Loi Pacte : mesures fi scales - Wolters Kluwer

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Loi Pacte : mesures fiscales
– Jurisprudence Quemener : abandon de la solution Lupa
– Suramortissement des équipements robotiques :
  biens éligibles – encadrement européen
– Dispositif « Denormandie ancien » : commentaires administratifs

1247          BI-MENSUEL
              1er JUILLET 2019
Sommaire
                                            BILLET D’HUMEUR����������������������������������������������������������P. 3
Revue bimensuelle paraissant                         Fallait-il déclarer tous ses comptes étrangers ?
                                                    „„

                                                                                     sommaire
le 1er et le 15 de chaque mois                         Pierre-Ange ANJUERE
Case postale 616
14, rue Fructidor                           ÉVÉNEMENT��������������������������������������������������������������������P. 4
75814 Paris cedex 17
Fondateur : Jean RONCAJOLA                           Loi Pacte : les mesures fiscales
                                                    „„
Éditeur : Wolters Kluwer France                        Rédaction des Nouvelles fiscales
SAS au capital de 75 000 000 €
Siège social :                              ACTUALITÉ��������������������������������������������������������������������� P. 11
14 rue Fructidor – 75814 Paris Cedex 17
Tél. : 01 85 58 30 00                                Suramortissement des équipements robotiques : biens
                                                    „„
RCS Paris 480 081 306                                éligibles – encadrement européen P. 11
Siret : 48008130600023
TVA FR 55 480 081 306                                Dispositif « Denormandie ancien » : publication
                                                    „„
Associé Unique :                                      des commentaires administratifs P. 14
Holding Wolters Kluwer France                        En bref P. 18
                                                    „„
Président, Directeur de la publication :
Hubert Chemla
Directrice des rédactions :
                                            JURISPRUDENCE���������������������������������������������������������� P. 20
Bernadette Neyrolles                                 Jurisprudence Quemener : abandon
                                                    „„
Rédactrice en chef : Sabine Dubost                    de la solution Lupa P. 20
Réalisation PAO : Nord Compo
Régie Publicitaire :
                                                     Aide d’État : taxes affectées au CNC P. 22
                                                    „„
Social RH publications                               Comptabilité informatisée : information du contribuable
                                                    „„
Tour Maine Montparnasse – cedex 189                   par le vérificateur P. 25
33 avenue du Maine – 75015 Paris
Contact : Anne Mallet                                Délai de reprise et pénalité de 80 % :
                                                    „„
Directrice de Publicité                               activité occulte P. 27
Tél : 01 81 69 85 83
a.mallet@info6tm.com                                 Réponses du juge P. 30
                                                    „„
N° Commission Paritaire :
1220 T 87386                                QUESTIONS / RÉPONSES��������������������������������������������P. 31
N° ISSN : 0399-1636
Dépôt légal : à parution
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Prix du numéro : 23,99 € TTC

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  2                                        Les Nouvelles Fiscales                                       Nº 1247 - 1er JUILLET 2019
Billet d'humeur

Fallait-il déclarer tous
ses comptes étrangers ?
Et si le Conseil d’État, à l’instar de la cavalerie yankee, dans ces westerns truffés d’indiens,
arrivait trop tard ?
C’est le sentiment qu’on peut avoir en lisant l’arrêt rendu par la Haute assemblée le 4 mars          Pierre-Ange
2019, à propos des comptes détenus à l’étranger…(1)                                                    ANJUERE
Car l’article 1649 A du CGI fait obligation à tout contribuable de déclarer les comptes ban-          Avocat associé
                                                                                                     Judicia Conseils
caires qu’il utilise à l’étranger, article qui rappelons-le a fondé nombre de rappels décennaux
de contribuables victimes d’amnésie fiscale.
Le Conseil d’État a été appelé à se prononcer sur la notion de compte étranger « utilisé » par
un résident fiscal français.
En l’espèce, à l’instar de nombre de contribuables ayant hérité d’un oncle d’Amérique, l’un
d’entre eux détenait certes un compte à l’étranger mais l’avait laissé inactif.
La banque étrangère se contentait seulement de créditer chaque année ledit compte des in-
térêts d’un portefeuille d’obligations et n’oubliait bien entendu pas de prélever sa dîme sous
forme de frais bancaires consistants.
Le contribuable fut alors sommé de déclarer ce compte étranger par une administration « avi-
sée ».
Mais loin d’accéder à cette demande le contribuable fit valoir que n’utilisant pas ce compte, il
n’était pas astreint à cette obligation déclarative.
Et c’est dans ce cadre que la décision rendue prend tout son sel.
En effet, le Conseil d’État a considéré que la notion « d’utilisation » impliquait que le contri-
buable effectue lui-même une opération de débit ou de crédit.
Or, les mouvements étant effectué à la seule initiative de la banque, le contribuable ne pouvait
être tenu comme utilisant le compte bancaire étranger.
Exit l’obligation déclarative et la prétendue défaillance du contribuable.
On pourrait alors se réjouir de cette décision qui absoudrait toutes celles et ceux qui ne dé-
clarent pas leurs comptes inactifs, si ce n’était la précaution du législateur qui, à compter du
1er janvier 2019, a étendu l’obligation déclarative aux comptes inactifs(2).
En ces temps de légions d’honneurs démultipliée, peut-être faudrait-il prévoir un quota pour
ces repentis qui « volontairement » ont révélé leurs comptes inactifs ?

(1) CE, 4 mars 2019, n° 410492.
(2) L. n° 2018-898, 23 oct. 2018, JO 24 oct., art. 7 ; voir Les Nouvelles fiscales n° 1233, p. 18.

