organisation des soins dans des pays à cice, soit à cause d’arbitrages individuels entre niveau de développement similaire à celui de la temps de travail et temps de loisirs, soit en fonction France justifiait également que l’on s’interroge sur d’un choix de statut conventionnel entre secteur 1 la façon de répondre à ces besoins. En effet, la for- et secteur 21. Enfin, les ophtalmologistes pouvaient mation de médecins spécialistes est un investisse- se différencier selon leur type de pratique, soit à ment long et coûteux, et il pouvait exister d’autres dominante médicale, soit chirurgicale. Autrement moyens de faire face à la diminution du nombre dit, une éventuelle « pénurie » pouvait être liée à d’ophtalmologistes que d’assurer le renouvelle- des choix individuels de type d’exercice et de ment à l’identique ou d’augmenter les effectifs de niveaux d’activité. ces spécialistes. Deux pays présentent des modèles Le but général de l’étude [4] était de proposer des très contrastés : les États-Unis et le Royaume-Uni. scénarios d’évolution qualitative et quantitative de En 2000, il y avait aux États-Unis 15 598 médecins la spécialité, en fonction de l’évolution prévisible spécialistes en ophtalmologie et 29 500 optomé- de ces besoins, et en fonction d’hypothèses sur les tristes [2], pour une population de 275 millions comportements des ophtalmologistes libéraux et d’habitants. Malgré une densité d’ophtalmologistes salariés. Dans un premier temps, un modèle de la inférieure à celle de la France (5,7 pour 100 000 capacité de production des ophtalmologistes fran- habitants), c’est peut-être l’importance de cette çais a été développé. Ce modèle a ensuite été utilisé main-d’œuvre qualifiée d’appoint qui ont conduit pour simuler la capacité d’offre des ophtalmolo- Lee et al.[3], après un travail prospectif sur la démo- gistes en fonction de différents scénarios d’évolu- graphie des professionnels de l’œil, à constater un tion démographique de la spécialité. Cette offre excédent substantiel d’offres dans le pays malgré simulée a été confrontée aux résultats des prévi- des besoins prévisionnels croissants. sions d’un modèle d’évolution des besoins en soins A contrario, au Royaume-Uni, en 2001, il y avait 850 de l’œil. Ce deuxième modèle a été construit à par- ophtalmologistes « consultants » qui exerçaient pra- tir d’une revue de la littérature sur l’épidémiologie tiquement tous en milieu hospitalier et qui consa- de cinq grandes pathologies de l’œil : les troubles craient 10 à 20 % de leur temps à la pratique libé- de la réfraction, le glaucome, la cataracte, la rétino- rale. Tous les ophtalmologistes sont chirurgiens. La pathie diabétique, la dégénérescence maculaire réfraction est réalisée par les optométristes (8 828 liée à l’âge. L’exercice complet de simulation a en 2001 pour les trois royaumes). Ces derniers ont consisté en la recherche de scénarios de formation reçu une formation de trois ans à laquelle s’ajoute de spécialistes ou d’organisation des soins permet- une spécialisation d’un an ; lorsqu’ils ont une for- tant de réaliser l’ajustement entre les besoins pré- mation complémentaire, ils jouent un rôle impor- vus de la population et la capacité d’offre. Ces scé- tant dans le dépistage de la rétinopathie diabé- narios ont inclus la prise en compte du rôle tique, du glaucome et de la dégénérescence éventuel d’autres segments professionnels qui 1 Les médecins exerçant en secteur 1 se sont engagés à appliquer des tarifs officiels, fixés dans le cadre des conventions passées avec l’Assurance maladie. Ils ne peuvent facturer des dépassements d’honoraires qu’à titre exceptionnel, en cas d’une exigence particulière du patient. Les médecins exerçant en secteur 2, dit secteur « à honoraires libres », fixent eux-mêmes leurs tarifs. 54 Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005
