L'école, laboratoire d'espaces - plateau de jeu - OpenEdition Journals
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Géocarrefour 94/1 | 2020 Des lieux pour apprendre et des espaces à vivre : l’école et ses périphéries. Des places et des agencements L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu The high school as a laboratory of spaces – a game board Sophie Gaujal Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/geocarrefour/14739 DOI : 10.4000/geocarrefour.14739 ISSN : 1960-601X Éditeur Association des amis de la Revue de géographie de Lyon Référence électronique Sophie Gaujal, « L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu », Géocarrefour [En ligne], 94/1 | 2020, mis en ligne le 17 avril 2020, consulté le 19 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/ geocarrefour/14739 ; DOI : https://doi.org/10.4000/geocarrefour.14739 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2020. © Géocarrefour
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 1 L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu The high school as a laboratory of spaces – a game board Sophie Gaujal Introduction 1 L’architecture des bâtiments scolaires est le résultat de choix qui varient en fonction des politiques éducatives et des contextes locaux. Les travaux scientifiques qui en retracent l’histoire sont désormais nombreux, après qu’elle ait un temps été négligée (Châtelet, 2005). D’autres chercheurs en géographie ou en sciences de l’éducation se sont intéressés aux usages que les élèves font de ces lieux, de la chorématique d’une salle de classe par Jean-François Marcel (1999) aux soutenances récentes de Muriel Monnard (2017) ou d’Emmanuelle Gilles (2018), mobilisant un matériau constitué d’observations et d’enquêtes menées auprès / avec des élèves. A ces deux axes de recherche peut s’ajouter un troisième encore (fig. 1) : non pas l’histoire de l’architecture scolaire telle qu’elle a été conçue en amont pour les élèves par le maître d’œuvre en accord avec le maître d’ouvrage, ni l’enquête menée par les chercheurs sur les usages qu’en font les élèves, mais l’enquête menée par le collectif de la classe sur ses usages à des fins d’apprentissage. L’établissement scolaire devient alors terrain d’étude, véritable laboratoire d’espaces voire plateau de jeu au cœur d’une géographie expérientielle. Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 2 Figure : Les axes de recherche sur l’architecture scolaire 2 À l’intersection entre une géographie des espaces scolaires (comme objet d’étude de la géographie par les élèves) et une géographie expérientielle (comme moyen de cette étude), cet article présentera quatre expérimentations menées entre 2012 et 2018 avec des classes de Première puis de Seconde. Mené depuis une posture de prof-chercheure, ces expérimentations ont consisté à proposer aux élèves de travailler la géographie à partir de leurs pratiques spatiales au sein de l’établissement. Le questionnement était le suivant : comment l’enquête menée par des élèves sur l’espace de leur établissement scolaire contribue-t-elle à leur apprentissage de savoirs spatiaux ? Cadre théorique et méthodologie de recherche 3 La géographie expérientielle est une démarche didactique. Elle s’appuie sur les théories de l’apprentissage par l’expérience telles qu’elles ont été énoncées successivement par Dewey (1938) puis Lewin (1951) et Kolb (1984). Telle que nous la définissons dans le groupe Pensée Spatiale (IREM) depuis 2015 1, elle a pour objectif l’intégration des savoirs d’expérience dans l’apprentissage de la géographie. Les savoirs d’expérience peuvent se définir comme les savoirs acquis par nos pratiques quotidiennes et nos représentations de l’espace, sans cesse réactualisés par de nouvelles pratiques/représentations. Ils déterminent nos actions, au quotidien, nos décisions de nous rendre ici plutôt qu’ailleurs, de vivre là plutôt que là-bas. Pourtant dans les pratiques de classe ordinaire telles qu’elles ont été identifiées par les didacticiens ((Audigier 1993 ; Mousseau et Pouettre 1999 ; Fontanabona et Thémines 2005 ; Lautier et Allieu-Mary 2008 ; Tutiaux- Guillon 2008), ces savoirs, qui relèvent de la géographie spontanée, sont rarement formalisés et mis en relation avec la géographie raisonnée. De fait, leur identification, leur introduction, puis leur articulation avec d’autres registres de savoirs sont complexes. C’est à l’élaboration de dispositifs le permettant que s’est employé jusqu’ici le groupe Pensée Spatiale. 4 Nous avons ainsi identifié quatre étapes principales (qualifiées de « 4I ») qui permettent l’articulation des savoirs formels et des savoirs d’expérience : l’Immersion, au cours de laquelle les savoirs d’expérience sont sollicités, l’Interaction, au cours de laquelle ils sont mis en commun et mis en relation avec les savoirs formels, ce qui aboutit alors à une phase d’Institutionnalisation de ces savoirs au sein de la classe. Ce qu’en fait Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 3 chaque élève et la manière dont il se l’approprie échappe au temps de la classe, c’est l’ Implémentation. 