L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio

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L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
L’AGNEAU MYSTIQUE
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Publié avec le soutien de
     Académie royale flamande de Belgique pour les Sciences et les Arts
                          Fondation Universitaire
                       Province de Flandre-Orientale
                              Ville de Gand
                            Université de Gand

                    Université Gent
   CSCT - Center for the Study of Christian Traditions
GICAS - Ghent Interdisciplinary Centre for Art and Science
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Sous la direction de Danny Praet & Maximiliaan P.J. Martens

L’AGNEAU
MYSTIQUE
                VAN EYCK

                Art, Histoire,
             Science et Religion
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
SOMMAIRE   INTRODUCTION
           De la restauration            Chapitre I
           à la réévaluation : une
           approche interdisciplinaire   HISTOIRE
           de l’Agneau mystique
           Maximiliaan P.J. Martens      (DE L’ART)
           & Danny Praet
           p. 10                         LA VILLE
                                         Gand et l’État bourguignon
                                         au xve siècle
                                         Marc Boone
                                         p. 16

                                         LES DONATEURS
                                         Un retable noble : le contexte
                                         socio-historique de l’Agneau mystique
                                         Frederik Buylaert & Erik Verroken
                                         p. 50

                                         LES CRÉATEURS
                                         La part d’Hubert Van Eyck dans
                                         la réalisation de l’Agneau mystique
                                         Maximiliaan P.J. Martens
                                         p. 116

                                         LES CRÉATEURS
                                         Jan Van Eyck et son atelier :
                                         organisation, collaborateurs, héritage
                                         Till-Holger Borchert
                                         p. 138

6
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Chapitre II                                Chapitre III                            NOTES
                                                                                   p. 338

ANALYSE ET                                 POSTÉRITÉ                               BIBLIOGRAPHIE
                                                                                   p. 354
INTERPRÉTATION                             CRIME ET MYTHE
                                           L’Agneau mystique : l ’œuvre d’art      À PROPOS
SCIENCE                                    la plus volée au monde                  DES AUTEURS
Restauration virtuelle et analyse          Karel Mortier                           p. 366
mathématique des perles présentes          p. 302
dans l’Agneau mystique                                                             COLOPHON ET
Aleksandra Pižurica, Ljiljana Platiša,     FILM                                    REMERCIEMENTS
Tijana Ružić, Bruno Cornelis, Ann Dooms,   The Silence of the Mystic Lambs :       p. 368
Maximiliaan P.J. Martens, Marc De Mey      le film, Van Eyck, Panofsky et Cauvin
& Ingrid Daubechies                        Steven Jacobs
p. 182                                     p. 320

PERCEPTION                                 PHOTO
De visione Dei : optique, théologie        La vie de l’Agneau mystique
et philosophie dans l’Agneau mystique      après la guerre
Marc De Mey                                p. 330
p. 202

VERTUS
De virtutibus Dei : la philosophie
antique et médiévale des vertus
dans l’Agneau mystique
Danny Praet
p. 240

7       Sommaire
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
LES CRÉATEURS                                                                       MAXIMILIAAN P.J. MARTENS

La part d’Hubert Van Eyck
dans la réalisation
de l’Agneau mystique

ILL. 39   Anonyme, Les trois Marie au tombeau (Rotterdam, Boijmans Van Beuningen)

116
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Malgré l’énorme réputation qui est celle d’Hubert Van      par les experts en raison du manque de preuves
                     Eyck – étant d’une part le frère aîné de Jan Van Eyck      solides, que ce soit sous forme d’une mention dans les
                     et d’autre part celui qui entama le retable de l’Agneau    archives d’époque ou ultérieures, ou sous forme d’une
                     mystique –, nous ne disposons d’aucune autre œuvre         signature. Il n’existe par conséquent aucune base
                     qui puisse lui être attribuée. Il y eut pourtant plu-      fiable autorisant à attribuer à Hubert la réalisation de
                     sieurs tentatives en ce sens, notamment l’attribution      certaines zones de l’Agneau mystique.
                     à Hubert d’œuvres ayant certaines caractéristiques              Il en va de même de la gravure reproduisant le
                     eyckiennes tout en s’écartant des œuvres de Jan. L’on      prétendu portrait d’Hubert. Proposé par Dominicus
                     peut citer ainsi les Trois vierges au tombeau (ill. 39),   Lampsonius, dans son ouvrage intitulé Pictorum ali-
                     L’Annonciation Friedsam (ill. 40) – œuvre attribuée        quot celebrium Germaniae inferioris Effigies (Portraits
                     depuis plutôt à Petrus Christus –, ou encore les iden-     d’un certain nombre de peintres célèbres, principale-
                     tifications fort contestées des mains G et H dans les      ment de basse Germanie) et publié chez Hieronymus
                     fameuses Heures de Turin-Milan (ill. 42)1. Aucune de       Cock à Anvers en 1572, ce « portrait » fait lui aussi
                     ces attributions n’a jamais été unanimement acceptée       l’objet d’une attribution fort douteuse (ill. 43).

            Petrus Christus,
      ILL. 40
      L’Annonciation (New York,
      Metropolitan Museum of Art)

117     Les créateurs
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
ILL. 41 L’Agneau mystique, Détail du
panneau des Juges intègres (portraits
supposés de Jan et Hubert Van Eyck),
copie de Jef Van der Veken

     118
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Il reproduit, comme on le sait, la tête d’un des per-
                  sonnages figurant sur le panneau des Juges intègres
                  (ill. 41), le fameux panneau volé en 1934 et que l’on
                  connaît maintenant avant tout à travers la copie
                  qu’en fit Jef Van der Veken. Le choix du portrait chez
                  Lampsonius s’appuie en fait sur une légende locale
                  qui n’a probablement surgi qu’au xvie siècle, et selon
                  laquelle les frères Van Eyck auraient intégré dans
                  l’Agneau mystique leurs propres portraits. Ainsi, Marc
                  Van Vaernewijck mentionne dans son Historie de
                  Belgis (1568) :
                         « … Jan van Eyck, den jongsten dezer gebroeders,
                  maer den grootsten meester, is in dit stuk verbeeld,
                  te peêrd rydende, met eenen rooden paternoster op
                  een zwart kleed, en Hubert zit insgelyks op een peêrd,
                  aen de regte hand van zynen broeder, als den oudsten
                  wezende... » (« … Jan Van Ecyk, le cadet de ces deux              Jan Van Eyck, Naissance de saint
                                                                              ILL. 42
                                                                              Jean-Baptiste (Turin, Museo Civico, ms.
                  frères, mais le plus grand en peinture, est représenté
                                                                              XXX, fol. 93v.)
                  dans ce tableau en cavalier, portant un chapelet rouge
                  sur un habit noir. Hubert y figure également en cava-
                  lier, à droite de son frère, le plus âgé des deux… »)2.
                         Dans son livre intitulé Van die beroerlicke tijden
                  in die Nederlanden en voornamelick in Ghendt
                  [À propos des temps agités dans les Pays Bas et
                  notamment à Gand] (1566-1568), le même auteur
                  ajoute :
                         « … In deen duere, ter rechter handt, commen
                  ghereden te peerde ghewapende mannen, met haer
                  standaerden ende balsanen, wonderlic gheaccoutreert,
                  ende die peerden rijckelic ghebardert, al zeer verscric-
                  kelic van consten: hier heeft den meester ghenaemt
                  Johannes Van Eijck hem zelven gheconterfeijt,
                  rijdende up de slijncke zijde van Hubertus zijn broe-
                  dere, die dit weerck eerst beghonnen hadde, ende was
                  een schoon jonckman, raet vanden auden hertoghe
                  Phelips; maer Hubertus was audt ende vet… »
                  (« … Le premier panneau, à droite, montre des cava-
                  liers armés portant étendards et fanions, merveilleuse-
                  ment vêtus, montant des chevaux richement décorés,
                  le tout témoignant d’un art fabuleux : ici le maître Jan
                  Van Eyck s’est autoportraituré, chevauchant à gauche
                  de son frère Hubert lequel avait amorcé la réalisa-
                  tion de ce tableau. Jan était un beau jeune homme,
                  conseiller du vieux duc Philippe. Hubert par contre         ILL. 43 Portrait d’Hubert Van Eyck dans
                  était vieux et gras … »)3.                                  Dominicus Lampsonius, Pictorum aliquot
                                                                              celebrium Germaniae inferioris Effigies
                                                                              (Anvers : Hieronymus Cock, 1572)