De Pouvourville G et al. pourraient contribuer à l’offre de soins pour les ment (variable par classe) (source : fichier FINESS affections de l’œil, en particulier les orthoptistes et et PMSI4) ; les opticiens-lunetiers. Dans cet article, on a pré- c) les variables de besoins et caractéristiques senté la première étape du modèle général de pré- socio-économiques du département : vision, qui a porté sur la connaissance de l’offre de • taille de la population du département au der- soins par les ophtalmologistes libéraux. nier recensement (source : INSEE5), • effectif de la population de 60 ans et plus du MÉTHODE département, rapportée au nombre de spécialistes (source : INSEE), Le SNIR2 2000 a servi de base au modèle de capa- • richesse du département, mesurée par le mon- cité d’offre du secteur libéral. On a disposé pour tant d’impôts sur le revenu per capita en 2000 tous les ophtalmologistes inscrits en 2000 de don- (source : Direction générale des impôts). nées individuelles (âge, sexe, date de début d’exer- cice, département d’exercice, secteur convention- Dans l’analyse, les variables continues actives rete- nel), et des données relatives à leur activité nues ont été les variables d’activité, l’âge a été une (nombre d’actes cotés en CS, nombre d’actes cotés variable continue illustrative, les autres variables en K et nombre de coefficients, nombre d’actes ont été des variables nominales illustratives. cotés en KC et nombre de coefficients). Nous avons Dans un troisième temps, l’évolution démogra- réalisé une analyse descriptive des données d’acti- phique naturelle par classe a été étudiée jusqu’en vité de ces médecins ainsi qu’une analyse multi- 2020, en prenant comme hypothèse un âge de variée simple. départ à la retraite de 65 ans et sans tenir compte Dans un deuxième temps, nous avons effectué une de l’entrée de nouveaux médecins. analyse en composantes principales aboutissant à une typologie des ophtalmologistes libéraux en quatre classes contrastées du point de vue du RÉSULTATS volume et de la structure de leur activité. Les variables retenues pour la réalisation de l’ana- 1. Activité des ophtalmologistes en 2000 lyse en composantes principales étaient de trois Le SNIR 2000 comptabilisait 4 704 ophtalmologistes ordres : actifs en 2000. Parmi eux, 1 896 étaient des femmes a) les variables d’activité de l’ophtalmologiste (40,49 %), 2 787 étaient des hommes (59,51 %) (21 (source : SNIR) : données manquantes). Au regard de la convention • le nombre annuel d’actes de consultation (cotés liant les médecins et l’Assurance maladie, 2 375 CS), d’actes techniques (cotés en K) et d’actes chi- ophtalmologistes (50,57 %) étaient en secteur 1 rurgicaux ou assimilés (cotés en KC) ; (secteur 1 hors dépassements d’honoraires), 2 322 (49,43 %) étaient en secteur 2 ou assimilé (secteur 1 b) les variables caractéristiques de l’ophtalmologiste avec dépassements et secteur 2) (sept données man- et de sa pratique (source : SNIR) : quantes). L’âge moyen était de 48,36 ans (écart- • l’âge, le sexe, l’ancienneté d’installation, type : 7,47) et l’expérience moyenne en libéral était • le statut conventionnel (secteur 1/secteur 2 et de 15,75 ans (écart-type : 8,02). dépassements), Le tableau I présente les données descriptives glo- • le département d’exercice, bales de l’activité des ophtalmologistes libéraux en • les variables caractéristiques de l’environnement fonction du genre. Compte tenu du faible volume concurrentiel : d’actes cotés en Z (actes de radiologie), ces actes – la densité des ophtalmologistes dans le dépar- n’ont pas été intégrés dans l’analyse. tement d’exercice (variable par classe) (source : L’activité des hommes était significativement supé- Conseil national de l’ordre des médecins), rieure à celle des femmes, sur tous les types d’actes. – le nombre d’établissements publics et privés avec La part des actes chirurgicaux (actes en KC) sur service d’ophtalmologie dans le département l’ensemble des actes techniques (KC + K) était plus (variable par classe) (source : fichier FINESS3), de deux fois plus importante chez les hommes. – le nombre d’actes chirurgicaux d’ophtalmologie Sur toutes les variables, sauf les actes de chirurgie, réalisés dans les établissements publics du départe- les ophtalmologistes du secteur 1 avaient une acti- 2 Le système national inter régime (SNIR) comptabilise l’ensemble des éléments figurant sur les feuilles de soins électroniques ou papier ou volets de facturation présentés au remboursement. 3 Fichier national des établissements sanitaires et sociaux. 4 Programme de médicalisation des systèmes d’information. 5 Institut national de la statistique et des études économiques. Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005 55