5 Dans ce cadre, plusieurs terrains ont été expérimentés. L’établissement scolaire est l’un d’entre eux. Fréquenté par les élèves au quotidien sur une durée de plusieurs années, il suscite en effet de nombreuses expériences spatiales, individuelles, sans cesse réactualisées et qui peuvent être très différentes en fonction des acteurs qui le fréquentent (élèves, enseignants) et des périodes. Il permet également d’en provoquer d’autres, collectives, dans le temps de la classe, sans rencontrer l’obstacle de la distance qui freine habituellement les sorties scolaires. 6 Différents dispositifs ont également été conçus, et parmi eux, la pratique artistique (Gaujal 2016), à l’appui des recherches menées dans le champ la géographie de l’art telle qu’elle a été définie par Anne Volvey (2012) et expérimentées par différents géographes comme Elise Olmedo (2015). Différentes pratiques artistiques ont ainsi été explorées : les visites sensibles, la cartographie sensible, la performance. La visite sensible peut se définir comme une visite au cours de laquelle les élèves sont invités à porter une attention particulière à leur environnement (les cinq sens, mais aussi la place de leur corps dans l’espace, la manière dont ils s’y déplacent), par le moyen de jeux d’attention (« colin-maillard », « cache-cache » par exemple) ou par le recours à l’imagination (« imaginez que vous êtes un géant, une fourmi, que vous revenez dans 100 ans… »). La cartographie sensible est la représentation spatiale de ces expériences vécues, mises en commun et mises en perspective d’autres expériences vécues individuellement et de savoirs plus formels. S’affranchissant des conventions cartographiques classiques, elle autorise l’utilisation de différentes échelles ou différentes représentations (en 2D, en 3D, en élévation, en vue aérienne…) et le recours au dessin imitatif. C’est un processus, là où la carte sensible est un résultat. La performance est un autre moyen de stabiliser ces expériences, par une intervention dans l’espace, pour en transformer l’organisation, de manière éphémère. 7 Quatre expérimentations ont ainsi été menées entre 2012 et 2019, depuis une posture de « prof-chercheure » (Gaujal, 2016, p.257) - enseignante dans un lycée de la banlieue parisienne et chercheure en didactique en de la géographie -. Elles sont synthétisées dans le tableau ci-dessous. Tableau : Récapitulatif des classes et espaces concernés par la recherche Année Classe Enquête / production Classe de Première 2012-2013 Enquête sur la cour, performance artistique (« récréation ») ES Classe de Première 2016-2017 Enquête sur le lycée, carte sensible. ES/L Enquête sur le lycée et son quartier depuis 1960, cartes sensibles Classe de Seconde 1 (en 1960, 1990, 2010) 2017-2018 Conception d’un jeu de piste dans le lycée ; emballement de la Classe de Seconde 2 sculpture dans la cour. Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 4 8 Au cours de ces expérimentations, l’espace du lycée est devenu un laboratoire permettant d’observer avec les élèves des dynamiques spatiales, de les représenter, voire les transformer et parallèlement d’observer les apprentissages spatiaux que cela permettait, contribuant à l’élaboration d’un cadre théorique sur la géographie expérientielle (fig. 3). Figure : 2012-2018 : l’école - laboratoire 9 L’analyse des expérimentations menées au sein de ce lycée-laboratoire s’appuie sur un corpus composite : composite par la nature des documents dont il est constitué (questionnaires, cartes mentales, cartes sensibles, dessins, photographies, vidéos) ; composite par la manière dont il a été constitué, émanant des élèves, du professeur ou de la classe (définie comme le collectif formé par le professeur et les élèves) ; composite enfin par les méthodologies qui ont présidé à sa constitution, qu’il s’agisse des exercices imaginés pour engager les élèves dans l’enquête, de productions intermédiaires par les élèves, des réalisations finales de la classe ou des observations qui en ont été faites, documentées parfois par des photographies ou des vidéos ; composite enfin par les temporalités qui ont présidé à sa constitution, de manière dynamique, chaque résultat suscitant un nouveau questionnement et interagissant avec les précédents. Le classement qui en a résulté est synthétisé ci-dessous (tabl. 2). Tableau : Un corpus composite Auteur de la N° du Nature du corpus production corpus versée au corpus Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 5 Corpus Productions intermédiaires des élèves, résultats qu’ils ont obtenus au