119   Les créateurs
L'AGNEAU MYSTIQUE - UGent Biblio
Aucune œuvre ni aucun autre document
iconographique nous éclairant un tant soit peu sur la
figure d’Hubert Van Eyck ne nous sont donc connus.
Par contre, les sources écrites nous fournissent des
informations importantes.
      Tout d’abord, il y a bien sûr le fameux quatrain
inscrit sur l’extérieur des panneaux latéraux du
tableau, sur les derniers bâtons du cadre (ill. 44). Ce
quatrain est en hexamètres dactyliques avec des
rimes léonines, soit des vers à six pieds et dotés de
rimes internes. Ci-dessous, nous transcrivons les vers
en latin en utilisant des majuscules pour marquer les
lettres originellement peintes en rouge à la dernière         ILL. 44L’Agneau mystique, Détail: Texte
ligne. Comme nous le verrons, ces lettres latines ont         du cadre avec quatrain
aussi une valeur numérique.

     Pictor Hubertus e Eyck . maior quo nemo
     repertus
     Incepit . pondus . q[ue] Johannes arte secundus
     [Frater] perfecit. Judoci Vijd prece fretus
     VersU seXta MaI . Vos CoLLoCat aCta tUerI

La traduction la plus vraisemblable de ce quatrain
donne ceci :

     « Le peintre Hubert van Eyck, qui n’eut jamais
     d’égal, entama cette œuvre. Et son frère Jan, le
     deuxième en art, compléta cette tâche difficile à
     la demande de Josse Vijd.
     Avec ce verset, il vous invite à voir ce qui a été
     accompli le 6 mai (1432) »4

      À la dernière ligne se cache, dans un chrono-
gramme marqué par la couleur rouge de ses lettres,            ILL. 45APage de titre d’Émile Renders,
l’année 1432. Les lettres doivent être interprétées           Hubert van Eyck : personnage de légende,
                                                              1933
séparément en tant que chiffres romains et leurs
valeurs respectives doivent être additionnées. Comme
on le sait, I correspond à 1 et X à 10. M est la désigna-
tion romaine pour 1000, C pour 100, et L pour 50. Dans
l’alphabet latin, aucune distinction n’est faite entre V
et U : les deux renvoient donc à 5. En additionnant les
valeurs de toutes ces lettres, on obtient l’année 1432.
      Cette inscription nous fournit également un
certain nombre d’autres informations que voici :

     1. C’est Hubert Van Eyck qui a commencé le
     tableau
     2. C’est son frère plus jeune, Jan, qui l’a terminé
     3. C’est Judocus (Josse) Vijd qui lui a demandé
     de le terminer
     4. L’œuvre « a été accomplie » le 6 mai 1432.

     Cette inscription fit l’objet de discussions intenses.
Son authenticité, la fiabilité de ses données ainsi que
son interprétation, tout fut longuement débattu5.

     120
Émile Renders déclara notamment en 1933 que                Dans ce qui suit, je propose un bref aperçu de
                  le quatrain était une falsification gantoise datant des     l’argumentation développée par Renders. Celle-ci est
                  années 1616-1621. (ill. 45A et 45B) Il affirma que la       tout d’abord de nature matérielle. Lorsque, en mai
                  première mention du quatrain (dans ce qu’on appelle         1940, les panneaux furent transportés à Pau, dans les
                  communément le manuscrit de Van Huerne) datait              Pyrénées, leurs cadres restèrent à Gand et furent alors
                  de cette époque, et qu’il devait donc avoir été créé        examinés à l’Institut supérieur d’Histoire de l’Art et
                  à ce moment-là6. Il aurait été rédigé par des rhétori-      d’Archéologie de l’Université de Gand. C’est le profes-
                  queurs gantois jaloux de l’aura dont bénéficiait la ville   seur Jozef Duverger qui s’acquitta de cette tâche. Le
                  voisine de Bruges, considérée comme le berceau de           quatrain fut soumis à des analyses à l’aide de fluores-
                  la peinture flamande. Avec l’« invention » d’Hubert,        cence ultraviolette et de photographie infrarouge. L’on
                  ils auraient donc fabriqué leur propre grand maître –       prit aussi des échantillons des cadres, lesquels furent
                  dont la réputation dépassait même celle de son frère        examinés à l’aide d’un microscope binoculaire. Les
                  Jan. Renders donna à son livre le titre controversé :       résultats de ces travaux furent publiés en appendice
                  Hubert van Eyck, personnage de légende. Depuis lors,        à une publication de Duverger et Bontinck de 1945.
                  son raisonnement a beau avoir été méticuleusement           Bontinck et Duverger conclurent à l’authenticité du
                  réfuté7, il continue malgré tout à se répercuter réguliè-   quatrain9.
                  rement, par exemple dans le livre de Volker Herzner
                  paru en 19958.

                         Émile Renders
                  ILL. 45B
                  (photographe et année inconnus)

121   Les créateurs
Dans le rapport relatif à la campagne de restau-                                                                           Pierre tombale
                                                                                                                           ILL. 46