L’activité des ophtalmologistes en France vité plus importante que ceux du secteur 2 le DES (diplôme d’études spécialisées). Avant 1985 (tableau II). il y avait donc des étudiants en ophtalmologie qui On a comparé les ophtalmologistes installés avant suivaient l’internat classique ou le CES. Après 1985, 1988 et après 1988. En 1985, le CES (certificat tous les étudiants en ophtalmologie suivaient le d’études spéciales) a été supprimé et remplacé par DES. Si on part de l’hypothèse que les spécialistes Tableau I Activité moyenne des ophtalmologistes en France (année 2000). Ensemble Hommes Femmes Moyenne Moyenne Moyenne Indicateurs d’activité p Écart-type Écart-type Écart-type (n = 4 704) (n = 2 787) (n = 1 896) Nombre de consultations 3 821,50 4 112,85 3 417,78 < 0,05 2 158,99 2 306,85 1 835,76 Nombre d’actes en Ka (y compris KEb) 1 045,99 1 208,92 808,47 < 0,05 1 478,84 1 649,66 1 138,25 Nombre d’actes en KCc (y compris KCCd) 238,55 345,35 82,76 < 0,05 368,83 423,53 179,19 Nombre d’actes total (KCc+ Ka) 1 284,54 1 554,27 891,23 < 0,05 1 628,16 1 818,24 1 189,94 Part des actes en KCc sur l’ensemble des actes 0,21 0,28 0,12 < 0,05 (KC/(KC + K)) 0,24 0,24 0,20 Nombre de clients différents ayant eu au moins 3 367,61 3 635,18 2 994,33 < 0,05 un acte 1 703,96 1 805,06 1 453,60 a K : acte de spécialité. b KE : acte d’échographie ou de doppler. c KC : acte de chirurgie. d KCC : acte thérapeutique sanglant non répétitif, en équipe sur un plateau technique lourd. Tableau II Activité moyenne des ophtalmologistes, en fonction de leur statut conventionnel et de l’ancienneté de leur installation (France - année 2000). Installation Installation Secteur 1a Secteur 1b avant 1998 après 1988 Moyenne Moyenne Indicateurs d’activité p Moyenne Moyenne p Écart-type Écart-type Écart-type Écart-type (n = 2 375) (n = 2 322) (n = 3 366) (n = 1 338) Nombre de consultations 4 317,01 3 323,52 < 0,05 3 948,82 3 501,20 < 0,05 2 207,59 1 982,79 2 147,64 2 155,05 Nombre d’actes en Kc (y compris KEd) 1 179,38 909,85 < 0,05 1 004,80 1 149,61 < 0,05 1 679,50 1 227,14 1 432,95 1 584,25 Nombre d’actes en KCe (y compris KCCf) 182,35 296,61 < 0,05 216,12 294,96 < 0,05 305,93 416,16 356,04 393,72 Nombre d’actes total (KC+ K) 1 361,73 1 206,46 < 0,05 1 220,93 1 444,57 < 0,05 1 803,39 1 424,40 1 579,16 1 735,69 Part des actes en KC sur l’ensemble des actes 0,16 0,27 < 0,05 0,20 0,25 < 0,05 (KC/(KC + K)) 0,20 0,26 0,23 0,25 Nombre de clients différents ayant eu au moins 3 762,89 2 970,11 < 0,05 3 451,84 3 155,71 < 0,05 un acte 1 715,04 1 593,66 1 700,68 1 694,40 a Secteur 1 à honoraires conventionnels, hors dépassement. b Secteur 2 à honoraires libres, et secteur 1 avec dépassement. c K : acte de spécialité. d KE : acte d’échographie ou de doppler. e KC : acte de chirurgie. f KCC : acte thérapeutique sanglant non répétitif, en équipe sur un plateau technique lourd. 56 Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005
De Pouvourville G et al. en ophtalmologie mettent trois ans pour s’installer faible densité. Il a distingué aussi les hommes des en cabinet libéral après l’obtention de leur femmes. L’axe 2 a distingué les ophtalmologistes diplôme, on peut segmenter l’effectif de ces spécia- hommes faisant beaucoup de consultations, qui listes en deux sous-groupes (date d’installation en exerçaient dans des départements à forte densité, libéral avant et après 1988). La proportion de ces des ophtalmologistes femmes faisant peu de consul- spécialistes installés avant 1988 était de 71,6 %. On tations et exerçant dans des départements fai- a observé que si, globalement, leur activité était blement denses (en ophtalmologistes et établis- plus importante (effet d’âge), la part de l’activité sements). chirurgicale dans leur nombre total d’actes tech- Interprétation du troisième axe niques était plus faible que celles des ophtalmo- logistes installés après 1988. Le