L'ÂGE DES LOW-TECH Vers une civilisation techniquement soutenable - Réseau Mycélium
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L’ÂGE DES LOW-TECH Vers une civilisation techniquement soutenable Résumé L’association Réseau Mycélium a pour objectif d’accompagner les individus dans leur prise de conscience des crises écologiques actuelles. Pour cela, nous rédigeons et partageons des résumés de livres ou rapports afin de faciliter vos choix de lecture ou de vous donner accès aux grandes lignes de ces écrits sans avoir à les lire intégralement. Pour plus d’infos sur Réseau Mycélium, rendez-vous sur notre site Internet : http://reseaumycelium.org/ Rédigé en 2019 par François Laugier Page 1
Ce document résume L’âge des low-tech, vers une civilisation techniquement soutenable, écrit par Philippe Bihouix, ingénieur et spécialiste de la finitude des ressources minières et de son étroite interaction avec la question énergétique, et publié en 2014. Le résumé suit la structure du livre, décomposée en quatre actes. Le premier acte s’interroge sur les menaces de rareté des ressources et les solutions développées pour y faire face. Le deuxième acte expose les caractéristiques des low-tech, un concept avancé comme la réelle solution pour faire face aux problèmes de ressources, à l’inverse des high-tech. Le troisième acte présente des pistes d’autres fonctionnements de nos secteurs d’activités respectant ces principes low-tech, et permettant de construire une civilisation techniquement soutenable. Le dernier acte présente quelques pistes d’évolutions à mettre en œuvre pour changer radicalement la trajectoire du progrès et de nos sociétés vers ce modèle low-tech. Sommaire Acte I : Grandeur et décadence des ingénieurs « thaumaturges » ..................................................................................... 3 Comment la technique a toujours répondu à la pénurie de ressources .......................................................................... 3 Pourquoi les high-tech n’y répondront pas cette fois ...................................................................................................... 4 Acte II : Principes des basses technologies ........................................................................................................................ 6 Remettre en cause les besoins ....................................................................................................................................... 6 Concevoir et produire réellement durablement ............................................................................................................... 7 Orienter le savoir vers l’économie de ressources ........................................................................................................... 7 Rechercher l’équilibre entre performance et convivialité................................................................................................. 7 Relocaliser sans perdre les bons effets d’échelle ........................................................................................................... 8 « Démachiniser » les services ........................................................................................................................................ 8 Savoir rester modeste ..................................................................................................................................................... 8 Acte III : La vie quotidienne au temps des basses technologies ......................................................................................... 9 Agriculture et agroalimentaire ......................................................................................................................................... 9 Transport et automobile .................................................................................................................................................. 9 Bâtiment et urbanisme .................................................................................................................................................. 10 Produits de consommation, sport, loisirs et tourisme .................................................................................................... 10 Nouvelles technologies, informatique et communication .............................................................................................. 11 Banques et finance ....................................................................................................................................................... 11 Ballet du troisième acte : aimer, vivre et mourir à basse technologie ........................................................................... 11 Quand la poubelle disparaîtra ....................................................................................................................................... 11 Et l’énergie dans tout ça ? ............................................................................................................................................ 12 Acte IV : La « transition » est-elle possible ?..................................................................................................................... 