L'agriculture va t-elle manquer - INRA
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SOMMAIRE Ce dossier est extrait de la revue L’ l’agro- Ressources #2,tiré à agriculture écologie part à l’occasion du Salon International va-t-elle source de de l’agriculture manquer solutions 2022 d’eau ? P.19 P.4 l’irrigation Éditeur Institut national Pilotes scientifiques Thierry Caquet Une différemment de la recherche pour l’agriculture, Chantal Gascuel Christian Huyghe ressource P.25 l’alimentation et l’environnement Rédactrices limitée 147, rue de l’Université, Pascale Mollier Sophie Nicaud à préserver Aider les agriculteurs 75338 Paris cedex 07 Secrétariat de P.6 rédaction et design Directeur de publication graphique Atelier Marge Design à s’adapter Philippe Mauguin, PDG d’INRAE Illustrations Le cycle de l’eau P.29 Lou Rihn P.10 Direction Impression éditoriale ENTRETIEN Biprint Comité éditorial (78920 Ecquevilly) Rencontre avec un Ressources Abonnement Le partage agriculteur innovant de l’eau Rédactrice Vous pouvez recevoir en chef la newsletter INRAE Entretien avec Laurent Dirat, Aliette Maillard annonçant la mise agriculteur dans le Remerciements à en ligne du prochain numéro en vous dans les Tarn-et-Garonne. toutes les personnes citées et à Eric Sauquet, abonnant sur le site www.inrae.fr/ressources territoires P.34 Christophe Soulard, P.12 Philippe Hinsinger, Mohammed Naaim, Jérôme Molenat, Patrick Bertuzzi pour leur contribution à ce dossier. En couverture Gros plan sur un dispositif de purification d’eau. © INRAE / Bertrand NICOLAS 3
L’ agriculture va-t-elle manquer d’eau ? Il n’y a pas d’agriculture sans eau. Comment préserver au mieux l’harmonie de ce couple millénaire assombrie par le changement climatique, avec une agriculture plus demandeuse et une eau moins accessible ? Systèmes agroalimentaires plus durables, partage de l’eau dans les territoires et politiques publiques d’accompagnement sont les pistes étudiées pour une meilleure gestion quantitative de l’eau. Ce dossier est centré sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture tout en soulignant son aspect indissociable de la gestion qualitative de l’eau. 4
L’AGRICULTURE VA T-ELLE MANQUER D’EAU ? UNE RESSOURCE vie des écosystèmes aquatiques (lacs, rivières…). BAISSE DU DÉBIT MOYEN DES COURS D’EAU Une solution pour augmenter à grande échelle le ANTICIPÉE POUR 2046-2065 volume d’eau douce utilisable consiste à dessaler de l’eau de mer ou de l’eau saumâtre. Énergivores LIMITÉE et sources de pollution par le rejet de saumure (eau chaude très concentrée en sel et autres mi- néraux), les usines de dessalement se multiplient À PRÉSERVER néanmoins dans certaines régions du monde où elles apparaissent comme l’ultime solution, par- ticulièrement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Elles produisent actuellement 2 % de l’eau potable à l’échelle mondiale. Avec le changement climatique, l’eau douce, en quantité finie sur ● 0 à 10 % ●-10 à 0 % L’eau est donc une ressource en quantité limitée. la planète, va devenir plus difficile d’accès. L’agriculture est à la fois ●-20 à -10 % Elle se renouvelle plus ou moins rapidement et ●-30 à -20 % plus ou moins complètement selon la capacité consommatrice d’eau et solution pour limiter le changement ●-40 à -30 % ●-50 à -40 % d’épuration du système considéré (territoire, pays). climatique, à condition de l’orienter vers des pratiques adaptées. ●-60 à -50 % ●-70 à -60 % C’est tout l’enjeu de cette équation à multiples inconnues. Quels effets induits par le changement climatique ? État des lieux. Les résultats du projet Explore 2070 (voir carte ci-contre) montrent que le débit moyen des ri- Indice de significativité : taille inversement proportionnelle vières en France devrait diminuer fortement d’ici à l’écart-type des 14 résultats 30 ans, jusqu’à 50 % dans le Sud-Ouest et le Bas- L’eau est un bien commun, une ressource vitale, L’eau douce utilisée par l’être humain n’est pas (moyenne / écart-type) sin parisien. différente des autres. Contrairement à un minerai détruite, elle est en partie retraitée et retourne Ces résultats au niveau français illustrent une Comparaison avec les moyennes précipitations annuelles de l’ordre que l’on extrait à un endroit donné, l’eau change dans le cycle. Cependant, une part de cette eau sur la période 1961-1990, avec de 5 %. évolution globale liée au changement climatique : d’état entre ses formes solide, liquide, gazeuse, peut être rendue inutilisable du fait de la pollution. des hypothèses de réchauffement Source : INRAE, projet EXPLORE 2070, porté en effet, l’élévation de la température moyenne elle se déplace entre différents compartiments En effet, même si une grande partie des contami- d’environ 2 °C et une baisse des par le ministère de la Transition écologique. de l’air augmente l’évaporation de l’eau à partir en interaction : atmosphère, continents, océans. nants que nous rejetons (métaux, médicaments, des masses d’eau, du sol et des plantes et affecte Elle décrit un cycle qu’il est essentiel d’avoir à détergents, microplastiques, pesticides, microor- CONSOMMATIONS ET PRÉLÈVEMENTS D’EAU EN FRANCE le régime des précipitations : davantage de pluies l’esprit, car ce qui est prélevé à un endroit a iné- ganismes, etc.) est dégradée ou retenue dans le PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ fortes dans les zones tempérées et humides, avec vitablement des conséquences ailleurs. La sol, ou encore