L'étude des stratégies d'influence culturelle extérieure du Québec1 - Infoguerre
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L’étude des stratégies d’influence culturelle extérieure du Québec1 1 Nicolas Cambier, Jean-Charles Carquillat, Amaury Gatinois, Florian Jeandet, Hirotaka Kato, Jules Mouillé, Julie Soulié. 1
SOMMAIRE I. L'HISTOIRE DU QUÉBEC OU LA LUTTE DES QUÉBÉCOIS POUR LEUR PARTICULARISME CULTUREL 5 La Nouvelle France : des expéditions à la colonisation 5 Le Régime britannique : de l’annexion aux rébellions 6 La Fédération Canadienne : de la création du Canada à l’assimilation du Québec 8 II. DE 1945 À NOS JOURS, LA SURVIE DU QUÉBEC À TRAVERS SA POLITIQUE INTÉRIEURE ET EXTÉRIEURE 11 Une transition sociétale mouvementée 11 L'État canadien pleinement souverain : le Canada français en péril 12 La para-diplomatie culturelle québécoise comme levier d’influence stratégique 14 III. L’ÉCONOMIE AU CŒUR DE LA DIPLOMATIE QUÉBÉCOISE : LA CULTURE DES AFFAIRES DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES 16 Affaires et culture : la convergence de deux mondes antagonistes 16 Logique économique dans la diplomatie culturelle 18 Etudes de cas : Stratégie québécoise d’internationalisation de ses entreprises et défense de la culture québécoise face aux géants étrangers 19 CONCLUSION 22 SOURCES 23 2
Introduction « Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l'hégémonie d'une seule. » Citation de Pierre Bourgault, professeur et ardent défenseur de la langue française au Québec, lors d’une allocution de 1998 « On peut être absolument, totalement fier de son héritage francophone, on peut être déterminé à avoir des lois qui protègent le français en Amérique du nord et, en même temps, être ouvert sur le monde et en profiter. » Citation de Jean-François Lisée, homme politique québécois Seul Etat canadien francophone, le Québec possède une population de huit millions d’habitants répartie sur un territoire de 1 667 441 km2, soit près de trois fois la surface de la France métropolitaine, ce qui en fait le plus grand territoire francophone du monde. Son histoire singulière, durant laquelle le Québec a lutté pour garder son particularisme identitaire, notamment linguistique, au sein de la fédération canadienne, a façonné indéniablement l’identité et les stratégies d’influence québécoises, mises en œuvre actuellement. Véritable moyen de gagner en autonomie vis-à-vis du pouvoir central, la défense de la culture québécoise a servi, et sert encore aujourd’hui, de levier à la sauvegarde de ses droits et de son identité, mais aussi à préserver un poumon économique nécessaire pour le Canada. Tiraillé tout au long de son Histoire entre indépendance et appartenance canadienne, le Québec exprime sa volonté de rayonner auprès des pays francophones et du reste du monde par le développement de son influence culturelle extérieure. L’intérêt est alors d’étudier comment le Québec a œuvré pour développer son rayonnement, comment ses actions ont été coordonnées et préparées afin d’atteindre un objectif bien particulier d’influence. Cette guerre intelligente d’influence, mise en place par le Québec pour prendre l'ascendant, a pour but, en premier lieu, de lui permettre de développer son économie. L’influence, constituant un véritable pouvoir social et économique, se définit comme une action en continue d’un groupe, ici la province du Québec, sur une entité. En France, pays situé au cœur du monde francophone, la culture québécoise est bien connue, aussi bien grâce aux chanteurs québécois de renoms, tels que Céline Dion, que par les réalisateurs cinématographiques souvent récompensés, tels que Xavier Dolan. Dans une acception plus large, la culture québécoise ne se résume pas qu’à ses artistes mondialement reconnus mais également à l’ensemble des caractéristiques qui définissent le Québec, province détachée culturellement des autres parties du Canada. La construction d’une stratégie de puissance géoéconomique semble inévitable pour le Québec afin de se faire une place au sein du monde. Le business d’influence prend alors tout son sens, sur un territoire où chaque moyen d’action passe par l'entreprenariat et le développement de la politique économique. Il est alors essentiel de s’intéresser à chaque étape du développement de la stratégie d’influence du Québec. Comment, historiquement, s’est créée et développée l’influence du Québec ? Comment et dans quel but le Québec utilise-t-il sa particularité 3
identitaire dans ses stratégies d’influence culturelle ? Au Québec, la culture se gère-t-elle comme tout autre enjeu économique ? Pour comprendre la stratégie de puissance du Québec, l’analyse de son Histoire, depuis sa création jusqu’au basculement de la Seconde Guerre mondiale, est nécessaire, dans un premier temps, puis vient, dans un second temps, l’étude de l’Histoire moderne du Canada au travers de sa « Révolution Tranquille » et de son utilisation de la para-diplomatie à des fins de rayonnement. L’étude de l’Histoire du Québec conduit à l’analyse, dans un dernier temps, du business d’influence québécois comme pilier central de l’influence culturelle. 4
