L'édification de la forteresse numérique de Nokia
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Lucie LOUVET Section Ecofi Année 2007-2008 L’édification de la forteresse numérique de Nokia : Comment Nokia verrouille-t-il sur le long terme le succès de son virage vers les services Internet ? Monographie réalisée dans le cadre du Séminaire Stratégie des Firmes Multinationales Sous la direction de Monsieur Bernhard KITOUS Lucie Louvet i IEP Rennes
REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur Bernhard Kitous, Responsable de la section Ecofi de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes, pour son précieux enseignement, et pour avoir accepté d’accompagner à nouveau des étudiants dans leur travail de recherche. J’adresse également tous mes remerciements aux professionnels qui ont accepté de me rencontrer : Gilles Fontaine, Rédacteur en chef délégué de Challenges, pour m’avoir aidé à « sentir » la firme Nokia. J.B. de Bouygues Télécom, pour sa gentillesse et sa disponibilité, et pour avoir pris le temps de me recevoir au siège de Bouygues Télécom, à Boulogne-Billancourt. Ses explications sur le fonctionnement du marché de la téléphonie mobile et sur les relations entre les équipementiers et les opérateurs ont été d’une importance majeure pour le bon déroulement de mes recherches. Xavier des Horts, Directeur de la communication de Nokia, pour avoir accepté de me recevoir au siège de Nokia, à Saint-Ouen. Thomas Husson, analyste chez Jupiter Research, pour m’avoir accordé un entretien passionnant au cours duquel il m’a fait partager sa connaissance du terrain. J’exprime sincèrement ma reconnaissance à Thomas Pelloquin, Emmanuelle et Anne Monnier, étudiants et amis qui ont bien voulu m’apporter leur regard extérieur. Un grand merci à Anne-Sophie Grosdoit et Marion Choppin, les deux autres membres de mon équipe-firme, pour avoir partagé cette aventure du début jusqu’à la fin. Lucie Louvet i IEP Rennes
EXECUTIVE SUMMARY Le secteur de la téléphonie mobile arrivant aujourd’hui à saturation dans les pays développés, il s’agit pour les fabricants de téléphones mobiles de fidéliser leurs clients actuels, et de trouver de nouveaux relais de croissance. A cette fin, dans un contexte de convergence entre l’Internet et la téléphonie mobile, il semble pertinent de se tourner vers les services Internet mobiles. C’est l’actuelle démarche de Nokia, l’équipementier finlandais, qui a pour ambition de construire dans les années à venir une véritable forteresse numérique. Ainsi, Cette monographie a pour objet le lancement d’OVI, portail d’accès aux services Internet mobiles présenté par Nokia en Août 2007. Il ne sera pas question ici d’une étude de la pertinence de chacun des sept services accessibles depuis OVI par rapport à l’offre présente sur le marché, mais plutôt de l’étude de la structure OVI dans son ensemble. Il s’agit donc d’examiner quelles sont les fondations qui se cachent sous la future forteresse numérique OVI, et d’évaluer la solidité de ces fondations. En d’autres termes : Comment Nokia « verrouille »-t-il sur le long terme le succès de son tournant vers les services Internet mobiles? Plus précisément, l’objectif de cette étude est de montrer en quoi le rachat de contenu par Nokia lui permet de verrouiller sur le long terme sa place sur le marché des services Internet mobiles, et en quoi ces acquisitions lui permettent de contourner les blocages auxquels la firme doit faire face ? Lucie Louvet ii IEP Rennes
SOMMAIRE 1. PRESENTATION DU CAS : L’ANNONCE DE LA CREATION D’OVI....................1 1.1 La création de la marque OVI : du produit aux services.............................................................................. 1 1.2 L’âme de Nokia.................................................................................................................................................2 1.3 L’incident critique ............................................................................................................................................3 2. ANALYSE ET RESOLUTION DU CAS....................................................................4 2.1 Du produit au service : OVI un nécessaire relais de croissance ................................................................. 4 L’analyse des causes et des conséquences, issue de la méthode des cas ............................................................ 4 Le marché des services Internet mobiles..............................................................................................................7 Le partage des recettes sur le marché des services Internet mobiles..................................................................10 Les racines de Nokia dans les services Internet mobiles :..................................................................................11 2.2 Une stratégie de rachat de contenus ............................................................................................................. 14 Le modèle Merger & Acquisition :.................................................................................................................... 14 Le cas de Navteq, fournisseur de cartographie numérique.................................................................................17 Le modèle des 5 forces de Porter ...................................................................................................................... 19 L’influence des gouvernements dans le jeu stratégique ................................................................................... 21 2.3 La négociation avec les opérateurs................................................................................................................ 23 Les relations traditionnelles avec les opérateurs................................................................................................ 