Elèves 1 (C1) cours de leurs enquêtes Photographies ou reconstitution de productions réalisées en classe, sur le tableau blanc, sous la forme de croquis collectifs (chaque élève Corpus vient à tour de rôle compléter le croquis esquissé par un élève Classe 2 (C2) précédent) ou de croquis de synthèse (réalisé par mes soins dans le cadre d’un cours dialogué). Corpus Productions de la classe (cartes sensibles, photographies et vidéos Classe 3 (C3) documentant les performances) Corpus Observations sur la classe (vidéos, photographies, carnet de bord) et Professeur 4 (C4) matériaux pédagogiques conçus pour les élèves. Corpus Observations menées sur le lycée (plans, photographies, carnet de Professeur 5 (C5) bord) 10 Chaque corpus a été identifié par l’année au cours de laquelle il a été constitué. Le corpus 1 constitué en 2012-2013 est ainsi noté C1-2012/2013. Il sera analysé dans cet article selon une approche macro : il ne sera donc question que des apprentissages de la classe, et de la manière dont ces apprentissages se sont cumulés, d’une classe à l’autre, d’une année ou d’un niveau à l’autre. 11 Chaque expérimentation sera abordée successivement, selon un ordre chronologique. 2012-2013, première enquête : la cour du lycée 12 Tout a commencé par l’observation d’un paradoxe, devenu flagrant en 2012-2013 au moment de la réouverture de notre lycée après 10 ans de travaux de réhabilitation : alors que la cour de récréation était vide d’élèves pendant les récréations, bien qu’elle ait été aménagée spécialement pour les accueillir, le parvis, à l’interface entre le lycée et la rue, était plein. Il y avait là de l’espace et un problème, point de départ de toute analyse géographique : pourquoi ici et pas là ? Cela a été le point de départ de la conception de différents exercices afin de permettre une prise de conscience par les élèves de ce paradoxe, et initier ainsi une réflexion sur leurs pratiques spatiales. Une dizaine d’heures y ont été consacrées dans le cadre de l’heure d’Accompagnement Personnalisé2. Le premier exercice a consisté à demander à un groupe d’élèves de photographier simultanément la cour et le parvis au moment de la récréation ; le deuxième à leur demander de calculer le temps de trajet pour se rendre en récréation de notre salle de classe au parvis, en passant par les couloirs (trajet habituel) ou en passant par la cour. Dans les deux cas, cela a permis de constater une différence flagrante : la cour est vide tandis qu’au même moment le parvis est plein ; le temps de trajet en passant par les couloirs est beaucoup plus long que celui par la cour. 13 De là, pouvait être formulé la question suivante : « pourquoi, alors que la cour a été aménagée spécialement pour cela, les élèves vont-ils sur le parvis ? ». Plusieurs hypothèses ont été formulées par les élèves : « parce qu’on ne peut pas y fumer », « pour aller au Franprix ». L’heure suivante, pour tester une autre hypothèse encore, la Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 6 classe s’est rendue dans la cour et un nouvel exercice a été proposé : tester le degré de « répulsivité » de cet espace. Le refus des élèves d’aller au-delà d’une certaine limite a permis de définir un lieu dans lequel les élèves s’interdisent d’aller (le centre de la cour) et un espace fortement répulsif tout autour. De retour en classe, ces observations ont été cartographiées au tableau (fig.4). Figure : Croquis d’interprétation schématisés sur le tableau blanc de la classe (Corpus 2, 2012-2013, reconstitution) 14 Nous avons ensuite pu établir que leur réticence à traverser la cour était liée à la configuration même des lieux, qui les placent au centre des regards. Telle qu’elle a été conçue, la cour fonctionne en effet comme un panoptique inversé, d’autant qu’elle était alors plantée de quatre arbres encore jeunes et n’offrant aucune possibilité de se soustraire aux regards. Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 7 Figure : La cour du lycée en 2012 : un espace au centre duquel on se sent observé 15 Progressivement se construisait donc avec les élèves un problème géographique, avec d’une part une fonction donnée à des lieux (un parvis, une cour de récréation) dotés des aménagements prévus à cet effet (pour la cour, une cafétéria, des toilettes, des circulations dédiées) ; et, d’autre part, des usages à l’opposé des fonctions auxquelles ces lieux étaient dédiés : le parvis comme le centre des rassemblements pendant la récréation ; la cour comme espace périphérique, marginalisé. La démarche pour aborder ce problème, après en avoir fait le constat, avait consisté à émettre des hypothèses, en tester la pertinence par des expérimentations sur le terrain, les partager collectivement sous la forme de croquis au tableau. À ce stade, la classe était en mesure, de manière prospective, d’envisager des