L'adoption des IFRS améliore-t-elle le contenu informatif des chiffres comptables ?

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L’adoption des IFRS améliore-t-elle le contenu informatif
                           des chiffres comptables ?

                       Pascal Dumontier - Randa MAGHRAOUI

Résumé : Nous analysons empiriquement la valeur ajoutée informationnelle des états
financiers établis selon les IFRS de manière à apprécier le bien fondé de la décision de
l’Union Européenne d’imposer l’usage de ces normes à toutes les entreprises cotées à compter
de 2005 au plus tard. En nous appuyant sur un échantillon de firmes allemandes, qui ont
adopté les IFRS par anticipation entre 1999 et 2002, nous mesurons l’impact de cette adoption
sur les fourchettes de prix des firmes concernées, les fourchettes étant censées appréhender
l’asymétrie d’information qui caractérise ces entreprises et le contenu informatif de leurs états
financiers.
Les résultats suggèrent que l’imposition généralisée des IFRS à toutes les entreprises
européennes cotées devrait avoir des effets bénéfiques en termes de réduction de l’asymétrie
d’information. Ces effets dépendent toutefois de l’environnement informationnel et de
l’informativité des chiffres comptables des firmes. Il apparaît en particulier que l’adoption des
IFRS devrait être d’autant plus bénéfique que les analystes et investisseurs s’intéressent à la
firme. Il apparaît aussi que les firmes allemandes n’ont généralement pas bénéficié
immédiatement de l’adoption des IFRS, une phase d’apprentissage ayant été nécessaire pour
permettre aux investisseurs d’appréhender pleinement la portée informationnelle du nouveau
référentiel comptable.

                                          SIFF 2007
                                  Université Paris Dauphine
Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

1.       Introduction

Il est dorénavant admis que l’objectif essentiel de la comptabilité est de permettre aux
utilisateurs des états financiers d’apprécier pleinement la situation des entreprises. Avec
l’essor des marchés boursiers, les investisseurs sont peu à peu apparus comme étant les
destinataires de premier rang de l’information comptable. Celle-ci doit notamment leur
permettre d’évaluer les perspectives d’avenir de l’entreprise, mais aussi d’apprécier le
montant et la répartition des richesses créées. Dans ce contexte, le modèle comptable
traditionnel a vite montré ses limites. Ceci a conduit l’Union Européenne à imposer les
normes IFRS à toutes les entreprises européennes cotées, à partir de 2005 au plus tard. Ces
normes sont en effet censées permettre aux investisseurs de mieux appréhender la réalité
économique des entreprises. Elles doivent en outre faciliter la comparaison des performances
des entreprises à l’échelle internationale et permettre une meilleure évaluation de leurs
opportunités de croissance. La richesse, la pertinence et la précision des informations
produites selon le référentiel IFRS doivent conduire les entreprises à produire des états
financiers plus informatifs que ceux découlant de l’application des normes comptables
nationales.

Cette étude traite de la pertinence de la décision de l’Union Européenne d’imposer l’usage des
IFRS à toutes les entreprises européennes cotées. Elle vise à apprécier empiriquement la
valeur ajoutée informationnelle des documents établis selon les IFRS. Elle vise aussi à
identifier les déterminants de l’ampleur de cette valeur ajoutée. Pour ce faire, nous nous
appuyons sur un échantillon de firmes allemandes qui ont adopté les IFRS par anticipation
entre 1999 et 2002. Le choix de l’Allemagne est lié au fait que ce pays est celui qui a
enregistré le plus grand nombre de firmes ayant adopté les IFRS avant la date butoir de 2005.
Le choix de l’année 1999 est, quant à lui, motivé par la nécessité de s’assurer que toutes les
firmes déclarant avoir utilisé les IFRS appliquent l’intégralité de ces normes1. L’étude ne
couvre pas la période postérieure à 2002 parce que la méthodologie mise en œuvre nécessite
un historique de données suffisamment long.

Pour apprécier l’étendue de la valeur ajoutée informationnelle des chiffres comptables établis
selon les IFRS, nous menons une étude d’événement qui vise à déterminer si l’adoption des

1
    En effet, avant la réforme de l’IAS 1 entrée en vigueur en 1999, les firmes pouvaient prétendre utiliser les IFRS
    sans pour autant se conformer à la totalité de ces normes.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

IFRS a modifié l’ampleur de l’asymétrie d’information qui caractérise les entreprises qui ont
adopté ces normes. Il s’agit aussi de déterminer si l’impact de l’adoption des IFRS dépend de
la richesse de l’environnement informationnel de l’adopteur et de l’informativité de ses
chiffres comptables. Il s’agit enfin de déterminer si l’effet de l’adoption des IFRS est
immédiat ou progressif. L’asymétrie d’information est ici appréhendée au moyen de la
fourchette de prix, puisque celle-ci vise notamment à rémunérer le risque d’anti-sélection des
teneurs de marché.