23 L’état des négociations avec les opérateurs sur le marché européen ................................................................ 24 Le point central des négociations....................................................................................................................... 25 Etude des issues possibles à la négociation ....................................................................................................... 26 Quel est l’impact de la stratégie de rachat dans les négociations ?.................................................................... 28 3. DIAGNOSTIC, PRONOSTIC ET LIMITES............................................................. 29 3.1. Diagnostic final............................................................................................................................................... 29 3.2 Pronostic...........................................................................................................................................................30 3.3 Limites ............................................................................................................................................................. 31 SOURCES...................................................................................................................32 ANNEXES...................................................................................................................35 “ Ovi – Open the door to your world ”................................................................................................................36 ........................................................................................................................................................................... 44 Lucie Louvet iii IEP Rennes
1. PRESENTATION DU CAS : L’ANNONCE DE LA CREATION D’OVI 1.1 La création de la marque OVI : du produit aux services La révélation de la marque OVI au cours de la conférence « Go Play » organisée à Londres le 29 Août 2007 sur les thèmes d’Internet et de la mobilité restera sans doute une annonce phare dans l’histoire de Nokia. « Today is certainly not routine », lança d’un air énigmatique Anssi Vanjoki, le vice président de Nokia, avant de dévoiler à la presse son ambition de construire la marque OVI au cours des douze mois qui viennent. OVI, qui signifie « porte » en finnois, se présente effectivement comme une porte ouverte, un sésame vers les services Internet Nokia. Le PDG du groupe, Olli Pekka Kallasvuo, suit ce jour là le déroulement de la conférence d’un œil bienveillant, et introduit un à un les intervenants qui animeront la grand-messe, sur les thèmes de la Mobilité et d’Internet1. Celui qui participa à redresser la situation financière de Nokia en 1992 alors que la firme s’enfonçait dans une situation désastreuse, en a pris les rênes en 2006. Dès lors, il a finement engagé le groupe vers de nouveaux relais de croissance. « Devices are not enough anymore »2 : sur le marché de la téléphonie mobile, les clients recherchent à présent une expérience mobile intégrée. Il s’agit alors pour Nokia de remonter la chaîne de valeur, en passant du produit aux services. OVI est la future structure qui regroupera l’ensemble de ces services, à la fois sur PC et téléphone mobile. A son annonce, la marque OVI est une coquille vide. Du futur portail proposant sept services (Jeux, Musique, Vidéo&TV, Contacts, Cartes, Photos, Internet) seuls trois sont développés au cours de la présentation : Nokia Maps, service de géolocalisation, N-Gage, plateforme de jeu mobile, et Nokia Music Store, plateforme de téléchargement de musique. Finalement, seul le service de géolocalisation est alors disponible. « We don’t know what it is going to be, because people will decide it »3 : Si Nokia fait semblant de ne pas avoir de stratégie à long terme, les ambitions de la firme d’Espoo sont fortes puisqu’à terme elle compte générer autant de revenus avec les services en ligne qu’avec la vente de ses terminaux. Par ailleurs, un rapide coup d’œil historique montre que Nokia a déjà de solides racines sur le marché des jeux mobiles. Autre témoin de la profondeur de cette orientation stratégique, l’organigramme de la firme est remis à plat au 1er janvier 2008 avec la création d’une division « Services & Software ». Annexe 1 : Présentation de la marque OVI 1 «Discover the latest evolutions in mobility and the internet» 2 « Les terminaux ne suffisent plus » Olli Pekka Kallasvuo, PDG de Nokia, au Go and Play Event le 29/08/07 3 « Nous ne savons pas ce que [OVI] va devenir, parce que nos clients le décideront » Anssi Vanjoki, Vice Président de Nokia, au Go and Play Event le 29/08/07 Lucie Louvet 1 IEP Rennes
1.2 L’âme de Nokia Il faut savoir que Nokia, le géant de la téléphonie mobile, est à l’origine une petite entreprise de pâte à papier. C’est une firme qui s’est réinventée à plusieurs reprises, et la décision de s’orienter vers les services Internet s’inscrit dans cette veine : « Today’s story is very much about how Nokia is evolving, renewing itself »1 affirme Olli Pekka Kallasvuo au Go and Play Event. La firme a, par le passé, fait évoluer son cœur de métier à plusieurs reprises, et a ainsi développé une forte culture du changement. Nokia Corporation est née en 1966 de la fusion de trois firmes : - Nokia Company, un fabricant de papier, - Finnish Rubber Works, un fabricant de caoutchouc et de pneus - Finnish Cable works, un ancien fabricant de câbles téléphones. Le groupe issu de cette fusion oeuvrait dans quatre secteurs : la pâte à papier et le papier, le caoutchouc, les câbles, et l’électronique, qui représente alors seulement 3% du chiffre d’affaires global. Cette branche s’oriente petit à petit vers les télécommunications, avec en 1982, le lancement des premiers téléphones de voiture, et en 1987, le lancement du premier téléphone mobile. Le conglomérat « touche-à-tout » se recentre pourtant en 1992 sur les télécommunications: suite à la chute de l’URSS, son principal client, le groupe se trouvait dans une situation désastreuse. Les télécommunications, secteur déjà fortement concurrentiel, offrent alors de fortes possibilités de croissance. Aujourd’hui, le marché des télécommunications arrive à maturité dans les pays développés. C’est pourquoi Nokia voit dans les services Internet mobiles un nouveau relais de croissance possible, dans un contexte de convergence des secteurs Internet et mobile. La firme leader du marché de la téléphonie mobile avec 40% de parts de marché, ne s’est pourtant jamais aussi bien portée sur le plan financier : 2007 2006 2005 Chiffre d’affaires (EURm) 51 058 41 121 34 191 Résultat net (EURm) 6 746 4 306 3 616 Marge opérationnelle 13,21% 10,47% 10,56 Source : Nokia Financial Report 2007 1 « Ce qui se passe aujourd’hui concerne directement l’évolution de Nokia, sa renaissance » Lucie Louvet 2 IEP Rennes
1.3 L’incident critique Reste qu’avec l’annonce de la construction d’une « forteresse numérique »1, Nokia entre de front dans le champ des opérateurs et des fournisseurs de contenus. Pour la marque MSN par exemple, il n’y a pas de place pour l’équipementier finlandais : « Notre première conviction est que la révolution des usages de l'Internet mobile se fera avec les acteurs historique du Web. Notre deuxième conviction est que cette révolution se fera avec les opérateurs car ce sont eux qui maîtrisent aujourd'hui la relation client, la facturation et la tarification de l'accès et de la consommation de data sur le mobile. »2. Face à ces agressions, Nokia agite les chiffres de son parc multimédias : 300 millions de terminaux multimédias vendus dans le monde, dont 140 millions de téléphones intégrant un lecteur de musique MP3 vendus en 2007. « Nokia est légitime sur les contenus de par son parc de terminaux installés » réplique Jacques Sylvander, le Directeur général de Nokia France. Si le fil rouge du développement de Nokia réside dans sa capacité à se renouveler, il faut signaler que ces changements s’inscrivent sur le long terme (un siècle, puis un demi siècle). Pour cette raison, il m’a fallu raisonner sur le long terme également, et en particulier sur les moyens de pérenniser la présence de Nokia sur le marché des services Internet mobiles. Le défi qu’a embrassé l’équipementier finlandais prend tout son sens quand on sait que la visibilité sur ce marché n’excède pas cinq ans, tout comme l’ensemble des marchés qui touchent à la sphère Internet. Face à cette difficulté, ma méthode est la suivante : tout d’abord regarder si Nokia s’est effectivement donné les moyens de verrouiller sa présence sur le marché des services Internet pour les 5 années à venir ; puis soulever la question de la pérennité en se demandant si Nokia est effectivement capable de soutenir sur le long terme une stratégie d’investissement dans les services Internet mobiles. Dans ce contexte, comment Nokia, premier équipementier à investir massivement dans les contenus, peut-il construire des bases solides afin d’assurer la construction de sa forteresse numérique ? En d’autres termes, la stratégie de rachat de contenus menée par Nokia lui permet-elle de contourner les opérateurs de téléphonie mobile, et de s’établir durablement sur le marché des services Internet, nécessaire relais de croissance ? 1 Challenges.fr, « Nokia contraint d'ajourner le lancement de son service de jeux », 02.11.2007 2 Thomas Romieu, Directeur marketing et stratégie de MSN France Lucie Louvet 3 IEP Rennes
2. ANALYSE ET RESOLUTION DU CAS Le soucis de posséder son outil de production est une constante qui se retrouve au fil du temps dans l’histoire de Nokia. Même en 2001, alors que le marché des terminaux mobiles est en crise et que plusieurs équipementiers se voient contraint de céder leur outil de production pour devenir des « entreprises sans usines »1, Nokia restera maître du sien. Le Finlandais dispose aujourd’hui de neufs usines : quatre en Europe (Finlande, Royaume-Uni, Roumanie, Hongrie), deux en Amérique (Mexique, Brésil) et trois en Asie (Chine, Corée du Sud, Inde). C’est face à ce constat que la stratégie de Nokia prend sens : racheter des contenus, pour verrouiller son tournant vers les services Internet mobiles, nécessaire relais de croissance (Hypothèse de départ). 2.1 Du produit au service : OVI un nécessaire relais de croissance L’analyse des causes et des conséquences, issue de la méthode des cas Cause : Ralentissement des ventes de terminaux, due à une saturation des marchés matures (1) et (1) bis. Conséquence : Problème : Recherche de relais de Ralentissement des croissance sur les services, recettes sur le marché de la tout en conservant leur téléphonie mobile (3). ancien cœur de métier, la Cause : vente de terminaux (4). Baisse du prix de vente moyen des terminaux (2). (1) Cause: Les cabinets d’analyses s’accordent sur un ralentissement des ventes de terminaux sur le marché mondial. Les meilleurs prévisions s’accordent sur 10% de croissance pour 2008 (Gartner, Strategy Analytics, IDC). Les plus pessimistes tablent sur 8,2% (Isuppli), voir 5,7% (IMS Research), alors que la vente des terminaux mobile à connu des rythmes de croissance nettement plus élevés en 2005 (21 %), 2006 (21,4%) et 2007 (16%) selon le cabinet Gartner. 1 Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel Lucie Louvet 4 IEP Rennes
