La vente des terres africaines: bonne ou mauvaise ? les changements climatiques - the United Nations
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Anciennement ‘Afrique Relance’ Département de l’information des Nations Unies Vol. 23 No. 3 Octobre 2009 La vente des terres africaines: bonne ou mauvaise ? À l’unisson contre les changements climatiques Peter Arnold Inc. / Sebastian Bolesch
sommaire Au sommaire Nations Unies Vol. 23 No. 3 Octobre 2009 L’Afrique et le “commerce des êtres humains”. . . 6 Le Protocole de l’ONU contre la traite des personnes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Mainmise sur les terres africaines ?. . . . . . . . . . . . 4 L’Afrique s’exprime sur la question du climat. . . . . 3 Egalement au sommaire La sécurité aux enchères. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Recherche de justice ou complot occidental ?. . . . 12 L’Afrique et ‘la guerre contre le terrorisme’. . . . . . . 16 Panos / Lorena Ros Un cadre mondial de lutte antiterroriste. . . . . . . . . . 17 Rubriques Agenda. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Livres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Jeune fille de Benin City dans l’Etat d’Edo au Sud du Nigéria: la grande majorité des Nigérianes victimes de la Horizon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 traite aux fins de prostitution en Europe en sont originaires. La revue Afrique Renouveau est publiée en anglais et en français par la Division de la Rédactrice en chef communication stratégique du Département de l’information des Nations Unies et Julie I. Thompson bénéficie du soutien du PNUD, de l’UNICEF et d’UNIFEM. Toutefois son contenu ne reflète Rédacteur Reporter pas nécessairement les vues des Nations Unies ou des organisations soutenant Ernest Harsch Mary Kimani la publication. Le contenu de cette publication peut être reproduit librement, en précisant la Michael Fleshman source, “ONU, Afrique Renouveau”. Merci de nous en adresser une copie. Rédaction Production Prière d’adresser toute correspondance au Marian Aggrey Chris van der Walt Rédacteur, Afrique Renouveau Bureau M-16031, Administration Distribution Nations Unies, New York 10017-2513, E.-U. Shelly Edelsburg Atar Markman Tél : (212) 963-6857 Fax : (212) 963-4556 e-mail : africarenewal@un.org Abonnez-vous à Afrique Renouveau Nous avons une nouvelle adresse Web : Vous pouvez vous abonner à l’année à titre individuel (20 $) ou institutionnel (35‑$). Veuillez envoyer un mandat international ou un chèque (en dollars des Etats-Unis) tiré sur une www.un.org/AfricaRenewal banque des E.-U., et libellé à l’ordre des Nations Unies, à la Distribution à l’adresse indiquée ci-dessus. Un certain nombre d’abonnements gratuits sont disponibles pour les personnes Vous pouvez nous suivre sur Twitter: n’ayant pas les moyens de payer l’abonnement. Veuillez en formuler la demande par écrit et www.twitter.com/africarenewal l’adresser au Rédacteur. Afrique Renouveau est imprimée sur papier recyclé.
L’Afrique s’exprime sur la question du climat Une position commune pour les négociations sur les changements climatiques Par Ernest Harsch miers signataires de la Convention-cadre des africains adoptent de plus en plus des positions Q uand les représentants africains se ren- Nations Unies sur les changements climatiques communes, que ce soit dans les pourparlers dront à Copenhague début décembre de 1992 et du Protocole de Kyoto de 1997 qui internationaux concernant la crise économique pour y assister à des négociations cru- fixait des limites aux émissions de gaz à effet mondiale ou sur les questions de changement ciales sur les changements climatiques, ils de serre. Mais comme le notait une analyse climatique. “A Copenhague, l’Afrique parlera s’efforceront de parler d’une seule voix. “Pour présentée en août au sommet de l’Union afric- d’une seule voix a-t-il indiqué à Afrique la première fois dans l’histoire, déclare le aine, les efforts de négociation précédents de Renouveau. Nous aurons un coordinateur Premier Ministre éthiopien Meles Zenawi, l’Afrique ont été marqués par une “coordina- unique pour tout le groupe africain et une stra- l’Afrique aura une seule équipe de négocia- tion lamentable” et une absence de “direction tégie de négociation unique.” tion habilitée à négocier au nom de tous les politique visible à l’échelle du continent.” Certaines préoccupations exprimées par États membres de l’Union africaine… les Prenant la parole le 22 septembre lors l’Afrique ont trait à “l’adaptation” — les moy- intérêts et la position de l’Afrique ne seront du sommet sur les changements climatiques ens d’aider les pays dont les zones côtières sont pas passés sous silence.” menacées, ceux victimes d’un change- De nombreux participants à la ment du régime des pluies ou de modi- réunion des dirigeants africains qui s’est fications des grandes tendances de tenue fin août et qui a choisi M. Meles leur climat. L’Union africaine estime comme chef de cette délégation, ont fait que pour soutenir adéquatement de valoir la nécessité d’agir d’urgence, les tels efforts, les pays en développement changements climatiques ayant de plus auront globalement besoin de 67 mil- en plus d’incidences sur la vie de mil- liards de dollars par an à l’horizon 2020. lions de personnes. Concernant “l’atténuation” — la réduction des gaz à effet de serre — Le moment d’engager le débat l’Afrique espère que les pays industriels “Le moment est venu pour l’Afrique et les pays en voie d’industrialisation, de s’engager avec vigueur” dans les qui produisent la plus grande partie de négociations sur les changements cli- ces gaz, accepteront d’en réduire con- matiques, a déclaré