Cette étude apporte plusieurs contributions importantes aux recherches antérieures sur ce
thème. 1) En se focalisant spécifiquement sur des firmes qui ont adopté les IFRS, ce travail
permet d’apprécier l’intérêt informationnel propre aux IFRS. Elle diffère en ce sens de
plusieurs études antérieures qui considèrent l’effet agrégé des US GAAP et des IFRS. La
distinction entre IFRS et les US GAAP est indispensable puisque la littérature montre que ces
deux référentiels n’ont pas la même valeur informationnelle pour les investisseurs. 2) Parce
qu’elle ne considère que des entreprises ayant adopté les IFRS après la réforme de l’IAS 1,
cette recherche garantit que les firmes étudiées ont toutes appliqué ces normes dans leur
intégralité. Les études antérieures n’offrent généralement pas cette assurance. 3) Cette étude
considère que toutes les entreprises peuvent ne pas bénéficier identiquement de l’adoption des
IFRS. Elle détermine ainsi si l’environnement informationnel et le degré d’informativité des
chiffres comptables sont susceptibles d’affecter l’impact de l’adoption des IFRS. La prise en
compte de ces deux dimensions permet d’expliquer les résultats contradictoires des
recherches antérieures dédiées à l’effet des choix comptables sur l’asymétrie d’information. 4)
Cette recherche examine si un éventuel effet d’apprentissage peut retarder l’impact de
l’adoption des IFRS sur l’asymétrie d’information. Elle détermine également si la durée de la
phase d’apprentissage est identique pour toutes les firmes, quel que soit leur niveau de
transparence avant l’adoption des IFRS (richesse de leur environnement informationnel ou du
degré d’informativité de leurs chiffres comptables). Cette analyse vise à imputer à une
réaction éventuellement tardive des investisseurs le fait que certaines recherches antérieures
ont achoppé à mettre en évidence un effet significatif de l’adoption des IFRS sur le contenu
informatif des états financiers des entreprises concernées. 5) En se référant à l’économétrie
des données de panel, cette recherche, à la différence de celles qui la précèdent, a le mérite
d’isoler l’effet de l’adoption des IFRS sur l’asymétrie d’information de l’effet de l’évolution
de la conjoncture économique.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

Cet article comprend sept sections. La section suivante présente un état des connaissances
relatives à l’impact des IFRS sur le contenu informatif des chiffres comptables. La troisième
section justifie les hypothèses de l’étude. La quatrième décrit les mesures et déterminants de
l’asymétrie d’information mobilisés dans cette étude. La cinquième section décrit
l’échantillon et la méthodologie mise en œuvre. Les résultats sont présentés et commentés
dans une sixième section. Les principaux apports de cette recherche sont analysés en guise de
conclusion.

2.    IFRS et asymétrie d’information : l’état des connaissances

Les recherches empiriques dédiées à l’avantage informationnel des chiffres comptables en
IFRS sont relativement nombreuses. La plupart produisent des études longitudinales visant à
déterminer si les entreprises qui appliquent ce référentiel produisent des données comptables
plus informatives que celles des entreprises qui recourent aux normes locales. En se basant
sur une étude d’événement, d’autres se proposent de déterminer si l’abandon des normes
comptables nationales au profit des IFRS améliore le contenu informatif des états financiers
des entreprises concernées. Nous classons ici ces recherches en fonction de la mesure retenue
pour appréhender l’ampleur de l’asymétrie d’information qui caractérise la firme et, par
conséquent, l’ampleur du contenu informatif de ses chiffres comptables. Nous présentons
successivement les recherches qui ont approché la valeur informationnelle des données
comptables par la relation prix-résultat, par le coût de capital, par les fourchettes de prix et
enfin par les prévisions des analystes financiers. L’analyse de ces études vise à apprécier leur
portée, à déceler leurs limites et à mettre en exergue les apports de notre propre recherche,
celle-ci se situant dans la continuité des travaux décrits ici.

Bartov et al. (2002) comparent le contenu informatif des chiffres comptables d’un échantillon
d’entreprises allemandes cotées, sachant qu’entre 1998 et 2002 celles-ci produisaient des
chiffres comptables conformes aux normes allemandes, aux normes internationales ou aux
normes américaines. Leur première étude est longitudinale. Elles reposent sur une régression
des taux de rentabilité annuels des titres des firmes étudiées sur le résultat comptable de
l’entreprise, sur une variable binaire qui prend la valeur 1 si celui-ci est produit conformément
aux IFRS (0 sinon), sur une variable binaire qui prend la valeur 1 s’il est produit
conformément aux US GAAP (0 sinon), sur une variable d’interaction qui correspond au
produit du résultat comptable avec la variable muette relative à l’usage des IFRS, une variable

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

d’interaction qui correspond au produit du résultat comptable avec la variable muette relative
à l’usage des US GAAP. Il apparaît que les coefficients associés au résultat comptable et aux
deux variables d’interaction sont systématiquement positifs et significatifs ce qui suggère que
le contenu informatif du résultat comptable est plus élevé lorsque l’entreprise recourt aux
normes américaines ou normes internationales. Dans une étude d’événement, les mêmes
auteurs régressent les taux de rentabilité annuels des titres des firmes qui ont adopté les IFRS
ou les US GAAP sur une variable binaire qui prend la valeur 1 une fois que la firme a adopté
les IFRS ou les US GAAP (0 tant que l’entreprise recourait aux normes allemandes), sur le
résultat comptable et sur une variable d’interaction égale au produit de ces deux variables.
L’interaction du résultat comptable avec la variable qui reflète le passage aux normes
américaines ou aux normes internationales étant significativement positive, il apparaît que le
contenu informatif du résultat comptable des entreprises allemandes a fortement augmenté
suite à leur adoption des US GAAP ou des IFRS.

Jaggi et Li (2002) comparent, sur la période 1988 à 1999, le contenu informatif des chiffres
comptables établis selon les IFRS à celui des chiffres comptables établis selon diverses
normes locales (suisses, italiennes, allemandes et françaises). Pour ce faire, pour chacun des
pays étudiés, ils comparent le R2 de la régression des rendements boursiers sur le résultat
comptable relatif aux utilisateurs des IFRS à celui relatif aux utilisateurs des normes locales.
Pour la Suisse et pour l’Allemagne, cette comparaison montre que les résultats comptables
découlant de l’application des IFRS expliquent mieux les rendements que ceux découlant de
l’application des normes locales. Les résultats relatifs à la France et à l’Italie aboutissent à la
conclusion contraire. Les chiffres comptables préparés selon les normes locales semblent plus
informatifs que ceux préparés selon les IFRS.