(1) bis Cause : Ce ralentissement s’explique par une saturation du marché de la téléphonie mobile en Europe, avec un taux de pénétration égal ou supérieur à 100% dans 18 pays sur 25 au sein de l’Union Européenne: Source : « Téléphonie mobile en France. Analyse critique de l’étude de l’AFOM » Que choisir, 10/07/07 (2) Cause : L’évolution du prix de vente moyen (Average Selling Price) des terminaux Nokia est à la baisse : de 103 € au Q1 2006, il passe à 89 € au Q1 2007, pour s’établir à 79€ au Q1 20081. (3) Problème : Ces deux constats expliquent que les équipementiers, dont Nokia, doivent faire face à un fort ralentissement des recettes issues de la vente des terminaux. D’après le cabinet d’analyse Idate, les revenus du marché mondial des terminaux s’élèvent à $131 milliards en 2007, en croissance de 12% par rapport à 2006 ($117 milliards). Leurs projections établissent un revenu de $150 milliards à horizon 2011, soit une croissance de 6,2 % par an. (4) Conséquence : C’est face à cette tendance de fond que les sociétés du secteur se tournent vers un nouveau relais de croissance : le marché des services Internet mobiles, marché à fort potentiel en Europe* : 1 Source : Données disponible à partir de 2006 uniquement, Seeking Alpha, Nokia Earning Call Transcript 2006, 2007, 2008 Lucie Louvet 5 IEP Rennes
2006 2011 évolution Revenus liés aux services 19,7 milliards 19,8 milliards +0,5% de messagerie** d’euros d’euros Revenus liés aux contenus 2,2 milliards 7,9 milliards d’euros +259% mobiles*** d’euros Marché total des services 21,9 milliards 27,7 milliards +26% mobiles d’euros d’euros Source : Jupiter Research, Etude “European Mobile Forecast, 2006-2011”, Thomas Husson,16/11/06 * l’Europe définie ici comprend 17 pays (Angleterre, Irlande, Allemagne, France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Suisse, Autriche, Pays-bas, Belgique, Norvège, Suède, Finlande, Danemark, Luxembourg) et les revenus mentionnés excluent le trafic data ** La croissance des MMS, de l’e-mail et de l’instant messaging mobile fera plus que compenser le déclin des revenus SMS ** Les revenus des services d’infotainment (Vidéo/TV, jeux, musique, etc) seront près de 3 fois supérieurs à ceux des services de personnalisation (sonneries, logos,..) Lucie Louvet 6 IEP Rennes
Le marché des services Internet mobiles Définition des services Internet mobiles L’expression « Internet mobile » est utilisée pour décrire la convergence entre la téléphonie mobile et l’Internet. Il faut entendre par là la possibilité d’avoir une expérience client de qualité sur Internet depuis son mobile. Le marché des services Internet mobiles regroupe l’ensemble des services délivrés par un terminal mobile au cours d’une connexion Internet, ou téléchargés sur Internet et délivrés après la connexion. Une typologie des services Internet mobiles peut être ébauchée1 : - les services multimédia (Ex : Flickr, Picasa) ; - les fonctions associées à la localisation géographique de l’utilisateur (Ex : Mappy, Google Map) ; - la communication interpersonnelle par l’intermédiaire de communautés (Ex : Facebook, MySpace) ; - les services d’information (actualités générales, sport, musique, météo, horoscope) ; - les services professionnels de type « bureau-mobile » (Ex : Microsoft Office) ; - les services de personnalisation et de divertissement (Musique, Jeux) ; - les services d’utilité publique (urgence, sécurité, médecine) ; - le commerce mobile (Ex : Ebay, Amazone) ; - la communication interpersonnelle sous forme d’email (Ex : Hotmail, Gmail, Yahoo Mail) ; - la communication machine/machine. Le contexte favorable au développement de ce marché Il prend actuellement son essor à la faveur de la croissance des débits des réseaux de téléphonie mobile. Aujourd’hui, le réseau HSDPA permet le transport de tous types de données (voix, images, vidéos), et peut potentiellement offrir au client une réelle expérience Internet mobile, similaire à une expérience Internet sur PC. Cette barrière technique tend à être dépassée au cours de l’année 2008. Autre barrière au développement de ce marché : le prix de l’offre trop élevé proposé par les opérateurs. Cette barrière est également en train de tomber, avec l’apparition d’offres illimitées, telle l’offre « star », lancée par Orange en mars 2008 qui propose un accès Internet et TV mobile illimitée. 1 Karine Poupée, La Téléphonie Mobile, Que-Sais-Je n°3661, 2003 Lucie Louvet 7 IEP Rennes
La croissance des débits des réseaux de téléphonie mobile, du GSM à l’HSPA : Nom du Débit Date de Acronyme Couverture du Remarque réseau moyen lancement réseau (France) GSM 24,7 1992 Global System for Orange: 99% de la 2G Kbps Mobile pop communications GPRS 40 Kbps 2000 General Packet Orange: 99% de la WAP, SMS, 2,5G Radio Service pop MMS EDGE 200 Kbps 2000 Enhanced Data Orange: 99% de la Norme 2,75G Rates for GSM pop plébiscitée par Evolution Bouygues UMTS 300 Kbps 2004 Universal Mobile SFR : 70% de la Plébiscitée par 3G Telecommunication pop Orange et s System Orange:70% de la SFR. pop Le saut qualitatif attendu ne s’est pas concrétisé. HSPA 3,6 – 7,2 2006 High-Speed Packet SFR : 70% de la Réel saut 3G+ – 14,4 Access pop qualitatif. Mbps Orange : 70% pop Sources : sites Internet d’Orange, SFR, ,et Bouygues Télécom La demande des clients Les services pertinents sur mobile ne sont pas les mêmes que les services pertinents sur PC fixe : « Sur un PC je vais vouloir consulter mes comptes bancaires, sur un mobile, je veux recevoir un SMS qui m’alerte si je suis dans le rouge»1. Deux sphères sont particulièrement pertinentes en terme de services Internet mobiles : la communication et la mobilité. Il faut garder en tête qu’un client achète un mobile pour communiquer. Aujourd’hui, c’est le SMS qui est le service-roi, avec un taux de marge supérieur à 90%. Les services qui sont le plus attendus à l’avenir sont les services de communication : envoi de photo, MMS, email, Windows Live Messenger sur mobile. Les autres usages émergents qui peuvent rencontrer un certain succès sont ceux qui ont une pertinence en terme de mobilité. C’est le cas de la géolocalisation, qui a énormément de sens sur un mobile. 1 Bouygues Télécom Lucie Louvet 8 IEP Rennes