I. L'Histoire du Québec ou la lutte des Québécois pour leur particularisme culturel Le Québec est le produit d’un long processus historique qui débute lors des colonisations du XVIe siècle (1), bouleversé par le régime britannique (2), et enfin, assimilé par le Canada (3). La Nouvelle France : des expéditions à la colonisation Dans une première expédition, commandée depuis le Royaume de France, Jacques Cartier est le premier explorateur européen sur les terres constituantes du Québec lors de son débarquement dans la région de l'actuel Gaspé, le 24 juillet 1534. Les expéditions ne rapportant pas la quantité d’or espérée, un début de colonisation s’opère le long du fleuve Saint-Laurent, avec la création de la ville de Québec en 1608 par Samuel Champlain, avec l’ouverture de comptoirs pour le commerce de la fourrure, principalement. Une colonisation ratée Devant la rudesse du climat et le peu d’investissements financiers de la part du Royaume de France, la colonisation progresse lentement car le système mis en place n'est pas adéquat. En effet, le Royaume de France confie le développement de sa colonie à une compagnie de commerce en lui octroyant l'exclusivité de la traite des fourrures. En retour, cette compagnie se doit de peupler le territoire. Or, cette dernière n’a jamais affiché la volonté de mettre à profit ses bénéfices pour peupler ce territoire, ni afin de créer une colonie pour le Royaume de France. En 1663, le Roi de France, Louis XIV, constatant l'échec du système des compagnies, notamment la compagnie des Cent-Associés créée en 1627 par Richelieu, décide de faire de la Nouvelle-France une colonie royale afin de prendre en main son développement, qui demeure peu prospère, malgré l’édit royal de développement. La colonisation progresse sur le territoire mais elle n’est en rien comparable avec l’accroissement démographique exponentiel des colonies britanniques se situant au Sud, ce qui menace son existence. Le différentiel démographique entre la colonie royale et les colonies anglaises la rend vulnérable en cas de conflit. De fait, la guerre de sept ans, de1756 à 1763, ou mieux connue au Québec comme étant la guerre de la Conquête de 1754 à 1760, illustre l’impact de ce différentiel démographique en consacrant la défaite définitive de la Nouvelle-France par la cession de ce territoire à la couronne britannique par le Traité de Paris, en 1763. 5
Carte de la Nouvelle France (1562-1763) Source : PopulationData.net L’abandon du Québec par la France A la veille de la Révolution française, la France est la première puissance mondiale, mais elle comprend tardivement l’importance de la puissance maritime. En effet, la France, malgré le fait de posséder la moitié de ses frontières littorales, privilégie ses frontières terriennes en développant ses théories de puissance terrestre et de souveraineté territoriale. Comme l’écrit Raphaël Chauvancy dans La Puissance moderne en 2017, la France ne comprend que tardivement la logique de la maîtrise des rapports de force économique contrairement à la Grande Bretagne ; c’est pourquoi la Nouvelle-France, et donc le Québec, n’a pas été une priorité stratégique du Royaume de France. Le Régime britannique : de l’annexion aux rébellions La difficulté pour Londres « d’éliminer » les Canadiens-francophones Après la conquête, l'autorité britannique veut prendre le contrôle total de la colonie et assimiler les colons franco-catholiques. La Proclamation royale de 1763, qui forme la colonie britannique de la Province of Quebec, met en place les conditions législatives et réglementaires pour atteindre ces objectifs et tente de provoquer une vaste immigration britannique dans cette nouvelle province conquise. Cela passe, par exemple, par le « serment du test » qui consiste à renier la religion catholique pour tous ceux qui veulent un poste dans l'administration, mesure qui vise à écarter les anciens sujets français de tout poste officiel, mais 6
aussi à favoriser l’implantation d’écoles protestantes dans la province. Cette assimilation n’est pas aisée pour la couronne britannique, la province n’exerce aucun attrait pour les migrants britanniques. Aussi, cette colonie, amenée à devenir le Québec, reste peuplée de 95% de « canadiens » francophones, favorisant ainsi l’émergence d’une identité locale très forte, soucieuse de ne pas disparaître, linguistiquement et culturellement. La naissance du Canada Source :lhistoire.fr Le Québec, étant un îlot catholique dans un océan protestant, oscille entre défense de son identité propre et l’imprégnation forte du monde WASP – White Anglo-Saxon Protestant. Les anglicans britanniques tentent, et échouent à plusieurs reprises, à convertir les catholiques québécois, extrêmement fidèles à leur religion. Il faut comprendre aussi que le protestantisme dans le monde anglo-saxon a longtemps été considéré comme un pilier de la prospérité nationale. En effet, comme défini en 1905 dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber, le travail valorisé comme un devoir est un bénéfice pour l’individu et la société a permis d’améliorer les conditions matérielles de la société. D’où l’industrialisation précoce du Canada anglophone comparé au Canada francophone davantage catholique et agricole. Il est nécessaire d’analyser la montée en puissance économique du Canada anglophone vis-à-vis du Canada francophone à travers le prisme du judaïsme, précurseur du protestantisme, comme le décrit Jacques Attali dans Les Juifs, le monde et l’argent : « Le capitalisme est une fusée à plusieurs étages, dont le protestantisme est un étage ; mais ce n’est pas le premier. Le premier est méditerranéen et juif du VIIe, VIIIe, voir Xe avant J.C. ». C’est pourquoi la foi des catholiques québécois s’est protestantisée au fil des contacts avec les Américains et les Canadiens anglophones. 7