au cours de ce sidérablement les émissions. Les pays Peter Arnold Inc. / Ton Koene sommet Jean Ping, le Président de la africains pour leur part s’engagent à Commission de l’Union africaine. Face adopter des procédés de production à une productivité agricole menacée, à plus propres, mais il leur faut pour cela des ressources en eau en danger et au de nouvelles technologies. De plus, a risque de voir la pauvreté augmenter, déclaré le Premier Ministre Meles à le prix de l’inaction est inacceptable, a un forum conjoint entre l’Afrique et les affirmé M. Ping. donateurs organisé début septembre Selon des projections de la Banque Collecte de bois de feu en Éthiopie: les mutations climatiques en Éthiopie, “nous voulons préserver mondiale publiées à la mi-septembre, engendrent des conditions météorologiques extrêmes qui obli- nos forêts,” et replanter les surfaces la consommation annuelle par habitant gent certains pays à faire face à une sécheresse accrue. forestières dégradées (car les arbres pourrait chuter de 4 à 5 % en Afrique absorbent le principal gaz à effet de en raison des changements climatiques liés à organisé par l’ONU, le président rwandais serre, le dioxyde de carbone.) la montée des températures de la planète et du Paul Kagame a noté que si les pays africains Bien que ce forum ait constitué un lieu de bouleversement des économies locales. D’ici à “restaient plus ou moins en marge” du débat rencontre idéal pour solliciter une augmentation 2030, environ 90 millions d’Africains de plus mondial c’était notamment parce qu’ils estima- de l’aide fournie par les bailleurs de fonds, le seront exposés au paludisme, les conditions dev- ient que “les changements climatiques sont un principal négociateur africain sur les questions enant encore plus favorables à la multiplication problème industriel qui doit être résolu par les de changement climatique a mis l’accent sur des moustiques vecteurs de la maladie. D’ici à pays occidentaux.” l’action internationale plutôt que sur le prob- 2080, de 9 à 20 % des terres arables en Afrique lème du financement. “Nous n’avons pas intérêt pourraient devenir plus difficiles à cultiver. ‘Une seule voix’ à réclamer des compensations pour les change- Les gouvernements africains sont depuis Selon Ibrahim Assane Mayaki, le Secrétaire ments climatiques et les dommages qu’ils longtemps conscients de ces tendances et bon exécutif du Nouveau partenariat pour le dével- entraînent, a expliqué M. Meles, nous avons tout nombre d’entre eux ont figuré parmi les pre- oppement de l’Afrique (NEPAD), les pays intérêt à éviter qu’ils ne se produisent.” n octobre 2009 3
Mainmise sur les terres africaines ? L’acquisition de terres par des sociétés étrangères soulève d’inquiétudes et d’espoir Par Roy Laishley Mais dans l’immédiat, des considérations Banque mondiale ont commandé une étude sur L ’apparente multiplication des achats pratiques ont aussi une grande importance. cette “ruée vers la terre”. Au cours du sommet de terres africaines par des sociétés et “C’est une tendance inquiétante”, a déclaré en du G8 tenu cette année en Italie au mois de juil- même des gouvernements étrangers juin Akinwumi Adesina de l’Alliance pour une let, le Japon a cherché à faire adopter un code qui les destinent à des cultures vivrières ou révolution verte en Afrique (AGRA) à un forum de conduite régissant ce genre de transactions. commerciales tournées vers l’exportation pro- scientifique organisé aux Pays-Bas. Selon lui, Finalement, le G8 s’est contenté d’une promesse voque des inquiétudes à travers le continent ces acquisitions étrangères pourraient entraver de collaboration avec les pays partenaires et les comme en dehors de l’Afrique. Le phénomène les efforts faits localement pour augmenter la organisations internationales pour mettre au point des propositions de principes et de pra- tiques recommandées concernant les investisse- ments étrangers dans les terres agricoles. Un code de conduite sera difficile à négo- cier et sera encore plus difficile pour les pays industrialisés à faire appliquer à des contrats qui sont principalement négociés entre des pays du Sud, a déclaré à Afrique Renouveau Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation. En juin, dans un rapport sur ces grands contrats d’acquisition et d’affermage, M. De Schutter a écrit que bien que ces investisse- ments offrent certaines perspectives de dével- oppement, ils représentent aussi une menace à la sécurité alimentaire. “Les enjeux sont Panos / Sven Torfinn énormes”, a-t-il expliqué à Afrique Renouveau. Malheureusement, “ces contrats dans la forme sous laquelle ils ont été conclus jusqu’à présent ne présentent que des obligations très faibles pour les investisseurs.” Exploitants rizicoles au Malawi: certains experts craignent que les programmes d’agriculture sous Cependant, pour les pays africains qui con- contrôle étranger portent atteinte aux droits fonciers des exploitants locaux et compromettent cluent ce genre de transactions, les bénéfices la sécurité alimentaire en Afrique. potentiels sont aussi séduisants. a fait les gros titres de la presse qui le dénonce production agricole vivrière et même limiter la Des transactions d’une échelle sans sans ménagement : “Le deuxième partage de croissance économique globale. précédent l’Afrique”, ”La recherche de la sécurité alimen- L’importance des surfaces concernées Une étude récente de l’Institut international taire engendre le néo-colonialisme”, “Sécurité par certaines de ces transactions foncières a pour l’environnement et le développement alimentaire ou esclavage économique ?” aggravé les inquiétudes. Le projet d’affermer (IIED), un organisme de recherche