L'APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 - International Organisation of Employers

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L'APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 - International Organisation of Employers
L’ÉCONOMIE INFORMELLE
L’APPROCHE DES EMPLOYEURS
JUIN 2021

International Organisation of Employers  Organisation Internationale des Employeurs  Organización Internacional de Empleadores
L'APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 - International Organisation of Employers
Table des matières

Résumé analytique ........................................................................................................... 1
1.      Préface ...................................................................................................................... 3
2.      Qu’est-ce que l’économie informelle ? ....................................................................... 4
     Les causes de l’informalité ........................................................................................................ 6
     Entre formalité et informalité ................................................................................................... 7
     Les normes internationales sur l’informalité ............................................................................. 7
3.      Quelle est l’ampleur de l’informalité ? ....................................................................... 8
4.      Les conséquences de l’informalité ........................................................................... 11
5.      Principales politiques pour lutter contre l’informalité .............................................. 15
     Les outils d'analyse politique existants pour l'économie informelle ......................................... 17
     Un environnement réglementaire efficace .............................................................................. 18
     La simplification des procédures d'enregistrement et de démarrage des entreprises ................ 19
     Un droit du travail flexible ...................................................................................................... 21
     Une protection sociale solide .................................................................................................. 22
     L'accès au crédit ..................................................................................................................... 23
     Les droits de propriété ........................................................................................................... 24
     Le développement des compétences et l’éducation ................................................................ 24
     L'accent sur la productivité ..................................................................................................... 25
6.      Les organisations d'employeurs et d'entreprises et l’informalité : recommandations 25
     Recherches et stratégies sur l’économie informelle ................................................................. 26
     Services pour les entreprises informelles ................................................................................ 27
     Sensibilisation à l’économie informelle ................................................................................... 28
     Soutien aux institutions du secteur informel ........................................................................... 30
L'APPROCHE DES EMPLOYEURS JUIN 2021 - International Organisation of Employers
Résumé analytique

L'économie informelle est l'un des plus grands défis de développement économique auxquels
les sociétés se trouvent confrontées aujourd'hui partout dans le monde. L'économie
informelle, selon l'Organisation internationale du travail (OIT), est définie comme "les activités
économiques des travailleurs et des unités économiques qui ne sont pas couvertes – en droit
ou en pratique – ou insuffisamment couvertes par des dispositifs formels.”1 L'informalité est
un concept complexe, qui couvre à la fois les individus et les entreprises qui travaillent dans
l'économie informelle pour de nombreuses raisons. Pour certains, il s'agit d'une stratégie de
survie lorsqu’il n’y a pas de travail formel disponible, tandis que pour d'autres, il s'agit d'une
décision délibérée et intéressée. Alors que les discussions autour de l'informalité parlent
souvent de "formel" ou "informel", dans la pratique, de nombreux travailleurs et entreprises
se situent dans une zone grise entre les deux.

L'informalité est omniprésente et ses conséquences sont importantes. On estime que 61 % de
la population active mondiale vit de l'économie informelle. Elle est concentrée dans les
économies émergentes et en développement, qui abritent 93 % de l'ensemble des travailleurs
informels. Elle est étroitement liée à des résultats économiques négatifs, notamment la
pauvreté et la faible productivité. Dans les économies émergentes et en développement,
l'écart de productivité moyen entre les entreprises formelles et informelles est estimé à
75 %.2 L'informalité peut souvent entraîner des risques financiers plus importants pour les
travailleurs et les entreprises, ou une moindre rentabilité de leurs efforts. Elle peut présenter
des défis supplémentaires pour les femmes, en particulier dans les pays à faible revenu où
elles sont plus susceptibles de travailler de manière informelle et d'être des travailleuses
familiales contribuantes, ayant un statut vulnérable avec une rémunération faible, voire nulle.

La lutte contre l'informalité nécessite une large consultation et une approche
interministérielle sur un vaste éventail de questions politiques. L’axe politique doit non
seulement viser à atténuer les conséquences de l'informalité, mais aussi à s'attaquer à ses
causes profondes, notamment en améliorant l'environnement favorable aux entreprises. Les
politiques et les programmes de lutte contre l'informalité doivent toujours être axés sur la
pratique et faire l'objet d'évaluations régulières des impacts, tout en étant toujours conscients
des droits des travailleurs. Dans tous les efforts de lutte contre l'informalité, le gouvernement
doit travailler avec le secteur privé et ses organisations représentatives en tant que partenaire
stratégique.

1
  R. n° 204 de l’Organisation internationale du travail. Les “Unités économiques” comprennent les unités qui
emploient de la main-d'œuvre, les travailleurs à leur propre compte (soit seuls, soit avec le concours de
travailleurs familiaux non rémunérés) et les coopératives et unités de l'économie sociale et solidaire.
2
  Banque mondiale.