Daske (2006) analyse l’impact de l’usage et de l’adoption des IFRS (ou des US GAAP) sur le
coût des capitaux propres d’un échantillon de firmes allemandes sur la période 1993-2002. Il
mène deux types d’études : une étude transversale et une étude d’événement. La première
compare à l’aide d’un modèle de régression le coût des capitaux propres des firmes qui
utilisent les IFRS (ou les US GAAP) à celui des firmes qui utilisent les normes allemandes, le
référentiel comptable étant appréhendé par deux variables binaires selon que l’entreprise
applique les IFRS, les US GAAP ou les normes locales. Ne retenant que les firmes qui ont
adopté les IFRS ou les US GAAP durant la période étudiée, la seconde étude analyse
l’évolution du coût de leurs capitaux propres. Les résultats obtenus montrent que l’usage ou

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

l’adoption des IFRS ou US GAAP n’affectent pas le coût des capitaux propres des entreprises
concernées. En retenant un échantillon plus large comprenant des firmes cotées dans 12 pays
de l’Union Européenne2, Cuijpers et Buijink (2005) parviennent à la même conclusion : la
relation qui lie les IFRS ou US GAAP au coût des capitaux propres n’est pas significative.

Pour mieux comprendre pourquoi l’usage des IFRS ou US GAAP est sans effet sur le coût des
capitaux propres, Daske et al. (2007) différencient les «serious adopters» des «label
adopters». Les premiers se réfèrent pleinement au texte et à l’esprit des IFRS. Bien qu’ils se
réfèrent eux aussi aux IFRS, les seconds les appliquent avec plus de légèreté3. Il apparaît que
le coût capitaux propres des «serious adopters» est systématiquement inférieur à celui des
«label adopters». Toutefois, le coût des fonds propres des «label adopters» est supérieur à
celui des firmes qui appliquent les normes locales ou à celui que ces «label adopters»
affichaient avant leur passage aux IFRS. Le coût des capitaux propres des «serious adopters»
ne diffère pas de celui des firmes qui utilisent les normes locales, ni de celui qu’ils affichaient
avant leur passage aux IFRS.

Leuz et Verrecchia (2000) analysent l’impact de l’usage et de l’adoption des IAS ou des US
GAAP sur les fourchettes de prix de firmes allemandes. Ils mènent deux types d’étude : une
étude transversale et une étude d’événement. Se situant en 1997, la première compare les
fourchettes de prix des firmes de l’indice DAX 100 qui utilisaient les référentiels IFRS ou US
GAAP aux fourchettes des firmes composant ce même indice qui utilisaient les normes
allemandes4. L’étude d’événement porte sur 15 firmes de l’indice DAX ou de l’indice MDAX
qui ont adopté les IFRS ou les US GAAP pour la première fois en 1998. Elle vise à comparer
les fourchettes de prix de ces firmes enregistrées 2 mois avant l’adoption des IFRS à celles
enregistrées 2 mois après cette adoption. L’étude transversale montre que les fourchettes de

2
    En particulier en Allemagne (43%), en Autriche (20%) et en France (14%).
3
  La classification des firmes entre «serious adopters» et «label adopter » repose sur 4 critères : 1) l’écart entre le
nombre de pages du rapport annuel établi en IFRS et le nombre de pages du rapport annuel qui était établi en
normes locales avant l’adoption des IFRS, 2) l’application intégrale ou seulement partielle des IFRS, 3) la
variation de la qualité des résultats publiés suite à l’adoption des IFRS, celle-ci étant appréhendée au moyen du
rapport entre le montant des accruals et le montant des flux de trésorerie, 4) l’intérêt de l’adoption des IFRS
appréhendé par la taille de l’entreprise, le niveau de ses résultats nets, la part de son chiffres d’affaires à
l’étranger, ses opportunités de croissance et de degré de dilution de sa propriété. Ce dernier critère repose sur le
postulat que les firmes appliqueront d’autant mieux les IFRS qu’elles auront un réel intérêt à le faire.
4
    En 1997, sur les 100 firmes allemandes de l’indice DAX100, seules 14 firmes se référaient aux IFRS (10
    publiaient des états financiers en normes locales complétés par des informations en IFRS, 4 publiaient un jeu
    complet d’états financiers en IFRS), 7 firmes se référaient aux US GAAP (1 publiait des états financiers en
    normes locales complétés par des informations en US GAAP, 3 publiaient un état de réconciliation de leurs
    résultat et fonds propres en US GAAP, 3 publiaient un jeu complet d’états financiers en US GAAP).

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

prix des firmes qui recourent aux IFRS ou aux US GAAP sont significativement moins
élevées que celles des firmes qui utilisent les normes locales. L’étude d’événement montre
que les fourchettes de prix observées après l’adoption des IAS ou des US GAAP sont
significativement plus faibles que celles observées avant.

Pour ce qui concerne les fourchettes de prix, l’étude de Daske et al. (2007), décrite
précédemment en partie, aboutit à des résultats mitigés. Les fourchettes de prix des «label
adopters» ne diffèrent pas de celles des firmes qui utilisent les normes locales ou de celles que
ces «label adopters» ont eux même enregistrés avant leur passage aux IFRS. En revanche, elle
montre que les fourchettes de prix des «serious adopters» sont significativement plus faibles
que celles des firmes qui appliquent les normes locales, que celles des «label adopters» et que
celles que ces «serious adopters» avaient eux-mêmes enregistrés avant leur passage aux IFRS.

