L'APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 - International Organisation of Employers
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L’ÉCONOMIE INFORMELLE L’APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 International Organisation of Employers Organisation Internationale des Employeurs Organización Internacional de Empleadores
Table des matières Résumé analytique ........................................................................................................... 1 1. Préface ...................................................................................................................... 3 2. Qu’est-ce que l’économie informelle ? ....................................................................... 4 Les causes de l’informalité ........................................................................................................ 6 Entre formalité et informalité ................................................................................................... 7 Les normes internationales sur l’informalité ............................................................................. 7 3. Quelle est l’ampleur de l’informalité ? ....................................................................... 8 4. Les conséquences de l’informalité ........................................................................... 11 5. Principales politiques pour lutter contre l’informalité .............................................. 15 Les outils d'analyse politique existants pour l'économie informelle ......................................... 17 Un environnement réglementaire efficace .............................................................................. 18 La simplification des procédures d'enregistrement et de démarrage des entreprises ................ 19 Un droit du travail flexible ...................................................................................................... 21 Une protection sociale solide .................................................................................................. 22 L'accès au crédit ..................................................................................................................... 23 Les droits de propriété ........................................................................................................... 24 Le développement des compétences et l’éducation ................................................................ 24 L'accent sur la productivité ..................................................................................................... 25 6. Les organisations d'employeurs et d'entreprises et l’informalité : recommandations 25 Recherches et stratégies sur l’économie informelle ................................................................. 26 Services pour les entreprises informelles ................................................................................ 27 Sensibilisation à l’économie informelle ................................................................................... 28 Soutien aux institutions du secteur informel ........................................................................... 30
Résumé analytique L'économie informelle est l'un des plus grands défis de développement économique auxquels les sociétés se trouvent confrontées aujourd'hui partout dans le monde. L'économie informelle, selon l'Organisation internationale du travail (OIT), est définie comme "les activités économiques des travailleurs et des unités économiques qui ne sont pas couvertes – en droit ou en pratique – ou insuffisamment couvertes par des dispositifs formels.”1 L'informalité est un concept complexe, qui couvre à la fois les individus et les entreprises qui travaillent dans l'économie informelle pour de nombreuses raisons. Pour certains, il s'agit d'une stratégie de survie lorsqu’il n’y a pas de travail formel disponible, tandis que pour d'autres, il s'agit d'une décision délibérée et intéressée. Alors que les discussions autour de l'informalité parlent souvent de "formel" ou "informel", dans la pratique, de nombreux travailleurs et entreprises se situent dans une zone grise entre les deux. L'informalité est omniprésente et ses conséquences sont importantes. On estime que 61 % de la population active mondiale vit de l'économie informelle. Elle est concentrée dans les économies émergentes et en développement, qui abritent 93 % de l'ensemble des travailleurs informels. Elle est étroitement liée à des résultats économiques négatifs, notamment la pauvreté et la faible productivité. Dans les économies émergentes et en développement, l'écart de productivité moyen entre les entreprises formelles et informelles est estimé à 75 %.2 L'informalité peut souvent entraîner des risques financiers plus importants pour les travailleurs et les entreprises, ou une moindre rentabilité de leurs efforts. Elle peut présenter des défis supplémentaires pour les femmes, en particulier dans les pays à faible revenu où elles sont plus susceptibles de travailler de manière informelle et d'être des travailleuses familiales contribuantes, ayant un statut vulnérable avec une rémunération faible, voire nulle. La lutte contre l'informalité nécessite une large consultation et une approche interministérielle sur un vaste éventail de questions politiques. L’axe politique doit non seulement viser à atténuer les conséquences de l'informalité, mais aussi à s'attaquer à ses causes profondes, notamment en améliorant l'environnement favorable aux entreprises. Les politiques et les programmes de lutte contre l'informalité doivent toujours être axés sur la pratique et faire l'objet d'évaluations régulières des impacts, tout en étant toujours conscients des droits des travailleurs. Dans tous les efforts de lutte contre l'informalité, le gouvernement doit travailler avec le secteur privé et ses organisations représentatives en tant que partenaire stratégique. 1 R. n° 204 de l’Organisation internationale du travail. Les “Unités économiques” comprennent les unités qui emploient de la main-d'œuvre, les travailleurs à leur propre compte (soit seuls, soit avec le concours de travailleurs familiaux non rémunérés) et les coopératives et unités de l'économie sociale et solidaire. 2 Banque mondiale. 1