                                                       1
La réduction de la réglementation et de la bureaucratie excessives est un objectif politique
important, car elles peuvent directement conduire à l'informalité en incitant les entreprises à
éviter la gouvernance formelle. Elle peut également contribuer à lutter contre les risques de
corruption qui accompagnent souvent l'excès de bureaucratie. L'enregistrement des
entreprises pourrait être modifié pour qu'il soit simple, transparent et automatique. D'autres
obstacles à la création d'entreprise, tels que les licences, les permis et les exigences en matière
de capital minimum, devraient également être adaptés. D'autres réformes peuvent contribuer
à lutter contre l'informalité, notamment l'amélioration de l'accès au crédit et aux droits de
propriété, ainsi que le renforcement du développement des compétences et de la formation.

Une plus grande flexibilité du cadre du droit du travail peut entraîner une augmentation de la
formalité et de l'embauche, et pourrait s'accompagner d'améliorations du système
d'administration du travail. Ces réformes devraient être complétées par un système de
protection sociale solide qui couvre non seulement les employés mais aussi tous les
travailleurs de l'économie informelle. Si les employeurs ont un rôle important à jouer dans la
prise en charge de certains coûts de la protection sociale, le soutien de l'État est également
nécessaire, notamment pour assurer la protection sociale des travailleurs informels qui n'ont
pas d'employeur. Dans toutes les réformes politiques, les employeurs devraient constamment
insister sur l'importance de l'augmentation de la productivité, qui est l'objectif unique le plus
important pour réduire les causes profondes de l'informalité.

Les organisations d'employeurs et d'entreprises ont un rôle important à jouer dans la lutte
contre l'informalité, par la prestation de services, la sensibilisation, la recherche et le soutien
institutionnel. Les organisations d'employeurs et d'entreprises plaident déjà en faveur de
certaines politiques, notamment celles qui améliorent l'environnement favorable et qui
peuvent également contribuer à lutter contre l'informalité. Pour développer davantage leur
travail sur l'informalité, les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent commencer
par mener des recherches et des analyses supplémentaires, en commençant par l'état de
l'économie informelle dans le contexte de leur pays. Cela peut inclure un examen des données
et des enquêtes, une étude des principales politiques qui façonnent l'économie informelle et
une analyse de la concurrence avec l'économie formelle. Les organisations d'employeurs et
d'entreprises peuvent également développer de nouveaux services ciblant directement les
défis du secteur informel, tels que des services de conseil aux entreprises informelles sur la
formalisation ou des services de formation et de conseil pour améliorer la productivité. Les
organisations d'employeurs et d'entreprises pourraient également utiliser les nouveaux
services adressés aux entreprises informelles comme un outil de marketing, en les utilisant
comme point d'entrée pour que de nouveaux membres rejoignent l'organisation
d'employeurs et d'entreprises, peut-être dans le cadre d'une formule d'adhésion simplifiée.

Les organisations d'employeurs et d'entreprises devraient également élaborer un programme
de sensibilisation à l'informalité. Ce programme devrait être guidé par des principes clés,
notamment l'accent mis sur des améliorations réalistes et la prise en compte de la

                                                2
productivité limitée de nombreuses entreprises informelles. Les principaux domaines
politiques que les organisations d'employeurs et d'entreprises doivent inclure dans leur
programme de sensibilisation sont l'enregistrement des entreprises, la fiscalité et la
réglementation du travail. Les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent
également envisager de faire pression en faveur du développement de l'administration en
ligne ou de l'amélioration des programmes de financement spéciaux destinés aux entreprises
informelles. À tout moment, cependant, les propositions politiques doivent être bien conçues
et adaptées au contexte local. Enfin, les organisations d'employeurs et d'entreprises peuvent
jouer un rôle important en soutenant le développement d'organisations qui travaillent plus
étroitement avec l'économie informelle, notamment les associations d'entreprises
informelles.

L'Organisation internationale des employeurs (OIE) encourage les institutions internationales
et les gouvernements à poursuivre leurs efforts de lutte contre l'informalité. Les organisations
d'employeurs et d'entreprises sont des partenaires naturels pour ces institutions et ces
gouvernements, et elles ont un intérêt commun à s'attaquer à la fois aux causes profondes et
aux conséquences de l'informalité par des solutions politiques pratiques et axées sur la
demande. En fin de compte, les réformes nécessaires pour lutter contre l'informalité doivent
être mises en œuvre dans le cadre de processus politiques nationaux dirigés par des acteurs
nationaux. Les organisations d'employeurs et d'entreprises au niveau national sont un acteur
essentiel dans ce processus, avec un rôle distinct en tant que représentant légitime de
l’ensemble des entreprises et un engagement clair pour améliorer les économies et le travail
dans le monde.

   1. Préface

L'économie informelle est l'un des plus grands défis au développement économique auxquels
sont confrontées les sociétés dans le monde. L'informalité est omniprésente. Plus de 60 % des
travailleurs dans le monde relèvent de l'économie informelle. Ils gagnent en moyenne moins
que les travailleurs de l'économie formelle et sont également moins productifs. S'attaquer à
l'informalité – tant ses causes que ses conséquences – fait partie intégrante de toute stratégie
visant à promouvoir une croissance et un développement économiques durables et inclusifs.