ration de 1950-51, L’Agneau Mystique au Laboratoire                                                                        d’Hubert Van Eyck (Gand,
                                                                                                                           Abbaye Sint-Bavon)
– rapport bien connu, paru en 1953 –, Paul Coremans
écrit : « … Nous sommes obligés de marquer un doute
quant à l’originalité du quatrain dont la non-originalité
n’a cependant pas été prouvée de façon certaine … »10.
      Au cours de la première phase de la campagne
de restauration actuelle, on a finalement pu démontrer
l’authenticité effective du quatrain : il forme une unité
matérielle avec la polychromie originelle du cadre11.
      Les arguments paléographiques peuvent être
résumés comme suit : la police (littera formata)
correspond à un type fréquemment utilisé dans des
manuscrits enluminés au xve siècle. L’on peut ainsi
noter des similitudes avec la police utilisée dans
le tableau pour les inscriptions figurant à côté des
prophètes et des sibylles, sur les ailes extérieures.
Les chronogrammes se font plus fréquents dans
la seconde moitié du xve siècle, mais apparaissent
déjà dans la période qui précède, même chez Jan
Van Eyck : le portrait de Jan de Leeuw, par exemple,
en propose deux. (ill. 47) Puis divers documents
d’archives en contiennent également12. En raison de
la lisibilité restreinte de certaines parties et surtout de
la disparition du premier mot figurant à la troisième
ligne, un éventail d’interprétations différentes virent le
jour. Cependant, aucune d’entre elles ne prouva que le
texte constituait un faux.
      D’autres arguments critiques furent développés          ne débouche en fin de compte sur aucun apport subs-
par les linguistes. Ceux-ci s’intéressèrent principa-         tantiel, comme l’avait déjà observé Tourneur en 1942.
lement à la qualité du verset (rappelons-le, ce sont                 La production littéraire gantoise de la première
des hexamètres dactyliques à rimes léonines) et               moitié du xve siècle, à laquelle semble appartenir l’épi-
avancèrent que les vers n’étaient pas classiques et peu       taphe d’Hubert ainsi que d’autres épitaphes, témoigne
conformes aux règles du point de vue métrique. Cette          d’un intellectualisme recherché, d’une recherche de
argumentation mena à l’affirmation selon laquelle il          rimes, de rythmes et d’allitérations, soit des imperfec-
était exclu que l’auteur des vers pût appartenir aux          tions naïves sous forme versifiée. Le quatrain reflète
cercles humanistes. Plus tard, le linguiste Victor            parfaitement ces caractéristiques stylistiques15.
Tourneur (1942) – ainsi que d’autres – fit cependant                 Qu’en est-il des éléments historiques ? L’esprit
remarquer l’absence de fondements permettant l’uti-           du quatrain est en tout cas en parfait accord avec la
lisation de la langue et des métriques pour avancer           mentalité qui sous-tend les donations à cette époque :
une datation : la présence d’erreurs est une donnée           y prévaut un souci prononcé pour la conservation et
permanente à ne pas prendre en compte pour réfuter            pour la pérennité de la donation (« ... Celui-ci vous
l’authenticité d’un texte13.                                  demande ... de prendre soin de ce qui a été accom-
      Ce type de discussion scientifique se prolonge          pli ... »)16. Les informations vérifiables que contient le
jusqu’à notre époque, comme en témoigne la récente            quatrain sont toutes correctes, à savoir le nom de la
discussion entre Hugo van der Velden et Volker                personne qui commanda le tableau et le rôle de Jan
Herzner. Celle-ci fut menée dans la revue spécialisée         Van Eyck dans le projet. De plus, la date du chrono-
Simiolus (2011-2013/14) et lors d’un débat public à           gramme correspond à celle où fut baptisé Josse, le fils
l’occasion de l’exposition et du symposium organi-            aîné de Philippe le Bon, évènement qui eut lieu dans
sés à Berlin, auquel participa également Christina            la même église que celle où fut inauguré le retable17.
Meckelnborg, une spécialiste allemande de poésie et           Les doutes émis quant à l’authenticité du quatrain
de phraséologie latines14. Ces échanges se focali-            eurent pour unique point de départ la mention en son
saient principalement sur la métrique et le degré de          sein d’Hubert Van Eyck. Les autres informations figu-
correction métrique des vers en question, soit une            rant également dans le verset ne firent, elles, jamais
discussion quelque peu stérile à mon avis, puisqu’elle        l’objet de discussions.

     122
ILL. 47 Jan Van Eyck,
Portrait de Jan de Leeuw
(Vienne, Kunsthistorisches
Museum)

          123      Les créateurs
Bien évidemment, l’information selon laquelle          d’Hubert. Cette donnée suggère ainsi une réattribu-
Hubert Van Eyck aurait joué un rôle important dans           tion de la commande en bonne et due forme.
l’élaboration du retable de l’Agneau mystique s’est                 Quant à Antonio De Beatis, il écrit en 1517 :
toujours avérée, et s’avère encore, difficile à vérifier.    « ... facte da un maestro de la Magna Alta decto
On lui doit, paraît-il, le commencement du tableau ;         Roberto gia cento anni22… » Ce qui peut se traduire par :
mais comment concilier cette donnée avec ce que              « … réalisé par un maître de la Haute-Allemagne appelé
l’on voyait à l’époque ou ce que l’on voit aujourd’hui ?     Roberto [sic] depuis déjà cent ans. » « Roberto » semble
Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’Hubert n’est pas        être ici une erreur d’audition et/ou de transcription
un « personnage de légende » comme le pensait                typique pour Hubert, mais « Magna Alta » ne peut
Renders ; il a bel et bien existé. L’affirmation selon       en aucune façon renvoyer à la région du bassin de la
laquelle Hubert était le plus grand en art et Jan son        Meuse, comme on le suggère généralement. Ce nom
second fut contextualisée de manière convaincante            doit plutôt se rapporter à la Haute-Allemagne, c’est-à-
par Elisabeth Dhanens : elle traduit une perception          dire à la région germanophone située à l’est et au sud
des choses qui est en phase avec la mentalité de 1432.       de Cologne23. Il est curieux que Beatis, qui connaissait
À l’époque, celui qui écrivait ne pouvait porter sur         pourtant bien la différence entre la Haute et la Basse-
le monde le même regard ni bénéficier de la même             Allemagne, comme en témoignent d’autres passages
perspective que par la suite, et certainement pas de la      de son récit de voyage, situe dans cette région le pays
perspective dont nous bénéficions à notre époque18.          natal de l’artiste.
Jan réalisa en effet d’autres œuvres importantes après              Ce qu’il note en plus nous intéresse au plus
avoir achevé l’Agneau mystique, et sa renommée               haut degré : « … Et la historia de dicta tavola e de la
légendaire en tant qu’inventeur de la peinture à l’huile     Ascensione de la Madonna, quale non havendola
devait encore naître, puisqu’elle remonte à une idée         decto maestro possuto finire, perche se morse, fu
fausse de Vasari19. Le quatrain, en revanche, fait valoir    complita dal fratello, quale anche era gran pictore … »,
le respect pour le défunt et déclare que Jan, « arte se-     ce qui donne en traduction : « et la peinture repré-
cundus », donc au-dessus de ses contemporains, mena          sente l’Assomption de la Vierge – d’après moi une
à bien la lourde tâche. Au xvie siècle ou plus tard, il      référence au registre supérieur – mais le maître cité
n’aurait plus du tout été possible d’affirmer qu’Hubert      ne put la terminer vu qu’il décéda avant ; elle fut donc
était le plus grand : son souvenir s’était déjà estompé      achevée par son frère qui était également un grand
et la gloire de Jan s’était imposée.                         peintre. »Nous sommes ici en présence de deux
      Le principal argument permettant d’établir la          sources totalement indépendantes que ne pouvaient
fiabilité du quatrain et des informations qu’il contient,    pas connaître les personnes évoluant dans l’entourage
c’est à mon avis sa mention dans des sources nette-          de Van Vaernewijck (xvie siècle) ou des prétendus
ment antérieures à la falsification supposée au xviie        faussaires du xviie siècle. L’indépendance des sources
ou à la seconde moitié du xvie siècle, notamment             l’une vis-à-vis de l’autre, et l’affirmation mutuelle de
chez l’humaniste nurembourgeois Münzer en 1495 et            leur contenu signifient, selon les règles de base de la
chez Antonio de Beatis, le secrétaire du cardinal Luigi      critique historique, qu’elles remontent à une source
d’Aragona en 1517.                                           primaire commune (en l’occurrence la transmission
      Dans sa description, Hiëronymus Münzer (1495)          locale), et constituent par conséquent des arguments
fait référence à deux reprises à un maître peintre (au       très forts pour la fidélité des données.
singulier), mais on ne peut établir avec certitude s’il             En guise de conclusion provisoire pour ce qui
s’agit deux fois de la même personne20. Il mentionne         touche au quatrain, nous pouvons affirmer que son
d’une part un paiement supplémentaire effectué               authenticité a finalement été démontrée. Cela ne
au profit du maître peintre, après que celui-ci eut          signifie pas pour autant que sa réalisation doive être
complété l’œuvre. Il utilise ici le mot « perfecit »         attribuée à Jan Van Eyck même, mais qu’elle eut lieu
– non pas « complevit » ou « fecit », mais « perfecit » –,   simultanément avec la polychromie originelle des
soit exactement le même mot que celui figurant à la          cadres aux côtés extérieurs du retable. Elle ne peut par
troisième ligne du quatrain. Il déclare d’autre part que     conséquent se situer plus tard que la phase de finition
le maître peintre est enterré devant l’autel. Il ne peut     de l’œuvre.
ici s’agir de Jan, qui fut inhumé à Bruges21. Münzer                Les arguments paléographiques, linguistiques,
fournit ainsi même des données qui ne sont pas               littéraires et historiques confirment donc qu’il n’existe
mentionnées dans le quatrain : le paiement supplé-           que peu ou même pas d’arguments contestant
mentaire ou paiement supérieur au prix initialement          l’originalité du quatrain. Les données vérifiables
convenu (ultra pactum) de 600 couronnes (un mon-             semblent historiquement exactes et sont attestées par
tant très élevé) semble indiquer qu’une révision du          des sources indépendantes et même plus ou moins
contrat eut lieu avec Jan, probablement après la mort        contemporaines du retable.