britan- Cette levée de boucliers s’explique par 1,3 million d’hectares à la société sud- nique, estime que depuis 2004, les cinq pays les séquelles toujours présentes de l’histoire coréenne Daewoo a été un facteur clé dans la qui ont fait l’objet d’une enquête approfondie, du continent où jusqu’au siècle dernier les mobilisation qui a abouti à l’éviction du prési- (Éthiopie, Ghana, Madagascar, Mali et puissances coloniales et les colons étrang- dent malgache Marc Ravalomanana au mois Soudan) ont à eux seuls cédé l’exploitation de ers s’emparaient arbitrairement des terres de mars. Au Kénya, le gouvernement peine à près de 2,5 millions d’hectares de terres agri- africaines et déplaçaient les populations qui surmonter l’opposition locale à la proposition coles africaines à des entreprises étrangères. y vivaient. Jacques Diouf, Directeur général de donner au Qatar le droit d’exploiter 40 000 L’échelle de certaines de ces transactions est sénégalais de l’Organisation des Nations hectares de terres dans la vallée de la rivière sans précédent, affirme le rapport de l’IIED, Unies pour l’alimentation et l’agriculture Tana en échange de la construction d’un port Accaparement des terres ou opportunités de (FAO), se demande si ce genre de transactions en eau profonde. développement ?, préparé pour la FAO et le foncières ne risque pas d’aboutir à une forme Plusieurs organisations internationales Fonds international de développement agricole de “néo-colonialisme”. ont pris position sur la question. La FAO et la des Nations Unies. 4 Octobre 2009
L’IIED a averti que même sur ces pays, les cette explosion de l’investissement agricole, car les failles et les dangers potentiels qui incluent données sont incomplètes et qu’elles n’incluent elle est perçue comme disposant de vastes res- des risques de compromettre les efforts faits pas certains des plus gros contrats. Des entre- sources en terres et en main-d’œuvre, comme au niveau national pour accroître la production prises chinoises seraient en train de négocier d’un climat favorable, souligne M. De Schutter. alimentaire, le danger que des projets agricoles des contrats portant sur 2,8 millions d’hectares Jusqu’ici, l’Afrique n’a pu mobiliser que des exclusivement tournés vers des marchés exté- en République démocratique du Congo (RDC), ressources financières limitées pour mettre en rieurs stimulent peu les activités économiques surfaces qu’elles destinent à des plantations de culture ses terres arables. En dépit d’appels des pays concernés, ainsi que la menace poten- palmiers à huile, et sur 2 millions d’hectares répétés à l’augmentation de l’investissement tielle qu’ils représentent pour les droits tradi- en Zambie destinés à la culture du jatropha, agricole national, l’agriculture des pays afric- tionnels des paysans africains sur ces terres. Le une plante utilisée dans la production de bio- ains reste à la traîne des autres secteurs. Rapport économique sur l’Afrique 2009, pub- carburant. Le Soudan a pour sa part accepté La terre étant apparemment disponible en lication conjointe de l’UA et de la Commission d’affermer 690 000 hectares à la Corée du Sud abondance mais l’argent rare, les offres des économique pour l’Afrique de l’ONU (CEA), pour cultiver des céréales. investisseurs étrangers concernant le dével- avertit de ne pas donner une trop grande pri- Le même rapport note qu’aucun contrat oppement des ressources agricoles africaines orité à l’expansion rapide des surfaces cultivées conclu par la Chine et mis en œuvre ne con- apparaissent donc comme très tentantes. Mais en raison de la dégradation de l’environnement cerne plus de 50 000 hectares. Néanmoins, dans les faits, une grande partie de ces terres ne à laquelle l’Afrique est déjà confrontée. une étude de l’Organisation non gouverne- sont pas aussi inutilisées qu’elles le paraissent Un grand nombre de ces études mettent mentale GRAIN sur les acquisitions récem- et les bénéfices réels de l’investissement agri- aussi en valeur les bénéfices potentiels pour ment rapportées dans les médias et d’autres cole se révèlent beaucoup plus faibles que ceux un secteur à court d’argent : création de nou- sources suggèrent que l’exploitation de près projetés dans les études préliminaires. veaux emplois, introduction de nouvelles tech- de 6 millions d’hectares de terres agricoles a “Les États africains sont assis sur une nologies, amélioration de la qualité des produc- été ou est potentiellement assignée à des entre- caisse de dynamite,” a déclaré en juin à la tions agricoles et possibilités de développer des prises étrangères. Ce décomptage n’inclut pas presse Namanga Ngoni, Président de l’Alliance activités de transformation des produits agri- la proposition faite par la RDC à un syndicat d’agriculteurs sud-africains de leur affermer 10 millions d’hectares pour des cultures vivrières variées et pour des activités d’élevage. Alimentation et biocarburants : une demande croissante Cet intérêt croissant pour les ressources fon- cières africaines est dû à plusieurs facteurs. Pour les investisseurs, un fort désir d’assurer leur sécurité alimentaire et à un moindre degré de satisfaire la hausse de la demande en biocarburants ; ces deux motivations étant renforcées par la perspective d’une hausse inévitable des prix du foncier à mesure que la demande mondiale en productions vivrières ONU / B. Wolff et commerciales continuera à augmenter. Un grand nombre de ces transactions entre États sont destinées à satisfaire des besoins alimentaires domestiques, spécialement dans Agriculture mécanisée en Tanzanie: l’agriculture à grande échelle risque de nuire les États du Golfe et en Corée du Sud. Des à l’environnement