Ashbaugh et Pincus (2000) étudient l’impact de l’adoption des IFRS sur les prévisions de
bénéfice de 80 firmes qui, selon le site de l’IASB, ont adopté les IFRS entre 1990 et 1993.
Les auteurs souhaitent notamment montrer que l’ampleur des différences entre les référentiels
comptables locaux et le référentiel IAS en termes d’exigences de divulgation et en termes
d’évaluation affecte l’impact de l’adoption des IFRS sur les prévisions. Pour déterminer
comment ces différences affectent les erreurs de prévision, les auteurs régressent la variation
de l’erreur de prévision imputable à l’adoption des IAS sur la variation d’un score
représentatif de l’avantage des IFRS sur les normes locales5. Il apparaît que la variation de
l’erreur de prévision est positivement liée aux variations de ce score. Plus les normes locales
diffèrent des IFRS, plus l’adoption des ces normes améliore les prévisions des analystes. Se
focalisant sur la seule année 1999, année à partir de laquelle les firmes devaient en vertu de
l’IAS 1 respecter l’ensemble des IFRS pour pouvoir déclarer qu’elles utilisaient ces normes,
Cuijpers et Buijink (2005) montrent que la dispersion des prévisions de bénéfice est

5
   L’ampleur des différences en matière de divulgation est appréciée au moyen d’un indice basé sur huit
informations : divulgation d’un état de flux de trésorerie, divulgation des politiques comptables, divulgation des
effets de changements de méthodes comptables, divulgation des ajustements de fin d’exercice, divulgation des
événements postérieurs à la date de clôture, divulgation des opérations avec les entreprises affiliées et
divulgation d’informations par zone ou segment d’activité. Pour chaque information, 1 point est attribué à
l’entreprise si le référentiel comptable local n’exige pas la divulgation de cette information ou si ses exigences
sont moindres que celles des IAS, aucun point n’est attribué dans le cas contraire. L’ampleur des différences en
matière d’évaluation est mesurée à l’aide d’un indice relatif à la comptabilisation de quatre opérations : les
amortissements complémentaires, les contrats de leasing, les fonds de pension et les opérations de recherche et
développement. Pour chaque opération, 1 point est attribué à l’entreprise si le système comptable local offre plus
de flexibilité que les IAS, aucun point n’est attribué dans le cas contraire. Le total des points attribués chaque
firme permet d’apprécier les différences entre le référentiel comptable local et le référentiel IAS.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

positivement affectée par l’usage des IFRS ou des US GAAP, ce qui suggère que les chiffres
comptables découlant de l’application de ces normes sont moins informatifs que ceux
découlant de l’application des normes locales. Cuijpers et Buijink imputent leur résultat au
fait que les IFRS et les US GAAP limitent les choix discrétionnaires de méthodes comptables.
Ils limitent donc les opportunités de lissage, ce qui accroît la volatilité des résultats et la
qualité des prévisions des analystes.

Au total, le lien entre IFRS et asymétrie d’information semble ambigu. Nous considérons que
cette ambiguïté vient de la non prise en compte de variables clé susceptibles d’occulter les
effets informationnels attendus de l’adoption des IFRS. Nous nous proposons de tester ici
l’impact de trois de ces variables, la richesse de l’environnement informationnel de l’entre-
prise, l’informativité de ses chiffres comptables et la durée de la phase de familiarisation avec
les nouvelles normes,

3. Les effets attendus de l’adoption des IFRS sur l’asymétrie
d’information des adopteurs

L’étude empirique décrite ci-dessous vise à déterminer si l’adoption des IFRS affecte
l’asymétrie d’information des firmes qui abandonnent les normes locales pour appliquer les
IFRS. Elle vise aussi à déterminer si l’effet de cette adoption est immédiat et instantané ou s’il
n’est que progressif. Elle vise enfin à déterminer si toutes les firmes sont identiquement
affectées par l’adoption de ce référentiel. Nous postulons en fait que l’effet de l’adoption des
IFRS sur l’asymétrie d’information dépend de la nature de l’environnement informationnel de
la firme et de l’informativité de ses chiffres comptables

La première hypothèse de l’étude concerne l’impact des IFRS sur l’asymétrie d’information.
Elle est bilatérale parce que l’impact attendu est équivoque. Les IFRS peuvent d’une part
réduire l’asymétrie d’information parce que l’information qu’ils permettent de produire est
censée être plus riche et plus homogène. Ils peuvent d’autre part accroître l’asymétrie
d’information parce que, dans certains contextes informationnels, il existe un niveau optimal
de divulgation au-delà duquel, au lieu d’améliorer la transparence, toute information
additionnelle risque de la réduire.

La seconde hypothèse concerne l’effet d’apprentissage. Il s’agit de déterminer si les
investisseurs intègrent immédiatement l’information propre aux chiffres comptables établis

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

conformément aux IFRS ou s’il leur faut un certain temps pour interpréter, comprendre et
apprécier cette information. Nous proposons donc de tester l’existence d’un éventuel effet
d’apprentissage, cet effet étant appréhendé par la durée qui sépare la date d’adoption des IFRS
de la date de la première réduction significative de l’asymétrie d’information.