    124
Mais que savons-nous d’autre sur Hubert Van              lequel fait état, en 1847, d’un document qui lui fut
                  Eyck ? En 2013, le regretté historien gantois Daniël           signalé par l’architecte-collectionneur gantois Jacques
                  Lievois proposa un nouvel aperçu des sources                   Goetghebuer (1789-1866) :
                  d’archives connues dans la littérature, en proposant                  …Mr Goetghebuer m’a communiqué un petit
                  dans sa publication des images de tous les documents           extrait du registre de la confrérie de Notre-Dame …
                  concernés24.                                                   Le voici : Sente Bamesse anno xiiijc en xxij (1422),
                        Les comptes de la ville couvrant la période              was Hubrecht Van Eyke, Guldebroeder van het Onser
                  1424-1425 mentionnent un paiement effectué au                  Vrouwe Gulden up den rade van den chore van Sint
                  bénéfice d’un certain « maître Luberecht » pour deux           Jans te Ghend. (À la Saint-Bavon (1er octobre) de l’an
                  dessins préparatoires à un tableau qu’il réalisa à la de-      xiiijc et xxij (1422), Hubert van Eyck, membre de la
                  mande du conseil communal de Gand25. Les archives              confrèrie de Notre Dame aux Rayons, au conseil de la
                  nous apprennent en outre que les représentants du              Choeur de Saint-Jean à Gand)30.
                  magistrat de la ville donnèrent des pourboires aux                    J’ai reçu de M. Goetghebuer les notes suivantes
                  apprentis (« enfants ») de « maître Ubrecht » lors de          sur la famille des Van Eyck. … Il existe une confrérie de
                  leur visite à son atelier26.                                   Notre Dame aux Rayons … dans l’église paroissiale de
                        Les Registres des échevins des parchons contien-         Saint-Jean à Gand, … où elle avait sa chapelle derrière
                  nent, à la date du 9 mars 1426, le testament de Robert         le maître-autel. Sont inscrits comme confrères :
                  Poortier et de son épouse Avezoete. On y lit leurs                    … Meester Hubrech Van Hyke, y est inscrit sous la
                  dernières volontés concernant leur inhumation au               date de 1412 et en 1418 sa sœur Mergriete van Hyke… »
                  sein de l’église du Saint-Sauveur à Gand (l’église pa-                Lievois ne distilla pas de ces mentions toutes les
                  roissiale située à côté de l’église abbatiale de l’abbaye      informations pertinentes sur le plan de l’histoire de
                  Saint-Bavon)27. Ils avaient obtenu de pouvoir être             l’art. Elles nous apprennent par exemple qu’Hubert
                  inhumés dans la chapelle Notre-Dame de cette église            s’était selon toute probabilité installé à Gand avant
                  et y firent ériger au-dessus de l’autel une « image » de       1412 et qu’il avait ainsi pu construire sa renommée
                  saint Antoine : « … l’image de saint Antoine, laquelle         locale ultérieure durant au moins quatorze ans. Sa
                  image est actuellement entre les mains de maître               sœur, Marguerite, résidait à Gand depuis au moins
                  Hubert le peintre, avec plusieurs autres œuvres desti-         1418. De plus, Hubert était membre d’une confrérie
                  nées au même autel. » Le terme « image » ne renvoie            liée à l’église Saint-Jean, l’église où il allait être enterré
                  pas nécessairement à une sculpture, mais peut tout             plus tard.
                  aussi bien désigner une peinture ; la mention de                      La pierre tombale d’Hubert Van Eyck fut conser-
                  « plusieurs autres œuvres destinées au même autel »            vée et se trouve actuellement à Gand, à l’abbaye
                  semble plutôt suggérer des œuvres peintes.                     Saint-Bavon. (ill. 46) Le texte de cette pierre tombale
                        Entre le 15 août 1426 et le 14 août 1427, le trésorier   était inscrit sur une plaque de bronze qui s’est proba-
                  de la ville de Gand mentionne avoir reçu le paie-              blement perdue lors des révoltes iconoclastes (1578).
                  ment du « droit d’issue » (c’est-à-dire une taxe sur           Heureusement, en 1568, Marcus Van Vaernewijck l’a
                  l’héritage), de la part des ayants droit à la succession       transcrit « lettre à lettre », selon ses propres mots :
                  de « Lubrecht van Heyke »28.
                        Dans ces quatre documents, le nom d’Hubert                    ‘Spieghelt U an my die op my treden
                  est chaque fois orthographié différemment, ce qui                   Ick was als ghy, nu bem beneden
                  n’est pas inhabituel car il n’existait pas d’orthographe            Begraven doot, alst is anschyne
                  normalisée à cette époque. Malheureusement, le                      My ne halp raet, const, noch medicine,
                  nom de famille ne figure que dans un seul des quatre                Const eer, wijsheyt, macht, rijcheyt groot
                  documents, ce qui nous prive de la certitude absolue                Is onghespaert, als comt die doot.
                  qu’il s’agit du même « Pictor Hubertus e Eyck, maior                Hubrecht van Eyck was ick ghenant
                  quo nemo repertus » (= le peintre Hubert Van Eyck,                  Nu spyse der wormen, voormaels bekant
                  qu’aucun autre n’égala), comme on peut le lire dans                 In schilderye zeer hooghe gheeert:
                  le fameux quatrain de l’Agneau mystique. Cependant,                 Cort na was yet, in nieute verkeert.
                  l’argument le plus probant en faveur de cette identité              Int iaer des Heeren des sijt ghewes
                  est qu’il s’agit bien d’un peintre, dont le prénom                  Duysent vierhondert twintich en zes,
                  « Lubrecht » ou « Hubert » était alors très rare à Gand.            Inde maent September achtien daghen viel,
                        Lievois rappela aussi une autre mention présente              Dat ick met pynen God gaf mijn ziel.
                  dans les archives, mais tombée dans l’oubli et n’ap-                Bidt God voor my die Const minnen,
                  paraissant donc pas dans la littérature spécialisée29.              Dat ick zijn aensicht moet ghewinnen
                  Il s’agit d’une mention émanant du chanoine et his-                 En vliedt zonde, keert U ten besten
                  torien amateur brugeois Charles Carton (1802-1864),                 Want ghy my volghen moet ten lesten’31.