fragile de l’Afrique. entreprises indiennes ont investi environ 1,5 milliard de dollars en Éthiopie pour répon- dre à la croissance des besoins alimentaires pour une révolution verte en Afrique (AGRA), coles à haute valeur ajoutée. Peut-être même de leur population et à celle de la demande lancée par l’ex-Secrétaire général de l’ONU la perspective d’une “augmentation de la pro- d’aliments pour animaux. De nombreuses Kofi Annan. duction alimentaire pour le marché national et sociétés commerciales, européennes aussi bien pour l’exportation”, selon la FAO. que chinoises, se sont lancées à Madagascar, Élaborer une approche stratégique Un e é t u d e d e l’I F PR I i nt it u l é e au Mozambique et en Zambie dans la culture Les récentes études menées par l’IIED, la FAO, “Accaparement des terres” par les investis du jatropha, du sorgho et d’autres cultures des- la Banque mondiale et l’Institut international seurs étrangers dans les pays en dévelop tinées à la production de biocarburants. de recherche sur les politiques alimentaires L’Afrique est particulièrement ciblée par (IFPRI) établi à Washington, confirment toutes voir page 22 octobre 2009 5
L’Afrique et le “commerce des êtres humains” La traite des personnes: un fléau qui fait des centaines de milliers de victimes Par Michael Fleshman L orsque Isoke Aikpitanyi, âgée de 20 ans, s’est vu offrir en 2000 un emploi en Italie, elle a sauté sur l’occasion. La vie chez elle, au Nigéria, était pénible et les perspectives de travail pour les jeunes femmes rares. Elle savait qu’il lui faudrait entrer illé- galement dans le pays et accomplir un travail mal rémunéré et subalterne. Mais cela valait mieux que de rester chez soi et la personne qui lui avait proposé du travail s’engageait à organiser son voyage et à en assumer les frais qu’Isoke rembourserait de ses gains. Ce n’est qu’après son arrivée en Italie que Panos / Lorena Ros les choses ont mal tourné, a-t-elle raconté en 2008 à la station de télévision Al-Jazeerah. A peine débarquée, on lui a fait savoir que “les étrangers démunis d’un titre de séjour n’avaient d’autre choix que de faire le trottoir.” Jeune fille de Benin City dans l’Etat d’Edo au Sud du Nigéria: la grande majorité des Nigérianes Le refus de travailler ou le fait de ne pas victimes de la traite aux fins de prostitution en Europe en sont originaires. rapporter assez d’argent étaient sanctionnés par des sévices corporels, a-t-elle précisé, soulignant qu’elle était restée trois jours dans travailler comme prostituées ou main d’œuvre la traite des personnes du Haut-Commissariat le coma après avoir été passée à tabac. Les non qualifiée sous la menace de violences, la aux droits de l’homme de l’ONU, Joy Ezeilo, femmes qui tentaient de s’échapper étaient plupart n’ont pas les moyens de s’enfuir. affirme que les estimations varient énormément souvent tuées pour servir d’exemple aux En réponse aux récits comme celui d’Isoke, car, d’un côté, les contrebandiers cherchent à autres. “J’ai été une esclave sexuelle. On m’a les gouvernements africains ont intensifié leurs éviter toute détection et, de l’autre, les gouver- trompée en me faisant venir en Italie pour un efforts pour lutter contre la traite des êtres nements accordent peu d’importance aux activi- emploi qui n’existait pas.” humains et lancé des campagnes d’éducation tés de contrôle et de prévention de la traite des Ce type de commerce illégal des per- et de sensibilisation de l’opinion publique. personnes. La Rapporteuse estime néanmoins sonnes qui repose sur la fraude et la violence L’insuffisance des ressources humaines et à 2,5 millions environ le nombre de victimes est généralement connu sous le nom de “traite financières, conjuguée à la carence du système de la traite l’année dernière, dont plus d’un des êtres humains” et constitue un sujet de juridique, à la perméabilité des frontières et million d’enfants. D’après l’UNICEF, la traite préoccupation partout dans le monde. Après au réservoir apparemment inépuisable de per- représente en outre une importante source de des mois de sévices corporels et d’exploitation sonnes prêtes à tout pour échapper à la misère revenus, rapportant jusqu’à 10 milliards de dol- sexuelle, Isoke a réussi à échapper à ses ravis- freinent les efforts des pays africains et d’autres lars par an aux groupes de trafiquants. seurs et à lancer un organisme d’aide aux pays en développement pour empêcher leurs “Je peux affirmer, a-t-elle dit à Afrique victimes de la traite des personnes en Italie, ressortissants de tomber entre les mains des Renouveau lors d’un entretien dans ses bureaux l’Association des filles de Benin City, qui vise trafiquants. à Lagos, que la traite des personnes est un sujet à encourager un nombre croissant de femmes Il appartient aussi aux pays de destination extrêmement préoccupant pour l’Afrique, elle- à échapper à leur sort. d’intensifier leurs efforts dans ce domaine. même devenue un réservoir important de vic- Tant que les gouvernements traiteront les vic- times de la traite dans le monde.” Pour sa part, La plupart n’ont pas les moyens de s’enfuir times de la traite comme des individus qui l’Organisation internationale pour les migra- Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance enfreignent la loi plutôt que victimes d’une tions (OIM) estime que rien qu’en Italie 10 000 (UNICEF) affirme que des centaines de mil- infraction grave, les trafiquants trouveront tou- à 15 000 Nigérianes sont forcées de travailler liers de personnes dans les pays en développe- jours moyen d’alimenter le marché. dans l’industrie du sexe. ment, poussées par la pauvreté, les guerres, la Mme Ezeilo souligne que, contrairement discrimination et l’injustice, deviennent tous “Enorme sujet de préoccupation” à la traite des personnes au niveau interna- les ans victimes de réseaux de trafiquants per- Le nombre précis des victimes des trafiquants tional, où 80 % des victimes sont utilisées à fectionnés. Craignant les autorités et forcées de n’est pas connu. La Rapporteuse spéciale sur des fins d’exploitation sexuelle, “les victimes 6 Octobre 2009