La réduction de la réglementation et de la bureaucratie excessives est un objectif politique important, car elles peuvent directement conduire à l'informalité en incitant les entreprises à éviter la gouvernance formelle. Elle peut également contribuer à lutter contre les risques de corruption qui accompagnent souvent l'excès de bureaucratie. L'enregistrement des entreprises pourrait être modifié pour qu'il soit simple, transparent et automatique. D'autres obstacles à la création d'entreprise, tels que les licences, les permis et les exigences en matière de capital minimum, devraient également être adaptés. D'autres réformes peuvent contribuer à lutter contre l'informalité, notamment l'amélioration de l'accès au crédit et aux droits de propriété, ainsi que le renforcement du développement des compétences et de la formation. Une plus grande flexibilité du cadre du droit du travail peut entraîner une augmentation de la formalité et de l'embauche, et pourrait s'accompagner d'améliorations du système d'administration du travail. Ces réformes devraient être complétées par un système de protection sociale solide qui couvre non seulement les employés mais aussi tous les travailleurs de l'économie informelle. Si les employeurs ont un rôle important à jouer dans la prise en charge de certains coûts de la protection sociale, le soutien de l'État est également nécessaire, notamment pour assurer la protection sociale des travailleurs informels qui n'ont pas d'employeur. Dans toutes les réformes politiques, les employeurs devraient constamment insister sur l'importance de l'augmentation de la productivité, qui est l'objectif unique le plus important pour réduire les causes profondes de l'informalité. Les organisations d'employeurs et d'entreprises ont un rôle important à jouer dans la lutte contre l'informalité, par la prestation de services, la sensibilisation, la recherche et le soutien institutionnel. Les organisations d'employeurs et d'entreprises plaident déjà en faveur de certaines politiques, notamment celles qui améliorent l'environnement favorable et qui peuvent également contribuer à lutter contre l'informalité. Pour développer davantage leur travail sur l'informalité, les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent commencer par mener des recherches et des analyses supplémentaires, en commençant par l'état de l'économie informelle dans le contexte de leur pays. Cela peut inclure un examen des données et des enquêtes, une étude des principales politiques qui façonnent l'économie informelle et une analyse de la concurrence avec l'économie formelle. Les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent également développer de nouveaux services ciblant directement les défis du secteur informel, tels que des services de conseil aux entreprises informelles sur la formalisation ou des services de formation et de conseil pour améliorer la productivité. Les organisations d'employeurs et d'entreprises pourraient également utiliser les nouveaux services adressés aux entreprises informelles comme un outil de marketing, en les utilisant comme point d'entrée pour que de nouveaux membres rejoignent l'organisation d'employeurs et d'entreprises, peut-être dans le cadre d'une formule d'adhésion simplifiée. Les organisations d'employeurs et d'entreprises devraient également élaborer un programme de sensibilisation à l'informalité. Ce programme devrait être guidé par des principes clés, notamment l'accent mis sur des améliorations réalistes et la prise en compte de la 2
productivité limitée de nombreuses entreprises informelles. Les principaux domaines politiques que les organisations d'employeurs et d'entreprises doivent inclure dans leur programme de sensibilisation sont l'enregistrement des entreprises, la fiscalité et la réglementation du travail. Les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent également envisager de faire pression en faveur du développement de l'administration en ligne ou de l'amélioration des programmes de financement spéciaux destinés aux entreprises informelles. À tout moment, cependant, les propositions politiques doivent être bien conçues et adaptées au contexte local. Enfin, les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent jouer un rôle important en soutenant le développement d'organisations qui travaillent plus étroitement avec l'économie informelle, notamment les associations d'entreprises informelles. L'Organisation internationale des employeurs (OIE) encourage les institutions internationales et les gouvernements à poursuivre leurs efforts de lutte contre l'informalité. Les organisations d'employeurs et d'entreprises sont des partenaires naturels pour ces institutions et ces gouvernements, et elles ont un intérêt commun à s'attaquer à la fois aux causes profondes et aux conséquences de l'informalité par des solutions politiques pratiques et axées sur la demande. En fin de compte, les réformes nécessaires pour lutter contre l'informalité doivent être mises en œuvre dans le cadre de processus politiques nationaux dirigés par des acteurs nationaux. Les organisations d'employeurs et d'entreprises au niveau national sont un acteur essentiel dans ce processus, avec un rôle distinct en tant que représentant légitime de l’ensemble des entreprises et un engagement clair pour améliorer les économies et le travail dans le monde. 