12 Impossible statu quo ? .................................................................................................................................................. 12 Entre attentisme, fatalisme et survivalisme ................................................................................................................... 12 La question majeure de l’emploi ................................................................................................................................... 12 La question de l’échelle : l’exemple de l’abolitionnisme anglais.................................................................................... 12 La question de la mutation culturelle et morale ............................................................................................................. 13 Comment rendre la transition désirable : vive les low-tech ........................................................................................... 13 Finir sur une note positive ............................................................................................................................................. 14 Rédigé en 2019 par François Laugier Page 2
Acte I : Grandeur et décadence des ingénieurs « thaumaturges » Nous faisons aujourd’hui face à de réels problèmes de rareté de ressources. Les solutions mises en place au cours de l’Histoire ne sont plus envisageables. Le progrès technique vers plus de high-tech ne résoudra pas le problème, au contraire, il va l’aggraver. Pour la première fois de notre histoire, nous sommes dans une impasse. Comment la technique a toujours répondu à la pénurie de ressources Nous sommes confrontés à une menace de pénurie de ressources. Or « l’Histoire de l’humanité est une longue lutte contre la pénurie de ressources ». Et face à ce problème, trois stratégies ont été à de nombreuses reprises mises en place : migrer, échanger ou inventer. L’auteur balaye l’Histoire en relevant quelques exemples pour les ressources énergétiques, en métaux, en animaux et végétaux, en matériaux de construction, en bois et en sols. Les progrès dans l’énergie répondent plus à un besoin d’abondance qu’à une menace de pénurie. A chaque invention, la nouvelle source vint s’ajouter à la consommation des précédentes : bois, charbon, pétrole, gaz et hydro, nucléaire. Il suffit de visualiser l’évolution de la répartition du mix énergétique mondial pour s’en rendre compte. Concernant les métaux, l’auteur réfère divers exemples. En Europe, certains métaux ont très vite manqué aux grandes puissances (Grèce et Rome), pour lesquelles la conquête de certains territoire devint stratégique pour leurs mines. La colonisation de l’Amérique du Sud étaient en partie motivée par une recherche d’or. Et les ruées vers l’or dans diverses régions du monde sont aussi des exemples de migration pour faire face aux raréfactions. Puis, les activités minières ont aussi bénéficié d’avancées technologiques permettant de récupérer plus de métaux de plus en plus difficiles à extraire, notamment avec l’évolution d’explosifs de plus en plus efficaces. Les ressources « renouvelables » ont progressivement été remplacées par la chimie industrielle. Jusqu’au XIXème siècle, la consommation reposait sur de nombreux produits animaliers et végétaux : colorants, graisses, colles, acides et alcools, cuirs et fourrures, fibres… Certaines ressources n’étant pas disponibles localement, le commerce s’est organisé à différentes échelles. D’autres ressources étant disponibles ont été victimes de surexploitations, au point de déclencher l’effondrement de certaines espèces. Puis, la chimie minérale est apparue. Avec l’explosion démographique, le niveau de consommation par habitant était de moins en moins soutenable pour de plus en plus de ressources, et la chimie minérale a permis de développer des solutions alternatives, comme par exemple un procédé industriel de production de carbonate de soude, permettant de contourner le problème de la rareté de certaines ressources naturelles nécessaires à sa fabrication. Enfin, la chimie organique (notamment la chimie du carbone) a permis de répondre à une explosion de la demande en colorants, puis à la pénurie d’huile de baleine pour l’éclairage (pétrole et gaz d’éclairage), et a œuvré au développement de la polymérisation, permettant d’accéder à de nouvelles matières qui se sont substituées à des matériaux issus de ressources renouvelables. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 3