125   Les créateurs
« Vous qui mettez sur moi les pieds, prenez exemple                Quoi qu’il en soit, l’emplacement de la tombe ou
sur moi,/ j’étais comme vous, maintenant je suis en          de la pierre commémorative au sein de la chapelle
bas/ mort et enterré, comme vous le voyez./ Ni les           Vijd est synonyme d’un lien très étroit entre la famille
conseils, ni l’art, ni la médecine ne m’ont aidé,/ l’art,    Vijd et Hubert Van Eyck. La pierre ne quitta la cha-
l’honneur, la sagesse, le pouvoir, la grande richesse,       pelle Vijd qu’au xviiie siècle pour servir de matériau
tout cela n’a plus de valeur lorsque arrive la mort./        de construction au portail nord de l’église35. Là, elle fut
J’avais pour nom Hubert Van Eyck, / moi qui nourris          redécouverte en 1892 lors de travaux de restauration,
maintenant les vers, j’étais connu auparavant,/ et           et transférée au Musée lapidaire situé dans les ruines
très fortement apprécié pour ma peinture :/ peu              de l’abbaye Saint-Bavon, où elle est toujours conservée
après, tout cela fut réduit à néant./ C’était en l’année     à ce jour. Le conseil de fabrique de l’église cathédrale
du Seigneur mil quatre cent vingt-six,/ au mois de           tente d’obtenir le retour de la pierre tombale à l’église
Septembre, le dix-huitième jour,/ que j’ai rendu à Dieu      d’ici 2020.
mon âme./ Priez Dieu pour moi, vous qui aimez l’art,               Toutes les sources écrites dont nous disposons
/ que je puisse mériter de le voir./ et fuyez le péché,      indiquent donc qu’Hubert Van Eyck fut un peintre
tournez-vous vers le bien/ car en fin de compte, il vous     gantois de premier ordre en ce premier quart du
faudra bien me suivre. »                                     xve siècle. Le quatrain, désormais revêtu d’authenti-
      Cette épitaphe nous apprend la date exacte du          cité – sans contredit –, attribue à Hubert Van Eyck la
décès d’Hubert : le 18 septembre 1426. Cela corres-          mise en œuvre première de l’Agneau mystique. Le
pond effectivement au droit d’issue payé dans l’année        témoignage des sources écrites certifie donc de façon
comptable commençant le 15 août 1426. Au cours de            indiscutable la part d’Hubert dans l’élaboration du
sa vie, Hubert fut un peintre bénéficiant d’une haute        retable.
estime : « … j’étais connu auparavant,/ et très forte-             Depuis la découverte du quatrain en 1823, le
ment apprécié pour ma peinture … »                           monde des historiens de l’art s’enflamme régulière-
      Le texte fournit en outre des informations rela-       ment quant aux parts respectives d’Hubert et de Jan
tives à l’emplacement initial de cette pierre tombale.       dans la réalisation de l’Agneau mystique, une discus-
L’humaniste nurembourgeois Münzer écrit en 1495 :            sion connue comme celle du problème de la distinc-
« … sepultus est autem magister tabelle ante altare …»       tion des mains. Jamais on ne parvint à un consensus
(« le maître qui a peint le tableau est toutefois enterré    à ce sujet. Et même à notre époque, à l’heure où les
devant l’autel »). Lucas de Heere, dans son ode écrite       moyens technologiques les plus récents nous offrent
en 1559, affirme : « … hi leit hier begraven … » (« … il     une vision à l’échelle microscopique et en dehors du
est enterré ici »)32. Mais nous n’apprenons pas où           spectre visuel, et nous permettent d’analyser la pein-
exactement se trouvait cette tombe ; cela pouvait être       ture à la fois au niveau élémentaire et moléculaire,
n’importe où dans l’église. Enfin, l’épitaphe elle-même      nous ne sommes pas en mesure de trouver la main
nous permet de déduire que la pierre était incrustée         d’Hubert.
dans le sol (comme c’était d’ailleurs la coutume) :                Un certain nombre de réserves s’imposent ici.
« … Spieghelt U an my die op my treden … (Vous               Avant l’introduction dans les études de l’histoire de
qui mettez sur moi les pieds, prenez exemple sur             l’art d’outils issus des sciences naturelles, ce qui se
moi). »Selon Van der Velden, il était difficile de s’ima-    fit peu de temps après la Seconde Guerre mondiale,
giner qu’Hubert ait été enterré dans la chapelle Vijd,       les spécialistes disposaient seulement, et dans le
pour la simple raison que, sous cette chapelle, se situe     meilleur des cas, de photographies en noir et blanc
la voûte de la chapelle sous-jacente située dans la          de qualité variable. En outre, il convient de noter que
crypte33. Il est en effet plus probable que la pierre com-   certaines prises de vue allemandes datant de la fin
mémorative se soit trouvée incrustée dans le sol de la       du xixe siècle étaient d’une qualité remarquable pour
chapelle Vijd, alors que le corps aurait pu être enterré     l’époque. Quoi qu’il en soit, le matériel d’étude dont
physiquement au cimetière de l’église Saint-Jean.            disposaient jadis les historiens de l’art était particu-
      La tombe située à cet endroit fut sans doute           lièrement limité. Dans de nombreux cas, il dépassait
ouverte lors de travaux de transformation. Van               à peine un ensemble de notes prises sur place dans
Vaernewijck nous donne en effet à lire que « … syn           des conditions d’éclairage douteuses. Celles-ci vinrent
armpype langhe ghehangen heeft in een yser besloten          s’ajouter à la mémoire visuelle parfois phénoménale
op tkerkhof … » (« l’os de son bras fut longtemps sus-       à laquelle pouvaient se fier des connaisseurs comme
pendu dans une châsse en fer au cimetière »)34.              Friedländer.
      En d’autres termes, le bras avec lequel Hubert               Il est historiographiquement intéressant de noter
avait peint était encore, plus de cent ans après sa          que certains commentateurs se laissèrent guider
mort, une relique et un objet de dévotion populaire          par des paradigmes philosophiques. Ce fut le cas
au cimetière.                                                notamment du professeur viennois Max Dvořák, dont