de la traite en Afrique sont forcées d’accomplir des deux tiers avaient été envoyés à l’intérieur ont été choisis en fonction de leur petite taille, des tâches ménagères et de travailler dans les du pays. La plupart de ceux acheminés hors forcés de vivre dans une enceinte entourée de champs et dans la construction, tout en servant du Mali ont été retrouvés dans les pays limi- barbelés et sous-alimentés pour les empêcher comme objets sexuels. trophes. La Rapporteuse spéciale a également de prendre du poids. Ils étaient souvent battus fait état de l’arrestation en 2005 par les auto- et subissaient des violences sexuelles et parfois Complexité des facteurs rités du Malawi d’un trafiquant qui a tenté de étaient victimes de blessures graves causées Un rapport exhaustif publié en 2009 par faire passer clandestinement en Zambie 15 par des accidents de course. l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime enfants, dont un de 10 ans, pour servir comme (ONUDC) confirme ce phénomène. Intitulé main d’œuvre saisonnière dans les champs. Exploiter la pauvreté, la tradition Rapport mondial sur la traite des personnes*, Dans le sud-ouest du Nigéria, un millier La Rapporteuse spéciale souligne en outre que le document révèle que la traite des Africains d’enfants du Bénin voisin ont été découverts l’ampleur et la diversité de la traite des per- vers l’étranger revêt le plus souvent un car- alors qu’ils servaient comme main d’œuvre sonnes en Afrique, conjuguées à la perméabil- actère simple et brutal, la vaste majorité des forcée dans les carrières de gravier, malgré ité des frontières du continent et à la carence jeunes victimes féminines étant envoyées vers les tentatives des deux gouvernements de faire des organismes chargés de faire appliquer l’Europe et les Etats-Unis aux fins de prosti- cesser cette pratique. D’après un rapport de les lois, rendent ce phénomène pratiquement tution. En revanche, la traite des personnes à 2007 adressé au Conseil des droits de l’homme impossible à arrêter. Il est relativement facile, l’intérieur du continent, bien plus complexe, de l’ONU par l’organisation non gouvernemen- dit-elle, de répertorier globalement les pays repose sur toute une série de facteurs qui déter- tale Coalition Against Trafficking in Women selon qu’ils sont des pays d’origine, de desti- minent les choix des trafiquants et la nature des and Children, les victimes, certaines à peine nation ou de transit. Une telle catégorisation activités qu’on imposera aux victimes à leur âgées de six ans, étaient forcées de creuser et permet aux gouvernements de mieux cibler arrivée à destination. Ces facteurs prennent en de transporter des blocs de pierre huit à dix leurs programmes de lutte contre la traite des considération la situation économique sur le heures par jour, parfois sept jours par semaine, personnes et d’utiliser plus efficacement leurs plan local, les demandes saisonnières de main sans rémunération et sans une alimentation capacités coercitives. d’œuvre, les conflits militaires et la dégra- ou un hébergement décents, pendant six ans. “Le problème en Afrique est que la plupart dation de l’environnement qui bouleversent Les trafiquants, au service des propriétaires des pays appartiennent aux trois catégories à la les conditions de vie, ainsi que les pratiques des carrières, versaient pendant ce temps des fois, explique Joy Ezeilo. Parfois certains pays culturelles et la discrimination à l’égard des petites sommes d’argent aux parents des jeunes deviennent des pays de destination par hasard femmes et des ethnies qui compromettent les victimes. Le rapport précise qu’en une occa- parce que des gens en route vers l’Europe se chances de progrès économique et social des sion au moins, les propriétaires des mines ont sont trouvés immobilisés en Afrique du Nord, femmes, des enfants et des minorités et rendent forcé des centaines d’enfants à se réfugier dans ils ont été forcés à se prostituer ou à servir plus acceptables les atteintes à leurs droits. la campagne environnante pour échapper au comme main d’œuvre bon marché. Les gou- Les autorités du Mali ont signalé qu’en contrôle des inspecteurs du travail. vernements ont du mal à savoir comment abor- 2006 il y a eu 119 cas connus d’enfants (81 Le Gouvernement mauritanien a signalé der ce problème et où porter leur attention.” garçons et 38 filles) victimes de la traite. Près en 2006 à l’ONUDC que 22 enfants du pays Pour asservir les gens, les trafiquants profi- avaient été acheminés vers plusieurs pays du tent également de la tradition de l’apprentissage * Disponible sur le site de l’ONUDC à : www.unodc. Moyen-Orient pour y travailler comme jock- et des autres pratiques culturelles. Des études org/documents/Global_ Report_on TIP.pdf. eys dans les courses de chameaux. Les enfants menées par l’ONU, l’OIM et le Gouvernement Le Protocole de l’ONU contre la traite des personnes Après l’abrogation du commerce international d’esclaves au XIXe recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlève- siècle, des tentatives ont été faites pour prévenir la traite des ment, fraude, tromperie ou abus d’autorité ou par l’offre de paie- personnes, notamment avec l’Arrangement international de 1904 ments ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une