Le secteur de la construction est aussi le théâtre de telles évolutions. Concernant les murs, structures et routes, durant un temps, nous importions des « pouzzolanes » pour produire de la chaux, ingrédient d’un mortier très solide. Puis, la croissance démographique et l’urbanisation ont fait exploser les besoins en ressources du secteur. L’utilisation massive d’acier et de béton armé s’est développée, et les procédés de la sidérurgie sont devenus de plus en plus efficaces, permettant au développer d’accélérer. Les routes pavés se sont macadamisées, puis ont été revêtues de béton de goudron, puis de bitume. Les forêts ont été surexploitées dans de nombreuses régions du monde. Pour y faire face, nous avons progressivement délocalisé la production de bois, innové pour produire plus vite, et substitué (chemins de fer ou châssis de fenêtres par exemple, initialement en bois). Les sols ont aussi été surexploités dans certaines régions, comme en Mésopotamie. Les innovations (animaux domestiqués, outils, mécanisation) ont permis d’améliorer la productivité pour faire face à la rareté. Puis les engrais ont permis d’augmenter le rendement pour faire face à une pénurie de surface. Par ailleurs, afin de combattre la rareté locale, les moyens de conservation des aliments se sont développés, des méthodes traditionnelles (fumage, salage…) aux conserves en verre ou en métal. Enfin, l’auteur évoque la conteneurisation comme un moyen d’augmenter encore la consommation tout en évitant une rareté locale engendrée par des problèmes de ressources et de pollution. Donc nous avons fait face à de nombreux problèmes de rareté dans différents secteurs, pour des raisons de pénuries ou de demande élevée, et concernant diverses ressources. Dans la plupart des cas, l’humanité à su trouver des solutions en délocalisant la production, en substituant les ressources par d’autres, ainsi que grâce au progrès technique et au commerce. Pourquoi les high-tech n’y répondront pas cette fois Qualité et accessibilité des ressources Aujourd’hui, nous sommes à nouveau exposés à un problème de rareté de ressource, concernant les métaux et les ressources énergétiques à l’échelle mondiale. Or pour extraire des métaux, il faut de plus en plus d’énergie car les réserves sont de moins en moins facilement accessibles. Car les premières réserves exploitées furent celles qui étaient les plus accessibles et les plus rentables. En parallèle, pour extraire de l’énergie, il faut aussi de plus en plus d’énergie pour les mêmes raisons. De plus, les technologies capables d’extraire ces ressources dans des réserves de moins en moins accessibles se composent de plus en plus de métaux (par exemple, une plateforme off- shore de pétrole nécessite des quantités de matières premières, dont des métaux, en quantité bien plus importantes que les puits on-shore). C’est notamment pour ces raisons que les spécialistes annoncent le peak oil entre 2020 et 2030 (comprenant le pétrole non conventionnel). Comment fera-t-on pour extraire toujours plus de métaux avec moins d’énergie ? Le recyclage pourrait être une solution comme alternative à l’extraction. Cependant il est difficile voir impossible de recycler à 100 % les métaux. Il existe 3 types de pertes : Rédigé en 2019 par François Laugier Page 4
• Par dispersion : Les métaux sont mélangés en faibles proportions à d’autres pour diluer leurs propriétés. Par exemple, les pigments pour les couleurs, ou les terres rares dans les aimants. • Par complexité des produits : par exemple, difficile de séparer les matériaux des cartes électroniques. • Par dissipation : on perd toujours un peu de matière durant la production, le recyclage ou l’usage. Effet rebond et effet parc L’effet parc, c’est le changement d’échelle. Le changement d’échelle est trop important et la vitesse de la transition est trop élevée pour répondre aux enjeux. Par exemple, bien qu’aujourd’hui, les technologies des énergies renouvelables se développent, on parle de quelques dizaines de % du mix énergétique dans certains pays développés. C’est loin de répondre aux défis énergétiques à l’échelle mondiale (du moins si la consommation n’est pas drastiquement réduire). L’effet rebond, c’est l’élévation de la consommation qui vient compenser le gain d’efficacité. Par exemple, le covoiturage devait réduire le nombre de trajets de voitures, mais il est venu concurrencer le train, et bien que le nombre de passagers par voiture ait augmenté, le nombre de voitures a peu significativement évolué. Autre exemple, l’élévation du poids des voitures de moteur hybride. Effet système-Terre Si ces considérations ne sont pas suffisamment convaincantes, rappelons simplement que la Terre est un système fini, et que les ressources non renouvelables sont par définition présentes en quantités finies à notre échelle de temps. Une consommation toujours croissante n’est trivialement pas durable. De plus, notre système est de plus en plus complexe, les entités sont de plus en plus interconnectées, interdépendantes, et s’organisent en flux-tendu. Un tel système est de moins en moins résiliant. Le développement de toujours plus d’high-tech toujours plus performantes s’inscrit dans ce mouvement de notre société, dans cette « fuite en avant ». En finir avec les dernières tartes à la crème high-tech Et ce n’est pas avec de nouveaux concepts qu’on va éviter les pénuries, parce qu’ils ne permettent pas de mettre en place des solutions à la mesure des enjeux : • Les biotechnologies posent un problème d’échelle : pour se généraliser, il faudrait beaucoup trop de bio-ressources, et cela pose un problème d’échelle, de pénuries de surfaces. De simples calculs d’ordre de grandeur suffisent pour s’en rendre compte. Par ailleurs, ils s’accompagnent d’un problème éthique : remplacer des ressources alimentaires par des ressources pour technologies alors qu’un nombre non négligeable d’êtres humain souffrent encore de malnutrition ? • Les nanotechnologies : elles sont par nature dispersives de matériaux. • La dématérialisation (notamment via Internet et le numérique) n’est pas une dématérialisation, c’est une sorte de délocalisation du matériel. • L’économie de fonctionnalité est un principe louable. Mais elle ne peut s’appliquer à tout type de produits. • L’imprimante 3D permet de recycler certains matériaux et d’ajuster le besoin à chaque utilisateur, mais elle ne peut pas produire tous types de produits. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 5