La troisième hypothèse vise à prendre en compte le contexte informationnel dans lequel
l’information comptable est produite. Certaines firmes divulguent traditionnellement peu
d’informations (autres que comptables) parce que de telles divulgations sont coûteuses, parce
que ces firmes ne souhaitent pas informer d’éventuels concurrents de leurs projets ou tout
simplement parce qu’il ne leur semble pas que la communauté financière exprime une
demande particulière en la matière. Il s’agit en général de petites firmes, peu suivies par les
analystes financiers, qui ne présentent généralement pas un enjeu majeur pour les
investisseurs. En revanche, d’autres firmes divulguent beaucoup en émettant fréquemment des
communiqués de presse, en maintenant un site web très à jour, en réunissant souvent les
analystes financiers, ou en organisant des conférences téléphoniques régulières avec les
analystes ou les représentants d’investisseurs institutionnels. Il s’agit en général de firmes à
forte capitalisation boursière qui constituent souvent un enjeu majeur pour les investisseurs
compte tenu de la place qu’elles occupent dans leur portefeuille. Ces firmes sont le plus
souvent suivies par un grand nombre d’analystes. Elles bénéficient d’un environnement
informationnel riche, par opposition à celui des entreprises mentionnées précédemment qui
peut être qualifié de pauvre. Dans ce contexte, nous pouvons nous attendre à ce que les petites
firmes, peu suivies par les analystes, dont l’environnement informationnel est pauvre, soient
celles qui bénéficient le plus de l’adoption des IFRS, les investisseurs étant déjà pleinement
informés de la situation des firmes à environnement informationnel riche. Inversement, on
peut aussi penser que les grandes firmes fortement suivies par les analystes, dont
l’environnement informationnel est riche, seront celles qui bénéficient le plus de l’adoption
des IFRS dans la mesure où analystes et investisseurs sont très attentifs à tout ce qui concerne
ces entreprises et qu’ils disposent en outre de la capacité de véritablement comprendre la
signification profonde des informations comptables nouvellement produites sous le référentiel
IFRS. Ce n’est pas le cas des petites firmes, peu suivies, si analystes et investisseurs ne s’y
intéressent pas. Il ne semble donc pas possible de déterminer, a priori, si l’adoption des IFRS
affectera différemment l’asymétrie d’information selon que l’environnement informationnel
de l’entreprise est riche ou pauvre.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

La quatrième hypothèse concerne l’effet de l’informativité des chiffres comptables sur
l’étendue de l’impact des IFRS sur l’asymétrie d’information. Certaines entreprises
produisent naturellement des chiffres comptables très informatifs. Il s’agit essentiellement
d’entreprises dont la réalité est simple à appréhender. A titre d’illustration, il n’est pas
nécessaire de faire appel à des règles comptables très sophistiquées pour traduire la réalité
d’une entreprise commerciale qui achète et revend des biens. En revanche, d’autres
entreprises   produisent   des   chiffres   comptables      structurellement   peu   informatifs,
essentiellement à cause de la complexité de leurs actifs, constitués en grande partie d’actifs
incorporels, et de la complexité de leurs activités. A titre d’illustration, le système comptable
le plus sophistiqué aura toujours beaucoup de mal à traduire la réalité des firmes relevant du
secteur de la haute technologie, comme celles cotées sur le nouveau marché allemand par
exemple, leur valeur résidant principalement dans leurs opportunités de croissance, actifs
qu’on ne sait pas évaluer de manière fiable et, par conséquent, qu’on ne sait pas
comptabiliser. Ces firmes sont généralement caractérisées par un ratio de capitalisation de
leurs fonds propres (market-to-book ratio) élevé. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce
que ce soient les firmes dont les chiffres comptables sont structurellement les moins
informatifs qui bénéficient le plus de l’adoption des IFRS, ces firmes souffrant d’un fort
déficit informationnel si les systèmes comptables nationaux sont mal adaptés à leur réalité. On
peut aussi s’attendre à ce que ce soient les firmes dont les chiffres comptables sont les plus
informatifs qui bénéficient le plus de l’adoption des IFRS tout simplement parce qu’il est
extrêmement difficile de réduire le déficit informationnel des firmes dont les chiffres
comptables sont structurellement peu informatifs. Il ne semble donc pas possible de
déterminer, a priori, si et comment l’informativité des chiffres comptables est censée affecter
l’impact de l’adoption des IFRS sur l’asymétrie d’information structurelle. Seule, une analyse
empirique peut nous éclairer sur ces points.

4.    Mesure et déterminants de l’asymétrie d’information

Cette étude vise à déterminer si les entreprises qui adoptent les IFRS voient l’asymétrie
d’information qui les caractérise varier suite à l’adoption de ces normes. Pour ce faire, nous
devons préciser la mesure retenue pour apprécier l’ampleur de l’asymétrie informationnelle
(la variable dépendante de nos modèles). Nous devons aussi définir la variable caractérisant
l’application ou l’adoption des IFRS (la variable d’intérêt). Nous devons enfin définir les

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

autres déterminants de l’asymétrie d’information qui permettront d’isoler l’effet des seules
IFRS (les variables de contrôle).

4.1. La mesure de l’asymétrie d’information (la variable dépendante)

Nous retenons ici la fourchette de prix structurelle comme mesure de l’asymétrie
d’information. La fourchette de prix est l’écart observé, à un instant donné, entre le meilleur
prix offert et le meilleur prix demandé par le teneur de marché, sur un marché de contrepartie.
Elle correspond à l’écart entre les deux meilleures limites de prix proposées à un moment
donné par les donneurs d’ordres à cours limités, sur un marché d’agence. Elle s’exprime en
terme absolu (fourchette de prix affichée)

                                    Fourchette affichée = PA-PV

ou en pourcentage (fourchette de prix relative)

                                     PA - PV                              PA + PV
             Fourchette relative =                    avec           M=
                                        M                                      2

PA est le meilleur prix d’achat pour le marché (meilleur prix de vente pour l’offreur de
liquidité). PV est le meilleur prix de vente pour le marché (meilleur prix d’achat pour l’offreur
de liquidité).