L’indépendance des Etats-Unis : l’origine de l’afflux de colons britanniques Aussi, la couronne britannique, suite à sa défaite face aux Etats-Unis, voient arriver 50 000 anglais loyalistes au Canada pour une population de 90 000 francophones. Pour protéger les loyalistes, le Royaume-Uni adopte, en 1791, l'Acte constitutionnel, qui scinde le Canada en deux entités politiques : le Bas-Canada, majoritairement francophone et catholique, et le Haut- Canada, majoritairement anglophone et protestant. Néanmoins, les décisions politiques sont toujours prises par la métropole. La révolte des Canadiens-francophones Voulant plus de liberté et une reconnaissance d’un statut particulier, le parti patriote, dirigé par Louis-Joseph Papineau, en 1834, fait voter à l'Assemblée du Bas-Canada, quatre-vingt- douze résolutions, soit un texte résumant l’ensemble des griefs portés aux canadiens- francophones. Londres répond négativement et renforce le pouvoir du gouverneur en place au détriment du Parlement. En 1837 et 1838, le mouvement de Louis-Joseph Papineau se transforme en une rébellion armée appelée la « rébellion des patriotes », qui sera écrasée par les britanniques, augmentant encore la rancœur des Canadiens-francophones. En 1840, en réaction à la « rébellion des patriotes » et à la suite du rapport Durham, qui conclut que les troubles du Bas-Canada sont principalement dus à la présence de deux groupes culturels dans la région, les britanniques adoptent « l'Acte d'Union » qui unit les deux Canada et instaurent des mesures pour assimiler les Canadiens-Français, qui se retrouvent alors minoritaires. Lors des élections de 1841, les Canadiens-Français font alliance avec un groupe de réformistes anglophones. Ils s'engagent à appuyer les projets de développement économique des réformistes anglophones, si les anglophones les soutiennent dans leurs efforts pour conserver leurs prérogatives politiques et culturelles. La coalition remporte les élections. Les francophones viennent à nouveau d'assurer leur survie. La construction du Canada est le résultat de la pression de l’Empire britannique pour organiser son Empire. En effet, le Royaume-Uni est la première puissance mondiale au XIXe siècle grâce au contrôle des mers et océans, elle crée des Etats coloniaux pour structurer son Empire comme le Canada. Grâce à la suprématie financière de la City qui contrôle la source du crédit mondial, la couronne britannique organise le Canada autour de la capitale anglophone Ottawa. Le Québec, dominé dans ce nouvel ensemble, ne profite pas du contrôle économique britannique mondial et resta faible sur l’échiquier économique nord-américain. La stratégie de puissance britannique n’a pas pris en considération le peuple québécois sachant que les élites québécoises n’étaient que peu perméables à la franc-maçonnerie, ne bénéficiaient pas de la complicité des élites britanniques et n’avaient pas une vision marchande et commerciale du monde avec le profit érigé comme valeur absolu. La Fédération Canadienne : de la création du Canada à l’assimilation du Québec L’échec de l’Acte d’Union L’Acte d’Union a obtenu très peu de résultats ; les Canadiens-Français, de plus en plus nombreux, ne sont pas assimilés. De plus, sur le plan économique, le Canada a pris un retard industriel important vis- à-vis des Etats-Unis, résultat de la politique coloniale britannique qui a privilégié la production des biens manufacturés en métropole. Fort de ce constat, les britanniques ont décidé de scinder le Canada en deux provinces où les anglophones et les francophones sont majoritaires dans leur province respective – l'Ontario et le Québec – et de 8
joindre à ces deux provinces, deux autres colonies britanniques : le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. C'est la naissance d'un nouveau Canada qui est officialisée par l’« Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867 ». Cet acte permet aux Canadiens-Français d’obtenir une majorité dans leur province, assurant la protection de leur langue et de leur culture. En 1879, la politique nationale adoptée par le Canada permet l’essor industriel du Québec, qui commence alors à exploiter ses nombreuses ressources naturelles : hydroélectricité, pâtes pour la fabrication du papier, aluminium et produits chimiques. Pour faire face à cet essor, la province du Bas-Canada s’appuie sur une immigration européenne - italienne, polonaise, britannique - et sur les investissements de capitaux étrangers. La fédération du Canada Source : althistory.wikia.com Les guerres mondiales : accentuation des dissensions et des ressentis La Première Guerre mondiale remet au premier plan les dissensions entre francophones et anglophones, car le Québec refuse la conscription, à laquelle sont largement favorables les anglophones, ce qui entraîne à Québec, entre le 28 mars et le 2 avril, de nombreuses émeutes anti-conscription qui se soldèrent par quatre morts, cinquante-huit arrestations et plusieurs blessés. L’entre-deux-guerres voit s’affronter au Québec deux tendances idéologiques, qui sont les ferments des idéologies qui s’affronteront plus tard au Québec : - Le libéralisme qui prône le progrès matériel par le développement économique et industriel. 9