1. Préface L'économie informelle est l'un des plus grands défis au développement économique auxquels sont confrontées les sociétés dans le monde. L'informalité est omniprésente. Plus de 60 % des travailleurs dans le monde relèvent de l'économie informelle. Ils gagnent en moyenne moins que les travailleurs de l'économie formelle et sont également moins productifs. S'attaquer à l'informalité – tant ses causes que ses conséquences – fait partie intégrante de toute stratégie visant à promouvoir une croissance et un développement économiques durables et inclusifs. Les particuliers et les entreprises de l'économie informelle s'efforcent de faire des affaires dans une situation d'incertitude juridique et d'insécurité, alors qu'ils sont également confrontés à de nombreuses contraintes économiques. Les entreprises rencontrent des difficultés en matière d'enregistrement, de fiscalité, de réglementation du travail et dans d'autres domaines. Elles se retrouvent également face à des obstacles en matière de transactions, de droits de propriété, de contrats, d'identité commerciale, de mobilisation de capitaux et de commerce. En fait, elles se battent pour obtenir la reconnaissance officielle de propriété de leurs biens et de leur entreprise. Pour des milliards de travailleurs, l'informalité signifie un manque de protection sociale, de droits au travail et de conditions de travail 3
décentes, ainsi qu'une grande incertitude quant à leurs revenus et à leurs moyens de subsistance. La crise du COVID-19 n'a fait qu'amplifier les faiblesses structurelles préexistantes liées à l'informalité et souligner la nécessité d'y remédier. La transition de l'économie informelle à l'économie formelle est un défi, mais les normes internationales fournissent quelques orientations. La recommandation n° 204 de l’OIT concernant la transition de l'économie informelle à l'économie formelle appelle à "un cadre de politiques intégrées pour faciliter la transition vers l'économie formelle", qui combine un large éventail de politiques pertinentes de manière cohérente. En outre, la R 204 souligne l'importance d'élaborer des mesures adaptées au contexte et au moment. Les acteurs nationaux - gouvernements, travailleurs et entreprises - sont les mieux placés pour guider cette transition dans leurs propres contextes nationaux. Le présent document identifie les domaines spécifiques dans lesquels les employeurs, les gouvernements et la communauté internationale doivent prendre des mesures décisives. Il est principalement destiné aux organisations d'employeurs et d'entreprises, notamment dans les pays où le niveau d'informalité est élevé. Son objectif est de soutenir le travail de ces organisations d'employeurs et d'entreprises dans leur lutte contre l'informalité et leur soutien à la formalisation des travailleurs et des entreprises. 2. Qu’est-ce que l’économie informelle ? "L'économie informelle" est la partie de l'économie globale qui se déroule en dehors des cadres réglementaires officiels du gouvernement. L'Organisation internationale du travail (OIT) a défini l'économie informelle comme "les activités économiques des travailleurs et des unités économiques qui ne sont pas couvertes – en droit ou en pratique – ou insuffisamment couvertes par des dispositifs formels."3 Le FMI a décrit l'économie informelle comme des activités non réglementées dans l'agriculture, le commerce de détail et l’économie de plateforme et l'a caractérisée comme un filet de sécurité pour les pauvres et ceux ayant de faibles revenus, une faible productivité et un accès limité aux prestations gouvernementales.4 "L'économie informelle" - souvent simplement appelée "informalité" - a également été définie comme "la production légale et basée sur le marché de biens et de services qui est cachée aux autorités publiques pour des raisons monétaires, réglementaires ou institutionnelles."5 3 R. n° 204 de l’Organisation internationale du travail. Les “Unités économiques” comprennent les unités qui emploient de la main-d'œuvre, les travailleurs à leur propre compte (soit seuls, soit avec le concours de travailleurs familiaux non rémunérés) et les coopératives et unités de l'économie sociale et solidaire. 4 Remarques vidéo de Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI https://www.imf.org/en/News/Seminars/Conferences/2019/03/25/7th-statistical-forum 5 Schneider, Buehn, et Montenegro 2010 4