troisième axe a différencié les ophtalmologistes suivant qu’ils faisaient plus d’actes en K ou en KC 2. Typologie des ophtalmologistes libéraux (il a séparé les deux types d’activité). Avec une légère corrélation entre les actes en K et les consul- La grande variabilité des données d’activité pré- tations (c’est-à-dire que les ophtalmologistes faisant sentées ci-dessus, observable par l’importance des plus d’actes en K avaient tendance à faire aussi plus écarts-types, a conduit à faire l’hypothèse de compor- de consultations que ceux qui faisaient des actes en tements contrastés des ophtalmologistes. Une ana- KC). Ici le sexe et le statut conventionnel rentraient lyse en composante principale, suivie d’une classifi- en compte. L’axe 3 a distingué les ophtalmologistes cation hiérarchique, a abouti à l’identification de hommes, de secteur 2, faisant beaucoup de KC des quatre classes d’ophtalmologistes libéraux, qui se dif- ophtalmologistes femmes, de secteur 1, faisant férencient nettement sur leur profil d’activité. beaucoup de K. a) Résultats de l’analyse en composante principal b) Résultats de la classification hiérarchique Il y avait trois variables actives et trois axes à inter- Le nombre optimal de classes proposé par le pro- préter. Avec une inertie représentant 43,39 % de gramme de classification hiérarchique a été de l’inertie des nuages dans l’espace tout entier, le pre- quatre (tableau III). mier facteur était prépondérant. Le deuxième La classe 1 comportait 1 676 médecins, soit 35,6 % expliquait 33,97 % de l’inertie des nuages. Le troi- du total. C’étaient majoritairement des hommes sième axe expliquait 22,64 % de l’inertie. (68,5 %), en secteur 1 (65 %), ayant un niveau Interprétation du premier axe moyen annuel d’activité de consultation supérieur à la moyenne nationale (5 877 CS par an contre Au niveau des variables actives (d’activité), le pre- 3 821), et qui exerçaient plutôt dans des départe- mier axe a séparé les ophtalmologistes faisant beau- ments à faible densité d’ophtalmologistes. Leur coup de K et de KC de ceux n’en faisant pas beau- activité d’actes en K était inférieure à la moyenne coup. Au niveau des variables illustratives, l’axe a nationale ainsi que leur activité de chirurgie. séparé les hommes des femmes et les ophtalmolo- gistes du secteur 1 à ceux du secteur 2. De plus, le La classe 2 comportait 2 288 médecins, soit 48,6 % premier axe a fait apparaître une distinction entre de l’effectif. C’étaient en majorité des femmes les ophtalmologistes exerçant dans les départe- (55,5 %), plutôt en secteur 2 (57 %), ayant un ni- ments à forte concentration d’hôpitaux publics et veau moyen annuel d’activité de consultation infé- ceux exerçant dans les départements à faible rieur de 35 % à la moyenne nationale (2 485 actes concentration d’hôpitaux publics. L’axe 1 a distin- contre 3 821) et inférieur de 67 % à celle des oph- gué les ophtalmologistes hommes, de secteur 2, talmologistes de la classe 1. Leur activité en actes exerçant dans des départements avec peu d’établis- cotés en K était inférieure de 40 % à la moyenne sements publics, faisant beaucoup d’actes en K et nationale, et leur activité chirurgicale très faible. Ils KC, des ophtalmologistes femmes de secteur 1 exer- exerçaient principalement dans des départements à çant dans des départements fortement concentrés densité d’ophtalmologistes moyenne à forte. en établissements publics ne faisant pas beaucoup La classe 3 comportait 238 médecins (5 % du total). d’actes en K et KC. C’étaient principalement des hommes (71,4 %), en secteur 1 (71 %). Leur activité était à dominante Interprétation du deuxième axe médico-technique : leur activité en K était presque Le deuxième axe a porté sur l’activité en CS. Il a six fois supérieure à celle de la moyenne nationale séparé les ophtalmologistes selon leur niveau d’acti- (5 906 actes contre 1 046). Leur activité chirurgi- vité en terme de nombre de consultations. Concer- cale était supérieure de 62 % à la moyenne natio- nant les variables illustratives, cet axe a distingué les nale, mais leur activité de consultation était infé- ophtalmologistes exerçant dans des départements rieure de 44 % (2 204 actes en CS contre 3 821). Ils avec de fortes densités d’offre de soins privés et exerçaient plutôt dans des départements à forte, publics et ceux exerçant dans des départements de voire très forte densité d’ophtalmologistes. Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005 57