Nous utilisons la fourchette de prix relative car, à la différence de la fourchette affichée qui
mesure simplement l’écart entre les meilleurs prix d’achat et les meilleurs prix de vente, la
fourchette relative permet d’apprécier l’ampleur de cet écart par rapport au prix (approché
généralement par la moyenne des prix d’achat et de vente). Elle garantit donc une meilleure
comparabilité des coûts de transaction entre les titres.

Plusieurs recherches antérieures ont étudié la variation à court terme de la fourchette de prix
autour d’événements bien définis, l’annonce des bénéfices par exemple. Dans cette étude,
nous ne nous intéressons pas à l’évolution de la fourchette de prix sur une courte période,
autour d’un événement particulier, mais à la variation de la fourchette de prix sur une longue
période. Plus précisément, nous nous focalisons sur la composante structurelle de la
fourchette de prix, dénommée « baseline spread» par Welker (1995) et « permanent spread»
par Leuz et Verrecchia (2000) ou Affleck-Graves et al. (2002). Si la fourchette de prix varie
en permanence en fonction des informations disponibles, conformément à l’intuition du

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

modèle de Glosten et Harris (1988), sa composante structurelle est censée être stable. Elle ne
varie que si le contexte informationnel de la firme évolue durablement et significativement.
Elle répond donc parfaitement aux objectifs de cette étude qui consiste à analyser l’impact
durable de l’adoption des IFRS sur le contenu informatif des chiffres comptables divulgués.

Les fourchettes relatives quotidiennes sont d’abord calculées sur la base des prix d’achat et de
vente de clôture quotidiens collectés à partir de la base de données Datastream. Puis, elles
sont épurées pour éliminer les valeurs aberrantes. Les fourchettes négatives et les fourchettes
supérieures à l’unité sont supprimées. Les fourchettes relatives quotidiennes supérieures
(inférieures) à leur moyenne semestrielle augmentée (diminuée) de trois écarts types sont
également éliminées, ces valeurs sont jugées aberrantes. Suite à ces traitements, pour chaque
firme étudiée, une fourchette de prix moyenne est calculée sur le semestre qui suit la
divulgation de son rapport annuel. La date de cette divulgation est arbitrairement fixée à la fin
du troisième mois qui suit la fin de l’année fiscale de chaque firme.

4.2. La caractérisation du référentiel comptable (la variable d’intérêt)

La variable d’intérêt de l’étude est le référentiel comptable. Pour identifier les normes
comptables utilisées par les firmes allemandes, trois sources d’information sont disponibles :
le site de la bourse de Francfort, la base de données Worldscope et les rapports annuels des
entreprises. Nous choisissons cette dernière source parce que c’est la plus complète et la plus
fiable. C’est aussi celle qui est la plus difficile à exploiter car elle nécessite de consulter les
rapports annuels de chacune des firmes de l’échantillon de manière à déterminer, pour chaque
année étudiée, la nature du référentiel comptable utilisé6. Pour qu’une firme soit retenue, il
faut qu’elle remplisse l’une des conditions suivantes. Si seul son premier rapport annuel établi
selon les IFRS est disponible, il faut que celui-ci mentionne explicitement dans les notes aux
états financiers que l’année en question correspond à la première année d’application des
IFRS et que le rapport de l’auditeur stipule que ce sont bien les normes internationales qui
sont utilisées au cours de cette année. Si nous disposons du dernier rapport annuel préparé
selon les normes locales et du premier rapport établi selon les IFRS, l’exigence que ce dernier

6
  Le site de la bourse de Francfort ne fournit l’information souhaitée que pour les firmes du « prime standard »
qui n’inclut que les firmes les plus grandes qui répondent aux règles de transparence les plus rigoureuses. Il ne
donne aucune information pour les autres firmes. La base Worldscope précise le référentiel comptable adoptée
par chaque firme, mais l’information n’est pas fiable. Sur environ 600 firmes allemandes pour lesquelles nous
disposons des rapports annuels, et donc d’une information fiable sur le référentiel comptable utilisé pendant la
période étudiée, 14 cas de divergence sont relevés pour 1999, 30 pour 2000, 35 pour 2001 et 20 pour 2002.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

mentionne explicitement que les états financiers de l’année correspondante sont pour la
première fois préparés selon les normes internationales est levée. Il suffit que les notes aux
états financiers et le rapport de l’auditeur de l’année qui précèdent l’adoption mentionnent que
les états financiers sont établis selon les normes locales et que ces mêmes documents relatifs à
l’année d’adoption mentionnent que les chiffres comptables de l’année correspondante sont
établis selon les normes internationales. Si aucun de ces rapports n’est disponible, il faut que
le responsable des relations avec les investisseurs de la firme nous communique avec
certitude l’année d’adoption des IFRS par voie de courriel. Parmi les firmes étudiées, seules 5
sont identifiées selon ce critère de sélection.

4.3. Les autres déterminants de la fourchette de prix (les variables de contrôle)

Les déterminants de la fourchette de prix, autres que le niveau de divulgation (variable
d’intérêt de notre étude), sont la volatilité des rendements, l’activité du titre, le prix du titre, la
taille, le nombre d’analystes, l’informativité des chiffres comptables, la structure de propriété
et la taille des transactions.

La volatilité des rendements d’un titre est positivement associée à la fourchette de prix. Selon
Tinic (1972), le risque de détention d’un portefeuille non optimal encouru par le teneur de
marché est d’autant plus élevé que les rendements des titres sont volatiles. Ceci se traduit par
une prime de risque plus importante.