Comme le souligne cette dernière définition, l'économie informelle se distingue généralement de l'économie illicite, excluant des activités telles que la production de drogues. Pour les travailleurs, l'informalité peut inclure le travail indépendant ainsi que l'emploi informel dans des entreprises formelles ou informelles. Pour les entreprises, l'informalité comprend le fait d'opérer en dehors des cadres fiscaux, d'enregistrement et autres cadres juridiques et réglementaires. Les travailleurs et les entreprises opèrent dans l'économie informelle pour diverses raisons. Pour certains, l'informalité est une position de repli lorsqu'ils ne parviennent pas à trouver un emploi ou des opportunités commerciales dans l'économie formelle en raison d'obstacles élevés à l'entrée ou d'un manque de capital humain6. Pour ces travailleurs, l'informalité est une stratégie de survie et non une tactique commerciale. D'autres choisissent volontairement de quitter le secteur formel parce que l'informalité peut offrir une plus grande flexibilité ou indépendance7. Parfois, les individus et les entreprises estiment que les coûts de conformité aux réglementations et aux lois de l'économie formelle dépassent les avantages8. Ces entreprises choisissent de rester informelles parce que cela leur donne un avantage concurrentiel. D'autres entreprises ne connaissent tout simplement pas les processus de formalisation. Ces différents groupes de travailleurs et d'entreprises peuvent être caractérisés par leurs divers niveaux de sophistication, notamment : • Au bas de l'échelle, la plupart des indépendants qui font le commerce de produits de base comme la nourriture ou qui fournissent des transports de base ou d'autres services de base ; ce groupe est souvent celui qui a le plus besoin d'une protection sociale de base, et a généralement peu d'autres opportunités économiques. Les stratégies centrées sur l'application de la loi ne sont pas idéales pour ce groupe. • Au niveau intermédiaire, ceux qui sont engagés dans le commerce plus organisé et la fabrication simple et limitée de biens de base pour les clients de l'économie informelle ; ce groupe peut mieux répondre aux stratégies d'augmentation de la productivité et aux sources d’information. • À l'extrémité supérieure, ceux qui sont engagés dans la fabrication à petite échelle avec de faibles niveaux de technologie (ils peuvent faire partie de chaînes d'approvisionnement plus élaborées dans l'économie formelle). Ce groupe répond également mieux aux stratégies d'augmentation de la productivité et constitue une cible plus appropriée pour une mise en application accrue de la loi. 6 Voir par exemple : de Soto 1989, Perry et al 2007 7 Voir par exemple : Blanchflower, Oswald et Stutzer 2001 8 Kanbur, R. 2009. “Conceptualizing Informality: Regulation and Enforcement.” IZA Discussion Paper 4186, IZA- Institute of Labour Economics, Bonn, Allemagne. 5
L'informalité existe dans un large éventail de secteurs, notamment le tourisme, la vente ambulante, l'agriculture, la fabrication et de nombreux types de services. Si l'économie informelle partage certaines caractéristiques fondamentales, bon nombre de ses caractéristiques et défis spécifiques sont propres à chaque pays. Il ne s'agit pas d'une entité singulière, et les solutions politiques ne peuvent pas nécessairement être transposées d'un pays à l'autre. Les causes de l’informalité L'informalité est un défi complexe, dont les causes sont multiples et qui varient en fonction des circonstances nationales. Dans la littérature académique, il existe deux grandes écoles de pensée sur les causes de l'informalité. La première considère que l'informalité est un symptôme de sous-développement. Selon cette approche, l'économie informelle est le résultat de la faible productivité des travailleurs et des entreprises. Cette situation est due à des facteurs structurels, notamment le manque de capital physique, le faible niveau d'éducation et certains facteurs sociodémographiques (tels qu'une forte incidence de populations jeunes et rurales). Selon cette perspective, les politiques visant à réduire l'informalité devraient viser à accroître la productivité de la main-d'œuvre et des entreprises. La deuxième école de pensée considère que l'informalité est le résultat d'une mauvaise gouvernance. Ainsi, l'informalité est la réponse du secteur privé à une économie trop réglementée et à un État inefficace. Selon cette approche, les entreprises choisissent d'opérer dans le secteur informel lorsque les coûts de mise en conformité avec les réglementations dépassent les avantages de l'accès aux services publics offerts aux entreprises formelles. Si l'informalité est le résultat d'une mauvaise gouvernance, les politiques devraient se concentrer sur l'amélioration de l'environnement réglementaire et des services publics. Les deux écoles de pensée offrent des perspectives importantes. L'informalité est un phénomène complexe et multiforme, qui ne peut être attribué à une cause unique. L'informalité est profondément liée à l'absence de croissance économique, et notamment de croissance axée sur la productivité. Les différences entre les entreprises formelles et informelles sont frappantes. Une étude a révélé qu’une entreprise informelle moyenne d'une économie émergente ou en développement atteint à peine le quart de la productivité d’une entreprise moyenne du secteur formel.9 Les raisons de ces différences sont souvent dues à de mauvaises politiques ou à un cadre juridique et institutionnel national inadapté qui ne favorise pas le développement des entreprises formelles. Parmi ces lacunes, on peut citer des politiques d'éducation et de formation inadéquates, des institutions faibles, des coûts de transaction élevés, une réglementation excessive, des systèmes administratifs sujets à la corruption et à l'inefficacité, une fiscalité compliquée et prohibitive, l'absence de droits de 9 https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/challenges-informality 6