L’activité des ophtalmologistes en France Tableau III Activité moyenne en actes cotés en CSa, Kb et KCd des ophtalmologistes selon les quatre classes définies par la classification hiérarchique (France – année 2000). CSa Kb (y compris KEc) KCd (y compris KCCe) Classe Moyenne Écart type Moyenne Écart type Moyenne Écart type Classe 1 5 877,01 1 590,31 817,29 737,46 170,57 182,09 Classe 2 2 485,53 1 139,60 603,30 704,38 94,49 135,24 Classe 3 2 203,67 1 872,57 5 906,33 2 507,82 387,19 411,74 Classe 4 1 522,93 966,87 1 051,61 467,40 Ensemble 3 821,50 2 158,76 1 045,99 1 478,68 238,55 368,79 a Consultation spécialisée. b K : acte de spécialité. c KE : acte d’échographie ou de doppler. d KC : acte de chirurgie. e KCC : acte thérapeutique sanglant non répétitif, en équipe sur un plateau technique lourd. La classe 4 comportait 502 ophtalmologistes Tableau IV (10,6 % du total). La prédominance masculine Honoraires des ophtalmologistes, selon les quatre classes était très prononcée (92 %), 70% d’entre eux exer- définies par classification hiérarchique (France - année 2000). çaient en secteur 2. C’étaient avant tout des chirur- Somme des honoraires Honoraires giens (1 051 actes en KC en moyenne contre 238 en moyens moyenne nationale), pratiquant également plus euros % (euros) d’actes en K que la moyenne (1 523 actes en K contre 326 en moyenne nationale). Ils exerçaient Classe 1 2 170 567 191 40,52 197 434 dans les départements à très forte densité d’ophtal- Classe 2 1 673 194 934 31,23 111 485 mologistes. Classe 3 382 526 564 7,14 245 024 C’étaient les ophtalmologistes de la classe 4 qui avaient le plus fort montant d’honoraires en 2000, Classe 4 1 131 002 387 21,11 343 466 suivis par les médecins de la classe 3, de la classe 1 Ensemble 5 357 291 076 100,00 173 617 et de la classe 2. La classe 4 ne représentait que 10,67 % des ophtalmologistes intégrés au SNIR mais ils réalisaient 21,11 % des honoraires totaux. A contrario, la classe 2 qui représentait 48,64 % des ophtalmologistes cumulait seulement 31,23 % des honoraires totaux (tableau IV). 2500 3. Evolution démographique naturellepar classe 2000 L’évolution des effectifs par classe de 2000 à 2019 a 1500 Classe 1 été simulée, sans entrée de nouveaux ophtalmolo- Classe 2 Classe 3 gistes et en prenant comme hypothèse un âge de 1000 Classe 4 départ à la retraite de 65 ans (figure 1). Sur cette période, c’étaient les classes 1 et 2 qui perdaient le 500 plus d’effectifs. La classe 1 passait de 1 676 méde- 0 cins à 712 médecins, soit une diminution de 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 57,4 %, la classe 2 passait de 2 288 à 980 médecins 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 (– 58 %), la classe 3 passait de 238 à 128 médecins Années (– 46,2 %) et la classe 4 de 502 à 267 médecins (– 46,8 %). Les ophtalmologistes à plus forte acti- Figure 1. Évolution de la démographie des ophtalmologistes vité chirurgicale et technique étaient plus présents de 2000 à 2020 en France, sans entrée de nouveaux médecins, dans les classes d’âge récentes. pour les classes définies par classification hiérarchique. 58 Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005
De Pouvourville G et al. DISCUSSION La caractérisation de profils contrastés de pratiques a des conséquences pour la modélisation des La typologie présentée ci-dessus appelle des com- besoins futurs en ophtalmologistes. mentaires. La classe 1 est celle qui est exposée de la façon la Les variables dites « de besoins » ne sont pas appa- plus aiguë au risque d’une pénurie relative dans les rues comme des variables illustratives clés des diffé- années à venir. Il s’agit en effet de médecins à forte rentes classes. Ceci est probablement dû à leur rus- activité de consultation, plutôt localisés dans des ticité : la taille et la structure de la population sont