traitée dans les stations de traite- une augmentation des pluies hivernales, moins connaissance de tous les termes de ce ment des eaux usées, certains d’entre eux Consommation Prélèvements de pluies dans les régions méditerranéennes et RESSOURCES cycle est nécessaire pour répondre à une peuvent résister aux procédés de traite- tropicales. Au final, le réchauffement climatique EN EAU DOUCE question devenue cruciale pour nous, les ment, ou être entraînés par la pluie et se 6% 10 % 9% accélère le cycle de l’eau avec plus d’évaporation humains, mais aussi pour les écosystèmes retrouver dans les eaux de surface ou dans et plus de pluies extrêmes qui convergent vers dont nous faisons partie : allons-nous les nappes souterraines. Si les teneurs en 22 % 17 % les océans sans recharger les nappes. manquer d’eau ? contaminants dépassent les limites ad- 48 % Le réchauffement climatique provoque également missibles, l’eau peut être rendue inutili- l’augmentation probable de la fréquence et de Une ressource limitée et renouvelable ● sable pour certains usages. C’est ainsi eau douce jusqu’à un certain point qu’en France, plusieurs milliers de cap- 24 % 64 % disponible sur Le débit moyen Le cycle de l’eau est un cycle fermé, sans la planète tages d’eau destinée à la consommation apports ni pertes à l’extérieur de la pla- humaine ont été fermés du fait d’un dé- ● nète. Le volume total d’eau présent sur 69 % passement des normes de qualité 1. Par Terre semble énorme mais l’eau douce eau douce utilisée ailleurs, la concentration des contami- ● Énergie ● Industrie ● Irrigation ● Eau potable des rivières en France devrait (usages (glaciers, lacs, cours d’eau, nappes sou- par l’humain/an (en nants augmente quand la quantité d’eau domestiques) terraines) en représente moins de 3 %, partie recyclée) qui les dilue diminue, ce qui fait que les dont deux tiers sous forme de glace. De Source : Abbott B.W. notions de quantité et de qualité de l’eau plus, l’eau douce est inégalement répar- etGeoscience al. 2019. Nature sont étroitement liées, avec des consé- Eau consommée = eau prélevée – eau restituée. Sources : Agences de l’eau / SOeS 2012 (données prélèvements), rapport diminuer fortement tie dans le monde. 533-540 12, quences importantes notamment pour la L’eau de pluie utilisée directement par les cultures n’est pas comptabilisée. annuel 2010 du Conseil d’État (données consommations) d’ici 30 ans. 6 7
L’AGRICULTURE VA T-ELLE MANQUER D’EAU ? UNE RESSOURCE LIMITÉE À PRÉSERVER l’intensité des inondations, vagues de chaleur et pourrait dire qu’elle est « déplacée » dans le cycle. INITIATIVE CHANGEMENT CLIMATIQUE Le scénario « sobre » (+ 1 °C en 2100) sécheresses ; la fonte des glaciers et des calottes glaciaires, car le réchauffement est plus marqué Au contraire, l’eau utilisée pour refroidir des cen- trales thermiques classiques ou nucléaires ou 4 pour mille Un phénomène suppose d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Entre ces deux scénarios aux pôles, induisant une perte importante des l’eau utilisée pour la consommation domestique L’initiative « 4 pour mille », d’une ampleur extrêmes, plusieurs scénarios divergent stocks d’eau douce au profit des océans ; la mon- tée du niveau de la mer, estimée entre + 60 cm à est partiellement ou totalement restituée, le plus souvent à proximité du point de prélèvement. lancée lors de la COP21 à Paris en 2015, avec une inédite à partir de 2050 et nous ne savons pas ce qu’il adviendra finalement. Seule 110 cm d’ici 2100, si la tendance actuelle se pour- Cette eau peut donc être réutilisée sous réserve contribution significative Depuis 1900, les émissions de gaz à effet certitude, compte-tenu de l’inertie du suit. Ainsi, toutes les projections des scientifiques de respecter certains critères, notamment en d’INRAE, repose sur de serre liées aux activités humaines système, l’avenir dépend de nos actions montrent qu’il y aura redistribution des res- termes de température et de qualité. Les points l’hypothèse qu’une ont provoqué un réchauffement terrestre actuelles en termes d’atténuation. sources en eau, au niveau national comme au de rejet peuvent malgré tout se situer à distance augmentation annuelle moyen de + 1,07 °C. Si l’humanité Cette évolution est confirmée par le niveau mondial. Même si le volume total d’eau du point de prélèvement, en particulier dans le de 4‰ du stockage de continue sur la tendance actuelle 6e rapport du GIEC, paru en août 2021. de la planète reste constant, il y a aura des risques cas de dérivation (canaux). carbone dans les sols (scénario du « laisser-faire »), elle Il est à noter que non seulement de manque d’eau douce plus ou moins drastiques Dans un contexte de tension de plus en plus forte mondiaux (soit 1 500 x 4 ‰ = provoquera un réchauffement supplé- l’évolution anticipée par le GIEC s’est selon les territoires, les saisons et les années. sur la ressource en eau, le partage de l’eau entre 6 milliards de tonnes) mentaire de + 6°C en moyenne à l’horizon confirmée jusqu’à présent, mais aussi les différents secteurs d’activité devient un enjeu permettrait de compenser 2100 (jusqu’à 10 °C aux pôles), ce qui que la confiance accordée aux projec- L’agriculture consomme majeur (voir p. 12). l’augmentation annuelle implique un état de la planète que tions pour le futur s’est accrue grâce de l’eau et la « déplace » des émissions de CO₂ liées nous ne pouvons même pas imaginer. aux progrès des modélisations. En