Les particuliers et les entreprises de l'économie informelle s'efforcent de faire des affaires
dans une situation d'incertitude juridique et d'insécurité, alors qu'ils sont également
confrontés à de nombreuses contraintes économiques. Les entreprises rencontrent des
difficultés en matière d'enregistrement, de fiscalité, de réglementation du travail et dans
d'autres domaines. Elles se retrouvent également face à des obstacles en matière de
transactions, de droits de propriété, de contrats, d'identité commerciale, de mobilisation de
capitaux et de commerce. En fait, elles se battent pour obtenir la reconnaissance officielle de
propriété de leurs biens et de leur entreprise. Pour des milliards de travailleurs, l'informalité
signifie un manque de protection sociale, de droits au travail et de conditions de travail

                                               3
décentes, ainsi qu'une grande incertitude quant à leurs revenus et à leurs moyens de
subsistance. La crise du COVID-19 n'a fait qu'amplifier les faiblesses structurelles préexistantes
liées à l'informalité et souligner la nécessité d'y remédier.

La transition de l'économie informelle à l'économie formelle est un défi, mais les normes
internationales fournissent quelques orientations. La recommandation n° 204 de l’OIT
concernant la transition de l'économie informelle à l'économie formelle appelle à "un cadre
de politiques intégrées pour faciliter la transition vers l'économie formelle", qui combine un
large éventail de politiques pertinentes de manière cohérente. En outre, la R 204 souligne
l'importance d'élaborer des mesures adaptées au contexte et au moment. Les acteurs
nationaux - gouvernements, travailleurs et entreprises - sont les mieux placés pour guider
cette transition dans leurs propres contextes nationaux.

Le présent document identifie les domaines spécifiques dans lesquels les employeurs, les
gouvernements et la communauté internationale doivent prendre des mesures décisives. Il
est principalement destiné aux organisations d'employeurs et d'entreprises, notamment dans
les pays où le niveau d'informalité est élevé. Son objectif est de soutenir le travail de ces
organisations d'employeurs et d'entreprises dans leur lutte contre l'informalité et leur soutien
à la formalisation des travailleurs et des entreprises.

    2. Qu’est-ce que l’économie informelle ?

"L'économie informelle" est la partie de l'économie globale qui se déroule en dehors des
cadres réglementaires officiels du gouvernement. L'Organisation internationale du travail
(OIT) a défini l'économie informelle comme "les activités économiques des travailleurs et des
unités économiques qui ne sont pas couvertes – en droit ou en pratique – ou insuffisamment
couvertes par des dispositifs formels."3 Le FMI a décrit l'économie informelle comme des
activités non réglementées dans l'agriculture, le commerce de détail et l’économie de
plateforme et l'a caractérisée comme un filet de sécurité pour les pauvres et ceux ayant de
faibles revenus, une faible productivité et un accès limité aux prestations gouvernementales.4

"L'économie informelle" - souvent simplement appelée "informalité" - a également été définie
comme "la production légale et basée sur le marché de biens et de services qui est cachée aux
autorités publiques pour des raisons monétaires, réglementaires ou institutionnelles."5

3
  R. n° 204 de l’Organisation internationale du travail. Les “Unités économiques” comprennent les unités qui
emploient de la main-d'œuvre, les travailleurs à leur propre compte (soit seuls, soit avec le concours de
travailleurs familiaux non rémunérés) et les coopératives et unités de l'économie sociale et solidaire.
4
  Remarques vidéo de Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI
https://www.imf.org/en/News/Seminars/Conferences/2019/03/25/7th-statistical-forum
5
  Schneider, Buehn, et Montenegro 2010

                                                       4
Comme le souligne cette dernière définition, l'économie informelle se distingue généralement
de l'économie illicite, excluant des activités telles que la production de drogues. Pour les
travailleurs, l'informalité peut inclure le travail indépendant ainsi que l'emploi informel dans
des entreprises formelles ou informelles. Pour les entreprises, l'informalité comprend le fait
d'opérer en dehors des cadres fiscaux, d'enregistrement et autres cadres juridiques et
réglementaires.

Les travailleurs et les entreprises opèrent dans l'économie informelle pour diverses raisons.
Pour certains, l'informalité est une position de repli lorsqu'ils ne parviennent pas à trouver un
emploi ou des opportunités commerciales dans l'économie formelle en raison d'obstacles
élevés à l'entrée ou d'un manque de capital humain6. Pour ces travailleurs, l'informalité est
une stratégie de survie et non une tactique commerciale. D'autres choisissent volontairement
de quitter le secteur formel parce que l'informalité peut offrir une plus grande flexibilité ou
indépendance7. Parfois, les individus et les entreprises estiment que les coûts de conformité
aux réglementations et aux lois de l'économie formelle dépassent les avantages8. Ces
entreprises choisissent de rester informelles parce que cela leur donne un avantage
concurrentiel. D'autres entreprises ne connaissent tout simplement pas les processus de
formalisation.