Nº 1247 - 1er JUILLET 2019                                  Les Nouvelles Fiscales                                      3
Événement

    Loi Pacte : mesures fiscales                                                                                    Rédaction
                                                                                                                  des Nouvelles
                                                                                                                     fiscales
    La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises
    – dite loi Pacte – a été publiée au Journal officiel du 23 mai 2019.
    Celle-ci comporte plusieurs mesures fiscales visant à accompagner
    l’effort de simplification de la vie des PME et ETI. Focus sur deux
    d’entre-elles.
    L. n° 2019-486, 22 mai 2019, JO 23 mai.

    Simplification des seuils
                                                                   MÉCANISME UNIFIÉ
    d’effectifs pour certains                                  DE DÉCOMPTE DES EFFECTIFS
    régimes de faveur (art. 12)
                                                            L’effectif salarié annuel de l’employeur,
                                                            y compris lorsqu’il s’agit d’une
    Partant du constat que les seuils fiscaux               personne morale comportant plusieurs
    actuellement en vigueur présentent les                  établissements, correspond à la moyenne
    mêmes difficultés que les seuils sociaux , à            du nombre de personnes employées au
    savoir :                                                cours de chacun des mois de l’année civile
                                                            précédente.
    – leur trop grand nombre : 32 dans le Code              L’effectif à prendre en compte pour
    général des impôts (CGI) ;                              l’année de création du premier emploi
    – des modalités de calcul des effectifs dis-            salarié titulaire d’un contrat de travail dans
                                                            l’entreprise correspond à l’effectif présent
    parates, le CGI prévoyant que la période de
                                                            le dernier jour du mois au cours duquel
    référence pour le calcul de l’effectif peut             a été réalisée cette première embauche
    être l’exercice fiscal en cours ou l’avant              (CSS, art. L. 130-1, I nouveau).
    dernière année précédant celle de l’impo-               La définition des catégories de personnes
    sition ;                                                incluses dans l'effectif et les modalités de
    – des mécanismes de lissage instables,                  leur décompte seront précisées par décret.
    partiels et hétérogènes ;

    l’article 12 de la loi Pacte :                        À noter : dans le champ du CGI, seul le seuil
                                                          de 250 continue d’être décompté selon des
    – limite le nombre de seuils, dans la me-             modalités spécifiques pour satisfaire à des
    sure du possible, aux trois niveaux : 11, 50
                                                          exigences communautaires ;
    et 250 ;

    – harmonise les modalités d’appréciation              – introduit un mécanisme unifié de lissage
    des effectifs en appliquant, au droit fiscal,         des effets de seuils, aménageant un délai
    le I du nouvel article L. 130-1 créé par l’ar-        de 5 ans au cours duquel l’entreprise doit
    ticle 6 de la présente loi, l’effectif « sécurité     avoir dépassé effectivement le seuil avant
    sociale » devenant ainsi la référence.                que la nouvelle obligation ne s’applique.

4                                                       Les Nouvelles Fiscales                               Nº 1247 - 1er JUILLET 2019
Événement
                                                                                 Loi Pacte