France, l’agriculture, au travers de l’irrigation Agriculture et atténuation aux activités humaines essentiellement, représente environ 9 % des pré- du changement climatique (4,3 milliards de tonnes). lèvements d’eau, mais 48 % de la consommation L’agriculture, consommatrice d’eau et émettrice (voir p. 7). C’est le secteur qui « consomme » le de gaz à effet de serre, est souvent montrée du INRAE a montré qu’en ÉVOLUTION DE LA TEMPÉRATURE MOYENNE DU GLOBE EN FONCTION DU TEMPS plus d’eau, dans le sens où l’eau prélevée par les doigt comme étant l’une des causes majeures du France, le plus gros SELON LES DEUX SCÉNARIOS EXTRÊMES DU 5 E RAPPORT DU GIEC plantes n’est pas restituée localement : elle est dérèglement climatique, mais elle est aussi source potentiel de stockage de Source : GIEC, traitement Christophe Cassou, CNRS-CERFACS évapotranspirée 2 et réintègre le cycle sous forme de solutions, notamment par sa capacité à stocker carbone se trouve dans les de vapeur, avant de retomber ailleurs sous forme du carbone dans les végétaux et dans les sols. Ce sols des grandes cultures, Scénario « sobre » Scénario « du laisser faire » de précipitations. Si l’on se place du point de vue potentiel est significatif, comme le montre l’ini- grâce à des pratiques local, l’eau est donc « perdue », mais en réalité, on tiative « 4 pour mille » soutenue par INRAE3 (voir comme le développement encadré ci-contre) . de couverts végétaux Face à un risque de manque d’eau, il faut conce- intermédiaires et l’agro voir de nouveaux systèmes agricoles qui soient foresterie (voir p. 19). certes économes en eau, mais qui agissent aussi Ce calcul s’entend sous sur la cause du manque d’eau, c’est-à-dire qui condition de préserver les atténuent le réchauffement climatique, en favo- zones de stockage de risant le stockage de carbone, mais surtout en carbone existantes (forêts, diminuant les émissions de gaz à effet de serre prairies, zones humides) en (gaz carbonique – CO2, méthane – CH4 et pro- stoppant l’artificialisation toxyde d’azote – N2O). des terres. La nécessaire reconception de l’agriculture, plu- viale ou irriguée, est abordée dans les pages qui suivent, tout comme les leviers pour une meilleure 4,3 milliards 7,0°C CHANGEMENT DE TEMPÉRATURE MOYENNE DE L’ATMOSPHÈRE gestion de l’eau. ● de tonnes 6,0 Scénario « du laisser faire » de carbone 5,0 augmentation annuelle des 4,0 1. www.eaufrance.fr/ dans l’atmosphère par les émissions mondiales de CO₂ liées 3,0 repere-captages-fermes pores de leurs feuilles la aux activités humaines (moyenne quasi-totalité de l’eau sur la période 2009-2018) 2,0 2. On appelle évapo qu’elles absorbent 1,0 Scénario « sobre » transpiration la somme de l’évaporation de l’eau du 3. www.inrae.fr/actualites/ 0,0 sol et de la « transpiration » stocker-4-1000-carbone- -0,5 des plantes, qui rejettent sols-potentiel-france 1900 1940 1980 2020 2060 2100 8 9
Le cycle de l’eau Marges d’erreur non représentées, entre 10 et 50 %, plus grandes pour Fortes variations annuelles et interannuelles non représentées. D’après Abbott ≈ 1,4 milliards de km3 Volume total d’eau sur la planète ≈ 35 millions de km³ Volume total d’eau douce sur la planète ≈ 24 000 km3 Volume d’eau douce utilisée la recharge des nappes et B.W. et al. 2019. Nature par l’homme par an (environ 6 fois Le volume total d’eau (douce et salée) sur Terre pour l’eau grise utilisée. Geoscience 12, 533-540. le volume de la Manche) est constant. La majeure partie est de l’eau salée. L’eau douce, 3 % du total, se déplace entre différents compartiments, atmosphère, continents, océans, en décrivant un cycle sous différentes formes, vapeur, pluies, glace et neige. De cette circulation et de ces équilibres dépend la vie sur Terre. Flux mondiaux par an en milliers de km³, avec 1 km³ = 1 000 milliards de litres. Flux de l’océan vers les continents 46 A Évapotranspiration (sols et végétaux) 69 Précipitations continentales B 110 Évaporation océanique Eau verte 420 50 Eau verte Précipitations B utilisée océaniques 19 380 Eau bleue utilisée 4 irrigation élevage C Eau grise utilisée cultures 1 ,4 Flux vers l’océan Recharge 46 des nappes Flux vers 13 l’océan D 4,5 EAU DE LA TERRE EAU DOUCE EAU DOUCE DISPONIBLE LES FLUX ACTIONS Répartition des pluies Utilisation humaine mondiale Éviter les pertes → Infrastructures écologiques Plus de la moitié des annuelle de l’eau douce d’eau douce vers la mer pour diminuer le ruissellement ● 7 7 % 66 % précipitations annuelles A Eau verte : utilisée pour les → Retenues d’eau. et favoriser le stockage dans glaciers lacs passe dans le sol et dans les cultures et l’élevage, majoritai- les paysages : zones humides, végétaux (cultures, forêts rement évapotranspirée. → Stockage d’eau dans le sol haies, bandes enherbées, ● 1 % 22 % et autres espaces naturels), favoriser l’infiltration, diminuer fossés. eau douce eau dans le sol eau salée disponible avant d’être majoritairement Eau bleue : utilisée pour l’érosion, enrichir en matière 97 % 6,5 % évapotranspirée B . l’agriculture (irrigation), organique (couverts, élevage), → Réutilisation des eaux usées ● 2 2 % eau C’est l’eau verte. l’industrie, la production agriculture de conservation des après traitement. eau dans atmosphérique d’énergie, l’eau potable. sols. eau douce 3% le sol Le reste des pluies passe dans 5,5 % les cours d’eau C , les lacs et les Eau grise : eaux usées rivières nappes D . C’est l’eau bleue. domestiques et industrielles.