    126
la pensée téléologique hégélienne nous apparaît                     « … Notons cependant que nous avons scruté
                  maintenant pour le moins « remarquable », et en tout          la peinture, en surface et en profondeur, pour y
                  cas non pertinente. Dvořák déclara par exemple dans           découvrir la main d’un second grand maître, mais
                  sa monographie de 1904 qu’Hubert Van Eyck fut le              en vain. S’il y eut apport d’Hubert, où le retrouver ?
                  dernier représentant du Moyen Âge, alors qu’en son            Serait-ce uniquement dans le dessin et dans le sous-
                  frère Jan se révélait l’esprit des Temps modernes36. Il       peint ? Quoi qu’il en soit, nous ne désirons pas nous
                  est parti de l’idée erronée selon laquelle le naturalisme     avancer plus loin, avant d’avoir examiné la plupart des
                  serait, dans l’évolution formelle, une phase supérieure       tableaux attribués à (aux) van Eyck…42 »
                  faisant suite à une approche formelle linéaire plus                 Le mystère demeura entier aussi lorsque mon an-
                  ancienne, propre à la fin du Moyen Âge. C’est la raison       cien collègue aux Pays-Bas, Dolf van Asperen de Boer,
                  pour laquelle il pensait qu’Hubert devait avoir réalisé       publia en 1979 ses réflexions auprès de la première
                  les personnages figurant au premier plan sur le grand         étude de réflectographie à l’infrarouge, une technique
                  panneau central du registre inférieur et sur les trois        qu’il avait développée dix ans plus tôt et qui permet-
                  panneaux centraux du registre supérieur, alors qu’il          tait de révéler, grâce aux rayons infrarouges, le dessin
                  attribuait à Jan l’arrière-plan du panneau central, les       sous-jacent aux couches de peinture43. Il lui fut toute-
                  panneaux latéraux des registres inférieur et supérieur        fois impossible de distinguer plus d’une seule main
                  ainsi que les panneaux extérieurs. À l’exception de           – à l’exception de quelques zones moins importantes
                  certains détails, cette vision sur le partage des mains       qu’il attribua à des membres de l’atelier. Van Asperen
                  trouva bon nombre de partisans.                               de Boer n’y vit qu’une explication : les deux artistes
                        Dans son ouvrage de référence Altniederlän-             devaient dessiner en adoptant exactement le même
                  dische Malerei, Max Friedländer, le plus grand                style. Ce n’était évidemment pas une solution convain-
                  connaisseur des primitifs flamands, publia en 1924            cante. Que des artistes appartenant à un seul et même
                  un tome sur Van Eyck. Il y distingue différentes              atelier recherchent une sorte de style uniforme est
                  mains. Dans le groupe hiératique de la déisis, il vit le      plausible, mais qu’il soit impossible de distinguer
                  travail d’Hubert, alors qu’il attribuait à Jan les figures    différentes mains, c’est difficilement recevable. Il
                  d’Adam et Ève ainsi que les panneaux extérieurs37. Il         suffit de penser aux nombreuses mains similaires
                  conclut toutefois qu’une stricte séparation des mains         des collaborateurs de Rubens ou de Rembrandt. Elles
                  relevait d’une tâche qu’il lui fut impossible de mener        se ressemblent, donnent lieu à des désaccords entre
                  à bien. Une dissertation doctorale récente portant            les connaisseurs, mais il y a toujours des différences
                  sur Friedländer révèle que, dans sa correspondance            notables.
                  ultérieure, il était plutôt enclin à suivre le point de vue         Dans son livre de 1995, Herzner revint à une vi-
                  de Renders et donc à réduire plus ou moins à néant le         sion plus simple des choses44. Il renoua avec Renders
                  rôle d’Hubert38.                                              et voua Hubert au royaume des fables en s’appuyant
                        Quant à Erwin Panofsky, professeur allemand             sur le fait que Van Asperen de Boer n’avait pu distin-
                  à l’Université de Princeton, il déclara dans son Early        guer des mains différentes, sans avancer aucun nouvel
                  Netherlandish Painting, publié en 1953, que le retable        argument. Cette approche reflète une surdité absolue
                  gantois présentait un certain nombre d’incongruités           à l’évidence des sources écrites telle que démontrée
                  iconographiques et formelles dues au fait qu’il était         par Duverger et Dhanens, et d’un entêtement peu
                  le résultat d’un amalgame. L’Agneau mystique aurait           raisonnable.
                  ainsi été composé et complété par Jan – à la demande                On observe entre-temps chez les confrères une
                  de Vijd – à partir d’œuvres inachevées présentes dans         conscience croissante de ce que le problème est
                  l’atelier d’Hubert39.                                         bien plus complexe qu’il n’y paraît. Les nombreuses
                        Cette dernière hypothèse connut une large               recherches portant sur les ateliers et leurs pratiques
                  adhésion durant des décennies, mais elle semble inva-         qui furent menées au cours des dernières décennies
                  lidée par la recherche dendrochronologique récente.           montrent que la plupart des artistes s’entouraient de
                  Celle-ci montre en effet que certaines planches du            collaborateurs et qu’ils s’efforçaient de parvenir à une
                  registre supérieur et inférieur proviennent du même           répartition rationnelle du travail45. Les documents
                  arbre40, ce qui suggère que les planches destinées            d’archives nous apprennent qu’aussi bien Hubert que
                  aux différentes parties du polyptyque furent livrées à        Jan avaient des « enfants », c’est-à-dire des apprentis
                  l’artiste en une seule livraison. (ill. 48)                   ou des collaborateurs46. Donc, dans le cas théorique le
                        En 1950-1951, à la publication du rapport de            plus complexe, il nous faut distinguer non pas deux
                  Coremans41 relatif à la restauration du retable, les          mains, mais les différentes mains de deux ateliers.
                  attentes étaient très élevées. Son point de vue sur le              Depuis le début de la campagne de restauration
                  problème de la séparation des mains était cependant           en cours, le problème est ainsi entré dans une sorte
                  très décevant :                                               de « next level » ou « niveau suivant » de complexité.

127   Les créateurs
Nous savons maintenant en effet que des zones très               La question qu’il importe donc de se poser est
significatives furent complètement repeintes au cours      celle-ci : de combien de temps Hubert a-t-il disposé ?
de plusieurs campagnes depuis le xvie siècle47. Les        Il est possible qu’il ait passé l’année comptable 1424-
images en très haute résolution réalisées juste avant,     1425 à élaborer des projets, avant de décéder environ
durant et après la restauration, et consultables sur le    un an plus tard, le 18 septembre 1426. A-t-il pu enta-
site « Closer to Van Eyck »48, offrent des documents       mer l’exécution matérielle de ses projets après leur
visuels d’un niveau de qualité jamais atteint. Force est   approbation ? Ou sa part dans l’élaboration physique
toutefois d’admettre que ce matériel ne nous conduit       du tableau s’est-elle limitée à graver quelques traits
pas davantage vers une mise en avant formelle des          dans le panneau central, comme celles indiquant les
mains différentes. Il en va de même, comme il a déjà       poutres et les contours de la fontaine51 ? L’analyse
été dit, pour toutes les autres modalités hors spectre     en cours du panneau central fournira certainement
visible, ayant des longueurs d’onde variables, que ce      plus d’informations à ce sujet. Ce qui est certain, c’est
soit la microscopie 3D haute résolution, une batterie      que les termes délimités par la récente recherche
de méthodes d’analyse sophistiquées, et jusqu’aux          dendrochronologique ne sont pas incompatibles avec
récents balayages de fluorescence aux rayons X (MA-        un scénario où l’ensemble des panneaux auraient été
XRF), permettant de visualiser la distribution spatiale    livrés à l’atelier d’Hubert.
de chaque élément chimique49.                                    Le minutieux examen microscopique des volets
      Avons-nous dès lors affaire à un « faux pro-         extérieurs, au cours de la première phase de la
blème », une « question mal posée » ? Impliqué dans        campagne de restauration actuelle, n’a pas permis
la campagne de restauration actuelle, j’ai pu me           de détecter d’autres mains que celle de Jan dans les
rendre compte de la complexité d’un projet de cette        zones de peinture originelle52.
envergure : à quel degré la consultation, la planifi-            Un tel scénario a en tout cas l’avantage de
cation et l’organisation s’imposent, et dans quelle        fournir une explication toute naturelle à bon nombre
mesure les développements en cours sont à même             d’éléments : l’honneur tout particulier qui revenait
de bousculer tout ce qui était prévu. Tous ceux qui se     à celui qui était le concepteur, l’« inventor » du
sont un jour lancés dans un projet de construction ou      tableau, encore plus après sa mort, les mystérieuses
de transformation comprennent ce genre de situation.       et parcimonieuses zones dotées de traits gravés
      Mutatis mutandis, il me semble que la phase          dans la couche de préparation, l’homogénéité de
de préparation précédant la réalisation du retable         l’exécution ultérieure sur le plan des dessins sous-
n’ait pas été suffisamment prise en compte lors de         jacents, l’impossibilité de distinguer dans la couche de
l’examen du problème qui nous occupe. Une œuvre            peinture deux mains ni même deux ateliers différents.
d’une telle ampleur suppose une très vaste phase de              Dans son Ode, Lucas de Heere mentionne
planification et de conception, comme l’indique à          Hubert, qui « … dit waerck begonste… » (« amorça
elle seule déjà l’iconographie très complexe et très       la réalisation de cette œuvre »). Mais dans les vers
inhabituelle des panneaux intérieurs. C’est d’ailleurs     suivants, il ne parle plus que de Jan Van Eyck. À la
la raison pour laquelle on a souvent suggéré l’implica-    lumière de l’hypothèse susmentionnée concernant la
tion de conseillers théologiques dans le projet.           part respective des deux frères dans la réalisation du
      En outre, il faut également prendre en compte        retable, cela n’a rien d’étonnant.
un vaste ensemble d’études de composition, d’études
préliminaires et détaillées d’après modèle ainsi
que d’études d’après nature. Tout cela implique la
constitution d’un énorme portefeuille de dessins.
Malheureusement, rien de tout cela ne fut conservé.
Si les suppositions de Panofsky sont correctes, et
que le document de 1425 (la visite d’une délégation
du conseil communal à l’atelier d’Hubert, afin d’y
approuver ses projets) se rapporte à la phase initiale
de l’Agneau mystique50, nous avons là une indication
de l’activité pendant cette phase de conception. Ce
document nous apprend également l’évidence et
l’importance de la consultation qui eut lieu entre
Hubert Van Eyck et ses clients : un certain nombre
d’auteurs, y compris Panofsky, supposent en effet
que la commande émanait initialement du conseil
communal de Gand.