                                                                     La condition d’effectif, décompté en unités de travail par an-
    MÉCANISME DE LISSAGE DE L’EFFET DE SEUIL
                                                                     née, doit être respectée tout au long des exercices couverts
  Lorsqu’une entreprise franchira à la hausse le seuil d’un          par l’option. À défaut, la société retourne dans le champ
  effectif salarié, ce franchissement sera pris en compte            d’application de l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206) à
  lorsque ce seuil aura été atteint ou dépassé pendant               compter du premier jour de l’exercice au cours duquel la
  5 années civiles consécutives.
                                                                     condition n’est plus respectée. Toutefois, le régime fiscal
  À l’inverse, le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif   des sociétés de personnes continue à s’appliquer, dans la
  sur une année a pour effet de faire à nouveau courir la
                                                                     limite de la période de validité de l’option, lorsque le seuil
  règle s’attachant au franchissement par le haut. Ainsi, une
  entreprise dont la diminution de l’effectif conduit à la faire
                                                                     de moins de 50 salariés est dépassé au cours d’un exercice
  passer sous un seuil disposera à nouveau de 5 ans pour être        clos entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2018.
  soumise à l’obligation attachée au franchissement à la             Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019,
  hausse du seuil en question (CSS, art. L 130-1, II nouveau).
                                                                     la condition relative à l’effectif salarié est appréciée selon
                                                                     les modalités prévues en matière de sécurité sociale (CSS,
Huit dispositifs fiscaux sont ainsi impactés par ces dispositions.   art. L. 130-1, I). En cas de dépassement du seuil d’effectif
                                                                     salarié déterminé selon les modalités prévues au II de l'ar-
     è
  èExonération d'impôt sur les bénéfices en ZFU-TE                   ticle L. 130-1 du Code de la sécurité sociale, la société est à
  et en ZRR                                                          nouveau assujettie à l’impôt sur les sociétés.
Les entreprises employant au plus 50 salariés installées             Remarque : en application du nouveau mécanisme de lis-
avant le 31 décembre 2020 en zone franche urbaine – ter-             sage de l’effet de seuil, aucun retour à l’IS n’est à craindre
ritoires entrepreneurs (ZFU-TE) bénéficient, sous certaines          en cas de dépassement de seuil…
conditions, d’une exonération d’impôt sur les bénéfices
totale pendant 5 ans, dégressive pendant les 3 années                   è
                                                                       èCrédit d’impôt pour investissement en Corse
suivantes (CGI, art. 44 octies A, I). Il en est de même des
                                                                     Les petites et moyennes entreprises (PME) relevant d’un
entreprises disposant de moins de 11 salariés présentes
                                                                     régime réel d’imposition peuvent bénéficier d’un crédit
dans les zones de revitalisation rurale (ZRR ; CGI, art. 44
                                                                     d’impôt au titre de certains investissements, autres que
quindecies)
                                                                     de remplacement, financés sans aide publique pour 25 %
Pour les activités créées à compter du 1er janvier 2019, le          au moins de leur montant, réalisés jusqu’au 31 décembre
seuil d’effectif en deçà duquel le régime de faveur peut s’ap-       2020 et exploités en Corse pour les besoins d’une activité
pliquer est abaissé de 50 à 49 salariés pour les entreprises         industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole
situées en ZFU-TE. Pour les deux régimes de faveur, la condi-        (CIIC ; CGI, art. 244 quater E).
tion d'effectif doit désormais être appréciée selon les moda-
                                                                     Le crédit d’impôt est égal à 20 % du prix de revient des in-
lités prévues en matière de sécurité sociale (CSS, art. L. 130-
                                                                     vestissements, net de subventions publiques. Ce taux est
1, I), le décompte s’effectuant au titre de chaque exercice, et
                                                                     porté à 30 % pour les entreprises employant moins de 11
non plus à la date de la création ou de l’implantation dans
                                                                     salariés et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du
la zone. Le franchissement du seuil d’éligibilité fait perdre le
                                                                     bilan annuel n’excède pas 2 M€ au cours de l’exercice de
bénéfice du régime de faveur. Toutefois, en application du
                                                                     réalisation des investissements éligibles.
mécanisme de lissage de l’effet de seuil (CSS, art. L. 130-1, II),
seul un dépassement dudit seuil pendant 5 années consécu-            Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019,
tives entraîne la perte du dispositif (dans le cas présent, de       la condition relative à l’effectif salarié est appréciée selon
l’abattement dégressif).                                             les modalités prévues en matière de sécurité sociale (CSS,
                                                                     art. L. 130-1, I), le décompte s’effectuant toutefois au titre
Remarque : pour les ZRR, un dispositif de gel de 3 ans avant
                                                                     de chaque exercice.
la fin de l’exonération existait déjà et arrivait à échéance au
31 décembre 2018. Il est donc remplacé par un mécanisme              Lorsqu’une entreprise constate, à la date de la clôture de
pérenne et plus avantageux de gel sur 5 ans.                         son exercice, un dépassement du seuil d’effectif, elle ne
                                                                     perd pas le bénéfice du crédit d’impôt majoré au titre de
    è
  èOption   des sociétés de capitaux pour le régime                  l’exercice au cours duquel les investissements éligibles
  des sociétés de personnes                                          sont réalisés. Il s’agit là d’un mécanisme de lissage des ef-
                                                                     fets de seuils spécifique à ce régime de faveur.
Les sociétés de capitaux (sociétés anonymes, sociétés par
actions simplifiées et sociétés à responsabilité limitée)
                                                                         è
                                                                       èCFE   : exonération de plein droit des coopératives
de moins de 50 salariés et de création récente (moins de
                                                                       agricoles
5 ans) ont la possibilité d’opter pour le régime fiscal des
sociétés de personnes, toutes autres conditions étant par            En principe, sont notamment exonérés de plein droit de
ailleurs remplies (CGI, art. 239 bis AB). Cette option est           la cotisation foncière des entreprises (CGI, art. 1451, I-1°,
exercée pour une période de 5 exercices.                             2° et 4°) :

Nº 1247 - 1er JUILLET 2019                              Les Nouvelles Fiscales                                                         5
Événement