- Le clérico-nationalisme, qui lui, met au cœur du système la famille, prônant l’augmentation du taux de natalité, l’amélioration de l’éducation francophone et le développement de la religion catholique. Ce courant est à l’origine des velléités d’indépendance qui apparaissent à cette époque. En 1931, par le « Statut de Westminster », le Canada obtient sa pleine souveraineté, et connaît au même moment l’essor d’un nationalisme québécois, accentué par la crise économique. La seule tentation d’expansion territoriale du Québec a été la tentative d’invasion de Saint-Pierre et Miquelon au début de la Seconde Guerre mondiale. Avec l’Armistice de la France, le 22 juin 1940, le gouvernement de Vichy administre l’île, seule position de l’Axe en Amérique du Nord. Devant le danger d’utilisation du puissant poste émetteur radio de l’île et du câble transatlantique pour les U-Boots allemands, les Etats-Unis et Churchill donnent leur accord au Canada pour envahir les deux îles. Toutefois devant le risque de perdre cette possession française, Charles de Gaulle envoie une flottille française qui prend le contrôle de l’île. Le lendemain, une consultation est organisée lors de laquelle 77% de la population locale vote pour le rattachement à la France libre. Cet incident alimente la méfiance de Roosevelt envers De Gaulle à la fin de la guerre et éteint définitivement les velléités québécoises et surtout canadiennes de contrôler l’ensemble des îles d’Amérique du Nord. Même si la Seconde Guerre mondiale permet de résorber la crise, elle n’en a pas moins accentué les dissensions entre les Canadiens-Anglais et les Canadiens-Français. Ces derniers sont complètement opposés à la participation des soldats canadiens à la guerre en Europe et s’opposent à la conscription. Un plébiscite organisé par le gouvernement central, en 1942, sur la conscription, noie le vote québécois - refusée à 71% au Québec ! - dans le vote positif des autres provinces. Aussi, les québécois comprennent que le nombre n’est plus suffisant pour se faire entendre et comprendre à Ottawa, augmentant ainsi le ressenti et le nationalisme des Québécois. A noter aussi le débarquement canadien sur le port de Dieppe le 19 août 1942 où 8 000 hommes alliés débarquent dont 75% de Canadiens. Cette opération nommée « Jubilee » concentre une surreprésentation de Québécois - environ 25% - dans les troupes canadiennes engagées dans les combats. Cette mission a été la plus meurtrière pour le Canada alors qu’elle n’avait aucun objectif stratégique pour les forces alliées. De sa création jusqu’en 1945, le Québec a traversé des périodes de changement historique. La période d’après-guerre verra le Québec évoluer et lutter continuellement pour sa diversité. 10
II. De 1945 à nos jours, la survie du Québec à travers sa politique intérieure et extérieure Au sein d’un Canada devenu Etat indépendant, le Québec a évolué vers un modèle moderne de société occidentale (1) maintenant le rapport de force avec Ottawa (2), grâce notamment à sa para-diplomatie culturelle (3). Une transition sociétale mouvementée L’ « Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867 » accorde un domaine réservé de compétences au gouvernement québécois. Cependant, depuis 1867, le gouvernement fédéral canadien s’immisce dans la politique intérieure du Québec et limite la marge de manœuvre de la province. Cette dernière tente donc de se défendre contre les intrusions d’Ottawa. La « Grande Noirceur » Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Québec se remet de la crise de la conscription de 1944, véritable illustration des tensions entre Ottawa et Québec. Maurice Duplessi est alors élu Premier ministre du Québec, il occupe le poste jusqu’en 1959, une période qualifiée de « Grande Noirceur ». Duplessis cherche à préserver l’autonomie du Québec. Une lutte contre des politiques de centralisation fédérale se met en place, dans laquelle différents partis politiques se succèdent, tels que le Parti libéral du Québec, l’Union nationale et le Parti québécois, des partis fédéralistes, souverainistes, conservateurs, socio-démocrates ou encore centristes. Jusqu’en 1949, l’équilibre des pouvoirs était maintenu par le Conseil privé de Londres qui tranchait les litiges en dernier ressort. Depuis 1949, la Cour suprême du Canada a pris le relais et élargit les compétences fédérales. Le pouvoir fédéral canadien situé à Ottawa cherche à imposer des politiques économiques et sociales aux Québécois. Les gouvernements québécois ont toujours souhaité un partage cohérent des pouvoirs pour une plus grande efficacité des politiques publiques de la province. Par exemple, en matière de culture, le Québec est désarmé au regard des compétences exclusives du pouvoir central en matière de communication et médias, tels que la télévision et la radio. Ainsi, Ottawa limite le soft-power québécois. La « Révolution tranquille » Après la mort de Duplessis en 1959, le gouvernement de Jean Lesage perpétue la politique québécoise autonomiste et doit faire face à une vague de nationalisation décidée par le gouvernement fédéral. Cette nationalisation concerne les ressources naturelles et des secteurs économiques clés du Québec. La société québécoise d’après-guerre demeure conservatrice, dirigée par une élite composée de professions traditionnelles et du clergé. Au tournant des années 1950-1960, la société connaît une évolution structurelle. Le phénomène des « 30 glorieuses » incite les Québécois à aspirer à une société “moderne” pressant ainsi une séparation entre l’Eglise et l’Etat pour permettre l’émergence d’un modèle d’Etat-providence. La société québécoise se métamorphose jusqu’en 1970. Appelée « Révolution tranquille », cette période de transition voit de grandes réformes être entreprises dans divers secteurs : 11