    128
ILL. 48 Les recherches dendrochronologiques effectuées
par le KIK-IRPA ont montré que les planches, indiquées
ici en rouge et en bleu, proviennent des mêmes arbres.

          129     Les créateurs
Toutes les illustrations de l’Agneau mystique
      dans cet ouvrage sont des photos des
      panneaux originaux des frères Van Eyck,
      sauf les Juges intègres, qui est une copie de
      Jef Van der Veken.

130
(14e-16e eeuw) », in: Handelingen van de Koninklijke           LES CRÉATEURS                                                            Martens, Maximiliaan. « Members of the Belgian Royal
    Commissie voor Geschiedenis (2011), n° 45 (mention de          LA PART D’HUBERT VAN EYCK                                                Academies and the Study of the Ghent Altarpiece », in:
    Jean Vijd comme étant écuyer en 1429) et Buylaert e.a.         DANS LA RÉALISATION DE L’AGNEAU MYSTIQUE                                 Vision & Material : Interaction Between Art and Science
    (eds.), « De adel ingelijst », n°1061 (mention de Jean et                                                                               in Jan Van Eyck’s Time. Éd. Marc De Mey, Maximiliaan
    de Louis Vijd œuvrant comme écuyers en 1437). Pour             1   Pour les Trois vierges au tombeau conservé à Rotterdam,              Martens, & Cyriel Stroo (éds.). Brussels, Belgium: KVAB
    l’interprétation du titre d’écuyer en Flandre à la fin du          voir Kemperdick, Stephan, Friso Lammertse (eds.) De                  Press, 2012. 19-27.
    Moyen Âge, voir : Buylaert, Repertorium van de Vlaamse             Weg Naar Van Eyck. Tent. cat. Rotterdam: Museum                 8    Herzner, Volker. Jan Van Eyck und der Genter Al-
    adel, p. 12.                                                       Boijmans van Beuningen, 2012, 292-295, où ce tableau                 tar. Worms: Werner, 1995.
185 Ce Christophe Vijd fut échevin en 1492-1493 et en 1498-            est, d’après nous, injustement attribué à Jan Van Eyck.         9    Duverger 1945 et Bontinck, E. « Natuurwetenschappelijk
    1499. Decavele, « Geld en Geest », pp. 10-11 identifie cet         Pour un aperçu des discussions concernant les attribu-               onderzoek van de opschriften en de lijst van het Lam
    échevin comme étant le frère de Josse Vijd, mais il s’agit         tions aux mains G et H des illustrations présentes dans              Gods-retabel », in: Duverger 1945, pp. 74-89.
    en réalité d’un arrière-petit-fils du chevalier Christophe         les Heures de Turin-Milan, voir e.a. Châtelet, Albert.          10   Coremans, Paul. L’Agneau Mystique au Laboratoire :
    Vijd.                                                              Jean Van Eyck Enlumineur: Les Heures De Turin et de                  Examen et Traitement. Anvers: De Sikkel, 1953, 122.
186 Cela semble surtout avoir été le cas pour les fils bâtards         Milan-Turin. 2e éd. Strasbourg : Presses universitaires         11   Pour les arguments à l’appui de ce constat, je renvoie
    du chevalier Christophe Vijd. Adrien Vijd acquit ainsi             de Strasbourg, 1993 et König, Eberhard. Die Très Belles              à Hélène Dubois, Ann-Sophie Augustiniak et Susan
    en 1441 un cheval et un harnais (ce qui n’était d’ailleurs         Heures Von Jean De France, Duc De Berry: Ein Meis-                   Jones, in: Stroo, Cyril, Bart Fransen et Maximiliaan
    pas un privilège de la noblesse) et fut mentionné à cette          terwerk an Der Schwelle Zur Neuzeit, München: Hirmer,                Martens (éds.), The Conservation/ Restoration Treat-
    occasion comme étant « Adrien, le fils de monsieur                 1998. Pour l’attribution à Petrus Christus de l’Annon-               ment of the Ghent Altarpiece: Phase 1, Bruxelles :
    Christophe » (SAG, Série 301, n° 36 (1440-1441, fol. 87 r.,        ciation conservée à New York, voir Ainsworth, Maryan                 KIK-IRPA (sous presse).
    95 v.). Jean, le fils aîné, est encore mentionné, en 1469,         Wynn, Maximiliaan Martens. Petrus Christus. Gent:               12   Van der Velden (2011).
    comme étant « Jean Vijd, le fils de monsieur Chris-                Ludion, 1995, 117-125.                                          13   Tourneur, Victor, Le quatrain de l’Agneau mystique.
    tophe » (SAG, Série 301, n°50 (1468-1469), fol. 131 r.).       2   Aussi bien Lucas de Heere, Den Hof en Boomgaerd der                  Académie royale de Belgique, Bulletin de la classe des
187 SAG, Série 330, n°30 (1432-1433), fol. 62 r.-63 v. Pour une        Poësien [Jardin et Verger des Poésies], 1565, que Marc               Lettres et des Sciences morales et politiques (série 5,
    édition, voir Goodgal, « Joos Vijd », pp. 40-9. La succes-         Van Vaernewijck, Van die beroerlyke Tyden in die Neder-              tome XXVIII), extrait, 1942.
    sion de la tout aussi riche Élisabeth irait quant à elle           landen en voornamelyk in Ghendt [Des temps agités aux           14   Cf. supra.
    à sa famille, la famille Borluut. Pour un aperçu de ses            Pays-Bas et notamment à Gand], 1466-68, Den Spieghel            15   Dhanens (1965), p. 13.
    possessions en 1446, voir : RAG, Fonds familial Borluut,           der Nederlandscher Audtheyt [Miroir de l’Antiquité des          16   Dhanens (1965), pp. 14-15.
    nos 8-19.                                                          Pays-Bas], 1568 (2e éd. sous le titre Historie de Belgis,       17   Dhanens (1965), p. 89.
188 P. Contamine, « The European nobility », in: C. Allmand            1574), expliquent que les artistes sont représentés parmi       18   Dhanens (1965), p. 15.
    (ed.), The New Cambridge Medieval History. Volume                  les Juges intègres, voir Waterschoot, Werner, « Lucas           19   Brinkman, Pim. Het Geheim van Van Eyck:
    VII c. 1415-1500. Cambridge, 1998, p. 100 conçoit même             d’Heere en Marcus van Vaernewijck voor het Lam                       Aantekeningen bij de uitvinding van het olieverven.
    la noblesse prémoderne par excellence comme « une                  Gods », in: Jaarboek De Fonteine, 1966, 109-118.                     Zwolle: Waanders, 1993.
    classe qui, par définition, était extrêmement préoccu-         3   L’édition réalisée par Ferdinand Vanderhaeghen,                 20   Pour le texte de Münzer, voir Dhanens (1965), p. 102.
    pée par la survie de sa lignée, de ses domaines, de son            1872-1881 est consultable sur http://www.dbnl.org/tekst/        21   Sur le tombeau de Jan dans l’église Saint-Donatien à
    nom et de ses armoiries ». Cette mentalité s’observe               vaer003vand01_01/vaer003vand01_01_0226.php                           Bruges, voir e.a. Steppe, Jan-Karel. Lambert Van Eyck