LE PARTAGE DE L’EAU DANS LES TERRITOIRES LE PARTAGE LES USSES Les citoyens changent leur DE L’EAU L’INGÉNIERIE DE LA PARTICIPATION vision sur la gestion de l’eau DANS LES SUR LE TERRAIN Évoluer dans leurs positions, c’est ce qu’ont fait les citoyens des Usses, près d’Annecy, TERRITOIRES NOUVELLE-CALÉDONIE un territoire en tension pour l’eau, très rural, 1re politique de mais aussi très peuplé car proche du bassin économique genevois. Alors qu’ils pen- Avec une ressource moins disponible, le partage de l’eau concertée saient que les agriculteurs étaient les premiers consommateurs d’eau, les l’eau devient un enjeu crucial pour l’avenir des activités À partir de la méthode COOPLAN, traditionnelles qui protègent les citoyens ont réalisé que leur propre en complément de l’apport d’un sources sacrées. Des proposi- consommation était bien supérieure et ont humaines mais aussi des écosystèmes naturels. Pour cabinet conseil, un processus tions innovantes ont émergé, proposé un plan d’action pour la réduire. Les éviter les conflits, les méthodologies de concertation participatif a permis de comme par exemple donner à animateurs de ce projet précurseur de PTGE entre les acteurs se développent et se perfectionnent. construire en neuf mois une l’eau le statut de personnalité ont été formés par des scientifiques politique de l’eau partagée en juridique vivante. Des représen- d’INRAE. La concertation, qui a duré deux Explications. Nouvelle-Calédonie. Adoptée tants de l’industrie minière ont ans (2017-2018), a privilégié des évènements par le Congrès de l’île à fait bouger leurs lignes en festifs : randonnées, bistrots de discussions, l’unanimité en 2019, le proces- approuvant la sanctuarisation théâtre et jeux de rôle, souvent intégrés sus a impliqué 1 Calédonien sur de ressources en eau straté- dans d’autres manifestations (fêtes Lancé en mai 2021 par le gouvernement, le « Va- d’élaboration. Concrètement, un PTGE s’applique 600. Pourtant, dans cette giques dans certains massifs paysannes, fêtes de la Nature), afin de renne agricole de l’eau et de l’adaptation au chan- à un bassin versant (100 à 1 000 km2), souvent collectivité d’outre-mer, la riches en nickel, s’interdisant toucher le plus de personnes possible. Selon gement climatique »1 fait suite aux Assises de l’eau caractérisé par une problématique spécifique gouvernance de l’eau est du même coup de les exploiter. un élu, « la démarche a changé le regard des de 2019, lesquelles ont défini une série d’actions, (manque d’eau, inondations, qualité de l’eau) à particulièrement complexe, À l’issue du processus, 90 % des citoyens sur le syndicat (Syndicat de dont la mise en place d’une gestion collective et concilier avec différentes activités économiques avec différents niveaux d’autori- participants disaient avoir mieux Rivières les Usses, ndlr) dans son rôle de de règles de partage de l’eau, avec pour objectif (production, transformation, tourisme). Le PTGE té : l’État, les provinces et compris les problèmes liés à gestion globale de l’eau, au-delà des de réduire les prélèvements liés à tous les usages s’appuie sur des structures de gouvernance de communes, et les chefferies l’eau. travaux visibles sur la rivière comme couper (domestiques, industriels et agricoles) de 10 % l’eau existantes et légitimes, dont les Commis- les arbres, etc. ». Une animatrice, inspirée d’ici 2025 et de 25 % d’ici 2035. sions locales de l’eau (CLE), sortes de « parlements par ce qu’elle a vu lors d’un atelier de Comment atteindre cet objectif ? Au cœur du de l’eau » qui réunissent toutes les parties pre- SOCIÉTÉ DE SERVICES théâtre, livre cette réflexion en substance : dispositif se trouve la mise en place de « projets nantes et qui élaborent le SAGE, Schéma d’amé- « Il ne s’agit pas de dire aux agriculteurs : il de territoire pour la gestion quantitative de l’eau » nagement et de gestion de l’eau 3. Un bassin versant Lisode, expert faut arroser moins votre maïs, mais plutôt : (PTGE), encouragée par l’État 2. Les PTGE éta- blissent, mettent en œuvre et évaluent un pro- est défini comme le territoire drainé par un cours d’eau et ses affluents, une sorte de « cuvette » dans en concertation il faut voir si on peut cultiver autrement, une autre variété, une autre culture. Il ne s’agit gramme d’actions pour équilibrer les besoins et laquelle les eaux convergent vers un même point Les travaux des scientifiques concertation et la formation pas de dire : on ne fait pas, mais de dire : il les ressources en eau au sein du territoire, tout de sortie appelé exutoire. d’INRAE ont inspiré la création, d’un millier de professionnels. faut collectivement faire autrement ». en préservant les milieux naturels. Ils intègrent en 2008, de la société coopéra- Le retour d’expérience des Usses, ainsi que une vision prospective prenant en compte le chan- Les territoires de partage tive Lisode, qui propose des « Nous continuons à collaborer quatre autres retours de terrain représenta- gement climatique. Ils doivent associer toutes les de l’eau en France services et conseils en ingénie- avec la recherche pour mieux tifs du bassin Rhône-Méditerranée-Corse, parties prenantes, ouvrant le dialogue en parti- On compte en France métropolitaine sept grands rie de la participation pour aider cerner quelles sont les condi- ont été mis à disposition des agences de culier entre les agriculteurs et les autres acteurs territoires plus ou moins structurés autour de les acteurs publics à conduire tions de réussite des processus l’eau grâce à un guide diffusé par INRAE. de la société, dont les associations de protection grands fleuves français (Adour-Garonne, leurs projets d’aménagement. de concertation », analyse www.g-eau.fr/index.php/fr/recherche/projets-ter- de l’environnement. Plus de soixante PTGE sont Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, À ce jour, Lisode a accompagné Mathieu Dionnet, co-fondateur mines/item/702-quelle-strategie-participative- validés à ce jour, et une quarantaine sont en cours Rhône-Méditerranée, Seine-Normandie, Corse). une centaine de processus de de Lisode. pour-la-gestion-locale-de-l-eau-avec-les-citoyens 12 13