Ces différents groupes de travailleurs et d'entreprises peuvent être caractérisés par leurs
divers niveaux de sophistication, notamment :

    •   Au bas de l'échelle, la plupart des indépendants qui font le commerce de produits de
        base comme la nourriture ou qui fournissent des transports de base ou d'autres
        services de base ; ce groupe est souvent celui qui a le plus besoin d'une protection
        sociale de base, et a généralement peu d'autres opportunités économiques. Les
        stratégies centrées sur l'application de la loi ne sont pas idéales pour ce groupe.
    •   Au niveau intermédiaire, ceux qui sont engagés dans le commerce plus organisé et
        la fabrication simple et limitée de biens de base pour les clients de l'économie
        informelle ; ce groupe peut mieux répondre aux stratégies d'augmentation de la
        productivité et aux sources d’information.
    •   À l'extrémité supérieure, ceux qui sont engagés dans la fabrication à petite échelle
        avec de faibles niveaux de technologie (ils peuvent faire partie de chaînes
        d'approvisionnement plus élaborées dans l'économie formelle). Ce groupe répond
        également mieux aux stratégies d'augmentation de la productivité et constitue une
        cible plus appropriée pour une mise en application accrue de la loi.

6
  Voir par exemple : de Soto 1989, Perry et al 2007
7
  Voir par exemple : Blanchflower, Oswald et Stutzer 2001
8
  Kanbur, R. 2009. “Conceptualizing Informality: Regulation and Enforcement.” IZA Discussion Paper 4186, IZA-
Institute of Labour Economics, Bonn, Allemagne.

                                                      5
L'informalité existe dans un large éventail de secteurs, notamment le tourisme, la vente
ambulante, l'agriculture, la fabrication et de nombreux types de services. Si l'économie
informelle partage certaines caractéristiques fondamentales, bon nombre de ses
caractéristiques et défis spécifiques sont propres à chaque pays. Il ne s'agit pas d'une entité
singulière, et les solutions politiques ne peuvent pas nécessairement être transposées d'un
pays à l'autre.

Les causes de l’informalité
L'informalité est un défi complexe, dont les causes sont multiples et qui varient en fonction
des circonstances nationales. Dans la littérature académique, il existe deux grandes écoles de
pensée sur les causes de l'informalité. La première considère que l'informalité est un
symptôme de sous-développement. Selon cette approche, l'économie informelle est le
résultat de la faible productivité des travailleurs et des entreprises. Cette situation est due à
des facteurs structurels, notamment le manque de capital physique, le faible niveau
d'éducation et certains facteurs sociodémographiques (tels qu'une forte incidence de
populations jeunes et rurales). Selon cette perspective, les politiques visant à réduire
l'informalité devraient viser à accroître la productivité de la main-d'œuvre et des entreprises.

La deuxième école de pensée considère que l'informalité est le résultat d'une mauvaise
gouvernance. Ainsi, l'informalité est la réponse du secteur privé à une économie trop
réglementée et à un État inefficace. Selon cette approche, les entreprises choisissent d'opérer
dans le secteur informel lorsque les coûts de mise en conformité avec les réglementations
dépassent les avantages de l'accès aux services publics offerts aux entreprises formelles. Si
l'informalité est le résultat d'une mauvaise gouvernance, les politiques devraient se
concentrer sur l'amélioration de l'environnement réglementaire et des services publics. Les
deux écoles de pensée offrent des perspectives importantes. L'informalité est un phénomène
complexe et multiforme, qui ne peut être attribué à une cause unique.

L'informalité est profondément liée à l'absence de croissance économique, et notamment de
croissance axée sur la productivité. Les différences entre les entreprises formelles et
informelles sont frappantes. Une étude a révélé qu’une entreprise informelle moyenne d'une
économie émergente ou en développement atteint à peine le quart de la productivité d’une
entreprise moyenne du secteur formel.9 Les raisons de ces différences sont souvent dues à de
mauvaises politiques ou à un cadre juridique et institutionnel national inadapté qui ne favorise
pas le développement des entreprises formelles. Parmi ces lacunes, on peut citer des
politiques d'éducation et de formation inadéquates, des institutions faibles, des coûts de
transaction élevés, une réglementation excessive, des systèmes administratifs sujets à la
corruption et à l'inefficacité, une fiscalité compliquée et prohibitive, l'absence de droits de

9
    https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/challenges-informality

                                                       6
propriété, un manque d'accès au crédit et l'absence d'un système juridique et judiciaire
facilitateur et stable.

L'informalité n'est pas le résultat de la mondialisation car les origines et le principal
développement de l'économie informelle sont antérieurs à la phase actuelle de la
mondialisation. Ce sont les échecs des politiques et des institutions qui continuent de
contribuer à l'informalité, ce qui fait de l'économie informelle un refuge pour ceux qui,
autrement, n'auraient pas d'emploi, d'opportunités commerciales ou de sources de revenus.