scénarios possibles (fig. 6), et ainsi d’émettre des hypothèses sur des devenirs possibles de notre cour afin de mieux en comprendre la réalité présente. Les questions suivantes ont émergé : « que se passerait- il si l’espace public devenait dangereux ? La cour serait-elle alors un refuge ? » ; « que se passera-t-il quand les arbres de la cour auront poussé ? L’écran aux regards que leur végétation offrira sera-t-il suffisant pour inciter les élèves à aller dans la cour ou le pouvoir d’attraction de la supérette à proximité, de la cigarette et le poids des habitudes seront-ils les plus puissants ? » ; aboutissant à la question : « et si on essayait de définir un gradient de « répulsivité » ? Jusqu’à quel point la cour est-elle répulsive ? Quel aimant serait assez puissant pour la rendre attractive, ne serait-ce que quelques minutes, le temps d’une récréation ? ». Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 8 Figure : Une approche prospective : inverser les polarités le temps d’une récréation (Corpus 2, 2012-2013) 16 Par des opérations répétées de déplacements pour l’observer, que ce soit à l’échelle 1/1 sur le terrain ou mentalement de retour en classe par le truchement de croquis cartographiques sur le tableau blanc, l’établissement scolaire était devenu le terrain de jeu de la classe, dans lequel elle pouvait, à loisir, se déplacer mentalement puis physiquement, et se projeter dans d’autres temporalités. La cour pouvait désormais être appréhendée comme une partie d’un système spatial, dont avaient été isolés les différents paramètres, non plus un donné mais un construit, une dimension spatiale du social. Elle pouvait alors devenir un terrain d’expérimentations pour tester d’autres pratiques spatiales, modifiant le fonctionnement de ce système pour en « inverser les polarités », le temps d’une récréation. 2016-2017, l’enquête s’élargit à l’ensemble du lycée et prend la forme d’une cartographie sensible 17 En 2016-2017, lorsque la deuxième expérimentation a été menée, le contexte avait changé, sous l’effet de différents évènements : tout d’abord, le lycée se trouvait face à un afflux de nouveaux élèves, ce qui s’expliquait par des raisons démographiques (« les bébés de l’an 2000 » devenus adolescents) mais aussi par la construction d’un nouveau quartier d’habitation à proximité, à la place d’une friche industrielle (les anciennes usines Renault). En attendant la construction d’un deuxième lycée, il fallait donc accueillir ce surplus d’élèves, ce qui s’est traduit par l’installation d’un bâtiment temporaire dans la cour de récréation (fig.7). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 9 Figure : La cour avant / après (la deuxième photo est un photomontage), corpus 5, 2012-2013 et 2016-2017 18 Par ailleurs, les attentats du Bataclan, en novembre 2015, avaient débouché sur différentes mesures de sécurité, comme la construction d’un sas pour contrôler les allers et venues à l’entrée du lycée ou l’interdiction de tout rassemblement sur le parvis du lycée. La cour devenait un lieu de repli, ce que facilitait la présence du bâtiment temporaire au centre de la cour en offrant un abri aux regards. Les hypothèses imaginées en 2012-2013 (« et si la cour devenait un refuge ? ») se réalisaient. 19 Parallèlement, la démarche des « 4I » par le groupe Pensée Spatiale a permis une planification de cette nouvelle expérimentation, en l’organisant en étapes, et en anticiper les difficultés du passage d’une étape à une autre : difficile en effet de motiver les élèves à s’intéresser à leur propre établissement (« ça sert à rien on connait déjà » (C4, 2012-2013)), puis difficile de rassembler des savoirs d’expérience très foisonnants, difficile enfin de déterminer à quel moment mettre un terme au questionnement ouvert suscité par le projet pour stabiliser – provisoirement - les savoirs qu’il a permis de faire émerger. Chaque étape génère en effet une très forte inertie, et l’enseignant peut être tenté de mettre un terme prématurément au processus, ou de le cadrer trop fortement. C’était le cas du dispositif expérimenté en 2012-2013 : afin d’attirer l’attention des élèves sur l’hypothèse du panoptique inversé, certaines hypothèses émises par les élèves avaient été reléguées à l’arrière-plan (« on va dehors pour fumer / pour aller au Franprix »). Ce faisant, les savoirs d’expérience des élèves n’avaient pas été (ou peu) intégrés, privilégiant mes observations et les observations faites sur le terrain avec la classe (fig.8). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 10 Figure : Les savoirs en circulation dans le dispositif de géographie expérientielle expérimenté en 2012-2013 20 La nouvelle expérimentation avait donc pour objectif d’être à la fois plus cadrée dans sa conception, via les 4I et suscitant davantage d’interactions avec les élèves dans sa mise en œuvre, via le recours à la cartographie sensible participative. 