L’AGRICULTURE VA T-ELLE MANQUER D’EAU ? LE PARTAGE DE L’EAU DANS LES TERRITOIRES ligne de partage Évaluer le rapport protéger la nappe surexploitée en diminuant les prélèvements de 30 %. Loubier, qui a fourni un appui méthodologique au bureau d’étude des eaux coût/bénéfice Cependant, la principale richesse de mandaté sur le projet. L’évaluation économique la région repose sur des cultures à bassin versant haute valeur ajoutée dont les besoins L’importance de en surface et financière des projets de en irrigation augmentent avec le la collecte de données territoire est une approche changement climatique : viticulture « L’évaluation économique demande de à développer : pour cela, de grands crus AOC, plantes recueillir de nombreuses données auprès ièr e riv aromatiques ou à parfum. Le projet, des agriculteurs, des services de l’État, des INRAE propose des outils porté par la chambre d’agriculture du Chambres d’agriculture, de l’Agence de éprouvés sur le terrain. Vaucluse, consiste à apporter de l’eau l’Eau, etc. C’est au prix de cette collecte venant du Rhône vers les bassins d’information de qualité que les analyses « Construire des infrastructures, restaurer déficitaires au moyen de canalisa- économiques peuvent permettre d’objecti- des canaux, conseiller et former les tions. L’évaluation conclut que le ver les décisions et de dépasser les positions acteurs, élaborer et diffuser des informa- projet de restauration des canalisa- de principe et les rapports de force. C’est tions, tout cela a un coût, à mettre en tions et d’augmentation des surfaces aussi un premier lieu de concertation. regard avec les bénéfices pour le territoire. irriguées pour les cultures, bien que C’est un investissement en temps et en Pourtant, peu de PTGE sont évalués coûteux, est viable économiquement moyens nécessaire au regard des enjeux », économiquement pour l’instant », en regard des bénéfices. En effet, la conclut Patrice Garin, agrogéographe constate Sébastien Loubier, écono- vigne est la principale ressource de à INRAE et coauteur du Guide exutoire miste à INRAE. Pour développer cet ce territoire, et elle peut apporter méthodologique d’analyse écono- aspect, le ministère en charge de d’autres atouts comme l’œnotou- mique et financière des PTGE à l’Agriculture a sollicité les scienti- risme. Dans cette région non côtière, composante agricole. fiques d’INRAE qui ont élaboré un le tourisme seul ne peut suffire au Guide méthodologique d’analyse développement du territoire. Les grands bassins sont eux-mêmes divisés en ↑ après que le diagnostic et les pistes d’action aient économique et financière des PTGE sous-bassins, emboîtés les uns dans les autres. Bassin versant, été posés par les experts et les décideurs. vue en surface. à composante agricole 1. Ce guide « L’évaluation économique est importante Pour élaborer et évaluer des scénarios de gestion Innovants dans le domaine de l’ingénierie de la propose aux porteurs de projets une car elle indique si le scénario étudié est de l’eau, il est nécessaire de connaître le fonc- participation, les scientifiques d’INRAE pro- méthodologie pour évaluer économi- économiquement souhaitable et rentable tionnement hydrologique de ces bassins versants. posent des outils et surtout une démarche. Selon quement les scénarios de territoire à lorsque l’on se place du point de vue de « Les sept grands bassins français ont été modélisés, avec Nils Ferrand, qui se définit comme un « expéri- échéance de 40 à 50 ans. La méthode chaque catégorie d’acteurs. Mais elle ne plus ou moins d’incertitudes, explique Vazken mentaliste de la transformation » , « une transfor- consiste à comparer la situation en dit pas si ce scénario est le meilleur pour Andreassian, hydrologue à INRAE. En effet, cer- mation imposée génère une résistance du corps social. l’absence de projet et la situation la gestion des ressources en eau, ou pour tains bassins sont complexes, avec des nappes souter- Les modèles experts ne suffisent pas, il faut les associer obtenue grâce au projet. En effet, d’autres critères environnementaux qui raines dont les ressources sont difficiles à estimer ». aux connaissances locales ». C’est ce que propose un dans des territoires en tension pour sont aussi à prendre en compte. Dans le ensemble d’outils appelé COOPLAGE, dévelop- l’eau, ne rien faire peut conduire à un cas du projet dans le Vaucluse, on peut L’ingénierie de la participation, pés depuis les années 2000 : co-construire des appauvrissement du territoire : s’interroger sur l’avenir à long terme, car clé de voûte des projets de territoires stratégies combinant des bases scientifiques et moins d’eau dans les cours d’eau, si le Rhône apparaît pour l’instant comme L’accès et le partage de l’eau peuvent donner lieu des connaissances profanes et rendre les acteurs moins de prélèvements, moins une ressource sécurisée, nous ne savons à des conflits graves. Le drame de Sivens (Tarn), plus autonomes. Les outils COOPLAGE peuvent d’agriculture et de services publics. pas pour combien de temps. Pour qui a vu la mort d’un jeune écologiste lors d’une être déclinés à plusieurs échelles et dans plusieurs préserver la culture de la vigne, il faut manifestation contre la construction d’un barrage contextes. Ils sont utilisés actuellement dans plus Tests grandeur nature penser à des solutions autres que en 2014, l’a rappelé en France. Cet événement a de quarante pays pour aborder divers enjeux so- La méthodologie a été testée en l’irrigation, telles que l’adaptation de la contribué à faire émerger des lois et ordonnances cio-environnementaux, grâce à des programmes 1. Analyse écono- d’applications, S. conditions réelles sur plusieurs vigne à la sécheresse, à travers différents mique et financière Loubier, P. Garin, E. imposant la participation de toutes les parties de formation des acteurs et un Mooc (Terr’Eau PTGE. L’exemple du PTGE « Hauts leviers (choix des cépages ou des des Projets de Hassenforder, M. prenantes dès la conception des projets 4. & co). C’est ainsi, par exemple, que depuis 2018, de Provence rhodanienne » (2017- porte-greffes, pratiques culturales etc.). En Territoire pour la Aucante, C. Lejars, Cette co-construction « en amont » prend du des agents de l’administration tunisienne ont été 2020) illustre bien les liens étroits contrepartie d’un accès à l’eau d’irriga- Gestion de l’Eau 2021. temps. Elle requiert des méthodes solides et de formés pour développer une approche plus par- (PTGE) à compo- https ://www.g-eau. qui existent entre agriculture et tion, certains viticulteurs pourraient tester la formation, car en France, elle est encore peu ticipative de la gestion territoriale dans six zones sante agricole : fr/index.php/fr/ gestion de l’eau. Dans ce territoire ces solutions sur une partie de leur principes méthodo- productions/ pratiquée par les élus et les porteurs d’enjeux, rurales. Une démarche analogue a été conduite situé près d’Avignon, l’objectif est de exploitation », analyse Sébastien logiques et exemples methodes-et-outils) plus habitués à ce que la concertation ait lieu dans le Ceará au Brésil. 14 15