Entre formalité et informalité
Bien que les discussions politiques sur la formalité se concentrent souvent sur le modèle
binaire "formel" et "informel", en réalité, de nombreux travailleurs et entreprises se situent
dans une zone grise entre les deux. Ce point a souvent été souligné, par exemple dans un
rapport des Nations Unies qui note que "les relations économiques — de production,
distribution et emploi — tendent à se situer à un certain point sur une ligne entre les relations
purement "formelles" (c'est-à-dire réglementées et protégées) à une extrémité et les relations
purement "informelles" (c'est-à-dire non réglementées et non protégées) à l'autre, avec de
nombreuses catégories intermédiaires."10

Ces nombreuses nuances de gris –entre formel et informel – ont été largement documentées.
Au Pérou, par exemple, les vendeurs ambulants qui présentent certains aspects de
l'informalité, comme le non-paiement des taxes ou le non-respect des réglementations en
matière de travail et de santé, sont réglementés d'une autre manière et s'engagent souvent
auprès des fonctionnaires de l'État au sujet de ces zones grises.11 Dans le même temps, des
entreprises beaucoup plus grandes qui peuvent techniquement être "formelles" et présenter
de nombreuses caractéristiques de formalité peuvent néanmoins s'engager dans des
pratiques informelles — par exemple en ne respectant pas toutes leurs obligations en matière
d'impôts ou de sécurité sociale.

Les normes internationales sur l’informalité
Le défi de l'informalité a récemment été clairement abordé dans les normes internationales
du travail et notamment dans la recommandation 204 de l'OIT : Recommandation sur la
transition de l'économie informelle vers l'économie formelle, 2015 (R204).12 La R204 a une
portée très large, une conséquence directe de la nature complexe de l'informalité. Cependant,
la recommandation énonce un certain nombre d'observations et de principes importants sur
l'informalité, notamment que les États membres devraient :

10
   https://www.un.org/en/ecosoc/meetings/2006/forum/Statements/Chen%27s%20Paper.pdf
11
   Roever, Sally C. 2005. “Negotiating Formality: Informal Sector, Market, and State in Peru.” PhD Diss.,
University of California, Berkeley, p. 172
12
   http://www.ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R204

                                                        7
•   Évaluer les facteurs, les caractéristiques, les causes et les circonstances de l'informalité
           dans leur contexte national et concevoir des stratégies cohérentes et intégrées – y
           compris des lois, des règlements, des politiques et d'autres mesures – pour faciliter la
           transition de l'informalité vers la formalité.
       •   Formuler et mettre en œuvre une politique nationale de l'emploi, en plaçant au centre
           de celle-ci le plein emploi, décent, productif et librement choisi.
       •   Prendre des mesures pour faire progresser le travail décent et les principes et droits
           fondamentaux au travail dans l'économie informelle.
       •   Étendre progressivement, en droit et en pratique, la sécurité sociale, la protection de
           la maternité, des conditions de travail décentes et un salaire minimum à tous les
           travailleurs de l'économie informelle.
       •   Prendre des mesures appropriées pour lutter contre la fraude fiscale et le
           contournement des cotisations sociales, des lois et des réglementations du travail.

Il expose également les points de vue des États membres de l'OIT sur la nature et les
conséquences de l'informalité. Il indique notamment que l'économie informelle est un "défi
majeur pour les droits des travailleurs, y compris les principes et droits fondamentaux au
travail, et pour la protection sociale, les conditions de travail décentes, le développement
inclusif et l'état de droit. "13 Il poursuit en notant que l'informalité a également un impact
négatif sur le développement des entreprises durables, les recettes publiques, la portée de
l’action politique des gouvernements, la qualité des institutions et l'équité de la concurrence.
Faisant écho aux principales conclusions de la littérature, il note également que la plupart des
gens entrent dans l'économie informelle en raison du manque d'opportunités formelles.

Les conclusions appellent également les États membres de l'OIT à prendre des mesures
urgentes et appropriées pour permettre la transition de l'économie informelle vers
l'économie formelle, en reconnaissant à la fois la grande diversité de l'économie informelle et
les différents contextes nationaux.

       3. Quelle est l’ampleur de l’informalité ?

Bien que l’ampleur de l'économie informelle varie d'un pays à l'autre, elle représente une part
importante de la production et de l'emploi dans presque tous les marchés émergents et les
économies en développement. Il est extrêmement difficile de rassembler des informations
fiables sur l'activité informelle, en grande partie en raison de sa nature même – opérer en
dehors de la loi. Diverses tentatives ont néanmoins été faites pour évaluer la portée de
l'économie informelle. La Banque mondiale a estimé que dans les marchés émergents et les
économies en développement, où l'économie informelle est plus répandue, elle représente
environ un tiers de la production et plus de deux tiers de l'emploi. Dans les marchés émergents
et les économies en développement où l'informalité est la plus répandue, 46 % du PIB

13
     OIT R 204

                                                    8
provenait de l'économie informelle, soit le double de la part de la production informelle dans
les marchés émergents et les économies en développement où l'informalité est la plus faible.
En Afrique subsaharienne, en Europe et en Asie centrale, ainsi qu'en Amérique latine et dans
les Caraïbes, la part du PIB issue de l'économie informelle était en moyenne d'environ 40 %
entre 2010 et 2016.