propriété, un manque d'accès au crédit et l'absence d'un système juridique et judiciaire facilitateur et stable. L'informalité n'est pas le résultat de la mondialisation car les origines et le principal développement de l'économie informelle sont antérieurs à la phase actuelle de la mondialisation. Ce sont les échecs des politiques et des institutions qui continuent de contribuer à l'informalité, ce qui fait de l'économie informelle un refuge pour ceux qui, autrement, n'auraient pas d'emploi, d'opportunités commerciales ou de sources de revenus. Entre formalité et informalité Bien que les discussions politiques sur la formalité se concentrent souvent sur le modèle binaire "formel" et "informel", en réalité, de nombreux travailleurs et entreprises se situent dans une zone grise entre les deux. Ce point a souvent été souligné, par exemple dans un rapport des Nations Unies qui note que "les relations économiques — de production, distribution et emploi — tendent à se situer à un certain point sur une ligne entre les relations purement "formelles" (c'est-à-dire réglementées et protégées) à une extrémité et les relations purement "informelles" (c'est-à-dire non réglementées et non protégées) à l'autre, avec de nombreuses catégories intermédiaires."10 Ces nombreuses nuances de gris –entre formel et informel – ont été largement documentées. Au Pérou, par exemple, les vendeurs ambulants qui présentent certains aspects de l'informalité, comme le non-paiement des taxes ou le non-respect des réglementations en matière de travail et de santé, sont réglementés d'une autre manière et s'engagent souvent auprès des fonctionnaires de l'État au sujet de ces zones grises.11 Dans le même temps, des entreprises beaucoup plus grandes qui peuvent techniquement être "formelles" et présenter de nombreuses caractéristiques de formalité peuvent néanmoins s'engager dans des pratiques informelles — par exemple en ne respectant pas toutes leurs obligations en matière d'impôts ou de sécurité sociale. Les normes internationales sur l’informalité Le défi de l'informalité a récemment été clairement abordé dans les normes internationales du travail et notamment dans la recommandation 204 de l'OIT : Recommandation sur la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle, 2015 (R204).12 La R204 a une portée très large, une conséquence directe de la nature complexe de l'informalité. Cependant, la recommandation énonce un certain nombre d'observations et de principes importants sur l'informalité, notamment que les États membres devraient : 10 https://www.un.org/en/ecosoc/meetings/2006/forum/Statements/Chen%27s%20Paper.pdf 11 Roever, Sally C. 2005. “Negotiating Formality: Informal Sector, Market, and State in Peru.” PhD Diss., University of California, Berkeley, p. 172 12 http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R204 7
• Évaluer les facteurs, les caractéristiques, les causes et les circonstances de l'informalité dans leur contexte national et concevoir des stratégies cohérentes et intégrées – y compris des lois, des règlements, des politiques et d'autres mesures – pour faciliter la transition de l'informalité vers la formalité. • Formuler et mettre en œuvre une politique nationale de l'emploi, en plaçant au centre de celle-ci le plein emploi, décent, productif et librement choisi. • Prendre des mesures pour faire progresser le travail décent et les principes et droits fondamentaux au travail dans l'économie informelle. • Étendre progressivement, en droit et en pratique, la sécurité sociale, la protection de la maternité, des conditions de travail décentes et un salaire minimum à tous les travailleurs de l'économie informelle. • Prendre des mesures appropriées pour lutter contre la fraude fiscale et le contournement des cotisations sociales, des lois et des réglementations du travail. Il expose également les points de vue des États membres de l'OIT sur la nature et les conséquences de l'informalité. Il indique notamment que l'économie informelle est un "défi majeur pour les droits des travailleurs, y compris les principes et droits fondamentaux au travail, et pour la protection sociale, les conditions de travail décentes, le développement inclusif et l'état de droit. "13 Il poursuit en notant que l'informalité a également un impact négatif sur le développement des entreprises durables, les recettes publiques, la portée de l’action politique des gouvernements, la qualité des institutions et l'équité de la concurrence. Faisant écho aux principales conclusions de la littérature, il note également que la plupart des gens entrent dans l'économie informelle en raison du manque d'opportunités formelles. Les conclusions appellent également les États membres de l'OIT à prendre des mesures urgentes et appropriées pour permettre la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle, en reconnaissant à la fois la grande diversité de l'économie informelle et les différents contextes nationaux. 3. Quelle est l’ampleur de l’informalité ? Bien que l’ampleur de l'économie informelle varie d'un pays à l'autre, elle représente une part importante de la production et de l'emploi dans presque tous les marchés émergents et les économies en développement. Il est extrêmement difficile de rassembler des informations fiables sur l'activité informelle, en grande partie en raison de sa nature même – opérer en dehors de la loi. Diverses tentatives ont néanmoins été faites pour évaluer la portée de l'économie informelle. La Banque mondiale a estimé que dans les marchés émergents et les économies en développement, où l'économie informelle est plus répandue, elle représente environ un tiers de la production et plus de deux tiers de l'emploi. Dans les marchés émergents et les économies en développement où l'informalité est la plus répandue, 46 % du PIB 13 OIT R 204 8