    – les sociétés coopératives agricoles et leurs unions ainsi       – les sociétés coopératives agricoles, leurs unions et les
    que les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA qui em-       SICA dont les parts sont admises aux négociations sur un
    ploient au plus 3 salariés ;                                      marché réglementé ou offertes au public sur un système
                                                                      multilatéral de négociation ou dont le capital est détenu à
    – les coopératives agricoles et vinicoles, pour leurs acti-       concurrence de 20 % au moins par des associés non coo-
    vités autres que la vinification et quel que soit le mode         pérateurs et des titulaires de certificats coopératifs d’in-
    de commercialisation employé, lorsque l’effectif salarié          vestissement lorsque les statuts prévoient qu’ils peuvent
    correspondant n’excède pas 3 personnes ;                          être rémunérés ;
    – les caisses locales d’assurances mutuelles agricoles qui        – les sociétés d’intérêt collectif agricole dont plus de 50 %
    ont au plus 2 salariés ou mandataires rémunérés ;                 du capital ou des voix sont détenus directement ou par
    Jusqu’à présent, la période à considérer pour le calcul du        l’intermédiaire de filiales par des associés non agriculteurs.
    nombre de salariés est la période de référence retenue pour       À l’instar de l’exonération de plein droit, l’effectif salarié
    la détermination des bases de la CFE (CGI, art. 1467 A).          est apprécié selon les modalités prévues en matière de
    Toutefois, au titre des périodes de référence retenues pour       sécurité sociale (CSS, art. L. 130-1, I). Par dérogation, la
    les impositions établies de 2016 à 2018, lorsqu’une en-           période à retenir pour apprécier le nombre de salariés est
    treprise bénéficiant déjà de l’exonération de CFE constate        l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition.
    un dépassement du seuil d’effectif, cette circonstance ne         Toutefois, lorsqu’une entreprise bénéficiant déjà de l’exo-
    lui fait pas perdre le bénéfice de cette exonération pour         nération constate un franchissement de seuil d’effectif de
    l’année d’imposition correspondant à la période de réfé-          3 ou 11 salariés déterminé selon les modalités prévues au II
    rence au cours de laquelle ce dépassement est constaté            de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale, cette cir-
    ainsi que pour les 2 années suivantes.                            constance lui fait perdre le bénéfice de cette exonération.
    Pour les impositions établies au titre de 2019, l’effectif sa-    Facultative, les délibérations accordant l’exonération
    larié est apprécié selon les modalités prévues en matière         doivent intervenir avant le 1er octobre d’une année pour
    de sécurité sociale (CSS, art. L. 130-1, I). Par dérogation, la   être applicable l’année suivante (CGI, art. 1639 A bis).
    période à retenir pour apprécier le nombre de salariés est        Elles s’appliquent tant que la délibération d’exonération
    l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition.           n’est pas rapportée.
    Le franchissement du seuil d’éligibilité est déterminé se-
    lon les modalités prévues en matière de sécurité sociale          Pour bénéficier de l’exonération, les entreprises doivent
    (CSS, art. L. 130-1, II). Aussi, en application du mécanisme      en adresser la demande au service des impôts dont relève
    de lissage de l’effet de seuil, seul un dépassement dudit         chacun des établissements concernés :
    seuil pendant 5 années consécutives entraîne la perte du          – au plus tard le 31 décembre de l’année de création ou
    dispositif.                                                       de changement d’exploitant à l’appui de la déclaration
                                                                      n° 1447 C ;
        è
      èCFE   : exonération facultative des coopératives
      agricoles de plus de 3 salariés et de moins de 11 salariés      – au plus tard le 2e jour ouvré suivant le 1er mai N+1 dans
                                                                      les autres cas avec la déclaration n° 1447 M.
    Les communes et leurs établissements publics de coopé-
    ration intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ont désor-        À défaut du dépôt de cette demande dans ces délais, l’exo-
    mais la possibilité, par une délibération de portée géné-         nération n’est pas accordée au titre de l’année concernée.
    rale, d'exonérer de la cotisation foncière des entreprises        L’exonération est subordonnée au respect de la régle-
    (CFE ; CGI, art. 1464 E nouveau) :                                mentation européenne concernant les aides de minimis
    – les sociétés coopératives agricoles et leurs unions ainsi       (Règl. UE n° 1407/2013, 18 déc. 2013). Rappelons que
    que les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) qui em-      celle-ci limite à 200 000 € le montant total des aides
    ploient entre plus de 3 et moins de 11 salariés ;                 accordées à une entreprise sur une période glissante de
                                                                      3 exercices fiscaux.
    – les coopératives agricoles et vinicoles, pour leurs acti-
    vités autres que la vinification et quel que soit le mode         Remarque : la délibération en faveur de l'exonération de
    de commercialisation employé, lorsque l’effectif salarié          CFE entraîne automatiquement l'exonération en matière
    correspondant est compris entre plus de 3 et moins de             de CVAE pour la fraction exonérée au profit de la commune
    11 personnes.                                                     ou de l'EPCI (CGI, art. 1586 nonies), le département et la
                                                                      région conservant la possibilité de prendre une décision en
    Remarque : ne sont pas concernées les caisses locales             ce sens ou non pour la fraction imposée à leur profit.
    d’assurances mutuelles agricoles, peu important le
    nombre de salariés qu’elles emploient.                            Ces dispositions s’appliquent à compter des impositions
                                                                      établies au titre de 2019. En pratique, l’exonération s’ap-
    Sont exclues de cette exonération :                               pliquera pour la première fois aux impositions établies au

6                                                      Les Nouvelles Fiscales                                 Nº 1247 - 1er JUILLET 2019
Actualité

FISCALITÉ DES ENTREPRISES
Suramortissement des                                              avant la signature du contrat de crédit-bail y afférent
                                                                  et sont calculés sur une base annuelle, soit 12 mois. Ainsi,
équipements robotiques :                                          le dépassement des seuils pendant la période d’utilisation

biens éligibles – encadrement                                     du bien ne fait pas perdre le droit de pratiquer la déduc-
                                                                  tion exceptionnelle.
européen
                                                                  Le chiffre d’affaires est retenu pour son montant hors
L’administration fiscale apporte des précisions quant
                                                                  taxes.
aux modalités d'application du suramortissement de
40 % des robots et matériels de transition numérique.
BOI-BIC-BASE-100-30-20190515.                                       PME ayant une activité industrielle

Les petites et moyennes qui investissent dans la robotique        Les biens qui ouvrent droit à la déduction exceptionnelle
et la transformation numérique peuvent déduire de leur            doivent être utilisés dans le cadre d’une activité indus-
résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur            trielle.
d’origine des biens éligibles inscrits à l'actif immobilisé et
pratiqués au cours des exercices clos à partir du 1er jan-        Cette dernière s’entend de celle qui concourt directement
vier 2019. Ce suramortissement s’opère de manière ex-             à la fabrication ou à la transformation de biens corporels
tra-comptable et est réparti linéairement sur la durée nor-
                                                                  mobiliers et pour laquelle le rôle du matériel et de l’outil-
male d’utilisation des biens (CGI, art. 39 decies B ; L. fin.
2019, n° 2018-1317, 28 déc. 2018, JO 30 déc., art. 55 ;           lage est prépondérant. Sont donc exclues les entreprises
voir Les Nouvelles fiscales n° 1236, p. 17).                      ayant exclusivement une activité commerciale, agricole,
                                                                  artisanale ou libérale.
Dans une mise à jour de sa base doctrinale, l’administra-
tion fiscale commente ce dispositif de faveur.
                                                                  Lorsque le bien est affecté à la fois à une activité indus-
                                                                  trielle et à une activité non industrielle, l’entreprise doit
Entreprises concernées                                            répartir le coût d’acquisition du bien entre les deux acti-
                                                                  vités selon une clé de répartition (prorata d’utilisation
  PME au sens communautaire                                       du bien, prorata du chiffre d’affaires généré par chaque
Ce dispositif de suramortissement est réservé aux entre-          activité), et ne bénéficie de la déduction exceptionnelle
prises soumises à l’IS ou à l’IR selon un régime réel d’im-       que pour la quote-part du coût d’acquisition affectée à
position et qui ont la qualité de PME au sens du droit eu-        l’activité industrielle.
ropéen.
Il s’agit donc des entreprises :                                  En cas de changement d’affectation du bien en cours
– dont l’effectif est strictement inférieur à 250 per-            d’utilisation, la déduction n’est acquise qu’à hauteur des
sonnes ;                                                          montants déjà déduits du résultat fiscal au jour du chan-
– et dont, soit le chiffre d’affaires annuel n’excède pas         gement d’activité.
50 M€, soit le total du bilan annuel n’excède pas 43 M€
(Règl. UE n° 651/2014, 17 juin 2014, ann. I).                     Lorsque le changement intervient au cours d’un exercice,
L’effectif, le chiffre d’affaires et le total du bilan de l’en-   la déduction est acquise au prorata du nombre de jours
treprise sont appréciés au titre du dernier exercice clos         de l’exercice au cours duquel le bien a été affecté à l’acti-
avant l’acquisition ou la fabrication du bien éligible, ou        vité industrielle.