 Figure I : Part de la production informelle
           Pourcentage du PIB

                         Monde     Marchés émergents et économies   Économies avancées
                                         en développement
 https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal-
 economy-full-report.pdf

L'importance de l'économie informelle pour l'emploi est encore plus significative. L'OIT a
estimé que deux milliards de personnes – plus de 61 % de la population active mondiale –
gagnent leur vie dans l'économie informelle.14 Cependant, ces personnes ne sont pas réparties
de manière égale dans le monde. Au contraire, elles sont fortement concentrées dans les pays
émergents et en développement, qui abritent la grande majorité – 93 % – de l'emploi informel
mondial.15

Dans de nombreux marchés émergents et pays en développement, la majorité de la
population travaille dans le secteur informel. L'OIT et l'OCDE ont constaté que le taux
d'informalité est de 67,4 % dans les pays émergents et de 89,8 % dans les pays en
développement, alors qu'il est de 18,3 % dans les pays développés. 16 En Afrique, 85,8 % des
emplois sont informels. Cette proportion est de 68,2 % en Asie et dans le Pacifique, de 68,6 %

14
   OIT, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un tableau statistique”, avril 2018
15
   Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un
tableau statistique”
16
   OCDE-OIT, 2018, “Lutter contre la vulnérabilité dans l’économie informelle”

                                                      9
dans les États arabes, de 40,0 % dans les Amériques et de 25,1 % en Europe et en Asie
centrale.17 La part de l'emploi indépendant — un autre indicateur de l'informalité — en
Afrique subsaharienne, en Asie du Sud, en Asie de l'Est et dans le Pacifique, a varié de 50 % à
plus de 60 % de l'emploi total au cours de la même période.

 Figure II : Part de l’emploi informel
         Pourcentage de l’emploi

                           Monde         Marchés émergents et             Économies avancées
                                      économies en développement
 https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal-economy-
 full-report.pdf

Si l'économie informelle reste une source essentielle de production économique et de travail,
sa part du PIB mondial total a diminué au fil du temps. Mesurée en pourcentage du PIB,
l'économie informelle s'est progressivement réduite dans toutes les régions. Cela suggère que
les réformes visant à réduire l'informalité, comme la réduction des obstacles à
l'enregistrement d'une entreprise, portent progressivement leurs fruits, mais cela montre
également que le passage de l'informel au formel prend du temps.

17
  Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un
tableau statistique ”

                                                     10
Figure III : Économie informelle, pourcentage moyen du PIB par région

 Source: Medina, Leandro et Friedrich Schneider 2019. “Faire la lumière sur l’économie de l’ombre : une base de données
 mondiale”, Document de travail, FMI

     4. Les conséquences de l’informalité

 Les effets de l’informalité sur les femmes
 L'emploi informel est vital pour les femmes comme pour les hommes, mais il existe des
 différences notables entre les sexes. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à
 occuper un emploi informel – 63 % contre 58 %. Sur les deux milliards de travailleurs de
 l'emploi informel dans le monde, un peu plus de 740 millions sont des femmes.

 Cependant, les femmes occupant un emploi informel, en particulier celles des pays à revenu
 faible ou intermédiaire, se retrouvent plus souvent dans les situations les plus vulnérables.18
 Bien que les hommes soient plus susceptibles de travailler dans l'emploi informel que les
 femmes dans l'ensemble, cette situation est inversée dans les pays à faible revenu. Là, 92
 % des femmes travaillaient de manière informelle, contre 87 % des hommes. 19 Les femmes
 occupant un emploi informel étaient également beaucoup plus susceptibles de travailler en
 tant que travailleuses familiales contribuantes, qui sont souvent sous-payées ou pas payées
 du tout. Plus de 30 % des femmes dans l’emploi informel dans les pays à revenu faible ou
 intermédiaire appartiennent à ce groupe.

 Les différences entre les femmes et les hommes travaillant dans l'emploi informel varient
 également selon les régions. Les femmes sont plus exposées à l'emploi informel dans 90 %
 des pays d'Afrique subsaharienne, 89 % des pays d'Asie du Sud et près de 75 % des pays

18
   Organisation internationale du travail (OIT), 2018, “Femmes et hommes dans l’économie informelle : Un
tableau statistique ”
19
   OIT 2018

                                                          11
d'Amérique latine. Les écarts entre les sexes sont les plus élevés en Gambie, au Liberia, en
 République démocratique du Congo et en Zambie. Les hommes sont plus susceptibles
 d'occuper un emploi informel en Afrique du Nord, dans les États arabes et en Europe. En
 Irak et en Jordanie, par exemple, la proportion d'hommes occupant un emploi informel
 est supérieure de 20 points de pourcentage à celle des femmes. 20
 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---dgreports/---dcomm/documents/publication/wcms_626831.pdf

De par sa nature même, l'économie informelle se caractérise par un certain nombre
d'éléments négatifs. Elle est associée à une faible productivité et à la pauvreté. Les particuliers
et les entreprises de l'économie informelle ont plus de mal à accéder au capital, au crédit, à la
technologie, aux marchés et aux institutions. Pour les travailleurs, elle peut entraîner un
risque financier plus élevé ou une moindre rémunération de leur travail. Elle est liée à des
conditions de travail inférieures, à l'insécurité de l'emploi, au manque d'accès aux prestations
sociales et à la sécurité sociale. Pour les gouvernements, elle se traduit par une baisse des
recettes publiques, ce qui affecte leur capacité à mettre en place des institutions et à fournir
des services au public.