départements à faible densité d’offre de soins en des indicateurs très indirects de besoins. ophtalmologistes, que ce soit dans le secteur privé La deuxième limite de l’étude est celle des données ou le secteur public. C’est aussi une classe pour utilisées pour décrire l’activité des ophtalmolo- laquelle la décrue démographique est prononcée. gistes. Il aurait été souhaitable de disposer de trois Il serait donc nécessaire de procéder à des diagnos- informations complémentaires : celle du temps de tics précis dans chaque département pour repérer travail annuel, celle du temps moyen requis pour la les situations les plus à risque. réalisation des actes principaux des médecins, et Si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle les méde- celle concernant le délai moyen d’obtention d’un cins de la classe 2 font le choix de travailler moins rendez-vous chez chaque ophtalmologiste. La pre- que la moyenne de leurs collègues, cela conduit mière information permettrait de contrôler si le néanmoins à relativiser la question d’une pénurie faible niveau relatif d’activité observé dans la éventuelle de médecins liée aux départs en retraite classe 2 correspond à un choix d’un faible nombre dans les vingt prochaines années, notamment pour de jours travaillés. La deuxième information aurait ce qui touche à l’ophtalmologie médicale. L’obser- permis de calculer une activité maximale théorique vation d’un arbitrage temps de travail/temps de (en faisant l’hypothèse que tous les médecins tra- loisir, au profit de ce dernier, est cohérent avec une vaillent à temps plein), et donc de calculer une hypothèse théorique en économie de la santé, qui réserve potentielle de productivité compte tenu des est celle de la recherche d’un ajustement du temps choix observés de temps de travail. Lee et al. ont uti- de travail à l’obtention d’un revenu cible. Les oph- lisé cette méthode aux États-Unis pour estimer la talmologistes femmes étant en légère majorité dans capacité de production des ophtalmologistes et cette classe, une interprétation complémentaire du optométristes dans la perspective d’estimer les niveau relatif d’activité pourrait être l’existence besoins en formation des deux professions. La troi- d’un deuxième revenu familial permettant de sième information permettrait de porter un dia- concilier vie privée et vie professionnelle. Quelle gnostic plus précis sur la situation de pénurie que soit l’interprétation donnée à cette observation ressentie. Elle permettrait notamment de savoir s’il d’un choix d’activité à temps partiel, il reste néan- y a corrélation entre densité ophtalmologistes par moins difficile d’agir sur le comportement des département et par classe et délai d’attente. médecins de cette classe. L’économiste suggérerait Si les variables de besoins n’apparaissent pas dans de diminuer le tarif conventionnel de la consul- l’analyse statistique, en revanche, l’environnement tation, mais plus de la moitié des spécialistes de la concurrentiel des départements est différencié classe 2 sont en secteur 2 et s’ajusteraient sans selon les classes, montrant une interaction forte doute facilement à une telle mesure sans effet sur le entre le niveau d’activité et la densité d’offre de temps de travail. Une diminution tarifaire ouvrirait soins des ophtalmologistes : l’activité chirurgicale de surcroît un conflit majeur entre l’Assurance est concentrée dans les zones urbaines à forte den- maladie et les spécialistes, à l’heure où ceux-ci sité de spécialistes, les médecins ophtalmologistes réclament une revalorisation de leurs honoraires à les plus actifs en nombre de consultations exercent l’instar de celle obtenue par les médecins généra- dans des départements à faible densité. Les méde- listes. Une autre mesure possible consisterait alors à cins de la classe 2 sont répartis dans tous les dépar- ouvrir à nouveau le secteur 2 aux médecins de la tements, ce qui suggère que leur niveau d’activité classe 2 qui sont à l’heure actuelle en secteur 1, faible, par rapport aux médecins de la classe 1, en mais il faudrait obtenir en contrepartie une réelle nombre de consultations est lié à un choix