per- en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel sonne ayant autorité sur une autre “aux fins d’exploitation”. connu sous le nom de traite des blanches. En décembre 2003, En outre, le Protocole vise à protéger et à aider les victimes est entré en vigueur le Protocole visant à prévenir, réprimer et “en respectant pleinement leurs droits fondamentaux” et à pro- punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des mouvoir la coopération entre les Etats dans la lutte contre la traite enfants, qui s’inscrit dans la Convention des Nations Unies contre des personnes. L’instrument appelle les gouvernements signa- la criminalité transnationale organisée. Le Protocole a été signé à taires à adopter des mesures globales de lutte contre la traite des ce jour par 117 gouvernements, dont 41 en Afrique. personnes, à fournir une aide, des conseils et une assistance au Cet instrument vise à combler les lacunes juridiques existan- rapatriement des victimes de la traite, à accélérer l’élaboration tes aux niveaux international et national et à offrir une meilleure de programmes de formation pour les agents de la force pub- protection aux victimes de la traite des personnes. Le Protocole lique et des services d’immigration et à améliorer les échanges désigne la traite comme “le recrutement, le transport, le transfert, d’informations et la coopération transfrontières pour prévenir la l’hébergement ou l’accueil des personnes” par la menace ou le traite des personnes. octobre 2009 7
des Etats-Unis indiquent que la pratique vieille Sénégal, au Togo et dans d’autres pays, à savoir gouvernance, les discriminations à l’égard des de plusieurs centaines d’années qui consiste le placement de jeunes filles pauvres comme femmes, les inégalités, le manque d’instruction à envoyer les enfants étudier dans les écoles personnel de maison dans des familles plus et l’analphabétisme. Tout cela rend les gens vul- religieuses, appelées daaras, était désormais aisées moyennant l’hébergement et la scolari- nérables, et les trafiquants en profitent.” viciée. A l’origine, les daaras étaient installées sation. Bon nombre d’entre elles ne mettent Les trafiquants ont des traits communs dans les zones rurales où elles dispensaient un jamais les pieds dans une école. aussi. La plupart appartiennent à des groupes enseignement religieux et offraient un héberge- “La plupart des familles n’ont pas la moin- criminels organisés. “Ceux qui savent com- ment à des garçons âgés de quatre ou cinq ans dre idée de la manière dont on traite leurs ment faire passer des armes et des drogues originaires des communautés environnantes enfants”, souligne Joy Ezeilo. Les victimes de en contrebande sauront aussi comment faire en échange de travaux agricoles. Ces écoles la traite des personnes sont souvent sollicitées passer des gens clandestinement. Ils s’y con- étaient souvent l’unique source d’enseignement avec des offres de travail fictives faites par des naissent en technologie. L’internet est devenu accessible aux familles pauvres. personnes de leur communauté qui gagnent la un outil de travail pour eux. Ils y affichent des Dans les années 70 et 80, toutefois, la confiance des victimes et de leurs parents. offres d’emploi. Ils exploitent les gens qui cher- chent du travail. On est vite embarqué.” La contrainte et la violence sont des moy- ens couramment utilisés. “J’ai connu des cas où on a fait jurer les gens devant leurs familles qu’ils savaient qu’ils voyageraient illégalement et qu’ils acceptaient les conditions de rem- boursement des frais de transport imposées par les trafiquants. A titre d’exemple, des groupes de femmes recrutées en Afrique de l’Ouest s’entendent dire à leur arrivée en Europe occi- dentale que les frais de leur voyage s’élèvent à 500 000 dollars. Elles devront travailler toute Peter Arnold Inc. / Charlotte Thege leur vie pour rembourser !” Mme Ezeilo note que malgré ces méthodes brutales, les victimes craignent le plus souvent davantage la police que les trafiquants, n’ayant que rarement recours à la protection des autori- tés. Les gouvernements des pays de destination ont en effet tendance à considérer les victimes de la traite comme des immigrants clandestins qu’il faut expulser plutôt qu’aider. Les trafi- Un jeune garçon récolte des feuilles de thé au Kénya : la traite d’êtres humains à l’intérieur de quants exploitent cette situation, disant à leurs l’Afrique concerne surtout des enfants que l’on emmène dans des pays voisins pour y accomplir des tâches ménagères ou agricoles. victimes : “Si vous contactez les autorités, vous risquez des ennuis. Vous serez renvoyés chez vous et punis.” sécheresse et les difficultés économiques ont Persécution des vulnérables La Rapporteuse spéciale invite les pays de forcé de nombreuses daraas à s’installer dans Mme Ezeilo souligne par ailleurs que la com- destination à traiter les victimes des trafiquants la plus grande ville du pays, Dakar, brisant plexité et les différences qui entourent la traite différemment des “immigrants volontaires”, les liens entre les enfants et leurs parents et des personnes en Afrique ne peuvent dis- accordant la priorité au respect de leurs droits. ouvrant la voie aux mauvais traitements. Les simuler certaines similitudes partagées par Bien que les autorités considèrent des vic- études indiquent que, dans de nombreux cas, les victimes. “Elles se retrouvent toutes dans times comme Isoke Aikpitanyi comme des les marabouts (enseignants) ne dispensaient des situations vulnérables. Chez les femmes, migrants illégaux, le droit international exige qu’un minimum d’instruction religieuse, for- les inégalités entre les