Demsetz (1968) et Stoll (1978) montrent que le teneur de marché a plus de chance de trouver
une contrepartie à ses ordres s’il souhaite se débarrasser d’une position indésirable, lorsque la
fréquence de transactions est élevée. Ceci lui épargne les coûts d’attente et les coûts de
détention d’un portefeuille non optimal. Tinic (1972) montre qu’un titre actif permet en outre
de réduire les coûts de financement supporté par le teneur de marché pour se doter des
positions ou des fonds nécessaires pour satisfaire les ordres des investisseurs. Plus le titre est
actif, plus les ordres à cours limité émis par les agents patients et ceux au prix de marché émis
par les impatients sont compatibles. Ces derniers trouvent donc une contrepartie naturelle qui
affaiblit le recours au service d’immédiateté offert par le teneur de marché, ce qui réduit les
montants qu’il doit emprunter et diminue son coût de financement.

Selon Stoll (1978) ou Tripathy et Peterson (1991), la relation entre le prix et la fourchette de
prix est en grande partie déterminée par le coût de traitement des ordres. Ce coût comprend
des frais fixes et des frais qui varient en fonction du nombre de transactions mais qui sont

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

insensibles à leur valeur. Ces différents frais, lorsqu’ils sont exprimés en termes relatifs, par
rapport à la valeur du titre, décroissent (s’accroissent) en fonction du prix parce qu’ils se
répartissent sur une plus grande (petite) quantité d’unités monétaires pour les titres à prix
élevé (faible). Stoll (1978) étend cette intuition à l’impact de l’échelon de cotation imposé par
les autorités boursières sur la relation entre le prix et la fourchette de prix. L’imposition d’un
échelon de cotation de 1/8 de dollar (sur le NYSE) est de nature à entraîner des coûts de
transaction plus élevés pour les titres à faibles prix. De ce fait, la relation qui lie le prix à la
fourchette est négative.

La taille de la firme est inversement liée à la fourchette de prix parce que le nombre de
transactions relatives qui les caractérisent, et par conséquent, leur degré de liquidité est plus
élevé que celui des petites firmes. Par ailleurs, compte tenu de leur forte transparence, ces
firmes présentent un risque d’anti-sélection plus faible que les petites firmes. Les grandes
firmes sont censées être plus visibles d’une part, parce qu’elles adoptent des politiques de
divulgations volontaires plus prononcées que les petites firmes et d’autre part, parce qu’elles
sont mieux suivies par les analystes financiers. En se basant sur la théorie des coûts
d’information, Welker (1995) comme Lang et Lundholm (1993) montrent que les firmes de
grande taille adoptent une politique de divulgation plus prononcée que celles de petite taille
parce qu’une telle politique leur procure de nombreux avantages en termes nets. Elle leur
permet, grâce aux économies d’échelles, de légitimer leurs décisions aux différents
partenaires (créanciers, investisseurs, employés etc.) à un coût inférieur à celui supporté par
les petites firmes.

Selon Arbel et al. (1983), Collins et al. (1987), Freeman (1987) et Shores (1990), les
informations concernant les grandes firmes intéressant généralement un plus grand nombre
d’investisseurs que celles relatives aux firmes de plus petite taille, les analystes financiers sont
particulièrement concentrés autour des grandes firmes ce qui ne peut qu’améliorer leur
visibilité. Le nombre d’analystes est susceptible d’affecter les fourchettes de prix pour deux
raisons. D’abord, comme les analystes sont généralement attirés par les firmes suffisamment
transparentes, car celles-ci ne les amènent pas à acquérir des informations additionnelles dans
le cadre de leurs travaux de prévision, un fort suivi par les analystes reflète une plus forte
transparence de la firme et donc une plus faible asymétrie d’information. Par ailleurs, puisque
les informations étudiées par les analystes ne sont pas toujours identiques, les signaux qu’ils
émettent au marché ne sont pas les mêmes (Dempsey-1989, Lobo et Mahmoud-1989 et

                                              14
Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

Shores-1990). Par conséquent, plus le nombre d’analystes financiers est grand, plus la
quantité d’informations qu’ils produisent est importante (Roulstone-2003 et Brennan et
Subrahmanyam-1995). Ceci ne peut qu’accroître la visibilité de la firme et réduire l’asymétrie
d’information qui la caractérise.

Tasker (1998), Frankel et al. (1999), Debrency et al. (2002) et Bushee et al. (2003) montrent
que les firmes dont les chiffres comptables sont peu informatifs souffrent généralement d’un
déficit informationnel important. En effet, la complexité de leurs actifs et de leurs activités
ainsi que les fortes opportunités de croissance qui les caractérisent font que les outils
traditionnels de communication comme la comptabilité, sont incapables d’éclairer
suffisamment les investisseurs sur leurs situations. Ceci amène en conséquence les firmes à
accroître leurs divulgations volontaires en recourant par exemple aux conférences
téléphoniques et aux divulgations par internet. Comme ces firmes souffrent d’un fort déficit
informationnel et comme elles sont censées recourir plus que les autres aux divulgations
volontaires sous diverses formes pour combler ce déficit, l’impact de l’informativité des
chiffres comptable sur l’asymétrie d’information qui les caractérise est ambigu. Cette
ambigüité disparaît cependant dès que nous tenons compte du le volume de leurs divulgations
appréhendé par la taille ou par le nombre d’analystes. Dans ce cas, l’informativité des chiffres
comptable est censée affecter positivement l’asymétrie d’information.

L’activité est mesurée par la moyenne semestrielle du rapport entre le nombre de titres
échangés quotidiennement et le nombre total de titres de la firme étudiée. La volatilité est
mesurée par l’écart type semestriel des rendements quotidiens de la firme, où le rendement
Rq, du titre le jour q s’exprime : Ln (Pq+Dq)-Ln (Pq-1). Le prix de l’action est celui affiché en
fin du semestre. La taille est mesurée par la capitalisation boursière de l’entreprise en fin du
semestre. Elle est égale au prix de fin du semestre multiplié par le nombre de titres émis.
L’intensité du suivi est mesurée par le nombre d’analystes financiers. L’informativité des
chiffres comptables est mesurée par le ratio de capitalisation des fonds propres (market-to-
book ratio, MB). Celui-ci rapporte la valeur marchande des fonds propres à leur valeur
comptable.