Les offres concurrentes Nokia n’est pas le seul à vouloir se tailler une part de choix sur le marché des services Internet mobiles. En face de l’équipementier se dressent les opérateurs de téléphonie mobiles : Vodafone, Orange, Telefónica Mobiles, TIM, et T-Mobile, pour ne citer que les plus importants sur le marché européen, et surtout le japonais NTT DoCoMo, l’indien Bharti Airtel, et China mobile pour les marchés asiatiques. Ce sont des acteurs historiques sur ce marché, qui contrôlent aujourd’hui l’accès au client, et disposent d’une importante offre de services Internet mobiles. Autres grands noms bien décidés à profiter de ce marché: les acteurs du web traditionnel qui, à l’instar de Yahoo, Google, et MSN, possèdent déjà une offre de services Internet étoffée sur PC, et qui débarquent aujourd’hui sur les mobiles. Aux côtés de Nokia, Google, le numéro 1 du web, se distingue de par sa stratégie agressive de rachat pour les services : - de communication (rachat de Getonic Software) ; - vidéo (Youtube) ; - Photo (Picasa) ; - localisation géographique (Where2, Map Analysis, Neven vision, Endoxon, Image America). Les opérateurs de téléphonie mobile adoptent plutôt une stratégie de signature, à l’image d’Orange, qui a des accords pour ses services de : - communication (Meetic) ; - jeux (Goa) ; - musique (Musiline) ; - photo (Photoservice.com) ; - localisation géographique (Mappy) ; - commerce mobile (alapage.com) ; - et ses services d’utilité publiques (Maxicours). Annexe 2 : Les offres concurrentes sur le marché des services Internet mobile Lucie Louvet 9 IEP Rennes
Le partage des recettes sur le marché des services Internet mobiles Les services représentent aujourd’hui 3€ sur une facture moyenne de 50€ par mois. La question du partage des revenus est primordiale. En effet, les équipementiers ne sont pas les seuls à prévoir une baisse de leurs revenus traditionnels : les opérateurs s’attendent également un effritement de leurs revenus tirés du vocal, et recherchent donc un nouveau relais de croissance sur le non-vocal. Les recettes se partagent entre les acteurs présents sur le marché de la téléphonie mobile, qui sont au nombre de 3 : les propriétaires, les distributeurs, et les transporteurs. Les propriétaires : ce sont les ayants droit qui possèdent le contenu. Il s’agit des fournisseurs de contenus (dont les Maisons de disques, Editeurs de jeux, Média, Fournisseur de sites communautaires, de sites de partage de photos), des constructeurs de téléphones (tel Nokia, avec le rachat de Navteq, spécialiste de cartographie numérique), des marques Internet (comme Microsoft, Yahoo ou Google qui proposent leur boîte mails et moteur de recherche), et des opérateurs…. Les distributeurs : ils sont l’intermédiaire entre les propriétaires et les transporteurs. C’est le cas des équipementiers et des opérateurs, lorsqu’ils distribuent les services de tiers. Les transporteurs : ils transportent les données. Il s’agit des opérateurs téléphoniques (Vodafone, Orange, Telefónica, TIM, T-Mobile, ...), ou des opérateurs Internet (Neuf Télécom, Free, …). Au sein de ce trio propriétaire/distributeur/transporteur, chaque rôle est incontournable : les fournisseurs de contenus se trouvent en haut de la chaîne de distribution, les transporteurs ont accès au client final, et les distributeurs se trouvent entre les deux. La « part la plus belle » des revenus reviendra cependant à la marque qui possède le contenu. Si l’équipementier finlandais veut tirer des ressources de la part des services Internet, il doit mener une politique de rachat dans le secteur des services Internet. Au lancement de son portail OVI, l’ambition de Nokia est d’occuper à la fois la place de propriétaire et de distributeur, et de cantonner les opérateurs au rôle de transporteur : « les opérateurs doivent se contenter de tirer leurs recettes du transport des données, c’est la place qui leur revient. »1. Les opérateurs, quant à eux, souhaitent également remonter la chaîne logistique et occuper la place de transporteur, de distributeur, voir de propriétaire, à l’image d’Orange, qui a remporté en France les droits du football français sur la période 2008-2012 aux côtés de Canal+. 1 Xavier Des Horts, Directeur commercial de Nokia Lucie Louvet 10 IEP Rennes
Les racines de Nokia dans les services Internet mobiles : Une gamme de produits tournés vers les services Internet mobiles1 Les nouveaux modèles lancés à l’occasion du Nokia World, qui s’est tenu à Amsterdam les 6 et 7 décembre, révèlent la volonté de Nokia d’étoffer sa gamme de terminaux axés sur le divertissement. La gamme Nseries s’enrichit ainsi de 7 modèles. A noter également la sortie de deux téléphones XpressMusic. La gamme NSeries2 offre 28 modèles tournés la La gamme XpressMusic3 se compose de 4 musique, les jeux, la vidéo, l'Internet mobile, la terminaux entièrement dédiés à la musique. photographie et les cartes. N95 : It’s what computers have become Nokia 5310 XpressMusic “With speedy web access, up to 10 times faster “The Nokia 5310 XpressMusic is pure pop. than standard 3G, the Nokia 95 multimedia computer is your gateway to the net. Subscribe From its wafer-thin anodized aluminium design to your favourite pod cast. Bookmark the to its mighty sound, you will soon find yourself hottest new websites. Upload photos and telling everyone about its funky bend of form purchase and download music. Navigate web and functions. The choice f this phone is clear pages easily with Nokia Web Browser with for anyone serious about music. Mini Map. Organize your schedule, view Fantastic sound reproduction common attachments, stay in touch with email The dedicated audio chip hidden inside its ultra- and instant messaging. The Nokia N95 has 5 slim, ultra light form will amaze you with its mega pixel camera, Carl Zeiss optics, advanced dazzling sound reproduction. You can auto focus and a large 2.6 TFT display with a experience its power from the moment you wide viewing angle. Add video stabilisation and activate any of a selection of pre-loaded tunes VGA resolution up to 30 frames per second for with the press of its dedicated diamond cut DVD-like video. The-on device photo and music keys. And with its standard 3.5 mm video editor then lets you be as creative as you want to be.” headphone jack, you can choose the ear wear that suit your surroundings or choice of music. Prix nu : 429€ […]” Prix nu : 229€ _______________ 1 Autres collections : Gamme Business ESeries (10 modèles), Gamme Entry, Gamme Connect, Gamme Live, Gamme Explore, Gamme Achieve, Gamme Fashion, Gamme Prisme (2 modèles), Gamme Premium. 2 Source : http://www.nseries.com/index.html 3 Source : « New products launched at Nokia World 2007 », Nokia, 2007 Lucie Louvet 11 IEP Rennes