provenait de l'économie informelle, soit le double de la part de la production informelle dans les marchés émergents et les économies en développement où l'informalité est la plus faible. En Afrique subsaharienne, en Europe et en Asie centrale, ainsi qu'en Amérique latine et dans les Caraïbes, la part du PIB issue de l'économie informelle était en moyenne d'environ 40 % entre 2010 et 2016. Figure I : Part de la production informelle Pourcentage du PIB Monde Marchés émergents et économies Économies avancées en développement https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal- economy-full-report.pdf L'importance de l'économie informelle pour l'emploi est encore plus significative. L'OIT a estimé que deux milliards de personnes – plus de 61 % de la population active mondiale – gagnent leur vie dans l'économie informelle.14 Cependant, ces personnes ne sont pas réparties de manière égale dans le monde. Au contraire, elles sont fortement concentrées dans les pays émergents et en développement, qui abritent la grande majorité – 93 % – de l'emploi informel mondial.15 Dans de nombreux marchés émergents et pays en développement, la majorité de la population travaille dans le secteur informel. L'OIT et l'OCDE ont constaté que le taux d'informalité est de 67,4 % dans les pays émergents et de 89,8 % dans les pays en développement, alors qu'il est de 18,3 % dans les pays développés. 16 En Afrique, 85,8 % des emplois sont informels. Cette proportion est de 68,2 % en Asie et dans le Pacifique, de 68,6 % 14 OIT, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un tableau statistique”, avril 2018 15 Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un tableau statistique” 16 OCDE-OIT, 2018, “Lutter contre la vulnérabilité dans l’économie informelle” 9
dans les États arabes, de 40,0 % dans les Amériques et de 25,1 % en Europe et en Asie centrale.17 La part de l'emploi indépendant — un autre indicateur de l'informalité — en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud, en Asie de l'Est et dans le Pacifique, a varié de 50 % à plus de 60 % de l'emploi total au cours de la même période. Figure II : Part de l’emploi informel Pourcentage de l’emploi Monde Marchés émergents et Économies avancées économies en développement https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal-economy- full-report.pdf Si l'économie informelle reste une source essentielle de production économique et de travail, sa part du PIB mondial total a diminué au fil du temps. Mesurée en pourcentage du PIB, l'économie informelle s'est progressivement réduite dans toutes les régions. Cela suggère que les réformes visant à réduire l'informalité, comme la réduction des obstacles à l'enregistrement d'une entreprise, portent progressivement leurs fruits, mais cela montre également que le passage de l'informel au formel prend du temps. 17 Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un tableau statistique ” 10
Figure III : Économie informelle, pourcentage moyen du PIB par région Source: Medina, Leandro et Friedrich Schneider 2019. “Faire la lumière sur l’économie de l’ombre : une base de données mondiale”, Document de travail, FMI 4. Les conséquences de l’informalité Les effets de l’informalité sur les femmes L'emploi informel est vital pour les femmes comme pour les hommes, mais il existe des différences notables entre les sexes. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à occuper un emploi informel – 63 % contre 58 %. Sur les deux milliards de travailleurs de l'emploi informel dans le monde, un peu plus de 740 millions sont des femmes. Cependant, les femmes occupant un emploi informel, en particulier celles des pays à revenu faible ou intermédiaire, se retrouvent plus souvent dans les situations les plus vulnérables.18 Bien que les hommes soient plus susceptibles de travailler dans l'emploi informel que les femmes dans l'ensemble, cette situation est inversée dans les pays à faible revenu. Là, 92 % des femmes travaillaient de manière informelle, contre 87 % des hommes. 19 Les femmes occupant un emploi informel étaient également beaucoup plus susceptibles de travailler en tant que travailleuses familiales contribuantes, qui sont souvent sous-payées ou pas payées du tout. Plus de 30 % des femmes dans l’emploi informel dans les pays à revenu faible ou intermédiaire appartiennent à ce groupe. Les différences entre les femmes et les hommes travaillant dans l'emploi informel varient également selon les régions. Les femmes sont plus exposées à l'emploi informel dans 90 % des pays d'Afrique subsaharienne, 89 % des pays d'Asie du Sud et près de 75 % des pays 18 Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un tableau statistique ” 19 OIT 2018 11