La triple impasse de la société « extractiviste », productiviste et consumériste L’auteur conclue en listant 3 impasses physiques à la société technicienne : • Une impasse de ressources non renouvelables telles que les métaux, et renouvelables telles que les sols qui s’érodent ou la biodiversité qui s’effondre. • Une impasse de pollution avec les niveaux de concentration de gaz à effet de serre, la présence de plus en plus marquée polluants organiques persistants et de plastiques dans l’hydrosphère. • Une impasse d’espace, notamment la consommation d’espace par béton/bitume et avec l’agriculture. Ajouté à cela, il propose 3 autres impasses non physiques qui s’ajoutent aux précédentes et complètent la description de la complexité des enjeux actuels : • Une impasse sociale, avec l’augmentation des inégalités sociales • Une impasse morale, jusqu’où l’être humain pourra t-il tolérer les dérives morales du capitalisme ? • Une impasse financière causée par un système qui menace de plus en plus de s’effondrer Acte II : Principes des basses technologies Nous avons atteint un niveau de consommation non soutenable basé sur des ressources pour lesquelles les stocks menacent de s’épuiser. Les stratégies observées dans l’Histoire ne peuvent plus fonctionner. Nous n’avons pas le choix face à ces impasses, il faut faire demi-tour. Il faut redéfinir le progrès. A défaut de pouvoir compter sur les high-tech qui participe à l’accélération de la « fuite en avant » dans les impasses citées plus haut, l’auteur propose de miser sur les low-tech, des technologies permettant un retour en arrière partiel, sélectif et intelligemment orchestré pour construire un nouveau monde, non pas moins souhaitable, et plus durable. Les low-tech se caractérisent par 7 grands principes : Remettre en cause les besoins Partant du principe que tout acte de consommation a un impact écologique, la solution la plus simple est d’en supprimer. En plus d’être efficace, c’est techniquement simple. Par exemple, il semple plus complexe de remplacer le parc ce voitures thermiques par des voitures électriques ou autres, nécessitant un déploiement de la technologie et des infrastructures associées, que de se passer de voiture individuelle. Il s’agit ici de faire des concessions de confort pour réduire notre impact, et pour cela, il existe d’innombrables solutions, qui peuvent être caractérisées par la matrice écolo-liberticide ci-dessous. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 6
Ces efforts sont liberticides. Mais si la liberté des uns s’arrête là ou celle des autres commence, à l’échelle monde et à l’échelle de plusieurs générations, peut-être qu’il faut remettre en question les limites de nos libertés. Concevoir et produire réellement durablement Il faut que les produits soient conçus et fabriqués pour être le plus possible économes en ressources, non polluants, durables, robustes, facilement réparables ou réutilisables, modulaires, et plus faciles à recycler en fin de vie. Pour cela, il faut notamment relocaliser afin de réduire les dépenses énergétiques et d’apprendre à gérer les externalités sociales et environnementales négatives. Bien entendu, il n’est pas possible de relocaliser toutes les productions. Mais certains produits pourront être conçues pour être plus conviviaux (au sens d’Illich). Et ainsi, bien que la production soit délocalisée, il serait possible de les réparer localement. Par exemple, la production d’un vélo nécessite la fabrication et l’assemblage de nombreuses pièces métalliques, nécessitant un travail technique complexe gérée par des acteurs experts maîtrisant ce savoir-faire. Mais sa réparation et son entretien sont à la portée de n’importe quel bricoleur en herbe. La standardisation plus poussée de produits leur permettrait d’être plus flexibles à l’utilisation, comme par exemple celle de pièces détachées utilisables pour l’assemblage de divers produits : modulaire. L’auteur illustre ses propos avec la standardisation de la forme et de la couleur des bouteilles en verre. Concernant les produits jetables, il faut les proscrire au maximum. Puis, ceux qui sont réellement nécessaire pourraient être conçus en matériaux renouvelables. Enfin, concernant les produits consommables, il serait judicieux de les produire localement par des artisans locaux (par exemple le dentifrice) afin de les produire sur les matières renouvelables, réduire les consommations d’énergie superflues et ne pas s’accompagner d’emballage. Enfin, certains consommables pourraient être substitués en produits moins sexy mais tout aussi fonctionnels, composés de moins de matériaux rares ou dont la production est énergivore. Orienter le savoir vers l’économie de ressources Le progrès technique doit