person- augmentation du temps de travail. En effet, les nel de temps de travail plus qu’à un effet de la résultats présentés plus haut montrent que les concurrence. Un petit pourcentage de médecins médecins en secteur 2 ont en moyenne une activité concentre l’activité technique de la spécialité, que plus faible que les médecins en secteur 1. Cepen- ce soit en actes techniques de diagnostic et de soins dant, contrairement aux ophtalmologistes de la ou bien en actes chirurgicaux. L’activité chirurgi- classe 1, une augmentation du niveau d’activité des cale est concentrée sur un petit nombre de spécia- ophtalmologistes de la classe 2 pourrait compenser listes. Sur l’ensemble des ophtalmologistes, 35 % la décrue démographique qui est aussi importante d’entre eux réalisent 87 % des actes de chirurgie. dans cette classe que dans la première. Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005 59
L’activité des ophtalmologistes en France Les faibles effectifs des classes 3 et 4 sont plus pré- résulte a deux conséquences pour la prévision. occupants, car elles correspondent à l’activité tech- D’une part, il faut éviter d’estimer les besoins de nique et chirurgicale de l’ophtalmologie. Ces deux formation de nouveaux ophtalmologistes en se classes ne sont pas celles dont la démographie dimi- référant aux seuls flux de départ à la retraite et en nue le plus vite, suite aux départs à la retraite. Cela se fondant sur une productivité moyenne de traduit le fait que les jeunes médecins ont reçu une chaque ophtalmologiste. Mais d’autre part, l’exer- formation plus intensive à l’ophtalmologie tech- cice de prévision est rendu plus difficile, car il nique et chirurgicale. Néanmoins, plusieurs fac- requiert de faire des hypothèses sur le comporte- teurs militent pour une augmentation des besoins ment à venir des jeunes ophtalmologistes, et sur les pour cette activité technique dans les années à choix qu’ils effectueront. Ceci conduit à proposer venir : le vieillissement de la population augmente plusieurs scénarios d’évolution, mais surtout à pro- mécaniquement le nombre de patients souffrant de poser des politiques les plus flexibles possibles avec cataracte, la progression du diabète induit égale- réévaluation régulière. C’est à la construction de ment un besoin accru d’actes de dépistage et de ces scénarios que s’est consacré le reste de la soins de la rétinopathie diabétique, la mise en place recherche, en s’appuyant sur des modèles complé- d’une politique de dépistage du glaucome et la mentaires de besoins à partir d’une étude épidé- technicisation croissante des traitements, le déve- miologique. loppement éventuel de la chirurgie de la réfraction vont augmenter le recours aux médecins de la classe 4. Il importe donc qu’un nombre croissant de jeunes ophtalmologistes s’orientent vers une pratique chirurgicale. RÉFÉRENCES Dans une offre de soins spécialisés dominée par une médecine libérale payée à l’acte, il n’est pas 1. Sicard D. Les médecins. Estimations au 1er janvier 2001. Paris : surprenant d’observer des comportements hétéro- Document de Travail n° 28, Série statistiques, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Ministère de gènes et contrastés d’activité des professionnels. Ils l’emploi et de la solidarité ; octobre 2001. résultent de plusieurs phénomènes : le choix entre 2. US Census bureau. Health Statistic. Washington: The Census pratique à dominante médicale ou à dominante bureau; 2002 (http://www.census.gov). technico-chirurgicale, le choix d’un lieu d’exercice, 3. Lee P, Jackson CA, Relles DA. Estimating eye care workforce supply le choix d’un temps de travail en regard d’un and requirements. Ophthalmology 1995;102:1964-72. revenu cible attendu, sous contrainte d’une adapta- 4. de Pouvourville G, Chaîne G, Nghiem-Buffet S et al. La démographie tion à la demande et à la concurrence. Cette hété- en ophtalmologie 2000-2020. Paris : Caisse nationale d’assurance mala- rogénéité des comportements et de l’activité qui en die des travailleurs salariés ; 2004. 60 Revue Médicale de l’Assurance Maladie volume 36 n° 1 / janvier-mars 2005
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