d'Amérique latine. Les écarts entre les sexes sont les plus élevés en Gambie, au Liberia, en République démocratique du Congo et en Zambie. Les hommes sont plus susceptibles d'occuper un emploi informel en Afrique du Nord, dans les États arabes et en Europe. En Irak et en Jordanie, par exemple, la proportion d'hommes occupant un emploi informel est supérieure de 20 points de pourcentage à celle des femmes. 20 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/documents/publication/wcms_626831.pdf De par sa nature même, l'économie informelle se caractérise par un certain nombre d'éléments négatifs. Elle est associée à une faible productivité et à la pauvreté. Les particuliers et les entreprises de l'économie informelle ont plus de mal à accéder au capital, au crédit, à la technologie, aux marchés et aux institutions. Pour les travailleurs, elle peut entraîner un risque financier plus élevé ou une moindre rémunération de leur travail. Elle est liée à des conditions de travail inférieures, à l'insécurité de l'emploi, au manque d'accès aux prestations sociales et à la sécurité sociale. Pour les gouvernements, elle se traduit par une baisse des recettes publiques, ce qui affecte leur capacité à mettre en place des institutions et à fournir des services au public. L'une des conséquences les plus importantes de l'informalité est qu'elle est étroitement associée à des niveaux plus élevés de pauvreté et d'inégalité économique. Les travailleurs des pays présentant des niveaux élevés d'informalité étaient cinq fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les travailleurs des pays présentant des niveaux plus faibles d'informalité. 21 De même, les niveaux d'inégalité étaient également plus élevés dans les pays où l'informalité était importante. La relation entre l'informalité et la pauvreté s'explique en partie par les niveaux de productivité inférieurs du secteur informel. L'écart de productivité entre les entreprises informelles et formelles est important. Dans les marchés émergents et les économies en développement, cet écart a été estimé à 75 % en moyenne. 22 Cet écart de productivité contribue également à une pénalité salariale pour les travailleurs du secteur informel. Selon une étude de la Banque mondiale, le salaire médian des travailleurs du secteur formel est supérieur de 18 % à celui des travailleurs du secteur informel. 23 Cet écart entre la productivité et les salaires s'explique en partie par les caractéristiques des travailleurs des secteurs formel et informel. Les travailleurs du secteur informel ont tendance à être "moins qualifiés, plus jeunes ou plus âgés, et plus agricoles que les travailleurs du secteur formel". 24 20 OCDE-OIT, 2018, “Lutter contre la vulnérabilité dans l’économie informelle” 21 Banque mondiale 152 22 Banque mondiale 23 https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal- economy-full-report.pdf, p. 130 24 https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal- economy-full-report.pdf, p. 132 12
Les travailleurs du secteur informel sont également confrontés à de plus grands risques, notamment financiers, de santé et de sécurité. De nombreux travailleurs du secteur informel travaillent pour leur propre compte, et ne reçoivent donc pas de salaire garanti. Ces travailleurs sont particulièrement vulnérables aux variations de leurs revenus. Les travailleurs du secteur informel sont aussi régulièrement exposés aux risques et aux maladies professionnelles, mais ils n'ont ni employeur officiel responsable de leur santé et de leur sécurité, ni accès à un filet de sécurité sociale géré par l'État. L'informalité a également des répercussions importantes sur la situation fiscale des gouvernements. En général, les travailleurs et les entreprises informels ont tendance à ne pas payer d'impôts ni de cotisations sociales. De ce fait, les gouvernements des pays où l'économie informelle est plus répandue ont tendance à percevoir moins de recettes fiscales. Notamment, dans les marchés émergents et les économies en développement où le PIB de l'économie informelle est élevé, les recettes et les dépenses publiques sont en moyenne inférieures de 5 à 10 % à celles des marchés émergents et des économies en développement où l'économie informelle est moins importante.25 Figure IV : Informalité et indicateurs fiscaux Pourcentage du PIB Élevé - Faible Élevé - Faible Recettes publiques – Dépenses publiques Recettes publiques – Dépenses publiques Eigen et al. (à paraître) ; Banque mondiale (2019); Statistiques des finances publiques, FMI Dans les pays où l'économie informelle est importante, les gouvernements disposent de moins d'argent, ont tendance à être moins efficaces et souffrent de niveaux de corruption plus élevés. Cela nuit à la qualité des services publics. Le manque de ressources financières nationales constitue un obstacle majeur à l'extension de la protection sociale et d'autres systèmes essentiels au développement national, tels que les systèmes d'éducation et de 25 Banque mondiale 2019 13
santé. Cela crée le risque d'un cercle vicieux qui complique encore plus les efforts du gouvernement pour augmenter les revenus ou encourager la formalisation de l'activité économique. Le manque à gagner en matière de taxes et de contributions, qui est parfois très significatif, fait peser une charge injuste sur les entreprises qui sont enregistrées et remplissent leurs obligations à cet égard. Comme les opérateurs et les travailleurs informels ont tendance à ne pas payer d'impôts et de cotisations sociales, ils peuvent être engagés dans une concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises formelles. En effet, un large segment de l'économie informelle peut être constitué d'entreprises de taille moyenne qui parviennent à se soustraire totalement ou partiellement de leurs obligations réglementaires et fiscales, souvent grâce à des liens avec des fonctionnaires gouvernementaux. Malgré ces caractéristiques négatives, l'économie informelle joue un rôle économique important dans de nombreux pays. Non seulement elle sert de "poumon" vital