s’orienter ainsi. Il faut redéfinir la performance. Et c’est la direction que prend l’agriculture avec le déploiement de l’agro-écologie et le recyclage des bio-déchets. Rechercher l’équilibre entre performance et convivialité Ivan Illich affirme qu’un outil devenu trop complexe pour atteindre toujours plus de performance peut devenir contre-productif car cette complexité peut se retourner contre l’utilisateur, qui n’a pas la maîtrise de l’outil. Ainsi, tous nos produits high-tech sont-ils si performants, si on prend en compte tous les problèmes de fonctionnement face auxquels nous sommes incapables de trouver des solutions et devons nous en remettre à des experts techniciens ? Et cette complexité est-elle réellement nécessaire à tout utilisateur lambda (combien de fonctionnalité de nos ordinateurs ou Smartphones n’utilisons-nous pas?) ? Revenir à plus de simplicité et de maîtrise pour moins de performance. Non pas revenir en arrière, mais viser une moindre performance en tenant compte de notre savoir acquis. Par exemple, pour la voiture, pas besoin de revenir à le 2C, mais pourquoi Rédigé en 2019 par François Laugier Page 7
pas revenir à une voiture au poids de la 2C, à la vitesse de la 2C, mais avec quelques évolutions techniques permettant plus de robustesse (matériaux, système moteur…) et plus de confort (multimédia, hauteur de toit, bruit...) ? Puis, les nouveaux projets sont souvent conçus sans prendre en compte l’existant. Il serait plus simple et plus raisonnable de réutiliser les infrastructures abandonnées que d’en construire de nouvelles, bien qu’elles seraient légèrement moins performantes. Relocaliser sans perdre les bons effets d’échelle Comme évoqué précédemment, tout dépend du produit. Pour toute production, sa centralisation a des bénéfices techniques, énergétiques et économiques qui sont contrebalancés par le transport. Plus la production a de la valeur, plus il est possible de délocaliser loin, donc de centraliser. Ainsi, certains produits sont déjà fabriqués localement, tandis que d’autre n’ont pas intérêt à être produits localement car cela coûterait trop cher en outils et en énergie. Concernant les industries de procédés, assurées à environ 65 % par les secteurs automobile, construction et emballage, l’intérêt à une relocalisation semble maigre. Mais en réduisant la consommation, par exemple en utilisant mieux le parc de bâtiment actuel, en réduisant notre mobilité et en achetant en vrac, les tailles de sites centralisés seraient potentiellement réduites, et il serait possible de n’utiliser qu’un nombre réduit de sites. Concernant les manufactures, l’auteur cite les monopoles mondiaux de productions chinois, notamment pour la production de montres, de chaussures, de briques ou de duvet. Ces productions nécessitent plusieurs usines, dans lesquelles fonctionnent plusieurs lignes de fabrication. Il est donc envisageable de séparer ces lignes et de les décentraliser. Puis, il s’attaque aux machines high tech des chaînes de production (robots, multiples objets de contrôle connectés...) et affirme qu’il est possible de les supprimer au sacrifice d’un peu de productivité. En effet, généralement, les premiers gains effectués sur une chaîne de production sont engendrés par des optimisation d’organisation, et sont les plus conséquents. Les gains engendrés par une mécanisation, une robotisation ou une informatisation sont souvent plus maigres et mis en œuvre en second lieu. Enfin concernant l’industrie de réseau, il est envisageable de réduire le besoin, en réduisant les vitesses de transport, le confort, et les performances des accessoires complémentaires du numérique de plus en plus nombreux. « Démachiniser » les services Le remplacement de l’effort humain par un effort robotisé ou numérisé est d’une part énergivore et gourmand en ressources, et d’autre part supprime des emplois. Savoir rester modeste Nous cherchons le toujours plus, et nous bravons les lois de la nature, par exemple en repoussant les limites de la vie, avec le mouvement « transhumaniste », le clonage, la biologie de synthèse… Accepter que l’on n’est pas tout-puissants, et que l’on n’a pas réponse à tout. Se réapproprier la dimension poétique et philosophique du monde pour appréhender une réalité que la science ne peut pas entièrement décrire. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 8
Acte III : La vie quotidienne au temps des basses technologies Après avoir décrit les 7 commandements des low-tech et illustré ceux-ci par quelques exemples, voici des pistes d’application de ces principes à notre société, par secteurs. Agriculture et agroalimentaire Il s’agit de réduire l’impact environnemental des pratiques tout en assurant un rendement suffisant pour nourrir toute l’humanité. Tout d’abord, il est rappelé que le rendement (i.e. la production par hectare) stagne en France depuis quelques années. Les progrès sont opérés sur la productivité (i.e. la production par travailleur). Les OGMs sont défendues comme permettant une augmentation des rendements et une exploitation de terres agricoles plus pauvres ou arides. Or, c’est faux : en plus de ne pas nécessairement réduire l’utilisation d’herbicides, elles n’augmentent pas les rendements. Et leur exploitation