institutionnels, santé, éducation, etc. De 1966 à 1968, le gouvernement d’Union nationale de Daniel Johnson s’inscrit dans la continuité des réformes entreprises et défend l’égalité entre deux communautés linguistiques et culturelles. Par la suite, le gouvernement unioniste de Jean- Jacques Bertrand, tout comme son prédécesseur, insiste sur la demande de décentralisation des pouvoirs, sur un assouplissement des mécanismes de délégation et de coopération entre les gouvernements. Durant une décennie, entre 1963 et 1972, le Canada et le Québec sont secoués par le Front de Libération du Québec (FLQ), nom du mouvement clandestin indépendantiste. Composé de cellules autonomes, le FLQ mène des actions violentes, dont des attentats, pour une insurrection du Québec. D’idéologie socialiste, le groupe est opposé aux partis québécois au pouvoir. Selon le FLQ, mis à part de simples demandes de réformes constitutionnelles, les principaux partis ne s’investissent guère dans l’indépendance du Québec. Le FLQ est dissout en 1972, il aura causé une dizaine de décès durant sa période d’activité. Lors d’un discours à Montréal en 1967, le président français Charles de Gaulle prononça la célèbre phrase : « Vive le Québec libre ». Cela a de graves répercussions sur les relations franco-canadiennes et amplifie le mouvement indépendantiste québécois. La décennie 1970 Le gouvernement libéral de Robert Bourassa, de mai 1970 à novembre 1976, axe sa lutte sur la souveraineté culturelle du Québec. Il se bat pour obtenir des ressources financières adéquates et pour un renforcement des compétences de la politique sociale et culturelle. La problématique liée au partage des compétences avec les provinces n’est alors plus d’actualité étant donné qu’elles ne sont pas complètement centralisées. La priorité pour le gouvernement fédéral concerne le rapatriement au Canada du pouvoir d’amendement de la Constitution. La compétence reste dans les mains du Parlement londonien de Westminster. L’idéologie politique change de l’autonomisme à la souveraineté, avec l’élection du Parti québécois en 1976, qui prône l’accession du Québec à la souveraineté. Le gouvernement de René Lévesque propose un projet de « souveraineté – association ». Ce projet prône un Québec pleinement souverain qui serait membre d’une union, économique, avec le Canada. Ce nouveau principe inquiète le gouvernement fédéral et ce pour une bonne raison. En effet, en 1977, le projet de loi 101 est adopté, faisant du français la langue officielle du Québec. Cet acte politique du Parti québécois place le débat du dualisme canadien au centre des attentions, ce qui amène le gouvernement central de Pierre-Elliott Trudeau à négocier. C’est un discours plus apaisé qui apparaît dans le livre de Trudeau de 1979, Le Temps d'agir. En même temps que la société québécoise évolue, Québec n’a de cesse de lutter pour la survie du Canada français jusqu’en 1980, une année qui déséquilibre le rapport de force. L'État canadien pleinement souverain : le Canada français en péril En 1980, le gouvernement québécois organise un référendum sur la “souveraineté – association”. Le non l’emportant, les souverainistes québécois connaissent un échec. Pierre- Elliott Trudeau voit alors dans cet échec une opportunité dans les rivalités entre Ottawa et Québec. Dès lors, il durcit à nouveau sa politique et décide de rapatrier la Constitution sans l’accord du Québec. Des oppositions se forment et une conférence se tient en 1981, à l’issu de laquelle le Québec se trouve isolé. Ainsi, le Premier ministre Trudeau parvient à négocier avec 12
les neuf autres provinces un projet de rapatriement ainsi qu’une charte des droits dans la nouvelle Constitution. Le Québec marginalisé par Ottawa Pour le Québec, la Loi constitutionnelle de 1867 assurait le respect et le développement des deux communautés canadiennes : anglophone et francophone. Jusqu’en 1980, les gouvernements québécois successifs négocient avec le pouvoir fédéral d’Ottawa pour plus d’égalité et plus de compétences. Cependant, la réforme constitutionnelle affecte la continuité légale et politique du Québec. La Charte des droits et libertés enchâssée dans la récente Constitution constitue un important obstacle juridique aux revendications du Québec. La Charte reconnaît seulement les droits individuels. Dès lors, les revendications de la communauté québécoise, donc juridiquement d’un collectif particulier, ne sont pas reconnues par la Charte. Par exemple, l’article 23 de la Charte, dite clause “Canada”, concerne la politique linguistique des provinces. C’est un outil de pression envers le Québec, pour qui la langue est un vecteur culturel vital. En effet, les provinces ont pour obligation légale de proposer un enseignement public gratuit, en anglais ou bien en français, à leurs résidents ayant déjà reçu ailleurs au Canada leur enseignement primaire dans cette langue. L’école publique francophone est frappée d’un soupçon d’illégitimité. Dès lors, le Québec, banalisé, ne signe pas la Loi constitutionnelle de 1982. Ce refus est la preuve d’une opposition aux nouvelles règles qui régissent l'État fédéral canadien. La vision unitaire du gouvernement fédéral canadien contredit la thèse binationale du pays. Ainsi, le Québec connaît un échec historique, en 1982, dans la lutte pour une plus grande autonomie. L’égalité formelle entre les provinces est imposée. Dès lors, le droit de veto du Québec sur la réforme constitutionnelle se perd au profit d’une procédure plus lourde d’amendement. Le Québec, qui a toujours été un membre fondateur du pays, voit la Constitution lui retirer ce rôle, marquant un nouveau virage délibéré dans la tracée de l’Histoire future du pays. La compétence parlementaire québécoise en matière d’éducation et de langue est limitée. Par ailleurs, la Cour suprême du Canada assiste le Parlement fédéral dans la définition de normes nationales uniques, qui rétrécissent la marge de manœuvre des provinces. La décennie 1980 voit les gouvernements du Parti québécois tenter de négocier un fédéralisme renouvelé avec le reste du Canada. Puis, le Parti libéral du Québec, dans les années 1990, prône une décentralisation des pouvoirs. Quelques accords entre Ottawa et Québec connaissent des échecs, tels que l’Accord du lac Meech ayant pour