Nº 1247 - 1er JUILLET 2019                          Les Nouvelles Fiscales                                                        11
Actualité

                                                                         Sont ainsi éligibles :
          QUELLES SONT LES ENTREPRISES ADMISES
              À EFFECTUER LA DÉDUCTION ?                                 • les machines de fabrication additive, autrement dési-
                                                                           gnées par les termes d’imprimantes 3D ;
       La faculté de pratiquer la déduction exceptionnelle revient
       à l’entreprises qui acquiert à l’état neuf ou fabrique les        • les outils de numérisation tridimensionnelle néces-
       biens éligibles.                                                    saires à l’exécution du cycle de fabrication en vue de
       Pour les biens faisant l’objet d’un contrat de crédit-bail ou       produire des biens.
       d’un contrat de location avec option d’achat, la déduction
       exceptionnelle est pratiquée par l’entreprise crédit-                 è
                                                                           èLogiciels   utilisés pour des opérations de conception,
       preneuse ou locataire.                                              de fabrication ou de transformation.
       Le bailleur qui donne un bien en crédit-bail ou en location       Il s’agit des logiciels de conception, de simulation, de pilo-
       avec option d’achat ne peut pas pratiquer la déduction            tage, de programmation, de suivi et de gestion de produc-
       exceptionnelle, que le preneur ou le locataire pratique ou        tion, de maintenance.
       non la déduction sur le bien en cause.
                                                                         Cette catégorie recouvre notamment les logiciels de ges-
       En dehors de ces deux catégories de contrats (crédit-
       bail et location avec option d’achat), la location du bien        tion de production assistée par ordinateur (GPAO), les lo-
       n’empêche pas le propriétaire juridique de ce dernier             giciels de MES (gestion des processus industriels) ainsi que
       de pratiquer les déductions. De même, le propriétaire             les logiciels utilisés pour la modélisation, la virtualisation,
       juridique qui met gratuitement à disposition une                  le traitement des images et la simulation des procédés
       immobilisation dont le contrôle est effectivement exercé          et processus industriels (notamment les jumeaux numé-
       par l’utilisateur peut pratiquer la déduction exceptionnelle.     riques). Les ERP (progiciel de gestion intégré) de gestion
       Dans ce cas, la déduction n’est pas transférée à l’utilisateur    de la production relèvent également de cette catégorie.
       du bien même si, par ailleurs, le bien est inscrit au bilan de
       ce dernier.                                                       Attention : ne sont pas éligibles au dispositif :
                                                                         • les logiciels de gestion des contrôles qualité ;
                                                                         • les logiciels utilisés pour des opérations de recherche et
                                                                           développement.
     Équipements éligibles
                                                                            è
                                                                           èMachines intégrées destinées au calcul intensif
     La déduction s’applique aux biens inscrits à l’actif immo-
     bilisé qui relèvent de l’une des catégories suivantes :             Ces machines permettent de traiter des applications com-
                                                                         plexes en faisant appel à des ordinateurs spécialisés dans
        è
       èÉquipements robotiques et cobotiques                             le traitement rapide de gros volumes de données numé-
     Il s’agit de mécanismes programmables actionnés sur au              riques (« supercalculateurs »).
     moins deux axes, pouvant se déplacer et avec un degré
                                                                              è
                                                                           èCapteurs     physiques collectant des données sur
     d’autonomie pour exécuter des tâches prévues.
                                                                           le site de production de l’entreprise, sa chaîne de
     Cette catégorie comprend notamment :                                  production ou sur son système transitique
     • tous les types de robots industriels, qu’ils soient de            Cette catégorie recouvre notamment les capteurs connec-
       type polyarticulé, cartésien, parallèle ou SCARA (bras            tés réalisant des mesures physiques avec ou sans contact
       de robot articulé à conformité sélective) ;                       ainsi que les dispositifs d’identification, de traçabilité, de
     • les lignes robotisées ;                                           contrôle par vision et de géolocalisation des produits, quel
     • les AGV (véhicules à guidage automatique) ;                       que soit le type de données collectées.
     • les systèmes robotisés guidés par l’opérateur (cobots) ;          Les capteurs doivent être utilisés pour des opérations
                                                                         de production.
     • les systèmes robotisés portés par l’opérateur (exosque-
       lettes) ;                                                         Attention : ne sont pas éligibles au dispositif :
     • les équipements périphériques indispensables au fonc-             • les capteurs utilisés pour des fonctions support (main-
       tionnement des robots (préhenseur, capteur etc.).                   tenance, contrôle qualité, sécurité).