sexes contribuent à les des gouvernements qu’ils reconnaissent ces çant plutôt les enfants à mendier de longues placer dans ces situations. Certaines, sans personnes comme les victimes d’une infrac- heures dans les rues, sous la menace de châti- instruction et sans un métier, n’ont d’autres tion, une fois qu’il a été prouvé qu’elles ont ments corporels. Le Gouvernement sénégalais choix que de rejoindre les rangs des victimes. été soumises à des violences et à la contrainte. et l’ONU ont réagi en lançant des programmes D’autres fuient des mariages forcés et des Outre la protection de leurs droits fondamen- destinés à améliorer les conditions dans les maris abusifs.” taux, les victimes peuvent prétendre, dans le écoles et à sensibiliser les parents aux dangers Par ailleurs, les taux de chômage très élevés cadre de la législation et des moyens des pays possibles, mais les progrès sont lents. chez les jeunes contribuent à aggraver leur vul- de destination, à obtenir des informations sur Les trafiquants ont également tiré parti nérabilité. “Regardez l’Afrique. Il y a la pauvreté, les procédures juridiques et administratives d’une autre pratique courante au Nigéria, au les guerres et les crises politiques, la mauvaise dont elles sont l’objet, à participer aux pour- 8 Octobre 2009
suites judiciaires contre leurs trafiquants, à procédant à l’examen des cas d’infraction et en matière de lutte contre la traite des personnes vivre en sécurité et dans des conditions décen- poursuivant énergiquement ses auteurs devant et à renforcer la coopération transfrontières. tes et demander des indemnisations pour les tribunaux. Au Nigéria, indique l’ONUDC, En Afrique australe, où le dispositif législatif préjudices subis. la National Agency for the Prevention of et les moyens de répression sont notoirement En outre, les autorités d’accueil sont invi- Trafficking in Persons est responsable de la insuffisants, l’OIM et un groupe de recher- tées à envisager la possibilité d’offrir des soins coordination de l’action menée par les forces che, le Southern African Migration Project, médicaux et psychologiques aux victimes, à de l’ordre et les fonctionnaires du ministère ont convoqué en 2008 la première d’une série assurer l’éducation des enfants avant leur rapa- chargé de l’immigration, ce qui a permis de de réunions destinées à mieux faire prendre triement, à les héberger et à leur fournir des faire passer le nombre des condamnations de conscience de ce problème. conseils juridiques et, le cas échéant, à leur huit en 2007 à 24 l’année suivante. Le Nigéria Pour sa part, l’Union africaine a marqué accorder le statut de résident tempo- la Journée 2009 de l’enfant africain, raire ou permanent. célébrée le 16 juin, par le lancement d’une campagne panafricaine appelée Aux prises avec la traite l’Initiative de la Commission de l’UA des personnes Contre le trafic d’êtres humains. Mme Ezeilo trouve encourageants les efforts croissants déployés par Action au niveau local de nombreux pays depuis l’entrée en Les associations de la société civile vigueur à la fin de 2003 du Protocole et les chefs spirituels ont également de l’ONU visant à prévenir, réprimer un rôle important à jouer, a ajouté la et punir la traite des personnes (voir Rapporteuse spéciale. “Les interven- encadré, p.7). En effet, une enquête tions au niveau local sont les plus effi- de 2006 menée par l’ONUDC dans caces. Les associations locales ont les 155 pays révèle que le pourcentage moyens de mobiliser les responsables, des pays ayant adopté des mesures d’alerter les personnalités religieuses législatives contre la traite des êtres et les chefs traditionnels et de pourvoir humains a augmenté de 33 % en des conseils sur les risques encourus”. 2003 à plus de 80 % en 2008. Plus Au Swaziland, les activistes de la de la moitié de ces pays, y compris société civile identifient les personnes certains pays africains, ont créé des et les familles les plus vulnérables. Ils sections de police spéciales chargées prodiguent des conseils aux victimes de faire respecter les nouvelles lois. potentielles et tentent de remédier aux Au Burkina Faso, le Parlement a problèmes qui poussent ces personnes Panos / Alfredo Caliz adopté en 2003 une loi qui pénalise dans les bras des trafiquants. la traite de toute personne de moins Des réseaux informels ont par ail- de 18 ans et a créé une section spéci- leurs été établis au niveau international ale des forces de l’ordre chargée d’en par des ordres religieux et des associa- assurer l’application. Les condamna- tions de femmes pour venir en aide aux tions pour traite ont plus que doublé Ivoirienne employée à Rabat (Maroc) : les personnes originaires victimes de la traite, pour les mettre à entre 2004 et 2006, bien que leur d’Afrique subsaharienne se retrouvent parfois bloquées l’abri des représailles ou de la déten- nombre total reste faible. Une loi en Afrique du Nord alors qu’elles sont en route pour l’Europe et sont tion, pour organiser leur transport et contraintes à se prostituer ou à accomplir un travail forcé. pénalisant la traite des adultes est à orienter leur rapatriement. l’examen. L’Ethiopie a pour sa part adopté en 2004 un train de mesures législa- offre également des soins médicaux et psy- Réduire la demande tives contre la traite des êtres humains ainsi chologiques aux victimes de la traite des per- Les pays plus riches qui attirent les trafi- qu’un plan d’action national. Les autorités de sonnes et leur accorde des visas temporaires, quants pourraient faire davantage, estime ce pays ont examiné en 2007 37 cas de traite des permis de travail et une aide financière. Mme Ezeilo. Tout en continuant à fournir une des