objet l’adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982. Le Québec durcit sa position souverainiste en rejetant l’Accord de Charlottetown de 1992. Apaisement des tensions En 2000, le Québec n’a toujours pas ratifié la Loi constitutionnelle de 1982. Par ailleurs, pour affirmer sa souveraineté, Québec adopte la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Ainsi, la province québécoise peut exercer ses propres compétences en termes de politique extérieure. Les années 2000-2010 sont dominées par des gouvernements libéraux qui délaissent la cause nationaliste. Ottawa semble avoir eu le dernier mot jusqu’à maintenant. Les débats actuels entre Québec et Ottawa ne concernent plus la thèse des deux nations canadiennes ni encore moins la souveraineté québécoise. Les négociations consistent en des pourparlers interministériels au cours desquels les “demandes traditionnelles” québécoises ne sont plus abordées. Le nationalisme au sein de la société québécoise est nettement moins virulent qu’il ne le fut par le passé. Les partis 13
souverainiste et fédéraliste alternent chacun au pouvoir au fil des élections. Par ailleurs, le Parlement du Québec a réaffirmé en 2003 que le peuple québécois formait une nation. La para-diplomatie culturelle québécoise comme levier d’influence stratégique Outil de visibilité et de prestige, la culture s’impose depuis quelques décennies comme un vecteur d’influence stratégique sur la scène mondiale. Le Québec a en ce sens trouvé dans ce domaine un parfait outil pour s’affirmer en tant qu’entité subétatique dans le concert des nations, dominé par l’ordre westphalien de 1648. Cette précision est de mise en ce que le Québec a tenté de par son statut d’Etat fédéré de jouer un rôle actif dans les relations internationales, où la souveraineté reste le principe de base, alors même que la substance et l’activité réelles de ces relations sont aujourd’hui le fruit d’une société civile dynamique. Entité fédérée canadienne héritière d’une histoire singulière, comment le Québec a-t-il procédé dans le domaine de la culture pour défendre ses intérêts, les représenter et faire rayonner sa diversité culturelle ? Suite aux différents mouvements indépendantistes qui ont pu être observés dans la deuxième partie du XXe siècle, le Canada anglophone s’est vu obligé de laisser une certaine marge de manœuvre à son entité fédérée pour éviter toute friction, susceptible d’accentuer le sentiment séparatiste pouvant exister au Québec. Ainsi, comment cette marge de manœuvre a-t-elle été exploitée par le Québec, particulièrement dans le domaine de la culture ? Cette région relativement autonome, sans une histoire ancienne atypique comme celles des pays du Vieux continent, a vu dans la culture un moyen d’expression et un levier puissant d’influence à travers le monde. Pour parvenir à faire valoir sa particularité culturelle, le Québec a réussi progressivement à prendre une place majeure dans ce débat avec une attitude proactive et une pratique para-diplomatique efficace. Cet élan d’affirmation identitaire par l’exercice d’une compétence culturelle sur la scène internationale ne peut être dissocier de la doctrine Gérin-Lajoie de 1965, véritable fondement de la politique internationale du Québec, lui reconnaissant une voix internationale distincte de celle du Canada et une capacité de signer des traités dans les domaines de la culture, de la santé et de l’éducation. L’UNESCO : pilier de l’engagement québécois dans la protection de la diversité culturelle Bien que les actions du Québec en dehors de ses frontières soient multisectorielles, c’est particulièrement dans le domaine de la culture qu’il a laissé une marque importante. L’exemple de la présence du Québec au sein de l’UNESCO, plus grande organisation culturelle à vocation normative de la société internationale, est, à ce titre, parlant. De par son ambition et son action, le Québec a réussi à faire entendre sa voix dans des relations internationales dominées par le concept d’Etat-nation. Sa contribution au développement du droit international de la culture par le biais de l’UNESCO se retrouve dans l’adoption, en 2005, de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, un texte majeur et riche en signification pour le Québec et sa culture. Cette volonté de participer activement à la multiplication des échanges par un rôle direct s’imbrique, pour le Québec, dans une réflexion cherchant à faire reconnaître la nature spécifique des services et des biens culturels ainsi que la possibilité souveraine pour les Etats de mettre en œuvre des politiques culturelles. 14
Cette contribution du Québec au développement du droit international de la culture se retrouve à deux échelles : multilatérale et bilatérale. Multilatérale, avec les cas de l’UNESCO et de la Francophonie, et bilatérale dans la mise en place d’échanges privilégiés avec certains pays dans le monde. L’audace de se positionner comme un leader dans la défense de la diversité culturelle a été inspirée des travaux du professeur Ivan Bernier dont les écrits louent le besoin de faire évoluer le droit international dans ce domaine avec l’instauration d’un instrument contraignant. Après l’arrivée au pouvoir du Parti québécois en 1976, la participation à l’UNESCO est recherchée afin d’assurer l’identité du Québec sur le plan culturel. C’est particulièrement à la fin des années 1990 que les enjeux relatifs à la diversité culturelle deviennent un sujet majeur et une opportunité intéressante pour le Québec. Ce dernier, qui baigne dans un bassin de plus de 300 millions d’anglophones, a toujours été sensible à la menace de la culture anglo-saxonne sur