                                                                             è
                                                                           èMachines de production à commande
        è
       èÉquipements de fabrication additive
                                                                           programmable ou numérique
     La fabrication additive s’entend du procédé qui consiste à
                                                                         Il s’agit des machines de production dont le contrôle-com-
     assembler des matériaux pour fabriquer des éléments, à
                                                                         mande est assuré numériquement.
     partir de données modélisées en 3D, en général par l’ajout
     de couches successives, quelle que soit la technologie uti-         Cette catégorie comprend notamment, quel que soit le
     lisée (notamment fusion par laser, frittage par laser, dépôt        matériau traité :
     de fil ou stéréolithographie).                                      • les machines de fraisage ;
                                                                         • les machines de tournage ;

12                                                         Les Nouvelles Fiscales                               Nº 1247 - 1er JUILLET 2019
Actualité

• les centres d’usinage ;                                        – ils ont fait l’objet d’une commande à compter du 1er jan-
• les machines de rectification ;                                vier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2020, assortie du ver-
                                                                 sement d’acomptes au moins égaux à 10 % du montant
• les machines d’électro-érosion ;                               total de la commande ;
• les machines de découpe ;                                      – et ils sont acquis dans un délai de 24 mois à compter
• les machines d’assemblage ;                                    de la date de la commande.
• les machines de contrôle dimensionnel ;                        Il est précisé que ces dispositions ne sont pas applicables
• les machines d’emballage et de conditionnement ;               aux biens ayant fait l’objet d’un contrat de crédit-bail ou
                                                                 d’un contrat de location avec option d’achat.
• les machines de soudage automatique.
                                                                 Le montant total de la commande s’entend du prix hors
Attention : ne sont pas éligibles au dispositif :                taxes du bien. Il n’est pas nécessaire que la commande
• les machines utilisées pour des opérations de mainte-          soit ferme, c’est-à-dire sans réserve ou condition.
  nance ou pour des opérations situées en amont ou en
                                                                 La date à retenir pour apprécier si un bien ouvre droit à
  aval de la production (système d’alimentation de ma-
                                                                 la déduction exceptionnelle est celle à laquelle le bon de
  tière, évacuation de matière, contrôle qualité).
                                                                 commande ou tout autre document en tenant lieu est
     è
  èÉquipements       de réalité augmentée et de réalité          reçu par le fournisseur.
  virtuelle utilisés pour des opérations de conception,          Lorsque les acomptes interviennent après la commande,
  de fabrication ou de transformation                            la date à retenir est celle à laquelle les sommes sont por-
                                                                 tées au débit du compte bancaire du client ou, le cas
Les équipements de réalité augmentée utilisent une
                                                                 échéant, celle à laquelle l’organisme de financement pro-
technologie qui permet d’intégrer des éléments virtuels
                                                                 cède au paiement.
tridimensionnels au sein d’un environnement réel, en
temps réel. Les équipements de réalité virtuelle utilisent       Dans l’hypothèse du paiement de plusieurs acomptes,
une technologie qui permet de faire percevoir à une per-         c’est la date du versement permettant d’atteindre le seuil
sonne un monde artificiel créé numériquement.                    de 10 % qui doit être prise en compte pour l’éligibilité du
                                                                 bien au dispositif.
                                                                 Les entreprises qui souhaitent se prévaloir de ce dispositif
Période d’éligibilité du suramortissement                        doivent établir qu’elles en respectent les conditions. À cet
                                                                 effet, elles devront, sur demande de l’administration,
  Biens acquis ou fabriqués                                      fournir une copie de la commande et de son accusé de ré-
La déduction exceptionnelle s’applique :                         ception indiquant le prix du bien commandé ainsi que, le
                                                                 cas échéant, le montant de l’acompte versé et, éventuel-
– aux biens acquis à l’était neuf ou fabriqués à compter
                                                                 lement, une attestation des versements complémentaires
du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2020 ;
                                                                 d’acomptes.
– aux biens neufs pris en location dans le cadre d’un
                                                                 Dans le cas où les biens incorporés dans un ensemble ne
contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location avec
                                                                 font pas l’objet d’une commande unique mais de plu-
option d’achat conclus à compter du 1er janvier 2019
                                                                 sieurs commandes distinctes, l’éligibilité desdits biens
et jusqu’au 31 décembre 2020.
                                                                 à la déduction exceptionnelle s’apprécie commande
Attention, ces biens doivent avoir fait l’objet :                par commande.
– pour les biens acquis : d’une commande ferme à comp-
ter du 20 septembre 2018, la preuve devant en être
conservée par l’entreprise (bon de commande, le contrat,         Encadrement européen
le devis, ou tout autre document matérialisant l’accord          Le bénéfice de la déduction exceptionnelle est subordon-
des parties sans réserve ni condition) ;                         né au respect de l’article 17 du règlement général d’exemp-
– pour les biens fabriqués par l’entreprise elle-même :          tion par catégorie (RGEC) relatif aux aides d’État (Règl. UE
d’une décision définitive de fabrication par la direction        n° 651/2014, 17 juin 2014).
de l’entreprise à compter du 20 septembre 2018. La date          Les conditions suivantes doivent donc être respectées :
de la décision définitive de fabrication est entendue
                                                                 – les investissements dans des actifs corporels ou incor-
comme la date à partir de laquelle les coûts de production
                                                                 porels bénéficiant de la déduction doivent se rapporter à
du bien sont immobilisés à l’actif du bilan.
                                                                 la création d’un établissement, à l’extension d’un établis-
                                                                 sement existant, à la diversification de la production d’un
  Biens commandés
                                                                 établissement vers de nouveaux produits supplémen-
La déduction exceptionnelle s’applique également aux             taires ou à un changement fondamental de l’ensemble du
biens acquis à compter du 1er janvier 2021 lorsque :             processus de production d’un établissement existant ;

Nº 1247 - 1er JUILLET 2019                          Les Nouvelles Fiscales                                                      13
Jurisprudence