21 Ainsi, lors de l’étape d’Immersion, une visite du lycée sous la forme de jeu de piste a été proposé aux élèves. Par groupe, les élèves ont ainsi eu à résoudre des énigmes, relever des défis, procéder à des relevés de terrain (fig.9). Figure : Exemple d’exercices proposées aux élèves lors du jeu de piste, corpus 4, 2016-2017 22 Les différentes observations qu’ils ont menées à cette occasion ont ensuite été mises en commun (Interaction) lors des séances suivantes, sous la forme de plusieurs séries de croquis du lycée, certains réalisés individuellement, d’autres collectivement, chaque élève venant au tableau compléter l’ébauche du précédent. Dans l’intervalle, les éléments les plus significatifs ont été rassemblés, sélectionnés, et l’avancée de ce travail collectif a été présentée aux élèves sous la forme de maquettes successives. C’est ainsi par exemple qu’a émergé ce que les élèves ont surnommé la « sculpture invisible », installée dans la cour lors de l’inauguration du lycée au titre du 1 % artistique mais que personne ne remarque. Ce processus de cartographie sensible 3 a pris fin lorsque chacun a reconnu son lycée dans notre carte. À la différence de l’expérience précédente, où seules les observations menées collectivement par la classe avaient émergé, ce nouveau dispositif a permis de faire émerger les savoirs d’expérience individuels des élèves. 23 C’est le cas par exemple du croquis de Marie (fig. 10), très riche. Attardons-nous par exemple sur un détail : la « Nouveauté Magique », qui désigne un passage piéton, situé en face du parvis, renommé pour l’occasion « zone de squatt » (l’expression restera), et Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 11 qui conduit à un parc (le parc Farman) situé en face du lycée, représenté ici par une cigarette, une feuille de cannabis et un smiley. Figure : Le croquis de Marie, Corpus 1, 2016-2017 24 Cela a initié une série de questions. Pourquoi, en effet « la nouveauté magique » ? « Parce que ça nous évite de sauter par-dessus la barrière » a-t-elle répondu. Mais pourquoi « sauter par-dessus la barrière ? ». « Et ben pour se rendre au Farman ». Rires étouffés de la classe. Il a fallu plusieurs échanges successifs avec la classe pour comprendre ce qui était resté implicite lors de la précédente enquête : en effet, il n’y avait pas seulement un pôle (le parvis désormais surnommé « zone de squatt ») attirant les élèves à l’extérieur du lycée, mais trois : le parvis, la superette située à une centaine de mètres (le Franprix qui avait été évoqué en 2012-2013 et auquel Marie fait allusion avec l’exclamation« Maaaaanger ! ! ! ») et le parc Farman, lieu de consommation de substances illicites et situé en face du lycée. Cette année-là, en 2016-2017, l’école primaire située en contrebas était en travaux, ce qui avait conduit les services de la ville à déplacer temporairement le passage piéton et à le placer opportunément devant notre lycée : une « nouveauté magique » (fig. 11). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 12 Figure : La « nouveauté magique », une reconfiguration des circulations au moment de la récréation 25 Le plateau de jeu s’était encore complexifié : de la cour, la réflexion s’était élargie à l’ensemble du lycée et à ses alentours immédiats ; de nouvelles observations (comme la nouveauté magique, la sculpture invisible, ou d’autres encore) étaient venues enrichir notre compréhension de cet espace et de ses circulations, aboutissant à une carte sensible. Cette carte sensible a été le point de départ d’une nouvelle expérimentation en 2017-2018, menée consécutivement avec deux classes de seconde. Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 13 Figure : Carte sensible du lycée, Corpus 3, 2016-2017 2017-2018 : une enquête géo-historique sur le lycée 26 L’enquête menée en 2016-2017 avait permis de comprendre que l’espace scolaire est un espace mu par des acteurs, agissant à différentes échelles, sous l’effet d’enjeux, Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 14 changeant en fonction des contextes. Nous avions également pu identifier la plasticité de l’usage de certains espaces, comme la cour ou les passages piétons, se transformant au gré de ces contextes. Cela a conduit en 2017-2018 à interroger ces contextes, leur influence sur les configurations spatiales que nous avions observées, ou au contraire la résistance de ces configurations spatiales au changement, selon une approche géi- historique : par exemple, la « sculpture invisible » avait-elle toujours été invisible ? Et pourquoi était-elle invisible ? 