personnes et prononcé 18 condamnations, “La volonté des gouvernements à faire ces- aide aux pays africains et asiatiques suscep- dont huit ont débouché sur des peines de prison ser ce type d’activité peut s’avérer payante”, tible d’atténuer leurs difficultés économiques de 10 ans ou plus. affirme-t-elle. et sociales qui contribuent à rendre leurs La Rapporteuse spéciale a mis en évi- Des programmes régionaux sont égale- populations plus vulnérables à l’égard des dence l’action du Ghana et du Nigéria dans ment lancés. La Communauté économique trafiquants, ces pays devraient s’efforcer de ce domaine. Ces pays ont passé des lois con- des Etats de l’Afrique de l’Ouest a mis sur réduire la demande chez eux. “Il n’est pas tre la traite des personnes et établi des sec- pied un programme visant à encourager tions spéciales de lutte contre ce fléau, tout en l’adoption d’une législation uniforme en voir page 21 octobre 2009 9
La sécurité aux enchères Sécurité publique déficiente pour la majorité, protection privée coûteuse pour quelques-uns Par Mary Kimani D evant le portail d’une impressionnante résidence de Runda, quartier huppé de Nairobi au Kénya, deux hommes en uniforme noir et orange montent la garde. Ils sont employés par Group 4 Security, une société de sécurité privée. A quelques pas, une voiture de patrouille est garée, moteur en marche, son système de communication radio est en liaison directe avec une centrale d’alerte en ville. Les voitures de patrouille sont postées pour s’assurer que la police réagit aussitôt qu’une alarme est déclenchée. A vingt-cinq kilomètres de là, dans le quartier pauvre de Jéricho, pas de trace Panos / Karen Robinson de vigiles en uniforme ni de voitures de patrouille. La police n’intervient qu’avec len- teur, quand elle intervient, et les vols à main armée y sont chose courante. Il n’est donc pas rare que la population s’y fasse justice elle- même et exerce fréquemment des violences Gardes privés en Ouganda: ces services de sécurité sont réservés à ceux qui en ont les moyens. contre les délinquants ou présumés tels. Ce genre de contraste n’est pas limité à Nairobi ; cette double réalité – faible protec- d’entreprises de sécurité privées semble une niale, explique à Afrique Renouveau Adedeji tion des forces de sécurité publique pour la solution viable. Mais les experts de la région Ebo, qui dirige l’équipe de réforme du secteur majorité des citoyens et sécurité privée bien recommandent la plus grande prudence. Ils de la sécurité publique au Département des meilleure et beaucoup plus coûteuse pour les font remarquer que la réglementation insuf- opérations de maintien de la paix de l’ONU. plus riches – est générale en Afrique. fisante de ce secteur risque d’aggraver la Quelques pays seulement ont réussi à trans- Assurer la sécurité du public et de ses corruption et d’encourager le détournement former leur police en institution de service biens est une des responsabilités les plus des véhicules de la police et de ses agents au public. “C’est un déficit fondamental pour fondamentales d’un État de droit digne de bénéfice de la protection exclusive de ceux l’activité de la police en Afrique, observe M. ce nom. C’est la tâche traditionnellement qui peuvent payer. Les États africains doivent Ebo, au lieu d’être associé à l’idée de sécurité, assignée aux forces de police nationales ; renforcer leur capacité de mieux assurer la l’uniforme est souvent perçu comme synonyme mais les polices africaines sont en sous-effec- sécurité publique pour tous les citoyens, affir- de peur et d’oppression, d’abus et d’extorsion.” tifs chroniques. L’ONU recommande d’avoir ment ces experts. La faiblesse de l’administration publique est un policier pour 450 citoyens, le Kénya en a un autre problème, ajoute M. Ebo. Des années un pour 1 150, la Tanzanie un pour 1 298 et Faible, crainte et corrompue 1980 au début des années 2000, des mesures le Ghana un pour 1 200. Dans un rapport de juillet 2008 sur la sécu- d’austérité budgétaire ont forcé de nombreux La plupart de ces polices nationales souf- rité privée et publique en Ouganda, Solomon gouvernements à réduire le budget consacré au frent également de budgets insuffisants et Kirunda, un chercheur de l’Institut d’études de maintien de l’ordre. Cette réduction a coïncidé manquent d’équipement. Ce sous-financement sécurité d’Afrique du Sud (Institute of Security avec une baisse de la prospérité économique se traduit également par de bas salaires, un Studies - ISS), note que “dans n’importe quel et des migrations vers les villes où la pauvreté faible moral et une corruption omniprésente, pays, des forces de police fonctionnelles sont urbaine et la surpopulation ont fait augmenter facteurs qui font tous obstacle au bon fonc- censées s’occuper principalement d’assurer la la délinquance. tionnement d’un système de sécurité publique. sécurité [et de] la prévention et la détection de Bien que la situation économique se soit Les sociétés de gardiennage privées sont la délinquance”. Pour accomplir cette tâche, la améliorée par la suite, les policiers africains de plus en plus nombreuses à s’engouffrer police a besoin de ressources et doit être poli- restent mal payés et la police a souvent des dans cette brèche. La situation des forces de tiquement impartiale. difficultés à attirer des recrues de qualité. police africaines officielles étant ce qu’elle Historiquement, les forces de police afric- Le professionnalisme est largement absent et est, la présence de plus en plus importante aines ont servi d’instrument de répression colo- l’extorsion et la corruption prospèrent. 10 Octobre 2009
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