     FISCALITÉ DES ENTREPRISES
     Jurisprudence Quemener :                                             titres de ladite SCI par différence entre la valeur des ac-
                                                                          tifs transférés et la valeur d’acquisition des titres, qu’elle
     abandon de la solution Lupa                                          a majorée de l’écart de réévaluation mentionné ci-dessus
                                                                          ainsi que du produit réalisé par la SCI en décembre 2009
     La mise en œuvre du mode de calcul, issu de la                       et minorée de la perte constatée par cette même SCI au
     jurisprudence Quemener, permettant de déterminer                     30 novembre 2009. L’administration fiscale avait remis
     le prix de revient des parts d’une société de personnes              en cause ces corrections extra-comptables, en estimant
     à la suite de leur cession ou d’une dissolution sans                 qu’elles révélaient l’existence d’un abus de droit. Le Tri-
     liquidation de cette société, n’est pas subordonnée à                bunal administratif avait jugé que les conditions de mise
     une double imposition de l’associé.                                  en œuvre de la procédure de répression des abus de droit
                                                                          n’étaient pas réunies et avait accordé à la société la dé-
     CE, plén., 24 avr. 2019, n° 412503, Sociéré FRA SCI.                 charge des impositions litigieuses. Avant que la Cour ad-
                                                                          ministrative d’appel (CAA) de Paris, faisant droit à une
     La société civile immobilière (SCI) requérante avait été
                                                                          demande de substitution de base légale présentée par
     créée, le 18 avril 2008, par une société à responsabilité
                                                                          le ministre, ne juge que la société n’était pas fondée à
     limitée (SARL) de droit luxembourgeois et par une socié-
                                                                          se prévaloir du mécanisme correctif du prix d’acquisition
     té par actions simplifiée (SAS) de droit français. À la date
                                                                          des titres prévu par la jurisprudence du Conseil d’État, en
     du 10 juin 2008, la SARL luxembourgeoise lui avait appor-
                                                                          l’absence de situation de double imposition de la société
     té en nature 999 des 1 000 parts d’une autre SCI, initiale-
                                                                          ayant réalisé l’opération de dissolution-confusion. La Cour
     ment de droit monégasque mais devenue de droit français
                                                                          avait, en conséquence, remis les impositions litigieuses à
     le 6 juin précédent, dont l’objet était de détenir et de don-
                                                                          la charge de la société requérante dans la limite de bases
     ner à bail un ensemble immobilier situé 35 et 37, avenue
                                                                          imposables à l’impôt sur les sociétés de 6 027 122 €
     George V à Paris. Ces titres avaient été valorisés, dans le
                                                                          et 1 121 997 € au titre, respectivement, des exercices clos
     traité d’apport daté du 10 juin 2008, pour 23 000 000 €.
                                                                          en 2009 et 2010 ; tout en rejetant, cependant, la de-
     Le 27 novembre 2009, cette seconde SCI avait décidé
                                                                          mande du ministre tendant à ce que soit substituée à la
     tout à la fois de clôturer par anticipation au 30 novembre
                                                                          majoration de 80 % pour abus de droit la majoration de
     son exercice courant, qui avait été ouvert le 18 avril
                                                                          40 % pour manquement délibéré, et confirmant la dé-
     2008, et de procéder à une réévaluation libre de son actif,
                                                                          charge des majorations dont l’administration avait assorti
     fixant à 15 810 000 € la valeur de l’immeuble du 35, ave-
                                                                          les rehaussements. La société et le ministre s’étaient l’un
     nue George V, alors inscrit à son bilan pour 1 817 437 €.
                                                                          et l’autre pourvus en cassation contre cet arrêt de la CAA
     Elle avait ainsi constaté dans ses comptes un profit de ré-
                                                                          en tant qu’il leur était défavorable.
     évaluation égal à 13 992 563 €. À la date du 21 décembre
     2009, et après avoir acquis pour 15 484 € auprès de la               Le Conseil d’État rappelle que, dans le cas où une société
     SAS l’unique part de cette seconde SCI qui n’était pas en            vient à retirer de l’actif de son bilan, à la suite d’une cession
     sa possession, la SCI requérante en avait décidé la disso-           ou de la dissolution sans liquidation avec confusion de pa-
     lution avec transmission universelle de son patrimoine               trimoine prévue par le Code civil (C. civ., art. 1844-5), les
     (TUP), avec date d’effet fiscal anticipée au 1er décembre            parts qu’elle détenait jusqu’alors dans une société rele-
     de la même année. Pour déterminer son résultat impo-                 vant du régime des sociétés de personnes (CGI, art. 8), le
     sable de l’exercice clos au 31 décembre 2009, elle avait,            résultat de cette opération doit être calculé en retenant
     d’une part, retenu, sur la base de 13 992 563 €, le bénéfice         comme prix de revient de ces parts leur valeur d’acquisi-
     issu de l’écart de réévaluation majoré du produit réalisé en         tion, majorée en premier lieu, d’une part, de la quote-part
     décembre 2009 par la seconde SCI pour 6 443 € et déduit              des bénéfices de cette société revenant à l’associé qui a
     les pertes réalisées par cette même SCI jusqu’au 30 no-              été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieure-
     vembre 2009 pour un montant de 426 431 € ; elle avait,               ment à la cession et pendant la période d’application du
     d’autre part, déterminé le gain né de l’annulation des               régime sus-mentionné, d’autre part, des pertes afférentes

20                                                          Les Nouvelles Fiscales                                Nº 1247 - 1er JUILLET 2019
Jurisprudence
                                                                           Décisions commentées