27 Cependant, si la carte sensible que nous avions réalisée était en bonne place dans le hall du lycée et donc familière aux élèves, cela n’était pour autant pas un levier suffisant pour impliquer une nouvelle cohorte d’élèves, d’autant qu’il s’agissait cette fois-ci d’une classe d’élèves de seconde, peu familiers encore de l’établissement, et dans le cadre d’un enseignement d’exploration d’une heure par semaine4. La difficulté rencontrée lors de cette expérimentation était donc de les engager dans une réflexion dont ils ne voyaient pas a priori l’utilité (enseignement non noté) ni l’intérêt (pourquoi étudier son propre établissement scolaire ?). C’est par un mouvement de va-et-vient continu entre les observations (sorties dans l’établissement scolaire, visite aux archives, interview d’une ancienne élève alors documentaliste dans le lycée) et les mises en commun en classe que le questionnement s’est progressivement engagé. Néanmoins, la forme du cours restait très frontale (cours dialogué), et la dynamique de mise en circulation des savoirs décrite précédemment (fig.3) ne s’opérait pas. Il n’y avait pas (pas visiblement) de mise en relation entre ce que nous faisions et les pratiques spatiales des élèves. C’est la proposition faite à deux anciennes élèves 5, puis aux élèves eux-mêmes, de cartographier le lycée, sous la forme alors très populaire d’un « draw my life »6 (fig.13), qui a permis de les engager dans le projet. Figure : Le dispositif « raconte-nous ton / votre lycée… » 28 Sur le support du tableau blanc et au fil des récits mettant en scène différentes époques (1990, 2010, 2018), les élèves ont ainsi vu leur lycée se métamorphoser, permettant d’observer, selon les objets que nous avions identifié l’année précédente, des constantes et des mutations, et ainsi de tester la plasticité ou au contraire la résistance des organisations spatiales que nous avions observées. Les trois figures ci-dessous (fig. 14, 15 et 16) présentent quatre extraits de ces récits en image. Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 15 Figure : Le lycée vue par Sonia Kieusseian, élève dans les années 1990. Corpus 2 et 3, 2017-2018 Figure : Le lycée vue par Mina Guérin, élève dans les années 2010. Corpus 2 et 3, 2017-2018 Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 16 Figure : Le lycée vu par les élèves de la classe de Seconde 1, 2018. Corpus 2 et 3, 2017-2018 29 Ainsi la classe découvrait que la « sculpture invisible » avait toujours été invisible, comme l’indiquent Sonia Kieusseian (« la sculpture ? Jamais vue … ») et Mina Guérin (« la statue ? ? Jamais vue ! »). Pourtant le contexte avait changé : si, depuis les travaux de réhabilitation du lycée qui ont modifié les circulations, elle était située à l’écart, au fond de la cour, à l’origine elle était située à l’entrée du lycée, et les élèves passaient devant chaque jour. S’il était possible que les élèves n’y aient pas prêté attention, il était en revanche impossible qu’ils ne l’aient pas vue. Figure : « La sculpture invisible », toujours invisible, quel que soit son emplacement par rapport à l’entrée 30 Les usages de la cour avaient donc évolué, tout comme les circulations. A nouveau se re-créait le plateau de jeu, dans lequel nous pouvions nous déplacer mentalement, dans l’espace mais aussi dans le temps, aboutissant à une nouvelle série de cartes sensibles présentées ci-dessous (fig. 18). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 17 Figure : Approche géo-historique : le lycée dans tous ses états, corpus 3, 2017-2018. 31 Cette sculpture invisible a servi de point de départ, la même année, avec une autre classe de seconde, à une nouvelle expérimentation encore. Comment, en effet, rendre la « sculpture invisible » visible ? Cela a initié le même type de démarche prospective que celle évoquée plus haut sur la cour de récréation, relevant d’une performance. Nous avons ainsi conçu avec la classe un évènement, annoncé par l’affiche ci-dessous, placardée à plusieurs endroits du lycée (fig. 19). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 18 Figure : Campagne d’affichage pour l’emballage de la sculpture invisible, le lundi 7 mai 2018, corpus 3, 2017-2018 32 De fait, pour rendre visible la sculpture invisible, la classe a entrepris d’emballer la sculpture dans la cour. L’évènement a été documenté par une vidéo (fig. 20). Figure : 7 mai 2018, emballage de la statue, corpus 3, 2017-2018 33 Il a ensuite été prolongé par une chasse au trésor proposée à l’ensemble des élèves du lycée. Le lycée était devenu un plateau de jeu grandeur nature (fig. 21). Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 19 Figure : La carte au trésor, corpus 3, 2017-2018 34 Quel bilan faire de ces expérimentations ? Nous avions posé au début de cet article les questions suivantes : que nous apprennent les quatre expérimentations successives de ce dispositif sur la géographie expérientielle ? En quoi le choix de l’établissement scolaire est-il pertinent pour mener cette démarche ? Quels savoirs spatiaux sont mobilisés par une enquête des élèves sur l’espace de leur établissement scolaire ? L’image du plateau de jeu, qui donne le titre à cet article, semble la plus à même d’y répondre. Un plateau de jeu implique en effet des opérations de réduction, de miniaturisation : ainsi, le jeu de Monopoly® est un modèle réduit de ville. Un plateau de jeu implique également un jeu de société : il se joue à plusieurs. Enfin, un plateau de jeu implique un jeu. Et c’est bien ce qui caractérise les différentes expérimentations décrites ici : elles mobilisaient toutes en effet un ressort ludique, levier de motivation d’autant plus nécessaire qu’elles étaient en rupture avec le contrat didactique passé avec les élèves : à la marge du programme (et questionnant donc leur légitimité institutionnelle), non notées (et donc sans utilité pour le parcours scolaire des élèves), en rupture avec les représentations de la géographie scolaire (et questionnant donc la nature des apprentissages mis en jeu). Elles mobilisaient par ailleurs un travail collectif, nécessaire aux partages des expériences vécues par les élèves à titre individuel ou par le groupe classe lors d’observations de terrain. Elles mobilisaient enfin des opérations successives de confrontation au réel et de mise à distance. C’est au terme de ces différentes opérations que nous parvenions à nous déplacement mentalement dans l’espace, à jouer physiquement avec lui, en le configurant différemment au gré de nos hypothèses (géo-prospectives) ou de nos observations (géo-historiques), agissant par le truchement de cartes sensibles ou par des performances grandeur nature (in situ) dans notre établissement. 35 Par un renversement de ce mécanisme de mise à distance, de miniaturisation, on pourrait s’attendre, de manière symétrique, à ce qu’il permette la transformation, à grandeur réelle, de l’espace dans lequel désormais les élèves sont capables de se déplacer mentalement, et d’en penser le fonctionnement et parfois le dys- Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 20 fonctionnement. C’était le projet, par exemple, de l’inversion des polarités, tentée en 2013. C’était également le projet de l’exposition de la carte sensible, dont l’intendant du lycée a souhaité qu’elle soit exposée en plusieurs lieux, à côté du plan du lycée. C’était enfin le projet du jeu de piste, occasion pour la communauté éducative d’explorer le lycée et de le regarder autrement. Resterait alors à définir une méthodologie permettant d’analyser finement ces déplacements du regard et des usages, qui relèverait davantage de ce que nous avions défini, dans l’introduction, comme l’axe 2 des recherches menées sur l’architecture scolaire : l’analyse des usages par les élèves. BIBLIOGRAPHIE AUDIGIER F., 1993, Les représentations que les élèves ont de l’histoire et de la géographie. A la recherche des modèles disciplinaires, entre leur définition par l’institution et leur appropriation par les élèves, Thèse de doctorat, université de Paris 7, < http://www.theses.fr/1993PA070086 > BRUNET R., FERRAS R., THÉRY H., 2005, Les mots de la géographie : Dictionnaire critique, 3e édition revue et augmentée. Paris, La Documentation Française, 518 p. CHÂTELET A.-M. (éd.), 2005, L’architecture scolaire : essai d’historiographie internationale, (Histoire de l’éducation, 102.2004), Paris, Service d’Histoire de l’Éducation, INRP, 306 p. DEWEY J., 1938, Experience and education, New York, Collier. FONTANABONA J., THÉMINES J.-F., 2005, Innovation et histoire-géographie dans l’enseignement secondaire. Analyses didactiques, Caen, Institut national de recherche pédagogique, Collection Documents et travaux de recherche en éducation (N°52). GAUJAL S., 2016, Une géographie à l’école par la pratique artistique, Thèse de doctorat, Université Paris 7 - Denis Diderot, < https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01582642/document > GAUJAL S., 2016, Peut-on faire des élèves, via une démarche artistique, des acteurs / créateurs de l’espace qu’ils habitent ? in THÉMINES J.-F. et DOUSSOT S., Acteurs et action, Perspectives en didactiques de l’histoire et de la géographie, Caen, PUC, p. 53-72. GAUJAL S., 2017, Carte postale sensible d’un territoire de proximité : fabrique et enjeux, in ALPE Y., BARTHES A., Permanences et évolutions des relations complexes entre éducations et territoires, Paris, ISTE Editions, p. 193-207. GILLES E., 2018, Une expérience genrée des espaces du quotidien à l’adolescence : le cas des filles et des garçons de 4ème dans le Calvados et la Manche, Caen Basse Normandie, < http://www.theses.fr/ s116281 > KOLB D. A., 1984, Experiential learning, Prentice-Hall, NJ, Englewood Cliffs. LAUTIER N., ALLIEU-MARY N., 2008, La didactique de l’histoire, Rev. Fr. Pédagogie Rech. En Éducation, 1 janvier 2008 , n° 162, p. 95‑131. < http://dx.doi.org/10.4000/rfp.926 > LÉVI-STRAUSS C., 1962, La pensée sauvage, Paris, Plon. LEWIN K., 1951, Field theory in social sciences, New York, Harper and Row Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 21 MARCEL J.