Historique de la présence de Nokia dans les services Internet mobiles La gamme de téléphones multimédia n’est pas la seule racine de Nokia dans les services Internet mobiles. L’étude de l’historique de Nokia montre que la firme finlandaise prépare depuis 2003 son tournant vers les services Internet mobiles. Historiquement, les jeux sont donc la 1ère brique de la forteresse numérique Nokia. (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11)
Passé Présent Futur Durée A B C Période décrite dans le cas Période de transition Période suivant les changements recommandés 1996 : Création du Club Nokia, autour du site 29 Août 2007 : annonce du - 2008 Lancement des club.nokia.fr, plateforme commerciale et lancement de la plateforme OVI services restants : N-Gage, relationnelle. (1) (7) avec 3 services Nokia Photo, Vidéo&TV, - N-Gage (4) Contacts, et Internet. 1997 : lancement du jeux snake (2) - Nokia Maps (5) - Nokia Music Store (6) - Lancement d’OVI.com 1999 : lancement du Nokia 7110, 1er terminal WAP (8) - Lancement d’OVI for PC Nov. 2007 : Club Nokia devient 2002 : lancement du Nokia 7650, 1er téléphone My Nokia - Multiplication des accords mobile avec appareil photo numérique intégré (9) avec les opérateurs et les Nov. 2007 : Ouverture du fournisseurs de contenus 2003 : Lancement de la série N-Gage, 1 téléphone- premier Nokia Music Store au er console de jeux portable. Succès mitigé, avec la UK. moitié des ventes prévues réalisées (10) Janv. 2008 : Création de la er 2003 : Lancement du Nokia 3650, 1 téléphone division Services au sein de la mobile avec caméra intégrée (11) structure de Nokia Sept 2003 : Nokia rachète Sega.com Inc Avril 2008 : Ouverture du Nokia Annexe : présentation du portail OVI Music Store en France Sept 2005 : Lancement de MOSH (Mobilise and Annexe : présentation du portail OVI Share), site de partage entre utilisateurs. Succès, 6 millions d’utilisateurs en 2007 uniquement de bouche à oreille (3) Fév 2007 : Lancement de Nokia Maps Transition : OVI, futur portail de Nokia, se présente donc comme un relais de croissance vers les services Internet mobiles. Même si les dirigeants de Nokia font semblant de ne pas avoir de stratégie sur le long terme : « We don’t know what it is going to be, because people will decide it »1, l’équipementier finlandais a de solides racines sur ce marché, de par sa gamme de produits multimédia, et l’intérêt porté aux services depuis 2003. Une politique de signature lui permet certes d’exister sur le marché des services Internet mobiles, mais, pour bien en vivre, il doit se positionner en tant que propriétaire. La stratégie de rachat de contenu prend alors tout son sens. Dans quelle mesure cette stratégie permet-elle à Nokia de verrouiller sa présence sur le marché des services Internet ? 1 « Nous ne savons pas ce que [OVI] va deveni,r, parce que nos clients le décideront » Anssi Vanjoki, Vice Président de Nokia, lors de la présentation d’OVI au Go and Play Event le 29/08/07
2.2 Une stratégie de rachat de contenus Le modèle Merger & Acquisition : Les constructeurs et les opérateurs ont fait le même raisonnement : pour exister sur le marché des services Internet mobiles, la première étape consiste à signer avec les grandes marques Internet. La stratégie de SFR est révélatrice à cet égard, puisque l’opérateur français s’est allié à plusieurs grandes marques, telles Windows Live, Dailymotion, YouTube, eBay, Myspace et Google Maps en Juillet 2007, en plus des partenariats déjà signés avec Allocine, Pagesjaunes, Lequipe et Mappy, pour proposer à ses clients l’offre « Best of web ». Pour tirer des revenus du marché des services Internet mobiles, la deuxième étape consiste à acheter un actif stratégique dans ce secteur, avec de la valeur ajoutée. La politique de rachat menée par Nokia dans les services Internet depuis 2003 va dans ce sens. Deux types d’acquisition sont à distinguer : le rachat de sociétés pour acquérir des technologies dans le domaine de l’environnement Internet, et le rachat de sociétés dans le but d’acquérir de l’audience. Sega.com Inc, San Francisco, Etats-Unis. Société spécialisée dans la distribution de jeux, et les services de jeux en ligne, Sega.com est l’un des principaux fournisseurs de technologies pour les jeux sur mobile et les jeux multi joueurs. Le groupe Nokia a acquis 100% des actions de Sega.com le 16 septembre 2003. Les modalités de l’acquisition sont confidentielles. Les actifs de Sega.com servent la stratégie de Nokia dans les jeux, avec la constitution de la plateforme N-Gage. [Acquisition de technologies]. gate5 AG, Berlin, Allemagne. Société éditrice du logiciel de navigation GPS multi plateforme « smart2go ». Le groupe Nokia a acquis 100% des actions de gate5 le 15 octobre 2006. Les modalités de l’acquisition sont confidentielles. Nokia s’est appuyé sur le savoir-faire de gate5 AG pour constituer son propre logiciel de navigation « Maps ». [Acquisition de technologies]. Loudeye Corporation, Bristol, Angleterre. Le groupe Nokia a acquis 100% des actions du fournisseur de solutions B2B de musique en ligne, le 16 octobre 2006, pour 60 millions de dollars (il s’agit du rachat des activités internationales, les actifs américains ayant été vendus à Muze pour 11 millions de dollars). Le réseau de distribution de Loudeye a permis la constitution du magasin électronique Nokia Music Store. [Acquisition d’audience].