sur des terres moins riches n’a encore jamais été prouvée. Elles permettent cependant des gains en productivité car la charge de travail à consacrer à ces cultures est moins importante. En réalité, la solution est d’arrêter la recherche de productivité en exploitant des monocultures céréalières toujours plus grandes multipliant les attaques de ravageurs et les traitements en pesticides qui détruisent les sols, ou l’élevage intensif, pour redévelopper des exploitations à plus petite échelle, sur des parcelles mélangeant les espèces animales et végétales. La productivité sera moindre. Mais, si la production de ces exploitations est accessible en circuit-court, une comparaison de la productivité est moins évidente car il faut prendre en compte tous les emplois de l’agroalimentaire en aval qui ne sont plus nécessaires. Par ailleurs, dans certains cas, le rendement surfacique peut même être meilleur. Puis, si le rendement ne pourra pas toujours être amélioré, il est aussi largement possible de baisser notre consommation sans mourir de faim, en réduisant le gaspillage alimentaire (environ 1/4 actuellement) ou notre consommation de nourriture carnée. Ensuite, nous pouvons développer le recyclage de nos matières fécales, notamment par l’utilisation des boues en sortie de stations d’épuration. Celles-ci sont actuellement fortement polluées car elles sont mélangées avec tous les autres déchets présents dans nos égouts. Il s’agirait donc de faire attention à moins polluer notre eau ménagère pour préserver les potentiels effets bénéfices de ces boues. Enfin, les circuits-courts suffisent largement à nous approvisionner, la grande distribution permet d’apporter des aliments qui viennent de plus loin. Quelle serait leur utilité si nous acceptions de ne plus manger hors saison ? Transport et automobile La voiture coûte cher : émissions de gaz polluants, artificialisation des sols, impacts sanitaires… De plus, la consommation énergétique qu’elle engendre pour les Occidentaux n’est pas envisageable d’être déployée à l’échelle planétaire. Enfin, il n’est pas possible de remplacer entièrement le parc mondial de plus de 1 milliards de véhicules thermiques. Il faut donc renoncer à ce confort. Pour cela, 3 solutions sont envisageables : renoncer aux voyages dans des contrées Rédigé en 2019 par François Laugier Page 9
lointaines, faire du covoiturage pour aller au travail, ou prendre le vélo. Concernant le vélo, voici plusieurs arguments : • Une bonne partie des trajets en voiture sont en réalité des distances de moins de 3 km • Le progrès technique permet maintenant de pouvoir se procurer des vélos à motorisation assistée, des vélos pliables • Si on considère la vitesse généralisée définie par Ivan Illich, les vélos sont plus rapides que la voiture. De plus, supprimer tous les emplois liés à la voiture réduirait grandement la charge de travail nationale et on peut envisager qu’il serait possible de réduire la charge de travail par personne, donc de travailler moins de 35h par semaine (par exemple 2 jours sur 5). Dans ces conditions, l’auteur propose d’aller au travail à vélo, de dormir sur place et de rentrer en week-end de 5 jours à vélo. Enfin, il est aussi envisageable de concevoir des voitures moins lourdes, des « pots de yaourt » ou « scooter-voiture » moins performantes certes. Par ailleurs, concernant les transports en commun, le bus est le plus écologique car il ne nécessite aucune infrastructure complexe, contrairement au train. Le métro nécessite des infrastructures difficiles à maintenir. Le TGV est très énergivore, étant donné sa vitesse, qu’il faudrait réduire. Bref, les transports en commun ont tous leurs défauts, et ne peuvent être des solutions permanentes. Bâtiment et urbanisme Concernant le bâtiment, voici les 4 enjeux majeurs : • Réduire la quantité d’énergie consommée par le parc existant • Arrêter l’artificialisation et le morcellement des territoires • Inverser la tendance à l’urbanisation et à la concentration • Réduire drastiquement le volume de constructions nouvelles en se concentrant principalement sur des réutilisations et des réhabilitations Pour réduire le besoin, en plus de faire avec l’existant, nous pourrions mieux mutualiser nos bâtiments. Puis, si le nombre moyen d’habitants par logement diminue à cause de pratiques familiales en évolution, le nombre de résidences secondaires augmente, et ces habitations pourraient être mutualisées. Ensuite, on peut aussi penser à l’habitat partagé, mutualisant des pièces communes. Produits de consommation, sport, loisirs et tourisme De nombreux objets, comme par exemple les jouets ou les livres, sont largement réutilisables lorsque le propriétaire les a délaissés. Tous les goodies de marketing sont inutiles et pourtant consommé dans des proportions indécentes. Concernant les cosmétiques et produits d’hygiène, il est possible de réduire notre impact, en consommant du savon au lieu de gel douche par exemple, ou en acceptant de réduire notre consommation de produits de beauté. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 10