-F., 1999, Espace et action enseignante. Eléments pour une chorématique de la salle de classe, Mappemonde, vol. 3, n° 55, p. 4. < https://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M399/ Marcel.pdf > MONNARD M., 2017, Lutte des places dans la société des pairs : une ethnographie scolaire dans trois cycles d' ;orientation genevois, Université of Genève, < https://archive-ouverte.unige.ch/ unige :101629 > MOUSSEAU M.-J., POUETTRE G., 1999, Histoire-géographie, sciences économiques et sociales, in COLOMB J., Un transfert de connaissances des résultats d’une recherche à la définition de contenus de formation en didactique, INRP, Paris, p. 159- 190. OLMEDO E., 2015, Cartographie sensible. Tracer une géographie du vécu par la recherche-création, Paris, Paris 1, < http://www.theses.fr/s90439 > TUTIAUX-GUILLON N., 2008, Chapitre 6. Interpréter la stabilité d’une discipline scolaire : l’histoire- géographie dans le secondaire français, De Boeck Supérieur, < https://www.cairn.info/competences- et-contenus--9782804156343-page-117.htm ?try_download =1 > VOLVEY A., 2012, Transitionnelles géographies : Sur le terrain de la créativité artistique et scientifique, Thèse de doctorat, Université Lumière - Lyon II, < https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00803871/ document > NOTES 1. Groupe fondé en 2015 par Caroline Leininger et formé par Pierre Colin, Sophie Gaujal, Florence Giry, Catherine Heitz, Xavier Leroux. 2. Mis en place en 2010 (BO spécial n°1, 4 février 2010), l’Accompagnement Personnalisé a lieu une heure par semaine et une de ses missions en classe de Première est l’approfondissement des notions disciplinaires. Il peut donc être le cadre d’une pédagogie du projet. Son fonctionnement est par ailleurs très souple, car il peut se dérouler, selon le projet de l’enseignant, en classe entière, en demi-groupe, ou en petit groupe. 3. Je ne développerai pas ici la méthodologie qui a présidé à cette cartographie sensible, déjà abordée dans d’autres publications (voir par exemple Gaujal, 2017). 4. Comme l’Accompagnement Personnalisé, l’Enseignement d’exploration a été mis en place en 2010 (BO spécial n°1, 4 février 2010). Destiné aux élèves de seconde, il a pour objectif de permettre de travailler par projet, en interdisciplinarité. 5. Celle que nous avions déjà interviewée, Sonia Kieusseian, élève dans les années 1990 et documentaliste dans notre lycée, et Mina Guérin, Assistante d’Éducation au lycée et élève au début des années 2010 6. Selon Wikipédia, un « draw my life » est un type de vidéo sur Internet dans lequel l'auteur raconte l'histoire de sa vie. Il consiste en une vidéo accélérée de l'auteur illustrant sur un tableau blanc des événements clés de sa vie. […] Le Draw my Life est un outil facile à prendre en main pour communiquer car il est à la portée de chacun. Si on ne sait pas dessiner on peut toujours écrire, mettre des symboles, des hashtags ou des chiffres. » Géocarrefour, 94/1 | 2020
L’école, laboratoire d’espaces - plateau de jeu 22 RÉSUMÉS À l’intersection entre la géographie des espaces scolaires et la géographie expérientielle, cet article retrace quatre expérimentations menées avec des classes de lycéens sur l’espace même de leur lycée, depuis une posture de prof-chercheure. Toutes quatre ont consisté, par des opérations successives d’observation sur le terrain et de mise à distance de retour en classe par le truchement de croquis dessinés sur le tableau blanc, à mettre en évidence des configurations spatiales, à tester leur plasticité ou au contraire leur résistance au changement. Progressivement le lycée est devenu un plateau de jeu, que la classe était en mesure d’arpenter mentalement. At the intersection between the geography of school spaces and experiential geography, this article presents four experiments conducted with high school classes on the space of their high school, from a teacher-researcher perspective. All four consisted, through successive field observation operations and distance learning using field sketches when back in class, in highlighting spatial configurations and testing their plasticity or their resistance to change. Gradually the high school became a game board, which we were able to survey mentally. INDEX Keywords : experiential geography, sensitive cartography, school architecture, teacher- researcher, school-laboratory, game board Mots-clés : géographie expérientielle, cartographie sensible, architecture scolaire, prof- chercheur, école-laboratoire, plateau de jeu AUTEUR SOPHIE GAUJAL LDAR / Irem de Paris, s.gaujal@gmail.com Géocarrefour, 94/1 | 2020
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