L’AGRICULTURE VA T-ELLE MANQUER D’EAU ? LE PARTAGE DE L’EAU DANS LES TERRITOIRES La modélisation Dans ce contexte, nous avons comparé quatre scénarios que les acteurs outils d’aide à la décision et suppres- sion de l’irrigation en tête de bassin, pour objectiver souhaitaient explorer. Pour cela, nous donnent des résultats intermédiaires. le débat avons utilisé le modèle MAELIA ² qui fournit pour chaque scénario 28 Quels enseignements tirez-vous 3 questions à Delphine Leenhardt, indicateurs d’impacts sur l’eau, mais sur la démarche participative ? agronome à INRAE aussi sur la production agricole. Ce Un des points forts de cette étude, c’est modèle intègre l’hydrologie, les que nous avons construit et évalué les À l’initiative des décisions des agriculteurs (semis, scénarios avec les acteurs. Nous les irrigation…) et celles des gestionnaires avons répartis en groupes ayant des scientifiques d’INRAE, de l’eau (lâchers d’eau, restrictions…). enjeux communs pour ne pas exacer- un processus combinant Il modélise chaque jour les décisions ber les conflits : les gestionnaires de participation, scénarisation de plus de 1 000 agriculteurs sur plus l’eau, les défenseurs de l’environne- de 15 000 parcelles. ment, la profession agricole, etc. En et modélisation des impacts réalité, il y a eu dès le départ une a été conduit sur un Quels enseignements tirez-vous curiosité réciproque entre les groupes sous-bassin de l’Aveyron, de l’étude des scénarios ? et une envie de partager. Lors des pour étudier comment Un premier scénario consiste à discussions en commun, remplacer les petites retenues par trois on a vu émerger des consensus, par résoudre le déséquilibre grandes retenues dites « de substitu- exemple sur l’intérêt d’utiliser les outils hydrique récurrent dans tion », remplies en hiver et utilisées en d’aide au pilotage de l’irrigation, mais ce territoire et dépasser été. À surface irriguée constante, ce aussi des points de blocage, par scénario se traduit par une augmenta- exemple sur la création de retenues Ces outils, d’une grande diversité, couvrent toutes 1. Travail collectif, initié de la Commission locale les conflits entre acteurs. tion des prélèvements (+24 %), ce qui vue comme un frein à l’agroécologie, les phases de la participation, à commencer par par les ministères en de l’eau (CLE) ou président Delphine Leenhardt a peut s’expliquer par le fait que les car encourageant l’irrigation et charge de l’Agriculture et d’un établissement public sa préparation. Pour légitimer le mode de décision, de l’Environnement, et territorial de bassin (EPTB) encadré deux thèses de irrigants ne sont plus contraints par le l’agriculture intensive. Nous avons l’outil PREPAR (Pré-Participation) propose de volume des petites retenues. C’est le observé en effet que le jugement des impliquant : chambres ou d’aménagement et de recherche-action sur définir en amont le rôle dévolu aux différents ac- d’agriculture, collectivités, gestion des eaux (EPAGE) scénario le plus critiqué, y compris par acteurs sur les scénarios ne prenait teurs, puis de s’engager sur la manière dont leurs services et opérateurs de ou encore personnalité ce sujet de 2011 à 2018. les agriculteurs, car il n’induit pas un pas en compte les seules économies l’Etat, scientifiques, reconnue sur le territoire propositions seront prises en compte. C’est une gain de production agricole proportion- d’eau, mais aussi le modèle agricole usagers de l’eau, et dans le domaine de la innovation de taille qui implique que les décideurs associations de protection gestion de l’eau. Quelle est la problématique nel et apparaît comme un gaspillage associé : agroécologie versus agricultu- acceptent de débattre de ce plan de participation. de l’environnement… sur ce territoire ? d’eau, sans compter les coûts liés à sa re intensive. Finalement, des proposi- Deuxième condition d’efficacité : que les acteurs Il vise à construire une 3. Défini par bassin Dans ce bassin, les prélèvements mise en place. Ce scénario présente tions de consensus ont émergé, feuille de route opération- versant, le SAGE met en puissent élaborer un diagnostic partagé, grâce à excèdent régulièrement le seuil néanmoins un intérêt pour la préserva- comme par exemple conditionner la nelle pour répondre aux œuvre une gestion intégrée différents supports - jeux de rôle, fiches, schémas enjeux de gestion de l’eau de la ressource en eau et autorisé pour maintenir le DOE ¹, tion des milieux aquatiques avec un création de retenues à des obligations ou matrices (outils WAT-A-GAME) -, partager leur en lien avec l’agriculture. des milieux aquatiques en entraînant des restrictions d’usage. DOE plus souvent assuré. Parmi les contractuelles de pratiques agroécolo- vision de la justice sociale (JUST-A-GRID) et Toutes les régions ont déjà définissant des objectifs de Les conflits opposent les agriculteurs quatre scénarios, le plus efficace pour giques. Ce travail montre tout l’intérêt engagé leur phase de qualité des eaux et de bon construire ensemble un plan d’action territorial irrigants d’une part, dont beaucoup de diminuer les prélèvements d’eau d’une modélisation la plus précise diagnostic et d’identifica- fonctionnement des cohérent (outil COOPLAN). Enfin, la méthode tion de leviers selon une milieux. Il comporte un producteurs de maïs, et d’autre part les (-42 %) s’appuie sur les principes de possible des impacts des scénarios : ENCORE permet d’évaluer la qualité de la dé- méthodologie commune. règlement qui peut définir défenseurs de l’environnement. Il y a l’agroécologie, puisqu’il repose sur la en s’appuyant sur des indicateurs marche participative au cours du processus plutôt les usages prioritaires et beaucoup de parcelles irriguées autour