à des entreprises exploitées par la société et ayant donné     mis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin
lieu de la part de l’associé à un versement en vue de les      d’examiner les autres moyens de son pourvoi, la société
combler, puis minorée en second lieu, d’une part, des dé-      était fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué
ficits que l’associé a déduits pendant cette même période,     en tant qu’il lui était défavorable.
à l’exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une
disposition par laquelle le législateur a entendu conférer
aux contribuables un avantage fiscal définitif et, d’autre       COMMENTAIRE
part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées
en France par la société et ayant donné lieu à répartition       Il s’agit de l’abandon, en formation de plénière fiscale,
au profit de l’associé.                                          de la solution issue de l’arrêt Lupa (CE, 6 juill. 2016,
                                                                 nos 377904 et 377906, Min. c/ SARL Lupa Immobilière
Puis, la Haute juridiction précise que la règle sus-énoncée
                                                                 France, Min. c/ SARL Lupa Patrimoine France), qui avait
a pour objet d’assurer la neutralité de l’application de
                                                                 entendu préciser la jurisprudence Quemener (CE, 16 févr.
la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du ré-
                                                                 2000, n° 133296, Société anonyme Établissements
gime des sociétés de personnes, et trouve notamment
                                                                 Quemener). Comme on sait, en vertu de cette dernière
à s’appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à
                                                                 – dont le considérant de principe est repris par l’arrêt ici
l’associé d’une société soumise à ce régime lorsque ces
                                                                 commenté –, pour le calcul de la plus-value réalisée par
bénéfices résultent d’une réévaluation des actifs so-
                                                                 l’associé d’une société de personnes à la suite de la cession
ciaux, qu’elle soit opérée par l’administration fiscale dans
                                                                 de parts, on obtient le prix de revient de ces dernières en
le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d’ac-
                                                                 procédant, sur leur valeur d’acquisition, à deux opérations
croître rétroactivement la base d’imposition de la société
                                                                 successives, propres à assurer la neutralité de l’application
au titre de la période d’imposition close par la dissolution
                                                                 de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique de ces
de la société et l’annulation consécutive des parts déte-
                                                                 sociétés : cette valeur est d’abord majorée, d’une part, de
nues par l’associé ou que cette réévaluation intervienne
                                                                 la quote-part des bénéfices sociaux revenant à l’associé
au moment de la dissolution de la société soumise au ré-
                                                                 qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, anté-
gime spécifique.
                                                                 rieurement à la cession et pendant la période d’application
Or, la CAA, après avoir estimé, par une appréciation sou-        du régime de l’article 8 du CGI et, d’autre part, des déficits
veraine des faits non arguée de dénaturation, que l’apport       de la société qui ont été comblés par l’intéressé ; ensuite,
à la société requérante des parts sociales composant             la valeur d’acquisition est minorée, d’une part, des déficits
le capital de l’autre SCI, avait été valorisé sur la base de     que ledit associé a déduits, à l’exclusion de ceux trouvant
l’actif net réévalué de cette dernière, de sorte que le prix     leur origine dans une disposition par laquelle le législateur
d’acquisition de ces parts tenait compte de la valeur            a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal
vénale de l’immeuble situé au 35, avenue George V, en            définitif et, d’autre part, des bénéfices ayant donné lieu à
avait déduit que, si le profit résultant de la réévaluation      répartition à son profit. La solution avait été transposée à
libre opérée par cette autre SCI avant sa dissolution avait      l’hypothèse d’une plus-value générée par l’annulation des
été inclus dans les bénéfices taxables de la société en          parts d’une société de personnes faisant l’objet d’une dis-
vertu du régime des sociétés de personnes, il n’avait pas        solution sans liquidation avec confusion de patrimoine en
été pris en compte une seconde fois au titre du résultat         application de l’article 1844-5 du Code civil (CE, 27 juill.
de l’opération de dissolution-confusion de ladite autre          2015, n° 362025, Société Matériels Electriques Ascen-
SCI, de sorte que la société requérante n’avait subi au-         seurs). Avant que, par l’arrêt Lupa, la Haute juridiction
cune double imposition et ne pouvait par suite pas se            ne vienne juger, dans le cas de la dissolution d’une société
prévaloir de la règle sus-énoncée posée par la jurispru-         de personnes avec transmission universelle de patrimoine
dence. En subordonnant ainsi la mise en œuvre du mode            (TUP), que néanmoins, par principe, la double opération
de détermination du prix de revient des parts d’une so-          correctrice sus-mentionnée ne pouvait « trouver à s’appli-
ciété relevant du régime des sociétés de personnes, en           quer que pour éviter une double imposition de la socié-
vue de la détermination du gain résultant de la dissolution      té qui réalise l’opération de dissolution ». La CAA avait,
sans liquidation de cette société avec TUP au profit de son      en la présente espèce, fait application de cette règle, en
associé unique, dans l’hypothèse où les bénéfices réali-         recherchant s’il y avait eu double imposition de la SCI re-
sés par cette société avant sa dissolution procèdent, en         quérante, puis en répondant à la question de façon néga-
tout ou partie, de l’existence d’un excédent de la valeur        tive, ce qui l’avait amenée à donner satisfaction à l’appel
réelle de ses actifs sur leur valeur comptable, à la condi-      du ministre : compte tenu que « la réévaluation de [l’im-
tion que la valeur à laquelle les parts en cause sont ins-       meuble situé 35 avenue Georges V avait] déjà été prise en
crites à l’actif de l’associé reflète la valeur comptable de     compte dans le prix d’acquisition [des titres par la société
ces actifs et non leur valeur réelle et que, par conséquent,     requérante], la circonstance que le profit [étant résulté]
ces bénéfices soient pris en compte une seconde fois,            de [cette] réévaluation ait été fiscalement appréhendé
au titre du résultat de l’opération de dissolution-confu-        par [cette dernière] conformément à l’article 8 du Code
sion, dans les résultats de l’associé, la CAA avait com-         général des impôts, ne saurait révéler à elle seule aucune

Nº 1247 - 1er JUILLET 2019                       Les Nouvelles Fiscales                                                           21
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