    également au sein de la noblesse en Flandre à la fin du        4   La traduction proposée est basée sur la transcription                en het Portret Van Jacoba van Beieren. Academiae
    Moyen Âge, voir : Buylaert, Eeuwen van ambitie, pp. 58-            proposée dans Meckelnborg, Christina. « The                          Analecta, XLIV/2 (1983), Bruxelles, Palais des
    61.                                                                inscription of the Ghent Altarpiece: a philological                  Académies, 55-86.
189 RAG, Fonds familial général, n° 5838.                              investigation », in: Kemperdick, Stephan. Der Genter            22   Dhanens (1965), p. 102.
190 Citation d’après : L. Stockman, « De eerste heren van              Altar der Brüder van Eyck. Geschichte und Würdigung,            23   Je remercie mon collègue, le professeur émérite Luc
    Poeke », in: Appeltjes van het Meetjesland 28 (1977),              Berlin: Imhof Verlag, 2014, 112-121.                                 De Grauwe, qui me fit observer ceci, en renvoyant à
    p. 171.                                                        5   Van der Velden, Hugo. « The quatrain of The Ghent                    une remarque portant sur Antonio de Beatis publiée
191 Pour une édition, consulter : Despodt, Gentse grafmonu-            altarpiece », in: Simiolus 35 (2011), 5-39 ; Herzner, Volker.        en ligne par le spécialiste du moyen néerlandais Eric
    menten, III, nr. 1.3/126.                                          « A response to Hugo van der Velden », « The quatrain                De Bruyn (http://expert.jeroenboschplaza.com/ericde-
192 Pour un commentaire sur l’église et son bâtiment                   of The Ghent altarpiece », in: Simiolus 35 (2011),                   bruyn/de-beatis-1521/).
    en tant que pierre angulaire de la société, voir :                 127-130 ; Van der Velden, Hugo. « A reply to Volker             24   Lievois, Daniël. « Het archiefmateriaal over Hubert van
    A.J. Bijsterveld, « De kerk in het midden. De paro-                Herzner and a note on the putative author of the Ghent               Eyck in Gent », in: Handelingen van de Maatschappij
    chiekerk als centrum van de middeleeuwse dorps-                    quatrain », Simiolus 37 (2013/2014), 131-141. Herzner,               voor Geschiedenis en Oudheidkunde Gent, 67 (2013),
    gemeenschap », in: Noordbrabants Historisch Jaarboek               Volker. « The quatrain of The Ghent altarpiece, again »,             59-68.
    17-18 (2001), pp. 91-119.                                          in: Simiolus 37 (2013/2014), 95-99; Meckelnborg 2014;           25   Stadsarchief Gent [Archives municipales de Gand]
193 K.B. MacFarlane, The nobility of later medieval England.           Discussion. Eine Forschungskontroverse ohne Abseh-                   (dorénavant SAG), série 400 n° 13, Compte de la ville de
    Londen, 1973, pp. 145-146.                                         bares Ende/ An endless scholarly debate, in: Kemper-                 Gand 1424-1425, f. 188/11 et copie dans SAG, série 400,
194 L’acte de fondation suggère lui aussi que le couple                dick, Stephan. Der Genter Altar der Brüder van Eyck.                 n° 13, Compte de la ville de Gand 1424-1425 (copie),
    souhaitait, par le biais de la chapelle, clore un chapitre         Geschichte und Würdigung, Berlin: Imhof Verlag, 2017,                f. 270/13 ; Lievois 2013, 60 (illustrations 1-2).
    spécifique de son histoire familiale. Cet acte fut en effet        149-177 (courtes contributions de Joris Corin Heyder,           26   SAG, série 400, n° 13, Compte de la ville de Gand 1424-
    conçu de telle manière que la fondation ne pût plus                Till-Holger Borchert, Volker Herzner, Stephan Kem-                   1425, f. 288v/16 ; Lievois 2013, 61 (illustration 3).
    jamais être modifiée ou défaite par les héritiers. Il s’agit       perdick, Maximiliaan Martens et Bernhard Ridderbos).            27   SAG, série 330 n° 18, Registre des échevins des Parchons
    là d’un règlement inhabituel, voir : Decavele, « Geld en           Pour un état de la question e.a. du quatrain après la                1425-26, f. 63 ; Lievois 2013, 62 (illustration 4).
    Geest », p. 15.                                                    restauration des panneaux, voir Dubois, Hélène et al., in       28   SAG, série 400, n° 13, Compte de la ville de Gand 1425-
195 Voir notamment le débat récent opposant Volker                     Stroo, Cyril, Bart Fransen et Maximiliaan Martens (éds),             1426, f. 319v/2 ; Lievois 2013, 62 (illustration 5).
    Herzner et Hugo van der Velden dans : V. Herzner, « A              The Conservation/ Restoration Treatment of the Ghent            29   Lievois (2013), p. 64.
    response to Hugo van der Velden, «The quatrain of the              Altarpiece: Phase 1, Brussel: KIK-IRPA (sous presse).           30   Carton, Charles. « Les trois frères Van Eyck », in : Société
    Ghent altarpiece» », in : Simiolus 35 (2012), pp. 127-130 et   6   Renders, Émile et Joseph De Smet. Hubert Van Eyck :                  d’émulation pour l’histoire et les antiquités de Bruges et
    van der Velden, « A reply to Volker Herzner », passim.             Personnage de Légende. Bruxelles : Van Oest, 1933.                   de la Flandre Occidentale, 5 (1847), 268 ; voir également
                                                                   7   Duverger, Jozef. Het Grafschrift van Hubert van Eyck                 De Busscher, Edmond. Recherches sur les peintres
                                                                       en het quatrain van het Gentsche Lam Gods-retabel,                   gantois, des XIVe et XVe siècles, indices primordiaux de
                                                                       Antwerpen – Utrecht: Standaard 1945; Dhanens, Elisa-                 l’emploi de la peinture à l’huile à Gand, Gand, 1859, 146.
                                                                       beth, Het Retabel Van Het Lam Gods In De Sint-Baaf-             31   Édition du texte dans Dhanens (1965), p. 113.
                                                                       skathedraal Te Gent. Gent: Bestendige deputatie                 32   L’ode prononcée par Lucas de Heere lors de l’ouverture
                                                                       van de provinciale raad van Oost-Vlaanderen, 1965;                   du 23e chapitre de l’Ordre de la Toison d’or fut publiée

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