Twango, Etats-Unis. Créée en 2004, cette plateforme permet le partage et l’organisation de photos, de vidéos et autres contenus personnels. Le groupe Nokia a acquis substantiellement toutes les immobilisations de Twango le 25 juillet 2007, pour un montant d'environ 100 millions de dollars1. La structure de Twango a servi à la création de « Share on Ovi », site en ligne de gestion de contenu de Nokia. [Acquisition d’audience]. L’acquisition la plus importante en terme de valeur n’est pas finalisée à ce jour : Navteq, Chicago, Etats-Unis. Ce fournisseur de cartographie numérique est en cours d’acquisition depuis octobre 2007, pour 5,7 milliards d’euros. L’achat sera finalisé le 18 août 2008, date du rendu de la décision de la commission européenne. Les cartes de Navteq alimentent en contenu le service Nokia « Maps ». [Acquisition de technologie, et d’audience]. La croissance externe est l’arme de Nokia sur le champ de bataille des services Internet mobiles. Cette stratégie agressive ne pèse pas, à première vue, sur les comptes du groupe, qui garde un ratio dettes/fonds propres équilibré bien qu’en hausse pour s’établir à 53,9% au 31 décembre 2007: En millions d’euros 2007 2006 2005 total liability 20 261 10 557 9 938 total assets 37 599 22 617 22 452 ratio tot liab/tot assets 53,90% 46,68% 44,26% current liabilities 18 976 10 161 9 670 current assets 29 294 18 586 18 951 ratio curr liab/cur ass 64,78% 54,67% 51,03% non-current liabilities 1 285 396 268 non-current assets 8 305 4 031 3 501 ratio non-curr liab/non-curr ass 15,47% 9,82% 7,65% operating income 7985 5488 4639 interest expense 43 22 18 interest coverage ratio 185,69 249,45 257,72 1 source WSJ
operating income 7985 5488 4639 interest expense 43 22 18 interest coverage ratio 185,69 249,45 257,72 interest expense 43 22 18 tot liab 20 261 10 557 9 938 Average cost of borrowed capital 0,21% 0,21% 0,18% Source : Nokia Financial Report 2007 La lecture des rapports financiers de Nokia souligne une certaine flexibilité du périmètre d’activité du groupe, qui pourrait expliquer avec, de 2005 à 2007, des achats d’actifs qui sont contrebalancés par la vente d’actifs : Nextrom Holding. 3,2 millions d’actions revendues le 18 mars 2005. Les modalités de cette vente sont confidentielles. Professional Mobile Radio business, Munich, Allemagne. Les activités de Nokia Professional Mobile Radio ont été revendues à EADS le 5 Septembre 2005. Les modalités de cette vente sont confidentielles. 3G chipset development, Genève, Suisse. 100 % des actifs revendus le5 novembre 2007. Les modalités de cette vente sont confidentielles. Identity Systems, Etats-Unis. 100% des actifs vendus à Informatica pour 85 millions de dollars. Opérations finalisé en mai 2008. Les modalités de cette vente sont confidentielles. Il semble que le groupe Nokia « voyage léger », et qu’il se sépare de sociétés ou prises de participation pour acquérir les actifs nécessaires à la poursuite de sa croissance externe. Cette stratégie financière est un des éléments qui permettent à Nokia de conserver un équilibre financier même en période d’acquisitions. Porter sur le long terme une stratégie tournée vers les services Internet coûte cher, et demande des investissements immatériels importants. Ce constat mériterait d’être approfondi, et constitue une limite de cette monographie. Annexe 3: Résultats financiers 2007
Le cas de Navteq, fournisseur de cartographie numérique Cette acquisition est non seulement la plus significative en terme de valeur, mais aussi la plus pertinente. En terme de valeur, le rachat de Navteq est évalué à 5,7 milliards d’euros, soit 5,4 milliards d’euros après absorption de la trésorerie excédentaire. En Juin 2007, la trésorerie de Nokia et les liquidités placées à court terme s’élevaient à 8,7 milliards d’euros. L’acquisition sera financée à 50% par du cash, et à 50% par de l’endettement, ce qui se ressentira dans les résultats du groupe en 2008 et 2009. Nokia valorise Navteq 54 euros (78 dollars) par action, soit une prime de 34% par rapport à son cours constaté le mois précédent, (84% par rapport au cours constaté il y a 3 mois). La valeur du cartographe américain monte alors à 24,2 fois son EBITDA1, et 8,4 fois son chiffre d’affaires. Il s’agit du plus gros rachat du groupe depuis 1992, date à laquelle il se recentrait sur les activités de téléphonie mobile. Annexe 4 : Evolution du cours de Navteq Sur le plan stratégique, il s’agit pour Nokia de remonter la chaîne de valeur, en rachetant l’un de ses fournisseurs. Cette « croissance par intégration en amont »2 se révèle pertinente au regard des bonnes performances du secteur de la cartographie numérique, et de ses fortes perspectives de croissance. Conséquence de ce rachat : la mise sur le marché d’une offre intégrée « 100% Nokia » dans la géolocalisation, alors que la position des équipementiers se réduit traditionnellement au hardware. Contenu : Cartes (Navteq, en cours d’acquisition par Nokia) Software Logiciel : Nokia Maps (gate5 AG, racheté par Nokia le 15/10/2006) Système d’exploitation : S60, (Symbian, société britannique possédée à 47,9% par Nokia) Hardware Terminaux : 27 téléphones Nokia compatibles avec Nokia Maps Si cette opération de croissance externe peut être perçue comme une stratégie agressive, on peut imaginer au contraire que ce rachat suive une logique défensive, sachant que des rumeurs couraient en Juin 2007 sur l’intérêt de Google pour Navteq 3 : « Ce rachat lui permet de sécuriser son approvisionnement en cartographie numérique, plutôt que de le voir passer chez un concurrent »4. 1 « Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization », indicateur américain proche de l’EBE français, qui intègre le coût de la fiscalité en plus 2 Kotler et Dubois, Marketing Management, Publi Union, 10e édition, 2000, p.108 3 « Navteq is Google-icious », Geodatablog, Christophe Charpentier, 07/06/07 4 Thomas Husson, analyste chez Jupiter Research