Concernant le sport, certains sports sont beaucoup plus impactants que d’autres (golf) et pourraient être marginalisés. Puis, concernant le sport professionnel, les pratiques publicitaires sont à proscrire. Concernant le tourisme et les voyages, réduire l’utilisation de l’avion et des bateaux de croisière, et ne pas encourager le tourisme de masse, qui permet le développement de grandes routes et hôtels, plutôt préférer de se mélanger à la culture locale. Enfin, les produits de luxe, superflus, sont évidemment à proscrire. Nouvelles technologies, informatique et communication L’auteur rappelle que ne s’agit pas de « jeter bébé avec l’eau du bain » . L’électronique a permis un progrès énorme, notamment en termes de puissance de calcul. Cependant, ce développement a sa face sombre : consommation de ressources, d’énergie et déchets engendrés, impacts sociaux négatifs, impact cognitif sur les enfants, publicités, stratégies de prise de contrôle des grands groupes, surveillance généralisée… Tout cela alors que le numérique continue d’exploser. Ne pourrait-on pas développer ces secteurs de façon plus raisonnée, en ne gardant que ses bénéfices et en écartant ses dérives ? Il est possible de faire plusieurs améliorations : rendre l’utilisation des serveurs plus sobre, réduire le nombre d’équipements électroniques individuel, augmenter la durée de vie de ces équipements, développer une économie de la fonctionnalité, adopter une approche plus modulaire pour favoriser la réparabilité et la réutilisation des composants, réduire le volume de données échangé sans trop perdre trop de confort, car la flux est pour la plupart jugé comme inutile pour l’auteur. Et enfin, limiter l’utilisation du numérique instantanée, et développer une éco-conception pour les logiciels (et non seulement pour le matériel). Banques et finance L’auteur dénonce le système économique-financier qui fonctionne grâce aux prêts à intérêt et à la dette, ce qui implique un besoin de croissance. Il propose de supprimer les taux d’intérêts sur les crédits à la consommation et à l’immobilier, et d’encourager les crédits à l’investissement avec taux d’intérêt raisonnables par l’épargne collective et le public uniquement. Ballet du troisième acte : aimer, vivre et mourir à basse technologie Les codes de la séduction de la société de consommation se sont consolidés par la consommation elle-même de bijoux, de fleurs, de gros billets ou de grosses voitures. Pourquoi ne pas revenir à une séduction plus poétique et plus sobre en ressources ? Concernant la croissance démographique, il faudra qu’elle se stabilise. Et pour cela, us devons arrêter de chercher à nous rendre immortels. Quand la poubelle disparaîtra Il est possible de réduire nos quantités de déchets. Puis, il est possible de faire du compost. Pour le verre, la papier et le carton, les filières de recyclage sont efficaces, il s’agit plutôt de mieux respecter la consigne de tri. Enfin, il faut favoriser l’éco-conception pour limiter les plastiques et les emballages complexés. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 11
Et l’énergie dans tout ça ? L’auteur pronostique une consommation de 20 à 25 % de l’actuelle, en prenant comme référence le scénario de NégaWatt qui propose une réduction de plus de 50 % alors que le niveau de confort ne serait presque pas impacté. Acte IV : La « transition » est-elle possible ? Ici, l’auteur s’interroge sur les possibilités d’une transition du monde actuel vers une société low- tech. Impossible statu quo ? L’auteur affirme que la plupart des gens admettent qu’il y a un problème profond de fonctionnement de la société, bien que chacun ait son point de vue (marxistes, « peakistes » adeptes de Tainter…), et que chaque point de vue ait sa pertinence. Puis, il rappelle que les enjeux environnementaux sont maintenant presque consensuels. Les populations sont donc de plus en plus conscientes de la nécessité d’un changement radical. Entre attentisme, fatalisme et survivalisme L’attentisme, c’est faire comme si de rien n’était. La fatalisme, c’est profiter au maximum avant un effondrement mais ne rien faire pour le combattre. Le survivalisme, c’est l’accepter et se préparer à survivre. L’auteur démonte ces trois issues. L’attentisme et le fatalisme, en plus de poser des problèmes de cohérence avec nos convictions, sont inutiles. Le survivalisme est absurde et contre- productif : d’une part, combien de cartouches de carabine et de boîtes de conserve faudra t-il pour survivre et préserver ses ressources de la convoitises des autres hommes, et d’autre part, il est impossible de mettre en œuvre une transition avec de genre de comportements. Mais de toute façon, il n’y aura pas d’effondrement généralisé et brutal. L’effondrement sera progressif, à l’échelle d’une vie humaine. Il sera doux, comme l’empire Romain, ou l’empire soviétique. Car notre système a une sacré marge de manœuvre avant que nos besoins vitaux soient menacés. Mais du coup, doit-on tenter d’aller vers ce monde des low-tech ? Ou y être contraints avec moins de marge de manœuvre ? Cela pose 4 questions. La question majeure de l’emploi D’une part, la transition vers les low-tech supprimerait des emplois par baisse de consommation et simplification des organisations. Et d’autre part, elle augmenterait le nombre d’emploi par démécanisation, par un retour à plus d’artisanat et par une relocalisation. L’auteur a