L'une des conséquences les plus importantes de l'informalité est qu'elle est étroitement
associée à des niveaux plus élevés de pauvreté et d'inégalité économique. Les travailleurs des
pays présentant des niveaux élevés d'informalité étaient cinq fois plus susceptibles de vivre
dans la pauvreté que les travailleurs des pays présentant des niveaux plus faibles
d'informalité. 21 De même, les niveaux d'inégalité étaient également plus élevés dans les pays
où l'informalité était importante.

La relation entre l'informalité et la pauvreté s'explique en partie par les niveaux de
productivité inférieurs du secteur informel. L'écart de productivité entre les entreprises
informelles et formelles est important. Dans les marchés émergents et les économies en
développement, cet écart a été estimé à 75 % en moyenne. 22 Cet écart de productivité
contribue également à une pénalité salariale pour les travailleurs du secteur informel. Selon
une étude de la Banque mondiale, le salaire médian des travailleurs du secteur formel est
supérieur de 18 % à celui des travailleurs du secteur informel. 23 Cet écart entre la productivité
et les salaires s'explique en partie par les caractéristiques des travailleurs des secteurs formel
et informel. Les travailleurs du secteur informel ont tendance à être "moins qualifiés, plus
jeunes ou plus âgés, et plus agricoles que les travailleurs du secteur formel". 24

20
   OCDE-OIT, 2018, “Lutter contre la vulnérabilité dans l’économie informelle”
21
   Banque mondiale 152
22
   Banque mondiale
23
   https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal-
economy-full-report.pdf, p. 130
24
   https://thedocs.worldbank.org/en/doc/37511318c092e6fd4ca3c60f0af0bea3-0350012021/related/Informal-
economy-full-report.pdf, p. 132

                                                     12
Les travailleurs du secteur informel sont également confrontés à de plus grands risques,
notamment financiers, de santé et de sécurité. De nombreux travailleurs du secteur informel
travaillent pour leur propre compte, et ne reçoivent donc pas de salaire garanti. Ces
travailleurs sont particulièrement vulnérables aux variations de leurs revenus. Les travailleurs
du secteur informel sont aussi régulièrement exposés aux risques et aux maladies
professionnelles, mais ils n'ont ni employeur officiel responsable de leur santé et de leur
sécurité, ni accès à un filet de sécurité sociale géré par l'État.

L'informalité a également des répercussions importantes sur la situation fiscale des
gouvernements. En général, les travailleurs et les entreprises informels ont tendance à ne pas
payer d'impôts ni de cotisations sociales. De ce fait, les gouvernements des pays où l'économie
informelle est plus répandue ont tendance à percevoir moins de recettes fiscales.
Notamment, dans les marchés émergents et les économies en développement où le PIB de
l'économie informelle est élevé, les recettes et les dépenses publiques sont en moyenne
inférieures de 5 à 10 % à celles des marchés émergents et des économies en développement
où l'économie informelle est moins importante.25

 Figure IV : Informalité et indicateurs fiscaux
 Pourcentage du PIB

 Élevé - Faible                                                Élevé - Faible
 Recettes publiques – Dépenses publiques                       Recettes publiques – Dépenses publiques
 Eigen et al. (à paraître) ; Banque mondiale (2019); Statistiques des finances publiques, FMI

Dans les pays où l'économie informelle est importante, les gouvernements disposent de moins
d'argent, ont tendance à être moins efficaces et souffrent de niveaux de corruption plus
élevés. Cela nuit à la qualité des services publics. Le manque de ressources financières
nationales constitue un obstacle majeur à l'extension de la protection sociale et d'autres
systèmes essentiels au développement national, tels que les systèmes d'éducation et de

25
     Banque mondiale 2019

                                                            13
santé. Cela crée le risque d'un cercle vicieux qui complique encore plus les efforts du
gouvernement pour augmenter les revenus ou encourager la formalisation de l'activité
économique.

Le manque à gagner en matière de taxes et de contributions, qui est parfois très significatif,
fait peser une charge injuste sur les entreprises qui sont enregistrées et remplissent leurs
obligations à cet égard. Comme les opérateurs et les travailleurs informels ont tendance à ne
pas payer d'impôts et de cotisations sociales, ils peuvent être engagés dans une concurrence
déloyale vis-à-vis des entreprises formelles. En effet, un large segment de l'économie
informelle peut être constitué d'entreprises de taille moyenne qui parviennent à se soustraire
totalement ou partiellement de leurs obligations réglementaires et fiscales, souvent grâce à
des liens avec des fonctionnaires gouvernementaux.