Plus précisément, avec le rachat de Navteq, Nokia s’empare de l’un des deux fournisseurs présents sur le marché de la cartographie numérique. Navteq (chiffre d’affaires 2006 : 582 millions de dollars) occupe une position dominante, avec pour seul concurrent la société néerlandaise Tele Atlas (chiffre d’affaires 2006 : 264 millions de dollars). Ce duopole, préservé depuis une vingtaine d’année, s’explique par l’importante base de données (69 pays sur 6 continents en 2008) possédée par Navteq (60% de parts de marché) et Tele Atlas (40% de parts de marché). Les données cartographiques les plus précises (limitations de vitesse, emplacement de stations services,…) étant recueillies « à la main », en sillonnant les routes, la difficulté de constituer une nouvelle base de données représente une forte barrière à l’entrée de ce marché. Navteq apparaît alors comme un véritable actif stratégique, source d’avantage compétitif, qui permet à Nokia de fournir certains de ses concurrents. Grâce à cette acquisition, Nokia se positionne au côté de Tele Atlas sur l’ensemble du marché de la cartographie numérique. L’entrée de Nokia sur le marché de la cartographie numérique1 : TOMTOM NOKIA Tele Atlas Navteq Constructeurs PND2 Automobiles (1ère monte et Garmin option) TomTom Magellan Groupe Peugeot Téléphonie Marques Michelin Groupe Fiat mobile Internet Navman Renault Pioneer et LG Nissan Nokia Maps Google Maps Marché en BMW Orange Yahoo forte croissance Ford, … Vodafone AOL Marché en Verizon, … Microsoft, … PDA3 croissance, très Marché très Marché en dépendant de prometteur croissance Dell l’évolution des HP ventes Marché non d’automobiles significatif 1 La lettre de la technologie, « Navteq, une opportunité », René Choulet, 06/09/06 2 Personal Navigation Devices 3 Personal Digital Assistants
Le modèle des 5 forces de Porter1 La stratégie de rachat de contenu de Nokia lui permet de sécuriser sur le long terme sa position en amont sur le marché des services Internet mobiles et de diminuer les forces qui pèsent sur la firme : - en diminuant le pouvoir de négociation des fournisseurs et en sécurisant l’approvisionnement dans les services où il possède son propre contenu ; - en fournissant du contenu à certains des concurrents du secteur, et probablement à certains nouveaux entrants ; - en se positionnant sur le marché des produits de remplacement pour certains services, comme la géolocalisation. 4- Nouveaux entrants : Menace relativement forte (4/5) 5- 2- Clients (B to B) 1- Fournisseurs : Pouvoir de négociation Concurrents Pouvoir de nulle (0/5) ou moyen (3/5) du secteur : négociation Forte rivalité relativement fort (4/5) (5/5) 3- Produits de remplacement : Menace relativement forte (4/5) 1- Pouvoir de négociation des fournisseurs nul (0 sur 5) moyen (3 sur 5). Le pouvoir de négociation des fournisseurs est nul dans la géolocalisation, le partage de contenus, et les jeux, où Nokia est propriétaire de son offre. Pour les autres services, il me semble que le pouvoir des fournisseurs est équivalent au pouvoir de Nokia. D’un côté, Nokia possède une « super arme »: ses 300 millions de terminaux multimédias en circulation, formidable outil de distribution de contenus pour les fournisseurs. De l’autre côté, Nokia a absolument besoin de signer avec les grandes marques fournisseurs de contenus pour s’assurer une visibilité sur le marché des services Internet. 2- Pouvoir de négociation des clients relativement fort (4 sur 5) 1 M. Porter, L’avantage concurrentiel , InterÉditions, 1986
Il s’agit des opérateurs. Ce sont eux qui maîtrisent aujourd'hui l’extrémité basse de la chaîne de distribution, c'est-à-dire la relation client, la facturation et la tarification de l'accès et de la consommation de données sur le mobile. Le contre pouvoir de Nokia : le contrôle du processus industriel de fabrication des terminaux. Le contenu de cette négociation est approfondi plus loin. 3- Menace des produits de remplacement relativement forte (4 sur 5) Il existe des produits de remplacement offrant un à un les services regroupés dans OVI : Navigateurs GPS, baladeurs mp3, et consoles de jeux portables, qui offrent une qualité de service égale ou supérieur, pour un prix unitaire inférieur, mais un prix cumulé supérieur. 4- Menace des nouveaux entrants relativement forte (4 sur 5) Il est relativement facile d’entrer sur le marché, de signer avec les grandes marques Internet et d’exister sur le marché des contenus. 5- Forte rivalité entre les concurrents du secteur (5 sur 5) Fabricants de terminaux, opérateurs mobiles, marques traditionnelles du web, les concurrents du secteur sont nombreux, pour un marché en forte croissance. La marque Nokia reste cependant la plus forte (5e position au classement Interbrand 2007 réalisé par Businessweek, Samsung arrive à la 21e place, Apple 33e), et le groupe finlandais se distingue de ses concurrents par la pluralité des services proposés.
L’influence des gouvernements dans le jeu stratégique Un grain de sable européen pourrait toutefois gripper la belle mécanique finlandaise. Ainsi, la Commission européenne s’est saisie du projet d’acquisition de Navteq par Nokia le 28 mars 2008, craignant d’éventuelles atteintes à la concurrence verticale au sein de l’Espace Economique Européen : « L'enquête approfondie de la Commission visera notamment à déterminer si l'opération entraînerait une hausse des coûts des cartes routières numériques pour les autres sociétés qui fournissent des services de navigation sur combiné mobile ou limiterait leur accès à ces cartes, portant ainsi préjudice aux consommateurs». Neelie Kroes, membre de la Commission européenne en charge de la concurrence, rendra son avis le 18 Août prochain. La Commission européenne peut interdire une concentration pour deux raisons : 1. Si elle conduit à la suppression d’un acteur indépendant par un concurrent. Ici, ce n’est pas le cas puisque Navteq n’était pas concurrent de Nokia. 2. Si elle crée ou renforce une position dominante sur un marché donné. Ici, le rachat de Navteq, l’un des deux seuls fournisseurs de cartes numériques couvrant l’Europe et l’Amérique du Nord, par Nokia, leader de la téléphonie mobile avec 40% de parts de marchés, pourrait effectivement créer une position dominante de Nokia sur le marché des logiciels de navigation pour téléphones mobiles. Trois options possibles : 1. La Commission européenne interdit le projet d’acquisition (1 cas sur 400 en 2007)1 2. La Commission européenne approuve le projet d’acquisition (385 cas sur 400 en 2007) 3. La Commission européenne soumet le projet d’acquisition à des conditions spécifiques (15 cas sur 400 en 2007) Les statistiques de la Commission mettent en avant la faible probabilité que le projet d’acquisition de Nokia par Navteq soit interdit. Toutefois, si c’était le cas, c’est un pilier important de la forteresse numérique de Nokia qui s’écroulerait. La pression concurrentielle sur le marché des services Internet mobiles s’accentuerait pour l’équipementier, et il conviendrait de nuancer le caractère « verrouillé » de la position de Nokia en amont de ce marché. Interrogé sur les clients de Navteq, le Directeur commercial de Nokia, Xavier des Horts, refusa de se prononcer: « Navteq : aucun commentaire. Nokia ne l'a pas encore acheté - enquête approfondie de la Commission Européenne ». 1 « Le contrôle des concentrations », Europa, Neelie Kroes, 26/02/2008
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