diversification des cultures : remplacer objectivés, on peut obtenir une réelle 2. PTGE : définis par les les volumes impartis par qu’a posteriori, et ainsi de faciliter les ajustements de la rivière Aveyron. Les prélèvements toutes les monocultures de maïs irrigué discussion, apaisée, entre des acteurs instructions du Gouverne- usages. nécessaires. Cette panoplie de méthodes incite ment (4 juin 2015 et du 7 pour l’irrigation sont compensés par par des rotations maïs irrigué-tourne- aux objectifs divergents. les acteurs à se questionner sur eux-mêmes à mai 2019) à son adminis- 4. Ordonnance 2016-1060 des lâchers d’eau à partir de barrages sol-blé-colza. C’est aussi le scénario toutes les étapes du processus, dans une démarche tration, (préfets coordon- du 3 août 2016 sur le en amont. Autour des affluents de qui requiert le changement de d’ouverture et de maîtrise du changement. « Le nateurs de bassin, préfets Dialogue environnemental. l’Aveyron, il y a aussi près de 400 pe- pratiques le plus profond. Il entraîne 1. Débit d’objectif d’étiage : Valeur minimale de région…) pour de débit, fixée par le SDAGE, à maintenir pour assurer cheminement, le dialogue, la confiance restaurée sont encourager la démarche là tites retenues collinaires individuelles, également une diminution de marge la coexistence normale de tous les usages et le bon les éléments clés pour construire collectivement un pro- où elle est souhaitable. pas toujours entretenues, qui peuvent brute de 9 %. Les deux autres scéna- fonctionnement du milieu aquatique. jet de territoire durable », résume Nils Ferrand. ● Porteur d’enjeu : président avoir des impacts sur l’environnement. rios : pilotage de l’irrigation par des 2. http ://maelia-platform.inra.fr/ 16 17
PROJET DE TERRITOIRE POUR LA GESTION DE L’EAU (PTGE) : LES ÉTAPES D’ÉLABORATION 1.GOUVERNANCE 2.OBJECTIFS 3.DIAGNOSTIC L’AGROÉCOLOGIE État des milieux aquatiques, SOURCE DE SOLUTIONS Définition et mise en place Mise en cohérence usages et besoins en eau, enjeux de la gouvernance avec les SDAGE monétaires ou non MÉTHODOLOGIE INRAE MÉTHODOLOGIE INRAE MÉTHODOLOGIE INRAE Ingénierie de la participation Dialogue de justice sociale Représentation du système Formation des animateurs et des participants, planification Outil JUST-A-GRID outils WAT-A-GAME Préserver la ressource en eau, pour les humains de la participation (outil PREPAR) et pour la planète, c’est à la fois l’économiser et agir sur la cause de sa raréfaction : le changement climatique. Pour l’agriculture, c’est un double défi qui nécessite 4.SCÉNARIOS 5.ANALYSE MULTICRITÈRES 6.CHOIX DU SCÉNARIO des changements rapides et profonds. Et si l’on regardait du côté de l’agroécologie ? Face aux changements globaux, l’évolution de pements… mais c’est aussi toute la chaîne de valeur qui l’agriculture doit s’envisager de façon systémique doit évoluer en partageant les coûts : adapter les outils Établissement de scénarios Comparaison Plan d’action et aller au-delà de la seule production. Choix des de récolte, de collecte et de transformation à des produits de territoire des scénarios Mise en débat des analyses espèces et races d’animaux, pratiques de culture, plus diversifiés et parfois plus hétérogènes, mettre en MÉTHODOLOGIE INRAE MÉTHODOLOGIE INRAE MÉTHODOLOGIE INRAE gestion du paysage, etc., sont à reconsidérer. Com- place de nouvelles filières et de nouvelles pratiques de Modélisation Évaluation multicritères Construction du plan d’action ment conduire cette transition ? Peut-elle être commercialisation, etc. En bout de chaîne, les consom- Hydrologique, socio-économique, (outil MAELIA) (outil COOPLAN) rapide, compte-tenu de l’urgence climatique ? mateurs ont un rôle-clé à jouer, car leurs actes d’achat intégrée (outil MAELIA) Évaluation économique et financière Comment accompagner les agriculteurs qui en sont des leviers puissants pour faire changer l’ensemble sont les premiers maillons ? du système. Il faut que la société toute entière évolue et pas seulement les agriculteurs… ». Le processus de Pour une reconception de l’agriculture co-construction de la transition agroécologique 7.MISE EN ŒUVRE L’agroécologie est une des voies possibles pour fait lui-même l’objet de recherches. DU PLAN D’ACTION concilier les différents enjeux qui se posent à Les travaux d’INRAE s’appuient sur des suivis l’agriculture. Elle propose un cadre cohérent en d’exploitations agricoles, des dispositifs expéri- combinant plusieurs leviers (voir encadré) et im- mentaux ou des living labs (laboratoires vivants), plique un changement profond de démarche : autant de lieux pouvant servir de démonstrateurs. plutôt que de cultiver la variété (ou d’élever la race animale) la plus perfomante dans un envi- La transition peut être rapide ronnement homogène et contrôlé par l’utilisation Certains exemples montrent que la transition d’intrants, il s’agit de combiner une diversité de peut être rapide. Ainsi, à la suite de la suppression variétés et d’espèces pour s’adapter à des condi- en avril 2015 des quotas laitiers et à la chute du tions fluctuantes. D’après Thierry Caquet, direc- prix du lait qui s’en est suivie, des éleveurs laitiers teur scientifique Environnement d’INRAE, « pour aveyronnais se sont convertis en agriculture bio- MÉTHODOLOGIE INRAE les agriculteurs, la réussite de la transition agroécologique logique en deux ans seulement, passant pour Le processus de concertation peut impliquer des investissements en termes de forma- certains d’un système zéro pâturage à sept mois est lui-même évalué en continu tion, de partage de savoir-faire, de mutualisation d’équi- de pâturage dans l’année. La transition vers ce avec l’outil ENCORE. 18 19