Comme pour les fourchettes de prix, toutes les données nécessaires au calcul des variables de
contrôle sont extraites de la base Datastream, sauf celles relatives au nombre d’analystes,
extraites de la base I/B/E/S. Pour éliminer les valeurs aberrantes, divers traitements ont été
effectués. Les quantités de titres échangées sont éliminées lorsqu’elles sont supérieures à la

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

quantité totale de titres émis. Les prix de clôture négatifs ou supérieurs au double du prix de
clôture de la veille sont supprimés. Les prix et les ratios indicateurs des volumes de
transaction (le rapport entre le nombre de titres échangées quotidiennement et le nombre de
titres émis) supérieurs (inférieurs) à leur moyenne semestrielle augmentée (diminuée) de trois
écarts types sont écartées pour garantir la normalité de leur distribution. Les données
manquantes relatives au nombre d’analystes sont à la lumière du travail de Shores (1990)
remplacées par zéro. Nous considérons ici que I/B/E/S ne communique pas systématiquement
l’information quand aucun analyste ne suit la firme. Les valeurs négatives du ratio de
capitalisation des fonds propres sont remplacées par zéro.

5.      Méthodologie et échantillon

L’étude de l’impact de l’adoption des IFRS sur les fourchettes de prix consiste à examiner
l’évolution de celles-ci autour de l’adoption des IFRS. Pour ce faire, nous examinons sur 7
ans, entre 1998 et 2004, l’évolution des fourchettes de prix des firmes allemandes qui ont
adopté les IFRS en 1999, 2000, 2001 ou 2002.

5.1.     La méthodologie

Pour apprécier l’impact de l’adoption des IFRS sur les fourchettes de prix, nous testons le
modèle suivant :

            FPit = α0 + dt + α1 POSTit + α2 VOLit + α3 ACTit+ α4 Pit
                                    + α5 TAILLEit + α 6 NBAit + α 7 MBit + εit             

FPit est fourchette de prix structurelle de la firme i sur le semestre qui suit la publication du
rapport annuel de l’année t. Elle est estimée par la moyenne des fourchettes relatives
quotidiennes calculée sur six mois. La fourchette de la firme i le jour q s’exprime
FPiq={(PAiq- PViq)/[(PAiq+PViq)/2]} où PA et PV correspondent respectivement aux
meilleures prix d’achat et de vente.

POSTit est une variable binaire qui est égale à 1 si, pour la firme i, l’année t est postérieure à
l’adoption des IFRS, 0 sinon. Si l’adoption des IFRS affecte significativement les fourchettes
de prix, le coefficient de régression de la variable POST doit être significativement différent
de 0.

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Dumontier & Maghraoui - IFRS et fourchettes de prix

ACTit est la moyenne du rapport entre le nombre de titres échangés quotidiennement et le
nombre total de titres émis par la firme i. Cette moyenne est calculée sur le semestre qui suit
la publication du rapport annuel de l’année t. VOLit est l’écart type semestriel des rendements
quotidiens de la firme i, où le rendement Riq du titre i le jour q s’exprime Riq= Ln (Piq+Diq)-
Ln(Piq-1). Il est calculé pour chacun des jours du semestre qui suit la publication du rapport
annuel de l’année t. Ces moyennes et écarts types sont calculés à compter du début du
quatrième mois qui suit la fin de l’année fiscale de chaque firme, date à partir de laquelle les
rapports annuels sont censés être publiés.

Pit est le prix de l’action i à la fin du semestre qui suit la publication du rapport annuel de
l’année t. Tailleit reflète la capitalisation boursière de l’entreprise i à la fin du semestre qui suit
la publication du rapport annuel de l’année t. Elle est égale au prix en fin du semestre
multiplié par le nombre de titres en circulation. NBAit représente le nombre d’analystes
financiers qui suivent la firme i durant le semestre qui suit la publication du rapport annuel de
l’année t. MBit est le ratio de capitalisation des capitaux propres (market-to-book ratio, MB)
de la firme i relatif à l’année t. Toutes les variables, sauf les binaires, sont exprimées en
logarithme.

Nos données étant caractérisées par une double dimension, individuelle et temporelle, dt
indique la prise en compte d’effets fixes temporels visant notamment à neutraliser les effets
de la crise boursière qui a caractérisé la période étudiée.

Pour mettre en évidence un éventuel effet d’apprentissage, nous remplaçons la variable POST
du modèle 1 par trois variables binaires POST1it, POST2it, POST3it :

                               3
              FPit = b0 + dt + ∑ αK POSTkit + α4VOLit + α5 ACTit+ α6 Pit
                              k =1

                                      + α7 TAILLEit + α8 NBAit + α9 MBit + εit                  

POST1it et POST2it, sont égales à 1 si, pour la firme i, l’année t correspond respectivement à la
première et à la deuxième année qui suit l’adoption des IFRS. Ces variables prennent la valeur
0 dans le cas contraire. POST3it est égale à 1 si l’année t est postérieure à la deuxième année
d’adoption. POST3it vaut 0 sinon. Nous agrégeons les années postérieures à la deuxième année
d’adoption des IFRS pour deux raisons. N’imaginant pas que l’apprentissage nécessite plus de
3 ans, nous considérons que l’effet marginal de la quatrième, cinquième et sixième année
d’adoption sur les fourchettes de prix ne peut être qu’infime. Nous optons par ailleurs pour ce

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