tenté des évaluations grossières, et estime qu’il serait possible de passer de 26 millions à 20 millions d’équivalent emploi. On pourrait alors imaginer une société dans laquelle les individus travaillent tous, mais moins. Puis on peut imaginer la mise en place de nouveaux plans sociaux plus équitables comme le revenu universel. Ou la création de nouveaux emplois, notamment dans l’Art et la culture. La question de l’échelle : l’exemple de l’abolitionnisme anglais L’économie est aujourd’hui globalisée. Comment se lancer dans une décélération si tout le système mondial continue d’accélérer ? Une évolution à l’échelle mondiale n’est pas envisageable, comme le peu d’impact que les accords internationaux sur le climat nous le rappellent. A échelle individuelle, l’impact reste trop limité car l’auteur affirme que le client n’est pas roi et que les Rédigé en 2019 par François Laugier Page 12
consommateurs subissent la loi du marché. A l’échelle locale des villes, cela permet des initiatives, des prises des consciences et le développement d’une certaine résilience mais les changements ne bénéficient pas de la puissance des pouvoirs publics. Selon l’auteur, la bonne échelle est l’échelle intermédiaire : les régions, l’État, ou un petit groupe d’Etats qui sont suffisamment proches. A l’image des solutions dans l’agriculture, les énergies ou les transports, les solutions doivent pouvoir s’adapter aux contextes locaux, et cette échelle reste raisonnable pour cela sans trop de complexité. Pour se convaincre qu’un changement national est possible et viable face à la mondialisation, l’auteur prend l’exemple de l’abolition de l’esclavage par l’Angleterre. Ce changement aurait pu énormément coûter à son économie devenant moins compétitive. Mais grâce à des actions de pression sur les autres Etats, et une stratégie de perturbation du trafic d’esclaves entraînant la hausse des prix d’achats des esclaves, les autres Etats ont finalement suivi. Et avec un petit groupe d’Etats, nous pourrions commencer par prendre des décisions qui ne concernent que nous, comme de revoir les règles d’urbanisme pour mettre fin à l’étalement urbain et réduire la mobilité, transformer notre système de gestion des déchets, se convertir à l’agriculture biologique, de revoir entièrement notre fiscalité, de réorienter la recherche publique… Afin de mieux nous protéger d’une concurrence de productions étrangères et non respectueuse de l’environnement, nous devons redévelopper un protectionnisme aujourd’hui pratiqué par tous sauf l’Europe (à ne pas confondre avec nationalisme). Puis, nous pourrions imaginer de mettre perturber les activités non respectueuses de l’environnement, comme le font certaines ONGs, mais à l’échelle nationale, avec les moyens publics. Bref, nous sommes face au dilemme du prisonnier. Sauf qu’on peut aussi penser qu’une exemplarité pourrait entraîner un effet d’entraînement. La question de la mutation culturelle et morale Il faut revaloriser les métiers manuels et artisanaux face aux métiers tels que marketing, présentateur TV ou financier. Il faut rééquilibrer notre système de valeurs qui hiérarchise les métiers. Il faut moins de spécialisation, qui a toujours visé la productivité, et permis le développement de la robotisation et l’informatisation, gourmands en ressources. Il faut réformer l’éducation. Stopper l’utilitarisme (on forme des étudiants employables), qui pousse à privilégier les matières « utiles » telles que les sciences, au détriment de la culture, la philosophie, la poésie et l’Art. Il faut arrêter de fabriquer des enfants « hors-sol ». Et il faut reconsidérer l’école comme un droit et l’éducation comme un devoir, et non le professeur comme rendant un service et l’élève comme client. Comment rendre la transition désirable : vive les low-tech Pour convaincre les masses, les éclairer sur les catastrophes à venir ou leur demander de faire des sacrifices de confort n’est pas la solution. Il faut leur proposer un avenir souhaitable : un monde plus beau et plus juste, où la poésie et la philosophie retrouveront leur place, et le stress et le temps de travail seront réduits. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 13
Et pour cela, chacun fait face au dilemme du prisonnier : si j’agis seul, je suis le perdant. Je me tape la pollution tandis que les autres bénéficient du confort qui la produit. Mais si tout le monde agissait en même temps, tout le monde serait gagnant. Finir sur une note positive L’auteur affirme que, oui, nous souffrons du syndrome du Titanic : les musiciens continuent à jouer alors qu’on coule, et l’inertie du système nous ralentie dans notre dérive pour éviter l’iceberg. Sauf que, contrairement au Titanic, nous pouvons virer bien plus vite. Car si les boucles de rétroactions que nous subissons sont nombreuses, elles marchent dans les deux sens. Par exemple pour l’agriculture, si nous décidons de consommer moins et mieux, nous consommerons moins d’énergie et de matières premières, moins d’intrants, permettront aux sols de revivre, et détruiront moins de forêts pour accéder à de nouveaux sols… La transition est nécessaire et possible. Rédigé en 2019 par François Laugier Page 14
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