sa diversité culturelle. Le différend commercial entre le Canada et les Etats-Unis sur le cas de périodiques en 1997 est à ce titre éclairant, bien qu’il s’agisse du Canada et non du Québec. Le modèle industriel canadien de l’époque, fonctionnant en grande partie grâce aux subventions publiques, est continuellement sous la menace de la libéralisation des marchés. Le Canada fait les frais de cette libéralisation lorsque l’OMC sanctionne sa taxe favorisant l’industrie canadienne des périodiques, jugée contraire aux règles commerciales. La ministre du Patrimoine canadien de l’époque, Sheila Copps, saisit le dossier pour placer la culture au centre des débats et faire valoir le nationalisme canadien. Le Québec est concerné et préoccupé par cette problématique car est de son intérêt de maintenir un niveau suffisant de protection pour la diversité culturelle. Ainsi, il s’engage fermement contre des négociations d’un Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI), négocié entre les pays membres de l’OCDE en 1998. Ce texte propose une libéralisation accrue des échanges, apparaissant comme une menace pour le Québec et son industrie culturelle. Par la suite, d’autres batailles sont menées par le Québec et sa société civile via une coalition de différents acteurs pour défendre leur particularisme et exposer leur influence culturelle dans le monde. La 31e session de la Conférence générale de l’UNESCO en 2001 marque un premier pas essentiel dans la reconnaissance de la diversité culturelle avec l’adoption d’une déclaration universelle sur la diversité culturelle. Néanmoins, le travail de fond du Québec continue pour faire valoir la nécessité d’un instrument juridique contraignant, que constitue finalement la Convention de 2005. L’accord qui intervient par la suite en 2006 entre le Canada et le Québec constitue un autre tournant majeur pour ce dernier avec une présence renforcée au sein de l’UNESCO en tant qu’entité fédérée. La Francophonie : outil de coopération culturelle multilatérale pour le Québec Indissociable de la doctrine Gérin-Lajoie, la coopération internationale constituait et constitue toujours un formidable outil pour le Québec dans sa recherche de légitimité et d’influence extérieure, notamment dans le domaine de la culture. Une première étape majeure pour le Québec a été la conclusion d’un arrangement en 1971 avec le gouvernement fédéral canadien lui permettant d’être admis au sein de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) comme « gouvernement participant ». Cette agence se distingue dans sa recherche de promotion et de diffusion des cultures et de coopération culturelle entre ses membres francophones. Lui succèdent l’Agence de la Francophonie en 1997 puis l’Organisation de la Francophonie en 2005. Exploitant tous les droits lui étant accordés malgré son statut d’Etat « non souverain », le Québec s’affirme progressivement comme un véritable membre à part entière de cette organisation. Rassemblant aujourd’hui quatre-vingts États et gouvernements à travers le monde, la Francophonie se veut être le moteur d’une coopération multisectorielle, 15
qui considère l’enjeu de la diversité culturelle et de sa protection comme un champ d’action majeur pour l’organisation. Le Québec y trouve ainsi un terrain d’action important pour faire valoir ses intérêts dans le domaine de la culture, en témoigne l’adoption récente de la Déclaration de Dakar qui, conformément à la position québécoise, attire l’attention des membres sur l’impact du numérique sur l’environnement culturel et le besoin d’en tenir compte dans les politiques nationales pour conserver une protection adéquate des expressions culturelles. Ce dernier exemple témoigne bien de la capacité du Québec d’influencer à un niveau international sur certains enjeux dans le domaine de la culture. Le réseau diplomatique international développé par le Québec lui aura donc permis de mener un certain nombre d’activités internationales relatives à la diversité culturelle en dehors du cadre fédéral canadien. Marginalisé, le Québec sauvegarde son modèle de société grâce à sa politique extérieure offensive, une politique reposant sur la culture et le business québécois. III. L’économie au cœur de la diplomatie québécoise : la culture des Affaires dans les relations internationales La province du Québec associe sa production culturelle à son fer de lance : son monde des affaires (1), un secteur dynamique qui permet à Québec de rayonner tant au sein du Canada qu’à l’international (2). Affaires et culture : la convergence de deux mondes antagonistes Une culture d’innovation intrinsèque à la province québécoise Le Québec, entité à l’Histoire récente dans la chronologie du monde occidental, crée tous les jours une partie de son Histoire, par chacune de ses actions. Le souhait et le besoin constant d’innover trouvent leur source dans l’héritage historique du Québec. Dans les années 1960, le Québec a souhaité s’émanciper de l’Eglise, par les Affaires notamment, ce qui explique le rapport très fort à l’argent, issu de ce souhait de se détacher totalement de la religion par le développement de l’initiative entrepreneuriale. La production de culture sert aujourd’hui, dans ce sens, à écrire l’Histoire. Le fait de créer des tendances, à l’image du mouvement « hipster » développé à Montréal ces dernières années, permet au Québec de se créer de la culture. Dès les études supérieures, chaque étudiant a pour devoir tacite d’être actif au sein de la société, par le biais des associations notamment, poussant chaque personne à être investie d’un rôle au sein de la société. Le monde universitaire fonctionne sur le même schéma, incitant les étudiants à être publiés et à être innovants dans leurs recherches. L’innovation et l’initiative, de fait, sont parties prenantes de la vie des québécois. Une fois le postulat de culture entrepreneuriale assimilé, il est aisé d’établir les corrélations entre le monde des Affaires et celui de la culture au Québec. Les institutions sont les premières à sacraliser les rapports et échanges entre ces deux mondes. A ce titre, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Québec (CCIQ) a mis à l’honneur, en novembre 2016, l’entreprenariat culturel. Le but pour la CCIQ est alors de multiplier les rapprochements entre le milieu culturel et celui des Affaires, de « créer une plus grande synergie et de rapprocher ces 16