L’AGRICULTURE VA T-ELLE MANQUER D’EAU ? L’AGROÉCOLOGIE SOURCE DE SOLUTIONS L’agriculture « Pour une quantité consomment de l’eau, ils apportent au sol, une fois détruits, de la matière de conservation d’eau égale, on observe organique qui améliore le stockage de est-elle économe un meilleur rendement l’eau. Ils limitent aussi les pertes d’eau en biomasse » liées au ruissellement et freinent ainsi en eau ? Lionel Alletto l’érosion du sol qui en découle. Enfin, les couverts ont un autre avantage de Le projet BAG’AGES (2016-2021), « À l’échelle du territoire, il est difficile taille : ils piègent du carbone. C’est coordonné par INRAE et soutenu de savoir si les systèmes en agriculture pourquoi ils représentent le levier par l’Agence de l’eau Adour-Garonne, de conservation permettent des principal du projet 4 pour 1 000 (voir p. 9) visait à répondre à cette question économies d’eau, car certains pour stocker du carbone en grandes au travers du suivi sur trois ans de choisissent d’irriguer leurs couverts cultures. INRAE étudie une grande 11 parcelles chez des agriculteurs avec l’eau économisée en diminuant diversité de plantes de couverts, pures et grâce à la modélisation. les surfaces de maïs irrigué. Par contre, ou en mélange : féverole, vesce, radis on observe que pour une quantité d’eau fourrager, navette, avoine rude, Par ses capacités de stockage de égale, on a un système plus productif roquette, moutarde. » carbone, le sol est un levier majeur en biomasse : + 15 % à 20 %. On a donc augmenté l’efficience de l’eau. Il pour atténuer le changement « Les couverts d’inter- climatique. C’est aussi le milieu faudrait maintenant étudier ce qui se passerait si l’on réduisait graduelle- culture n’ont pas d’im- nourricier des plantes et leur réserve d’eau. L’agriculture de conservation ment l’irrigation du maïs dans ces pacts critiques sur la des sols repose sur trois piliers : systèmes. C’est un axe de recherche ressource en eau » l’absence de travail du sol, la diversifi- pour nos sites expérimentaux, car les Olivier Therond cation et l’allongement des rotations agriculteurs peuvent difficilement et la protection des sols contre prendre ce risque. De plus, nous « Le modèle de simulation que nous système herbager a été très rapide. « Les éleveurs ↑ sol en matière organique, ce qui améliore aussi l’érosion par l’utilisation de couverts devons améliorer nos connaissances utilisons, Maelia ², permet d’analyser ont immédiatement réimplanté des prairies en misant Parcelle en la rétention d’eau. De plus, l’herbe fraîche couvre agroforesterie, végétaux implantés entre les cultures pour sélectionner des variétés plus finement les impacts des couverts sur la diversification des espèces végétales (parfois jusqu’à 90 % des besoins en eau des vaches. associant de dans les rotations. Mais quel est tolérantes au manque d’eau. Pourquoi végétaux et des rotations diversifiées dix espèces avec des cycles de végétation décalés) pour la vigne et une l’impact de ce système sur la obtient-on un meilleur rendement en (maïs, soja, tournesol, céréales…), faire face aux épisodes récurrents de sécheresse. Avec plantation de La transition peut impliquer toute une filière ressource en eau ? Lionel Alletto et biomasse ? Déjà, les plantes bénéfi- car il prend en compte de nombreux une bonne gestion de ces prairies et du pâturage1, les pins. Les transitions sont forcément plus longues pour Olivier Therond, agronomes à INRAE, cient d’un meilleur stock d’eau dans les paramètres : climat, sol, rotations, éleveurs ont réduit leurs charges : moins de culture de les cultures pérennes (vignes, arbres fruitiers) où livrent leurs conclusions à deux sols : nous avons montré que la pratiques (semis, irrigation…), état des maïs, moins d’achats d’engrais et d’aliments concentrés. les choix stratégiques portent sur 15 à 30 ans. échelles différentes, la parcelle « réserve utile »¹ de ces sols augmentait ressources en eau, etc. La principale Ces économies leur ont permis d’améliorer leurs résul- Dans le cas de la vigne, par exemple, c’est toute et le territoire. À noter, sur trois sites, de 8 à 15 % par rapport à des sols crainte portait sur l’impact sur l’eau des tats économiques dès la première année, avant même la filière française qui s’est mobilisée pour s’adap- on a pu comparer des parcelles en travaillés. L’eau s’y infiltre mieux, car couverts d’intercultures, car, s’ils ont d’être labellisés “agriculture biologique” et de bénéficier ter au changement climatique et contribuer à son agriculture de conservation et des même si les sols non travaillés sont l’avantage de capter du CO₂, ils des prix du lait bio, environ 1,5 fois plus cher que le lait atténuation. Première filière à avoir mené à bien parcelles labourées, dans les mêmes plus denses, leurs pores sont mieux consomment de l’eau du sol, ce qui conventionnel à l’époque », analyse Guillaume Mar- sa réflexion dans ce domaine, elle a présenté sa conditions de sol et de climat. connectés, du fait de la présence de peut pénaliser la culture suivante, ainsi tin, agronome à INRAE, qui a suivi avec son stratégie aux pouvoirs publics en 2021. Celle-ci galeries de vers de terre et de réseaux que la recharge des nappes et les équipe 19 éleveurs laitiers pendant trois ans. Les s’appuie sur les résultats du projet LACCAVE de racines, qui peuvent aller en écoulements vers les cours d’eau. enquêtes montrent par ailleurs que la satisfaction (2012-2021), une initiative d’INRAE impliquant profondeur car elles ne sont pas La modélisation a dissipé cette crainte des éleveurs s’est améliorée avec la conversion Certains exemples arrêtées par les « semelles de labour ». pour le bassin versant étudié, car elle au bio, en particulier sur les aspects de rentabi- Autre raison possible : les plantes sont montre que les couverts n’ont pas lité économique et de liens sociaux. mieux nourries du fait d’une améliora- tion des associations symbiotiques, d’effets critiques sur la culture suivante, ni sur les débits des cours d’eau. Dans Cette conversion présente également d’impor- tants avantages au regard de l’atténuation et de montrent que la notamment mycorhiziennes, lorsque les sols sont maintenus couverts et le cas particulier de sols superficiels ou si les pluies sont rares, il faut juste les l’adaptation au changement climatique. Elle per- met d’être plus autonome pour nourrir les ani- transition vers 1. Réserve utile = quantité d’eau que le sol 2. http ://maelia-plat- form.inra.fr/ peu travaillés. La rétention de l’eau détruire assez tôt pour que la réserve en maux et de bénéficier des avantages des prairies en termes de stockage de carbone, de lutte contre l’agroécologie peut être rapide. peut absorber et dans les sols est aussi favorisée par les eau du sol se reconstitue avant la levée restituer à la plante couverts d’intercultures, car même s’ils de la culture suivante ». l’érosion, de biodiversité et d’enrichissement du 20 21
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