Malgré ces caractéristiques négatives, l'économie informelle joue un rôle économique
important dans de nombreux pays. Non seulement elle sert de "poumon" vital permettant à
ceux qui sont exclus de l'économie formelle de survivre, mais c'est aussi le lieu où de
nombreux entrepreneurs potentiels font leurs premières armes. Les travailleurs de
l'économie informelle font régulièrement preuve d'un réel sens des affaires, de créativité, de
dynamisme et d'innovation. Ce potentiel entrepreneurial peut s'épanouir s'il est soutenu par
des services et des incitations appropriés, ainsi que par des stratégies efficaces visant à
supprimer les obstacles à la formalisation.

 L'informalité et la pandémie de COVID 19
 La pandémie de coronavirus (COVID-19) a fait payer un lourd tribut aux économies des marchés
 émergents et en développement qui possèdent des secteurs informels étendus. L'un des défis les
 plus importants a été d'atteindre les nombreux travailleurs et entreprises informels qui ne sont pas
 enregistrés auprès du gouvernement et ne peuvent pas accéder aux prestations. En réponse à la
 crise du COVID-19, de nombreux pays ont étendu la couverture santé et d'autres mesures de
 protection sociale aux groupes non couverts, notamment aux travailleurs du secteur informel. Ces
 mesures ont été particulièrement importantes dans les pays qui ont connu des confinements, qui
 ont fait perdre à de nombreux travailleurs informels une partie ou la totalité de leurs revenus
 pendant un certain temps.

 L'informalité – de par son lien avec la baisse des recettes publiques – est associée à un accès plus
 limité aux ressources médicales, ainsi qu'aux installations sanitaires et d'hygiène. Dans les marchés
 émergents et les économies en développement où l'informalité est la plus répandue, les
 installations sanitaires ne sont accessibles qu'à 34 % de la population, contre 80 % dans les marchés
 émergents et les économies en développement où l'informalité est moins répandue. L'accès aux
 soins médicaux est également extrêmement limité, avec un nombre de médecins et d'infirmiers
 pour 1 000 personnes représentant seulement les trois cinquièmes du chiffre des marchés
 émergents et des économies en développement où l'informalité est la moins répandue.
 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---soc_sec/documents/publication/wcms_754731.pdf

                                                      14
5. Principales politiques pour lutter contre l’informalité

L'économie informelle est façonnée par un large éventail de politiques gouvernementales, et
s'y attaquer nécessite une large consultation et un effort de l'ensemble du gouvernement sur
ce même éventail de questions politiques. Les gouvernements ne doivent pas seulement
s'attaquer aux conséquences de l'informalité, comme la pauvreté, ils doivent également
s'attaquer aux causes profondes de l'informalité, en supprimant les obstacles et en créant des
incitations à la formalisation, tout en fournissant aux entreprises informelles l'aide dont elles
ont besoin pour passer de l'informel au formel.

L'environnement favorable aux entreprises est l'un des domaines politiques les plus
importants qui détermine l'informalité, et il est essentiel de se concentrer davantage sur
l'amélioration de cet environnement pour lutter efficacement contre l'informalité. L'accent
doit être particulièrement mis sur la qualité et la durabilité des réglementations, car des
réglementations mal conçues sont une cause essentielle d'informalité. Une série de mesures
peuvent y contribuer, notamment l'amélioration du processus d'élaboration des politiques, la
mise en place d'évaluations d'impact, le renforcement de la participation directe et régulière
du monde de l’entreprise à l'élaboration des lois, l'exposition des législateurs aux expériences
et pratiques internationales et la garantie que les politiques proposées sont raisonnables
compte tenu de la capacité de mise en œuvre des institutions nationales.

Les changements de politiques et le processus d'élaboration des politiques doivent tous être
effectués en tenant compte du contexte local. Transplanter des approches politiques et
réglementaires d'un pays à l'autre serait peu judicieux. Au contraire, des efforts importants et
rapides sont nécessaires pour analyser les caractéristiques locales de l'économie informelle et
appliquer ces conclusions à la conception et aux processus politiques. Les changements
doivent également tenir compte des défis auxquels sont confrontés des groupes particuliers,
notamment les femmes. Or, il arrive souvent que le processus d'élaboration des politiques ne
tienne pas suffisamment compte des besoins des femmes entrepreneures et des travailleuses,
ce qui risque d'exacerber encore les contraintes liées au genre. Les décideurs politiques
doivent en être conscients, notamment en tenant compte des considérations culturelles.

Les politiques et les programmes visant à lutter contre l'informalité doivent toujours
conserver une orientation pratique et faire l'objet d'évaluations d'impact régulières. Les
approches doivent être pragmatiques, se concentrer sur les améliorations réelles des rapports
des entrepreneurs avec les institutions publiques ou les réglementations. Elles doivent
également s'efforcer de minimiser les effets secondaires involontaires, notamment la
destruction de l'emploi informel existant qui ne passe pas dans l'économie formelle. Les
gouvernements doivent explorer des moyens imaginatifs pour "encourager" la formalisation
et l'application de la loi. Par-dessus tout, ils doivent considérer le secteur privé et ses
organisations comme des partenaires indispensables dans la lutte contre l'informalité.

                                               15
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