deux mondes pas si différents », selon Gaston Déry, président du comité Affaires-culture de la CCIQ. Ces deux milieux ne sont pas si éloignés dans leur fonctionnement, se fixant sur un réseautage actif et des partenariats récurrents. Dans ce sens, un comité Affaires-Culture a même été créé à la CCIQ, afin d’encourager l’entreprenariat culturel. L’Institut du mentorat entrepreneurial (IME), piloté par la CCIQ, tente actuellement de réunir les entrepreneurs québécois et a lancé, en 2016, un appel à candidature dans le but de fédérer les entrepreneurs en mettant un point d’honneur à prendre en considération les acteurs culturels. Du point de vue institutionnel, tout est mis en place pour préserver et développer les entreprises culturelles. La culture au service du monde des Affaires Les corrélations entre le monde des Affaires et la Culture vont plus loin. Grant Hamilton, président de Anglocom, entreprise québécoise de traduction, est à l’origine d’un programme développé au sein de la ville de Québec qui consiste à faciliter, aux entreprises, l’accès à l’achat de billets de spectacles. L’accès aux produits culturels dans les entreprises est aujourd’hui de plus en plus développé. Chaque entreprise possède un intérêt certain dans ce développement, profitant par exemple dans le cadre du programme de la ville de Québec, d’un avantage fiscal, les taxes étant en partie remboursées. Certaines entreprises décident d’approfondir l’étude de l’impact de la culture en considérant la culture comme un facteur d’attractivité, permettant ainsi de fidéliser et retenir les employés au sein de l’entreprise. Le Cadre Canadien pour les Statistiques de la Culture (CCSC) s’est, dans ce sens, assigné pour mission d'identifier toutes les retombées sociales et économiques de la culture au Canada. Les entreprises françaises l’ont bien compris et sont nombreuses à s’inspirer des techniques entrepreneuriales québécoises, voire même à s’expatrier directement au Québec, à l’image d’Ubisoft, entreprise française de jeux vidéo, possédant désormais son antenne principale dans la ville de Québec. La culture comme sujet économique Dans ce sens, la culture doit être considérée comme une entité économique du Québec à part entière. Les industries culturelles ont rapporté 12,8 milliards de dollars en 2014 au Québec, soit 4,3% du PIB de la province. En comparaison avec les autres provinces du Canada, la part québécoise de la culture dans le PIB du pays est la plus élevée. L’industrie culturelle correspond 17
à 176 000 emplois dans la province. Le gouvernement considère même la culture comme un « levier de développement économique puissant et durable ». Dans la ville même de Québec, selon des chiffres plus récents de la CCIQ, relayés par Radio-Canada, le tourisme et la culture représentent près de deux milliards de dollars canadiens – cf. le tableau ci-dessous. Si la culture n’est pas le moteur premier de l’économie, elle n’est néanmoins pas à négliger. Logique économique dans la diplomatie culturelle Le Québec mène des actions à l’extérieur du Canada à la différence des autres Etats fédérés canadiens, bien qu’il n’ait pas de statut particulier au plan constitutionnel. Il essaie d’assumer la plénitude de ses attributions constitutionnelles et ce dans leur pleine amplitude. C'est pour cela qu'il s'engage dans tous les domaines de la diplomatie, y compris la diplomatie culturelle. Comme démontré dans la partie précédente, la culture est fortement liée à l'économie au Québec, ce qui fait sa particularité en termes de promotion de la culture. Ainsi, la diplomatie culturelle du Québec est fortement caractérisée par cette logique économique. A cette fin, il mène des actions, parallèlement, aux niveaux bilatéral et multilatéral. Au niveau bilatéral Au cours des cinquante dernières années, le Québec a étendu son réseau de représentations à l’étranger. C’est par le biais de ce réseau qu’il mène sa politique étrangère. Parmi les missions des représentations québécoises, se trouve l’accompagnement des entrepreneurs, des artistes et des établissements d’enseignement et de recherche en vue de les aider à promouvoir ses activités à l’étranger. En plus de l’appui par l’intermédiaire du réseau de représentations à l’étranger, le Québec s’efforce de promouvoir sa culture moyennant sa participation aux foires culturelles, ainsi qu’à l’organisation des évènements culturels. De fait, de nombreux événements culturels sont organisés à Paris dans lesquels la Délégation générale du Québec est impliquée. Le gouvernement québécois finance les projets de coopération culturelle internationale de concert avec les pays avec lesquels il a conclu un accord de partenariat. A titre d’exemple, il a annoncé un soutien financier de 85 850 de dollars canadiens pour la réalisation des projets de coopération culturelle avec le Royaume-Uni. 18
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