permettant à ceux qui sont exclus de l'économie formelle de survivre, mais c'est aussi le lieu où de nombreux entrepreneurs potentiels font leurs premières armes. Les travailleurs de l'économie informelle font régulièrement preuve d'un réel sens des affaires, de créativité, de dynamisme et d'innovation. Ce potentiel entrepreneurial peut s'épanouir s'il est soutenu par des services et des incitations appropriés, ainsi que par des stratégies efficaces visant à supprimer les obstacles à la formalisation. L'informalité et la pandémie de COVID 19 La pandémie de coronavirus (COVID-19) a fait payer un lourd tribut aux économies des marchés émergents et en développement qui possèdent des secteurs informels étendus. L'un des défis les plus importants a été d'atteindre les nombreux travailleurs et entreprises informels qui ne sont pas enregistrés auprès du gouvernement et ne peuvent pas accéder aux prestations. En réponse à la crise du COVID-19, de nombreux pays ont étendu la couverture santé et d'autres mesures de protection sociale aux groupes non couverts, notamment aux travailleurs du secteur informel. Ces mesures ont été particulièrement importantes dans les pays qui ont connu des confinements, qui ont fait perdre à de nombreux travailleurs informels une partie ou la totalité de leurs revenus pendant un certain temps. L'informalité – de par son lien avec la baisse des recettes publiques – est associée à un accès plus limité aux ressources médicales, ainsi qu'aux installations sanitaires et d'hygiène. Dans les marchés émergents et les économies en développement où l'informalité est la plus répandue, les installations sanitaires ne sont accessibles qu'à 34 % de la population, contre 80 % dans les marchés émergents et les économies en développement où l'informalité est moins répandue. L'accès aux soins médicaux est également extrêmement limité, avec un nombre de médecins et d'infirmiers pour 1 000 personnes représentant seulement les trois cinquièmes du chiffre des marchés émergents et des économies en développement où l'informalité est la moins répandue. https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---soc_sec/documents/publication/wcms_754731.pdf 14
5. Principales politiques pour lutter contre l’informalité L'économie informelle est façonnée par un large éventail de politiques gouvernementales, et s'y attaquer nécessite une large consultation et un effort de l'ensemble du gouvernement sur ce même éventail de questions politiques. Les gouvernements ne doivent pas seulement s'attaquer aux conséquences de l'informalité, comme la pauvreté, ils doivent également s'attaquer aux causes profondes de l'informalité, en supprimant les obstacles et en créant des incitations à la formalisation, tout en fournissant aux entreprises informelles l'aide dont elles ont besoin pour passer de l'informel au formel. L'environnement favorable aux entreprises est l'un des domaines politiques les plus importants qui détermine l'informalité, et il est essentiel de se concentrer davantage sur l'amélioration de cet environnement pour lutter efficacement contre l'informalité. L'accent doit être particulièrement mis sur la qualité et la durabilité des réglementations, car des réglementations mal conçues sont une cause essentielle d'informalité. Une série de mesures peuvent y contribuer, notamment l'amélioration du processus d'élaboration des politiques, la mise en place d'évaluations d'impact, le renforcement de la participation directe et régulière du monde de l’entreprise à l'élaboration des lois, l'exposition des législateurs aux expériences et pratiques internationales et la garantie que les politiques proposées sont raisonnables compte tenu de la capacité de mise en œuvre des institutions nationales. Les changements de politiques et le processus d'élaboration des politiques doivent tous être effectués en tenant compte du contexte local. Transplanter des approches politiques et réglementaires d'un pays à l'autre serait peu judicieux. Au contraire, des efforts importants et rapides sont nécessaires pour analyser les caractéristiques locales de l'économie informelle et appliquer ces conclusions à la conception et aux processus politiques. Les changements doivent également tenir compte des défis auxquels sont confrontés des groupes particuliers, notamment les femmes. Or, il arrive souvent que le processus d'élaboration des politiques ne tienne pas suffisamment compte des besoins des femmes entrepreneures et des travailleuses, ce qui risque d'exacerber encore les contraintes liées au genre. Les décideurs politiques doivent en être conscients, notamment en tenant compte des considérations culturelles. Les politiques et les programmes visant à lutter contre l'informalité doivent toujours conserver une orientation pratique et faire l'objet d'évaluations d'impact régulières. Les approches doivent être pragmatiques, se concentrer sur les améliorations réelles des rapports des entrepreneurs avec les institutions publiques ou les réglementations. Elles doivent également s'efforcer de minimiser les effets secondaires involontaires, notamment la destruction de l'emploi informel existant qui ne passe pas dans l'économie formelle. Les gouvernements doivent explorer des moyens imaginatifs pour "encourager" la formalisation et l'application de la loi. Par-dessus tout, ils doivent considérer le secteur privé et ses organisations comme des partenaires indispensables dans la lutte contre l'informalité. 15
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